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payot-rivages. fr
ISBN : 978-2-228-91726-1
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du
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droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les
juridictions civiles ou pénales. »
À Amélie, Matteo, Rose, Alix, Zaza et Marie.
Aux patients adultes, aux patients enfants
et à leurs parents qui m’ont autorisé
à écrire ces histoires de vie.
« Que t’a-t-on fait, pauvre enfant 1 ? »
1. Wilhelm Goethe, Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister, cité par Freud dans la
lettre à Wilhelm Fliess, no 151, in Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904, Paris, PUF, 2006,
p. 368.
INTRODUCTION
Pour une psychanalyse
du traumatisme et des ancêtres
Quel que soit son âge, celui ou celle que je reçois en thérapie est
toujours un « enfant blessé ». Blessé par des traumatismes, des
incompréhensions, des lacunes dans le respect de ce dont il avait
besoin à l’origine pour se développer normalement. Blessé dans son
corps, dans son cœur, dans sa tête.
Il ne s’agit pas d’accuser les générations qui l’ont précédé. Elles
ont fait, d’une manière ou d’une autre, qu’il soit tout de même un
humain debout sur cette terre, en chemin pour être cet « allant-
devenant dans le génie de son sexe 1 ».
Ses blessures peuvent-elles être guéries par la psychanalyse ?
L’argument selon lequel elle servirait au moins à se « connaître » ne
tient pas face à la demande de ceux qui veulent consulter. En effet,
chaque personne qui vient me voir souhaite vraiment « guérir » de ses
souffrances, de ses blocages, de ses impossibilités à vivre… Les
parents désirent avant tout que leurs enfants et adolescents puissent
repartir du bon pied vers une vie joyeuse ; les adultes aspirent à une
existence tout aussi heureuse et créatrice. Alors, à quoi bon se
déclarer thérapeute si ces personnes ne vont pas nettement mieux ?
Le public continue aujourd’hui à se tourner vers la psychanalyse,
car ce qu’elle engage lui « parle » fondamentalement. Cependant,
beaucoup souhaitent qu’elle soit différente. Les critiques qui lui sont
adressées évoquent des manques fondamentaux dont j’ai pu me
rendre compte dans mon analyse personnelle et dans celles que je
mène. Mon propos est d’aborder ses manques mais aussi ses
richesses, toujours actuelles. Estimant que la psychanalyse est faite
par et pour les patients, évitant d’utiliser une langue d’initiés, je
voudrais montrer qu’il s’agit après tout d’histoires de vie communes à
nous tous.
Pour moi, la psychanalyse est un trésor. Je l’ai rencontrée alors
que j’étais adolescent, avec l’impression de découvrir un nouveau
continent. Mon enthousiasme me fit faire une auto-analyse à l’âge de
quinze ans. À partir de mes souvenirs d’enfance les plus éloignés, je
m’isolais des jours entiers pour replonger dans un passé difficile.
Freud était mon idole ; je rêvais d’être psychanalyste. Après cette
adolescence compliquée, mes difficultés de vie m’ont fait comprendre
qu’on ne peut s’autoanalyser. Plus tard, je m’engageais avec crainte et
espoir pour une longue cure, puis une deuxième qui continue,
quoique je ne sois pas pour les analyses interminables, parfois
inefficaces. Cependant, je ne peux recevoir des patients de tous âges
sans continuer à éprouver cette position qu’ils occupent
courageusement : celle de l’enfant – même s’il est devenu adulte –
confiant sa vie à quelqu’un qui l’accueille. Nous ne sommes jamais les
mêmes au fil du temps ; l’existence apporte à chaque moment de
nouveaux défis. Être adulte, c’est grandir sans cesse 2. Pour cette
naissance à soi-même, toujours renouvelée, un humain a besoin d’un
autre, comme un bébé ne peut venir au monde sans accueil.
Un des problèmes majeurs de la psychanalyse tient justement à ce
que Freud, son fondateur, n’a pas suivi d’analyse avec cet autre
indispensable. On le sait depuis longtemps, mais on fait comme si
cela n’avait pas d’importance. Et pourtant il l’écrit : « L’auto-analyse
proprement dite est impossible, sinon il n’y aurait pas de maladie 3. »
Il ne s’agit pas de faire le procès de Freud ni même de la
psychanalyse, mais de regarder avec lucidité sa pratique et sa théorie
pour qu’elle devienne vraiment efficace. Les « fantômes familiaux »
témoignent que l’on peut être hanté aujourd’hui par les traumatismes
d’hier, ceux de nos ancêtres. Un être humain est fait de transmissions,
héritier des générations antérieures en ce qui constitue leurs vertus
mais aussi leurs manques. Il en est de même pour la psychanalyse.
Elle est logiquement porteuse de ce qui a présidé à sa conception.
Beaucoup de concepts qui en forment le socle constituent ce
trésor que j’ai évoqué. D’autres, pourtant précieux et présents au
départ, ont été oubliés, négligés, voire bannis. Enfin, certains ont été
acceptés davantage par croyance que par esprit scientifique. Ceux qui
m’apparaissent erronés semblent être liés aux points aveugles issus de
la propre histoire de Freud, son « inanalysé », et demandent à être
radicalement revus. Sans cette position critique, la psychanalyse
serait alors comme une science construite, de façon ahurissante, à
partir de postulats incontestables, car incontestés. Si en physique, on
tolérait des équations fausses au milieu d’autres justes, à quels
résultats pourrait-on prétendre ? Les concepts qui ne résisteraient pas
maintenant à ce que les patients sont, à ce qu’ils vivent et à
l’expérience analytique doivent être remis en cause. C’est ce que
j’essaie d’exposer à travers des cas actuels au regard d’une certaine
pratique de la psychanalyse, en tout cas la mienne et celle de
quelques autres. Que signifient ces grandes catégories psychiques que
l’on nomme : hystérie, obsession, phobie, psychose, états limites,
pour ceux qui consultent à notre époque ? Que signifient-elles après
le réexamen des grands cas de Freud, notamment à partir des
données biographiques et généalogiques qui permettent une nouvelle
lecture ?
J’ai classé ces catégories sous forme de différentes « blessures »
principalement dues à une déficience de l’environnement dans
l’enfance. En conséquence, les « parents intériorisés », ces instances
psychiques qui devraient guider l’individu pour son existence et qui
se constituent lors des premières années de vie, sont parfois absents,
inadéquats ou même persécuteurs. La psychanalyse a cette vertu
4
spécifique, notamment parce qu’elle s’appuie sur le transfert , de
faire en sorte que de nouvelles – et profitables – instances internes
puissent l’aider à diriger sa vie de façon heureuse. Qu’elle lui
permette d’acquérir une bonne mère et un bon père intérieurs, pour
soi et les autres, qui faisaient défaut jusque-là. Qu’elle lui offre alors
sa liberté, bien le plus précieux au monde.
Mon intention est d’ouvrir des pistes pour qu’elle puisse continuer
à exister comme un mode essentiel de soins ; qu’elle se réforme
vraiment ; qu’il soit enfin admis que d’autres disciplines
thérapeutiques peuvent la compléter ou même répondre à ce qu’elle
ne pourrait proposer. Libérée de ces carcans, à l’image de la libération
souhaitée pour ses patients, elle peut alors se révéler d’une grande
efficacité.
PREMIÈRE PARTIE
Blessures du féminin,
blessures du maternel
Le transfert en psychanalyse
J’explique alors à Mathilde comment la situation thérapeutique
remet en scène l’amour ou la haine que l’on a pu éprouver, enfant,
envers ses parents et ses proches. Ces sentiments se réactualisent
avec l’analyste. Ce phénomène n’a pas grand-chose à voir avec sa
personne, mais bien plus avec sa fonction. Ce dernier pourrait être
l’homme le plus laid de la terre, que le transfert amoureux d’une
femme envers lui serait tout aussi fort que s’il était un Apollon.
Bien que beaucoup d’analystes redoutent que leurs patients aient
trop de connaissances – à une époque, on leur recommandait de ne
pas lire de psychanalyse pendant la cure –, je pense qu’il y a un
aspect pédagogique très important à développer. Quel que soit son
niveau de connaissance, une personne vient en analyse comme si elle
n’avait que deux ou trois ans d’âge émotionnel. Sa culture et son
savoir ne lui servent plus à grand-chose en regard de la force de ce
qui s’y passe. Au-delà des connaissances intellectuelles, l’analyse
ramène tôt ou tard la psyché à des endroits archaïques. En revanche,
des indications théoriques peuvent aider le patient – et l’analyste – à
prendre du recul par rapport à l’intensité de ce qui est ressenti. Elles
permettent de déjouer certains blocages importants liés aux
difficultés du transfert. Mes débuts de thérapeute m’ont enseigné à
repérer le transfert et à le commenter au moment où il le faut sous
peine de subir un certain nombre de déboires. Je décide d’expliquer
ce qui se passe à Mathilde, car j’ai le souvenir d’une expérience
difficile avec une autre patiente : Elvire.
Devenir femme
Peu à peu, au fil des mois qui passent, Mathilde se transforme.
Elle envisage un peu plus l’avenir avec son ami, ils ont décidé
d’emménager ensemble. Un projet d’enfant commence à se dessiner
pour eux.
« Mon compagnon a commencé une psychanalyse de son côté.
C’est drôle parce que auparavant il disait que c’était du luxe, de la
masturbation intellectuelle, qu’il n’en avait pas besoin, que c’était
même de la faiblesse d’aller consulter. »
Cependant, après leur emménagement commun, Mathilde
développe des affections gynécologiques de toutes sortes, mycoses,
cystites, etc. Panorama suffisamment large et répétitif pour devenir
une gêne permanente dans leurs rapports sexuels qui étaient plutôt
harmonieux et vivants jusqu’alors. Conjointement, son compagnon a
une telle baisse de libido qu’il exprime de moins en moins de désir et
les difficultés de sa compagne ne favorisent pas leur rapprochement
physique. Il commence à passer beaucoup de temps le soir sur
Internet pour regarder des sites pornographiques à la place d’une
sexualité partagée avec elle. J’oriente Mathilde dans deux directions
qui ne sont pas à proprement parler de la psychanalyse, mais, à mon
sens, en sont complémentaires. La première, suivre un groupe de
parole sur la sexualité organisée par une énergéticienne gynécologue
3
et écrivain pour se construire dans sa sexualité avec d’autres
femmes. Cette construction se fait souvent à l’adolescence dans les
groupes de « copines ». Elle a fortement manqué à Mathilde. La
relation psychanalytique « verticale » entre le thérapeute et le patient
ne peut remédier à ce manque de construction « horizontale », celle
avec des personnes de son sexe et de sa génération symbolique. La
deuxième direction est l’échange de parole sur la sexualité avec sa
mère : « Comment c’était pour toi ? »
La sexualité est une telle question de transmission et de répétition
que plus elle en saura sur ce qu’a vécu et ressenti sa mère, moins elle
en reproduira les lacunes. Son compagnon a aussi entrepris d’en
parler avec son propre père sur le conseil de son analyste ; il apprend
notamment que son père avait l’habitude de fréquenter des
prostituées et que les rapports avec son épouse étaient plutôt rares.
Mathilde et son compagnon étaient donc en train de dupliquer
conjointement la sexualité un peu désastreuse de leurs propres
parents, ce qu’ils n’avaient pas fait tant qu’ils n’habitaient pas dans le
même lieu. Leur installation ensemble a remis automatiquement en
scène une répétition transgénérationnelle : ils reprenaient
inconsciemment le modèle parental. Mathilde passait ainsi de la vie
de jeune fille à la vie de mère, sans l’être encore, et sans devenir non
plus une femme. On comprend leur hésitation à partager cette vie
commune. Comme s’ils présentaient ce qui pouvait s’y jouer de si
compliqué pour leur couple.
Devenir mère
Deux ans passent. Mathilde a maintenant trente-deux ans. Elle et
son compagnon ont décidé d’avoir un enfant. Après six mois sans
contraception, infructueux, Mathilde commence à s’inquiéter et doute
de sa fertilité. Quelques-unes de ses copines sont déjà devenues
mères et la plupart rapidement. Elle entre dans une spirale
obsessionnelle qui la conduit à éviter de fréquenter ces couples avec
enfants. En effet, cela la met dans un état épouvantable. Peu à peu,
les relations avec son compagnon deviennent tendues. Elle fait de
cette grossesse l’enjeu majeur de leur relation, l’échec de la maternité
pouvant même tout remettre en question. Ils vont consulter des
spécialistes qui ne trouveront pas d’anomalies notables mais leur
proposent un protocole de fécondation in vitro ; ce projet d’enfant
occulte maintenant tous les autres aspects de la vie.
