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Introduction

aux théories
de la personnalité
Carole Fantini-Hauwel
Maquette de couverture :
Le Petit Atelier
Maquette intérieure :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
Composition :
Soft Office

© Dunod, 2018
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-077276-6
Je voulais remercier les étudiants de BA2 de la faculté des sciences
psychologiques et de l’éducation de l’Université Libre de Bruxelles qui
ont accepté de relire les différentes parties de cet ouvrage et m’ont
permis de le clarifier autant que faire se peut.

Merci à Cass en particulier pour son souci du détail et pour bien


d’autres choses encore…

À Tom Federer & Simon Omeyer…


Table des matières
Introduction ............................................................................................................................................ 9

CHAPITRE  – LA PERSONNALITÉ......................................................................................... 13
1. Qu’est-ce que l’étude de la personnalité ? ........................................................... 15
1.1 Les buts des recherches sur la personnalité ............................................. 16
1.2 Approche nomothétique versus idiographique .................................... 17
1.3 Considérations sous-jacentes aux recherches
dans le domaine de la personnalité................................................................ 19
2. Qu’est-ce que la personnalité et qu’est-ce qu’une théorie
de la personnalité ? ............................................................................................................. 27
2.1 Définition de la personnalité ............................................................................. 27
2.2 Qu’est-ce qu’une théorie ou un modèle de la personnalité ? ........ 32
Conclusion ........................................................................................................................................ 35

CHAPITRE  – TAXONOMIE DES TRAITS DE PERSONNALITÉ............................. 37


1. Histoire des traits ................................................................................................................ 39
2. Début d’une science des traits .................................................................................... 40
3. Les différentes taxonomies des traits de personnalité ............................... 49
3.1 Les différentes approches pour établir les traits ................................... 50
3.2 Les principales taxonomies ou théories des traits ............................... 52
4. Critiques psychométriques du modèle en cinq facteurs .......................... 68
5. Les traits de personnalité sont-ils stables ? ........................................................ 71
5.1 Approche pour la stabilité des traits............................................................. 72
5.2 Approche contre la stabilité des traits......................................................... 74
Conclusions ...................................................................................................................................... 77
6. Le tempérament................................................................................................................... 78
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

6.1 Différences entre tempérament et trait de personnalité ................ 78


Conclusion ........................................................................................................................................ 85
7. L’héritabilité et les bases génétiques de la personnalité ............................ 88
7.1 Méthodologie des études génétiques ........................................................... 88
Conclusion ........................................................................................................................................ 100

7
Introduction aux théories de la personnalité

CHAPITRE  – LES MODÈLES OU THÉORIES DE LA PERSONNALITÉ ............... 101


1. De la dimension intrapsychique où prédomine l’inconscient .............. 103
1.1 Les approches psychodynamiques ................................................................ 103
2. En passant par l’expérience phénoménologique ........................................... 114
2.1 Les approches existentielles-humanistes.................................................. 114
3. Vers les schémas cognitifs et le traitement de l’information ................. 122
3.1 Les approches cognitives...................................................................................... 122
4. Un détour vers le biologique…................................................................................... 132
4.1 Les approches psychobiologiques et neurocognitives ..................... 132
Conclusion ........................................................................................................................................ 140

Conclusion générale ........................................................................................................................... 143

Références bibliographiques ......................................................................................................... 145

Index ............................................................................................................................................................ 157

8
Introduction
« Ne confondez pas ma personnalité et mon
attitude. Ma personnalité est qui je suis, et mon
attitude dépend de qui vous êtes. »
Anonyme.

Merci à MV pour cette citation qui souligne la difficulté à distinguer


personnalité et attitudes, dans la mesure où la personnalité va expliquer
certaines tendances comportementales avec lesquelles elle ne peut être cepen-
dant confondue et qui illustre de manière juste le débat sur l’interaction
« personne-situation » qui anime toujours nos travaux.

Le champ de la psychologie différentielle est particulièrement


vaste, s’attachant à décrire, comprendre et expliquer les diffé-
rences tant interindividuelles (les différences entre individus)
qu’intra-individuelles (les différences pour un même individu dans
des contextes spécifiques). L’étude de la personnalité est une des
thématiques qui a fait, et fait, encore l’objet de nombreux travaux
au sein de cette discipline. Et pour cause… Qu’est-ce que la person-
nalité ? se confond-elle avec le tempérament ? Quid du caractère ?
Comment comprendre les variations de personnalité d’un individu
à l’autre ? Quelle est son origine, fruit de notre patrimoine biolo-
gique, de nos interactions précoces ? Comment se développe-t-elle ?
Sommes-nous toujours les mêmes de l’enfance à l’âge adulte ou à la
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sénescence ? Sommes-nous tous bien plus similaires que différents ?


Comment la personnalité influence-t-elle nos comportements et
nos prises de décision, notre santé tant mentale que somatique ?…
Ces questions ne sont pas nouvelles. On en retrouve les premiers
jalons dans l’Antiquité.

Autant de questions, et bien d’autres encore, avec des réponses


multiples qui dépendent des nombreux paradigmes théoriques en

9
Introduction aux théories de la personnalité

psychologie. Alors, une des premières questions qui nous vient


à l’esprit quand on parle de personnalité est en quoi l’étude de la
personnalité est-elle scientifique ? Bien sûr, tout un chacun a une
représentation de ce qu’est la personnalité d’untel ou untel, mais
pourtant ces représentations naïves qui nous servent à fonctionner
et nous adapter dans notre environnement ne sont pas toujours
justes d’un point de vue scientifique. En effet, nous inférons souvent
des caractéristiques de personnalité à partir de l’observation du
comportement des personnes que nous rencontrons, mais pour
autant, ces comportements peuvent refléter non pas la personnalité
mais l’attitude qui va dépendre du contexte et des enjeux personnels
sous-jacents. Ici apparaît une des grandes questions concernant la
personnalité : celle-ci s’exprime-t-elle toujours de la même manière
et quelle que soit la situation ou est-ce que la situation en elle-même,
ses caractéristiques, mêmes les plus ténues, peut activer certaines
tendances comportementales reflétant des traits de personnalité
particuliers, suggérant alors une certaine variabilité contextuelle dans
l’expression de celle-ci ?

Pour tenter de répondre à ces questions, il fallait d’abord pouvoir


décrire la personnalité, c’est-à-dire proposer des « labels » suffisam-
ment stables et consistants d’un individu à l’autre, d’une culture
à l’autre. Nous verrons qu’il n’y a pas qu’une seule façon de décrire
la personnalité mais qu’on retrouve tout de même de grandes dimen-
sions qui sont communes à certains modèles. Pouvoir décrire les
éléments caractéristiques de la personnalité supposait par ailleurs
d’être en mesure d’évaluer ces caractéristiques. Nous disposons d’un
certain nombre d’outils pour mesurer et décrire la personnalité, ou
plutôt pour établir les variations quantitatives et qualitatives d’une
caractéristique chez un individu ou groupe d’individus. Le développe-
ment de ces outils répondait aussi au besoin d’inscrire la psychologie
de la personnalité dans le champ de la psychologie scientifique, et de
manière concomitante de pouvoir s’appuyer sur ses méthodes afin de
tester les connaissances et développer des théories qui soient empi-
riquement fondées. Toutefois, toutes les théories ne se prêtent pas
à cet exercice, souvent pour des raisons idéologiques (refus de toute

10
Introduction

standardisation ou normalisation des comportements), ou simple-


ment parce que certains concepts sont difficiles à opérationnaliser (la
notion d’auto-actualisation dans la théorie de Rogers par exemple).

Cet ouvrage est destiné aux étudiants des cursus de psychologie


mais aussi à ceux et celles qui dans leur pratique travaillent avec
l’humain et doivent composer avec la personnalité des personnes
qu’ils rencontrent.

Le premier chapitre de cet ouvrage tente de définir ce qu’est l’étude


de la personnalité, les fondements sous-jacents à une psychologie
scientifique de la personnalité, ses buts, les deux grandes approches
qui opposent souvent, à tort, étude de l’individu dans sa singularité
et étude de groupes d’individus pour définir des caractéristiques
communes. Ces deux approches se nourrissent mutuellement ; ceci
permettant d’aller vers une définition de la personnalité et des théo-
ries de la personnalité.

Le deuxième chapitre propose un tour d’horizon des différentes


conceptions ou système de classification (taxonomie) des traits de
personnalité. Identifier le modèle le plus consensuel et le nombre de
dimensions optimales pour décrire la personnalité permettra aussi
de questionner la stabilité des traits de personnalité et la question de
l’origine biologique de ceux-ci. En effet, trancher sur cette question
implique d’utiliser des dimensions qui soient suffisamment solides
et réplicables pour obtenir des données pertinentes qui permettent
d’affiner nos modèles théoriques. Quel sens cela aurait-il de travailler
sur la stabilité des traits de personnalité si chacun utilise des concepts
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qui ne sont observés que dans un contexte particulier, non transfé-


rables à d’autres cultures, et finalement tout à fait locaux ? Un modèle
théorique de la personnalité suppose ainsi de répondre à des critères
scientifiques qui seront précisés. L’objectif est de pouvoir établir des
modélisations (il n’y a en effet pas une seule façon de comprendre les
choses) qui soient généralisables et permettent au mieux de s’appro-
cher de ce qu’est la nature de l’homme. Lorsque nous parlons de
personnalité, nous verrons qu’il y a différents niveaux hiérarchiques

11
Introduction aux théories de la personnalité

allant de tendances comportementales concrètes jusqu’à des niveaux


d’abstraction rendant compte de traits de personnalité plus larges
recouvrant de multiples facettes et tendances de réponses. Toutefois,
les recherches portant sur les traits de personnalité ont été histori-
quement ancrées dans l’étude des adultes alors que le tempérament
était un concept habituellement associé à l’enfance. Nous verrons
également comment distinguer ce qui relève de la personnalité et du
tempérament, et comment ces deux notions s’articulent entre elles.

Le dernier et troisième chapitre sera consacré aux différentes


manières de concevoir et d’expliquer la personnalité partant de
conceptions totalement psychiques pour aller vers le rôle et l’im-
portance de l’environnement externe, pour finalement intégrer les
aspects cognitifs et biologiques dans des conceptions plus intégratives.

Tous les modèles théoriques ou les auteurs ayant contribué à la


psychologie de la personnalité ne seront pas repris ici, non pas parce
qu’ils manquent d’intérêt ou de pertinence, mais simplement parce
que d’autres ouvrages les abordent et que nous avons fait le choix
d’insérer des éléments qui ne sont pas forcément présents dans
ces ouvrages. Une liste des livres complémentaires de celui-ci sera
proposée en fin d’ouvrage.

12
Chapitre 1
La personnalité
Sommaire
1. Qu’est-ce que l’étude de la personnalité ? ................................. 15
2. Qu’est-ce que la personnalité et qu’est-ce qu’une théorie
de la personnalité ? ....................................................................... 27
Le terme personnalité vient du latin persona, qui désignait des
masques de théâtre utilisés pendant l’Antiquité pour exprimer une
émotion ou une attitude. Ce mot signifiait également « jouer un rôle ».
L’intérêt pour la personnalité n’est pas nouveau puisque déjà dans
l’Antiquité grecque, les philosophes décrivaient des types de person-
nalité (Hippocrate, 460-370 av. J.-C.).

Si dans le langage courant, le recours au terme de « personnalité »


est fréquent, il rend surtout compte du besoin de catégoriser, de clas-
sifier en fonction de certaines caractéristiques qui permettent à tout
à chacun de se repérer, d’anticiper ou de prévoir le comportement :
« celui-ci à une personnalité explosive » ! Cependant, la différence
entre les conceptions « tout venant » et celles des psychologues
réside dans l’étayage théorique et l’ancrage résolument scientifique
qui fonde la définition même de la personnalité. Même si pour les
psychologues, tout comme pour le grand public, les notions de
description et de classification sont présentes, ces dernières sont
attestées par des recherches rigoureuses qui permettent de les valider.

Si vous pensez à une personne que vous connaissez bien – ami(e), parents,
petit(e) ami(e)…– et que l’on vous demande de la décrire afin de pouvoir en
dresser une image assez fidèle, un peu comme si vous deviez la présenter
à quelqu’un qui ne la connaît pas, et bien il est fort probable que vous
recouriez à des adjectifs pour la décrire.
Ces adjectifs servent à qualifier, catégoriser et, in fine, à anticiper les
réponses d’un individu. Si votre ami(e) est colérique, il est aussi fort probable
que vous vous attachiez à ne pas le contrarier ! enfin… sauf si cela vous
amuse, ce qui renseigne également sur vos propres caractéristiques !
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1. Qu’est-ce que l’étude de la personnalité ?


Une des difficultés qui apparaît ici est celle de donner une défini-
tion uniforme de la personnalité. En effet, puisque cette notion s’étaye
en regard de la théorie du chercheur ou du psychologue, il est évident
que la conception qu’ils ont de la personnalité reflète leur position

15
Introduction aux théories de la personnalité

théorique. Et nous verrons que ces conceptions peuvent donner lieu


alors à des définitions assez différentes. De plus, dans le cadre de
la recherche, la définition et la théorie à laquelle nous souscrivons
vont définir les variables et les objets de nos recherches. Alors,
avant de définir ce qu’est la personnalité, il va nous être utile de
comprendre les buts sous-jacents aux recherches dans le domaine
de la personnalité.

1.1 Les buts des recherches sur la personnalité

La plupart des travaux de recherches sont sous-tendus par trois


objectifs : décrire, expliquer et prédire.

1. Décrire : il s’agit de pouvoir rendre compte des différences


et des similitudes, en terme de personnalité, de la manière la plus
exhaustive et fine possible. Les psychologues qui s’intéressent à ces
questions vont tenter de définir les caractéristiques et les traits
centraux de la personnalité ainsi que la manière dont ils sont reliés.

2. Expliquer : il s’agit ici d’expliquer les différences et les simi-


litudes de même que leur origine. D’où viennent-elles, pourquoi
certaines personnes présentent-elles certaines caractéristiques et
pas d’autres… L’explication est ce qui sous-tend le développement
des théories de la personnalité.

3. Prédire : une des questions qui animent certains chercheurs est


celle de la prédiction des comportements sur base des caractéris-
tiques de personnalité. En effet, certains traits, certaines différences
individuelles, peuvent-ils prédire des conséquences positives ou
négatives en termes de santé, comportements, relations inter-
personnelles ou d’adaptation à l’environnement ? Ces traits de
personnalité sont-ils suffisamment stables dans le temps au point
de prédire des comportements récurrents ? Cet aspect souligne ici
l’importance de l’évaluation de la personnalité, notamment parce
que des conséquences négatives prédites en lien avec certaines

16
La personnalité ■ Chapitre 1

caractéristiques vont permettre de prendre des décisions sur ce


qu’il convient de considérer dans une prise en charge psychologique
par exemple…

L’objectif principal des recherches dans le domaine de la person-


nalité reste l’élaboration de modèles explicatifs (théories). En
clinique par exemple, la vulnérabilité à un trouble X ou Y peut être
sous-tendue par certains traits de personnalité ou certaines diffé-
rences individuelles qui vont contribuer à l’apparition du trouble en
question, et ce, bien sûr, en conjonction avec bien d’autres facteurs.
Il serait illusoire de penser que la prédiction d’un comportement
soit strictement linéaire (pas au sens statistique du terme), sans
interaction avec d’autres éléments, tels que l’environnement par
exemple, même si cette position n’est pas partagée par tous les
courants théoriques comme nous le verrons plus loin.

S’il y a de nombreuses théories de la personnalité, il y a aussi diffé-


rentes méthodes d’appréhension de son objet qui sont généralement
liées à la position théorique du chercheur. L’étude de la personnalité
peut s’envisager par le recours à la psychométrie, l’expérimentation,
l’étude de jumeaux, l’étude de cas… Ces méthodes peuvent être
décrites au sein de deux grandes approches.

1.2 Approche nomothétique versus idiographique

Allport a souligné l’importance de faire la distinction entre l’ap-


proche nomothétique et l’approche idiographique pour l’étude de la
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personnalité (Allport, 1937).

L’approche nomothétique renvoie à la collecte de données, peu


nombreuses, prises sur de grands échantillons afin d’édifier des lois
et des principes généraux. Il s’agit d’une approche normative, centrée
sur les variables et les relations qu’elles entretiennent les unes avec
les autres. Dans ce contexte, on cherche, par exemple, à établir des
relations entre des variables, expliquer pourquoi elles sont liées, ou

17
Introduction aux théories de la personnalité

faire des hypothèses sur la capacité de ces variables à prédire une


troisième variable…

Exemple d’approche nomothétique


L’objectif de cette recherche de fin permettent d’évaluer ces deux
d’études est de mieux connaître variables, à des étudiants de premier
les liens entre la dépression et cycle (n = 560). La corrélation de
l’alexithymie qui est une différence Pearson montre une relation de .37
individuelle caractérisée par des entre les scores de dépression et
difficultés à verbaliser et exprimer d’alexithymie, significative à p ≤ .001.
ses émotions et un mode de pensée Ceci signifie que plus les scores
orientée vers l’extérieur plus que d’alexithymie augmentent, plus
vers les expériences internes. La l’intensité de la symptomatologie
question qui se pose est de savoir dépressive augmente également,
si cette différence individuelle prédit générant l’idée que l’alexithymie
des scores de dépression plus élevés. est probablement un facteur qui
Le chercheur propose alors de remplir vulnérabilise à la dépression via des
des questionnaires, dont certains mécanismes encore à l’étude.

60
r = .3,7 , p ≤ .001
50
Scores de dépression

40
30
20
10
0
0 20 40 60 80 100
Scores d’alexithymie

Figure 1. Exemple d’approche nomothétique des relations


entre alexithymie et dépression.

À l’opposé, l’approche idiographique renvoie à la collecte d’un


grand nombre de données, prises sur un individu ou un faible nombre
d’individus. L’étude de cas est emblématique de l’approche idiogra-
phique qui est une approche centrée sur les personnes. Il s’agit de
déterminer toutes les caractéristiques d’un individu et de tenter de
comprendre comment se sont développées ces caractéristiques.

18
La personnalité ■ Chapitre 1

Exemple d’approche idiographique


« Mme C, 45 ans, d’origine italienne face à n’importe quelle situation
et récemment arrivée en France, désagréable, ses émotions ayant une
consulte dans le cadre de difficultés intensité très vite trop élevée. Elle
à gérer ses émotions. En particulier, exprime depuis longtemps un certain
face à des événements interper- nombre de plaintes somatiques (qui
sonnels où elle se sent rejetée, elle n’ont jamais été associées à des
ressent une boule dans la gorge, pathologies médicales). Elle se
une oppression dans la poitrine et révèle par ailleurs particulièrement
explique que mille et une idées néga- sociable, chaleureuse, en dépit de
tives la tourmentent sans cesse, lui son manque d’estime d’elle-même. »
rappelant combien elle est insa-
tisfaisante, inintéressante et peu On relèvera par exemple ici des
digne d’être appréciée. L’anamnèse caractéristiques de personnalité
de la patiente permet de mettre en telles que la tendance à se sentir
évidence qu’elle tend la plupart du menacée, une réactivité émotionnelle
temps à envisager le pire lorsque importante aux situations négatives,
quelque chose d’imprévu survient, des plaintes somatiques, qui sont
qu’elle réagit de manière importante évocatrices du neuroticisme.

1.3 Considérations sous-jacentes aux recherches


dans le domaine de la personnalité

1.3.1 L’étude de la personnalité est une science

Indubitablement, la psychologie de la personnalité est une science


même si ce statut a été difficile à admettre pour certains (behaviou-
ristes notamment), compte tenu du fait que la personnalité n’est
pas observable, qu’elle représente la face cachée et mystérieuse de
l’individu. Elle a un objet d’étude (la personnalité) et des méthodes
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d’examen (questionnaires, méthodes expérimentales, observation,


méthodes psycho-biologiques…). La science de la personnalité pour-
rait être définie comme l’étude interdisciplinaire et intégrative de
l’origine et du développement des différences individuelles mais aussi
l’étude de la cohérence intra-individuelle au sein des comportements,
affects et cognitions (Cervone & Mischel, 2002). Elle s’est dotée de
méthodes d’investigation qui lui permette d’investiguer la personna-
lité de manière empirique.

19
Introduction aux théories de la personnalité

Outre la collecte de données via des questionnaires, la personnalité


est de plus en plus investiguée via le recours aux méthodes expéri-
mentales ou en regard de corrélats psychobiologiques :

Exemple
Étude de la timidité et de la sociabilité par électroencéphalographie (EEG)
chez 271 étudiantes en licence (bachelier) de psychologie (Schmidt, 1999).
Les résultats ont montré que la sociabilité était associée à une augmen-
tation de l’activité EEG dans la région frontale gauche alors que la timidité
était associée à une activité EEG plus importante dans la région frontale
droite. L’usage des méthodes physiologiques confirme que la timidité et la
sociabilité sont bien deux dimensions distinctes.

Cela étant, il y a les théories scientifiques de la personnalité mais


aussi les théories implicites ou naïves que chacun d’entre nous a déve-
loppées : nous avons tous articulé des caractéristiques spécifiques,
présentes chez un individu, à des comportements ou des attitudes
particulières, sorte de cartographie des comportements possibles
d’autrui en fonction de certaines de ses caractéristiques. Cette
« psychologie de la vie quotidienne » permet d’anticiper et prédire
les comportements de façon à s’adapter à son environnement. Mais
pour autant, ces prédictions naïves sont-elles toujours justes ?

Les théories de la personnalité dérivent de la collecte systématique


d’évidences empiriques au moyen de procédures reproductibles, ce
qui les distingue des pseudo-sciences ou de la religion (Cacioppo,
2004).

Les théories les plus imposantes dans ce domaine (telle que la


théorie des cinq facteurs ou Big Five) sont fondées sur des bases
empiriques solides, permettent des prédictions nouvelles qui peuvent
être testées et qui vont conduire à de nouvelles découvertes.

20
La personnalité ■ Chapitre 1

1.3.2 La personnalité, ça n’est pas juste


du sens commun ou du bon sens populaire

Si la plupart des étudiants qui entrent à l’université arrivent avec


des connaissances limitées, il n’en est pas de même pour ceux qui
participent à un cours sur la personnalité (voir point ci-dessus sur
les théories implicites). Nombre d’entre eux ont le sentiment que
certains faits exposés sont connus de longue date et que nous ne
faisons qu’enfoncer des portes ouvertes : « et bien ça, on le sait depuis
longtemps ! ». L’intuition développée tout au long des expériences
de vie contribue à percevoir la personnalité comme n’étant pas
un champ d’investigation scientifique à part entière. La différence
réside pourtant dans le fait que l’intuition n’est pas empirique ! En
revanche, l’intuition peut conduire à développer et tester des hypo-
thèses de manière scientifique. Certaines intuitions peuvent être
justes, fausses ou n’être justes que pour certaines personnes, dans
certaines situations…

Exemple
Dans les représentations popu- Les conclusions d’une étude
laires ou communes, il n’est pas menée par Barelds (2005) qui
rare d’entendre « qui se ressemble, a évalué 282 couples pour établir
s’assemble ». Intuitivement, on pour- si oui ou non les partenaires se
rait penser, comme le suggère cette ressemblaient, en considérant la
citation très ancienne (remontant personnalité sous l’angle des Big
à l’Antiquité elle aussi !), que les Five, invalide cette représentation
couples présentent des caractéris- pourtant très courante. Les conjoints
tiques de personnalité semblables, se ressemblent peu en termes de
ce qui les a sûrement rapprochés. personnalité, donc qui s’assemble ne
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mais qu’en est-il au juste ? se ressemble pas dans ce contexte !

1.3.3 La personnalité doit être considérée


dans une perspective critique

Comme dans les autres domaines de la science, une perspective


crititique est nécessaire dans l’étude de le personnalité.

21
Introduction aux théories de la personnalité

Il est important de ne pas simplement accepter les assertions sur


la personnalité mais plutôt de toujours les questionner, les examiner
scrupuleusement afin d’évaluer leur pertinence.

C’est de la critique et de la remise en question que la recherche et


les théories progressent ; que de nouvelles découvertes émergent…

Il y a de bonnes études scientifiques mais aussi de mauvaises.


Chaque étude a ses propres limitations et celles-ci peuvent considé-
rablement nuancer la portée des résultats obtenus.

L’effet Barnum
Un des effets les plus spectaculaires, votre personnalité, mais vous savez
illustrant la nécessité de garder l’es- généralement les compenser. Vous
prit critique quant aux recherches et avez un potentiel considérable
ce qu’elles véhiculent, a été nommé que vous n’avez pas encore utilisé
« effet Barnum » suite à une ingé- à votre avantage. À l’extérieur, vous
nieuse manipulation (Forer, 1949). êtes discipliné et vous savez vous
contrôler, mais à l’intérieur, vous
tendez à être préoccupé et pas très
L’effet Barnum désigne la tendance
sûr de vous- même. Parfois, vous
des gens à accepter qu’une
vous demandez sérieusement si
description floue et vague de leur
vous avez pris la bonne décision
personnalité s’applique précisé-
ou fait ce qu’il fallait. Vous préférez
ment à eux-mêmes, alors que cette
une certaine dose de changement
description peut désigner n’importe
et de variété, et devenez insatisfait
quelle personne.
si on vous entoure de restrictions
Forer proposa alors un test de et de limitations. Vous vous flattez
personnalité à ses étudiants. En d’être un esprit indépendant ; et vous
guise de résultats, il leur envoya un n’acceptez l’opinion d’autrui que
compte rendu, supposé être indivi- dûment démontrée. Vous trouvez
dualisé pour chacun d’entre eux mais qu’il est maladroit de se révéler trop
surtout fabriqué à partir de diffé- facilement aux autres. Par moments
rentes rubriques d’un horoscope, et vous êtes très extraverti, bavard
qui donnait ceci : et sociable, tandis qu’à d’autres
« Vous avez besoin d’être aimé moments vous êtes introverti,
et admiré, et pourtant vous êtes circonspect, et réservé. Certaines de
critique avec vous- même. Vous vos aspirations tendent à être assez
avez certes des points faibles dans irréalistes. »

22
La personnalité ■ Chapitre 1

Après la prise de connaissance du (pertinence faible) à 5 (pertinence


rapport personnalisé, Forer demanda parfaite). 30,1 % des étudiants ont
à chaque étudiant de noter la perti- considéré ce questionnaire comme
nence de la description de leur étant modérément pertinent alors
personnalité sur une échelle de 0 que 43,2 % d’entre eux l’ont considéré
(médiocre) à 5 (excellent). comme ayant une pertinence excel-
La moyenne des évaluations était lente et 8,9 % comme étant parfait. Et
de 4, 26 (sur cinq !) indiquant que la tout ceci sans avoir aucune connais-
majorité des étudiants avaient consi- sance en termes de psychologie de
déré que la description qu’ils avaient la personnalité, de questionnaires de
reçue, pourtant inventée de toutes mesures validés, de psychométrie…
pièces, était une bonne ou excellente La moyenne à cette question était
description de leur personnalité. de 3,37 ±1.
Cette étude a été répliquée à de À la question de savoir dans quelle
maintes reprises, aboutissant systé- mesure la description de leur profil
matiquement aux mêmes résultats. correspondait à leurs caractéris-
Plus récemment, la même étude a été tiques de personnalité et ce, sur
répliquée à des fins pédagogiques une échelle allant de 0 (faible corres-
sur un auditoire d’étudiants (n = 738) pondance) à 5 (correspondance
de première année en Psychologie, parfaite), 19,9 % ont indiqué que le
lors du second cours de théorie profil proposé leur correspondait
de la personnalité, soit 15 jours modérément, 51,1 % trouvèrent que
après la rentrée universitaire, ce ce profil les décrivait de manière
qui limitait leur connaissance à ce excellente et 20,3 % d’entre eux
propos (Fantini-Hauwel, 2016-18, non trouvèrent une correspondance
publié). L’inventaire de personnalité parfaite ! La moyenne du groupe
HEXACO-60 (Ashton & Lee, 2009) leur était de 3.80 ±0,92. Nous retrouvons
a été proposé, suivi par le résultat ici cet effet « barnum » qui suggère
« individualisé » de leur question- que lorsqu’une « autorité » supposé-
naire. Il leur était ensuite demandé ment compétente vous propose une
d’indiquer dans quelle mesure le description de votre personnalité
questionnaire proposé était perti- qui dit tout et son contraire dans
nent pour révéler la personnalité une même phrase, l’esprit critique
et ce sur une échelle allant de 0 se perd !
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.3.4 Le développement de la personnalité reflète


à la fois des facteurs internes à l’individu
mais aussi externes

Selon les modèles théoriques auxquels ils adhèrent, certains


psychologues peuvent privilégier une perspective purement biolo-
gique ou purement psychique et donc interne. D’autres, au contraire,

23
Introduction aux théories de la personnalité

considèrent ce qui relève de l’interne, tant dans la dimension


psychique que biologique, mais aussi ce qui relève de l’environne-
ment, envisageant alors une interaction entre l’interne et l’externe
pour définir la personnalité. Les psychologues qui s’inscrivent dans
cette perspective interactionniste, ou plutôt transactionnelle, assu-
ment l’idée que les comportements sont le résultat d’influences
réciproques entre des facteurs situationnels (environnement) et
l’individu. La réciprocité implique que les comportements vont aussi
modeler et influencer l’individu, de même que la situation, et ce, de
manière continue.

Exemple
Les attitudes parentales façonnent sur les attitudes parentales pour les
la personnalité de l’enfant. Elles raisons exposées ci-avant, attitudes
auraient ainsi une influence sur le qui peuvent être différentes en fonc-
développement de leur personna- tion de la personnalité des enfants
lité. Mais ces attitudes parentales d’une même fratrie (environnement
sont aussi fonction d’un nombre non partagé) : ceux- ci peuvent
important de facteurs tels que devenir intolérants, excédés, plus
les relations antérieures avec rigides ou délibérément adopter une
ses propres parents, l’expérience attitude calme et apaisante. Ainsi,
quant au fait d’être parent, leur la situation dans laquelle se trouve
niveau de bien-être mais aussi leur l’enfant va se modifier en fonction
propre personnalité. Cependant, de ces influences et interactions
les réponses comportementales de réciproques, ce qui contribue au
l’enfant face à une situation vont développement des caractéristiques
aussi, en retour, avoir une influence de sa personnalité.

La personnalité est façonnée à la fois par des influences génétiques-


biologiques, culturelles et environnementales. Parmi ces dernières,
la culture joue un rôle important. Si la personnalité ne peut pas être
restreinte à la notion de culture, il n’en demeure pas moins que la
culture est une part importante du développement de la personnalité
(Kluckhohn, 1954).

Qu’est-ce que la culture ? Ce terme est en effet vaste et diffère selon


les disciplines : « La culture est à la société ce que la mémoire est
à l’individu » (Kluckhohn, 1954). Elle renvoie aux valeurs partagées,

24
La personnalité ■ Chapitre 1

normes sociales, codes, croyances, comportements admis ou pas…,


en lien avec l’époque dans laquelle les individus sont immergés, et
transmises d’une génération à l’autre notamment par l’apprentis-
sage social et l’imitation. La culture peut influencer la manière dont
certaines variables individuelles, telles que le concept de soi, sont
construites, et contribuer à des différences individuelles communes
à l’ensemble d’un groupe issu d’une culture particulière.

