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Annick Beaulieu
Prévenir l’autisme du bébé à risque
Une approche corporelle et relationnelle
André Meynard
Rencontre avec l’étrangeté du langage
Psychanalyse, enfance Sourde et création artistique
Françoise Bernard
Isabelle Debrus-Beaumont
Sophie Dencausse
Nathalie Enkelaar
Josiane Froissart
Hélène Genet
Joseph Giogà
Jean-Pierre Lebrun
Martine Lerude
Robert Lévy
Charles Melman
Martine Menès
Annick Petraud-Perin
Karine Poncet-Montange
Louis Sciara
Corinne Tyszler
Sous la direction de
Marika Bergès-Bounes
Jean Marie Forget
avec
Sandrine Calmettes,
Catherine Ferron et Christian Rey
La quête symbolique
chez l’enfant et l’adolescent
Psychanalyse et clinique
Conception de la couverture :
Anne Hébert
ISBN : 978-2-7492-7255-9
CF – 800
© Éditions érès 2022
33, avenue Marcel-Dassault, 31500 Toulouse
www.editions-eres.com
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La quête symbolique chez l’enfant et l’adolescent
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LES ENJEUX
DE LA TRANSMISSION
SYMBOLIQUE
Robert Lévy 1
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La quête symbolique chez l’enfant et l’adolescent
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Le symbolique est-il transmissible ?
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Le symbolique est-il transmissible ?
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que l’on peut diviser également entre ceux qui se jouent hors
ligne et les jeux en ligne ?
En fait, tout dépend s’il y a ou pas des partenaires avec
qui les enfants jouent ; et grosso modo, les jeux électroniques
n’éloignent pas plus de la réalité, pour autant qu’ils permettent
d’élaborer des relations avec quelques autres dans le jeu. Évidem-
ment, le risque principal de ces jeux est la « désocialisation »
qu’ils peuvent entraîner, et toute « désocialisation » suppose une
« désymbolisation » avec par conséquent des effets délétères sur
l’appréhension de ce qu’on appelle la réalité.
Donc qu’est-ce qui fait la différence entre les anciens jeux
dans lesquels on disait : « T’es mort » et on revenait à la réalité
des vivants, et ceux qui aujourd’hui, sur le Net, se pratiquent
également sur le mode quelque peu plus violent, qui pourtant
se présentent apparemment dans un « faire comme si » quand
t’es mort, t’es pas mort ?
Seraient-ce ceux-là qui auraient des conséquences sur la
propre sécurité ultérieure de l’enfant devenu grand, confronté
à la réalité des dangers ?
En résumé, d’un côté les jeux productifs de symbolisation,
de l’autre les jeux non productifs de symbolisation ou productifs
de désymbolisation…
Ajoutons sur cette question du jeu chez les enfants, que si
certains sont pour beaucoup dans la construction de la symbo-
lisation, d’autres sont également producteurs d’un certain type
de rapport au réel. Et c’est cela qui cloche dans l’expérience
américaine ; en effet, ces ados qui jouent aux jeux électroniques,
devenus soldats, pèchent non par manque de symbolisation
ou par désymbolisation, mais par un rapport au réel qu’ils ne
rencontrent pas dans les jeux, ou encore par un rapport au réel
qui s’est modifié, dans cette pratique. Le « je sais bien mais
quand même » s’est transformé ici en déni de la mort et pas
seulement de l’existence du Père Noël. C’est un fait que la place
du réel s’est modifiée, et la science la repousse chaque jour un
peu plus loin.
Depuis quelques années, on peut voir à l’intérieur des
corps, sans devoir les ouvrir, visualiser le cerveau et ses zones
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Le symbolique est-il transmissible ?
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Christian Rey
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La cause des bébés
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La cause des bébés
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Où est passé le symbolique ?
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Où est passé le symbolique ?
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Où est passé le symbolique ?