Lors d’une séance, je lui fais remarquer que sur deux générations,
celles de sa mère et de sa grand-mère, la naissance du premier enfant
a été problématique : en effet, sa grand-mère a eu un premier garçon
mort-né et sa mère a avorté de son premier enfant. Dans sa lignée
maternelle, la première grossesse semble donc associée à la mort. Il
est possible qu’il y ait une sorte de verrou psychique
transgénérationnel qui empêche Mathilde de devenir sereinement
mère pour la première fois. Son compagnon ayant appris que sa
propre mère a également fait une fausse couche avant sa naissance, je
leur conseille de faire des « rituels ».
Ce sont des cérémonies personnelles assez simples, hommages
rendus aux enfants perdus dans les générations antérieures afin que
la mémoire traumatique des parents à leur endroit cesse de hanter les
descendants. Mathilde tombe enceinte deux mois plus tard sans
passer par la fécondation in vitro. Sa grossesse, la naissance et les
premières années de vie de cet enfant, un garçon, seront l’occasion
pour le couple de vivre des répétitions qui les questionneront sur leur
passé, sur celui de leurs parents et des générations antérieures. Mais
cela est une autre histoire.
Repenser « l’hystérie »
Mathilde présente à mon sens un profil, qu’on nomme
« hystérique » au sens psychanalytique du terme. Pas comme
certaines patientes psychiatriques du début du XXe siècle qui
tombaient en syncope, développaient toutes sortes de symptômes
plus ou moins violents. Plutôt une hystérie commune à un certain
nombre de femmes en difficulté avec leur vie, avec leur désir, avec
leur féminité, avec leur désir de maternité aussi. Depuis Freud, on a
plus ou moins conservé l’idée d’une hystérie inhérente au féminin qui
serait fortement en rapport avec la question paternelle. Dans le
schéma œdipien tel que l’a conçu Freud, la femme est encombrée par
le désir qu’elle a éprouvé petite fille pour son père. L’hystérie serait le
témoignage de son refoulement 4. Or l’histoire de Mathilde et d’autres
ne m’a pas semblé correspondre à cette assertion qui est encore de
nos jours un des fondements de la théorie psychanalytique. Régler
cette question œdipienne n’est pas le plus difficile de la relation
thérapeutique pour peu que l’inconscient de la femme puisse y
revivre cet amour et ce désir enfantins pour le père, accompagnés
d’une signification claire de l’interdit de l’inceste.
En revanche, la question maternelle est le plus souvent sur le
devant de la scène. Mathilde, par son attitude séductrice auprès des
hommes, attendait également ce qui lui avait manqué dans la relation
à sa mère. À travers les yeux des hommes, elle cherchait un regard
maternel. Dans sa quête constante d’un miroir qui lui renverrait une
belle image, il n’était pas tant question de désir que d’un besoin
désespéré de reconnaissance. L’hystérie de façade cachait une
incapacité chronique à exister, plus qu’une envie de séduire. Tentant
de devenir une femme dans les yeux des hommes, faute de l’incarner,
elle avait besoin de cette image en permanence, car, intermittente,
elle se dérobait sans cesse.
Ce que j’ai découvert avec elle, et bien d’autres patientes, est une
révélation sur le rapport entre les transmissions et l’hystérie, comme
si on avait tout bonnement oublié à quel point une femme ne naît pas
femme : elle le devient par identification aux générations féminines
antérieures.
2
L’erreur de l’analyste
Il y a un phénomène particulier dans l’analyse qui tient sûrement
à la nature de l’inconscient : si on met en place suffisamment
d’ouverture et de garanties pour les deux parties – l’analyste et
l’analysant – l’inconscient s’arrange lui-même pour faire progresser
les choses. Souvent par le biais des accidents de parcours. Parfois, il
ne s’agit pas forcément de l’inconscient du patient, mais de celui de
l’analyste. Dans un premier temps, il s’agit de celui de Sandra.
Chaque séance devient de plus en plus tendue, car son agressivité se
déploie dans toutes les directions. Soit elle envoie des piques
indirectes en commentant le désordre de mon bureau, en s’agaçant
de ce que je peux dire – « Vous me l’avez déjà dit ça », « Je savais
d’avance ce que vous alliez me répondre » – soit elle apporte par un
silence boudeur une tension qui a tendance à mettre mes nerfs à
l’épreuve. Cette violence sourde dure depuis déjà plusieurs mois,
quand cette fois-ci, mon propre inconscient apporte une avancée dans
l’analyse, encore par accident.
Un jour, sans y prendre garde, je donne un rendez-vous à une
nouvelle patiente à l’heure de son créneau habituel. Ayant commencé
en avance la séance avec l’autre personne, j’entends Sandra sonner à
la porte du cabinet. Je comprends immédiatement ma bourde. Ne
pouvant éconduire trop vite la nouvelle venue, qui ne prendrait pas
forcément bien la chose, je fais attendre Sandra non sans m’être
confondu en excuses auprès d’elle. La recevant avec vingt bonnes
minutes de retard, je me prends une salve d’injures et de
récriminations. Son attitude se transforme en une telle crise de
violence que je la somme tout de même de se calmer et de crier
moins fort. Elle pleure de longues minutes et quitte la séance
hagarde.
Étonnamment, elle arrive à la séance qui suit très calme, posée et
presque sereine. Entre-temps, j’ai compris que mon oubli de sa
séance, acte manqué qui consistait à la remplacer par une nouvelle
analysante, était dû à mon inconscient qui n’en pouvait plus de
supporter son agressivité. C’était en relation avec ce que j’avais moi-
même vécu dans mon enfance. Je lui explique. Elle me raconte qu’au
sortir de la séance, elle pensait ne plus revenir, mais que le fait que je
m’excuse et que j’apparaisse comme faillible l’en avait dissuadé. En
tout état de cause, je comprends qu’elle ait pu expulser son
agressivité par le biais de mon erreur.
La neutralité de l’analyste :
une escroquerie
Les séances devenant plus dynamiques, Sandra est maintenant
passée à un mode relationnel où elle me demande des conseils. Pour
sa vie, pour elle, pour ses rencontres. Beaucoup d’analystes se
gardent de rentrer dans ce type de relation. Elle ne correspond pas au
protocole psychanalytique, ce serait plutôt la fonction d’un
psychologue.
Mais, une fois encore, je décide de ne pas faire comme je devrais.
Sandra a tellement eu peu de soutien parental dans son enfance, qu’il
me semble légitime de l’aider. Il y a une contradiction dans l’analyse
d’accepter tacitement de jouer le rôle des parents et de refuser à
certains moments de le faire à bon escient, sous prétexte d’une
éthique thérapeutique de neutralité. L’analyse remet en scène les
manques de l’enfance à condition qu’ils ne se reproduisent pas dans
la cure, au prix dangereux de créer un nouveau traumatisme.
Sandra a maintenant trente-six ans. Elle sait beaucoup plus ce
qu’elle veut. Avoir un mari et des enfants est clairement devenu son
souhait. La rencontre avec un homme plus âgé qu’elle, un chirurgien,
s’inscrit très vite dans son projet de vie. Ils ont l’intention de se
marier et de mettre en route un enfant. Prudent vis-à-vis de ce qui se
passe, je trouve cela un peu précipité. Cependant, je n’hésite pas à lui
donner des réponses quand elle me demande ce qu’elle doit faire avec
lui ou pas. Petit à petit, alors que tout est mis en place pour leur vie
future, elle se plaint de ses manières, de son caractère. Ce dont elle
me parle ne me semble pas rédhibitoire. J’ai tendance à prendre
plutôt position en faveur de cet homme qui s’engage comme elle le
veut et semble assez attentionné. Certaines femmes, ayant pourtant
trouvé le compagnon qu’elles attendaient, ont tendance à vouloir
détruire ce qu’elles ont pourtant souhaité si longtemps. L’affaire dure
jusqu’à ce que Sandra rompe la relation définitivement.
Elle est remontée contre moi. « À cause de vos conseils, j’ai perdu
mon temps pendant six mois avec cet homme. Vous n’avez pas arrêté
de me dire qu’il fallait que je reste avec lui. Cette relation, c’était
n’importe quoi ! »
Je lui réponds qu’elle avait raison et que j’avais tort. Je poursuis
tout de même par cette réflexion : « Au moins, vous savez ce que
vous voulez. L’avantage de mes mauvais conseils réside dans le fait
que vous avez pu, finalement, penser et savoir par vous-même. » Au
cœur de cet épisode, se joue la question de la neutralité de l’analyste
qui a fait écrire à François Roustang qu’affirmer que le « moi du
psychanalyste pourrait être mis entre parenthèses [est] l’escroquerie
majeure de la psychanalyse 9 ». Dans certains cas, plutôt que de
garantir le libre arbitre de l’autre, ne pas prendre position peut
revenir à laisser son patient dans le désarroi et permet à l’analyste de
ne pas être en danger. La toute-puissance de l’analyste s’exerce dans
un ni oui ni non qui lui permet d’être un « sujet supposé savoir » –
son silence pouvant laisser sous-entendre qu’il a toujours raison – et
d’incarner ainsi une statue indestructible. Pouvoir se confronter à
l’erreur de l’analyste apporte une intelligence partagée de la vie qui
sort le patient d’un état où il n’existait que dans la vérité supposée de
l’autre.
Dans les temps qui suivent, Sandra ne me demande plus de
conseils. Elle prend ses décisions de façon autonome ; la plus
importante, en ce qui concerne l’analyse, sera de me quitter. Mais
auparavant, elle va construire une histoire d’amour.
Parmi plusieurs hommes, Sandra décide alors de rester avec, a
priori, le plus improbable pour elle. Autant elle est rangée et
ordonnée, autant il est désordonné et fantasque. Elle travaille dans
une banque, il est intermittent du spectacle. Elle veut cadrer le
présent et l’avenir, fonder une famille ; il vit au jour le jour sans trop
se projeter dans le temps. Les débuts houleux de leur relation sont
marqués par des ruptures incessantes. Échaudé par l’expérience
malheureuse de mes derniers conseils, je me garde de commenter ses
fréquentes diatribes contre lui, contre son inconséquence, son
inconsistance, etc. Visiblement, les deux s’aiment mais leur union
semble être celle de l’eau et du feu, du jour et de la nuit.
Pour qu’elle puisse comprendre ce qui se joue dans leur relation,
je l’engage à travailler son arbre généalogique. De telles situations
conflictuelles de couple sont souvent en rapport avec des
problématiques des générations antérieures.
De la personnalité obsessionnelle
aux délires obsessionnels
Michel est venu me voir, six ans après un épisode psychiatrique
qui l’a conduit, à l’âge de dix-huit ans, à un séjour en hôpital d’un
mois. Dans ce moment délirant, il était persuadé de ne pas être le fils
de ses parents, mais celui de sa demi-sœur issue de la première union
de son père.
Il ne l’avait pratiquement pas connue, car la première femme de
son père avait coupé les ponts et s’était arrangée pour que sa fille
n’ait aucun rapport avec son géniteur. Dix ans séparent Michel de sa
demi-sœur ; dans son scénario improbable, celle-ci l’aurait conçu à
l’âge de dix ans ! De plus, selon lui, son père biologique serait en fait
le frère de sa mère, son oncle maternel, élément tout aussi irréaliste
que le premier. Une médicamentation d’à peu près une année a suivi
son hospitalisation puis tout est rentré dans l’ordre, en tout cas en ce
qui concernait cette histoire. Cependant, s’il veut bien concevoir que
son fantasme sur sa naissance soit délirant, Michel garde encore
aujourd’hui cette idée en tête. Il avoue que malgré son impossibilité
objective, le scénario le hante quotidiennement. Cela ne l’empêche
pas de mener une vie presque normale. Cette histoire serait comme
une pensée incongrue constante, solidement implantée en lui,
quoique inoffensive.
Son existence est rendue compliquée par d’autres obsessions,
moins spectaculaires, mais invalidantes pour sa vie affective et
professionnelle. Un de ses principaux TOC est de vérifier chaque soir
quatre ou cinq fois que les portes et les fenêtres de chez lui sont
fermées ainsi que les robinets de l’eau et du gaz. Ses craintes sont
multiples à ce sujet. Elles vont de l’incendie ou de l’inondation jusqu’à
la peur d’un cambriolage pendant son sommeil. Il pense même qu’il
pourrait être kidnappé par le ou les cambrioleurs tout en
reconnaissant également que cela n’aurait aucun sens. À vingt-quatre
ans, Michel vit encore chez ses parents qui l’entretiennent dans une
sorte de statut d’adolescent attardé et malade. Il ne poursuit plus
d’études ni ne travaille. Il a tenté une thérapie avec un psychiatre,
cette fois-ci sans médicamentation, puis avec une psychologue
comportementaliste. Il a ensuite suivi une brève psychanalyse qui
s’est arrêtée brutalement le jour où son analyste lui a proposé de
s’allonger. De crainte de délirer à nouveau comme à ses dix-huit ans,
il s’est enfui.