Exemple
La notion de « self- construal » produire ce riz pour vous, si vous
(perception du Soi en regard de la ne le mangez pas, il va se sentir
relation aux autres) renvoie, soit mal pour ses efforts qui auront été
à l’indépendance vis-à-vis d’autrui, vains » (Markus, 1991).
soit à l’interdépendance dans le Dans les cultures asiatiques, le bien-
sens d’une connexion aux autres. être subjectif est positivement corrélé
Dans les cultures occidentales, le à l’estime de soi et aux relations
« self-construal » est indépendant harmonieuses, tout comme dans la
(individualisme) alors que dans la culture américaine. Toutefois, si le
culture japonaise, il est interdépen- poids de l’estime de soi et celui des
dant (collectivisme). relations harmonieuses sont équiva-
Des parents américains diraient lents pour prédire le bien-être dans la
à leurs enfants qui refusent de population japonaise, l’estime de soi
manger, la chose suivante : « Pensez était le prédicteur le plus important
aux enfants qui meurent de faim en dans l’échantillon américain (Kwan,
Éthiopie, et appréciez la chance que Bond, & Singelis, 1997).
vous avez d’être différent d’eux » Source : Culture and the self :
alors que des parents japonais Implications for cognition,
diraient plutôt : « Pensez à l’agri- emotion, and motivation
culteur qui a travaillé si dur pour (Markus & Kitayama, 1991).

Toutefois, si la culture influence le développement de la personna-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

lité et des différences individuelles, de nombreuses études montrent


que des traits de personnalité de base (extraversion, neuroticisme,
ouverture, agréabilité et caractère consciencieux1) sont communs et
retrouvés dans toutes les cultures, suggérant que les traits de person-
nalité sont alors l’expression de la biologie humaine plutôt que le
produit des expériences de vie (McCrae et al., 2000). Évidemment,

1. Ces termes seront définis plus bas.

25
Introduction aux théories de la personnalité

cette perspective du tout biologique fait l’objet de controverses et


s’oppose à des modèles plus interactionnistes ou biopsychosociaux.
Il serait peut-être plus juste de dire que la personnalité est le résultat
d’influences biologiques modérées par la culture et l’environne-
ment. Ces questions sont au cœur des différentes théories de la
personnalité qui visent à rendre compte du développement de celle-
ci. Certaines de ces théories font une place centrale aux facteurs
psychiques (modèles psychanalytiques freudiens par exemple),
d’autres aux processus biologiques (Costa & McCrae, pour ne citer
que ceux-ci), ou encore aux processus sociocognitifs (Bandura,
Mischel & Shoda).

1.3.5 La personnalité s’exprime de multiples manières

Les différences individuelles s’expriment sous de multiples formes.


La personnalité peut en effet s’exprimer au travers de différences
individuelles dans le domaine des émotions, des comportements, des
cognitions, des tendances sociales ou de la motivation… Qui plus est,
l’expression d’une caractéristique de personnalité va être modulée
par la situation dans laquelle se trouve l’individu.

Exemple
Certains individus expriment leurs émotionnelle avec laquelle nous
émotions et d’autres pas. Certaines réagissons face à un événement
personnes ont une préférence pour diffère d’un individu à l’autre :
les activités sociales qui facilitent certaines personnes ressentent
les relations interpersonnelles les émotions positives de manière
alors que d’autres privilégient le très intense alors que d’autres vont
retrait social et ne cherchent pas exprimer plutôt du contentement.
les contacts sociaux. De la même Par ailleurs, certaines tendances
manière, certaines personnes ont individuelles peuvent être modé-
besoin de stimulations fortes alors rées par le contexte ou par certaines
que d’autres vont plutôt privilé- habiletés. Par exemple, la colère-trait
gier un environnement calme et (disposition personnelle à éprouver
peu excitant… Certaines personnes de la colère) peut s’exprimer dans le
vont pleurer devant un film triste domaine familial mais être contrôlée
au cinéma et d’autres ne pas être par l’individu dans le contexte
affectées. De même, l’intensité professionnel.

26
La personnalité ■ Chapitre 1

Points clés
• L’étude de la personnalité a pour • Son étude nécessite d’adopter une
but la description, l’explication et la pensée critique et chaque étude,
prédiction. chaque théorie, doit être évaluée afin
• L’approche nomothétique suppose de tester la validité de ses conclu-
la collecte d’un faible nombre de sions et leur portée.
données sur un grand nombre de • La personnalité est une construc-
participants afin d’identifier des tion multifactorielle à la croisée
thèmes généraux et de principes du biologique, de la culture et de
applicables au plus grand nombre. l’environnement ; ces éléments
• L’approche idiographique implique interagissant pour expliquer les
la collecte d’un grand nombre de différences individuelles et leurs
données sur un petit groupe ou une différentes formes d’expression.
seule personne afin de comprendre • La personnalité modifie l’envi-
la complexité de l’individu. ronnement dans lequel se trouve
• La personnalité est une science l’individu et les réponses de cet
basée sur des théories et des environnement, qui en retour, contri-
recherches empiriques et non pas buent à modifier la personnalité en
sur du sens commun. développement.

2. Qu’est-ce que la personnalité


et qu’est-ce qu’une théorie de la personnalité ?
« Personality is far too complex a thing to be
trussed up in a conceptual straightjacket1 »
(Allport, 1955).

2.1 Définition de la personnalité


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Historiquement, ce sont les travaux de Gordon Allport qui ont


contribué à la diffusion et à l’usage du terme « personnalité » en
psychologie. En dépit du fait qu’il considérera la difficulté de définir
un objet aussi vaste et complexe que celui de personnalité, il en
proposera la définition suivante : « la personnalité est l’organisation

1. « La personnalité est beaucoup trop complexe pour être enfermée dans une camisole
de force conceptuelle. »

27
Introduction aux théories de la personnalité

dynamique, au sein de l’individu, de systèmes psychophysiques qui


déterminent ses adaptations uniques à l’environnement » (Allport,
1937) pour la compléter ensuite par « et qui déterminent ses compor-
tements et pensées caractéristiques » (Allport, 1961).

Les définitions de la personnalité ne manquent pas et Allport en


avait répertorié plus de 50 en 1937. Plus récemment, Larsen & Buss
en proposent la définition suivante : « la personnalité est un ensemble
de traits et de mécanismes, internes à l’individu (intrinsèque), qui sont
organisés et relativement persistants, et qui influencent l’interaction
et l’adaptation à l’environnement intrapsychique, physique et social »
(Larsen & Buss, 2009 ; Larsen, Buss, Wismeijer, Song, & van den Berg,
2017). Revenons sur chaque élément important de cette définition.

1. Un ensemble de traits psychologiques, c’est-à-dire des carac-


téristiques qui décrivent les différences individuelles mais aussi les
similitudes entre individus. Ces traits font l’objet de la plupart des
études dans le domaine de la personnalité.

Exemple : égoïsme, extraversion, sensibilité à la recherche de sensation,


anxiété-trait…

2. Un ensemble de mécanismes ou plutôt de processus qui


implique le traitement de l’information : une personne extra-
vertie va être sensible à certaines informations de nature sociale
ou interpersonnelle alors qu’une personne présentant un trait de
type neuroticisme va, par exemple, être sensible aux informations
négatives. Ces mécanismes impliquent également toute une série
de critères qui amènent à prendre une décision quant à l’informa-
tion et ainsi potentiellement guider le comportement. Attention car
ces mécanismes ne sont pas activés tout le temps ! Vous n’êtes pas
toujours courageux ou jaloux, 24/24 h.

28
La personnalité ■ Chapitre 1

Prise de décision
en fonction Comportement
Information de certains critères
entrante émis (Recherche
(menace (Évaluation de soutien social
par exemple) de la pertinence par exemple)
de l’information
pour soi par exemple)

Figure 2. Processus de traitement de l’information

3. Internes à l’individu : chaque personne porte en elle sa person-


nalité, tout le temps et quelles que soient les situations ! Ceci sous-tend
une des grandes questions de la psychologie de la personnalité et des
différences individuelles : celle de la constance des différences indi-
viduelles (ou traits) au travers des situations.

Plus concrètement, est-ce que les différences individuelles persistent tout


au long de la vie ? Ont-elles la même importance dans la prédiction des
comportements à mesure que l’âge avance ? L’expression de ces différences
individuelles est-elle constante, récurrente au travers des situations vécues ?

4. Qui sont organisés et relativement persistants : les traits et


les mécanismes sont organisés en un tout cohérent, et s’expriment
tout au long de la vie de par leur stabilité et ce quelles que soient les
interactions. Ceci est aussi une question en débat où pour certains, la
constance des traits est relativement faible (position de Srivastava par
exemple) alors que, pour d’autres, elle est très importante (approche
Big Five de Costa & McCrae).
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Ici s’opposent par exemple la théorie en 5 facteurs et les modèles


sociocognitifs qui insistent sur l’importance de l’environnement et
des situations, arguant que les traits de personnalité ne s’expriment
pas de manière constante dans toutes les situations.

5. Qui influencent les interactions « personne-environnement » :


notre personnalité influence nos manières de réagir, la façon dont

29
Introduction aux théories de la personnalité

nous nous percevons, dont nous pensons notre monde environnant,


la manière dont nous interagissons avec les autres, comment nous
nous sentons, comment nous sélectionnons notre environnement,
nos objectifs de vie… Ces influences s’expriment au travers :

• Notre perception, c’est-à-dire la manière dont nous voyons ou


interprétons les choses.

Exemple : le test projectif du Rorschach (1921)


Il s’agit d’un test de personnalité qui faire de même. Vous verrez que vos
consiste à décrire ce que vous voyez réponses sont différentes, qu’elles
dans une tache configurale particu- ne reflètent pas forcément la même
lière. S’il y a des réponses courantes manière d’appréhender la forme
(ou banales) à cet examen, la plupart proposée. En effet, certains d’entre
du temps, elles reflètent une élabo- vous élaboreront une réponse
ration et une construction toute à partir de la globalité de la tache
personnelle basée sur ce que chacun alors que d’autres partiront d’un
voit au travers de ces taches d’encre. détail pour proposer une réponse
Vous pouvez décrire ce que vous globale ou au contraire plusieurs
voyez dans les planches ci-dessous réponses qui s’originent dans diffé-
(figure 3) et demander à d’autres de rentes parties de la planche.

Figure 3. Quatre planches de Rorschach

30
La personnalité ■ Chapitre 1

• La sélection des situations dans lesquelles nous choisissons


d’entrer.

Si j’ai un besoin de stimulation forte, il va de soi que je choisirais plus spécia-


lement des activités qui vont produire ces stimulations ! En revanche, si
l’agitation me perturbe ou si je ne l’apprécie guère, je préférerais passer plus
fréquemment des soirées calmes ou « soirée télé » au fond de mon canapé.

• De ce que nous produisons comme réactions chez les autres, non


intentionnellement.

Une personne avec un haut niveau d’énergie ou d’excitation peut provoquer


des réponses d’agacement chez certaines personnes par exemple, de même
qu’une personne plutôt pessimiste peut entraîner des conduites d’évitement
chez d’autres.

• De la manière dont nous allons volontairement agir sur les


pensées, les sentiments et les comportements d’autrui.

Si je suis très exigeante envers moi-même, il y a de forte chance que je le


sois aussi vis-à-vis des autres. Idem, si je suis très ordonnée, j’exigerai
probablement que mon partenaire range ses affaires, et aide aux tâches
quotidiennes.

6. Et l’adaptation, ce qui inclut l’atteinte de ses objectifs person-


nels, les stratégies d’ajustement et la capacité à faire face aux
situations ou problèmes qui surviennent dans la vie de tous les jours.
Certains aspects de la personnalité peuvent exposer à des difficultés
adaptatives.

En psychologie de la santé, de qu’un mode de pensée concrète,


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nombreuses études se sont préférentiellement orientée vers les


penchées sur les différences indi- aspects extérieurs d’une situation,
viduelles qui pouvaient conduire a souvent été associée aux troubles
à l’adoption de comportements cardiovasculaires.
à risque pour la santé. Dans ce contexte médical, il a été
L’alexithymie, dont la définition observé que les personnes alexithy-
recouvre des difficultés d’identifi- miques présentant des symptômes
cation des émotions, de description évocateurs d’un syndrome corona-
des émotions à autrui, de même rien aigu, consultaient souvent trop

31
Introduction aux théories de la personnalité

tardivement après les premiers Population : 83 patients répartis en


symptômes. Or, le délai entre le 2 groupes.
moment où une personne éprouve 1. Un groupe de patients (n = 47) dont
des douleurs ou de l’inconfort en lien le délai entre les premiers symp-
avec un infarctus du myocarde aigu tômes et le 1er diagnostic ECG est < à
et le recours aux services médicaux, 2 heures : Prise en charge précoce.
est crucial pour la survie. En effet,
2. Un groupe de patients (n = 36) dont
plus la reperfusion cardiaque est
le délai entre les premiers symp-
rapide (dans un délai < à 2 heures),
tômes et le 1er diagnostic ECG est > à
meilleures sont les chances de
2 heures : Prise en charge tardive.
préserver la fonction cardiaque.
Au-delà de 2 heures, les chances Mesures : Évaluation des caracté-
de survie diminuent drastiquement. ristiques démographiques, de la
Certaines différences individuelles symptomatologie psychiatrique et
ou traits de personnalité peuvent de l’alexithymie.
influencer le délai de prise de déci-
sion et ceci pourrait être le cas Résultats : Il n’a pas été observé
pour les personnes présentant un d’effet des variables démogra-
niveau élevé d’alexithymie. L’étude phiques, de l’anxiété ou de la
qui suit de Carta & al. (2013) teste dépression sur le délai de prise en
donc l’hypothèse d’un effet de l’alexi- charge. En revanche, les patients
thymie sur le temps mis à prévenir qui avaient des scores d’alexithymie
les secours lors de l’apparition de élevés avaient 3,7 fois plus de
signes évocateurs d’infarctus. risques de consulter tardivement !

7. À l’environnement, à la fois physique qui peut représenter une


menace directe, mais aussi social (travail, relations intimes, apparte-
nance…) et intrapsychique (mémoires, rêves, désirs…).

Cette définition de la personnalité étant posée, voyons ce qu’est


une théorie ou un modèle de la personnalité, ce à quoi doit répondre
un modèle avant d’être considéré comme tel, avant d’envisager les
perspectives théoriques qui seront abordées plus tard.

2.2 Qu’est-ce qu’une théorie


ou un modèle de la personnalité ?

Étudier la personnalité revient à établir des modèles de fonction-


nement, identifier des similitudes et des différences individuelles

32
La personnalité ■ Chapitre 1

qui permettent de prédire et d’expliquer certains de nos comporte-


ments, comment un individu pense, ressent et agit… Ces modèles
de fonctionnement ne se limitent pas à l’étude isolée de telle ou telle
composante ou tel trait de personnalité. Il s’agit aussi de mettre en
relation les traits et les processus, et d’en étudier les interactions.
Ainsi une théorie est un outil conceptuel qui permet de comprendre
certains phénomènes. Ces théories font référence à des concepts
(ou construits théoriques ; l’extraversion est un construit théorique)
et des propositions sur la manière dont ils sont reliés (propositions
théoriques).

Un modèle théorique devrait ainsi pouvoir rendre compte, autant


que faire se peut, d’un grand nombre de phénomènes et permettre
de répondre aux questions suivantes (Mehrabian, 1991) :
1. En quoi le comportement est-il fonction de la personnalité ?
2. En quoi le comportement est-il fonction d’une situation ?
3. En quoi le comportement est-il fonction de l’interaction entre une
situation et la personnalité ?
4. Comment la personnalité se développe-t-elle dans le temps ?
5. Quelles interventions sont nécessaires pour modifier la personna-
lité, si tant est que cela soit possible ?

Ainsi, un modèle de la personnalité devrait nous guider pour


définir les caractéristiques des personnes, comprendre les raisons
pour lesquelles elles agissent d’une certaine manière et comment
elles sont devenues ce qu’elles sont.

Enfin, toutes les théories ne se valent pas d’un point de vue scien-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tifique. En effet, elles doivent répondre à certains critères pour être


considérées comme pertinentes :

La vérifiabilité : elle suppose qu’une théorie, de par l’opération-


nalisation précise des concepts qu’elle utilise, soit testable via des
recherches empiriques qui permettront de la réfuter ou non. C’est
par l’invalidation des hypothèses que la théorie permet de formuler
que celle-ci peut évoluer.

33
Introduction aux théories de la personnalité

L’exhaustivité : une théorie utile et pertinente doit pouvoir expli-


quer un large éventail de comportements. Toutefois, le plus est
parfois l’ennemi du moins. Une théorie qui cherche à expliquer un
trop grand nombre de phénomènes prend le risque de définir ses
concepts, et les relations qu’ils entretiennent, de manière trop vague,
ou imprécise, empêchant alors toute vérifiabilité.

La valeur heuristique : une théorie doit permettre de guider les


chercheurs vers de nouvelles découvertes.

La parcimonie : une théorie qui explique un ensemble de phéno-


mènes avec quelques propositions ou hypothèses sera toujours
supérieure à une théorie qui explique les mêmes phénomènes mais
avec un plus grand nombre de propositions ou hypothèses. Le plus
simple n’est cependant pas toujours le mieux car il faut satisfaire aux
critères précédents et notamment celui de l’exhaustivité. Par ailleurs,
la personnalité est un sujet complexe qui souvent nécessite le recours
à de nombreux concepts, de nombreuses propositions.

La compatibilité et l’intégration : une bonne théorie ne doit pas


contredire des faits déjà bien établis.

La valeur appliquée : une théorie de la personnalité doit pouvoir


guider les professionnels pour qui la personnalité est importante
dans leur domaine de travail : psychothérapie, psychologie du travail,
etc. Souvent il y a un décalage entre la portée pragmatique pour les
professionnels et l’intérêt intellectuel qui occupe les chercheurs. On
observe ceci via l’usage, au niveau professionnel, de modèles insuf-
fisamment validés sur le plan empirique mais qui ont une portée
pratique utile et qui ont du sens pour les professionnels sur base de
leur expérience.

Si l’étude de la personnalité consiste à examiner les différences


individuelles ou les dimensions le long desquelles les personnes
diffèrent les unes par rapport aux autres, elle doit aussi tenir compte
du caractère unique de l’individu, dans une conception intégrée

34
La personnalité ■ Chapitre 1

où il est considéré comme un tout et non pas comme la somme


de ses parties. Il y a plusieurs niveaux d’analyse de la personnalité
(Kluckhohn & Murray, 1948) :
1. ce qui relève de la nature humaine et est donc commun à l’en-
semble des êtres humains ;
2. ce qui relève des différences individuelles et qui n’est donc commun
qu’à certains individus ;
3. ce qui relève de la singularité, c’est-à-dire l’expression toute
personnelle de quelque chose chez un individu.

Définir ce qui est commun ou différent et décrire des différences


individuelles supposent de disposer de marqueurs fiables, repro-
ductibles, quels que soient les individus, les groupes d’individus et
quelle que soit la culture d’appartenance. Ces marqueurs doivent
être suffisamment précis pour ne rendre compte que d’une seule et
même caractéristique et doivent être suffisamment concrets pour
être facilement identifiés au travers des comportements. En effet, les
caractéristiques de la personnalité ne sont observables qu’au travers
du comportement. Ce sont ces marqueurs que nous appelons des
traits de personnalité, soit les unités de bases qui permettent de
décrire la personnalité (Cloninger, 2018).

Conclusion
Les premières descriptions de la personnalité remontent à très loin
et pointaient déjà l’association entre caractéristiques personnelles,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

émotions et facteurs biologiques. C’est sous l’influence d’Allport


qu’une science de la personnalité émergera.

La définition de ce qu’est la personnalité fait relativement consensus


pour une grande majorité des chercheurs mais les théories qui tentent
d’expliquer son développement et son origine restent dépendantes
des conceptions théoriques auxquelles chacun souscrit.

35
Chapitre 2
Taxonomie des traits
de personnalité
Sommaire
1. Histoire des traits...................................................................... 39
2. Début d’une science des traits .................................................. 40
3. Les différentes taxonomies des traits de personnalité ............... 49
4. Critiques psychométriques du modèle en cinq facteurs ............ 68
5. Les traits de personnalité sont-ils stables ?.............................. 71
6. Le tempérament ........................................................................ 78
7. L’héritabilité et les bases génétiques de la personnalité............ 88
1. Histoire des traits
Le terme « trait de personnalité » (ou disposition de personnalité) est
utilisé pour caractériser des tendances stables, des patterns de compor-
tements récurrents. Les recherches portant sur les traits ont surtout
tenté de définir le nombre de ceux-ci, leur nature ou leur organisation.

La description de traits de personnalité remonte à l’Antiquité. Nous


pouvons en trouver les prémisses chez Aristote (Éthique, 400 ans
av. J.-C.) qui décrivait des dispositions liées à la vertu (comportements
moraux et immoraux), telles que la modestie, la lâcheté ou la vanité.
Qui plus est, il suggérait l’existence de différences individuelles dans
ces dispositions : celles-ci pouvaient se trouver en excès, en déficit ou
à un niveau intermédiaire chez un individu.

En dehors d’Aristote, les premières ébauches quant à ce qui


ressemble à une « théorie des traits » remontent à Hippocrate (460-
370 av. J.-C.) qui élabore une théorie des 4 humeurs pour expliquer
les maladies physiques. Selon lui, la santé dépendait de l’équilibre
harmonieux entre quatre « humeurs » ou « fluides corporels » : le
sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire. Ces humeurs corres-
pondent elles-mêmes aux quatre éléments : le feu, l’air, la terre et
l’eau. Ces quatre éléments se voient à leur tour attribuer une qualité
propre : chaud, sec, froid et humide. Ces quatre humeurs deviendront
les bases du tempérament selon Galien (129-201 av. J.-C.), médecin
grec, qui proposera alors que la prédominance de l’une ou de l’autre
de ces quatre humeurs définisse un style émotionnel caractéristique
ou « tempérament » : le sanguin (tempérament actif, sang), le mélan-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

colique (tempérament triste, bile noire), le colérique (type violent,


excès de bile jaune), et le flegmatique (calme : lymphe). Ces termes
sont encore utilisés de nos jours dans le langage courant.

À l’heure actuelle, trois aspects issus de ces théorisations anciennes


demeurent d’actualité :
• des facteurs biologiques sous-tendent des caractéristiques
observables ;

39
Introduction aux théories de la personnalité

• les émotions sont vues comme les caractéristiques centrales qui


définissent le tempérament ;
• étonnamment, les quatre tempéraments décrits dans l’Antiquité
grecque s’insèrent parfaitement dans les quatre quadrants qui
émergent lorsque l’on croise les deux dimensions de person-
nalité secondaires définies par Eysenck : le neuroticisme et
l’extraversion.

C’est finalement dans les années 1920 et au début des années 1930
que l’étude des traits deviendra réellement scientifique.

2. Début d’une science des traits


Les traits sont des constructions, ou construits, qui ont été inventés
afin de rendre intelligibles des caractéristiques qui ne sont pas
observables et qui ne peuvent être réduites à l’état d’entités réelles.
L’extraversion n’existe pas tant en tant qu’objet réel mais en revanche
elle permet de donner un sens, un cadre conceptuel, à un ensemble
de caractéristiques observables (Dumont et al., 2010, p. 149).

Allport a eu une grande influence sur la psychologie de la person-


nalité et notamment sur le développement d’une science des traits. La
question qui animait les chercheurs était celle de savoir quels étaient
les termes pertinents pour décrire la personnalité. Allport et Odbert
(1936) avaient recensé 18 000 termes pour décrire la personnalité dans
un dictionnaire anglais. Comment réduire alors le nombre impres-
sionnant de ces termes qui existent dans le langage pour décrire la
personnalité ? Et par ailleurs que fait-on de ces termes si différents
mais qui pourtant désignent une caractéristique commune ?

Exemple
Méticuleux, soigneux, attentionnés, précis ⇒ Caractère consciencieux
Sympathique, sociable, enjoué, chaleureux ⇒ Extraversion

40
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Une solution a été de considérer qu’il y a des descripteurs larges


des traits mais aussi des descripteurs plus restreints ou étroits. On
parle alors de dimensions secondaires pour évoquer les traits larges
et de dimensions primaires pour évoquer les traits étroits. L’usage
de dimensions larges (secondaires) s’inscrit dans une perspective
nomothétique alors que les dimensions plus étroites (primaires)
caractérisent plus finement un individu et renvoient alors à l’ap-
proche idiographique.

Exemple
Descripteurs ou traits « larges », dits secondaires : caractère consciencieux,
extraversion
Descripteurs ou traits « étroits » dits primaires : méticuleux, sympathique,
sociable…

Par ailleurs, pour être qualifiés de traits, ceux-ci doivent posséder


certaines caractéristiques (Allport, 1931) :
• Les traits ont plus qu’une existence réduite à une simple nomi-
nation ou terminologie : ce sont des entités réelles qui résident
à l’intérieur de chaque personne.
• Un trait est bien plus généralisé qu’une habitude : les habitudes
surviennent dans des situations spécifiques alors que les traits
sont des inclinaisons transversales qui peuvent être évoquées
par des stimuli divergents.
• Un trait est dynamique en ce sens où son activation va dépendre
des situations, des circonstances et donc ne pas se manifester
systématiquement d’un point de vue comportemental.
• La présence d’un trait peut être établie empiriquement ou
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

statistiquement au moyen de mesures qui permettent de les


quantifier.
• Un trait de personnalité n’est pas la même chose qu’une qualité
morale (une qualité morale est quelque chose d’arbitraire et
définie socialement).
• Les actes ou les habitudes qui ne sont pas cohérents avec un
trait particulier ne prouvent pas son inexistence. On peut agir
contre son inclinaison de temps à autre.

41
Introduction aux théories de la personnalité

• Un trait de personnalité est rarement totalement indépendant


des autres traits dans la mesure où le contenu et les processus
de plusieurs traits se chevauchent.
• Un trait de personnalité peut être considéré soit de manière
nomothétique et donc en référence au groupe, soit de manière
idiographique à savoir au sein de la personnalité d’un individu.

L’étude des traits de personnalité suppose alors plusieurs éléments :


• La possibilité de procéder à des recueils de données systéma-
tiques : évaluation des traits soit via des questionnaires, des
études de cas, soit dans le discours… Ceci pose néanmoins une
difficulté qui est liée au fait que les traits ne sont pas observables
directement mais inférés à partir des patterns de comportements
de l’individu, connus pour être des indicateurs de ces traits (Carr
& Kingsbury, 1938).
• La nécessité de disposer d’outils statistiques adéquats pour
analyser ces données : corrélations et analyse factorielle, et plus
récemment les analyses d’équations structurales qui permettent
d’isoler des variables latentes (dimensions secondaires ici). C’est
surtout l’avènement de l’analyse factorielle qui contribuera
à l’évolution de la psychologie scientifique des traits.
• Le développement de théories qui soient empiriquement véri-
fiables et « testables ».

Les conceptions actuelles des traits de personnalité reposent sur


deux hypothèses centrales :
• les traits sont stables dans le temps : si nous admettons que le
comportement d’un individu peut, quelque peu, varier d’une
situation à l’autre, il n’en demeure pas moins que ces traits
constituent un noyau endurant qui détermine la vraie nature de
l’individu. Nous reviendrons sur la question de la stabilité plus
loin puisqu’elle fait l’objet de nombreuses études et controverses,
et que cette question reste centrale dans l’orientation prise par
les modèles théoriques de personnalité ;
• les traits influencent le comportement.

42
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Exemple
Utilisation d’un questionnaire pour 1, plus ils contribuent fortement au
recueillir des données qui permet- facteur en question. Si un coefficient
tront de réaliser des analyses est associé à un signe négatif, cela
statistiques (analyse factorielle ici) signifie juste qu’il faut renverser le
pour identifier la structure des traits score de l’item. Par exemple ; l’item
de personnalité (Fantini- Hauwel, 53 « Même en cas d’urgence, je ne
données non publiées et récoltées panique pas » est négativement
à des fins d’illustration pédagogique). associé à la composante 1, qui au
Analyse factorielle des données vu du contenu des items reflète
recueillies avec l’inventaire HEXACO- la dimension émotionnalité. En
PI-R (Ashton & Lee, 2009). effet, cette dimension mesure les
Cet inventaire est composé de réponses émotionnelles aux situa-
60 items, cotés sur une échelle de 1 tions qui génèrent des émotions
(pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait négatives. Un score élevé reflète
d’accord), relatifs à la personnalité ainsi une sensibilité plus impor-
et a été proposé à des étudiants en tante aux affects négatifs. Ainsi, une
1re année de psychologie (n = 847). personne qui indique un score élevé
Lors du développement d’un outil, à l’item 53 n’est pas sujette à l’an-
on ne connaît pas par avance quel xiété lors de situations d’urgence,
est le nombre exact de facteurs qui alors que celles-ci ont un score faible
va apparaître pour décrire la struc- le sont. Pour respecter le sens de
ture de l’inventaire. Ici, pour des cette dimension, il convient alors
raisons pédagogiques, nous avons de renverser l’item (une personne
délibérément extrait 6 facteurs cotant 5 points à cet item se verrait
pour respecter la structure facto- alors attribuer le score de 1).
rielle initiale de l’inventaire. Vous Le contenu des items par compo-
pouvez lire le tableau de résultats sante semble montrer que la
final ci-après (p. 44 à 48). L’analyse composante 1 reflète donc l’émo-
factorielle montre qu’à l’intérieur des tionnalité, la composante 2,
6 facteurs, les items se regroupent l’extraversion, la composante 3, le
d’une certaine manière. Ici pour des caractère consciencieux, la compo-
raisons de clarté, nous ne reportons sante 4, l’honnêteté-l’humilité, la
que les coefficients importants par composante 5, l’ouverture à l’expé-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

items au sein de chaque facteur. rience et la composante 6 refléterait


Plus ces coefficients sont proches de l’agréabilité.