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CLINIQUE ACTUELLE
DES ENFANTS
ET DES ADOLESCENTS
À L’ÉCOLE
Sophie Dencausse
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Des conditions actuelles de la parole à l’école
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« Mais qu’est-ce qu’il a voulu dire ? »
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JIMMY
Nous sommes donc en classe de quatrième au collège, au
quatrième jour du séminaire Autographie-Projets de vie, celui
de l’ouverture aux enseignants, au Principal mais aussi aux
parents d’élèves et au personnel de la ville. Les élèves, par petits
groupes, présentent leur expérience du séminaire aux invités,
sous forme d’affiches collées sur les murs, de vidéos, d’une
chanson composée pour l’occasion.
Jimmy est arrivé en retard, il ne s’intègre dans aucun des
groupes qui sont dans l’effervescence de la création collec-
tive ; le brouhaha règne, joyeux. Il s’assied un peu à l’écart.
Son professeur vient le soutenir par sa présence et il commence
à dessiner un labyrinthe, y passe un temps certain : apparaît un
carré bien fermé sur ses quatre côtés ; il réfléchit au titre qu’il
pourrait donner à son labyrinthe et se hasarde à écrire : « Le
flou de mon avenir », interrogeant du regard son professeur
sur la pertinence de sa phrase ; dans cette adresse, il sait que sa
parole est accueillie.
Je me trouve à ce moment-là, debout, par hasard, derrière
Jimmy ; l’enseignant me regarde, je hoche la tête en signe d’as-
sentiment et Jimmy confirme son titre : « LE FLOU DE MON
AVENIR », en lettres capitales, en s’appliquant.
Et c’est seulement dans un second temps, après avoir
inscrit son titre, qu’il nomme son Minotaure qu’il appelle
« Orientation ».
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« Le flou de mon avenir »
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LE LABYRINTHE DE JIMMY
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ne peut stopper parce que tout le monde y est pris, dans une
boucle qui va crescendo : les parents, la plupart du temps, ne
peuvent se mettre d’accord sur un front d’autorité commun.
Discours d’un père : « Il nous tape, il nous insulte, il fait le
petit chef ! Il a un frère de 6 mois qu’il voulait “rendre” à sa nais-
sance et dont il reste très jaloux. Ma femme est plus exigeante
que moi, elle a eu une éducation très stricte qu’elle veut repro-
duire. Moi, je suis plutôt “open space”, tout est permis, je suis
un père-mère qui veut tout donner à son fils car mon père a
été très absent avec moi. Impossible de nous entendre tous les
deux sur une marche à suivre, elle ne veut rien lâcher, impossible
de se rapprocher et de renoncer, ça ne peut être que la mise à
mort » : discours étonnant, laissant entendre que les parents ne
peuvent que s’entretuer… et que leur position face à la crise,
renvoie, comme toujours, aux enjeux de leur propre enfance.
De la mort, des vœux de mort, il y en a entre ces trois prota-
gonistes ! Le petit Noa, 3 ans et demi, ne veut rien entendre
de la consultation, se met les mains sur les oreilles, se roule
par terre, empêche sa mère de parler en lui mettant la main
sur la bouche, refuse de parler, de répondre : spirale dans la
monstration hurlante, chez cet enfant qui, en fin de consulta-
tion – consultation à laquelle il n’a cessé de s’opposer – donne
des ordres à sa mère : « Donne-moi mes chaussures ! et tout
de suite ! sinon je te tape ! » « Quel modèle reprend-il ? », se
demande alors la mère, perplexe…
Je propose aux parents de les revoir, eux, tous les deux,
sans leur enfant, et plusieurs rencontres vont suivre, allégeant
les « caprices » de Noa et les conflits père-mère, initialement
au bord de la rupture… Une troisième grossesse est engagée.