Dès le départ, je lui propose de travailler son arbre généalogique.
Nous nous voyons face à face une fois par semaine. Sachant que de
telles obsessions sont souvent transgénérationnelles, il n’est pas
question pour moi de mener au départ avec lui une psychanalyse
classique.
Notre première démarche est de tenter de comprendre ce que
recouvre ce fameux fantasme concernant sa demi-sœur qui aurait
donc été sa mère et son oncle maternel, son père. Mon expérience
des fantômes familiaux et de leurs effets sur les descendants m’a
appris qu’un tel délire est le témoignage d’une chose qui a déjà eu
lieu réellement, mais souvent à une autre génération et sous une
forme proche de l’histoire délirante. Avec Michel nous nous mettons à
la recherche d’un événement familial antérieur dont les éléments
correspondraient à son scénario. A priori rien de significatif à ce sujet
ne ressort de son arbre généalogique ni dans le discours de sa famille.
La loi du silence
Ce premier indice signifie une impossibilité physique : on lui avait
enlevé l’utérus deux ans avant la naissance du grand-père de Michel,
son supposé fils. En effet, celui-ci est né en 1937 ! Plusieurs jours
après la révélation, confrontant sa mère à cette anomalie, Michel
s’entend dire qu’elle avait dû mal entendre à l’époque ou que sa
grand-mère avait sûrement un peu « yoyoté », comme elle était sur le
déclin. Tandis qu’il semble se ranger aux assertions de sa mère, je lui
signale que mon habitude… des secrets familiaux m’incite à penser
que l’information initiale est probablement la bonne. Je lui donne
mon avis à ce sujet. Une solidarité profonde provoque souvent au
sein de la famille des allers-retours entre des vérités qui éclatent et
des dénégations qui jouent le rôle de contre-feux. Le secret
généalogique a une loi inconsciente qui constitue une véritable
omerta familiale. Michel devrait récolter d’autres témoignages pour
en avoir le cœur net.
Bien que beaucoup de personnes de la génération de son grand-
père soient décédées, il va mener une enquête auprès de ceux encore
en vie. Cependant, soit on lui dit qu’on ne sait rien, soit il se fait
rabrouer avec vigueur par certains qui estiment qu’il n’y a pas à
« aller fouiller les affaires de famille ». Surtout pour raconter des
« choses qui ne tiennent pas debout ». Avec son épisode délirant,
Michel a acquis la réputation de raconter n’importe quoi. Sans mot
dire, certains l’écoutent poliment, cependant, lors des réunions de
famille, ils s’inquiètent de sa santé mentale. Ils pensent même qu’il
est tombé sous l’influence néfaste d’un « psy guru », en l’occurrence…
moi.
Mais le secret se révèle finalement par une voie latérale. La
femme encore vivante d’un des frères de son grand-père, d’une façon
absolument innocente, due peut-être à son grand âge et à une
certaine sénilité absente d’inhibition, lui livre la véritable histoire : le
grand-père de Michel était en fait le fils de sa sœur ! Dix-huit ans les
séparaient, et cette fille aînée, tombée enceinte à dix-sept ans, avait
mené sa grossesse et accouché loin du domicile familial d’un enfant
qui fut ensuite déclaré par sa grand-mère comme étant son dernier
fils.
Le secret n’avait pas été partagé par tous. Il est fréquent dans les
familles que seule une partie soit au courant. Le deuxième aspect du
secret concernait le géniteur. Il s’agissait en fait d’un cousin germain
de la famille maternelle ce qui, parmi d’autres éléments, avait
sûrement justifié la mise au point du mensonge. Cela expliquait la
présence, pour une certaine part, du thème de l’inceste dans le
scénario initial de Michel.
L’inconscient du psychanalyste
À la fin d’une séance assez tranquille, au vu de celles assez
chaotiques que nous avions vécues, je demande à Michel, qui me
payait jusque-là en chèque, de me régler dorénavant en liquide.
J’estime qu’il faut que la question de l’argent prenne plus de sens
pour lui, d’autant qu’il ne gagne pas sa vie. Son compte est alimenté
par ses parents. Je me place déjà dans la perspective qu’il puisse
devenir tôt ou tard un adulte autonome financièrement. Payer en
espèces lui permettrait de s’inscrire un peu plus dans la réalité
matérielle. Lorsque je lui en parle, il embraye immédiatement sur
l’idée d’une escroquerie.
« Vous ne déclarez pas vos patients ?
– Si, bien sûr, je les déclare, que cela soit en chèque ou en liquide.
En particulier pour des questions de retraite.
– J’ai du mal à vous croire. Je n’ai pas envie de participer à une
activité illégale. »
J’ai beau lui expliquer, il continue à me regarder avec un air
suspicieux et entendu. Je me retrouve à me justifier par tous les
moyens, ce qui me semble incongru. Le côté paranoïaque et délirant
de sa réaction me met vraiment mal à l’aise. Après avoir
nerveusement fait un chèque, il me le tend avec une moue de mépris.
« Vous savez les gens comme vous, faut les dénoncer. »
Puis, il se lève sur cette menace et part sans dire un mot.
Dans les minutes qui suivent, je me retrouve à mon tour dans un
état quasi paranoïaque. Je ne crains pas un contrôle fiscal ou je ne
sais quoi d’autre – je veille à être très clair avec ces questions –, mais
l’idée de ce genre d’intrusion dans ma vie déclenche soudainement en
moi des angoisses. Je commence à imaginer, par associations d’idées,
ma mise au ban de la société, la déchéance de ma profession, ma
ruine financière, tous ces éléments s’empilent mentalement dans une
construction que pourtant je sais délirante. Cela va même jusqu’à
l’idée que je n’ai aucune capacité analytique, que j’aurais dû
m’abstenir de faire ce métier, que je représente même un danger pour
mes patients… Des rêves surgissent par la suite et me remettent sur
la piste de mon enfance.
Que s’est-il passé dans mon inconscient ?
Tout d’abord, gagné par un excès de confiance, j’ai mal jugé la
situation en lui proposant ce changement de paiement alors qu’il n’y
était pas encore prêt. Voulant le responsabiliser, je prenais une
attitude parentale de soutien sans réaliser qu’il était dans un registre
beaucoup plus archaïque placé, une fois de plus, sous le signe de
l’agressivité.
Cette agressivité est en jeu dans ma propre histoire. Je la refoule,
car elle me terrorise. Sous couvert d’une attitude bienveillante
consciente avec Michel, je provoque inconsciemment sa violence. En
analyse, le mot « contre-transfert », réaction de l’analyste face à son
patient, est un terme que je n’aime pas utiliser, comme si ce
phénomène n’était qu’une chose induite par le patient lui-même. Il
occulte le fait que le thérapeute est lui-même d’entrée de jeu en
transfert avec celui qu’il reçoit. Je préfère parler du « transfert de
l’analyste » présent dès la première rencontre avec le patient.
L’analyste n’est pas moins concerné que lui par ce processus si
puissant.
J’ai ainsi reçu une mère dont l’enfant était absolument
insupportable. Comme je lui indiquais qu’il fallait qu’elle et son mari
exercent la loi vis-à-vis de leur fils, elle me répondit agressivement :
« Vous êtes pour que l’on batte les enfants ? » Elle-même avait été
battue par son père ; en fin de séance, elle m’avoua que j’étais le sosie
de celui-ci. Elle avait tant de violence envers moi que j’étais
absolument incapable de continuer les séances avec elle. Quelqu’un
d’autre de moins impliqué serait passé outre, mais elle me ramenait à
une agressivité qu’enfant j’avais bien connue. Je la projetais trop
fortement sur elle pour que nous puissions travailler sereinement
ensemble.
Avec Michel, cette même agressivité, caractéristique dans ma
famille maternelle, ressurgit, notamment celle de mon frère aîné qui
m’a fait subir des mauvais traitements pendant mon enfance. Dans le
transfert avec Michel, quelque chose de fraternel se rejouait pour
moi, un mélange d’amour, de haine, de souci d’aider et de crainte
agressive.
Les aspects paranoïaques de la réaction de Michel indiquent que
son inconscient dans la relation analytique me perçoit comme un
parent omnipotent, abusif et menaçant qu’il faut détruire. Héritage de
l’enfance précoce au moment le plus agressif, je le situe entre un an
et environ trois ans et demi, quatre ans. Ce moment trouve une issue
positive quand la violence interne de l’enfant projetée sur l’entourage
peut être jugulée par une attitude parentale sereine, compréhensive
mais ferme. L’enfant doit intégrer les deux premiers interdits
fondamentaux de l’humain – ceux de l’anthropophagie et du meurtre
– tout en conservant une agressivité naturelle qui est force de vie. Le
troisième, l’interdit de l’inceste, qui correspond au complexe d’Œdipe,
est plus tardif dans son développement. On oublie trop souvent que
les enfants sont programmés en tant que mammifères pour être des
prédateurs féroces. Sans pour autant avoir à tuer plus tard leurs
proies et leurs ennemis, les futurs adultes sont fondamentalement
violents et munis de toutes sortes de potentialités destructrices. Ce ne
sont pas des défauts inhérents à la condition humaine mais, au
contraire, la garantie d’une autonomie qui leur permettrait de rester
vivants le cas échéant. Si notre mode d’existence n’exigeait pas que
certains corps de métiers – les militaires, les policiers, les bouchers,
les éleveurs, etc. – se chargent de notre défense ou apportent dans
notre assiette les proies que nous consommons, il faudrait bien faire
agir nos instincts les plus cruels. En situation de guerre, ces instincts
sont par exemple disponibles chez les soldats, mais cadrés par la
discipline de l’armée dans le meilleur des cas.
Chez Michel, cette période agressive de l’enfance ne semble pas
s’être très bien déroulée ; il est bloqué dans une violence archaïque.
Le processus analytique mène naturellement à ce qu’elle puisse
s’exprimer dans le transfert pour pouvoir être dépassée. Moment
difficile à gérer, tout autant pour le patient que pour l’analyste.
Le dessin d’Yseult
À cette première séance, elle m’a apporté un dessin emblématique
de la structure paranoïaque.
La feuille en orientation paysage est partagée en deux moitiés par
un trait vertical. Son ennemie, Geneviève, est au milieu de la page,
de profil, coupée en deux par ce trait vertical. Son dos, dans la partie
gauche, est celui d’un diable, avec des ailes et une queue fourchue,
tandis que l’avant de son corps, dans la partie droite, est normal. Elle
a une auréole sur la tête. La partie gauche du dessin – que j’appellerai
l’enfer – est composée de nuages, d’éclairs, de tourbillons noirs, de
diables et d’une « incarnation de la mort ». Yseult y est menacée par
deux fourches, une rouge et une noire ; elle est agenouillée, pleure et
implore Geneviève, qui lui tourne le dos.
Cette organisation du dessin reflète parfaitement la structure
paranoïaque telle qu’on peut la comprendre à partir de la position
schizo-paranoïde de l’enfance.
La position schizo-paranoïde
Cette position a été théorisée par la psychanalyste Melanie Klein
qui la situe très précocement. Pour ma part, je situe son
commencement vers l’âge de huit mois chez l’enfant au moment de
l’apparition des dents et de la mise en place du sevrage. Elle culmine
vers deux ans et demi, et perdure fortement jusqu’à trois ans, trois
ans et demi, début de la période œdipienne. Selon Melanie Klein, ce
moment d’intense agressivité engendre les fantasmes les plus
destructeurs, entraîne des allers-retours agressifs dans une sorte de
guerre généralisée entre l’enfant et le monde extérieur. L’enfant qui
n’est pas encore unifié projette les mauvais objets partiels perçus en
lui sur l’adulte, pour tenter de ne contenir que de bons objets
internes. Mais les mauvais objets projetés à l’extérieur reviennent
fantasmatiquement comme des persécuteurs de l’enfant. Ce combat
interne se solde normalement par ce que Melanie Klein nomme la
position dépressive, c’est-à-dire l’acceptation que l’intérieur et
l’extérieur contiennent des bons et des mauvais objets. Renoncement
à l’idéalisation de soi et de l’autre, elle installe le sentiment de
culpabilité et la possibilité de réparation, comme l’a théorisé
également Winnicott.
Le transfert paranoïaque
Lors de la seconde séance avec ses parents, deux jours après,
Yseult raconte un cauchemar datant de quinze jours dans lequel elle
se suicidait en se plantant un couteau dans le cœur. Elle y voit son
enterrement : « J’étais en enfer, condamnée à errer pour l’éternité, je
voulais mourir, mais j’étais déjà morte. J’avais fait une énorme erreur.