43
44
Inventaire HEXACO-PI-R

N° Items Composante
1 2 3 4 5 6
Je me sens très émotif(ve) quand une personne qui m’est proche s’en va pour
47 0,62
une longue période.
Lorsqu’une expérience douloureuse m’afflige, j’ai besoin de quelqu’un pour me sentir
17 0,61
mieux.
23 Voir quelqu’un pleurer me donne envie de pleurer moi-même. 0,60
Je reste impassible même dans des situations où la plupart des gens deviennent très
59 –0,56
émotifs.
Introduction aux théories de la personnalité

41 Je peux gérer les situations difficiles sans le soutien moral de qui que ce soit. –0,55
53 Même en cas d’urgence, je ne panique pas. –0,54
11 Parfois, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour des incidents sans importance. 0,53
29 Les dangers physiques me font très peur. 0,46
35 J’ai tendance à beaucoup moins m’inquiéter que la plupart des gens. –0,42
40 Me faire des amis est ma priorité quand je suis dans un nouvel environnement. 0,41
5 J’ai peur de voyager en cas d’intempéries. 0,31
19 Porter attention aux idées radicales est une perte de temps. 0,21
46 La plupart des gens sont plus optimistes et dynamiques que moi. –0,67
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Inventaire HEXACO-PI-R (suite)

22 La plupart du temps, je suis jovial(e) et optimiste. 0,65


Dans des situations sociales, je suis la personne qui fait généralement les premiers
34 0,59
pas.
58 Lorsque je suis en groupe, je suis souvent le ou la porte-parole. 0,58
28 J’estime que je suis une personne peu populaire. –0,52
10 Je fais rarement part de mes opinions pendant des réunions de groupe. –0,52
52 J’estime parfois que je suis une personne sans valeur. –0,51
Je préfère les emplois qui exigent une interaction sociale active à un emploi où il faut
16 0,51
travailler seul.
4 Je me sens raisonnablement satisfait de moi-même dans l’ensemble. 0,48
38 Je fais toujours mon travail avec minutie, même lorsque cela exige plus de temps. –0,63
2 J’organise et je prévois à l’avance afin d’éviter de tout bousculer à la dernière minute. –0,61
50 On me qualifie souvent de perfectionniste. –0,59
32 Je ne fais que le strict minimum de mon travail. 0,57
44 Je fais beaucoup d’erreurs, parce que je ne pense pas avant d’agir. 0,56
26 Au travail, mon désordre me cause parfois des problèmes. 0,54
56 Je préfère être spontané(e) que de m’en tenir à un plan. 0,50
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

45
46
Inventaire HEXACO-PI-R (suite)

N° Items Composante
1 2 3 4 5 6
Lorsque je prends des décisions, je me fie à mon intuition du moment plutôt que
20 0,49
de prendre le temps d’évaluer rationnellement la question.
14 Lorsque je travaille, je me soucie peu des petits détails. 0,49
8 Je me donne au maximum afin d’atteindre un but. –0,47
48 Je veux que les gens sachent que je suis une personne importante et supérieure. 0,63
24 Je crois mériter plus de respect qu’une personne moyenne. 0,59
Introduction aux théories de la personnalité

Pour obtenir quelque chose de quelqu’un en particulier, je rirais de ses blagues même
30 0,58
si elles sont plates.
Si j’avais la certitude de ne jamais me faire prendre, je volerais volontiers un million
12 0,56
de dollars.
Je serais tenté(e) d’utiliser de la fausse monnaie si j’étais certain(e) de ne jamais
60 0,53
me faire prendre.
42 Posséder des articles de luxe me ferait très plaisir. 0,51
18 Avoir beaucoup d’argent n’est pas particulièrement important pour moi. –0,51
Je n’aurais pas recours à la flatterie pour obtenir une augmentation de salaire
6 –0,46
ou une promotion, même si je crois que cela aurait d’excellentes chances de réussir.
36 Je n’accepterais jamais de pot-de-vin, aussi gros soit-il. –0,43
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Inventaire HEXACO-PI-R (suite)

Je ne ferais pas semblant d’aimer une personne dans le seul but d’obtenir une faveur
54 –0,41
d’elle.
J’aimerais bien créer une œuvre d’art comme un roman, une chanson ou une
13 0,65
peinture.
25 Si j’en avais la chance, j’aimerais bien assister à un concert de musique classique. 0,64
1 Visiter une galerie d’art m’ennuierait. –0,57
37 On me dit souvent que j’ai beaucoup d’imagination. 0,54
55 Parler de philosophie m’ennuie. –0,48
43 J’aime bien les gens qui sont capables d’une vision non conventionnelle des choses. 0,48
49 Je ne me considère pas comme une personne artistique ou créative. –0,44
31 Je n’ai jamais vraiment aimé feuilleter une encyclopédie. –0,43
7 Apprendre l’histoire et les politiques d’autres pays m’intéresse. 0,41
21 Les gens trouvent que je suis une personne qui se fâche facilement. –0,64
45 La plupart des gens se fâchent plus rapidement que moi. 0,64
15 Les gens disent parfois que je suis une personne têtue. –0,55
27 Mon attitude envers ceux qui m’ont traité injustement est de « pardonner et oublier ». 0,54
Je suis rarement rancunier(ère), même envers les personnes qui m’ont causé
3 0,54
de graves préjudices.
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

47
48
Inventaire HEXACO-PI-R (fin)

N° Items Composante
1 2 3 4 5 6
Même lorsque les gens commettent de nombreuses erreurs, j’émets rarement
51 0,49
des commentaires négatifs.
Introduction aux théories de la personnalité

Je suis plutôt flexible dans mes opinions lorsque les gens ne sont pas d’accord
39 0,43
avec moi.
9 Les gens me disent parfois que je juge trop les autres. –0,39
Lorsqu’on me dit que j’ai tort, ma réaction première est de défendre mon point
57 –0,37
de vue.
33 Je juge souvent les autres avec indulgence. 0,25
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Si deux hypothèses centrales sont décrites, il y a aussi deux concep-


tions des traits qui apparaissent dans la littérature (Larsen & Buss, 2009) :
• une vision des traits décrits comme des phénomènes internes,
responsables des comportements : une perspective causale.
Ces traits renvoient aux désirs, aux besoins fondamentaux
(nécessaires car vous ne pouvez pas faire sans), et aux besoins
moins nécessaires. Cela étant, la présence d’un trait n’implique
pas l’apparition systématique du comportement en question
(exemple : si j’ai besoin d’être en position de leadership, je ne vais
pas toujours exprimer les comportements en rapport avec ceci
dans toutes les situations). Ces traits peuvent rester inexprimés
tout en étant toujours présents ;
• une vision des traits qui privilégie l’idée que ceux-ci représentent
un résumé descriptif des caractéristiques d’une personne, sans
inférer de causalité : une perspective descriptive. Dans ce
contexte, le ou les comportements exprimés ne sont pas forcé-
ment causaux mais lié(s) aux caractéristiques d’une situation.

Enfin, le développement des méthodes statistiques, et notamment


l’analyse factorielle, ont contribué à réduire le nombre de caractéris-
tiques permettant de décrire la personnalité en unités plus réduites
et de proposer différentes taxonomies des traits de personnalité.
Toutefois, toutes les taxonomies ne sont pas issues des méthodes
statistiques, ce qui n’est pas un problème au demeurant, Allport
refusant par exemple de se situer dans une démarche quantitative,
privilégiant une approche qualitative (Dumont et al., 2010, p. 157).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3. Les différentes taxonomies


des traits de personnalité
Une taxonomie des traits de personnalité est une nomenclature,
une classification de ces traits qui, sous réserve de validité et de repro-
ductibilité, va servir de référence. Un des objectifs du développement
d’une taxonomie est de définir des catégories globales dans lesquelles

49
Introduction aux théories de la personnalité

un large nombre de cas peuvent être compris de manière simplifiée


(John & Srivastava, 1999). Ainsi, il devient alors possible d’étudier des
domaines spécifiques de la personnalité plutôt que de se centrer sur
des caractéristiques isolées qui participent du caractère unique d’un
individu et au demeurant innombrables ! Le développement d’une
taxonomie scientifiquement valide est une condition préalable au
développement de théories censées expliquer les causes et les méca-
nismes de la personnalité (Eysenck, 1991). Par ailleurs, l’ensemble des
travaux conduits par les chercheurs se référant d’une même taxo-
nomie va permettre d’accumuler les évidences empiriques et ainsi
permettre de construire les connaissances.

3.1 Les différentes approches pour établir les traits

L’étude des traits de personnalité repose sur trois approches


différentes : l’approche lexicale, l’approche statistique et l’approche
théorique. Ces approches sont parfois utilisées de manière conjointe
(notamment approche lexicale et statistique).

Ces approches ont toutes pour but d’identifier des traits communs
qui puissent rendre compte ou décrire la personnalité en termes
simples d’où l’importance d’une taxonomie pertinente de la person-
nalité et nombreuses sont celles qui ont été l’objet de réanalyses pour
attester de leur solidité.

3.1.1 L’approche lexicale

L’hypothèse lexicale, formulée par Galton (1884), suppose que


toutes les différences individuelles sont encodées dans le langage
naturel. Seuls les mots qui sont réellement utiles pour décrire un
individu sont finalement maintenus dans le répertoire langagier usuel
de la plupart des personnes. Deux critères sont à considérer :
• la fréquence des synonymes : s’il y a des nombreux mots pour
désigner une caractéristique ou un attribut, alors cette dimen-
sion est supposée être importante ;

50
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

• l’universalité interculturelle : si une caractéristique de person-


nalité, ou différence individuelle, est supposée être importante
alors elle doit avoir sa correspondance dans tous les langages
(Goldberg, 1981 ; Goldberg & Saucier, 1996). Ainsi, si un trait
de personnalité est important dans toutes les cultures, il doit
être codifié. En revanche, si une caractéristique n’apparaît que
dans quelques langages ou cultures, il s’agira alors d’une carac-
téristique “locale”.

Ces deux critères sont essentiels pour établir une taxonomie des
traits de personnalité qui soit universelle (McCrae & Costa, 1997).
L’approche lexicale est à l’origine des travaux sur les descripteurs
de la personnalité et c’est la méthode statistique qui permettra de
tenter d’isoler le nombre de ces descripteurs.

3.1.2 L’approche statistique

À partir d’items (questions ou propositions qui composent un


questionnaire) ou des mots issus de l’approche lexicale, on va appli-
quer des méthodes statistiques pour identifier des dimensions ou
des groupes d’items qui rendent compte d’un phénomène commun.
Généralement on utilise l’analyse factorielle qui identifie des groupes
d’items qui covarient de la même manière. Il s’agit d’une approche
athéorique.

3.1.3 L’approche dite « théorique »

Elle dépend évidemment du paradigme théorique auquel le cher-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

cheur adhère. Ce paradigme dicte en quelque sorte les variables


d’intérêt à étudier. Par exemple, dans le modèle freudien, un cher-
cheur n’ira pas étudier l’extraversion. Il s’attachera à identifier des
éléments tels que la personnalité orale, ou anale par exemple.

51
Introduction aux théories de la personnalité

3.2 Les principales taxonomies ou théories des traits

3.2.1 Gordon Allport (1897-1967)

Allport fut un des premiers à s’intéresser à la personnalité en


tant que telle. Contrairement à de nombreux théoriciens, il a étudié
la personnalité chez des adultes sains, partant du principe que les
recherches en psychopathologie, et donc menées sur des individus
en souffrance, ne sont pas transposables au sujet émotionnellement
indemne. De plus, particulièrement chez les adultes puisque les
troubles émotionnels s’organiseraient à partir de l’enfance ce qui
signifie déjà une déviation de la normale et donc une impossibilité
à généraliser.

Le modèle d’Allport (1937 ; 1961) s’inscrit dans une perspective


humaniste dans la mesure où il considère que la personnalité est
fonction d’une combinaison unique (donc singulière) de caractéris-
tiques qui guide la manière dont une personne perçoit et interprète
le monde dans lequel elle évolue. Il considère donc que la person-
nalité est le produit d’une composition de traits propres à chaque
individu : nous possédons tous une configuration unique de traits
universels. La définition qu’il proposera parmi les 50 répertoriées
(cf. supra) met en avant l’aspect dynamique, c’est-à-dire que même
si la personnalité est en constant changement et en constante évolu-
tion, celle-ci n’en est pas moins organisée et loin d’être le fruit
du hasard. Elle n’est ni totalement mentale, ni totalement biolo-
gique, et toutes ses facettes dirigent nos comportements et pensées
spécifiques. En effet, pour Allport, la personnalité est le reflet de
notre hérédité qui déterminera notre intelligence, nos caractéris-
tiques physiques et notre tempérament ; tout ceci étant façonné,
modelé ou limité par notre environnement social. De fait, il est
improbable que deux individus puissent être identiques en terme de
personnalité tant les combinaisons génétiques sont innombrables
et les environnements sociaux dans lesquels les individus évoluent,
différents. Ceci explique pourquoi Allport privilégiera l’approche
idiographique pour étudier le plus finement possible la personnalité,

52
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

plutôt qu’une approche qui cherche à établir des lois ou des simi-
litudes dans de vastes groupes d’individus.

Les caractéristiques de personnalité sont appelées « traits » et


caractérisent des dispositions à se comporter de manière similaire
en fonction de différents stimuli, non pas dans toutes les situations
mais dans la plupart d’entre elles. Allport proposera de faire une
distinction au sein de ces traits. Les traits qui définissent ce qu’il y a
d’unique et constant dans la personnalité d’un individu seront consi-
dérés comme des traits individuels. En revanche, les traits communs
désigneraient des caractéristiques communes à certains individus,
parce qu’ils vivent dans une même culture et partagent les mêmes
codes sociaux par exemple. Ces derniers peuvent changer en fonction
de l’évolution des normes sociales, des valeurs en vigueur, etc. Afin
d’éviter les confusions inhérentes au fait d’utiliser le terme « traits »
pour désigner ce qui est à la fois commun et unique, Allport appellera
dispositions personnelles ce qui relève des traits individuels, pour les
distinguer des traits qu’il réservera aux caractéristiques communes
à l’ensemble des personnes.

À l’intérieur des dispositions personnelles, il distinguera les traits


cardinaux qui sont rares mais souvent dominants et peu adaptatifs ;
les traits centraux qui expliquent la plupart des différences entre
individus (estimés entre 5 et 10 pour un individu) et qui sont ceux
que nous utilisons principalement pour décrire la personnalité d’une
personne ; et les traits secondaires, moins consistants et ayant moins
d’influence sur les comportements (attitudes qui apparaissent dans
des situations spécifiques).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ces traits posséderaient un certain nombre de caractéristiques :


• ils sont endurants et consistants : ils s’expriment de manière
fréquente et sont stables tout au long de la vie ;
• un trait est bien plus généralisé qu’une habitude : les habitudes
surviennent dans une situation spécifique alors que les traits
sont des inclinaisons transversales qui peuvent être évoquées
par des stimuli divergents ;

53
Introduction aux théories de la personnalité

• un trait est dynamique ;


• la présence d’un trait peut être établie empiriquement ou
statistiquement ;
• un trait de personnalité n’est pas la même chose qu’une qualité
morale (une qualité morale est quelque chose d’arbitraire et
définie en référence aux normes de la société) ;
• les actes ou les habitudes qui sont inconsistants avec un trait
ne prouvent pas son inexistence. On peut agir contre son incli-
naison de temps à autre. Par exemple, une personne introvertie
peut se comporter de manière extravertie avec les personnes
qu’elle connaît.

Toutefois, Allport ne se limitera pas à l’étude des traits mais s’inté-


ressera également à une notion fondamentale qui est le Self (qu’il
appelle Proprium), considérant que la personnalité constitue un
tout unifié où il y a intégration entre les réflexes, les habitudes, les
attitudes, les traits et le Self. En effet la personnalité est considérée
comme une structure hiérarchique, dont le plus haut niveau d’inté-
gration est le sens de soi (Self). Le Self ne sera pas ici développé parce
que cette notion, dans le modèle d’Allport, ne fait pas l’objet d’une
articulation avec le concept de trait qu’il a pourtant étudié.

Du point de vue développemental, Allport s’oppose à une vision


de la personnalité enracinée dans les motivations du passé, c’est-
à-dire que ce qui conditionne le comportement de l’adulte n’est
pas à rechercher dans les motivations infantiles. En effet, les traits
infantiles se développeraient plutôt en réponse à la satisfaction des
besoins et aux identifications parentales (entre autres). Il établit alors
une absence de continuum entre les motivations qui conduisent
au développement des traits dans l’enfance et les motivations qui
guident l’adulte. Les traits repérés dans le comportement de l’adulte
auraient ainsi leurs motivations propres et ne seraient plus mus
par des motivations infantiles : ces motivations auraient alors une
autonomie fonctionnelle. Les traits sont initialement des réponses
aux demandes situationnelles et sont des comportements innés et
instinctifs liés à la survie, qui vont progressivement développer cette

54
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

autonomie fonctionnelle : ces traits deviennent partie intégrante de la


personnalité et fonctionnent indépendamment des stimuli ou moti-
vations qui ont initié leur développement. Les liens entre motivations
passées et présentes ne seraient qu’historiques et non pas fonction-
nels. Ceci permet de comprendre pourquoi Allport se focalisera sur
le conscient, le présent et le futur, plus que sur l’inconscient et le
passé (d’autant qu’il qualifiera son unique rencontre avec Freud de
traumatique !).

Les critiques concernant la théorie d’Allport concernent principale-


ment son approche idiographique qui ne reflétait pas le « maintream »
de l’époque (et ça n’est toujours pas le cas actuellement !), ce qui rend
difficile toute généralisation. Plusieurs propositions qu’il avance sont
difficilement opérationalisables et donc n’ont donc pas été éprouvées
expérimentalement (Proprium, autonomie fonctionnelle). De plus, il
a proposé un modèle des traits ainsi qu’une proposition théorique du
développement de la personnalité mue par les motivations et valeurs.
Toutefois, il ne proposera pas d’articulation entre les deux modèles.

3.2.2 Raymond B. Cattell (1905-1998)

L’approche de Raymond Cattell est très différente de celle privi-


légiée par Gordon Allport dans la mesure où il a développé une
approche essentiellement basée sur les statistiques. Il utilisera
l’analyse factorielle et privilégiera une approche nomothétique
pour établir des principes généraux, et parfois idiographiques, pour
investiguer la réalité et la pertinence des traits de personnalité poten-
tiellement identifiés. L’objectif de Cattell était d’identifier les traits
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

les plus importants parmi les milliers qui servent à décrire l’indi-
vidu. Cattell a considéré que la personnalité devait être décrite en
termes d’unités de base – les traits – qu’il considère comme étant des
tendances à réagir relativement permanentes (consistante). Selon lui,
la personnalité est ce qui permet de faire une prédiction sur ce que
fera un individu dans une situation donnée (Cattell, 1950). Les traits
sont considérés comme des unités de base mais sont des concepts
abstraits, conceptuels, qui ont une visée prédictive mais qui n’ont pas

55
Introduction aux théories de la personnalité

forcément une réalité physique (tout comme chez Allport). Enfin,


avant de déterminer les causes de la personnalité, il considérait qu’il
était indispensable de décrire les traits de personnalité et que leur
description passait par le développement de mesures fiables.

Il proposera plusieurs façons de classifier les traits, afin de consi-


dérer à la fois ce qui relève des aptitudes, de la motivation, de la
personnalité et de l’état d’humeur. En effet, son ambition était de
pouvoir expliquer les différences individuelles dans tous les domaines
de la vie et ce, au travers de méthodes d’évaluation psychométriques
solides.

Cattell proposera de différencier les traits de personnalité selon


leur importance dans la détermination des comportements (Cattell,
1943a). Il distinguera les traits communs que l’on retrouve chez
tous les individus à des degrés divers (intelligence, extraversion…).
Chacun d’entre nous diffère en regard de l’importance ou de l’inten-
sité des traits communs mais aussi en fonction de ce qu’il appellera
les traits uniques qui sont propres à chacun d’entre nous. Ces
traits uniques désignent des caractéristiques qui sont partagées par
quelques individus et repérables plutôt au travers des intérêts et des
attitudes de chacun.

Enfin, il proposera de distinguer les traits de surface, c’est-à-dire


les traits qui sont les plus visibles et qui sont caractéristiques de la
personnalité d’un individu, des traits sources qui, s’ils permettent
d’expliquer le comportement, permettent aussi d’expliquer les
traits de surface. Ces traits sources sont les plus importants pour
comprendre la personnalité.

Une autre manière de catégoriser ces traits est de les regrouper


sous forme d’habiletés, de traits tempéramentaux et de traits dyna-
miques. Les habiletés désignent notre niveau d’efficacité à poursuivre
les buts qui sont importants pour nous. Les traits tempéramentaux
renvoient principalement au style général et au style émotionnel de
l’individu (est-ce que je suis plutôt irascible, plutôt enjoué(e), plutôt

56
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

fonceur(se), affirmé(e) ?). Enfin, les traits dynamiques désignent les


forces motivationnelles qui guident nos comportements.

La taxonomie de Cattell est celle qui comprend le plus grand


nombre de traits de personnalité : 16. Il débutera ses travaux sur
la base de la liste d’adjectifs élaborée par Allport & Odbert (1936,
approche lexicale) pour la réduire drastiquement à 4 500 termes. Il
développera le questionnaire 16PF (Sixteen Personality Factor) qui
aura pour but d’identifier les traits sources et non pas les traits de
surface, ces derniers étant jugés peu importants par Cattell puisque
ces traits de surface résultent de l’organisation ou de l’interaction
entre les traits sources (Cattell, 1943b).

Dans sa volonté de développer un questionnaire d’évaluation des


traits, il identifiera 23 traits primaires, parmi lesquels un facteur d’in-
telligence générale. Seules les 16 dimensions les plus robustes seront
conservées et évaluées par le 16 PF. Ces dimensions sont reprises dans
le tableau 1 qui suit. En dépit d’une utilisation importante de ce ques-
tionnaire dans de nombreux domaines, des critiques majeures ont été
formulées. Parmi celles-ci, il a été souligné que le nombre de facteurs
n’était pas réplicable, de même qu’un manque de consistance interne
de certaines dimensions. Ceci a donné lieu à plusieurs révisions de
ce questionnaire pour en améliorer les qualités psychométriques, la
version la plus récente étant le 16PF5 (Conn & Rieke, 1994).

Alors que ce questionnaire est censé traiter des dimensions


primaires de la personnalité, il s’avère que le 16PF et sa version
récente présentent également une structure factorielle hiérarchique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui rend compte de dimensions secondaires, ce que Cattell avait


également observé à partir de ses propres études (Dancer & Woods,
2006 ; Tupes & Christal, 1992). Ainsi, les dimensions secondaires qui
ont pu être identifiées sur base des analyses factorielles via les dimen-
sions primaires aboutissent à une correspondance avec les traits de
personnalité du modèle des « Big Five » que nous verrons plus loin.
Enfin, et c’est ici la critique majeure, le modèle de Cattell n’a jamais
été répliqué, les études s’accordant sur l’impossibilité de retrouver

57
Introduction aux théories de la personnalité

une structure en 16 facteurs (i.e. Sell et al., 1970 ; Eysenck & Eysenck,
1969). L’utilisation de la méthode exacte que Cattell a utilisée pour
identifier les 16 dimensions n’a pas permis non plus de répliquer
ce modèle (Kline & Barrett, 1983). Un des problèmes possibles est
inhérent au fait que l’analyse factorielle à l’époque de Cattell n’était
pas informatisée, laissant supposer des erreurs de traitement sur des
données qui étaient apparemment non normales (asymétriques).
Cattell avait publié les résultats de son analyse factorielle initiale,
qui n’ont pas été soutenus par la réplication (Eysenck, 1987).

Le 16PF a été mis à jour (16PF-5) mais l’augmentation de la consis-


tance interne est passée par une modification de 50 % des items de
l’échelle, ce qui rend les dimensions du 16PF-5 peu comparables
avec la version précédente. En effet, les corrélations entre les dimen-
sions des deux instruments sont faibles : on pourrait quasiment dire
que le 16PF-5 est un nouvel instrument plus que la mise à jour du
précédent…

Une description, non exhaustive mais reprenant les caractéris-


tiques principales des différentes dimensions, est proposée dans le
tableau 1.
Tableau 1. Description des 16 traits primaires du 16PF
et correspondance avec le type de dimensions secondaires

Dimensions
Score élevé Score faible
secondaires
Chaleur,
Impersonnel,
attention aux
A. Chaleur distant, froid, Extraversion
autres, relations
réservé
interpersonnelles
Capacités Pensée concrète,
mentales élevées, difficultés
B. Raisonnement/
pensée-abstraite, à appréhender
intelligence
apprentissage des problèmes
rapide… abstraits…
Faiblesse du
Force du Moi,
C. Stabilité moi, instabilité Anxiété/
maturité, stabilité
émotionnelle émotionnelle, neuroticisme
émotionnelle
changeant

58
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Dimensions
Score élevé Score faible
secondaires
Évitement
Assertivité,
des conflits,
E. Dominance agressivité, Indépendance
soumission,
compétitif
accommodant…
Sérieux, retenue,
Animé, spontané,
F. Vivacité prudent, Extraversion
expressif, impulsif
introspectifs
G. Respect Faiblesse du
Force du Surmoi,
des règles- surmoi, non Autocontrôle
consciencieux…
conformisme conformiste
Timide, sensible
H. Assurance Non inhibé,
à la menace, Extraversion
en société aventureux
hésitant
Sensibilité,
Utilitaire, objectif,
I. Sensibilité sentimental, Réceptivité
non sentimental,
esthétique, tendre
Confiant,
Vigilant, méfiant,
L. Vigilance inconditionnel, Indépendance
suspicieux
acceptation
Abstrait,
Pratique,
imaginatif, peu
M. Imagination prosaïque, orienté Réceptivité
pratique, absorbé
vers les solutions
par les idées
Privé, discret, Ouvert, franc,
N. Intériorisation Extraversion
polis, diplomate authentique
Sensibilité à la
Assuré, sécure,
O. Inquiétude- culpabilité, doute
confiant, Anxiété
appréhension de soi, inquiet,
autosatisfait
insécure
Traditionnel,
Flexibilité,
Q1. Ouverture conservateur,
esprit critique, Réceptivité
au changement attaché à ce qui est
expériences
familier
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Autosuffisant,
Q2. Autonomie Orienté vers les
solitaire, Extraversion
à l’égard du groupe groupes, affiliatif
individualiste
Organisé, Tolérance
Q3. perfectionniste, au désordre,
Contrôle de soi
Perfectionnisme autodiscipline, indiscipliné,
contrôle impulsif
Tendu, énergique, Relax, tranquille,
Q4. Irritabilité Anxiété
impatient, frustré patient
Source : issu de Dumont et al., 2010.

59
Introduction aux théories de la personnalité

Si une structure hiérarchique est identifiée dans un outil censé


mesurer des dimensions primaires, la question qui se pose alors
est pourquoi ne pas investiguer des dimensions plus larges direc-
tement, qui auront une validité prédictive peut-être supérieure ?
C’est en quelque sorte la position des partisans d’une taxonomie
réduite, centrée sur des dimensions larges telles que celles du Big
Five. En effet, ces dimensions larges et abstraites, décrivant la person-
nalité, sont chacune corrélées à une centaine de traits décrits en
des termes basiques. L’identification correcte du nombre de dimen-
sions secondaires, leur validation, la découverte de leur origine et la
démonstration de leur valeur prédictive quant aux comportements
sont les buts principaux des chercheurs dans le domaine des traits.

3.2.3 Hans Eysenck (1916-1997)

Hans Eysenck a eu une contribution majeure dans de nombreux


domaines de la psychologie (clinique, expérimentale, sociale…) mais
ses travaux les plus connus s’inscrivent dans le champ de la person-
nalité. Le développement des méthodes quantitatives a été une de
ses ambitions majeures afin de pouvoir soumettre les phénomènes
observés à des procédures statistiques robustes. Tout construit
psychologique significatif devrait en effet pouvoir être opération-
nalisé en termes dimensionnels. La dimensionnalité des traits de
personnalité suppose de considérer qu’un trait en lui-même n’est
pas pathologique, qu’il est présent chez toute personne mais à des
degrés différents. Nous sommes tous plus ou moins extravertis, plus
ou moins stables émotionnellement…

Eysenck développera un modèle de la personnalité basé sur des


traits qui sont héritables (ceci est valable pour beaucoup d’autres
traits de personnalité issus des modèles autres que celui d’Eysenck),
d’origine biologique (Eysenck, 1990b).

Le modèle qu’il propose est également hiérarchique (cf. figure 4)


dans le sens où chaque trait secondaire recouvre des traits primaires
plus spécifiques ou des définitions plus restrictives. Ces traits plus

60
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Figure 4 – Modèle d’Eysenck

Dimension large Extraversion

Traits Sociabilité Impulsivité ……………

Réponse Sourire aux Engager la Prise de


…………… ……………
habituelle personnes discussion décision rapide

Réponse Dire des


…… …… …… …… ……
spécifique blagues

Quitte son
…… …… …… ……
travail
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

61
Introduction aux théories de la personnalité

spécifiques covarient tous ensemble au sein d’une même dimension


(principe de l’analyse factorielle). Le premier niveau hiérarchique
est celui des réponses spécifiques d’un individu, soit son comporte-
ment dans une situation, qui n’est pas forcément son comportement
habituel qui, lui, décrit le second niveau. Si ce comportement habi-
tuel recouvre des caractéristiques communes et plus globales, qui
s’étendent à d’autres activités de la vie (par ex : je peux habituel-
lement passer du temps avec des amis mais consacrer beaucoup
de mes activités aux rencontres interpersonnelles, et pas unique-
ment dans mon cercle d’ami), alors on parlera plus volontiers de
« trait » (dans l’exemple précédent, ce serait la sociabilité). Enfin,
certains traits font partie de dimensions plus larges, et se combinent
entre eux pour donner cette signature tout à fait individuelle de
la personnalité (la sociabilité fait partie de la dimension plus large
qu’est l’extraversion).

Son modèle est basé sur trois dimensions secondaires qui s’ins-
crivent le long d’un continuum décrivant deux pôles : l’extraversion
versus l’introversion, le neuroticisme versus la stabilité émotionnelle,
et le psychoticisme versus la force du moi.

• Extraversion-introversion (E) : les extravertis ont générale-


ment des relations interpersonnelles nombreuses, sont sociables,
manifestent un haut degré d’activité, sont généralement asser-
tifs, recherchent l’excitation et peuvent parfois ne pas être fiables
ou perdre leur calme… Les introvertis, en revanche, seraient plus
enclins à privilégier la solitude, le calme, préférant un rythme
moins soutenu, une vie plus prévisible et gardent le contrôle de
leurs émotions.
• Neuroticisme-stabilité émotionnelle (N) : cette dimension de
la personnalité englobe des traits tels que le fait d’être anxieux,
irritable, se sentir facilement coupable, manquer d’estime de soi,
le fait d’être souvent tendu, timide… Les personnes qui ont des
niveaux élevés de neuroticisme et donc une instabilité émotion-
nelle, sont généralement des personnes « préoccupées », pouvant
observer des symptômes psychosomatiques divers et variés.

62
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Une de leurs caractéristiques est également d’être surréactive


aux émotions négatives. Elles éprouvent de plus hauts niveaux
d’arousal (activation ou éveil physiologique) que les personnes
stables émotionnellement, et ce même en réponse à des événe-
ments stressants normaux. Cette dimension est fréquemment
observée chez les personnes souffrant d’anxiété et/ou de dépres-
sion (Weinstock & Whisman, 2006) ou, plus généralement, de
troubles internalisés (Griffith et al., 2010).
• Psychoticisme-Force du Moi (P) : cette dimension associe
agressivité, manque d’empathie et impulsivité (ces deux derniers
traits vont souvent de pair), cruauté et goûts inhabituels… Ce
trait de personnalité a souvent été critiqué compte tenu de son
chevauchement avec la personnalité schizoïde et antisociale.

Le psychoticisme, l’extraversion et le neuroticisme sont considérés


comme des traits de personnalité normaux qui peuvent se retrouver
de manière excessive chez certains individus leur conférant une
vulnérabilité à certains troubles psychopathologiques.

Ces dimensions sont évaluées via un questionnaire (Eysenck


Personality Questionnaire : EPQ) où les répondants doivent répondre
par oui ou non. Au fil des années, ce questionnaire a donné lieu à de
multiples versions. La dernière version, EPQ-R (R pour Revised), est
la plus couramment utilisée. Par ailleurs, elle intègre une échelle de
mensonge qui évalue la tendance à se présenter sous un jour plus
positif qu’en réalité.