Ce signifiant « crise » amène donc de plus en plus de
familles en consultation actuellement, avec la médication par
Ritaline en fond de tableau, « pour les calmer ». Reprend-il ceux
de « colères » ou de « caprices » que l’on pouvait rencontrer il
y a quelques années ? Recouvre-t-il en partie celui « d’hyper-
kinésie » (TDAH actuellement), où le profil du « petit chef »,
du «petit tyran», est fréquent, débordant la mère essentielle-
ment ? Est-ce le TOP du DSM 5, « trouble oppositionnel avec
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te brosser les dents » est, certes, un ordre, mais mettre cet ordre
au futur, au lieu d’un bombardement par l’impératif, laisse
une marge de manœuvre temporelle au « sujet-enfant » et ne
le réduit pas à un esclave qui n’a qu’à obéir « immédiatement
et sans délai ». (Cette immédiateté du désir est précisément
reprochée aux enfants « insoumis » et rebelles par leurs parents.)
Julien, enfant de 8 ans, pointe donc la question de l’autorité
et des places de la famille, une autorité reconnue, une parole qui
ferait autorité. Selon H. Arendt, « puisque l’autorité requiert
toujours l’obéissance, on la prend souvent pour une forme de
pouvoir ou de violence. Pourtant l’autorité exclut l’usage de
moyens extérieurs de cœrcition : là où la force est employée,
l’autorité proprement dite a échoué. L’autorité, d’autre part,
est incompatible avec la persuasion qui présuppose l’égalité et
opère par un processus d’argumentation. Là où on a recours
à des arguments, l’autorité est laissée de côté. Face à l’ordre
égalitaire de la persuasion, se tient l’ordre autoritaire qui est
toujours hiérarchique […] la relation autoritaire entre celui
qui commande et celui qui obéit ne repose ni sur une raison
commune, ni sur le pouvoir de celui qui commande ; ce qu’ils
ont en commun, c’est la hiérarchie elle-même dont chacun
connaît la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d’avance
leur place fixée 1 ». D’où, dans l’autorité, pas de contrainte,
pas de persuasion, mais une reconnaissance de la hiérarchie,
de la disparité des places, de l’altérité, et une garantie, de ce
fait. L’autorité est symbolique, elle introduit une dissymétrie
acceptée, une hiérarchie qui suppose une perte consentie : il y
a un impossible, un réel, dont on ne peut que tenir compte, et
c’est le réel qui ordonne. Le pouvoir, lui, est du côté de l’ima-
ginaire, synonyme de puissance sur l’autre, par n’importe quel
moyen, donc de rivalité, colère, violence, insoumission.
Dans notre société actuelle de consommation, où les solli-
citations sont multiples et multipliées pour les enfants, on
entend parler de « crise de l’autorité et de déclin du père », de
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« Cause toujours… »
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« Cause toujours… »
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L’ENFANT DÉCROCHEUR
LE SYMBOLIQUE MIS À MAL
Arthur est déscolarisé depuis que le professeur a donné une
punition collective. Il ne l’accepte pas, pense que c’est injuste
et qu’il ne mérite pas cette sanction. Il demande à sa mère de
faire une lettre pour le dispenser de la punition ; elle ira même
jusqu’à rencontrer le professeur pour justifier sa position, et
Arthur ne fera pas la punition.
Il est face à sa mère toute-puissante, qui peut tout et qui
légitime la toute-puissance de son fils. Arthur ne peut se consi-
dérer comme un être social assujetti à la loi du groupe.
Quand je fais part à la mère de mon étonnement, elle
répond : « Évidemment, je fais tout mal et c’est encore de
ma faute, si je n’avais pas fait cela, j’aurais eu l’impression
d’envoyer mon fils à l’échafaud » (cela la renvoie à sa propre
histoire, quand elle ne pouvait pas aller à l’école et que sa
mère la forçait). Elle dénigre et dévalorise l’école ; elle y fait
sa loi, ce qui n’est pas sans conséquence : Arthur ne pourra
plus y retourner.