J’étais tellement triste et désespérée. » Elle confirme mon intuition
qu’elle aurait pu passer à l’acte dans la réalité. Avant son épisode
paranoïaque, « elle croyait en Dieu mais Dieu l’a quitté ». Elle « l’a
cependant retrouvé » ce qui explique pourquoi elle ne s’est pas
suicidée. Ses retrouvailles avec Dieu datent du soir où ses parents lui
annoncent le rendez-vous avec moi. J’en déduis qu’à ce moment-là,
elle m’a donné croyance, comme à Dieu. Peut-être parce qu’elle sait
que je peux l’accepter avec toute sa destructivité. Elle m’avait déjà
rencontré dans la salle d’attente quand j’avais reçu son frère
auparavant. Plus tard, elle me dira qu’elle avait pensé :
« Heureusement que je ne suis pas en psy avec ce sale type », ce qui
indique la puissance de son transfert dans sa dimension tout autant
négative que positive. Dieu n’est pas autre chose, en tout cas pour
l’enfant, que l’instance du parent archaïque unique des toutes
premières années. On peut même résumer le dilemme de la position
schizo-paranoïde par cette phrase, autre variante de celle du gâteau,
placée en en-tête de ce chapitre : « Comment tuer Dieu sans le
perdre ? »
La seule issue analytique pour Yseult est d’exercer sa destructivité
sur moi pourvu que cela se fasse dans les formes les plus symboliques
possibles. Comptant sur son extrême intelligence, je lui explique tout
ce que je suis en train de faire ; notamment ce que je pense de sa
paranoïa, conception qu’elle intègre assez vite. Je ne crains pas de le
faire, car les capacités intellectuelles même les plus élevées ne
peuvent rien contre les processus affectifs en jeu dans l’analyse.
Ne voulant pas m’opposer à l’injonction du collège, j’abonde dans
le sens d’un rendez-vous pour elle avec un service de psychiatrie : le
pédopsychiatre n’estimera pas nécessaire son hospitalisation, mais lui
conseillera de continuer sa thérapie avec moi. On reproche à Yseult
d’avoir planté un couteau dans un dessin, caricaturant son « amie » et
d’avoir dit à ses copines que si elle n’avait pas peur que ses parents
aillent en prison, elle aurait tué Geneviève. Comme elle me le dit :
« Si je ne risquais rien, je l’aurais fait – comme je risquais tout, je n’ai
rien fait. »
Il y a quand même une part de comédie chez Yseult, qui a
toujours voulu faire du théâtre. Les horreurs qu’elle me décrit ne sont
après tout que des mots. Parce que, justement, ce ne sont que des
mots, je pense pouvoir l’aider à sortir de cet enfermement. Entre-
temps, une plainte pour menace de mort est déposée au commissariat
qui la convoque avec ses parents. Puis, elle a droit à une sorte de
procès scolaire, avec la victime et les parents en confrontation, qui
conduit à son exclusion définitive du collège. Yseult me dit qu’elle est
toujours décidée à « pourrir la vie à Geneviève », c’est donc la
meilleure solution.
À partir de la rentrée scolaire, nous reprenons nos séances tous les
quinze jours. Yseult, pendant plusieurs mois, apporte des rêves qui
montrent qu’elle est dans un univers originaire, hors espace-temps,
assez agressif, fait de guerres, de combats, de tueries. Cela
correspond bien au monde interne de la position schizo-paranoïde.
Parallèlement, elle provoque des « histoires » à répétition dans son
nouvel établissement, ce que sa principale appelle « allumer des
feux ». Elle crée un tel bazar qu’elle réussit à se mettre tout le collège
à dos, ce qui est typique du comportement paranoïaque. Cependant,
qu’elle ait un peu oublié son ancienne cible, Geneviève, pour produire
ce grand désordre, témoigne de la mobilité de sa structure.
L’agressivité tous azimuts de sa part représente un progrès,
notamment parce qu’elle n’est plus adressée à une cible unique, tant
qu’elle peut être un peu jugulée par nos séances. Canalisée sur une
personne, elle agit comme un leurre, car ce qui compte, c’est qu’elle
s’exerce, quel que soit l’objet. Plus l’agressivité viendra s’exprimer
dans la thérapie, moins Yseult fera de passages à l’acte. Mais elle ne
s’est pas encore décidée à me l’adresser bien que je reste pour
l’instant une cible potentielle.
Aurore au pays
de la schizophrénie
Ni naissance ni mort :
ni espace ni temps
Mais il ne sait pas non plus comment les enfants sont mis au
monde. En effet, s’il connaît la différenciation sexuelle des enfants, il
ignore celle des adultes. Pour lui, le sexe de sa mère est identique à
celui de son père. Incapable d’imaginer une représentation
quelconque d’une union qui présiderait à la conception d’un être
vivant, il me déclare que l’enfant entre par un trou – il ne sait pas
lequel – pour se loger dans le ventre de sa mère. Puis il sort de son
corps en dessous du pied de celle-ci en passant par la jambe.
Existants antérieurement par eux-mêmes, les êtres humains ne
seraient donc pas créés. Cet enfant était jusque-là dans un temps
infini, ne comprenant ni naissance ni mort. Il n’avait évidemment pas
eu accès au stade génital, qui implique la capacité de penser la
procréation, ni à l’interdit de l’inceste qui place l’enfant dans notre
espace-temps commun. En sachant qu’il n’aura de sexualité génitale
partagée et de descendance que plus tard, un enfant se projette dans
le temps. Cette sexualité ne pouvant avoir lieu dans le cercle familial,
ici, il se projette également dans l’espace, ailleurs. Il sort de l’ici et
maintenant.
Si au départ l’enfant est hors temps et hors espace, il n’est pas
pour autant nulle part. La conclusion à laquelle je suis arrivé est qu’il
est « dans tous les temps et dans tous les espaces ». Cette notion
permet de comprendre pourquoi l’enfant est télépathe, ce qu’avaient
remarqué Françoise Dolto et Didier Dumas. Télépathe parce que dans
tous les espaces, il est donc en même temps ici et là-bas. Mais s’il est
dans « tous les temps », il devrait avoir accès au passé et au futur.
L’accès au passé pour les enfants est depuis longtemps évident pour
moi puisque les enfants que je reçois sont en contact avec la mémoire
de leurs parents avant leur propre naissance et avec celle des ancêtres
qu’ils n’ont pas connus. Cependant, j’ai constaté qu’ils pouvaient
parfois connaître l’avenir. Nombre d’enfants avaient des symptômes,
accomplissaient des actes, le matin, ou quelques jours avant, qui
étaient en relation avec notre première séance sans m’avoir vu
auparavant. Certains, au cours de la thérapie, me disaient par
exemple : « Aujourd’hui c’est la dernière séance », alors que je ne le
savais pas encore moi-même. Un grand autiste de dix-sept ans est
celui qui m’a le plus appris sur cette capacité étonnante à connaître
l’avenir.
En ce qui concerne Aurore, elle incarne le matin l’ancêtre de sa
généalogie que nous allons découvrir ensemble avec sa famille
l’après-midi. À chaque fois, nous n’avons rien programmé. Il me faut
plusieurs séances pour comprendre cette relation entre son état du
matin et le contenu de l’arbre généalogique que nous abordons en fin
de journée. Alors que j’avais lu dans la littérature analytique que
certains psychotiques, mais pas seulement ceux-ci, pouvaient évoquer
ce qu’avait fait leur thérapeute les jours précédant leur rendez-vous,
Aurore est venue m’interpeller sur ce qu’on peut appeler la
« médiumnité 5 ».
Quitter l’analyste
Dix ans s’étaient passés jusqu’à ce dénouement avec en toile de
fond les abus sexuels. Julie s’était mise entre parenthèses pendant
tout ce temps-là. De même que les enfants se détachent
physiquement de leurs parents quand ils sont prêts et majeurs pour le
faire, les analysants quittent leur analyste pour vivre leur « vraie
vie ». Avec Julie nous étions passés de deux séances par semaine
pendant plusieurs années, à une séance pendant plusieurs autres,
puis tous les quinze jours et enfin nous en étions arrivés à une par
mois. Il fallait cette sorte de sevrage progressif dans le temps afin
qu’elle puisse ne pas vivre la cessation de la thérapie comme un
abandon traumatique. Nous évoquions l’éventualité de cet arrêt de
plus en plus au fur et à mesure des séances.
Elle fit un rêve important qui était une sorte de bilan de ces dix
années. Elle avait fait naufrage puis avait été récupérée par un
homme sur un radeau. Ensuite, elle gravissait avec lui une montagne,
mais, tout en haut, il restait en arrière tandis qu’elle s’engageait dans
le passage d’un col. Elle avait peur, elle se retournait, avançait et peu
à peu ne le distinguait plus. Elle savait dans le rêve qu’elle devait
faire la suite du voyage seule. Je lui interprétais qu’il s’agissait
évidemment d’une évocation de la fin de l’analyse, le passage du col
pouvant se comparer au passage du col de l’utérus par l’enfant, mais
cette fois-ci pour une renaissance à elle-même. Il apparaissait que de
l’autre côté de la montagne une nouvelle existence allait se mettre en
place pour elle. Mon accompagnement semblait devoir s’arrêter là.
Quoi qu’il arrive ce serait à elle d’en décider.
Sa décision fut de me quitter. Je lui signifiais qu’elle pouvait à tout
moment revenir me voir si elle en ressentait le besoin. J’écoutais avec
plaisir pour la dernière séance tous les commentaires positifs qu’elle
m’adressa. Mais je restais le plus réservé possible quant à mes propos,
un silence bienveillant permettant de m’effacer au mieux.
8
Le cauchemar du pensionnat
À ses cinq ans, sa mère le plaça dans une pension pour une année.
Ayant elle-même souffert petite dans une institution religieuse, elle
décida de l’envoyer en internat laïque à Paris. Malheureusement, ce
pensionnat se révéla peut-être pire. Max n’en avait que deux
souvenirs.
Le premier, terrifiant. Il était dans un dortoir collectif et un enfant
passait devant tout le monde avec un slip blanc sur la tête. Il se
souvint de ce qu’avaient dit les adultes : « Voilà ce qu’on fait à ceux
qui pissent au lit. » Encore couché, Max se mit aussitôt à pisser de
frayeur. Il fallut plusieurs adultes, et leur garantie qu’ils ne lui
infligeraient pas la punition, pour qu’il accepte de lâcher les barreaux
de son lit auxquels il s’était accroché.
Le deuxième souvenir, un séjour à l’infirmerie du pensionnat.
Allongé sur un lit pliant, alors « qu’on était gentil avec lui », il
pensait : « Enfin, c’est fini. » Il ne savait pas ce que cela signifiait.
Il se souvint vaguement que sa mère venait le chercher certains
week-ends. Elle lui dira plus tard qu’elle avait « cessé d’aller le voir
parce qu’il pleurait trop ».
Après cette année désastreuse pour Max, elle le mit dans une
famille d’accueil en province. Il avait six ans. Cette fois la vie lui fut
favorable. La famille sut lui donner des bases de sécurité et d’amour
qui lui procurèrent une certaine confiance dans la vie. Cette
confiance se réduisit souvent à néant au long de son existence quand
des aléas inévitables le menaçaient soudainement. À sept ans, sa
mère envoya celui qui devint son beau-père le ramener à Paris. Ce fut
un arrachement pour lui. Par la suite, la venue au monde de deux
enfants a priori plus légitimes le mit implicitement sur une sorte de
siège éjectable. Ne se sentant plus désiré, s’il l’avait jamais été, il
quitta le domicile familial à dix-huit ans. Passablement drogué entre
douze et seize ans, au point qu’il manqua d’en mourir ou tout au
moins d’en perdre la santé psychique, il mena ensuite sa vie en self-
made-man. Il ne comptait sur personne d’autre que sur lui-même et
devint éducateur spécialisé, en se dévouant aux jeunes en perdition.
La crainte de l’effondrement
Son hypocondrie et ses angoisses n’avaient pas complètement
disparu. Un jour, après qu’il eut lu un article de journal parlant du
suicide à la tronçonneuse d’un père devant son fils de deux ans, il eut
une sorte d’hallucination visuelle. Après un étourdissement, des
taches rouges se mirent à envahir son champ de vision et le
phénomène persista jusqu’à ce qu’il eut l’image de sang dans les
toilettes. Quand nous reprîmes ensemble cet épisode hallucinatoire, il
l’associa avec les avortements de sa mère. Il est probable qu’elle avait
avorté dans les toilettes ce qu’il avait découvert fortuitement. En tout
cas, alors que depuis des années, des maux de ventre permanents,
diagnostiqués comme nerveux l’assaillaient, ils disparurent
radicalement. Mais pourquoi avait-il déclenché cette hallucination
après la lecture d’une histoire de suicide ?