Eysenck soutient que la validité des dimensions ne peut être attestée


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qu’en regard de son intégration dans un réseau global qui spécifie les
propriétés psychométriques d’une dimension, mais aussi ses bases
biologiques et physiologiques, son invariance culturelle, ses relations
aux comportements sociaux et son rôle dans les recherches psycho-
logiques. L’apport majeur de Eysenck, outre cette taxonomie, est
d’avoir formulé une théorie des bases biologiques de ces dimensions
de personnalité (Eysenck, 1967) ; bases biologiques qui sous-tendent
le modèle en cinq facteurs.

63
Introduction aux théories de la personnalité

3.2.4 Les modèles en cinq facteurs : les Big Five

À l’origine de cette modélisation en cinq facteurs, généralement


désigné sous le terme Big Five, se trouve Fiske (1949), Tupes &
Christal (1961) mais aussi Norman & Goldberg (1966). Nous nous
focaliserons sur le modèle de Costa & McCrae qui ont mené un
nombre impressionnant d’études sur ces cinq dimensions mais aussi
compte tenu de l’importance d’autres travaux liant celles-ci à d’autres
sphères de la personnalité, du comportement, de la santé ou encore
de la psychophysiologie.

Le modèle de Costa et McCrae (1985) a eu la plus grande influence


sur ces deux dernières décennies. Il ne représente pas un modèle théo-
rique particulier car les cinq facteurs dérivent d’analyses empiriques,
factorielles, des termes du langage (approche lexicale) pour décrire
soi ou les autres. Pour distinguer le modèle de Costa et McCrae, il est
courant de parler du modèle en cinq facteurs (Five Factors Model ; FFM).
Par convention et souci de clarté, nous référerons à la terminologie
Big Five. Il est plus correct d’ailleurs de parler des Big Five, car il n’y
a pas qu’un seul modèle, ni un seul questionnaire et si les dimensions
larges peuvent parfois varier (exemple : ouverture versus intelligence),
leurs facettes ne sont pas toujours strictement identiques. Les modèles
des Big Five se veulent intégratifs des aspects pertinents des modèles
précédents. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons les dimen-
sions d’extraversion et de neuroticisme décrites précédemment,
auxquelles s’ajoutent l’ouverture à l’expérience, le caractère conscien-
cieux, et l’agréabilité, ces trois nouveaux facteurs étant décrits ci-après :
• agréabilité : capacité à s’entendre avec autrui, inspire confiance,
franchise, altruisme, fait preuve de compassion et d’idéalisme… ;
• caractère consciencieux : ordre, responsabilité, dévotion,
autodiscipline… ;
• ouverture à l’expérience : capacité à ajuster ses valeurs, ses
activités en fonction de nouvelles situations ou de nouvelles
idées. Souplesse, flexibilité, originalité. Il s’agit d’un facteur qui
regroupe à la fois des caractéristiques liées à l’intelligence et à la
créativité…

64
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Costa & McCrae sont à l’origine du développement d’un outil de


mesure qui évalue ces « super-traits », le NEO-PI (NEO-Personality
Inventory), révisé à deux reprises pour en améliorer la validité et
étendre son usage à des populations plus larges, notamment en termes
d’âge. La première révision, le NEO-PI-R (NEO-PI Revised), a récem-
ment été revue aboutissant au NEO-PI-3 (McCrae, Costa, & Martin,
2005). Cette dernière version modifie certains items qui voient ainsi
la validité des facettes correspondantes améliorée, notamment pour
l’évaluation des adolescents. Cet outil comprend 240 items : 48 items
répartis en 6 facettes pour chacune des 5 dimensions, soit 30 facettes
au total (cf. tableau 2). Ces items sont évalués sur une échelle de type
Likert en 5 points allant de « fortement en désaccord » à « fortement
d’accord ». Contrairement aux dimensions du modèle d’Eysenck, les
domaines du Big Five n’ont pas été explicitement liés à des concepts
psychiatriques et n’ont pas de soubassements biologiques a priori
ayant servi à leur modélisation. Toutefois, les « 5 grands » sont consi-
dérés comme étant génétiquement influencés et reflétant des aspects
universels de la nature humaine. En effet, les traits de personnalité
seraient l’expression de la biologie humaine plutôt que le produit des
expériences de vie (McCrae et al., 2000), soutenant ainsi une vision
de traits de personnalité stable au travers des âges de la vie (Soldz &
Vaillant, 1999), ce qui n’est pas une position admise par tous comme
nous le verrons plus loin.

Une des questions qui animent la communauté des chercheurs


est celle du nombre de dimensions. Nous avons vu que, mis à part le
modèle de Cattell qui s’inscrit dans une perspective de dimensions
de premier ordre, le modèle d’Eysenck et celui de Costa & McCrae
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ne s’accordent pas sur le nombre de dimensions.

Qui plus est, d’autres études suggèrent que la structure des traits
de personnalité est mieux décrite en 6, 7, 9, voire en 2 facteurs ! Nous
ne présenterons pas ici tous ces modèles mais aborderons le modèle
HEXACO pour deux raisons. La première tient au fait qu’une des
critiques relatives au Big Five est liée à l’importation ou la trans-
position du lexique décrivant les dimensions de personnalité issues

65
Introduction aux théories de la personnalité

de la culture des concepteurs du modèle à d’autres cultures. Ceci


pourrait signifier que le Big Five n’est peut-être pas la solution la
plus optimale pour décrire une structure de personnalité qui soit
totalement représentative d’autres cultures. La seconde tient au fait
qu’il serait peut-être utile d’utiliser justement les termes issus d’une
culture particulière pour répliquer ou non la structure en 5 facteurs.

Tableau 2. Dimensions et facettes du modèle en 5 facteurs


de Costa & McCrae
Dimensions

Ouverture Caractère
Extraversion Névrosisme Agréabilité
à l’expérience consciencieux

Ouverture
Assertivité Anxiété Confiance Sens du devoir
aux rêveries
Émotions Colère- Ouverture
Altruisme Compétence
positives Hostilité à l’esthétique
Ouverture
Chaleur Dépression Droiture Ordre
Facettes

aux sentiments
Comportement Timidité Ouverture
Compliance Discipline
grégaire sociale à l’action
Recherche Ouverture Recherche
Impulsivité Modestie
de sensations aux idées de réussite
Ouverture
Activité Vulnérabilité Sensibilité Délibération
aux valeurs

3.2.5 Le modèle HEXACO (Honnêteté-Humilité,


Emotionnalité, Extraversion, Agréabilité,
Consciencieux, Ouverture)

Le développement du modèle HEXACO fait suite à de nombreuses


études lexicales conduites dans différentes cultures (pour revue, voir
Ashton & Lee, 2007). Sur base du questionnaire du même nom (Lee
& Ashton, 2004), si l’on observe une réplication de la structure en
5 facteurs dans de nombreux langages, il est apparu que pour certains,

66
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

une solution en 6 facteurs était plus pertinente. Les contenus des


différentes dimensions secondaires de l’HEXACO sont proches
des dimensions du Big Five en ce qui concerne l’Extraversion et la
Conscience. Toutefois, certaines dimensions de l’HEXACO montrent
des changements dans la mesure où certaines facettes apparte-
nant à un domaine particulier du Big Five, migrent vers d’autres
dimensions dans l’HEXACO. Le Neuroticisme, dorénavant appelé
« Émotionnalité », exclut la colère et inclut la sentimentalité, qui
définissait dans le Big Five la dimension Agréabilité. Cette dernière
insère dorénavant le manque de colère dans son contenu. La dimen-
sion Ouverture à l’expérience ajoute la notion d’anticonformisme.
Enfin, le sixième facteur « Honnêteté-Humilité » définit des caracté-
ristiques telles que la sincérité, la loyauté, la modestie par opposition
à la vantardise, la prétention, l’hypocrisie et l’avidité, entre autres. Les
facettes composant ces 6 dimensions sont reprises dans le tableau 3.

Tableau 3. Dimensions et facettes de l’HEXACO

Dimensions Facettes
Sincérité, justice, absence d’avidité,
Honnêteté-Humilité
modestie
Absence de crainte, anxiété,
Emotionnalité dépendance, sentimentalité (expérience
de liens forts avec les autres).
Estime de soi sociale, audace sociale,
Extraversion
sociabilité, vitalité
Tolérance, gentillesse, flexibilité,
Agréabilité versus colère
patience
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Organisation, diligence,
Conscience
perfectionnisme, prudence
Appréciation esthétique, curiosité,
Ouverture à l’expérience
non-conformisme, créativité.

Ces taxonomies font ressortir qu’il existe une similarité dans la


manière dont les personnes se décrivent quelle que soit la culture. Si
les cinq facteurs se retrouvent la plupart du temps dans les études, le

67
Introduction aux théories de la personnalité

contenu des dimensions diffère sensiblement et l’existence d’un sixième


facteur semble pertinente pour accroître la validité transculturelle.

4. Critiques psychométriques du modèle


en cinq facteurs
Si les deux facteurs les plus larges (extraversion et neuroticisme)
sont acceptés universellement (présents quel que soit le type d’éva-
luation ou l’approche proposée, et ce quelle que soit la culture) nous
avons vu que le nombre de facteurs posait toujours question sur la
meilleure solution factorielle pour décrire la structure de person-
nalité. Or, selon Saucier (2002) : « un modèle optimal devrait être
réplicable quelle que soit la méthode, généralisable à travers les
cultures, complet et avoir une utilité élevée ».

1. Les cinq facteurs obtenus dans différentes études par diffé-


rents investigateurs ne sont pas toujours équivalents.
De nombreuses études ont montré que si l’on retrouvait en effet
une structure en 5 facteurs, ces facteurs n’étaient pas toujours stricte-
ment équivalents à ceux du Big Five de Costa et McCrae. Par exemple,
Goldberg (1990) retrouvera en effet une structure en 5 facteurs mais
l’ouverture est la dimension dont la reproductibilité est la plus faible,
cette dimension laissant place à un facteur reflétant l’intelligence, la
culture ou l’imagination. Tupes et Christal (1961) avaient proposé
que le facteur « Ouverture » reflète la culture. Mais aucune des études
réalisées depuis ne valide cette hypothèse (John, 1990 ; McCrae &
Costa, 1997). Ce facteur regroupe à la fois des traits liés à l’ouverture
(originalité, intérêts larges, curiosité) et à l’intelligence. Il n’est pas
non plus pertinent de considérer ce facteur comme le seul reflet de
l’intelligence (John & Srivastava, 1999).

Toujours dans la perspective d’une non-équivalence des dimen-


sions entre certains modèles en cinq facteurs, les études corrélant
différents outils entre eux (différents questionnaires de personnalité

68
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

sont proposés aux mêmes participants) montrent que les corréla-


tions entre les mêmes dimensions oscillent entre .46 et .69 (Goldberg,
1992). La corrélation la plus faible était celle concernant le facteur
« ouverture à l’expérience » évalué par une mesure lexicale et un
questionnaire, ne permettant pas de les considérer comme étant
strictement équivalents.

Une comparaison entre le NEOPI-R et l’échelle en 5 facteurs IPIP


(International Personality Item Pool) observe les coefficients de
corrélations suivants (Gow et al., 2005) :
• extraversion : .69,
• agréabilité : .49,
• caractère consciencieux : .76,
• neuroticisme / stabilité émotionnelle : –.83,
• ouverture / intelligence : .59.

Généralement, on considère qu’une corrélation de .80 signifie que


deux construits sont superposables. Ici, les corrélations sont toutes
considérées comme étant modérées ou fortes. Toutefois, les facteurs
« ouverture » et « agréabilité » sont parmi les facteurs les moins
corrélés entre les deux types d’évaluation.

2. Cinq facteurs décrivant des traits larges sont insuffisants


pour décrire la personnalité.
Certains chercheurs ont proposé l’ajout de dimensions secondaires
supplémentaires : l’évaluation positive de soi (positive valence) et
l’évaluation négative de soi (negative valence) (Almagor, Tellegen,
& Waller, 1995 ; Tellegen & Waller, 1987) formant ainsi un Big Seven.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3. Cinq facteurs décrivant des traits larges sont excessifs pour


décrire la personnalité.
Digman (1997) a réuni 14 études portant sur les corrélations
interéchelles du Big Five (facteurs O.C.E.A.N.). L’analyse factorielle
exploratoire produite sur les corrélations a fait émerger une struc-
ture en deux « super-facteurs » qui seront confirmés lors d’analyses
confirmatoires (équations structurales) :

69
Introduction aux théories de la personnalité

• un facteur « Alpha » qui comprend les facteurs agréabilité, carac-


tère consciencieux et stabilité émotionnelle (neuroticisme) que
Digman associe aux processus de socialisation ;
• un facteur « Béta » qui recouvre les dimensions extraversion et
ouverture, associées au développement personnel.

Plus récemment, De Young (2006) a répliqué les résultats de


Digman en obtenant une solution en deux facteurs pour laquelle il
proposera de remplacer le terme « Alpha » par celui de « stabilité »
et le terme « Béta » par celui de « Plasticité ».

Enfin, tout comme pour l’intelligence, la question s’est posée d’un


Facteur Général de Personnalité (FGP). En effet, les cinq dimensions
larges pourraient avoir une base commune sous-jacente et donc être
combinées dans un super-facteur (Musek, 2007 ; van der Linden,
Nijenhuis, & Bakker, 2010). Les deux facteurs décrits par De Young
(2006) et Digman (1997) sont retrouvés mais ne forment pas le plus
haut niveau de la hiérarchie des traits, celui-ci étant représenté par
le facteur général de personnalité. Les individus ayant un facteur de
personnalité général élevé se caractériseraient par un niveau bas de
neuroticisme et un niveau élevé sur tous les autres facteurs. « Ces
personnes seraient altruistes, agréables, détendues, consciencieuses,
sociables, observent un niveau de bien-être et d’estime de soi élevé.
Le FGP pourrait être considéré comme une dimension de l’efficacité
sociale » (Rushton & Irwing, 2011).

À l’encontre de cette idée d’un super-facteur, de nombreux cher-


cheurs ont avancé que les facteurs du Big Five étaient indépendants
les uns des autres (ce que ne montre pas la littérature d’ailleurs !)
et que le FGP serait un artefact lié aux statistiques et aux instru-
ments utilisés (de Vries, 2011 ; Danay & Ziegler, 2011). En effet,
les corrélations observées entre certaines dimensions pourraient
être tout simplement liées à des traits de personnalité mixtes, qui
combinent les caractéristiques de deux ou plusieurs facteurs. Par
ailleurs, De Vries et al. (2011) ont montré que les FGP obtenus en
utilisant deux questionnaires différents ne sont pas équivalents et

70
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

inversement corrélés. De plus, ce FGP apparaît lorsque les échelles


d’auto- et hétéro-évaluations sont considérées séparément lors des
analyses mais pas lorsqu’elles sont conjointement traitées via des
modèles multiniveaux tenant compte de la variabilité liée aux cota-
teurs (Danay & Ziegler, 2011). Enfin, les corrélations entre certains
facteurs ne signifient pas automatiquement l’existence d’un facteur
commun sous-jacent mais peuvent refléter l’importance particulière
d’une combinaison spécifique de facteurs.

5. Les traits de personnalité sont-ils stables ?


La question de la stabilité des traits est une grande question en
psychologie différentielle. En effet, l’âge avançant, ou encore sous
l’effet d’événements stressants et donc contextuels, peut-on observer
une modification des traits de personnalité, à savoir une diminution
ou une intensification de certaines dimensions ?

Cette question de la stabilité « vie entière » est essentielle. Certains


chercheurs s’accordent à dire que la personnalité est relativement
stable alors que d’autres reconnaissent l’existence de changements
sous l’effet d’événement particulièrement importants (traumatismes,
maladie…). Mais qu’entend-on par changement ? Il faut en réalité
distinguer la stabilité moyenne et la stabilité de rang. La stabilité
moyenne renvoie à la constance des moyennes observées entre
groupes d’individus entre deux ou plusieurs temps de mesure. En
revanche, la stabilité de rang renvoie au maintien de la position d’un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

individu par rapport aux autres individus entre plusieurs mesures et


est généralement évaluée avec une corrélation. Si un individu X score
de manière plus élevée sur l’extraversion qu’un individu Y, à l’âge de
30 ans, il est fort probable que cet individu A ait également un niveau
plus élevé que l’individu B à l’âge de 50 ans.

71
Introduction aux théories de la personnalité

5.1 Approche pour la stabilité des traits

McCrae et Costa (McCrae et al., 2000) ont réalisé un nombre


d’études longitudinales impressionnant pour déterminer si les Big
Five étaient, ou non, stables. Ils ont conclu que la personnalité se
stabilisait aux alentours de 30 ans et n’observaient pas de grandes
variations au-delà. La personnalité reste stable à la fois en terme de
stabilité moyenne (dans la population) et en terme de stabilité de
rang (Roberts, Walton, & Viechtbauer, 2006).

Les résultats de ces études montrent une forte stabilité dans le


temps, quels que soient les investigateurs et les outils, et ce au travers
de différents intervalles de temps. Cette stabilité concernerait l’en-
semble des 5 facteurs du Big Five, suggérant que c’est la personnalité
considérée comme un tout qui est stable. Les coefficients de stabilité
test-retest oscillent entre .46 et .83, l’extraversion et le neuroticisme
montrant des niveaux de stabilité modérés à élevés. Même si à mesure
de l’augmentation de l’intervalle de temps, la magnitude de l’effet
diminue, elle reste néanmoins importante (cf. tableau 4).

Tableau 4. Corrélations test-retest des 5 facteurs du Big Five

Facteurs/échelle Intervalle de temps/an r


Neuroticisme
NEO-PI N 6 .83
16PF Q4 10 .67
Neuroticisme 18 .46
MMPI 30 .56
Médiane .64
Extraversion
NEO-PI E 6 .82
16PF-H 10 .74
Social extraversion 18 .57
MMPI 30 .56
Médiane .64

72
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Facteurs/échelle Intervalle de temps/an r


Ouverture
NEO-PI O 6 .83
16PF-I 10 .54
MMPI 30 .62
Médiane .64
Agréabilité
NEO-PI A 3 .63
Agréabilité 18 .46
MMPI 30 .65
Médiane .64
Caractère consciencieux
NEO-PI C 3 .79
16PF-G 10 .48
Contrôle des impulsions 18 .46
Médiane .67

Note : MMPI : Inventaire Multiphasique de Personnalité du Minnesota ;


NEO-PI : Inventaire de personnalité.
Source : extrait de Larsen et Buss, 2009, p. 149.

Si les niveaux moyens des traits de personnalité changent au cours


du développement, ils atteindraient leur niveau de stabilité vers l’âge
de 30 ans.

Il pourrait être opposé à ces résultats sur base de questionnaires


d’auto-évaluation que chaque personne a une vision « cristallisée »
d’elle-même (jugement personnel de ses propres caractéristiques),
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et donc une représentation de soi immuable qui n’évolue pas au gré


des réels changements de personnalité. Mais les études faites sur
base d’évaluations par des pairs ou par les partenaires observent des
niveaux de stabilité équivalents aux études réalisées par l’évaluation
directe des personnes concernées (Woodruff, 1983).

73
Introduction aux théories de la personnalité

5.2 Approche contre la stabilité des traits

Dans une perspective opposée à la stabilité des traits, Srivastava et


ses collègues considèrent que la personnalité n’est pas fixée à l’âge de
30 ans mais qu’elle change et continue à évoluer tout au long de la
vie (Srivastava et al., 2003). Ces différences entre les deux approches
sont liées à l’usage de modélisations opposées. Costa et McCrae
abordent les Big Five dans une perspective biologique laissant peu de
place à l’environnement. Au contraire, Srivastava et al. adoptent une
perspective contextualiste qui affirme que la personnalité change en
fonction des changements immédiats de l’environnement (ce que
nous faisons dans notre vie, les événements difficiles, un change-
ment de cadre de vie) mais aussi en fonction de changements plus
larges tels que les valeurs sociétales par exemple. Contrairement à la
perspective biologique qui suppose que l’individu a peu, voire aucun
contrôle sur sa personnalité, la perspective contextualiste avance que
l’individu a un rôle actif dans le façonnement de son propre environ-
nement et ainsi sur sa personnalité. Enfin, la perspective biologique
des Big Five ne suppose pas de différences hommes/femmes sur les
5 traits alors que dans l’approche contextualiste de la personnalité,
hommes et femmes se différencieront sur certains traits compte
tenu de la différence de leurs rôles sociaux.

Actuellement, la perspective transactionnelle (Roberts & Mroczek,


2008 ; Roberts et al., 2006) semble être celle qui est la plus appro-
priée pour expliquer les changements observés au niveau des traits.
Cette perspective rend compte du développement de la personnalité
en intégrant les deux positions précitées (biologique, contextua-
liste). Ce modèle explique les changements par les modifications des
rôles sociaux, les changements normatifs et les événements de vie
majeurs. Alors que dans la théorie des Big Five de Costa et McCrae,
les changements développementaux sont attribués à la maturation
intrinsèque, c’est-à-dire que le développement de la personnalité
est déterminé par la maturation biologique et non pas par les expé-
riences de vie (McCrae & Costa, 2008), il a été montré, dans une
étude longitudinale portant sur des jumeaux, que les changements

74
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

de personnalité pouvaient substantiellement être attribués aux gènes


ET à l’environnement (Bleidorn et al., 2009).

Le modèle des transactions personne-environnement assume que


la stabilité des facteurs internes à l’individu, de même que l’influence
extérieure de l’environnement, interagissent pour influer sur les
changements de personnalité. Alors que les gènes contribuent à la
stabilité, les changements de personnalité peuvent être déclenchés,
par exemple, par les contingences de l’environnement, les attentes,
les changements de rôles, de même que par la perception de soi
et le feed-back des autres sur les changements comportementaux
(Bleidorn, 2009 ; Neyer & Lehnart, 2007). Pour rappel, la personna-
lité ne peut pas être directement observée. Elle est toujours inférée
via les comportements.

Pour conclure, la plupart des études s’accordent sur la stabilité


des traits de personnalité, c’est-à-dire sur leur constance tout au
long de la vie. Même si quelques modifications apparaissent, elles
ne changent pas drastiquement ces traits de personnalité (à l’ex-
ception des événements de vie importants mentionnés ci-haut). Il
est généralement observé une diminution du neuroticisme, l’âge
augmentant (Bleidorn et al., 2009 ; Lucas & Donnellan, 2009 ; Soto
et al., 2011). Une élévation du caractère consciencieux a également
pu être observée dans certaines études (Lucas & Donnellan, 2009 ;
Soto et al., 2011), suivie d’une diminution chez les personnes très
âgées (Terracciano et al., 2005). Les résultats sont plus mitigés pour
le trait « agréabilité » qui augmente ou qui demeure stable selon
les études. Enfin, les résultats pour l’extraversion sont également
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

mitigés car certaines facettes diminuent (notamment la vitalité) et


d’autres, telle la dominance sociale, augmentent avec l’âge (Roberts
et al., 2006). Le développement du trait « ouverture à l’expérience »
observe un pattern curvilinéaire, augmentant chez l’adulte jeune et
diminuant chez le sujet âgé (Roberts et al., 2006 ; Lüdtke et al., 2011 ;
Marsh, Nagengast & Morin, 2013 ; Roberts & DelVecchio, 2000 ;
Tarracciano et al., 2005).

75
Introduction aux théories de la personnalité

Exemple
Étude de S PECHT , J., E GLOFF , B., & and rank-order stability of the Big
S CHMUKLE , S. C. (2011). Stability and Five. Journal Of Personality And
change of personality across the Social Psychology, 101 (4), 862-882.
life course : The impact of age and doi :10.1037/a0024950
major life events on mean- level

Questions
En quoi et comment deux mesures si les coefficients de corrélations
de changement, ici la stabilité changent entre ces deux mesures.
moyenne et la stabilité de rang, En quoi la personnalité peut prédire
changent en fonction de l’âge. On l’occurrence d’événements de vie
va spécifiquement regarder si les majeurs et en quoi ces événements
moyennes changent entre le temps 1 vont modifier la personnalité ou sa
et le temps 2, de même que regarder stabilité.

Méthodologie
15 000 participants suivis pendant ont complété un questionnaire de
4 ans, à qui il a été demandé d’indi- personnalité, le Big Five Inventory-
quer s’ils avaient vécu un événement Shortened à 15 items, et ce, à deux
de vie important parmi une liste reprises (intervalle de 4 ans entre les
d’événements proposés et qui deux mesures).

Résultats
Stabilité moyenne socialement et observent une dimi-
La stabilité émotionnelle augmente nution de l’autonomie.
jusqu’à 30 ans puis diminue jusqu’à L’ouverture montre une diminution
60-70 ans et observe de nouveau une de son niveau moyen. Cette diminu-
augmentation. Cependant la taille tion est d’autant plus importante
d’effet est petite et ne permet pas de chez les personnes âgées.
considérer qu’il y a un changement La stabilité du facteur agréabilité
suffisamment important sur ce trait. est légèrement plus faible entre 30
L’extraversion observe une forte et 40 ans puis après 70 ans.
diminution chez les personnes les Le caractère consciencieux est
plus âgées entre les deux temps de nettement moins important chez
mesures. Cependant, seule la vitalité les plus jeunes pour se stabiliser
sociale a été évaluée comme reflet au milieu de la vie, puis observe de
de l’extraversion, et les personnes nouveau une diminution chez les
les plus âgées tendent à s’isoler plus âgés.

76
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Stabilité de rang Effet des événements de vie


La stabilité de rang tend à s’élever Les auteurs ont montré que la
l’âge augmentant avec un pic entre probabilité de survenue de certains
40 et 60 ans pour les facteurs extra- événements de vie était liée
version, stabilité émotionnelle (/ à certains traits de personnalité
neuroticisme), ouverture et agréabi- (effet de sélection) et que ces événe-
lité, suivi d’une diminution après ce ments avaient également un effet
pic. La courbe d’évolution suit un U sur la stabilité de certains traits,
inversé. Le caractère consciencieux notamment le caractère conscien-
suit quant à lui une augmentation de cieux, montrant ainsi un effet de la
la stabilité de rang tout au long de socialisation.
l’âge adulte.

Conclusion
Cette étude montre que la varia- est par ailleurs imputable à la matu-
bilité dans le temps des traits de ration intrinsèque (biologique) mais
personnalité est plus importante au aussi, en partie, aux événements de
début de l’âge adulte puis chez les vie.
personnes âgées. Cette variabilité

Conclusions

La taxonomie des Big Five est une classification à visée heuristique,


descriptive plus qu’explicative, qui permet de mettre en relation diffé-
rents traits de personnalité. Toutefois, elle ne peut pas être considérée
comme un modèle explicatif de la personnalité car elle ne prend pas
en compte les aspects dynamiques et développementaux de celle-ci.
Cette taxonomie met l’accent sur les régularités du comportement, se
focalise sur des variables et non pas sur des processus. Si le Big Five
n’est pas une théorie de la personnalité en tant que telle, en revanche,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

il propose une base conceptuelle validée qui permet d’examiner les


modèles théoriques !

Comme décrit plus haut, nombreux sont ceux à considérer


que les traits de personnalité sont biologiquement déterminés et
stables dans le temps. Il est vrai également que différentes termi-
nologies sont parfois utilisées : tempérament et traits, par exemple.
Mais qu’en est-il de leur distinction ? Tempéraments et traits se

77
Introduction aux théories de la personnalité

confondent-ils, s’agit-il de différenciation qui renvoie uniquement


à l’âge (enfant versus adulte) sans réelle différence ? Ou le tempé-
rament correspond-il au socle de base sur lequel vont s’édifier les
traits de personnalité ?

6. Le tempérament
6.1 Différences entre tempérament
et trait de personnalité
La distinction entre tempérament et trait de personnalité est loin
d’être évidente ou claire tant conceptuellement ces deux concepts
se recoupent et s’influencent mutuellement. Le recours au terme de
« tempérament » est historiquement et préférentiellement utilisé en
référence aux différences individuelles des enfants et adolescents,
en particulier par les psychologues développementaux. L’évolution
des modèles de personnalité et l’essor du modèle des Big Five qui
permet une description des différences individuelles également chez
les plus jeunes ont contribué à l’usage du terme « personnalité » dans
ces mêmes populations ; terme qui renvoyait principalement aux
caractéristiques de l’adulte. Cependant, ce qui différencierait trait
de personnalité et tempérament serait relatif à la stabilité et à l’origine
des différences individuelles. Les caractéristiques tempéramentales
feraient en effet référence à des différences individuelles stables,
apparaissant dès la naissance, dont les fondements sont de nature
génétique et neurobiologique, et présents également chez d’autres
espèces (Strelau, 1983). Si la plupart des chercheurs s’accordent sur
ce qu’est le tempérament, les avis divergent sur ce qui fonde l’aspect
central de la notion de tempérament, à savoir les processus émotion-
nels, motivationnels et attentionnels.

78
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Exemple
Une personne est décrite comme comme par exemple « je suis
arrogante et peureuse. Lequel de ces meilleur(e) que les autres ».
traits renvoie-t-il au tempérament et Effectivement, la peur est liée au
lequel renvoie-t-il à la personnalité ? système biologique relié au fonction-
Si vous avez considéré que la peur nement des structures et circuits
est tempéramentale c’est que vous nerveux dont nous héritons tous
avez appliqué un certain nombre de (inné). L’objet de la peur quant à lui
critères : est transmis, enseigné par les autres
1. la peur est présente dans l’enfance mais peut aussi être auto-appris. En
et pas l’arrogance, revanche, l’arrogance n’est pas une
caractéristique innée. Elle est engen-
2. la peur est présente chez les
drée par l’environnement social et
animaux mais pas l’arrogance,
l’ensemble des expériences qui en
3. l’arrogance est le fruit de l’expé- font la promotion.
rience sociale,
4. l’arrogance est associée à des
contenus de pensée spécifique

La définition de la notion de tempérament et sa distinction par


rapport aux traits de personnalité sont toujours en débat. Cependant,
il y a un large consensus sur le fait que l’expérience émotionnelle et
la régulation sont intrinsèques à la notion de tempérament.

6.1.1 Modèle de Thomas & Chess :


les styles tempéramentaux

Le tempérament est ici défini comme une différence individuelle


innée pour les réponses comportementales. Thomas et Chess défi-
nissent le tempérament comme étant des styles comportementaux,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui ne dérivent ni des cognitions, ni de l’arousal, ni de la motiva-


tion ou de l’émotionnalité (Goldsmith et al., 1987). Le paradigme
proposé intègre à la fois des aspects intrapsychiques (motivation) et
des aspects externes (réponses comportementales).

Thomas & Chess ont entrepris une vaste étude longitudinale d’une
durée de 6 ans, pendant laquelle les réactions primaires de 141 enfants
ont été évaluées régulièrement au travers d’entretiens parentaux

79
Introduction aux théories de la personnalité

(Thomas, Chess & Birch, 1970). Une analyse de contenu inductive des
22 premiers entretiens a mis en évidence 9 dimensions significatives
(tableau 5). Les profils obtenus en fonction de l’importance de chaque
dimension permettent de distinguer enfants faciles et enfants difficiles.