D’ailleurs, il s’y sent mal, il se plaint que les autres élèves
se considèrent supérieurs à lui, le regardent de haut, qu’ils se
moquent de lui quand il fait un lapsus et appelle le professeur
« maman ». Sa petite taille et son obésité sont vécues par lui
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« Cause toujours… »
INDIFFÉRENCE SEXUELLE,
INDIFFÉRENCE DES GÉNÉRATIONS
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POUR CONCLURE
Quand le réel ne peut être imaginarisé, il fait intrusion dans
la réalité, il nous submerge d’angoisse et met en échec notre
capacité à penser. Le symbolique peut venir border le réel, tenter
de le traduire et limiter son intrusion dans la vie du sujet. C’est
ce qui se produit dans la thérapie d’Arthur : nous avons proposé
de refaire avec lui le chemin de la rencontre avec le réel.
L’imaginaire fait référence au corps et à l’image, il prend
son origine dans la reconnaissance de l’image du corps dans le
miroir. Chez Arthur, l’imaginaire et le symbolique sont défi-
cients. Quand il se met à dévorer les livres, à manger le livre, il
déclare : « J’aime lire parce que ça me fait rêver. » Il lui est alors
possible d’inventer, de créer.
Pouvoir inventer une histoire, la suite d’un récit, ou créer
un nouveau récit, cela suppose que le sujet puisse articuler le
fonctionnement symbolique et le fonctionnement imaginaire,
c’est-à-dire qu’il puisse interpréter de manière subjective le
monde dans lequel il vit, en construisant une représentation
de lui-même dans ce monde. Une inventivité qui ne se régle-
rait pas sur un champ symbolique est vouée aux impasses de
l’imaginaire et ne permet pas au fantasme d’être la fenêtre qui
cadre la réalité extérieure.
Pour Arthur, un ordre symbolique s’est mis en place, sans
être rattaché au Nom du Père. Sa thérapie lui a permis l’intro-
duction au registre symbolique tout en se dispensant de la réfé-
rence au Nom du Père, dans un travail commun, à partir d’un
matériel qu’il a apporté et sur lequel il a eu envie de travailler.
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Catherine Ferron
RADICALEMENT FÉMININ
À la lecture de nombreux textes abordant l’œdipe, la
question se pose : « Et les filles ? » Car ce qui se passe pour
le garçon n’a rien à voir avec ce qui se passe pour la fille ;
Freud lui-même le reconnaît 1 : « Tout ce que nous avons dit
du complexe d’Œdipe se rapporte strictement à l’enfant de
sexe masculin. » Commençons donc par prendre nos distances
avec ce complexe dit d’Œdipe : un garçon abandonné par ses
parents tue son père qui lui barrait la route et qu’il ne connaît
pas pour ensuite épouser sa mère (inconnue elle aussi) dont il
a trois enfants… Imaginons l’oracle inverse annonçant qu’une
femme qui va régner sur Thèbes tuerait accidentellement son
père pour épouser sa mère et lui faire des enfants ? Le réel nous
arrête : l’impossible est de taille… Alors, qui tuerait sa mère
pour épouser son père et porterait ses enfants ? C’est déjà plus
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LE CAS CLINIQUE
Lacan fait référence au cas d’Annelise Schnurmann (AS) qui
est une élève d’Anna Freud « dont la théorie est fausse », dit-il
(lui réglant ainsi son compte), « mais, poursuit-il, comme Anne-
lise Schnurmann est une bonne élève, elle sera une bonne obser-
vatrice, parce qu’elle ne comprend rien [elle ne comprend pas
comme lui] et son étonnement devant les faits fera la fécondité
de l’observation ». Annelise Schnurmann lira son article 8 au
séminaire d’Anna Freud destiné aux travailleurs de l’enfance
et de l’éducation, en décembre 1946 ; il est publié en 1949.
Elle est peut-être en analyse avec A. Freud mais en position
d’éducatrice auprès de cette petite fille de 2 ans que le langage
évidemment n’habite pas encore totalement, n’est pas encore
totalement intégré. Nous allons nous y intéresser. Précisons
que la traduction anglaise de l’article de Freud sur Hans date
de 1909, et il est donc probable que Annelise Schnurmann
en ait eu connaissance pour la rédaction de son propre article
qu’elle organise de la même manière, en relevant les paroles de
Sandy chaque jour.