Six mois, plus tard, il fit un cauchemar décisif : une femme
menaçait de faire exploser une sorte de soucoupe volante dans
laquelle il était avec d’autres personnes. Il tentait de prévenir les
autres de cette catastrophe qui aurait en même temps détruit le
monde entier. Il se réveilla terrorisé et mit beaucoup de temps à
pouvoir se calmer. Puis, un peu plus tard dans la nuit, il rêva qu’il
était dans un train qui en télescopait un autre : il était mort.
Or, il m’avait raconté au début de sa thérapie que sa mère avait
fait une tentative de suicide devant lui quand il avait environ deux
ans. J’avais complètement occulté l’événement, et lui aussi, alors
qu’en fait, il était fondamental dans la formation de ses symptômes.
Antérieur à l’abus dans le pensionnat, il était en quelque sorte le
noyau de son organisation hypocondriaque : en pleine période
originaire, à travers cette menace mortelle sur sa mère, il avait fait
une sorte d’expérience de mort imminente mais en avait surtout
éprouvé l’angoisse.
Ce cauchemar lui avait permis de retraverser cette angoisse de
mort pour en avoir la représentation et la remettre au passé. Son
histoire entrait complètement dans le cadre d’un texte fondamental
de Donald Winnicott, « La crainte de l’effondrement » : il montre
comment un patient peut avoir besoin de revivre quelque chose qu’il
a déjà « vécu » mais qu’il n’a pas « éprouvé 5 ».
Par la suite, ses symptômes hypocondriaques et son angoisse
latente disparurent pour une bonne part, ce qui représenta pour lui
un confort psychique important.
Max vient encore me consulter aujourd’hui. Il trouve plus de
confiance dans la vie tandis que nous continuons à reprendre
ensemble les différents aspects traumatiques de son enfance qui
surgissent encore dans le cours de son existence. Je crois qu’il va
mieux.
CINQUIÈME PARTIE
LA GRAND-MÈRE PENDUE
L’APRÈS-COUP TRANSGÉNÉRATIONNEL
Le fantôme de Dora :
l’enterrement de la féminité
Le rêve de Dora
Il est situé au moment de la scène du lac, à ses seize ans. Elle dit
l’avoir refait plusieurs fois ensuite.
« Dans une maison, il y a un incendie. Mon père est debout
devant mon lit, il me réveille. Je m’habille rapidement. Maman veut
encore sauver sa boîte à bijoux mais papa lui dit : “Je ne veux pas que
moi et mes deux enfants, nous brûlions à cause de la boîte à bijoux.”
Nous nous dépêchons de descendre et dès que je suis dehors, je me
réveille 4. »
Voilà ce qu’en dit Freud : en référence à un événement réel –
Monsieur K. s’était introduit dans la chambre de la jeune fille, en lui
ayant subtilisé la clé – « L’enfant décide de fuir avec son père. En
réalité, l’enfant fuit par peur de l’homme qui la harcèle et se réfugie
auprès de son père 5. » Celui-ci veut pénétrer dans sa chambre, danger
menaçant sa boîte à bijoux – son sexe. Au réveil, Dora a senti une
odeur de fumée, ce que Freud interprète comme le souhait de
retrouver le goût du baiser des hommes. Il relie la peur d’incendie à
une énurésie tardive de Dora, en relation avec sa masturbation
infantile supposée, donc à son désir sexuel.
L’enterrement de la féminité
Que la gare représente, comme l’écrit Freud dans ses
interprétations, l’utérus et le vagin de la femme semble juste. Mais
que le cimetière en soit la représentation pose problème. Dans ce cas,
il s’agit de l’enterrement de la fête des organes féminins. En quelque
sorte, la fin de la féminité à l’image des ancêtres qui ont eu à faire
leur deuil de l’homme, de l’amour et de la sexualité 18. Faute de
réponses de la part de Freud et des autres adultes, Dora reste dans
ses rêveries de jeune fille. Elle est à l’image des femmes de sa lignée
qui ne trouvaient sexualité et amour que dans les romans à l’eau de
rose.
Il est clair que, quoi que dise Freud, la « boîte à bijoux de
maman », sa sexualité, est bien au centre de ce grand bazar familial.
Grave obsessionnelle, la mère de Dora « passait ses journées à
nettoyer l’appartement, ses meubles et ses ustensiles au point d’en
19
rendre presque impossibles l’usage et la jouissance ». Elle passe
donc son temps à nettoyer les traces de son désir. En faisant sortir la
mère du champ de l’analyse, Freud aboutit à une impasse. S’il pense
20
buter jusqu’aux derniers moments de sa vie sur le « continent noir »
du féminin, n’est-ce pas aussi sur la question du maternel ?
Histoire du cas
« L’homme aux rats » présente un avantage par rapport aux autres
grands cas de Freud : on a retrouvé les notes de la cure menée avec
son patient. Ainsi, la lecture croisée de la publication de l’époque,
L’Homme aux rats 1, et celle du compte rendu exhumé plus tard, le
Journal d’une analyse 2, nous permet d’en savoir plus sur les enjeux de
cette analyse.
Bien qu’il ait déjà eu des obsessions concernant la mort à six,
douze et dix-neuf ans, Ernst Lanzer 3, appelé « l’homme aux rats », ne
développe une grave névrose obsessionnelle qu’à ses vingt et un ans,
suite au décès de son père. Ses symptômes le conduisent chez Freud
huit ans plus tard. Il n’y restera qu’une seule année 4. Peu après avoir
été fait prisonnier par les Russes en novembre 1914, il meurt à l’âge
de trente-six ans.
Une de ses principales obsessions tourne autour d’une menace de
mort qui pèserait sur sa fiancée, Gisela, ainsi que sur son père,
pourtant décédé.
Quelles sont les conclusions théoriques de Freud sur ce cas ?
Il insiste fortement sur l’ambivalence fondamentale entre l’amour
et la haine qu’Ernst porte à son père. L’habitude de se masturber,
héritée de l’enfance, frustrée par une certaine violence paternelle,
provoquerait chez Ernst un conflit psychique. S’y ajoute l’amour mêlé
de haine envers sa promise – appelée aussi sa dame 5 – qui se trouve
être sa cousine. Au centre du complexe d’Ernst, sont placés ces deux
personnages, son père et sa promise, la mère étant mise à l’écart.
Patrick Mahony 6, dans Freud et l’homme aux rats, remarque que cette
dernière n’apparaît que dans une seule référence comme « objet
interdit » et que, « mis à part ce passage, Freud se contente d’inclure
la mère de son patient dans quelques formules œdipiennes 7 ».
De plus, le traitement mineur, voire inexistant, par Freud des
rêves de son patient a laissé de côté des éléments essentiels. Pourtant,
ces rêves exhumés accompagnés des notes de Freud permettent de
suivre le déroulé de la cure. Mis en rapport avec la vie d’Ernst, à
l’aide de ses associations et de celles de son analyste, ils représentent
une matière précieuse pour la compréhension du cas.
8
Dans le premier rêve d’Ernst, une femme, Reserl , pâle, comme en
état d’hypnose, placée derrière lui, l’entoure de ses bras. Il veut se
dégager de son emprise, mais à chaque fois qu’elle caresse sa tête,
surgit la menace qu’il arrive un malheur à sa dame, ce malheur
pouvant avoir lieu également dans l’au-delà 9.
Freud écrit qu’il n’interprète pas le rêve, car il ne se rapporte qu’à
10
son obsession, celle qu’il arrive un malheur à sa dame .
Le fantôme de Camilla
Deux personnages sont présents dans le rêve : Reserl et la dame,
la fiancée d’Ernst, alors que Freud ne fait référence qu’à la dame. La
pâleur de Reserl, l’évocation de l’au-delà campent d’emblée une
atmosphère fantomatique.
Freud n’a pas réalisé que ce rêve concernait le décès de la sœur
aînée d’Ernst, Camilla, âgée de neuf ans alors qu’il avait trois ans et
demi 11. Reserl représente probablement cette sœur défunte. Placée
debout, elle est plus grande que lui, assis. Sa pâleur est sûrement
celle de Camilla avant de mourir après une longue maladie et sa
façon de prendre Ernst dans ses bras correspond au rapport de
protection qu’elle avait avec lui. Placée derrière, elle appartient à son
passé qui fait retour – le passé est toujours derrière soi – et elle lui
frôle la tête : elle mobilise son psychisme.
Quant à la dame, Gisela, elle incarne vraisemblablement la mère
d’Ernst, Rosa. Curieusement, Freud, pourtant si enclin à repérer
l’amour œdipien pour la mère, ravivé dans les relations sentimentales
d’adultes, ignore complètement que « la dame » pourrait représenter
la mère d’Ernst, sauf dans une note de son journal dans laquelle il
associe les deux femmes. Pourtant, à partir de cette clé interprétative,
les rêves, fantasmes et obsessions d’Ernst, a priori assez
incompréhensibles, peuvent livrer leurs secrets.
Bien que ses premières angoisses morbides concernent son père,
le décès de Camilla est sans aucun doute à l’origine de son obsession
morbide par l’impact traumatique qu’il a eu sur lui et sa mère. En
effet, Ernst rêve qu’à partir de la caresse de Camilla, il va arriver un
« dommage à sa dame », sous-entendu, sa mère. Freud ne perçoit pas
à quel point la mort de cette sœur a joué un rôle majeur dans
l’affection d’Ernst.
Le concept d’« originaire 12 » peut nous éclairer sur ce rêve et sur
la configuration psychique de l’homme aux rats. Au cours de
l’analyse, Ernst apparaît bloqué dans cet état précoce. La perception
de la mort de sa sœur semble s’être déroulée dans une confusion où il
était en même temps sa mère, sa sœur et lui-même, ce qui est le cas
d’un enfant de trois ans et demi. Cette indistinction entre les
personnes fait que la menace pourrait peser sur tout le monde, hors
de l’espace, et « dans l’au-delà », c’est-à-dire, hors du temps. Dans un
sentiment fusionnel, Camilla lui avait dit : « Si tu meurs, je me
13
tue . » Lors de la période originaire, tout étant réversible, la mort de
Camilla devenait susceptible de provoquer celle de son frère mais
également celle de leur mère. La disparition maternelle étant
impensable pour un enfant, on comprend l’angoisse primitive qui
resurgit dans ce rêve d’Ernst adulte.
Le fantôme de mariage
En effet, le père d’Ernst 24 était amoureux d’une femme pauvre,
une bouchère, mais il s’est marié avec sa cousine germaine 25, la mère
d’Ernst. Ce mariage lui a procuré un emploi, et donc une situation
confortable, par l’intermédiaire des parents adoptifs de sa femme, les
Saborsky, une riche et puissante famille 26 qui faisait la pluie et le
beau temps dans le milieu juif viennois. Mariage arrangé et contraint
qui s’accorde mal avec l’idée de l’union parfaite que décrit Freud :
« Ils vivaient par ailleurs en excellent ménage 27. »
Cette contrainte, visible dans le rêve, pousse Ernst à vouloir
sauver sa mère, qui a les pouces liés contre un mur : elle ne peut plus
bouger. Les deux épées, qu’il nomme « coït et mariage », peuvent tout
autant la libérer que la rendre prisonnière. Cette ambivalence
témoigne du conflit psychique de celle-ci. Le père adoptif de Rosa,
M. Saborsky, étant tyrannique et violent, a-t-elle uniquement cherché
à lui échapper en s’aliénant à un homme qu’elle n’aimait pas ? Ou
bien encore ce mariage lui procurerait l’aisance financière donc une
certaine liberté tout en étant une prison affective ? En tout état de
cause, Ernst se trouve dans la répétition du dilemme vécu par ses
parents.
En effet, il est amoureux de sa cousine, sa dame, mais ses parents
ont choisi pour lui une autre cousine, petite-fille du père adoptif de sa
mère, Josef Saborsky. Cette promesse de mariage procure d’ailleurs
un travail à Ernst par l’entremise de la famille adoptive tout comme
cela a déjà eu lieu pour son père. Si Freud précise bien la
problématique familiale de l’homme aux rats, il ne l’intègre pas dans
l’analyse. Faute d’une position un tant soit peu critique sur le
fonctionnement de cette famille, il laisse sans mot dire Ernst dans son
dilemme. Il est curieusement muet sur tout ce que les injonctions
familiales induisent comme névrose chez l’homme aux rats.
Or la plupart des rêves de l’homme aux rats ont trait au mariage.