Tableau 5. Dimensions tempéramentales de Thomas et Chess (1970)

Proportion de périodes actives par rapport


Activité
aux périodes inactives
Régularité des rythmes de l’enfant
Régularité
(faim, sommeil, éveil, excrétion)
Facilité avec laquelle l’enfant s’adapte
Adaptabilité
aux changements dans l’environnement
Comportements d’approche
Réponse à la nouveauté
et d’évitement
Quantité de stimulation nécessaire pour obtenir
Seuil de réponse
une réaction
Intensité avec laquelle l’enfant répond
Intensité de la réaction
aux stimuli de l’environnement
Quantité des comportements à valence positive
Qualité de l’humeur
par rapport à ceux de valence négative
Le degré d’altération des comportements
Distractibilité
de l’enfant lors de stimuli externes
L’empan attentionnel Temps passé à une activité et effet
et la persévérance des distracteurs sur l’activité.

Le modèle de Thomas et Chess privilégie le « comment » des


comportements et non pas le Quoi (contenu) ainsi que la motiva-
tion sous-jacente au comportement, ce qui souligne ici les aspects
du style comportemental. Ce modèle suggère une interaction réci-
proque entre l’enfant et son environnement, de même que la nécessité
d’adapter les attitudes et réponses parentales au tempérament de
l’enfant. La notion de « tempérament difficile » apparaît. Il s’agit
d’une constellation de traits difficiles à gérer et qui vulnérabiliserait
au développement de problèmes comportementaux ultérieurs et ce,
même indépendamment de l’influence de l’environnement.

80
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Pour Thomas et Chess, le tempérament renvoie à tout ce qui


va différencier les individus en terme de fonctionnement : activité
motrice, facilité d’adaptation, intensité de l’expression des émotions,
distractibilité, leur persévérance… Pour ces auteurs, si le tempérament
est indépendant de la cognition, de l’arousal, de l’émotionnalité…
il interagit néanmoins avec ces caractéristiques qui s’influencent
mutuellement et qui expliquent parfois les grandes variations compor-
tementales : une personne peut être peu persévérante habituellement
mais le devenir sur une tâche particulière car très motivée.

Cependant, le modèle de Thomas et Chess pose la difficulté


de distinguer ce qui relève du style tempéramental des habiletés
comportementales ou des aspects motivationnels du comportement.
En effet, le tempérament doit toujours être différencié des habiletés,
des motivations et de la personnalité, que ce soit d’un point de vue
théorique ou clinique.

Exemple
Une jeune femme vit mal les dépla- Ou les vit-elle mal parce qu’elle se
cements de son conjoint : replie sur elle-même dès lors qu’elle
Les vit-elle mal parce qu’elle ne veut est confrontée à une situation
pas se séparer de lui (motivation) ? inconnue prochaine (tempérament) ?
Les vit- elle mal parce qu’elle est Le comportement d’un individu est
isolée socialement éprouvant des bien souvent une combinaison de
difficultés de communications avec ces trois aspects.
autrui (habiletés, cognitions) ? D’après Thomas et al. (1970)

Ce modèle tend à sous-estimer le rôle des composantes émotion-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nelles et motivationnelles, qui pourtant semblent prépondérantes


pour des auteurs tels que Buss et Plomin.

6.1.2 Buss & Plomin : modèle EAS


(Emotionnalité, Activité, Sociabilité)

Buss & Plomin proposent une approche critérielle où le tempéra-


ment serait un précurseur de la personnalité adulte, ayant une base

81
Introduction aux théories de la personnalité

biologique et représentant la dimension affective et émotionnelle de


la personnalité (Buss & Plomin, 1975, 1986 ; Goldsmith et al., 1987).
Un trait serait considéré comme tempéramental s’il répond à cinq
critères :
• hérédité,
• une certaine stabilité durant l’enfance,
• un maintien à l’âge adulte,
• une évolution adaptative,
• présent chez nos parents phylogéniques.

Buss & Plomin distinguent trois dimensions tempéramentales


larges :
• l’émotionnalité : il s’agit de l’intensité émotionnelle manifestée
en réponse à certains stimuli, principalement en référence
à l’arousal (activation physiologique) et à la dimension expé-
rientielle, et non pas en regard de l’activation comportementale.
Cela va de l’absence de réaction à des réactions émotionnelles
intenses et hors de contrôle ;
• l’activité : l’importance de l’activité motrice ou, dit autrement, la
dimension énergétique de l’individu. Cette dimension va de la
léthargie à l’hypomanie et renvoie à l’activation comportemen-
tale (fréquence et amplitude des mouvements, de la parole, etc.) ;
• la sociabilité : la proximité à autrui, la fréquence des contacts
sociaux ou des activités partagées, ce qui renvoie aux relations
interpersonnelles.

L’impulsivité qui faisait partie des dimensions tempéramentales


lors du développement de la théorie EAS a finalement été retirée.
En effet, le caractère héritable de l’impulsivité était encore sujet
à caution.

Le modèle EAS sera donc un modèle en trois dimensions. La


sociabilité verra apparaître deux sous-dimensions : sociabilité (préfé-
rence pour être avec autrui) et timidité (inconfort dans les relations
sociales).

82
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

6.1.3 Rothbart et Derryberry :


l’approche psychobiologique

Cette approche part du principe que les différences individuelles


sont constitutionnelles par nature (héritabilité/innée), notamment
en termes de réactivité et d’autorégulation (Derryberry & Rothbart,
1984 ; Rothbart & Derryberry, 1981). La réactivité renvoie au degré
d’activation comportementale, aux réponses endocrines, autono-
miques, aux réponses du système nerveux central. Plus précisément,
la réactivité renvoie à la manière dont un individu est disposé quant
à ses réactions émotionnelles, attentionnelles et motrices, en d’autres
termes à son excitabilité. La réactivité comprend l’émotionnalité
(tendance à éprouver et exprimer des émotions) et l’activité (acti-
vité motrice, intensité et importance du mouvement, de la parole et
de la pensée). Par exemple, la rapidité avec laquelle une personne se
met en colère, l’intensité de celle-ci et le temps que cette personne va
mettre pour se calmer témoignent de la réactivité tempéramentale.

L’autorégulation renvoie quant à elle aux processus d’attention,


d’approche, d’évitement et d’inhibition ; des processus qui servent in
fine à moduler ou réguler la réactivité : les comportements d’approche
ou d’évitement d’un stimulus, le fait de diriger notre attention vers
ce stimulus ou au contraire de s’en éloigner ; de même que la capa-
cité à contrôler nos actions et émotions (inhibition) va permettre de
moduler à la hausse ou à la baisse notre réactivité aux stimuli et donc
de modifier l’expérience affective. L’autorégulation est un processus
qui active la modulation de la réactivité automatique et involontaire.
Elle intègre les processus de régulation attentionnelle, c’est-à-dire la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

capacité à focaliser ou détourner son attention quand cela est néces-


saire, et qui se différencient en deux sous-processus :
• la capacité à inhiber une réponse dominante,
• la capacité à inhiber une réponse comportementale lorsque cela
est nécessaire.

Rothbart propose une extension du modèle des styles tempéramen-


taux de Buss et Plomin, pour y ajouter les émotions, la motivation

83
Introduction aux théories de la personnalité

et les processus attentionnels, et en précisant que le tempérament


correspond à des prédispositions individuelles à des réactions parti-
culières (telle la détresse par exemple) ce qui inclut des différences
d’expérience phénoménologique et des différences de fonctionne-
ment psychobiologiques (Goldsmith et al., 1987).

Le modèle de Rothbart s’étend aux enfants d’âge préscolaire,


scolaire et aux jeunes adolescents, et plus récemment aux bébés et
aux adultes. Pour chaque catégorie d’âge, la structure du tempé-
rament est couverte par trois dimensions larges qui regroupent
15 traits tempéramentaux : l’affectivité négative, l’extraversion1
(surgency), et le contrôle de l’effort :
• l’extraversion combine des aspects de la réactivité motrice et de
l’expérience d’émotions positives. Cette dimension comprend
des traits tels que : l’anticipation positive, l’expérience intense
du plaisir, un haut niveau d’activité, l’impulsivité et un bas
niveau de timidité ;
• l’affectivité négative désigne la tendance générale à éprouver des
émotions négatives et se caractérise par l’inconfort, la peur ou
la détresse face à la nouveauté, la colère/frustration, la tristesse,
ou encore la faiblesse des capacités d’apaisement ;
• le contrôle de l’effort reprend ce qui a trait au contrôle inhibi-
teur et à la focalisation de l’attention. Cette dimension inclut
également la sensibilité perceptive et la capacité à prendre du
plaisir dans les activités de faible intensité.

L’inconvénient de ce modèle tient aux outils de mesures utilisés


qui ne sont pas stables dans les différents groupes d’âge, ce qui pose
problème dans les études longitudinales.

La définition de Rothbart inclut les différences individuelles


quant à l’expérience phénoménologique, le fonctionnement

1. Par facilité, nous utilisons le terme extraversion pour traduire le terme « surgency »
qui désigne la réactivité émotionnelle positive, incluant l’impulsivité, un haut niveau
d’activité et d’émotions positives, de même que la recherche d’interactions sociales. Cette
dimension correspond en effet à l’extraversion dans de nombreuses études.

84
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

psychophysiologique et les comportements. Le tempérament


fournit les bases essentiellement biologiques au développement de
la personnalité qui, elle, inclura alors les attentes, les cognitions, le
concept de soi…

Conclusion

Il apparaît que quatre dimensions sont finalement communes


aux modèles présentés ci-dessus (Mervielde & Asendorpf, 2000) et
sont très proches des dimensions de personnalité proposées dans
le modèle des Big Five, ce qui est peu surprenant compte tenu de
la définition classique du tempérament. Peu surprenant car celle-ci
fait clairement référence aux bases biologiques des théoriciens du
Big Five. Ces quatre dimensions sont l’émotionnalité, l’extraversion,
l’activité et la persistance (cf. tableau 6).

Le tempérament, dont le centre est affectif, attentionnel et moti-


vationnel, serait finalement un socle autour duquel des traits de
personnalité plus complexes se développeraient dans le temps.
L’interaction entre tempérament et influence environnementale
produirait la personnalité considérée comme ayant une portée plus
large que le tempérament. Le tempérament peut alors être considéré
comme un sous-domaine de la personnalité, qui en est alors une
extension intégrant ainsi les cognitions, les croyances et les valeurs
au fur et à mesure que l’enfant construit des modèles mentaux
quant à ce qu’il est, ce que sont les autres, le monde environnant.
Le tempérament s’enracine de manière biologique mais comporte
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

également une face sociale : le tempérament d’un individu influence


les réponses de l’environnement qui en retour influence également
le tempérament de l’individu.

85
86
Tableau 6. Dimensions tempéramentales communes aux trois théories

Définition
Emotionnalité Extraversion Activité Persistance
du tempérament
Emotionnalité
Thomas & Chess Styles comportementaux Inhibition sociale Niveau d’activité Persistance
négative
Introduction aux théories de la personnalité

Aspects héritables de la
Sociabilité/
Buss & Plomin personnalité apparaissant Emotionnalité Activité
timidité
précocement
Réactivité
Rothbart & Affectivité
et autorégulation Surgency Surgency Contrôle de l’effort
Derryberry négative
du comportement
Souce : adapté de Mervielde & Asendorpf, 2000.
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Exemple
L’enfant colérique, qui réagit au quart de tour exerce une influence sur les
réponses maternelles.
Une maman face à ce type de comportement, pour le peu qu’elle soit aussi
colérique, va engendrer des réactions comportementales excessives, qui
peuvent renforcer la frustration et la colère de son enfant. En revanche,
si cette maman est plutôt stable et réagit de manière adaptée sur le plan
émotionnel, elle renvoie un feed-back positif qui peut moduler l’expression
du tempérament à terme.

Le tempérament prédispose à certaines réactions à condition qu’il


y ait un stimulus qui les active. Un enfant peureux n’est pas toujours
stressé et inhibé. En revanche, face à la nouveauté, la soudaineté, il
sera plus particulièrement sujet à des réactions de peur, expérimen-
tera celle-ci de manière plus rapide et en réponse à des stimuli de
faible intensité.

Ainsi, une vision intégrative de la personnalité consiste à lier


tempérament et traits de personnalité de manière hiérarchique. En
effet, les traits seraient la résultante d’une différenciation, durant le
développement et via les apprentissages, à partir des traits tempé-
ramentaux qui sont visibles dès la naissance et regroupés en trois
dimensions larges : l’affectivité positive (extraversion), l’affectivité
négative (émotionnalité) et l’inhibition qui joue le rôle de système
de régulation des comportements d’approches et d’évitement (Clark,
2005). Par ailleurs, les traits de personnalité exprimés à l’extrême
ont souvent été considérés comme sous-tendant les troubles de la
personnalité et les troubles psychopathologiques. Or, ce qui lierait
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

personnalité et troubles serait lié à l’origine biologique du tempéra-


ment ; origine commune aux traits de personnalité et aux troubles
psychopathologiques (Clark, 2005).

87
Introduction aux théories de la personnalité

7. L’héritabilité et les bases génétiques


de la personnalité
Une des grandes questions qui occupe les psychologues de la
personnalité est relative à l’origine des traits de personnalité avec
des conceptions parfois radicalement opposées. Généralement, ces
conceptions divergent sur la part qu’occupent l’inné et l’acquis.
Par inné, nous entendons tout ce qui est inhérent à la biologie, la
génétique et l’hérédité. Par opposition, l’acquis désigne ce qui relève
de l’environnement, de l’éducation ou de la socialisation. Ainsi se
demande-t-on, par exemple, si la (supposée) plus grande émotivité
des femmes provient de leurs caractéristiques biologiques ou, au
contraire, des rôles sociaux qu’elles occupent.

Si des positions dichotomiques, en tout ou rien (soit innées, soit


acquises) sont encore d’actualité (voir la psychanalyse par exemple),
il existe des positions plus intégratives qui tiennent compte à la fois
des aspects biologiques, génétiques, héréditaires et des aspects envi-
ronnementaux. En contrepoint des approches purement psychiques,
qui cherchent souvent à exclure les facteurs génétiques impliqués
dans la formation de la personnalité (ou les ignorent), une discipline,
la génétique du comportement, s’est consacrée à chercher à établir la
part des facteurs génétiques dans les traits de personnalité en tentant
de répondre à cette question : dans quelle mesure peut-on expliquer
les différences phénotypiques entre individus par des différences
génotypiques ?

7.1 Méthodologie des études génétiques

Le but des études génétiques est d’identifier le pourcentage de la


variance dû à l’influence des gènes par rapport au pourcentage de la
variance dû à l’environnement.

Quand on parle de pourcentage de la variance, on signifie que l’on


s’intéresse à la variabilité interindividuelle, ou au fait que les individus

88
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

diffèrent les uns des autres. Cette variance peut être décomposée
en pourcentage en fonction des causes supposées contribuer à ces
différences (génétique, environnement partagé, environnement non
partagé). Les différences observées entre les traits de personnalité des
individus (variance phénotypique) peuvent être attribuées aux diffé-
rences individuelles du patrimoine génétique qui constitue chaque
individu (variance génotypique). L’héritabilité est donc la proportion
de la variance observée au niveau phénotypique, dans une population
donnée et attribuable à la transmission du patrimoine génétique.

Ainsi, lorsque l’on parle d’une héritabilité de 0,40, cela signifie que
seules 40 % des différences interindividuelles sont attribuables aux
variations génétiques, et donc que 60 % de ces dernières relèvent de
variations environnementales, éducatives, sociales… soit des varia-
tions acquises.

La notion d’héritabilité n’a par ailleurs de sens qu’en regard d’une


perspective interindividuelle et non pas intra-individuelle puisqu’il
est extrêmement difficile, pour un individu donné, de séparer ce
qui relève de ses gènes et ce qui relève de son environnement, les
deux aspects étant particulièrement intriqués ! De plus, elle renvoie
aux différences individuelles et non pas aux différences de groupe.
Enfin, croire que la statistique obtenue est précise s’avère erroné
puisque celle-ci est aussi sujette aux erreurs de mesures, et ce d’autant
plus que ces mesures sont généralement corrélationnelles et donc
fluctuant d’un échantillon à un autre. L’héritabilité est plus une esti-
mation du pourcentage de variation phénotypique en fonction des
variations génotypiques. Il ne faut cependant pas confondre héri-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tabilité et hérédité. L’hérédité renvoie à la contribution causale du


développement : avoir deux oreilles, deux yeux, deux bras… tandis
que l’héritabilité renvoie à la « contribution causale de la variation »
(Perbal, 2011).

Un caractère héréditaire n’est pas toujours héritable (son expres-


sion n’est pas censée varier entre individus) : il est peu probable
d’observer des variations génétiques du nombre d’œils, de bras

89
Introduction aux théories de la personnalité

ou de pieds entre individus ! Les méthodes utilisées en génétique


comportementale visent à déterminer dans quelle mesure les varia-
tions observées sur un trait psychologique sont dues à des variations
environnementales ou génétiques entre les individus. De même, il
s’agit d’étudier dans quelle mesure les variations dues à l’environ-
nement sont explicables par l’environnement familial d’une part
et/ou par des facteurs environnementaux d’autre part.

Enfin, déterminer la part d’héritabilité n’est pas le seul objet des


recherches alliant génétique et comportements. L’identification des
gènes et la compréhension des conditions dans lesquelles ils s’expri-
ment, interagissent et prennent place dans l’environnement, sont
actuellement en plein essor.

7.1.1 Quelles sont les méthodes utilisées


dans les recherches portant sur la variabilité
liée à l’environnement et aux gènes ?

L’hypothèse d’un primat de l’environnement ou du patrimoine géné-


tique sur les différences psychologiques interindividuelles suppose le
recours à des études contrôlées permettant de mettre en évidence le
rôle du milieu ou de la génétique sur le développement de la person-
nalité. Les différentes méthodes proposées ci-dessous vont tenter
de mettre en évidence les influences respectives de l’environnement
ou de l’hérédité via les études familiales, de jumeaux ou d’adoption.
Pour mesurer l’influence génétique ou environnementale, la première
étape est de mesurer la similitude entre les proches (Jang, 2005, p. 20).

‡ Les études familiales

Chaque parent partage 50 % de son patrimoine génétique avec son


enfant. Les frères et sœurs ont ainsi en commun 50 % de leurs gènes,
et les grands-parents et petits-enfants partagent quant à eux 25 %
de leur patrimoine (lois mendéliennes de la transmission génétique).
Si une caractéristique de personnalité est héritable alors on devrait
retrouver une grande similitude entre les membres d’une famille

90
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

génétiquement proche (parents/enfants, frères/sœurs). Les études


familiales consistent ainsi à faire passer des mesures de personnalité
aux membres de plusieurs familles et de calculer les relations entre
ces mesures des traits chez les parents et descendants respectifs par
exemple. Ahern et al. (1982) ont montré que les corrélations familiales
observées, quant aux traits de personnalité mesurés avec l’Eysenck
Personality Inventory (Eysenck, 1968), entre parents et enfants étaient
relativement faibles. En effet, la corrélation entre parents et enfants
était de – 0,10 (non significative) pour l’extraversion et de 0,19 pour
le neuroticisme. Les corrélations familiales mesurées entre frères
et sœurs étaient de 0,25 pour l’extraversion et 0,07 pour le neuroti-
cisme. Une étude plus large impliquant 2 0 415 paires parents/enfants
révèle des résultats similaires, à savoir des corrélations de 0,16 pour
l’extraversion et 0,17 pour le neuroticisme (Martin et al., 2000). En
moyenne, les corrélations entre parents et enfants sont de 0,14 et 0,17
entre membres d’une même fratrie, soit une héritabilité de 28 % et
34 % respectivement (Bouchard & Loehlin, 2001). Ceci signifie qu’en
moyenne 70 % des différences individuelles sont d’origine développe-
mentale (Plomin, 1986).

Toutefois, les études familiales posent problème dans le sens où si


les membres proches d’une même famille partagent les mêmes gènes,
ils partagent aussi le même environnement ! La question qui se pose
alors est de savoir ce qui relève du patrimoine génétique commun
et ce qui relève de l’environnement partagé. En effet, dans ce type
de design, il est difficile de dissocier ou démêler ces deux influences.
L’environnement partagé renvoie à ce qui est commun aux membres
d’une famille élevés ensemble donc tous les aspects de l’environne-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment qui sont communs à toute la fratrie. Le rôle de l’environnement


partagé est difficilement contrôlable dans les études familiales d’où
l’intérêt des études de jumeaux.

‡ Les études de jumeaux

Les jumeaux monozygotes (ce que l’on appelle communément


les « vrais jumeaux ») ont en commun 100 % de leur patrimoine

91
Introduction aux théories de la personnalité

génétique. Ils sont donc strictement identiques. Tous les jumeaux


ne résultent pas de la scission du même œuf. Les jumeaux dizygotes
sont issus de la fertilisation de deux ovocytes, et ne partagent donc
que 50 % de leur patrimoine génétique. L’idée qui sous-tend les études
de jumeaux est celle qui consiste à dire que si 2 jumeaux dizygotes
sont similaires l’un à l’autre en termes de traits de personnalité, tout
comme le seraient deux jumeaux monozygotes, alors ce trait de
personnalité n’est pas héritable et donc non génétique. En revanche,
si des jumeaux monozygotes sont plus similaires l’un à l’autre que ne
le seraient deux jumeaux dizygotes, alors il y a lieu de penser que le
trait de personnalité étudié serait probablement d’origine génétique.
Les études de jumeaux tentent de répondre à la question de savoir si
deux personnes qui ont en commun 100 % de leurs gènes sont plus
semblables que deux personnes qui partagent 50 % de leur patri-
moine génétique. Sur base des coefficients de variation entre jumeaux
mono-et dizygotes, il est alors possible de calculer la variation liée
à l’environnement partagé en soustrayant la variance des jumeaux
monozygotes à celle des jumeaux dizygotes et en divisant le résultat
obtenu par la variance des jumeaux dizygotes (h2 = (σ2DZ – (2MZ) /
σ2DZ ; Perbal, 2011).

Une vaste étude entreprise par Floderus-Myrhed, Pedersen et


Rasmuson (1980) portant sur 12 898 paires de jumeaux (5 025 paires
monozygotes/7 873 paires dizygotes) a exploré la part de variance liée
à l’influence génétique sur l’extraversion et le neuroticisme (avec une
version courte de l’inventaire d’Eysenck). Les auteurs ont montré
d’une part que les coefficients de corrélations chez les jumeaux
monozygotes étaient plus élevés que pour les jumeaux dizygotes, ce
qui va dans le sens d’une plus grande similitude chez les monozygotes
et donc d’une influence génétique. D’autre part, le neuroticisme
observait une héritabilité de 50 % chez les hommes et de 58 % chez les
femmes. Pour l’extraversion, chez les hommes, celle-ci était de 54 %
et de 66 % chez les femmes. Loehlin et al. (1998) ont étudié 490 paires
de jumeaux monozygotes et 317 paires de jumeaux dizygotes qui ont
complété trois évaluations différentes mesurant les cinq traits du Big
Five. Ils ont montré que 57 % de la variance observée était imputable

92
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

aux influences génétiques pour l’extraversion, 58 % pour le neuroti-


cisme, 51 % pour l’agréabilité, 52 % pour le caractère consciencieux et
56 % pour l’ouverture. L’influence de l’environnement partagé était
de 0 % pour chacun de ces traits de personnalité. En revanche, la part
revenant à l’environnement non partagé était substantielle car en
moyenne de 45 % pour l’ensemble des facteurs mesurés. Plus récem-
ment, il a été observé une héritabilité de 47 % pour le neuroticisme et
une stabilité de celle-ci dans le temps (Birley et al., 2006).

Toutefois, les études citées ci-dessus sont toutes réalisées avec


des autoquestionnaires, ce qui peut induire des biais d’estimation
pouvant expliquer pourquoi l’environnement partagé est aussi peu
influent. En effet, l’influence importante de l’environnement non
partagé serait confondue avec l’erreur de variance, justifiant alors de
ne pas se baser uniquement sur des autoévaluations mais de recourir
aussi à l’évaluation des traits de personnalité par des tiers (Borkenau
et al., 2001). Borkenau et al. (2001) rapportent que les deux études
basées sur l’évaluation par des pairs montraient que deux tiers de
la variance des traits de personnalité étaient héritables et un tiers
seulement sous l’influence de l’environnement non partagé, ce qui
donne une image assez inversée des coefficients d’héritabilité évoqués
précédemment (40 % génétique/60 % environnemental). Toutefois,
que ce soit l’autoévaluation ou l’hétéro-évaluation, ces auteurs
pointent l’existence d’un effet de contraste qui biaise les estimations
obtenues. En effet, des jumeaux peuvent tenter de se différencier en
terme de comportements pour asseoir leur identité et estimer si une
caractéristique de personnalité leur correspond par comparaison
avec leur jumeau. Ceci engendrerait alors des corrélations moindres
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entre les pairs et donc une sous-estimation de leurs similitudes.


Pour cette raison, Borkenau et al. (2001) ont eu recours à un design
multi-méthode, alliant autoévaluation et hétéro-évaluation des traits
issus du Big Five par des pairs, ainsi qu’une évaluation des traits de
personnalité lors de l’observation par des juges externes (n = 120)
du comportement de jumeaux monozygotes (n = 168) et dizygotes
(n = 132) au cours de différentes taches (se présenter, raconter une
histoire à partir de trois photographies, raconter une histoire à partir

93
Introduction aux théories de la personnalité

de trois planches du Thematic Aperception Test de Murray, refuser


de donner de l’aide, convaincre quelqu’un de baisser sa musique,
etc.). Les résultats montrent que l’héritabilité mesurée par auto- ou
hétéro-évaluation est similaire à celle observée dans les autres études
de jumeaux (40 %/60 %) mais que la part d’influence entre environ-
nement partagé et non partagé est sensiblement différente. En effet,
contrairement aux études précédentes (cf. supra), l’environnement
partagé expliquait 25 % de la variance des traits de personnalité et
l’environnement non partagé 35 %. L’extraversion était le seul trait
pour lequel l’environnement partagé n’avait aucune influence.

Toutefois, les études de jumeaux posent plusieurs questions :

1. Celle de l’équivalence d’environnement : l’environnement des


jumeaux monozygotes n’est-il pas plus similaire que celui de jumeaux
dizygotes ? Qu’en est-il de deux jumeaux habillés de la même manière
(au risque de caricaturer quelque peu) ? Sont-ils plus similaires
à cause de leurs gènes ou d’un environnement qui a renforcé leur
similarité comportementale ? L’hypothèse d’équivalence est cepen-
dant supportée par certaines études qui montrent que même si les
jumeaux monozygotes s’habillent plus fréquemment de manière iden-
tique et partagent souvent les mêmes amis, il n’y a aucune évidence
pour dire que ces similarités comportementales les rendent encore
plus similaires sur le plan de la personnalité (Morris-Yateset al., 1990 ;
Plomin, Willerman & Loehlin, 1976).

2. Celle de la généralisation des résultats : les jumeaux sont-ils


représentatifs de la population générale ? A priori, ils le sont suffi-
samment mais partagent quand même le même environnement. Une
manière de dépasser les biais potentiels des études de jumeaux élevés
ensemble est de se tourner vers les études d’adoption.

‡ Les études d’adoption

Ce sont les méthodes de génétique comportementale les plus puis-


santes dont nous disposons. Elles permettent de mettre en relation

94
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

les caractéristiques d’enfants adoptés avec celles de leurs parents


adoptifs : dans la mesure où ils ne partagent strictement rien sur le
plan génétique, toute similitude ou différence entre enfants adoptés
et parents adoptifs sur une caractéristique de personnalité peut
raisonnablement être attribuée à une influence environnementale
et non pas génétique.

Ces conclusions sont tout aussi valables lorsque l’on étudie les
relations entre enfants adoptés et parents biologiques. L’hypothèse
de l’héritabilité est soutenue si les recherches observent des relations
entre les deux générations, alors qu’elles n’ont pas évolué ensemble.
Des études récentes ont montré que les enfants adoptés, leurs parents
biologiques et adoptifs sont similaires aux autres enfants et parents
issus de la population générale (Plomin & DeFries, 1985).

La combinaison de la méthode des jumeaux et de la méthode


d’adoption permettrait de dépasser les limites des méthodologies
précédentes : étudier des jumeaux monozygotes élevés séparément,
ce qui est loin d’être commun d’autant qu’il est très rare de séparer
des fratries ! Combiner méthode des jumeaux et méthode d’adoption
supposerait de réaliser l’expérience suivante (ceci est un exemple bien
sûr) : disposer de couples de deux enfants identiques d’un point de
vue génétique mais élevés dans deux environnements différents, par
exemple l’un dans une famille de garagistes dans le sud de l’Espagne,
l’autre dans une famille d’instituteurs suédois (Klein, 2011). Une
fois que l’on aura récolté un large échantillon d’enfants, on pourra
mesurer le trait qui nous intéresse chez chacun des deux membres
du « couple » et examiner s’il existe une corrélation entre eux : plus les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

deux membres de la fratrie se ressemblent, plus la corrélation devrait


être élevée. Si les deux enfants, vivant dans des environnements bien
distincts, se ressemblent sur certains traits de personnalité, ces simi-
litudes seraient alors difficilement imputables à l’environnement. Il
faudrait donc attribuer celles-ci à des facteurs génétiques (et inver-
sement s’ils ne se ressemblaient pas du tout). Ce type de design
expérimental existe : il s’agit de protocoles de recherche étudiant des
jumeaux mono- et dizygotes, séparés à la naissance, et dont il existe

95
Introduction aux théories de la personnalité

toutefois peu d’exemples (et pour cause). Parmi les études qui ont
réussi à étudier cette population, on constate de grandes similitudes
entre ces enfants, ce qui nous encouragerait à ne pas sous-estimer le
rôle de la génétique. L’héritabilité moyenne des traits de personnalité
oscille entre 30 et 50 % selon les études et apparaît similaire à celle
de jumeaux élevés ensemble (Bouchard & McGue, 1990 ; Pedersen
et al., 1988). En fait, ce que les études d’adoption montrent c’est que
grandir ensemble ne nous rend pas plus similaire.

Mais les études d’adoption de jumeaux ne sont pas, elles non plus,
exemptes de biais méthodologiques. Les jumeaux étudiés peuvent
être en relation, avoir des contacts fréquents et au final ne pas être
totalement élevés séparément, surtout si la séparation a été plus
tardive (Joseph, 2014, p. 14).

Pour conclure sur l’héritabilité, une récente méta-analyse incluant


62 études montre qu’en moyenne, 39 % des différences indivi-
duelles sont d’origine génétique et 61 % d’origine environnementale
(Vukasović & Bratko, 2015). Il existe néanmoins une certaine hété-
rogénéité (tableau 7) selon les classifications des traits utilisés ou
encore selon les méthodologies (familles, jumeaux, adoption).
L’héritabilité oscille entre 30 % et 42 % selon le trait considéré. De
plus, la méthodologie utilisée dans les études reprises dans cette
méta-analyse est un modérateur significatif de l’héritabilité, les
études familiales et d’adoption observant les plus faibles indices
d’héritabilité par comparaison aux études de jumeaux. Enfin, l’in-
fluence génétique n’est pas différente en fonction de la taxonomie
utilisée, ni en fonction du genre.

À ces études tentant de répondre à la question du rôle de l’inné


dans les différences individuelles et à celle de la part respective entre
influence génétique et influence environnementale, s’ajoutent celles
qui tentent d’identifier des variants génétiques potentiellement asso-
ciés à certains traits de personnalité. Ceci a été rendu possible avec
l’essor des techniques moléculaires.