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7 ans plus âgée que Sandy (qui mourra d’une méningite aux
environs des 2 ans de sa petite sœur) et un garçon de 2 ans plus
âgé que Sandy. Ils ont déjà été évacués à la campagne. D’entrée
de jeu, on a donc affaire à un climat où la mort tient une place
majeure (la guerre, le père, la sœur).
Sandy arrive à l’abri-nursery (créé par Anna Freud) à
7 semaines, déjà sevrée : quelques difficultés alimentaires ; elle
suce son poing à 2 mois et à partir de 3 mois ses couches, ses
habits, un coin du drap le soir ; propre à 2 ans 2 mois. Annelise
Schnurmann observe que depuis qu’elle n’a plus ses couches elle
se masturbe parfois. Très attachée à sa mère, elle n’a aucune diffi-
culté relationnelle avec les adultes, mais à la fin de la première
année, elle est la plus agressive du groupe d’enfants. La mère
travaille pour l’armée 9 : après avoir conduit une ambulance,
elle est estafette à moto, ce qui lui plaît beaucoup (elle est
donc en pantalons/trousers). Manifestement donc, elle désire
ailleurs mais vient voir sa fille tous les soirs, dans une alternance
régulière de présence/absence. Elle donne le bain parfois, met
sa fille au lit, apporte une friandise ; elle a mis en place un jeu
d’approche un peu particulier laissant Sandy dans le doute sur
son intention d’entrer vraiment dans la pièce ; de même avec
les friandises qu’elle tend, retient puis donne. Lacan dit : « Elle
distille son arrivée… on voit sa fonction de mère symbolique. »
Nous dirons que c’est une manière un peu particulière de faire
l’apprentissage du don de son amour. Sandy taquine les autres
enfants de la même façon, déprime quand elle est réprimandée
et retourne cette agressivité contre elle. Elle s’adapte bien au
jardin d’enfants, s’intéresse aux livres d’images et au matériel
Montessori.
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sexe que j’ai ? Pourquoi je n’ai pas cet instrument qui paraît si
enviable dans son fonctionnement même ?
Trois mois après sa découverte de la différence des sexes,
débute le temps pour comprendre : entre le mois de mars et
la mi-mai, sa mère est hospitalisée pour une opération ; elle
fait une visite intermédiaire de deux jours à sa fille et repart en
convalescence. C’est à la suite de ces deux jours où elle apparaît
affaiblie que se déclenche la phobie proprement dite, c’est-a-dire
le premier cauchemar à partir duquel Sandy va développer son
récit mythique sur environ trois semaines, jusqu’au retour de sa
mère, pour tenter de trouver une position subjective tenable qui
l’amènera à une sorte de résolution. Il serait bien entendu trop
long d’exposer tous les détails journaliers des temps d’engage-
ment de son parcours. Mais puisque nous tentons d’articuler du
langage à du corps et à une certaine réalité, nous pouvons penser
les trois brins d’une tresse qui, de croisement en croisement,
vont dévider ainsi bravement les moments de la construction du
mythe. Prenons pour guide les trois registres qui balisent notre
monde et posons le langage dans le registre du symbolique, le
corps dans celui de l’imaginaire et le réel comme réel du symbo-
lique, comme ce contre quoi elle se cogne, c’est-à-dire les fourches
caudines d’une langue en gestation associée à ses terreurs.
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LES SURPRISES
Elles sont en résonance : après la vision du petit garçon (au
petit doigt supplémentaire…) un espace inconnu de son corps
est révélé dans son bain par la disparition du morceau de savon ;
elle va tester – nous voyons venir le leurre – l’importance de
sa découverte le lendemain par une mise en scène adressée à
son environnement : si le vagin peut avaler du savon, que peut
faire la bouche, dans laquelle elle n’a rien mis mais qui se charge
de faire parler les bijoux indiscrets 19… À la double face de la
première surprise se greffe le vide intérieur imaginaire aussi
bien que réel. Ce qui n’existait pas encore devient un message
de vérité. Le moment de conclure est proche.