Un de ceux-ci évoque les enfants qui en sont issus : sa mère nue a
deux épées enfoncées dans la poitrine et ses organes génitaux sont
dévorés par Ernst et ses frères et sœurs. Là, enfin, Ernst est touché
par une interprétation de Freud concernant l’idée que la beauté d’une
femme serait atteinte par les rapports sexuels et les grossesses. Cela
fait rire Ernst.
Les deux épées, celles du coït et du mariage, transpercent le cœur
de sa mère, au lieu de sa promise dans le rêve précédent : preuve que
la promise représente la mère d’Ernst. Par l’obligation des rapports
sexuels avec son mari, les fruits de ceux-ci, les enfants, semblent
perçus comme parasitaires. Dans une vision d’Ernst, celle du sexe
28
d’une femme avec des lentes , les enfants y sont les poux. Lors d’une
« impulsion obsessive impérieuse », Ernst pense même se planter un
29
couteau dans le cœur montrant par là qu’il s’identifie à sa mère
dans le désarroi d’avoir à vivre un mariage contraint.
Bien que les mariages d’argent, courants dans le passé, ne
provoquent pas forcément des délires chez les descendants comme
chez Ernst, la névrose obsessionnelle se sert généralement d’éléments
relativement peu graves pour en faire une histoire absolument
tragique. Cette disproportion entre la gravité du symptôme et la
futilité de sa cause s’explique par la capacité psychique de
l’obsessionnel à rester dans un monde infantile archaïque dans lequel
le fantasme est équivalent à la réalité. Ce fantasme, lesté d’une
charge émotionnelle qui appartient à une réalité antérieure, résulte le
plus souvent d’un traumatisme non dépassé dans l’histoire ancestrale.
En ce qui concerne Ernst, manquent les éléments susceptibles de nous
éclairer sur ce passé généalogique. Jouant certainement un rôle
occulte, ils représentent le chaînon manquant pour comprendre
l’origine de la charge affective colossale déployée dans le délire de
l’homme aux rats.
Le fantôme de Schreber :
l’archaïque et l’originaire
La cosmogonie de Schreber
Pour lui, des âmes humaines, à leur mort, peuvent être extraites
des nerfs purifiés, « les vestibules du ciel », parties intégrantes de
Dieu 24.
Le vestibule est une petite pièce qui fait partie de la maison, sas
intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur. Selon Françoise Dolto, les
nourrissons dans leur image inconsciente du corps 25 se conçoivent
comme une petite boule accolée à une grosse, leur mère. Un
adolescent autiste que j’ai reçu dessinait toujours un petit rond collé à
un grand rond signifiant ainsi l’état dans lequel il était resté depuis sa
naissance : lui, petite cellule, soudée à une autre grande cellule, sa
mère. On comprend mieux le modèle imaginé par Schreber : les
« vestibules du ciel » seraient les enfants accolés, dans leur image
inconsciente du corps, au corps plus grand de leur mère.
Schreber divise Dieu en deux parties : les royaumes divins
antérieurs et les royaumes divins postérieurs. Il scinde ensuite ces
derniers en un Dieu inférieur et un Dieu supérieur. Il précise que la
connexion avec eux a lieu après la dissolution du royaume divin
antérieur. On pourrait dire que la fin de la période originelle de la
mère archaïque, le royaume divin antérieur, est l’avènement du
royaume divin postérieur, l’œdipe, période où les parents
représenteraient les deux dieux postérieurs.
26
Le Dieu inférieur pratique l’« éviration, la transformation en être
femelle, le miracle », tandis que le Dieu supérieur peut régénérer la
« virilité ». Aussi, le Dieu inférieur renverrait-il à la mère, car il lui
envoie ses rayons la nuit ; le Dieu supérieur, au père, car il s’avère
27
être le soleil . Ces deux dieux sont probablement le couple parental
de la période œdipienne. Ils ont perdu leur toute-puissance divine
originelle, car ce sont des « êtres distincts, qui dans leurs rapports
réciproques sont animés par leur égoïsme particulier et par leur
propre instinct de conservation 28 ». L’intégration de l’espace et du
temps à la fin de la période originaire apporte celle de la mortalité
des parents qui ne sont plus les dieux immortels de la première
enfance mais des sortes de demi-dieux mortels.
La mère de Schreber
Le délire de Schreber a sûrement aussi une origine dans sa propre
enfance. Pour lui, à l’origine, un meurtre d’âme a été commis par cet
ancêtre Flechsig « dans le dessein de retenir en lui et de s’arroger les
rayons divins 51 ». Défini par Schreber comme un rapt d’âme, on peut
imaginer qu’il s’agit de son père. Derrière la crainte de toute-
puissance de ce dernier, on ne peut que trouver celle de l’imago qu’il
a construite à partir de ce père abusif. Nous n’avons pas d’éléments à
propos de l’enfance du président Schreber concernant la relation
entre ses parents et l’état psychique de sa mère. Il n’était
probablement pas simple de vivre auprès d’un homme aux principes
de vie si rigides, qui, en plus de machines de contention, de procédés
contre la masturbation, prônait les activités de plein air aux jeunes
hommes pour sublimer le trop-plein d’énergie sexuelle. On peut
cependant se poser la question d’une éventuelle dépression de sa
femme, le couple parental de Schreber étant alors à l’image du couple
ancestral à l’origine du fantôme : un mari froid et rigide avec une
épouse dépressive.
14
1. Donald Winnicott, « Envie et agressivité innée. Critique du concept d’envie chez Melanie
Klein », in La Crainte de l’effondrement, Paris, Gallimard, 2000, p. 349.
2. En anglais, patient borderline, voir Margaret I. Little, Des états-limites, Paris, Des
femmes, 1991.
3. « Admettre une erreur valait à l’analyste la confiance du patient » (Sándor Ferenczi, La
Confusion de langue entre les adultes et l’enfant, traduit par l’équipe du Coq-Héron, Paris,
Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2004, p. 37).
4. Sigmund Freud, Lettres à Fliess, 1887-1904, Paris, PUF, 2006, p. 294.
5. Ibid., p. 334.
6. Ibid.
7. Sándor Ferenczi, Confusion des langues entre l’adulte et l’enfant, op. cit., p. 42.
8. Sigmund Freud, Lettres à Fliess, op. cit., p. 335.
9. Ibid.
10. Ibid.
11. Sigmund Freud, Les Psychonévroses de défense, La première théorie des névroses, Paris,
PUF, 1995, p. 5.
12. Sigmund Freud, Lettres à Fliess, précédemment nommé Naissance de la psychanalyse,
n’a été traduit en français sans censure qu’à partir de 2006.
13. Voir au chapitre suivant, le cas de Max.
14. Hypnose, EMDR, mémoire cellulaire, rebirth, régression, etc.
1. Nicolas Abraham et Maria Török, L’Écorce et le Noyau, Paris, Flammarion, 1987, p. 440.
2. Bruno Clavier, Les Fantômes familiaux, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot »,
2014, p. 129.
3. Comme je l’ai déjà indiqué, avant deux, trois ans, un enfant n’a pas deux parents dans
un rapport mutuel mais un seul parent interchangeable.
4. Melanie Klein et Joan Rivière, L’Amour et la Haine, Paris, Payot, coll. « Petite
Bibliothèque Payot », 2016.
1. Sigmund Freud, Dora, Fragments d’une analyse d’hystérie, traduit par Cédric Cohen
Skalli, préface de Sylvie Pons-Nicolas, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2010,
p. 60 ; repris in Cinq psychanalyses, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2017,
p. 55.
2. Ibid., p. 63 ; p. 57.
3. Ignorant aussi la notion d’abus sexuel, car Freud avait commencé par cette hypothèse :
« Ainsi l’expérience avec Monsieur K. – l’avance amoureuse et la blessure de l’honneur qui y
en résulta – aurait constitué le traumatisme psychique de notre patiente » (ibid., p. 74 ;
p. 66). Il minimisera cette thèse par une note ultérieure de bas de page ; entre-temps, il a
abandonné sa théorie première qui considère le trauma sexuel comme source principale des
troubles psychiques.
4. Ibid., p. 133 ; p. 111.
5. Ibid. p. 168 ; p. 138-139.
6. Le psychanalyste Paul-Claude Racamier a décrit cet incestuel qu’il appelle parfois un
« équivalent d’inceste » dans L’Inceste et l’Incestuel, Paris, Dunod, 2010.
7. Deuxième association de la jeune fille : un jour, son père avait eu peur que la foudre ne
tombe sur la maison.
8. Cette notion de Freud est contestée dans le chapitre 14 « Le fantôme des abus : l’homme
aux loups », infra, p. 269.
9. Sigmund Freud, Dora, op. cit., p. 65 ; p. 59.
10. Ibid., p. 143 ; p. 118.
11. Même observation du psychanalyste Charles Melman : « Pour cette belle jeune fille,
l’histoire de toute sa famille, y compris de celle des K., était celle de l’évidence d’une discorde
entre homme et femme tout à fait majeure. Toute l’histoire de ces deux familles, mais aussi
bien celle de sa tante, était inscrite sous le signe du fait que, entre homme et femme, ça ne
collait pas » (Nouvelles Études sur l’hystérie, Toulouse, Érès, 2010, p. 205).
12. Sigmund Freud, Dora, op. cit., p. 76 ; p. 68.
13. Ibid., p. 78 ; p. 70.
14. Même s’il est difficile de savoir quel était le degré de tolérance de l’époque face à de
tels actes de la part d’un homme plus âgé vis-à-vis d’une jeune fille.
15. Voir le chapitre « Julie en état limite », p. 143.
16. Jacques Lacan, « Intervention sur le transfert », in Écrits I, Paris, Seuil, 1999, p. 217.
17. Jacques Lacan, « Dora et la jeune homosexuelle », in Le Séminaire IV. La relation d’objet,
Paris, Seuil, 1994, p. 137.
18. Voire le deuil d’enfants morts ou non venus.
19. Sigmund Freud, Dora, op. cit., p. 63 ; p. 57.
20. Sigmund Freud, La Question de l’analyse profane, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais »,
1985, p. 75.
21. Sigmund Freud, Dora, op. cit., p. 155 ; p. 128.
22. Ibid., p. 156 ; p. 128.
23. Ibid.
11. Le petit Hans ou la phobie du cheval grand-père
1. Article paru dans sa version intégrale dans la revue trimestrielle de psychanalyse Le Coq-
Héron, no 223, Présence de Ferenczi, Toulouse, Érès, décembre 2015.
2. Certaines données généalogiques contenues dans cet article sont inédites.
3. Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), traduit de l’allemand par
Cédric Cohen Skalli, Olivier Mannoni et Aline Weill, préface de Sarah Chiche, Paris, Payot,
coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2014.
4. Sigmund Freud, Le Petit Hans. Analyse de la phobie d’un enfant de cinq ans, traduit par
Cédric Cohen Skalli, préface de Sébastien Smirou, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque
Payot », 2011, p. 104 ; repris in Cinq psychanalyses, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque
Payot », 2017, p. 261.
5. Ibid., p. 217 ; p. 346.
6. Ibid., p. 197 ; p. 331.
7. Ibid.
8. Janvier 1908.
9. Mai 1908.
10. Jean Bergeret et Marcel Houser, La Sexualité infantile et ses mythes, Paris, Dunod, 2001,
p. 125. Josiane Praz situe la rencontre de Max Graf avec Freud avant son mariage avec Olga
Hoenig qui a eu lieu en 1898, c’est-à-dire environ quatre ans avant la naissance de son
enfant, « le petit Hans », Herbert Graf né le 10 avril 1903. Selon une lettre envoyée à
Wilhelm Fliess, Olga était encore en analyse avec Freud en 1897.
11. Ibid., p. 125.
12. B. Sylwan et P. Refabert, Freud, Fliess, Ferenczi. Des fantômes qui hantent la
psychanalyse, Paris, Hermann, 2010, p. 53.
13. « À l’occasion du troisième anniversaire de mon fils, Freud lui apporta un cheval à
bascule qu’il transporta lui-même en haut des quatre escaliers menant à ma maison. » (M.
Graf, « Réminiscences du Professeur Sigmund Freud » [1942], supplément au no 3 de
L’UNEBEVUE, 1993, p. 33).
Josiane Praz note que, dans son interview le plus récente, du 16 décembre 1952, Max Graf
en situant ce cadeau après la phobie commet une erreur, car il cite encore les quatre étages
de l’appartement ; or, pendant la phobie de l’enfant, la famille était dans un autre
appartement qui comprenait trois étages. Voir Jean Bergeret et Marcel Houser, La Sexualité
infantile et ses mythes, op. cit., p. 126.