96
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

Tableau 7. Taille d’effet moyenne des traits de personnalité

Classification Taille d’effet 95 % CI


Eysenck
Neuroticisme 0,39 [0,34 – 0,43]
Extraversion 0,42 [0,37 – 0,48]
Psychoticisme 0,30 [0,21 – 0,38]
Big Five
Neuroticisme 0,37 [0,28 – 0,47]
Extraversion 0,36 [0,28 – 0,45]
Ouverture 0,41 [0,31 – 0,51]
Agréabilité 0,35 [0,28 – 0,42]
Caractère consciencieux 0,31 [0,22 – 0,40]

Source : d’après Vukasović, 2015.

7.1.2 Influence de gènes spécifiques ?

Nous nous intéresserons ici aux dimensions de personnalité larges


le plus souvent étudiées quant à leurs relations à des variants géné-
tiques, à savoir : la recherche de nouveauté, l’évitement du danger,
l’extraversion et le neuroticisme. Il faut savoir que la plupart des
études s’intéressant aux bases moléculaires de la personnalité s’ap-
puient sur le modèle de Cloninger (décrit plus bas) qui associe trait
de personnalité et neurotransmetteurs, notamment dopaminergiques
et sérotoninergiques. Or ces neurotransmetteurs sont régulés par les
gènes et leur polymorphisme génétique (variations non pathogènes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’ADN) : le transporteur sérotoninergique 5-HTT et les récepteurs


dopaminergiques D2 et D4.

Le début de l’étude des bases moléculaires des différences indivi-


duelles est marqué par deux études parues en 1996 et montrant des
liens entre la recherche de nouveauté, et le récepteur dopaminergique
D4 encodé dans le gène DRD4 (Ebstein et al., 1996) ainsi qu’une rela-
tion entre le transporteur sérotoninergique 5 HTT et les traits liés

97
Introduction aux théories de la personnalité

à l’anxiété tels que le neuroticisme, l’évitement du danger, ou encore


l’anxiété évaluée par le 16PF (Lesch et al., 1996).

La présence de l’allèle long sur le gène DRD4 semble associée à des


scores de recherche de nouveauté plus importants (Ebstein et al.,
1997 ; Ebstein et al., 1996 ; Ono et al., 1997). Toutefois, les diffé-
rentes réplications publiées montrent des résultats contrastés dans
la mesure où l’association entre DRD4 et la recherche de nouveauté
n’est pas systématiquement observée ou encore montrant des diver-
gences quant au génotype (allèle court-long, allèle long-long, allèle
court-court, pour simplifier) prédisant ce trait (Gebhardt et al., 2000 ;
Kluger et al., 2002 ; Ono et al., 1997 ; Pogue-Geile et al., 1998).

Le transporteur sérotoninergique 5-HTT a été associé au neuro-


ticisme évalué par le NEO-PI lorsque le génotype présentait l’allèle
court (Brummett et al., 2003 ; Greenberg et al., 2000 ; Lesch et al.,
1996). Mais là encore, les résultats sont contrastés, d’autres études
invalidant ces résultats, notamment en ce qui concerne l’évitement du
danger (Blairy et al., 2000 ; Sen, Burmeister, & Ghosh, 2004) ou encore
en regard du génotype impliqué, les individus présentant l’allèle long
du polymorphisme 5-HTT observant des scores de neuroticisme plus
élevés (Sen et al., 2004). Une récente méta-analyse invalide par ailleurs
l’association entre 5-HTT et neuroticisme (Willis-Owen et al., 2005).

Toutefois, d’autres gènes ont un effet modulateur sur la sérotonine


et représentent de potentiels facteurs génétiques associés aux traits
liés à l’anxiété ou l’inhibition. Ceci est le cas du gène BDNF (facteur
neurotrophique issu du cerveau) dont le polymorphisme Val66Met
(valine ; Methionine) a été mis en relation avec le neuroticisme ou
l’anxiété trait (proche du neuroticisme) et en particulier lorsque le
génotype du polymorphisme contient l’allèle Val de manière homo-
zygotique ou hétérozygotique, soit Val-Val ou Val-Met (Lang et al.,
2005 ; Sen et al., 2003). Ces génotypes expliqueraient par ailleurs
4 % de la variance du neuroticisme, ce qui est peu. Par ailleurs, tout
comme pour le 5-HTT, l’influence du gène BDNF semble dépendante
de la taxonomie des traits utilisée, ces résultats n’ayant pas toujours

98
Taxonomie des traits de personnalité ■ Chapitre 2

été répliqués pour les dimensions du modèle de Cloninger, notam-


ment l’évitement du danger (Frustaci et al., 2008 ; Tsai et al., 2004).

Le gène COMT modulant l’activité dopaminergique est également


l’objet de recherche concernant son implication dans les différences
individuelles, où la présence du génotype Val-Val est significative-
ment associée à la recherche de nouveauté (Hosák et al., 2006) ou
l’extraversion (Reuter & Hennig, 2005) tandis que les porteurs de
l’allèle Met observent des scores d’évitement du danger (Hashimoto
et al., 2007) ou de neuroticisme (Eley et al., 2003) plus élevés. Les rela-
tions entre extraversion, neuroticisme et COMT n’ont pas toujours
été pas été répliquées (Sheldrick et al., 2008).

Les divergences de résultats observés dans ces études pourraient


être expliquées par la faible puissance des analyses en question,
faute d’échantillon suffisamment important pour détecter un petit
effet sur des traits de personnalité par ailleurs complexes. En effet,
les analyses sont généralement réalisées sur les dimensions larges
qui recoupent des facettes plus précises qui peuvent ou non sépa-
rément être associées à un polymorphisme particulier. De même,
les outils d’évaluation des traits peuvent modérer ces associations,
sans compter sur les caractéristiques des sujets inclus dans les études
(patients, genre, sujets sains…) où des directions opposées peuvent
s’observer en fonction des populations étudiées. Par exemple, pour
n’en citer qu’un, la fréquence de certains allèles diffère selon l’ethnie
(Montag, Jurkiewicz & Reuter, 2012).

Pour finir, si les traits de personnalité et leurs effets comportemen-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

taux sont complexes, le fonctionnement biologique l’est tout autant


et il semble difficile d’établir une relation entre un trait spécifique et
un gène spécifique. Les mécanismes biologiques sont régulés par un
ensemble de processus et les gènes n’ont pas une influence unique sur
ces processus mais plutôt interactionnelle. Ainsi, penser l’interaction
entre les gènes BDNF, COMT, 5-HTT et/ou DRD4 (pour ne citer
que ceux qui sont mentionnés ici) pourrait s’avérer plus proche de
la réalité que de les étudier de manière séparée.

99
Introduction aux théories de la personnalité

Si les recherches cherchant à établir l’influence génétique sur les


différences individuelles convergent vers une variance comprise entre
40 et 50 %, les bases moléculaires de ces différences restent encore
à établir tant les études manquent de consensus. Qui plus est, la part
expliquée par les polymorphismes reste peu importante, suggérant
l’implication d’autres facteurs, peut-être moléculaire mais aussi envi-
ronnementaux avec lesquels ces polymorphismes peuvent interagir.
Il apparaît difficile d’établir l’influence d’un variant sur un trait de
personnalité de manière consensuelle, ou encore de trouver une rela-
tion suffisamment solide pour qu’elle apparaisse sur les traits connus
pour être fortement associés (le neuroticisme et l’évitement du
danger par exemple). Ainsi, les méthodes d’évaluation des différences
individuelles peuvent expliquer en partie les divergences observées
(Munafo, Clark & Flint, 2005), de même que le peu d’études dispo-
nibles pour procéder à des méta-analyses suffisamment puissantes.

Conclusion
Pour résumer, si une part importante de la personnalité est héri-
table (40-50 %), les recherches cherchant à identifier l’existence de
variants génétiques prédisant un trait de personnalité spécifique
sont loin d’être consensuelles. Les recherches montrent également
que l’environnement non partagé joue un rôle non négligeable dans
le développement de celle-ci. Il apparaît également que l’environ-
nement partagé (l’influence parentale) n’a que peu d’influence sur
le développement de la personnalité. Tout ceci vient questionner
les différents modèles de compréhension de la personnalité qui ont
été développés et décrits ci-après, suggérant déjà la pertinence d’un
modèle qui se verrait biopsychosocial.

100
Chapitre 3
Les modèles ou théories
de la personnalité
Sommaire
1. De la dimension intrapsychique où prédomine l’inconscient........ 103
2. En passant par l’expérience phénoménologique ........................ 114
3. Vers les schémas cognitifs et le traitement de l’information .... 122
4. Un détour vers le biologique…................................................... 132
Nous avons tenté ici de suivre une logique d’intégration progres-
sive partant des modèles intrapsychiques où les facteurs internes sont
les plus importants pour aller ensuite vers des modèles où l’environ-
nement joue un rôle prépondérant, puis vers des modèles intégrant
les aspects cognitifs, les aspects biologiques, pour terminer enfin par
un modèle biosocial.

1. De la dimension intrapsychique
où prédomine l’inconscient
Certains modèles de la personnalité ont permis de proposer une
conceptualisation des troubles psychopathologiques, de comprendre
les freins au développement personnels, et ont eu pour corollaire de
permettre le développement d’approches psychothérapeutiques qui
leur sont spécifiques. Ceci est le cas des approches psychodynamiques,
existentielles-humanistes et certaines des approches cognitives.

1.1 Les approches psychodynamiques

En dépit des controverses sérieuses et remises en question qui


alimentent les débats entre partisans d’une vision psychanalytique de
la personnalité et leurs opposants, la psychanalyse a eu une influence
profonde en psychologie. Elle fut probablement le tout premier
courant à avoir proposé un modèle de compréhension de la psyché
qui soit à la fois intra-individuel mais aussi interindividuel. À l’origine
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des comportements se trouverait l’organisation de la vie psychique,


les interactions entre forces pulsionnelles et désirs ainsi que les
conflits qui en résultent. Au sein même du mouvement psychanaly-
tique, des divergences opposeront les grandes figures représentatives
de ce courant, notamment en ce qui concerne le complexe d’Œdipe,
le rôle de l’environnement social, la prééminence de l’inconscient sur
le conscient ou encore du Ça sur le Moi, dans le développement de
la personnalité.

103
Introduction aux théories de la personnalité

1.1.1 Sigmund Freud, Karen Horney :


une vision différente qui oppose
masculin/féminin, sexualité et forces sociales

‡ Sigmund Freud (1856-1939)

Freud développera une vision de la vie psychique qu’il définira


comme étant majoritairement sous l’influence de processus incons-
cients. Le premier modèle freudien est un modèle topographique
(topique), divisant les processus mentaux selon leur localisation en
processus conscients, inconscients et préconscients (Freud, 1900). Le
système conscient décrit tout ce qui est immédiatement accessible
à notre connaissance (les pensées) alors que ce qui est accessible mais
nécessite un effort de remémoration serait localisé dans le précon-
scient. L’inconscient qui représente la majeure partie de l’esprit
selon Freud, renfermerait tout ce qui est inaccessible ou caché à la
conscience car non acceptable. La personnalité serait toute entière
contenue et activement maintenue dans l’inconscient sous la pression
d’une énergie psychique au service des pulsions de vie qu’il dénommera
« libido » (pulsions du moi et pulsions sexuelles), mais aussi au service
des pulsions de mort ou pulsions agressives. Cette énergie psychique
représente la force motivationnelle qui anime les processus psychiques
inconscients et conscients, et qui motive alors les comportements. Si
la libido s’exprime de différente manière (symbolique ou non), elle
refléterait toujours, dans la vision freudienne, le besoin de satisfaction
sexuelle et ce quelle que soit sa forme d’expression ; besoin mue par les
pulsions qui n’ont de cesse que d’aboutir à leur satisfaction, répondant
ainsi au principe de plaisir, comme nous le verrons ci-après. La première
topique n’est cependant pas suffisante pour comprendre le passage du
conscient vers l’inconscient, ni l’existence de conflits ou de troubles
psychopathologiques. Elle souligne que ce qui ne peut être acceptable,
car menaçant l’équilibre interne de l’individu ou s’avérerait socialement
inacceptable, est réprimé (ou refoulé) et maintenu dans l’inconscient.

Il faudra attendre la deuxième topique (Freud, 1920 ; 1923) pour


comprendre comment Freud théorise la manière dont chaque

104
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

individu gère les pulsions, notamment par l’introduction de trois


instances : le Moi, le Ça, le Surmoi. La personnalité serait le résultat
des conflits et compromis qui organisent le fonctionnement entre
ces trois instances. Le Ça, réservoir de l’énergie psychique qui motive
l’ensemble de l’activité humaine au travers des pulsions et désirs,
fonctionnerait sous le primat du plaisir et de la satisfaction immédiate
des besoins, répondant ainsi au principe de plaisir. Le Moi, régit en
partie par des processus conscients, a une fonction adaptative en ce
sens où il a pour objectif de satisfaire les pulsions du Ça. Il est régi
par le principe de réalité et maintient dans l’inconscient tout ce qui
est préjudiciable ou inacceptable, en tenant compte des contraintes
du Surmoi, sans qu’il n’y ait de préjudice pour la personne.

C’est lorsque les exigences du Ça deviennent incompatibles avec


les exigences de la réalité qu’apparaît un conflit que le moi tentera de
résoudre par la mise en place de mécanismes de défenses. Le carac-
tère dynamique de la théorie freudienne réside dans l’idée de conflit
et compromis qui résulte des interactions entre ces trois instances ;
l’opposition entre principe de plaisir (Ça) et principe de réalité (Moi).
Ce modèle topographique et dynamique tente de rendre compte
des motivations inconscientes à l’origine des comportements (où
comment nous faisons parfois des choses sans savoir pourquoi !) qui
ne seraient alors que les différentes voies d’expression qu’empreinte le
besoin de satisfaction sexuelle. Ce besoin de satisfaction est voué à être
différé sous l’effet notamment du développement et de la pression des
figures d’autorité. En effet, si la satisfaction immédiate des besoins, qui
répond au principe de plaisir, caractérise le tout jeune enfant, celui-ci
va devoir apprendre à différer cette satisfaction pour tenir compte de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

son environnement et satisfaire au principe de réalité. C’est ainsi que


l’enfant passe de la satisfaction immédiate des besoins sous le coup
des processus primaires inconscients, à des modalités de satisfaction
plus secondarisées sous l’effet des processus de pensée secondaires,
que Freud localise dans la partie consciente de la psyché.

Cette évolution va de pair avec ce que Freud conceptualisera dans


une perspective développementale autour des stades psychosexuels ;

105
Introduction aux théories de la personnalité

stades qui se caractérisent par l’évolution des sources de satisfaction


de la libido. Les pulsions sexuelles expliqueraient alors les avatars du
développement de la personnalité : chaque stade implique un conflit
spécifique lié à un type de satisfaction pulsionnelle (orale, anale, ou
phallique par exemple), et la manière dont ce conflit est résolu va
colorer la personnalité de l’individu. Les ratés dans la satisfaction
des pulsions créent des points de fixation qui serviront de point de
restauration lorsque l’individu n’est plus à même de fonctionner de
manière satisfaisante, notamment au cours d’événements trauma-
tiques. Ces points de fixation permettent une régression à un stade
où la satisfaction était possible. L’exemple le plus familier ou commun
(voire trop commun !) est celui du fumeur qui par son comportement
tabagique satisfait une pulsion qui renvoie à l’oralité, comportement
qui peut s’intensifier en fonction des difficultés rencontrées.

Freud a tenté de produire une théorie des processus mentaux adap-


tatifs et non adaptatifs en utilisant des concepts tels que l’énergie
psychique, les instincts ou pulsions et les conduites, en relation
évidemment avec les connaissances de l’époque. Sa théorie des
pulsions de vie auxquelles il oppose les pulsions de mort (pulsions
de destruction et d’agression dirigées vers les autres ou vers soi),
opposant sexualité et agression, est considérée comme la source de
motivation à toutes les conduites humaines. Freud parle d’ailleurs
d’« inconscient motivé » pour désigner le fait que les pensées, les
sentiments et les désirs peuvent être autonomes. Cet inconscient
motivé explique qu’aucun de nos comportements, aucune de nos
pensées et aucun de nos désirs ne surviennent par hasard. En effet,
l’énergie psychique est forcément attachée à un désir qui, s’il peut être
supprimé consciemment ou non, n’est jamais détruit. Ce désir, s’il
est associé à une énergie suffisamment forte, aura tendance à réap-
paraître sous une autre forme et non plus sous l’emprise du contrôle
conscient : symptôme, rêves, lapsus, comportements…

Le modèle freudien a suscité et suscite encore de nombreuses


critiques tant sur le plan méthodologique que théorique. L’absence de
données d’observations limitant toute mise à l’épreuve de la théorie

106
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

(Kihlstrom, 2003), les spécificités des patients qui ont permis l’édifi-
cation de sa théorie, de même que la culture et la période historique
dans lesquels ces développements ont pris place (encore qu’on puisse
considérer toute théorie comme étant « culture-dépendante ») sont
autant d’arguments mis en avant par ses opposants.

L’idée que le développement de la personnalité soit centré autour


des pulsions sexuelles est une grande controverse même au sein de
la psychanalyse, sans compter l’idée que la personnalité serait fixée
à 6 ans. De nombreux psychanalystes ont exprimé leur désaccord et
rompu avec la branche freudienne quant à l’importance de la sexua-
lité si centrale dans la théorie freudienne. Alfred Adler et Gustav
Jung se sont radicalement distanciés quant à la prééminence de l’in-
conscient sur le système conscient, ou quant à l’origine sexuelle des
conduites humaines, introduisant dès lors le rôle de l’environnement
social et des motivations conscientes comme éléments importants
et déterminants des comportements. Toutes ces divergences donne-
ront matière au développement de modèles plus variés et moins
ancrés dans le déterminisme biologique qui caractérisait la théorie
freudienne. De la même manière, on pourrait s’interroger sur l’omni-
potence du masculin dans la théorie freudienne ; omnipotence mise
à mal par Karen Horney dans une modélisation plus féministe de la
psychanalyse.

‡ Karen Horney (1895-1952)

Horney propose une perspective plus féministe de la psychanalyse


qui s’oppose à la vision particulièrement déficitaire de la femme chez
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Freud, même si elle a toujours considéré que ses travaux s’inscrivaient


dans le cadre de la pensée freudienne. Toutefois, sa mise en question
de la psychanalyse classique, du complexe d’œdipe, de la théorie des
pulsions sexuelles, de même que l’origine biologique de celles-ci,
conduira à sa répudiation de l’institut de psychanalyse de New York
(comme beaucoup de ceux qui dévieront du cadre strict de la pensée
freudienne). Elle remettra en cause l’aspect central de « l’envie du
pénis » comme structurant le développement, privilégiant plutôt le

107
Introduction aux théories de la personnalité

rôle des déterminants culturels et historiques dans le développement


de la personnalité. En effet, les normes culturelles détermineraient
ce qui est acceptable pour un homme ou une femme, insérés dans
cette culture. L’idée révolutionnaire d’Horney, pour l’époque, était
l’idée même du développement chez les femmes, d’une identité indé-
pendante de celle de leur conjoint, notamment en accroissant leur
propre potentiel et en recherchant la réussite au travers des carrières
professionnelles qui les intéressaient. Cette « envie du pénis » freu-
dien devait être alors mieux comprise en termes d’envie de pouvoir,
de privilèges et de statut plutôt qu’en terme d’envie de la biologie
masculine (Horney, 1924). Les femmes, finalement, ne désiraient que
ce qui était socialement valorisé, et à l’époque, le pouvoir et le statut
étaient l’apanage masculin.

Les différences entre la psychologie masculine et féminine seraient


ainsi le produit de la culture et non pas celui de la biologie. L’influence
culturelle serait si forte qu’elle relèguerait au second plan l’influence
étiopathogénique des facteurs biologiques dans la névrose. Cette
reconceptualisation de la psychanalyse souligne le rôle de l’influence
sociale et des relations précoces sur les relations interpersonnelles ;
relations interpersonnelles qui sont des facteurs centraux dans le
développement de la personnalité, des troubles de la personnalité
ainsi que dans le maintien de ceux-ci. On voit ici apparaître l’im-
portance de l’environnement social et des expériences personnelles,
prélude au débat désormais classique : « nature versus nurture »
(l’inné versus ce qui est acquis par l’expérience personnelle).

Horney propose une théorie du développement de la personnalité


qui reposerait sur la satisfaction de deux besoins précoces durant
l’enfance : la sécurité et la satisfaction. L’impossibilité à satisfaire
ces besoins essentiels conduirait à des conflits émotionnels qui
prendraient la forme d’une hostilité de base envers les parents et,
conséquemment, générer ce qu’Horney appelle l’anxiété de base.
L’anxiété de base serait à l’origine de la personnalité névrotique
caractérisée par des modalités de relations interpersonnelles peu
adaptées et contre-intuitives. Afin de faire face à l’anxiété, l’enfant

108
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

développerait alors des stratégies défensives interpersonnelles, des


manières rigides d’entrer en relation avec les autres, qu’Horney appel-
lera besoins névrotiques, au nombre de dix (voir quelques exemples
dans le tableau 8).

Tableau 8. Exemples de besoins névrotiques et description

Besoins névrotiques Description


Hypersensibilité à la critique, crainte
Besoin d’affection et d’approbation de ne plus être aimé par autrui, besoin
important d’affection
Sentiment d’incomplétude sans
Besoin de dépendance partenaire, besoin d’être soutenu,
difficulté à prendre des décisions seul…
Blâme les autres si les choses ne se
Besoin d’exploiter les autres, déroulent pas correctement, demande
besoin de pouvoir sur autrui de l’aide de la part d’autrui mais
n’en donne pas en retour…
Besoin d’être le meilleur dans tout
Besoin de réalisation ce qui est entrepris ; refus de l’aide
d’autrui…

Ces besoins névrotiques se caractérisent par leur utilisation exces-


sive et/ou une intensité invalidante. Il arrive également qu’un besoin
spécifique supplante ou éclipse tous les autres besoins au point de
devenir une sorte d’obsession qui régente toute la vie de l’individu. La
nature de ces besoins étant relationnelle, ils peuvent être regroupés
en trois stratégies relationnelles fondamentales plus larges :
• mouvement vers les autres : définit tous les besoins névrotiques
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui tendent à rechercher l’approbation d’autrui et éviter les


désaccords (ex : besoin de dépendance) ;
• mouvement contre les autres : bien que les individus utilisant
cette modalité relationnelle recherchent l’attention des autres,
c’est surtout ce que les autres peuvent faire pour eux qui les
intéressent (ex : besoin d’exploiter les autres) ;
• mouvement de fuite : consiste à se soustraire de ce qui crée un
sentiment de menace et d’anxiété (ex : besoin d’indépendance).

109
Introduction aux théories de la personnalité

Ces besoins ne semblent pas particulièrement névrotiques mais


ressemblent plutôt à des tendances motivationnelles communes.
Ils décrivent tout un chacun mais deviennent névrotiques lorsqu’ils
atteignent une intensité irréaliste, lorsque les buts qu’ils reflètent
sont considérés comme plus désirables qu’ils ne le sont réellement
et lorsqu’un des besoins surclasse et efface tous les autres…

La plus grosse critique de Karen Horney à la position psychana-


lytique dominante de l’époque concerne l’existence du complexe
d’Œdipe, pivot central de la théorie freudienne. De même, elle niera
l’importance de la sexualité dans le développement de la personna-
lité arguant que le modèle freudien a été édifié à une certaine époque
et dans une société particulière en déclin, à la fin du XIXe siècle. Ceci
questionne alors la généralisation d’un modèle de la personnalité en
regard de la période historique dans lequel il s’inscrit, mais aussi en
regard du type de patients qui ont permis à Freud d’élaborer celui-
ci. Les patientes névrosées de Freud étaient peu représentatives
de la population féminine, mais ont servi à édifier un modèle de
compréhension des phénomènes complexes, utilisé dans d’autres
cultures, à d’autres époques et sur d’autres populations. Les réac-
tions propres au complexe d’Œdipe ne seraient peut-être pas aussi
fréquentes que Freud le pensait (Horney, 1937). Pour l’anecdote
quelque peu tautologique, Freud écrivit ceci juste avant de mourir :
« une analyste femme qui n’a pas été suffisamment convaincue de
l’intensité de sa propre envie du pénis, échoue aussi à attacher une
importance à ce facteur chez ses patients » (Freud, 1949, p. 54, cité
par Ellis, 2009).

Quoi qu’il en soit, Horney s’inscrit dans la même vision que Erich
Fromm ou Harry Stack Sullivan, reconnaissant l’importance de
l’inconscient mais refusant que la libido soit la force motivation-
nelle la plus importante dans le développement de la personnalité,
insistant plutôt sur le rôle majeur des forces sociales. Toutefois, le
point commun avec le modèle freudien reste l’attachement à une
psychologie du Ça alors que se développent des modèles mettant
l’accent sur l’importance du Moi.

110
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

1.1.2 De la psychologie du Moi en passant


par la psychologie des relations d’objet

L’opposition entre théories de la personnalité psychanalytiques


versus psychodynamiques n’a plus réellement cours, la psychanalyse
moderne intégrant une pluralité de positions théoriques, même très
éloignées de la position freudienne. Il est difficile de rendre compte
ici de l’ensemble des théories qui ont émergé en regard de la person-
nalité. Nous ne donnerons ici que les idées majeures et le lecteur
intéressé pourra utilement se référer aux travaux de Westen (Westen,
Gabbard, & Ortigo, 1990). Il s’agit ici d’évoquer deux courants qui
mettent l’accent sur l’importance du Moi par opposition au ça, et
à l’importance de l’objet relationnel par opposition à la libido, en tant
que moteur motivationnel.

‡ La psychologie du Moi (Ego Psychology)

Les relations entre les forces motivationnelles et les processus


cognitifs tels que la perception, la régulation des impulsions ou la
cognition ont contribué à mettre en avant l’importance du Moi et sa
fonction dans le développement de la personnalité (Westen, 1990).
Un des tenants de cette approche est Erik Erikson (1914-1994) qui,
bien que psychanalyste, propose une théorie développementale
psychosociale ; psychosociale au sens où les conflits jalonnant le déve-
loppement ne seraient pas de nature sexuelle mais d’origine sociale.
Erikson propose trois postulats centraux : le Moi est façonné par la
société, l’individu vit dans une période continue de croissance et de
changements et chaque individu est préprogrammé pour traverser
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des stades de développement. Il édifiera une théorie de la person-


nalité articulée autour de stades psychosociaux qui s’étendent de la
naissance à la mort (life span theory, Erikson, 1968). L’incertitude
identitaire caractériserait chacun des 8 stades qui sont structurés
autour d’une crise (identitaire) spécifique, lié à un conflit psycho-
social. À chaque stade correspond ainsi un type de conflit à résoudre
en grande partie afin d’affronter au mieux le stade suivant. Chaque
résolution de conflit participe au développement de l’individu qui va

111
Introduction aux théories de la personnalité

alors intégrer « progressivement des données constitutionnelles, des


besoins libidinaux idiosyncrasiques, des capacités privilégiées, des
identifications signifiantes, des défenses efficientes, des sublimations
réussies et des rôles acceptables » (Erikson, 1968).

L’approche eriksonienne, à la différence de Freud, privilégie l’im-


portance du Moi par rapport au Ça, position qui soutient un Moi fort
essentiel à l’atteinte des buts personnels et fondateur d’une identité
sécure (Erikson, 1994). L’identité, en tant que réalisation développe-
mentale essentielle de la personnalité, pourrait être définie comme
le sens de ce que nous sommes, de ce qui nous rend unique et qui
est sujet au doute. Elle est pensée comme l’histoire narrative qu’une
personne développe à propos d’elle-même (qui suis-je, quelle est
ma place…), historicisation étroitement liée à la manière dont les
conflits développementaux seront résolus. Le modèle erik sonien
s’inscrit également dans une perspective qui récuse l’idée d’une
personnalité fixée à l’âge de 5-6 ans, arguant que le développement
cognitif et affectif est permanent tout au long de l’existence et qu’à
aucun moment il n’y a de période de sommeil comme durant la
période de latence freudienne.

‡ L’approche centrée sur la théorie


des objets de relations

Si les motivations étaient principalement mues par la nécessité


de satisfaction sexuelle dans les théories freudiennes, les tenants de
l’approche centrée sur les relations d’objets mettent l’accent sur le
besoin et la recherche de relations. Selon Fairbairn, la libido n’est
pas associée à la recherche de plaisir mais à la recherche d’objet
(Fairbairn, 1952). Partant de l’expérience clinique et de la confron-
tation avec des patients souffrant de troubles de la personnalité,
ces théories soulignent le rôle des expériences négatives précoces
dans le développement des représentations de soi et d’autrui.
Ces représentations contribueraient aux difficultés relationnelles
rencontrées dans les troubles de la personnalité, suggérant alors
qu’elles seraient essentielles dans le fonctionnement interpersonnel

112
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

et dans le développement de la personnalité. En effet, les relations


d’objet sont associées à de processus cognitifs et émotionnels parti-
culiers qui, en retour, influencent des modalités de fonctionnement
interpersonnel qui seraient récurrentes ou répétitives. Dans cette
même tradition des relations d’objet, la théorie de l’attachement qui
a des liens historiques avec la psychanalyse, et proposée par Bowlby
(1969, 2008), définit la qualité de la relation aux figures importantes
comme centrale dans le développement normal et pathologique.
En effet, les vicissitudes de la relation aux objets d’attachement
dans l’enfance influeraient sur les possibilités de nouer des rela-
tions d’attachement sécure dans la vie adulte et contribueraient
au développement de troubles psychopathologiques mais aussi au
développement de troubles de la personnalité. Par exemple, un atta-
chement anxieux, caractérisé par un besoin excessif d’approbation
des autres et une préoccupation importante quant aux relations
interpersonnelles, peut conduire à devenir incapable de prendre
des décisions, à devenir excessivement « collant » avec autrui, ou
encore anxieux ou développer une personnalité dépendante lorsque
les demandes ne sont pas satisfaites. Ici, ce sont les modèles opérants
internes, sous-jacents aux types d’attachements, qui vont définir des
représentations mentales cognitives, affectives, vis-à-vis de soi et
des autres, et contribuer à la régulation de soi. Ces représentations
mentales sont des structures cognitivo-affectives ou schémas qui
traitent l’information et l’organisent au sein du réseau de repré-
sentations existant, intégrant chaque nouvelle information à celles
déjà présentes (Blatt, & Levy, 2003). Ces schémas qui vont guider
le comportement peuvent contenir des informations justes mais
aussi distordues si les expériences précoces ont été douloureuses
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et/ou carencées.

Le besoin de relation et l’autosuffisance sont communs aux modèles


psychanalytiques récents (voir Otto Kernberg, par exemple…), aux
théories développementales de l’attachement (voir Bowlby, Main…)
et certains modèles cognitifs de la personnalité (théorie des schémas
de Jeffrey Young,…), ainsi que dans les différentes taxonomies qui
ont été développées (voir l’extraversion par exemple). On retrouve

113
Introduction aux théories de la personnalité

également l’importance de la relation aux autres dans les travaux de


Horney alors qu’ils sont plus anciens.

Au travers de l’exposé de ces quelques perspectives sur le dévelop-


pement de la personnalité sous l’angle psychanalytique, nous pouvons
constater une évolution nette dans la manière de penser le développe-
ment de celle-ci, notamment en référence à la place de l’inconscient,
le rôle des pulsions sexuelles, l’environnement, les relations interper-
sonnelles et les relations d’objets. Toutefois, ces modèles font peu de
place à l’expérience même du Sujet, expérience qui va influer sur le
développement de la personnalité au travers des représentations de
Soi et de l’importance du regard des autres. C’est ce virage important
que proposent les modèles humanistes pour comprendre la person-
nalité en dehors des paradigmes théoriques que Rogers considérait
comme guidant trop ce qu’il y a à percevoir au risque de mettre de
côté ce qui est essentiel du point de vue du sujet.

2. En passant par l’expérience phénoménologique


2.1 Les approches existentielles-humanistes

Jusqu’à la moitié du xxe siècle, la psychiatrie était dominée par la


perspective psychanalytique jusqu’à l’apparition du béhaviorisme,
particulièrement aux États-Unis. Ce courant de pensée envisageait
le fonctionnement humain selon le modèle Stimulus-Réponse.
Jusqu’alors, la prise en compte des pensées, des représentations
personnelles et des émotions était considérée comme peu perti-
nente en psychologie, car ces phénomènes étaient non directement
observables et ainsi leur approche non scientifique. L’absence de
considération de ces éléments était une des limites importantes
des approches strictement behaviouristes, celles-ci négligeant des
dimensions de la vie psychique pourtant essentielles. La psychologie
humaniste s’est imposée comme la troisième grande orientation en
psychologie, mettant l’accent sur l’aspect expérientiel des expériences

114
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

humaines, le sens de la vie, en somme des questions qui se prêtaient


assez mal à l’objectivation.

Le cœur des théories existentielles-humanistes réside dans le fait


de considérer l’expérience telle qu’elle est vécue par la personne, au
travers de ses propres yeux et non pas au travers du regard des autres.
En ce sens, il s’agit d’une approche phénoménologique. Ces théories
soulignent la nature fondamentalement bonne de tout individu, et sa
tendance naturelle à la croissance continue (dans le sens d’améliora-
tion de soi, d’auto-actualisation). En effet, tout individu est poussé,
motivé, par un besoin d’accroissement personnel, de développement
personnel, même si des événements de vie freinent ou stoppent
cette tendance. Ce besoin de développement passe par la nécessité
d’être ouvert aux expériences personnelles et implique une centra-
tion sur l’ici et maintenant. Ce sont ces expériences qui favorisent
l’auto-actualisation. Par ailleurs, cette approche met l’accent sur la
question de la responsabilité personnelle : nous sommes responsables
de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. Par essence,
nos comportements sont consciemment déterminés par nos choix
personnels quant à ce que nous voulons faire à un moment donné.
La responsabilité personnelle, de même que la motivation à agir, non
pas sous le coup des pulsions sexuelles ou agressives mais plutôt sous
l’influence d’une tendance naturelle au développement positif de soi,
sont des aspects très éloignés de l’idée que nos comportements sont
entièrement déterminés par nos expériences infantiles précoces, ou
nos pulsions, comme dans les théories psychodynamiques.

2.1.1 Carl Rogers (1902-1987)


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le développement de la personnalité est plutôt appréhendé au


travers du développement de soi, ou développement personnel dans
la perspective rogérienne. Ce qui intéresse Rogers, c’est finalement de
comprendre les moyens et les processus nécessaires pour atteindre
l’auto-actualisation qui permette un fonctionnement plein et entier,
un fonctionnement satisfaisant et épanouissant (Rogers, 1961). Il
développera une théorie du développement de la personnalité mais

115
Introduction aux théories de la personnalité

aussi une méthode de psychothérapie (Approche centrée personne).


Son approche est résolument idiographique dans la mesure où un
individu ne peut être compris qu’à partir de la perception qu’il a de
lui-même, de sa réalité propre qui n’est pas celle d’autrui et qui n’est
pas la réalité « réelle » mais la perception qu’il en a (Rogers, 1951). La
base de son approche postule que l’homme est fondamentalement
bon et que la nature humaine tend vers la croissance au travers des
expériences vécues tout au long de la vie. Les personnes qui fonc-
tionnent de manière pleine et entière, réalisant donc leur potentiel,
ont généralement confiance en elles, dans leurs sentiments et dans
leur jugement. Elles n’éprouvent pas le besoin de se tourner vers
autrui pour prendre une décision. Elles sont ouvertes aux nouvelles
expériences, à la diversité et à la nouveauté. L’ouverture aux expé-
riences est à l’opposé du concept de défense qui vient alors entraver
les expériences nouvelles. Ces personnes sont aussi centrées sur
le présent et non pas tournées vers le passé ou le futur. D’ailleurs,
Rogers considérait que l’important résidait dans l’expérience vécue
dans l’ici et maintenant et non pas dans les expériences passées.

Un développement harmonieux de la personnalité reposerait ainsi


sur la possibilité d’être soi-même, d’être celui ou celle que chaque
individu souhaite réellement être. À l’inverse, chercher à être ce que
nous ne sommes pas (jouer un rôle, renvoyer une image de ce soi
qui n’est pas le reflet de ce que nous sommes vraiment) condui-
rait à limiter le développement de la personnalité en entraînant
souffrance ou détresse psychologique. Rogers introduit alors deux
notions importantes : la notion de Self, qui serait l’essence même de la
personnalité et dont le développement reposerait sur les interactions
avec l’environnement ainsi que celle de Self-Idéal, à savoir la repré-
sentation de ce que nous croyons que nous devrions être. C’est en
interagissant et en nous adaptant (adaptation et accommodation du
Self) à l’environnement (pris au sens large, c’est-à-dire en considérant
les relations aux autres, les événements de vie…) que nous dévelop-
pons la conscience de ce que nous sommes. La personne est ainsi au
centre de toutes ses expériences dans un environnement en perpétuel
changement (Rogers, 1951). Ces expériences, notamment en relation

116
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

à autrui, permettent d’intérioriser l’ensemble des représentations


de soi et l’ensemble des valeurs qui nous sont importantes. Alors,
comment expliquer les freins au développement de la personnalité
et l’apparition de souffrances ?

Certaines personnes, sous certaines conditions, peuvent ne pas


réussir à s’auto-actualiser car elles sont entravées dans leur fonc-
tionnement personnel. Le développement du Self est en effet
étroitement lié aux interactions avec les personnes signifiantes de
l’environnement et suppose la satisfaction du besoin d’être aimé et
accepté tel que nous sommes, pour ce que nous sommes. C’est ce
que Rogers appelle le besoin de regard positif inconditionnel. Or, ce
besoin précoce est souvent et involontairement conditionnel, lié à la
réalisation de quelque chose, ou à l’adoption de valeurs ou attitudes,
qui vont satisfaire autrui et permettre l’obtention de gratification
ou renforcement (amour, affection, soutien…), au détriment parfois
de ses propres besoins et désirs. Alors, bien sûr que le regard positif
conditionnel n’est pas systématiquement dommageable (quel parent,
par exemple, n’a jamais formulé que l’obtention de bons résultats
scolaires lui ferait plaisir ?). Il le devient dès lors que « l’amour porté
à » est systématiquement contingent d’attitudes ou de comporte-
ments qui visent à satisfaire le désir d’autrui. En effet, les exigences
énoncées par les proches pour gagner leur regard positif sont appe-
lées « condition de la valeur » ce qui amène à introjecter les valeurs
d’autrui. La résultante de ceci est l’apparition de conflits entre l’ex-
périence personnelle de ce qui est bon ou mauvais pour soi et qui
s’oppose aux valeurs introjectées et imposées par les autres ; ce que
Rogers appelle l’état d’incongruence. Seulement, pour conserver le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

regard positif d’autrui, il est fréquent que le conflit soit résolu en


faveur des valeurs imposées (celles d’autrui) et non pas en faveur de
ce qui serait bon pour soi-même. Les enfants peuvent ainsi devenir
plus préoccupés par ces conditions de la valeur et ne plus se préoc-
cuper de ce qui les rendrait heureux.

Lorsque le regard positif est conditionnel, il en résulte la perte de


ses propres désirs et besoins au profit du besoin de plaire à autrui, de

117
Introduction aux théories de la personnalité

devenir ce que l’autre veut que nous soyons (ou du moins, ce que nous
pensons que l’autre souhaite que nous soyons). Les qualités de l’indi-
vidu sont alors celles que l’autre lui accorde. Ces personnes distordent
ce qu’elles sont pour satisfaire les besoins d’autrui… ce qui touche
bien sûr à l’estime de soi qui, de fait, est aussi conditionnelle. Le self
se développe ainsi en introjectant les conditions de la valeur, valeurs
qui ne sont alors pas développées sur base de ses propres expériences
mais sur base de valeurs externes. Or, ce sont les valeurs qui sont
acquises au travers de l’expérience personnelle qui permettent le
fonctionnement plein et entier car favorisant l’auto-actualisation.
Lorsqu’il y a une discordance entre le Self, ses valeurs propres et
l’expérience vécue (état d’incongruence), l’anxiété qui en résulte, car
menaçant la représentation de soi, conduit à la mise en place de
mécanismes de défense, ce qui n’est pas le cas pour une personne qui
fonctionne de manière pleine et entière. Ces dernières sont capables
d’intégrer cette expérience nouvelle en modifiant leur conception
d’elles-mêmes (auto-actualisation). À l’inverse, les personnes qui ne
peuvent s’auto-actualiser déploient plutôt des réponses défensives
peu fonctionnelles face à l’anxiété.

Parmi celles-ci, citons, par exemple, la distorsion ou l’évitement :


• la distorsion consiste à modifier l’expérience en elle-même
plutôt que ses propres concepts : attribuer le problème à autrui
ou encore dévaloriser la situation…,
• l’évitement consiste à éviter les situations qui pourraient mettre
à mal le concept de soi et sélectionner celles qui ne représentent
pas une menace.

Si la théorie de Rogers bénéficie d’une excellente validité appa-


rente, les recherches soutiennent plus difficilement les concepts
clés de sa théorie notamment parce que ces concepts ont peu été
opérationnalisés par Rogers lui-même, compte tenu de son approche
idiographique et sa résistance à l’évaluation inscrite dans une pers-
pective nomothétique. Les recherches qui ont pu être menées dans ce
cadre théorique étaient essentiellement qualitatives, centrées sur les
méthodes phénoménologiques, à l’heure de l’evidence-based, limitant

118
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

ainsi la portée de leurs résultats (Patterson & Joseph, 2007). Ceci


explique en partie le décalage entre l’attrait de la théorie Rogérienne
pour les praticiens et celui du monde académique. Cela étant, les
hypothèses principales de l’approche centrée personne semblent
supportées par les recherches actuelles au sein de la psychologie posi-
tive, et notamment en regard de la théorie de l’autodétermination de
Deci et Ryan (2008) compte tenu des ponts existant entre les deux
approches (Patterson, 2007).

La notion d’auto-actualisation si centrale dans l’approche huma-


niste ne lui est cependant pas spécifique. En effet, l’apparition du
mouvement cognitivo- comportemental a vu naître un certain
nombre de théorisation de la personnalité. Certaines s’en réclament
clairement et sont sous-tendues par les concepts centraux de condi-
tionnement et d’apprentissage alors que d’autres ne se réclament
pas ouvertement de ce paradigme, tout en présentant certaines
similitudes, notamment en référence aux schémas, représentations
ou croyances que chacun a développés ou développe encore, quant
à soi-même ou vis-à-vis des autres. Une des théories qui a probable-
ment posé les jalons de modèles plus récents est celle des construits
personnels de Georges Kelly (1955), où la notion de mise à jour (auto-
actualisation) est centrale.

2.1.2 Abraham Maslow (1908-1970)

Abraham Maslow fut l’un des fondateurs de l’approche huma-


niste et de la psychologie transpersonnelle qui intègre la spiritualité
à l’humanisme. Il propose que l’être humain se développe en essayant
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de satisfaire des besoins motivationnels organisés de manière hiérar-


chique (Maslow, 1943). Les besoins de base, ceux nécessaires à la
survie et qui correspondent à des besoins physiologiques élémen-
taires, sont des prérequis à l’atteinte des besoins d’ordre supérieurs,
qui recouvrent les besoins de nature psychologique et affective.
L’être humain serait continuellement motivé à satisfaire ces besoins,
l’atteinte des niveaux supérieurs signant alors une bonne santé
psychologique. Ces besoins sont au nombre de cinq et l’atteinte des

119
Introduction aux théories de la personnalité

niveaux supérieurs suppose la satisfaction des niveaux inférieurs.


Chacun des besoins n’est pas considéré comme strictement indé-
pendant mais au contraire comme étant interdépendant les uns des
autres. Par exemple, le besoin d’estime est étroitement lié au besoin
d’amour et d’appartenance dont la satisfaction conditionne la possi-
bilité de gagner en confiance en soi ou d’être reconnu par les autres
(figure 5).

Maslow propose une théorie holistique et dynamique qui postule


que :
• l’organisme dans son ensemble et sa globalité est continuelle-
ment motivé à satisfaire les besoins ;
• les comportements peuvent être sous-tendus par des motiva-
tions inconscientes ;
• les besoins de base sont communs à toutes les cultures ;
• les besoins sont organisés de manière hiérarchique ; les besoins
de niveaux inférieurs étant prépotents sur les besoins de niveaux
d’ordre supérieurs.

Actualisation de Soi Accomplissement et réalisation de soi

Confiance en soi, reconnaissance par autrui,


Besoin d’estime
regard positif

Besoin d’amour Amitiés, intimité


et d’appartenance Appartenance à un groupe de pairs

Besoin de sécurité Sécurité physique, stabilité, protection

Besoins
Oxygène, nourriture, eau
physiologiques

Figure 5. Pyramide des besoins d’Abraham Maslow

Les besoins à la base de la pyramide sont fondamentaux mais tous


sont instinctifs, ancrés biologiquement et universels. La motivation

120
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

est ce qui éveille et dirige nos comportements, elle est sous-tendue


par le manque qui nous pousse à toujours le satisfaire, ce qui définit
les 4 premiers niveaux de la hiérarchie proposée par Maslow. C’est
la raison pour laquelle ces besoins sont aussi appelés « D-needs »
(Deficiency Needs) pour désigner les besoins liés à la nécessité de
combler un manque. En revanche, le dernier niveau de la hiérarchie,
soit le besoin d’auto-actualisation ou d’accomplissement de soi, ne
renvoie pas à la satisfaction du manque mais plutôt au besoin de
croissance, de développement de son propre potentiel et d’épa-
nouissement, ce que Maslow appellera les B-Needs (Being Needs)
ou besoin « d’Être ».

La notion d’auto-actualisation ou la réalisation pleine de son


propre potentiel pose question notamment parce que les personnes
sur lesquelles Maslow a étudié ce phénomène étaient peu repré-
sentatives de la population générale, car appartenant à des niveaux
socio-culturels élevés. D’autre part ces personnes, considérées
comme ayant atteint un haut niveau d’accomplissement personnel,
ont servi à définir les caractéristiques même de l’auto-actualisation.
Plus important, l’aspect hiérarchique du modèle suppose que l’ac-
complissement de soi ne peut être atteint que lorsque les besoins
inférieurs sont satisfaits, ce qui est loin de relever de l’évidence. En
effet, de nombreuses personnes s’accomplissement pleinement alors
même qu’elles peinent à satisfaire des besoins plus fondamentaux.
D’ailleurs, la réalisation de soi pourrait aussi être envisagée comme
un moyen de combler d’autres besoins non satisfaits…

La notion d’auto-actualisation est centrale dans les approches


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

humanistes mais contrairement à la position de Maslow, l’atteinte


de ce besoin n’est pas si rare. Selon Carl Rogers, l’accomplissement
de soi est un but que tout à chacun peut atteindre, et qui diffère selon
ce qui est important ou pas pour chaque individu. Il est difficile de
normer l’accomplissement de soi tant les valeurs individuelles sont
différentes.

121
Introduction aux théories de la personnalité

3. Vers les schémas cognitifs


et le traitement de l’information

3.1 Les approches cognitives

Au début du XXe siècle, le thème majeur en psychologie de la


personnalité était la cognition et ainsi l’étude de ce qui se trouvait
à l’intérieur de la fameuse « boîte noire » ; système qui était jugé
non pertinent par les behaviouristes compte tenu de son caractère
non observable. Les modèles cognitivistes tentent de comprendre
comment l’information sensorielle est traitée (théories basées sur
le traitement de l’information) pour donner lieu aux différentes
perceptions individuelles et, plus généralement, pour rendre compte
de la manière dont chacun construit sa propre réalité. Dans cette
perspective, notre personnalité serait construite au travers de nos
interprétations des interactions sociales ou des événements qui
jalonnent notre vie mais aussi des réponses qui en découlent. La
construction de nos interprétations, de nos schémas, représentation
du monde et des autres découlant du processus sous-jacent qu’est
l’apprentissage. La personnalité influerait sur nos perceptions, notre
façon de penser ou d’agir. Deux personnes n’interpréteront pas la
même situation de manière similaire, ne formeront pas les mêmes
impressions sur un même événement, celles-ci percevant ces situa-
tions de manière personnelle, en fonction de ce qui est signifiant ou
non pour elles-mêmes et en fonction de leurs construits ou schémas
personnels, bref, en fonction de leur manière de traiter l’information.

Un même événement, une même question, peuvent engendrer des


réponses assez différentes, soit centrées sur des éléments rationnels,
soit centrées sur des éléments affectifs. Alors comment expliquer ceci
en regard de la personnalité ? Ces exemples soulignent l’importance
de la cognition dans la perception d’une situation. Les différences
individuelles quant à la manière dont les gens pensent et interprètent
leur monde sont au cœur des approches cognitives de la personna-
lité. Mais qu’entend-on par « cognition » ? C’est un terme général qui

122
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

renvoie à la conscience, à la pensée mais aussi à des actes mentaux tels


que percevoir, raisonner, mémoriser, interpréter, se souvenir, croire,
ou encore anticiper (entre autres). Ces comportements mentaux
s’ajoutent aux processus de traitement de l’information.

Exemple
Vécu du dépistage génétique par deux personnes qui se sont vues remettre
un diagnostic positif quant à la présence d’une mutation prédisposant au
cancer du colon.
Qu’est-ce qui peut expliquer ces différences de perspective ?
« C’est une chance de connaître son statut, tout va très bien, je suis surveillé
régulièrement et s’il y a quelque chose je serais pris à temps ».
« Depuis, je vis dans l’angoisse même si je fais mes coloscopies régulière-
ment, j’ai peur pour mes enfants, ça m’envahit complètement ».

Nous avons choisi ici de présenter deux modèles qui ont la parti-
cularité de s’inscrire dans une approche non strictement cognitive.

3.1.1 La théorie des construits personnels de Kelly


(1905-1967)

Les travaux de Georges Kelly ont été une révolution en psycho-


logie cognitive même s’il a toujours refusé ce label théorique, jugé
trop restrictif, en référence à la conceptualisation qu’il propose.
Kelly propose une théorie compréhensive, plutôt phénoménolo-
gique (centrée sur le sens personnel de l’expérience et du vécu de
la personne) qui trouve sa source et son fondement dans l’esprit
humain plus que dans des forces externes (Kelly, 1955). Le pilier de
sa théorie repose sur l’idée que chacun d’entre nous crée et modifie
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

continuellement un modèle personnel du monde (une mise à jour


continuelle en quelque sorte), qui est basé sur l’expérience de vie et
l’environnement qui nous est propre.

Sa théorie s’appuie sur le concept essentiel de construit personnel,


qui est la structure cognitive (sorte de carte mentale) que chacun
utilise pour créer du sens et interpréter le monde qui l’entoure. Ces
construits ont pour fonction d’aider l’individu à prédire ce qui se

123
Introduction aux théories de la personnalité

passera pour lui dans un futur proche. Nos prédictions, à propos du


monde qui nous entoure, sont guidées par un réseau d’interpréta-
tions que nous acquérons au travers de nos expériences de vie. Nous
observons et inférons, ou construisons des règles générales à propos
de ces événements, ce qui permet le développement et la modifica-
tion des construits personnels et de leur organisation. En fait, ces
construits sont des sortes d’hypothèses qui sont continuellement
testées soit pour les affirmer soit pour les infirmer, le développement
d’une hypothèse alternative surgissant alors dans ce dernier cas. Ces
hypothèses ou construits personnels nous permettent d’interpréter le
monde environnant et expliquent les différences de comportements
selon Kelly. Les différences de personnalité résulteraient alors des
différences dans la manière dont les individus interprètent leur envi-
ronnement. Et parce que nos construits personnels sont des filtres
que nous appliquons systématiquement dans une situation donnée,
nos comportements sont relativement stables.

Ces construits sont personnels, différents d’une personne à l’autre,


en particulier en regard de leur organisation, de la manière dont ils
sont reliés les uns aux autres. Ils sont définis comme étant bipolaires
(ex : amical-non amical, chaleureux-hautains, sympathique-froid…),
les pôles pouvant être similaires d’une personne à l’autre ou pas (par
exemple amical-non amical, amical-réservé). Ils sont appliqués afin
de construire une représentation des événements et des personnes
que nous rencontrons. Ils servent ainsi à créer la réalité psychologique
de chaque individu. Si cette vision bipolaire des construits personnels
laisse supposer une vision dichotomique en tout ou rien, ou en noir
et blanc, il n’en est rien. En effet, l’organisation des construits est telle
qu’elle permet une représentation des plus nuancée.

Si certains construits sont communs à nos deux protagonistes,


leur organisation est différente. Le premier construit utilisé pour se
former une représentation de Paul n’est pas le même et s’articule de
manière tout à fait personnelle aux autres construits, ce qui aboutit
à une représentation toute différente. Il est aussi possible que les
pôles des construits ne soient pas les mêmes d’un individu à l’autre

124
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

d’une part et que, d’autre part, d’autres construits soient appliqués


pour adapter un comportement à un événement. Par exemple, Édith
aurait pu d’abord juger Paul à la lumière de son niveau intellectuel
(intelligent-stupide, par exemple), puis sur son ouverture d’esprit
(ouvert-borné) et ainsi de suite. La vision qui en découle va alors
contribuer aux attitudes et comportements qu’Édith mettra en place
dans l’interaction avec Paul. La nature de l’interaction sera évidem-
ment différente de celle de Mathieu puisque les construits et leur
organisation diffèrent.

Exemple
Mathieu et Édith rencontrent Paul au cours d’une soirée. Tous deux ne
partagent pas la même opinion sur cette personne. Les pôles de leurs
construits bien que similaires ne sont pas organisés de la même manière.

Chaleureux Hautain

Ouvert Intolérant

Organisation des construits


Sympathique Antipathique de Mathieu vis-à-vis de Paul.
Celui-ci va d’abord décider que
Paul est hautain, mais ouvert,
Fiable Non fiable sympathique et finalement qu’il
est digne de confiance.

Sympathique Antipathique

Hautain Chaleureux
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Organisation des construits


Ouvert Intolérant d’Édith. Elle va considérer que
Paul est d’emblée antipathique,
hautain, bien qu’ouvert et fiable.
Fiable Non fiable

Les différences de personnalité seraient ainsi le résultat des diffé-


rences tant dans les construits personnels dont les pôles diffèrent
possiblement d’un individu à l’autre mais aussi dans l’association

125
Introduction aux théories de la personnalité

entre ces construits. Ces associations vont engendrer des représen-


tations personnelles du monde environnant mais aussi des modalités
d’adaptation comportementale différentes. L’aspect dispositionnel
est lié au fait que nous interagissons avec notre environnement
sous le prisme de nos construits personnels d’où une tendance à se
comporter de manière récurrente dans certaines situations aux carac-
téristiques similaires.

Kelly, engagé dans une pratique de psychothérapeute, suggère


que la détresse psychologique survient lorsqu’il y a impossibilité
à comprendre ce qu’il se passe et trouver une signification aux
événements qui se produisent. L’anxiété serait ainsi la résultante de
l’impossibilité à comprendre et donner du sens aux circonstances de
vie. Lorsque les événements ne s’ajustent pas à nos modèles et ne sont
pas compris, il y a alors nécessité de modifier les construits existants
ou d’en former de nouveaux. Le sentiment de menace (anxiété) est
une condition qui vient freiner la mise à jour des construits existants.
Une préoccupation excessive sur d’anciens construits ne permet pas
leur modification, ni la formation de nouveaux construits, de même
que le manque d’environnement social ou d’expérience est également
un facteur limitant. Si les construits sont trop rigides et imperméables
aux expériences, ils ne changent pas et ne permettent pas de s’ajuster
aux nouvelles expériences. Nous pouvons ici faire un parallèle avec
la notion d’auto-actualisation centrale dans la théorie rogérienne.
L’approche de Kelly est plutôt constructiviste par nature dans la
mesure où les construits sont perpétuellement évalués et modifiés
(normalement) à la faveur de nos expériences personnelles au sein
de notre environnement social.

Si l’apport de ce modèle repose sur la prise en compte de la subjec-


tivité et du phénoménologique, une de ses faiblesses repose sur
l’absence de prise en compte des émotions dans la modification des
construits, Kelly considérant l’être humain comme étant rationnel
par nature. En effet, les émotions (culpabilité, peur, honte…) sont
considérées dans ce modèle comme les conséquences des construits
personnels. Or, si l’expérience d’un événement nous est désagréable,

126
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

il est fort probable que l’état émotionnel ressenti durant cet événe-
ment contribue à affiner consécutivement les construits qui nous
permettent d’anticiper et d’ajuster nos comportements. De plus,
si nous comprenons comment les construits évoluent, il n’est pas
évident de saisir comment ils se développent. Enfin, dans une pers-
pective scientifique, peu de travaux de validation ont été réalisés, ce
qui est indiscutablement difficile compte tenu de la prise en compte
de la singularité des personnes et la nécessité alors d’une approche
idiographique (cas) versus nomothétique (groupe).

3.1.2 Les approches sociocognitives

Les différences individuelles s’expriment différemment d’une


situation à une autre ou, dit autrement, elles seraient peu prédic-
tives de ce que fera ou non une personne dans une situation ou une
autre. L’approche lexicale ou factorielle des Big Five n’est pas destinée
à prendre en considération le rôle du contexte dans le développement
et la mise en œuvre des processus de personnalité : ceci est la diffé-
rence majeure entre l’approche Big Five et l’approche sociocognitive.
Pour cette dernière, les systèmes psychologiques de la personnalité
sont intrinsèquement contextuels, fortement en interaction avec le
contexte social puisque la cognition est dirigée vers l’environnement
et se caractérise par l’intentionnalité. Toute pensée est contextuelle.
Enfin, à la différence des Big Five qui s’inscrivent dans une perspective
interindividuelle, les modèles sociocognitifs tentent de comprendre
les variations intra-individuelles.

‡ Le modèle de Walter Mischel et Shoda :


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Système de Personnalité Cognitivo-Affectif

Mischel a soutenu, après examen de la littérature scientifique,


qu’aucune recherche ne démontrait la consistance des traits de
personnalité d’une part et que d’autre part, la personnalité expli-
quait moins de 10 % de la variance des comportements (r = .30).
Ceci va à l’encontre de l’idée que les individus seraient caractérisés
par des traits de personnalité larges qui expliqueraient une certaine

127
Introduction aux théories de la personnalité

consistance comportementale quelles que soient les situations. Ainsi,


les comportements ne seraient pas déterminés par les traits mais
bien plutôt dépendants de situations spécifiques. Aussi, l’opposition
majeure entre l’approche centrée sur les traits et l’approche socio-
cognitive se trouve justement dans le fait que la centration sur les
différences interindividuelles ne rend pas compte des comportements
mais que c’est bien plutôt la centration sur les différences intra-
individuelles qui permettrait de comprendre les dits comportements.
Une autre opposition majeure d’avec le modèle des traits découle
de ce qui précède. Ici, il n’est plus question de parler de stabilité des
traits de personnalité mais de considérer qu’au sein de l’individu, il
existerait des patterns stables et distinctifs qui se repèrent au sein
des variations comportementales d’un individu. Autrement dit, si le
comportement varie d’une situation à une autre, il y a une certaine
stabilité dans la manière dont chaque comportement varie d’une
situation à une autre (Mischel, Shoda & Mendoza-Denton, 2002). Il
s’agit donc ici de concilier à la fois la notion de stabilité de la struc-
ture de la personnalité et celle de variabilité intra-individuelle. Les
comportements seraient alors bien plus influencés par les situations
que par les traits de personnalité et notamment parce que chaque
situation active des patterns spécifiques d’affect et de cognitions.

La question que se sont posée ces chercheurs est celle relative à la


constance et à l’invariance qui demeure en chacun de nous, durant
les changements qui affectent nos pensées, nos émotions et nos
comportements (Shoda, LeeTiernan & Mischel, 2002). Ce modèle
sociocognitif met l’accent sur les processus de la personnalité qui est
vue comme un système dynamique et non pas sur des traits qui sont
statiques. Chaque individu est caractérisé par un réseau relativement
stable d’activités mentales, acquises par apprentissage en particulier
au sein de la culture, par apprentissage lié au patrimoine génétique,
et au cours de l’histoire biologique. Les individus différeraient les
uns des autres dans l’organisation de leurs processus cognitifs et
affectifs ainsi que dans l’accessibilité de ces processus. À mesure que
les personnes sont confrontées à des événements dans leurs vies,
différents processus seront activés pour médiatiser l’impact de ces

128
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

événements en raison du système cognitivo-affectif de l’individu :


certains seront plus sensibles à certaines situations que d’autres.

Le modèle proposé par Mischel met l’accent sur trois aspects :


1. Comprendre la personnalité implique d’examiner le contenu et
l’organisation des variables de personnalité selon des configura-
tions qui varient d’une personne à l’autre : le but du psychologue
est alors d’établir des correspondances entre pensées-sentiments
et tendances motivationnelles.
2. L’individu fonctionne en interaction avec son environnement
social : les processus de personnalité sont activés dans un contexte
et pas dans un autre.
3. Le modèle des Big Five donne un indice des comportements
moyens d’une personne. Or la perspective de Mischel et Shoda
prône de se focaliser sur les variations du comportement de l’indi-
vidu qui, de fait, ne sont plus traitées comme de l’erreur aléatoire de
mesure mais bel et bien comme quelque chose de nature psycho-
logique (pour rappel, le modèle des Big Five suppose que les traits
de personnalité sont stables et conduisent à des comportements
stables dans une situation donnée). Selon Mishel et Schoda, les
variations comportementales d’une situation à l’autre donnent
beaucoup d’informations sur un individu.

Le système cognitivo-affectif de la personnalité (CAPS) propose


une re-conceptualisation de la personnalité, non pas sous forme de
traits, mais sous forme d’organisation des activités cognitives et affec-
tives qui vont influencer la manière dont vont répondre les personnes
à certains types de situations (Mischel & Shoda, 1995). Ainsi l’individu
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est vu comme constitué d’un réseau de représentations mentales qui


vont activer des pensées, des émotions et générer des comportements
spécifiques, en fonction des caractéristiques d’une situation. Les
cognitions et affects particulièrement signifiants pour la personna-
lité sont associés à différents contenus ou unités cognitivo-affectives.
Ces unités sont constituées par nos interprétations à propos de soi,
du monde ou des autres (encodage), nos attentes et nos croyances
en termes de conséquences des comportements dans une situation

129
Introduction aux théories de la personnalité

donnée et notre sentiment d’auto-efficacité dans ces mêmes situa-


tions. Elles incluent également les buts que nous poursuivons, nos
états affectifs, de même que nos souvenirs à propos des personnes
et expériences passées ainsi que toutes les habiletés ou procédures
qui servent à la régulation de soi et à la construction des comporte-
ments observables. Chaque individu diffère en regard de ces unités
cognitivo-affectives qui sont prêtes à s’activer mais ne le sont pas en
permanence, ni systématiquement dans tous les contextes, expli-
quant la variabilité observable dans les comportements d’un individu.
Au sein des changements comportementaux se dégageraient ainsi
des patterns stables et prédictifs rendant compte de la variabilité
observée et donc de l’inconstance apparente des comportements.
Alors comment comprendre que ces unités s’activent dans certains
contextes, à certains moments et non dans d’autres ? Et pourquoi
un individu X ne se comportera pas comme l’individu Y dans une
même situation ?