14. Sigmund Freud, Le Petit Hans, op. cit., p. 212 ; p. 342.
15. Ibid., p. 89 ; p. 250.
16. Ibid., p. 90 ; p. 251.
17. Ibid.
18. Voir, plus loin, à propos de la symbolique de la fenêtre, « La naissance ou comment
passer par la fenêtre qui mène à la vie ».
19. Sigmund Freud, Le Petit Hans, op. cit., p. 91 ; p. 252.
20. Ibid., p. 92 ; p. 252.
21. Le wiwi représente le sexe.
22. Ibid., p. 121 ; p. 274.
23. « Entretien du père du Petit Hans, Max Graf, avec Kurt Eissler, le 16 décembre 1952 »,
Bloc-notes de la psychanalyse, no 14, L’Inhumain dans la civilisation, 1996.
24. Le père de Hans : « Pour une bêtise, n’est-ce pas, on recevait des rossées et j’avais peur
de mon père pour n’importe quoi » (ibid., p. 140).
25. Freud ne précise d’ailleurs pas – bien que peut-être encore sans lunettes à l’époque –
qu’il portait lui-même une forte moustache, cette dimension transférentielle lui échappant
complètement. On peut également se demander si le grand-père paternel ne portait pas, lui
aussi, lunettes et moustaches.
26. Sigmund Freud, Le Petit Hans, op. cit., p. 91 ; p. 252.
27. Ibid. p. 93 ; p. 253.
28. Ibid., p. 95-96 ; p. 255-256.
29. Ibid., p. 116 ; p. 270.
30. Ibid., p. 94 ; p. 254.
31. Ibid., p. 72 ; p. 237 : il s’agit de la petite Lizzi, comme nous le dit le père.
32. Ibid., p. 209 ; p. 339-340.
33. Nicolas Abraham et Maria Török, L’Écorce et le Noyau, Paris, Flammarion, 1987, p. 441.
34. Quoi qu’en dise le père qui indique que sa femme ne sortait pas de chez elle « ni par
angoisse ni par crainte » (« Entretiens avec Max Graf », art. cité, p. 144).
35. Sigmund Freud, Le Petit Hans, op. cit., p. 230 ; p. 356.
36. Ibid., p. 101 ; p. 259.
37. Ibid., p. 173 ; p. 314. On peut s’interroger sur le fait que Freud fait une association, lui,
avec le coït des parents !
38. « LE PÈRE : Est-ce que le cheval était mort quand il est tombé ? – HANS : Oui ! » (ibid.,
p. 105 ; p. 262).
39. Ibid., p. 83 ; p. 246.
40. Ibid., p. 85 ; 247.
41. Ibid., p. 86 ; p. 248.
42. Ibid., p. 88 ; p. 249.
43. Note de bas de page, ibid., p. 212 ; p. 342.
44. À aucun moment, cette assertion ne se trouve dans le texte du père.
45. Ibid., p. 89 ; p. 250.
46. Ibid. p. 62 ; p. 229.
47. Ibid., p. 41 ; p. 214.
48. Ibid., p. 180 ; p. 319.
49. Jean Bergeret et Marcel Houser, La Sexualité infantile et ses mythes, Paris, Dunod, 2001,
p. 130.
50. On sait que ce suicide a lieu avant ses quarante ans (« Entretiens avec Max Graf », art.
cité).
51. Relevés personnels des cimetières juifs de Vienne : information inédite, le grand-père
maternel Ignaz Hoenig est né en 1833, mort le 4 septembre 1878 ; sa fille Olga, mère de
Hans, est née le 2 octobre 1877. La fille cadette qui suit est donc née vraisemblablement
après son décès, car il n’y a que onze mois entre la naissance d’Olga et la mort de son père ce
qui laisse peu de marge pour la naissance d’un nouvel enfant dans cet intervalle.
52. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, lettre du 22 juin 1897, Paris, PUF, 2006.
53. L’expression pose question, mais Freud n’en dit pas plus : que pouvait-on reprocher à
ce père ?
54. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, op. cit., p. 322.
55. Antonie Ehrenstein, née en 1847, décédée le 26 novembre 1937.
56. « Entretiens avec Max Graf », art. cité.
57. Sœur cadette de la mère de Hans.
58. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, op. cit., p. 321.
59. La fratrie connue de la mère de Hans est celle-ci : Marie Valérie (15 novembre
1872-…), Siegfried (6 juillet 1874-18 septembre 1991) ou Oscar (…-…), Sidonie (…-…),
Olga (2 octobre 1877-…) Dernière fille handicapée : prénom inconnu.
60. Hans l’a pensé quand il a vu tomber Fritz qui faisait le cheval. Voir Sigmund Freud, Le
Petit Hans, op. cit., p. 154 ; p. 299.
61. Dans une lettre à Wilhelm Fliess, Freud laisse entendre que le père n’était pas
quelqu’un de bien. Même si sa femme pourrait, éventuellement, se louer de sa disparition, il
n’en est pas moins vrai que sa condition de veuve avec six enfants en bas âge est en soi une
catastrophe d’autant qu’à cette époque, une femme n’était rien socialement sans son mari.
62. Ibid. p. 149 ; p. 314.
63. « LE PÈRE : Qui aimerais-tu frapper pour de vrai : maman, Hannah ou moi ? – HANS :
Maman. »
64. C’est-à-dire « pipi ».
65. Ibid., p. 123 ; p. 268.
66. Ibid., p. 159 ; p. 303.
67. Ibid.
68. Ibid., p. 177 ; p. 316.
69. Nicolas Abraham et Maria Török, « Le travail du fantôme dans l’inconscient », in
L’Écorce et le Noyau, op. cit., p. 392.
70. Voir supra, p. 169.
71. Nicolas Abraham et Maria Török, L’Écorce et le Noyau, op. cit., p. 439.
72. Ibid., p. 408.
1. Sigmund Freud, L’Homme aux rats. Un cas de névrose obsessionnelle, traduit par Cédric
Cohen Skalli, préface de Jean Triol, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2010 ;
repris in Cinq psychanalyses, Paris, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2017.
2. Sigmund Freud, L’Homme aux rats : journal d’une analyse, Paris, PUF, 1974.
3. Ernst Lanzer, 22 janvier 1878-25 novembre 1914.
4. D’octobre 1907 à septembre 1908.
5. Gisela Adler, née le 15 octobre 1879 et décédée en 1933. Je n’ai pas pu trouver quel
était le degré de parenté avec Ernst et il semblerait, autant pour elle que pour les parents
d’Ernst qui sont mentionnés comme cousins germains, qu’il s’agirait plutôt de petits-cousins
voire d’arrière-petits-cousins.
6. Patrick Mahony, Freud et l’homme aux rats, Paris, PUF, 1991.
7. Ibid., p. 45.
8. Reserl, fiancée à un autre, à qui il a volé un jour un baiser.
9. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 111.
10. Ibid. p. 113.
11. Camilla Lanzer, née le 15 avril 1872 et décédée le 24 août 1881.
12. Voir ce concept, supra, p. 94.
13. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 105.
14. Voir ce concept, supra, p. 93.
15. Rêve de 1907.
16. Un ami, avec qui il a eu des jeux homosexuels enfant, donc quelqu’un à qui il a essayé
de s’identifier.
17. Rêve fait entre décembre 1906 et janvier 1907, antérieur à l’analyse avec Freud – qui
n’a commencé qu’en octobre 1907.
18. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 115.
19. Voir supra, p. 48.
20. Bruno Clavier, Les Fantômes familiaux, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot »,
2014, p. 49.
21. Des petites cordelettes.
22. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 113.
23. Patrick Mahony, Freud et l’homme aux rats, op. cit., p. 146.
24. Il y a un doute sur la naissance de Heinrich Lanzer 1837-1899. Son acte de mariage du
12 décembre 1869 mentionne qu’il est né en 1837 et non pas en 1825 comme on le trouve
dans les biographies. Cependant une tombe du cimetière de Vienne et son acte de décès
indiquent un décès à soixante-douze ans ce qui reviendrait à une date de naissance en 1825.
Se serait-il fait passer comme étant plus jeune lors de son mariage ?
25. Rosalia Rosa Herlinger, 31 décembre 1844-2 octobre 1919, ce cousinage semble
remonter à une autre génération, car les parents du père, Jacob Lanzer et Rosalia Epstein, et
ceux de la mère, Valentin Herlinger et Johannah Kohn, ne présentent pas un lien visible de
parenté.
26. Le père adoptif était Josef Saborsky, 1819-1912, premier témoin sur l’acte de mariage
des parents, et figurant également sur le faire-part de décès en 1899 de Heinrich Lanzer,
père d’Ernst. Sa première femme, Rosalia Lanzer, née en 1826 et décédée le 13 juillet 1873,
est sûrement une parente de sa fille adoptive comme cela est mentionné dans le Journal
d’une analyse, cette dernière portant après son mariage le même nom : Rosalia Lanzer.
27. Sigmund Freud, L’Homme aux rats, op. cit., p. 85 ; p. 449.
28. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 153.
29. Ibid., p. 49.
30. Séance du 22 novembre 1907.
31. Patrick Mahony suggère que ce P.C. fait référence à Camilla et P.F. à Freud (Freud et
l’homme aux rats, op. cit., p. 78. Voir aussi Sigmund Freud, L’Homme aux rats, op. cit., p. 79 ;
p. 443).
32. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 157.
33. Plusieurs rêves et fantasmes d’Ernst, formant une chaîne associative, nous permettent
de comprendre qui serait ce « garçon de café ». Dans l’un d’eux, il veut qu’on lui apporte la
fille de Freud pour qu’il la lèche dans sa chambre en disant : « Amène le Miessnik, le
dégoûtant. » Ernst associe avec l’histoire d’un ami qui veut poster des canons autour d’un
café et en faire sortir le garçon, « excellent et très laid », en lui disant : « Dehors, Miessnik ! »
(Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 159.)
34. Ibid., p. 161.
35. Sigmund Freud, L’Homme aux rats, op. cit., p. 93 ; p. 455.
36. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 163.
37. Coprophile : qui mange les excréments.
38. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 221.
39. Ibid.
40. Ibid. Une fois encore, Freud banalise les abus sexuels, car cette tentative de viol sur sa
propre fille par le père d’Ernst mériterait d’être intégrée à l’analyse, commentée avec son
patient. L’inceste patent au sein de cette famille est totalement occulté par le professeur.
41. Ibid., p. 187.
42. Ibid.
43. Si, pour les enfants et donc pour l’inconscient, le chien est masculin et le chat est
féminin, en revanche, deux chiens symboliseront du féminin, en fait du masculin
« féminisé », tandis que trois chats évoqueront alors du féminin « masculinisé ».
44. Dans les rêves et les dessins d’enfants, le toit symbolise, la plupart du temps, le
paternel.
45. Voir à ce sujet l’ouvrage collectif de Françoise Héritier, Michelle Perrot, Sylviane
Agacinski et Nicole Bacharan, La Plus Belle Histoire des femmes, Paris, Seuil, 2011.
46. Sigmund Freud, Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l’érotisme
anal (1917), in La Vie sexuelle, Paris, PUF, 2002, p. 111.
47. Freud l’évoque d’ailleurs plutôt du côté des femmes.
48. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 235.
49. On peut ajouter que les femmes, voire les enfants, sont appelées familièrement
« souris » mais jamais les hommes.
50. Ibid., p. 245.
51. Ibid., p. 249.
52. Voir les fantasmes de bris de carreaux du petit Hans au chapitre précédent.
53. Carl Gustav Jung, Essai d’exploration de l’inconscient, Paris, Gonthier, 1964, p. 73.
54. « Freud, en tant que fils, voulait vraiment tuer son père » (Sándor Ferenczi, Journal
clinique, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2014, p. 333).
55. Sigmund Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, Paris, Payot, coll. « Petite
Bibliothèque Payot », 2001.
56. Voir plus loin, « Le supplice des rats ».
57. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 33.
58. Patrick Mahony, Freud et l’homme aux rats, op. cit., p. 48.
59. Entre-temps, trouvant un officier disposé à payer à sa place, un médecin auxiliaire, il
lui donne l’argent. Mais ce dernier revient sans avoir pu effectuer le paiement.
60. Patrick Mahony, Freud et l’homme aux rats, op. cit.
61. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 99.
62. Ibid., p. 107.
63. D’autant qu’Ernst est sous-lieutenant, inférieur du lieutenant, lui-même inférieur du
capitaine.
64. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 137, voir note de bas de page 250.
65. Patrick Mahony, Freud et l’homme aux rats, op. cit., p. 47.
66. En 1905, son beau-frère, Jacob Freundlich, mari de sa sœur Olga, est déjà son
supérieur hiérarchique dans l’entreprise Saborsky, il a donc l’emploi quand il fait le délire du
supplice, en 1906 et est déjà en position d’arnaqueur.