Les unités cognitivo- affectives décrites ci- dessus ne sont pas


isolées mais interconnectées entre elles avec une force de liaison
variable. Certaines connexions entre paires d’unités sont plus fortes
que d’autres ce qui explique pourquoi elles s’activent dans certaines
situations et pas dans d’autres, l’activation découlant d’un processus
en « Si… Alors » (Kammrath, Mendoza-Denton, & Mischel, 2005 ;
Shoda, Mischel, & Wright, 1994). Ceci permet de comprendre pour-
quoi une odeur, un son particulier font jaillir une pensée, le souvenir
d’une personne ou d’un événement, qui vous ramène à d’autres
pensées et émotions en lien avec cette personne ou cet événement,
et ainsi de suite… jusqu’à produire certaines réponses comportemen-
tales, qui n’apparaîtront pas dans d’autres situations. Ceci explique
également pourquoi ces réponses ne seront pas observées chez une
autre personne, celles-ci se différenciant quant à ses propres unités
cognitivo-affectives. Ainsi chaque individu se caractérise par des
unités plus ou moins associées entre elles, formant un réseau d’asso-
ciations qui leur confère une singularité qui les distingue des autres
individus. Ce sont les caractéristiques saillantes de la situation ou
contexte, signifiantes pour une personne donnée, qui vont activer

130
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

les unités cognitivo-affectives sensibles à ces traits saillants. Cela


implique que les caractéristiques de la situation sont essentielles et
interagissent avec l’individu.

Toutefois, il n’est pas nécessaire que l’événement soit externe pour


favoriser telle ou telle association. En effet, nos flux de pensées à un
moment donné suffisent à générer certaines cognitions, émotions
et réponses comportementales spécifiques. Ces événements ne sont
donc pas uniquement des situations sociales ou interpersonnelles
mais aussi des situations intrapsychiques, comme l’état d’humeur,
les sentiments par exemple (si je me sens déprimée, j’ai tendance
à agir de telle sorte…).

Si le réseau associatif et les unités de traitement cognitivo-affectifs


sont stables (encore que ces associations puissent être modifiées), le
comportement qui est la conséquence de l’activation de certaines
unités dans une situation particulière, est lui source de variation. La
constance de la personnalité apparaît lorsque des situations similaires
engendrent des réponses de même type parce que les traits saillants
de ces situations activent les mêmes unités cognitivo-affectives. Si
les situations sont définies afin de saisir les traits psychologiques de
base qu’elles sont à même de stimuler ou d’activer, alors l’information
sur les tendances comportementales d’un individu, spécifique à ces
situations, pourra être utilisée pour prédire le comportement dans
des situations plus larges qui contiennent les mêmes particularités
psychologiques.

Exemple
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les situations qui comportent un certain niveau de critique ou de manque


d’attention d’un partenaire pourraient activer des niveaux de débordement
émotionnel chez certaines personnes sensibles au rejet dans les relations
intimes.

Dans la théorie de Mischel et Shoda, les personnes diffèrent


dans la manière dont elles se focalisent sur tel ou tel aspect d’une
situation, sur la manière dont elles les catégorisent et les encodent

131
Introduction aux théories de la personnalité

cognitivement et émotionnellement, et dans la manière dont l’enco-


dage va activer et interagir avec d’autres cognitions et d’autres affects
du système de personnalité. L’individu est vu de manière active, dirigé
par des buts, construisant des plans, et générant des changements
mais aussi comme construisant en partie les situations. L’organisation
des cognitions, et des affects dans le système reflète l’expérience de
l’individu, son histoire en regard des apprentissages sociocognitif
mais aussi reflète les variables constitutionnelles et génétiques telles
que le tempérament.

4. Un détour vers le biologique…


4.1 Les approches psychobiologiques et neurocognitives

L’idée que l’être humain naissait comme un tableau vierge qui se


remplirait au fur et à mesure, au gré des expériences, a longtemps
perduré. Or, qui n’a jamais remarqué des similitudes comportemen-
tales ou de personnalité entre membres d’une même famille ? Bon
nombre d’expressions populaires traduisent cette « transmission »
familiale : « les chiens ne font pas des chats », « tel père, tel fils »… Si
ces expressions peuvent en effet renvoyer à une forme d’apprentis-
sage social, la question de la transmission héréditaire se posait aussi.
L’idée d’un substrat biologique ne date pourtant pas d’hier, les Grecs
anciens associant déjà certains tempéraments à des fluides corporels
spécifiques (biles noires, jaunes… voir chapitre 1).

La reconnaissance d’une influence génétique sur la personnalité


a été de pair avec la reconnaissance de l’importance des facteurs
psychobiologiques sur celle-ci. De nombreux paramètres biolo-
giques, impliqués dans les réponses comportementales individuelles,
ont été associés aux différences individuelles (ocytocine, réponses
cardio-vasculaires, activités cérébrales, activité électrodermale, pour
n’en citer que quelques-unes). C’est sur ce constat que s’appuient
les modèles dits « psychobiologiques » de la personnalité. Ceux-ci

132
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

peuvent être catégorisés selon qu’ils mettent l’accent sur l’implication


des structures cérébrales comme déterminant certaines dimensions
ou traits de la personnalité ou selon qu’ils expliquent la variabilité
individuelle de ces traits en référence à l’activité des neurotransmet-
teurs. Plus récemment, des facteurs génétiques ont été explorés et il
en sera fait brièvement l’exposé.

4.1.1 De la théorie de l’arousal de Hans Eysenck


à la théorie du renforcement de John Gray

‡ Théorie de l’arousal de Eysenck

Hans Eysenck a proposé une théorie des traits basée sur trois
facteurs, décrits dans le chapitre précédemment (neuroticisme,
extraversion, psychoticisme). Au-delà de l’aspect descriptif de la
personnalité, il soutenait l’origine biologique de ces différences indi-
viduelles notamment sur base des arguments qui suivent (Eysenck,
1967, 1990a). D’une part la consistance des traits dans le temps
(leur stabilité) est évocatrice d’un substrat biologique. D’autre part,
la réplication des trois dimensions dans différentes cultures tend
à montrer que c’est bien plutôt la part biologique qui sous-tend ces
similitudes, plus que la part culturelle. En effet, si l’origine des traits
était culturelle, et étant donné la grande diversité des cultures, nous
devrions alors retrouver des différences plus que des similitudes.
Enfin, les études génétiques semblent montrer que chaque individu
hérite d’une prédisposition quant au facteur extraversion et neuro-
ticisme (cf. p. 88 sqq.).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Selon Eysenck, les différences individuelles sur une dimension


de personnalité (ex : introversion-extraversion) seraient liées à des
différences de l’activation de l’axe cortical. L’approche biologique
d’Eysenck est principalement une théorie de l’arousal cortical (ou
éveil) et propose que les extravertis se différencient des introvertis
par leur comportement mais également par leur niveau d’activation
cérébrale au repos (Eysenck, 1967). Les extravertis auraient un niveau
d’activation corticale plus faible que les introvertis, ce qui permettrait

133
Introduction aux théories de la personnalité

de comprendre pourquoi ils s’engagent préférentiellement dans des


activités stimulantes, à l’inverse des introvertis qui tentent de limiter
leur niveau d’activation déjà élevé, afin d’éviter des effets aversifs. La
dimension extraversion impliquerait la formation réticulée et ainsi,
une différence entre extravertis et introvertis quant à leurs réponses
à des stimuli sensoriels. En d’autres termes, les introvertis auraient
des seuils d’activation bas avec pour conséquence une réactivité plus
élevée, modulée par la formation réticulée.

Toutefois, les recherches récentes (activité électrodermale et


potentiels évoqués) ne corroborent pas cette différence d’activation
au repos (voir Stelmack, 1990). En revanche, il y a bien un consensus
sur le fait que les introvertis seraient beaucoup plus activés lors d’ac-
tivités d’intensité modérée à élevée que les extravertis, les études
montrant des réponses physiologiques d’amplitudes plus importantes
que celles des extravertis (Stelmack, 1990). À activité similaire, les
extravertis la jugeront agréable et plaisante alors que les introvertis
la jugeront comme excitante, ou se sentiraient submergés par le flux
d’activation. La dimension neuroticisme-stabilité serait quant à elle
associée à la réactivité lors de stimuli principalement affectifs car
impliquant l’activation des circuits limbiques. Ainsi les individus peu
stables (neuroticisme élevé) réagiraient de manière exacerbée à ces
stimuli par opposition aux individus stables émotionnellement.

Ces résultats laissent plutôt entendre une différence de sensibilité


aux stimuli plutôt qu’une différence d’activation de base (au repos),
ce qui a abouti à une reformulation différente du modèle d’Eysenck
au travers de la théorie de la sensibilité au renforcement (Gray, 1972 ;
Gray & McNaughton, 2000 ; Gray, 1970).

‡ La théorie de la sensibilité au renforcement


de Gray

Alors que les deux dimensions que sont l’extraversion et le


neuroticisme sont conceptualisées comme étant orthogonales (indé-
pendantes), les études montrent que ces deux dimensions sont en fait

134
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

modérément corrélées d’une part et que d’autre part, l’analyse facto-


rielle, si elle permet d’obtenir des facteurs décrivant les différences
individuelles de manière pertinente, n’est pas forcément le meilleur
point de départ pour identifier les structures causales biologiques
sous-jacentes (Corr & McNaughton, 2008). En effet, ce que soulignent
Corr et McNaughton, c’est que la démarche majoritairement adoptée
est une démarche top-down, c’est-à-dire des traits vers les structures
physiologiques causales, alors qu’une démarche bottom-up semble
plus logique car il est difficile et peu intuitif de penser qu’une struc-
ture causale unique va expliquer un trait de personnalité unique. Or
si nous partons d’abord des traits existants, il sera difficile d’établir
qu’il existe des influences séparées rendant compte de chaque trait
identifié préliminairement. Qui plus est, l’identification des traits
de personnalité ou du moins leur expression phénotypique via des
mesures développées à cet effet, correspond finalement à l’aboutisse-
ment d’une série de processus, d’interactions et d’influences diverses,
y compris biologiques, qui vont colorer la personnalité.

À l’origine, la théorie de Gray n’était pas une théorie de la person-


nalité mais de la motivation, des émotions et de l’apprentissage pour
comprendre l’anxiété et l’impulsivité et ce, en termes de processus
impliquant le fonctionnement des systèmes biologiques (Smillie,
Pickering & Jackson, 2006). Le fonctionnement de ces systèmes varie
d’un sujet à l’autre (en l’occurrence des rats, puisqu’il s’agit à l’origine
d’un modèle animal), de manière stable et héritée. C’est par la suite
que ce modèle a été associé à la personnalité, la motivation et les
émotions faisant référence à ces processus centraux, biologiques, qui
pourraient alors être liés à des traits de personnalité (Smillie, 2006).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Selon Gray, l’anxiété et l’impulsivité sont deux grands facteurs


de la personnalité. L’impulsivité décrirait les personnes qui ont un
niveau d’extraversion et de neuroticisme élevé (pour rappel, ces
dimensions s’inscrivent le long d’un continuum et tout individu peut
présenter des manifestations de ces deux traits simultanément à des
degrés divers), tandis que l’anxiété dépeindrait les personnes ayant un
niveau de neuroticisme important mais une faible extraversion. Ces

135
Introduction aux théories de la personnalité

deux traits de personnalité seraient alors sous-tendus par des diffé-


rences de fonctionnement des sous-systèmes biologiques impliqués
dans les réponses d’approche (renforcement positif) et d’évitement
(renforcement négatif), soit des systèmes motivationnels. Les réponses
d’approche sont caractéristiques du système d’approche (ou acti-
vation) comportementale (Behavioral Approach System, BAS) qui
implique les régions cérébrales (en lien avec le système dopami-
nergique) sensibles aux stimuli à valence positive (récompense) et
impliquées dans les réponses en lien avec le plaisir et l’excitation. Dans
la première version de la théorie de la sensibilité au renforcement, les
réponses d’évitement étaient caractéristiques du système d’inhibition
comportementale (Behavioral Inhibition System, BIS) impliquant le
système septo-hippocampal et sensible aux stimuli négatifs condi-
tionnés signalant un renforcement négatif (punition) ou l’absence
de renforcement positif. Toutefois, lors de la révision de ce modèle
(Gray, 2000), le BIS devient désormais responsable de la résolution des
conflits. En effet, Gray introduira un troisième système, Fight-Flight-
Freeze System (FFFS), impliqué dans les réponses comportementales
face à des stimuli négatifs/aversifs qui vont produire soit des réponses
de défenses par l’agression (fight) soit des réponses de fuite (flight) ou
des réponses de blocage (gel des réponses comportementales) lorsque
ces stimuli ne peuvent être évités.

Ainsi en cas de conflit face à des situations qui peuvent générer


à la fois une menace et une récompense (fumer, par exemple, induit
à la fois un sentiment de menace en regard de la santé mais aussi une
« récompense » en regard des effets attendus de la cigarette), le BIS
va alors, soit inhiber les réponses comportementales en activant le
système FFFS (évitement), soit activer les réponses d’approches via
le BAS, selon que les bénéfices surpassent ou non les conséquences
négatives. Toutefois les situations de conflits peuvent apparaître
également lorsque deux situations appétitives ou menaçantes
surviennent simultanément, l’une étant moins menaçante ou moins
renforçante que l’autre. Ici, le BIS changera la valence de l’une ou
l’autre situation jusqu’à ce que le conflit soit résolu et qu’une réponse
d’approche ou d’évitement soit mise en œuvre.

136
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

Si le BAS est associé à l’impulsivité, le système FFFS médie les


réponses en lien avec la peur et non pas l’anxiété, cette dernière
témoignant plutôt du conflit entre approche et évitement et donc
sous l’égide du BIS.

Si la manière dont le BAS et le BIS sont associés à l’extraversion


et le neuroticisme reste en débat (Smillie, 2006), nombreux sont
ceux qui s’accordent à dire que les personnes qui ont un système
d’approche comportemental particulièrement actif sont celles qui
obtiennent également des scores élevés d’extraversion, tandis que
celles qui observent typiquement des réponses d’inhibition compor-
tementale sont souvent plus caractérisées un neuroticisme important.
Par ailleurs, il a été montré que le BIS était fortement et positivement
associé au neuroticisme tandis que le BAS était fortement et posi-
tivement associé à l’extraversion (Jackson & Smillie, 2004 ; Smits &
Boeck, 2006).

Si les modèles d’Eysenck et de Gray mettent l’accent sur les


structures cérébrales impliquées dans les traits de personnalité,
c’est Cloninger qui se centrera plus spécifiquement sur le rôle des
neurotransmetteurs et qui proposera une vision plus intégrative de
la personnalité mêlant tempérament et caractère. De plus, on retrou-
vera ici les deux dimensions chères à Gray que sont l’évitement (BIS)
et la sensibilité à la récompense (BAS).

‡ Le modèle biosocial de Cloninger

Le modèle le plus représentatif de cette approche est celui de


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cloninger, qui propose une approche psychobiologique et dynamique


de la personnalité, qui rend compte à la fois des différences intra-
individuelles et interindividuelles : interindividuelle car les grandes
dimensions peuvent être particulièrement représentées dans certains
groupes, notamment en référence aux troubles de la personnalité
et aux troubles psychopathologiques ; intra-individuelles car les
combinaisons entre les dimensions de personnalités se veulent non
linéaires d’une part et que d’autre part, des dimensions essentielles

137
Introduction aux théories de la personnalité

peuvent être décomposées en processus multiples, se définissant


par des caractéristiques biologiques, psychologiques et sociales
distinctes. C’est là que repose sa critique fondamentale du modèle
en cinq facteurs où il existe une grande hétérogénéité à l’intérieur
même des traits qui le compose, hétérogénéité portant aussi sur les
aspects biologiques. Si le modèle initial comportait trois dimensions
(Cloninger, 1987), Cloninger considérera les avancées portant sur le
développement social et cognitif, de même que la description de la
personnalité, issues de la psychologie humaniste pour étendre son
modèle à sept dimensions, regroupant tempérament et caractère
(Cloninger, Svrakic, & Przybeck, 1998).

Le tempérament représenterait les réponses automatiques mises


en place face à des stimuli et qui déterminent les humeurs et les
habitudes. Le tempérament serait modérément héritable, stable, basé
sur les émotions et non influencé par l’apprentissage socioculturel.
Il serait lié à la mémoire et l’apprentissage procédural et apparaîtrait
précocement dans le développement.

Le caractère renverrait quant à lui au concept de Soi et déter-


minerait les attitudes et les intentions volontaires. Il est considéré
comme étant influencé par l’apprentissage socioculturel. Il serait lié
à la mémoire et à l’apprentissage propositionnel et se développerait
par étapes de la petite enfance à la vieillesse.

Le tempérament est divisé en quatre composantes indépendantes :


– L’évitement du danger caractérise les différences de sensibilité
aux signaux menaçants ou désagréables, et implique le système
sérotoninergique. Une faible activité sérotoninergique augmente
la sensibilité à ces signaux et se traduit par un évitement du
danger plus important. Ceci caractérise les personnes inquiètes,
pessimistes, fatigables et qui tolèrent mal l’incertitude, qui
tendent à éviter passivement toute situation potentiellement
aversive.
– La recherche de nouveauté caractérise la sensibilité aux signaux
de récompenses et donc la sensibilité au plaisir et à l’excitation.

138
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

Une faible activité dopaminergique se traduit par une sensibi-


lité accrue à ces signaux et ainsi un niveau élevé de recherche
de nouveauté. Ceci caractérise les personnes excitables, désor-
données, impulsives, qui explorent leur environnement. Ces
personnes évitent de manière active les situations aversives.
– La dépendance à la récompense se repère au travers des
comportements d’affiliation sociale, la détresse ressentie face
à la séparation et ainsi une sensibilité aux stimuli sociaux. La
noradrénaline (ou norépinéphrine) est le neurotransmetteur
impliqué dans cette dimension. Une activité basse de celle-ci
explique une dépendance à la récompense plus importante
et se traduit par une tendance à développer des relations
d’attachement plus fortes, une forte sentimentalité, une plus
grande dépendance à l’autre et un style de communication plus
chaleureux.
– La persistance caractérise les personnes autodéterminées, ambi-
tieuses, ou perfectionnistes. Cette dimension a été ajoutée plus
tardivement et le neurotransmetteur qui lui serait lié fait encore
l’objet de débat.

Le caractère se décline quant à lui en trois dimensions :


– L’auto-directivité qui caractérise les personnes qui sont en
mesure de contrôler, adapter et réguler leurs comportements
pour s’ajuster à une situation et atteindre les buts et valeurs qui
sont importants pour elles. Une auto-directivité élevée caracté-
rise les personnes les plus matures.
– La coopération se traduit quant à elle par la tolérance sociale,
la compassion, l’acceptation des autres, ou encore l’empathie.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

– L’auto-transcendance se dit des personnes qui ont le sentiment


de participer à leur environnement. Elles se caractérisent par la
spiritualité désintéressée et la sagesse, par opposition au maté-
rialisme égocentré.

Les dimensions tempéramentales définissent des tendances de


réponses automatiques alors que le caractère renvoit à des réponses
qui dépendent de la saillance et de la signification des situations

139
140
Figure 6. Modèle du tempérament et du caractère de Cloninger

Personnalité

Automatique Conscientisé
Saillance

Tempérament Caractère

Signification
Introduction aux théories de la personnalité

Apprentissage procédural Apprentissage proposition

Évitement Activation Attachement Renforcement


Individu Société Univers
passif motivationnelle social partiel

Évitement Recherche Dépendance à la Auto- Auto-


Persistance Coopération
du danger de nouveauté récompense directivité transcendance
Les modèles ou théories de la personnalité ■ Chapitre 3

rencontrées, liés aux différents concepts de soi. Cloninger voit le


développement de la personnalité comme un processus itératif où
les dimensions tempéramentales vont influer sur l’apprentissage par
l’expérience qui va permettre aux concepts de soi d’évoluer, et en
retour de modifier la saillance et la signification personnelles des
événements ; influençant par là même les réponses comportementales
(Cloninger, 1993).

Ainsi, les réponses tempéramentales peuvent être modifiées


en regard des changements qui peuvent affecter notre sensibilité
à certaines situations ; sensibilité qui varie selon l’évolution de notre
identité (évolution des concepts de soi).

Le modèle biosocial de Cloninger a été développé et affiné afin


de pouvoir permettre un diagnostic différentiel des troubles de la
personnalité, ce que ne permet pas le modèle du Big Five de Costa
et McCrae dont les dimensions sont trop hétérogènes (Svrakic et
al., 1993) Ainsi, l’auto-directivité et la coopération seraient les deux
dimensions les plus prédictrices des troubles de la personnalité, les
dimensions restantes permettant de qualifier le type de trouble.

Conclusion
Ces derniers modèles tentent d’identifier des substrats biologiques
spécifiques à des caractéristiques de personnalité. Si nous pouvons
retrouver des corrélations entre les dimensions du Big Five (notam-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment l’extraversion et le neuroticisme) et les dimensions des modèles


de Gray et Cloninger, pour autant elles n’impliquent pas les mêmes
mécanismes cérébraux, montrant ainsi que des traits larges peuvent
se décomposer en processus multiples, et distincts. Par exemple, bien
que le neuroticisme soit corrélé avec l’évitement du danger et l’auto-
directivité, ces deux dernières caractéristiques sont associées à des
activités cérébrales différentes.

141
Conclusion générale
Cet ouvrage a proposé un tour d’horizon du champ de la personna-
lité en précisant ce que l’on entend par psychologie de la personnalité
et en explorant les conditions nécessaires à une science de la person-
nalité et des différences individuelles. Nous avons pu voir que cette
discipline s’attache à décrire la personnalité, comprendre comment
elle façonne nos comportements et expliquer l’origine et le dévelop-
pement de ces caractéristiques, afin de prédire le comportement des
individus. À la lecture de cet ouvrage, nous avons pu nous rendre
compte que cela n’était pas chose aisée, d’autant que nous n’avons
pas traité de l’intelligence cognitive ou émotionnelle ou encore
d’autres différences individuelles qui vont interagir pour contribuer
aux comportements des personnes en situation. Pour autant, ce qui
apparaît ici, c’est que la personnalité est le résultat de notre biologie,
de nos apprentissages, de la culture et du milieu dans lequel nous
évoluons. Il nous semble difficile à l’heure actuelle et compte tenu des
nombreuses recherches dans ce domaine, de considérer la person-
nalité autrement que dans une perspective biopsychosociale. Par
ailleurs, il est tout aussi évident que prédire un comportement sur
base des caractéristiques de personnalité semble réducteur tant l’in-
fluence de l’environnement, de la motivation ou des buts personnels
va infléchir ces tendances moyennes que reflètent nos caractéris-
tiques individuelles.

Ce que nous voulons souligner ici c’est que considérer la personna-


lité d’un individu pour prédire son adaptation ou sa performance à un
emploi, sa façon de réagir à un événement stressant, pour ne prendre
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

que ces exemples, n’a de sens que si nous mettons en perspective ces
informations avec des données bien plus larges qui doivent néces-
sairement tenir compte des aspects contextuels, motivationnels,
cognitifs, etc. La psychologie de la personnalité est ainsi éminemment
transdisciplinaire dans la mesure où elle traverse tous les champs de
la psychologie (psychologie cognitive, sociale, clinique…) mais aussi
ceux de disciplines qui ont à voir avec le comportement humain
(marketing, économie, médecine, neurosciences…).

143
Introduction aux théories de la personnalité

Pour finir, la psychologie de personnalité n’a pas fini de nous intri-


guer ou de nous questionner. Les recherches foisonnent pour tenter
d’identifier des traits de personnalité en lien avec des comportements
spécifiques (mouvements de masse, criminalité, addictions…), avec
l’émergence de troubles chroniques (maladies cardio-vasculaires,
troubles psychosomatiques…), ou encore l’influence de la person-
nalité sur l’évolution des maladies (oncologie par exemple…), sur
le leadership et bien d’autres domaines encore. Ceci illustre que
les théories dont nous disposons continuent à générer des hypo-
thèses, des travaux, qui ne feront que contribuer à une meilleure
connaissance de l’homme en contexte et à améliorer nos modèles
théoriques. Si les recherches se poursuivent c’est bien parce qu’il
y a encore beaucoup à découvrir, des contradictions à résoudre, des
hypothèses à répliquer, de nouvelles voix à explorer…

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Index

5-HTT 97, 98, 99 BIS 136, 137


16 PF 57 B-Needs 121
Borkenau 93
A
Bouchard 91
affectivité négative 84, 87
Bowlby 113
agréabilité 25, 64, 66, 67, 69, 70,
73, 75, 76, 77, 93, 97 Buss 28, 49, 81, 82, 83, 86

Allport 17, 27, 35, 40, 41, 49, 52, 53, C


54, 55, 57
Ça 103, 105, 110, 112
Almagor 69
caractère 9, 25, 34, 50, 64, 70, 75,
approche idiographique 17, 18, 19, 76, 77, 82, 89, 93, 105, 122, 137,
27, 41, 52, 55, 118, 127 138, 139, 141
approche lexicale 50, 51, 57, 64, caractère consciencieux 25, 40,
127 41, 64, 69, 70, 73, 75, 76, 77, 93,
approche nomothétique 17 97
approche statistique 50, 51 Cattell 55, 56, 57, 65
approche théorique 50 Chess 80
Aristote 39 Christal 57, 64, 68
arousal 63, 79, 81, 82, 133 Clark 87
Ashton 23, 66 Cloninger 35, 97, 99, 137, 141
auto-actualisation 11, 115, 119, 121, complexe d’Œdipe 103, 110
126 COMT 99
autorégulation 83 conscient 55, 103, 104, 106, 107

B construit personnel 123


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Bandura 26 Corr 135

BAS 136, 137 Costa 26, 29, 51, 64, 65, 66, 68,
72, 74, 141
bases génétiques 88
culture 10, 24, 25, 27, 35, 53, 66,
BDNF 98, 99
68, 107
besoins de base 119, 120
besoins névrotiques 109 D
Big Five 20, 21, 29, 60, 64, 67, 70, Deci 119
77, 85, 92, 129 dépendance à la récompense 139

157
Introduction aux théories de la personnalité

de Vries 70 Fiske 64
De Young 70 Floderus-Myrhed 92
Digman 69, 70 force du Moi 58, 63
distorsion 118 Forer 22
D-needs 121 Freud 55, 104, 105, 106, 107, 110, 112
DRD4 97, 98, 99
G
E Galien 39
effet Barnum 22
Goldberg 51, 64, 68, 69
émotionnalité 79, 81, 82, 83, 85,
Gray 133, 134, 135, 137
87
environnement non partagé 24, H
89, 93, 100 héritabilité 83, 88, 89, 90, 91, 92,
environnement partagé 89, 91, 95, 96
92, 93, 100
HEXACO 23, 65, 66, 67
Erikson 111, 112
Hippocrate 15, 39
état d’incongruence 117
Horney 104, 107, 108, 110, 114
études d’adoption 94, 96
études de jumeaux 17, 91, 92, 94, I
96 impulsivité 63, 82, 84, 135, 137
études familiales 90, 91, 96 incongruence 118
évitement 31, 80, 83, 87, 97, 98, inconscient 55, 103, 104, 106, 107,
99, 100, 118, 136, 137, 138, 141 110, 114
évitement du danger 97, 98, 99, International Personality Item
100, 138 Pool 69
extraversion 25, 28, 33, 40, 41, 51, introversion 62
56, 58, 59, 62, 63, 64, 66, 67,
68, 69, 70, 71, 72, 75, 76, 77, 84, Irwing 70
85, 86, 87, 91, 92, 97, 99, 113,
J
133, 134, 137
Jackson 135, 137
Eysenck 40, 50, 58, 60, 63, 65, 91,
92, 97, 133 John 50, 68

F K
Facteur Général de Personnalité Kelly 119, 123, 126
70 Kihlstrom 107
Fairbairn 112 Kline 58
Fight-Flight-Freeze System 136 Kluckhohn 24, 35

158
Index

L Plomin 81, 82, 83, 91, 94, 95


Larsen 28, 49 points de fixation 106
Lee 23, 66 psychoticisme 62, 63, 97, 133
Loehlin 91
R
M recherche de nouveauté 97, 98,
Maslow 119, 120, 121 99, 138
McCrae 25, 29, 51, 64, 65, 66, 68, regard positif conditionnel 117
72, 74 regard positif inconditionnel 117
McNaughton 134, 135 Roberts 72, 74, 75
Mehrabian 33 Rogers 11, 115, 118
Mervielde 85 Rushton 70
Mischel 19, 26, 127, 129, 130, 131
S
Moi 103, 105, 110, 111, 112
Saucier 51, 68
Mroczek 74
Self 54, 116, 117
Munafo 100
Self-Idéal 116
Murray 35, 94
sensibilité au renforcement 134,
N 136
NEO-PI 65, 72, 73, 98 Shoda 26, 127, 128, 129, 130, 131
neuroticisme 19, 25, 28, 40, 58, Smillie 135, 137
62, 63, 64, 67, 68, 69, 70, 72, 75, Srivastava 29, 50, 68, 74
77, 91, 92, 97, 98, 99, 100, 133, stabilité 11, 29, 42, 58, 62, 69, 70,
134, 137 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 82,
neurotransmetteurs 97, 133, 137 93, 128, 133
nomothétique 127 stabilité de rang 71, 72, 76, 77
Norman 64 stabilité émotionnelle 62, 69
stabilité moyenne 71, 72, 76
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O
Stelmack 134
Odbert 40, 57
styles tempéramentaux 79, 83
ouverture 25, 43, 59, 64, 66, 67,
68, 69, 70, 73, 75, 76, 77, 93, 97, système cognitivo-affectif
116, 125 de la personnalité 129
système d’approche
P comportemental 137
Patterson 119 système d’inhibition
Perbal 89 comportementale 136

159
Introduction aux théories de la personnalité

T 91, 92, 93, 95, 96, 97, 99, 127,


taxonomies 49, 52, 67, 113 129, 135, 136, 137, 144
Tellegen 69 Tupes 57, 64, 68
tempérament 9, 12, 39, 40, 52,
77, 78, 79, 80, 81, 84, 85, 87, 132, V
137, 138
variabilité interindividuelle 88
Thomas 80
traits de personnalité 10, 11, 16, 17, W
25, 29, 32, 35, 37, 39, 42, 43, 49,
Westen 111
50, 51, 55, 56, 57, 60, 63, 65, 70,
71, 73, 75, 77, 79, 85, 87, 88, 89, Woodruff 73

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