67. Le faire-part original de décès est visible sur Internet :
www.myheritage.fr/names/heinrich_lanzer.
68. Le faire-part original de décès est visible sur Internet :
www.myheritage.fr/names/rosa_lanzer.
69. Ernst, dans un premier temps, a oublié cet autre lieutenant. À ce moment du récit,
Freud commet un lapsus au même endroit concernant ce lieutenant B. : « Ici, un oubli de ma
part », écrit Freud.
70. Sigmund Freud, L’Homme aux rats, op. cit., p. 101 ; p. 459.
71. Jacques Lacan, L’Homme aux rats, inédit, 1952-1953, consultable sur Internet.
72. Sigmund Freud, Journal d’une analyse, op. cit., p. 43, note 1.
73. Ibid., p. 43.
74. Ibid., p. 43. On peut remarquer que dans les notes du Journal d’une analyse, Freud
écrit : « “les rats pénètrent en vrille…” “Dans l’anus”, me suis-je permis de compléter »
(p. 45).
75. Ibid., p. 45.
76. Sigmund Freud, L’Homme aux rats, op. cit., p. 27 ; p. 401.
77. Patrick Mahony, Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Hachette, 2002,
p. 1509.
1. On retrouve le propre complexe de Freud par rapport à son père abuseur, abus déjà
évoqué plus haut, p. 143.
2. Sigmund Freud, Le Président Schreber, Un cas de paranoïa, traduit par Olivier Mannoni,
préface de Denis Pelletier, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2011, p. 126, 127,
128 ; repris in Cinq psychanalyses, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2017,
p. 626, 627.
3. Ibid., p. 140 ; p. 630.
4. Ibid., p. 128 ; p. 626.
5. Voir supra, p. 96.
6. Cette notion de parent unique archaïque est visible avec les autistes qui ont la
caractéristique d’ignorer l’autre parent quand ils sont avec l’un des deux : ils ne les
appréhendent pas ensemble, ne connaissant à chaque fois qu’une relation duelle.
7. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, Paris, Seuil, 1975.
8. Ibid., p. 34.
9. Ibid., p. 35.
10. Freud confirme cette symbolique du père-soleil et de la terre-mère, voir Le Président
Schreber, op. cit., p. 112-113 ; p. 615-616.
11. Voir ce concept, supra, p. 94.
12. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 37.
13. La séduction mortelle exercée par l’eau y est incarnée par une sirène à l’image de la
Lorele, l’« Éternel Féminin », qui s’empare corps et âme du pêcheur.
14. Paul-Claude Racamier a développé ce concept, à travers la « séduction narcissique »,
séduction mutuelle entre la mère et l’enfant (voir « Prémisses et développement du deuil
originaire », in Le Génie des origines, Paris, Payot, 1992, p. 31).
15. Freud décrit ce phénomène : « Son monde subjectif a disparu depuis qu’il lui a retiré
son amour. » (Sigmund Freud, Le Président Schreber, op. cit., p. 139 ; p. 635.)
16. On voit cela avec le cas célèbre des sœurs Papin qui assassinèrent sauvagement leur
patronne et sa fille.
17. Voir supra, le chapitre 5 « Yseult ou une paranoïa d’adolescente », p. 91.
18. Sauf en cas de psychose paranoïaque avec certains schizophrènes, par exemple.
19. Françoise Dolto, L’Image inconsciente du corps, Paris, Seuil, 1984.
20. Piera Aulagnier, La Violence de l’interprétation, Paris, PUF, 1975, p. 45-80.
21. Sur cette question d’involution, voir Françoise Dolto, « La jalousie du puîné », in Au jeu
du désir. Essais cliniques, Paris, Seuil, 1981, p. 123.
22. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 39.
23. Ibid., p. 42.
24. Ibid., p. 44.
25. Françoise Dolto, Au jeu du désir, op. cit., p. 83.
26. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 81.
27. Ibid., p. 166.
28. Ibid., p. 170.
29. Par le truchement des nerfs (ibid., p. 72).
30. Il semble qu’il s’agisse plus d’énurésie que d’émission de sperme.
31. Un dossier complet sur l’hypocondrie du magazine Le Point, no 2159 de janvier 2014,
reconnaît l’importance de ce phénomène en termes de santé publique, mais les experts ne
font globalement que décrire les symptômes sans jamais évoquer son origine dans l’enfance
ni même cette proximité psychique qu’elle entretient avec la paranoïa.
32. Voir supra, le chapitre 8, « Max toujours à la limite », p. 150.
33. Comme je l’ai indiqué dans le chapitre précédent, le rat représente à mon sens le
maternel archaïque.
34. Françoise Dolto, L’Image inconsciente du corps, op. cit., p. 67.
35. Didier Dumas, Hantise et clinique de l’autre, Paris, Aubier, 1979, p. 159.
36. Bruno Clavier, Les Fantômes familiaux, op. cit., p. 114.
37. On peut penser au roman 1984 de George Orwell avec Big Brother, œil unique chargé
de surveiller la population.
38. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 34.
39. Ibid., p. 32.
40. « L’épigénétique, une génétique sans ADN », Le Monde, 14 avril 2012.
41. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 49.
42. Daniel Gottfried Schreber de sa généalogie réelle (14 janvier 1708-29 mars 1777)
représentant le Daniel Furchtegott Flechsig de sa généalogie imaginaire.
43. Johann Christian Daniel Schreber (19 janvier 1739-10 décembre 1810).
44. Henriette Philippine Rosenkranz, décédée en 1761.
45. Johann Gotthilf Daniele Schreber (12 août 1754-19 avril 1837).
46. Johann Benedikt Schreber (1759-1785).
47. Gustav Schreber (1812-1816).
48. Daniel Gustav Schreber (27 juillet 1839-7 mai 1877).
49. Ibid., p. 119.
50. Voir Bruno Clavier, Les Fantômes familiaux, op. cit., p. 91.
51. Daniel Paul Schreber, Les Mémoires d’un névropathe, op. cit., p. 50.
1. Sigmund Freud, L’Homme aux loups. D’une histoire de névrose infantile, traduit par
Olivier Mannoni, préface de Frédérique Debout, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque
Payot », 2010, p. 79-80 ; repris in Cinq psychanalyses, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque
Payot », 2017, p. 702-703.
2. Ibid., p. 80 ; p. 703.
3. Ibid., p. 87 ; p. 710.
4. Ibid., p. 90 ; p. 712.
5. Ibid., p. 92, p. 713.
6. Ibid., p. 96 ; p. 717.
7. Ibid., p. 95 ; p. 716.
8. Ibid., p. 101 ; p. 721.
9. Karin Obholzer, Entretiens avec l’homme aux loups. Une psychanalyse et ses suites, Paris,
Gallimard, 1981.
10. Ibid., p. 70.
11. L’Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, textes réunis et présentés par
Muriel Gardiner, Paris, Gallimard, 1981, p. 268-313.
12. Ibid.
13. Ibid.
14. Karin Obholzer, Entretiens avec l’homme aux loups, op. cit.
15. Pour exemple, deux personnes en train de faire de la musique ou de manger au
restaurant peuvent très bien symboliser l’acte sexuel en rêve.
16. Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, in Œuvres complètes, t. IV, Paris, PUF, 2004,
p. 370.
17. Ibid., p. 371.
18. Ibid., p. 330.
19. Ibid., p. 331.
20. Ibid., p. 371.
21. Ibid., p. 372.
22. L’Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, op. cit., p. 351.
23. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont,
1982, p. 672-673.
24. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 72 ; p. 700.
25. Ibid., p. 140 ; p. 747.
26. Ibid.
27. « Les souvenirs de l’homme aux loups », in L’Homme aux loups par ses psychanalystes et
par lui-même, op. cit.
28. Irina Petrovna décédée par suicide avant 1886.
29. Les cinq autres branches ont chacune un loup.
30. Constantin Pankejeff, né en 1859, décédé probablement par suicide en août 1908 à
quarante-neuf ans, deux ans après sa fille.
31. Anna, née en 1884, décédée par suicide en octobre 1910.
32. Thérèse, décédée par suicide le 31 mars 1938.
33. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 88 ; p. 711.
34. Ibid., p. 173 ; p. 772.
35. Les autres garçons mentionnés avant l’aînée Liuaba ont sûrement été des enfants mort-
nés.
36. Voir le premier rêve que Sergueï fait pour son analyste femme, où il la voit comme le
chien policier de Freud, L’Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, op. cit.,
p. 296.
37. Voir le chapitre 12, « Le fantôme de l’homme aux rats ».
38. Voir Miss Owen, femme menaçante, et sa « petite queue » (L’Homme aux loups par ses
psychanalystes et par lui-même, op. cit., p. 289).
39. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, op. cit., p. 923.
40. Ibid., p. 673-674.
41. L’Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, op. cit., p. 23.
42. Ibid., p. 23.
43. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, op. cit., p. 1012.
44. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 179 ; p. 777.
45. On peut lire, en référence à ce « V » romain, Serge Leclaire, Psychanalyser, Paris, Seuil,
1968, p. 90.
46. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 56 ; p. 688.
47. Wolfgang Lederer, Gynophobia ou la peur des femmes, Paris, Payot, 1970.
48. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 70 ; p. 698.
49. Karin Obholzer, Entretiens avec l’homme aux loups, op. cit., p. 71.
50. « Je vis au lieu d’une jolie petite fille, un loup dressé… » (cité par l’homme aux loups
in L’Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, op. cit., p. 24).
51. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 109 ; p. 724.
52. Nicolas Abraham et Maria Török, Le Verbier de l’homme aux loups, Paris, Aubier, 1976,
p. 88.
53. Ibid., p. 89.
54. Ibid.
55. Cette hypothèse impliquerait que sa sœur aurait été abusée vers quatre ans. On peut
imaginer un abus par fellation qui serait un traumatisme commun entre Sergueï et Freud, ou
seulement des attouchements, ce qui correspondrait à la compulsion chez Anna à se saisir du
sexe des garçons. L’âge de quatre ans, celui du rêve des loups, serait alors un élément en
rapport avec l’âge de sa sœur quand elle aurait été abusée.
56. Sur les fantômes familiaux de Freud, voir Bruno Clavier, « Julius, Josef et Jacob Freud,
hantise de la psychanalyse », in Les Fantômes familiaux, op. cit., p. 217.
57. Voir l’interview de l’homme aux loups, in L’Homme aux loups par ses psychanalystes et
par lui-même, op. cit., p. 280.
58. C’est méconnaître les enfants de penser qu’ils ne distingueraient pas dans leur vision
un coït entre leurs parents, non traumatique – car normal – d’une scène d’abus sexuel sur un
enfant, traumatique.
59. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 148 ; p. 753.
60. Françoise Dolto, Au jeu du désir, Paris, Seuil, 1981, p. 81.
61. Sigmund Freud, L’Homme aux loups, op. cit., p. 69 ; p. 697.
62. Jeffrey Masson, Enquête aux archives Freud. Des abus réels aux pseudo-fantasmes,
Breuillet, Éditions l’Instant présent, 2012, p. 44.
63. Lettre du 11 juin 1957, citée par Muriel Gardiner, L’Homme aux loups par ses
psychanalystes, op. cit., p. 282.
64. Ibid., p. 284.
65. Selon le terme de Ruth (ibid., p. 284).
66. Voir infra, p. 288.
67. Ruiné par la Révolution russe, Sergueï n’a pu récupérer de la fortune familiale que des
bijoux, qu’il estime faussement représenter une grosse somme d’argent, dont il a dissimulé
l’existence à Freud.
68. L’Homme aux loups par ses psychanalystes, op. cit., p. 290.
69. Ibid., p. 289.
70. Le Professeur X. est un médecin qui a reçu Sergueï pour son nez. Cela s’est mal passé
avec lui et on comprend qu’il recouvre, dans tous les rêves avec Ruth, la personne de Freud
lui-même, ce qui permet à l’homme aux loups d’adresser à ce professeur toute l’agressivité
destinée à son premier analyste.
71. L’Homme aux loups par ses psychanalystes, op. cit., p. 290-291.
72. Ibid., p. 291.
73. Ibid., p. 293.
74. Ibid., p. 294.
75. Ibid., p. 294.
76. Ibid., p. 295.
77. Ibid., p. 296.
78. Ibid., p. 312.
79. Ibid., p. 297.
80. Ibid., p. 297.
81. Ibid., p. 311.
82. Ibid., p. 312.
83. Jacques Lacan, L’Homme aux loups, inédit, 1951-1952, consultable sur Internet : « Ruth
a su lui montrer qu’elle n’est pas adhérente à Freud, donc pas identifiée au père et “pas trop
forte”. »
84. Karin Obholzer, Entretiens avec l’homme aux loups, op. cit., p. 90-91.