Car comment se fait un corps de fille : maladie ou opéra-
tion ? Greffe ou amputation ? Le corps « usine à fabriquer du
signifiant 20 » obéit au symbolique. Quel rôle jouent les vête-
ments ? Jusqu’à cette découverte visuelle, l’enfant ne manquait
de rien et le voilà tout à coup amputé, désirant. Comment
articuler ce que je n’ai pas et que je n’imaginais pas avoir puisque
jusque-là la question ne se posait pas : maman portait des panta-
lons et faisait de la moto pour son travail. Puisque Annelise
18. J. Lacan, « Le séminaire sur “La lettre volée” », dans Écrits, Paris,
Le Seuil, 1966, p. 46.
19. D. Diderot, Les bijoux indiscrets, Paris, Gallimard, 1982. Il peut
être intéressant de se rappeler que la musculature striée commune à
l’appareil uro-génital et au complexe buco-phonatoire apparaît au même
moment, à la sixième semaine de gestation.
20. J. Bergès, Le corps dans la neurologie et dans la psychanalyse, Toulouse,
érès, 2016.
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Schnurmann dit que les filles ont « les mêmes choses », cet état
de chose est-il défectueux ? Est-ce que les knickers (culotte) font
partie des choses ? « Nul élément signifiant (objet, relation, acte)
n’est univoque mais marqué de quelque chose de dialectique 21. »
Les (trousers) sont en filigrane.
Le mythe en construction est éprouvé corporellement dans
la joyeuse utilisation des outils : jouissance d’être prise dans ce
mouvement, et peut-être qu’en compagnie des garçons porteurs
de ce qu’elle n’a pas on peut fabriquer cette chose manquante
et tellement active.
Ce petit doigt qui résiste à tout est un leurre nécessaire :
fait-elle la naïve avec ses doigts ? Est-ce un mot d’esprit ? Feint-
elle de feindre ? Elle change sa prosodie dans les moments de
câlinerie (après ceux d’agressivité) avec son éducatrice, témoin
privilégié d’un leurre qui commence à se défaire. Avec le mouve-
ment s’amorce une possibilité de substitution, d’évolution : en
poursuivant le rapport avec le mythe, on entend ici le pouvoir
de l’homme de fabriquer des outils, la découverte de leur usage,
substitution des doigts, prolongement des outils.
Deux signifiants se superposent depuis le début, l’un dans
la langue, l’autre dans le corps :
– mordre : to bite /baït/ bit /i/ bitten : /i/
– battre/taper : to beat beat beaten /i/
Ils sont donc dans une grande proximité pas seulement
consonantique : elle bat (activité), elle peut être mordue (passi-
vité). On peut supposer que l’activité (la masturbation) entraîne
peut-être une remarque, une punition (la castration).
On pourrait penser ces deux verbes comme encore pris dans
sa lalangue, ambocepteurs d’un même signifiant appartenant
à deux systèmes différents : l’un est un fantasme appartenant à
l’imaginaire, mordre avec son corollaire de dévoration ; l’autre,
battre, appartenant à la réalité, au corps, avec l’intersection
sonore qui sonne et mesure un temps qui ne passe pas tant que
le mythe est incomplet, que la phobie est active.
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CONCLUSION
Celle qui portait la culotte (trousers) mais en même temps
en manquait (knickers) en quelque sorte, c’était la donneuse
d’amour, et peut-être d’un amour qui laissait à désirer dans sa
manière de jouer avec la présence/absence, trousers/knickers.
Cette petite fille a forgé de toutes pièces son entrée dans
le sexe qu’elle ne savait pas qu’elle avait, en construisant/
créant une/son histoire avec les moyens du bord. En effet,
pour une fille, qu’y aurait-il à montrer qui donnerait un air
de puissance ? Et ce qu’elle montre, c’est sa puissante intel-
ligence qu’elle interroge à partir d’une mère habillée comme
un homme et qui réapparaît blessée. Au fait de sa propre
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25. M.-C. Hamon, Pourquoi les femmes aiment-elles les hommes ? Et non
pas plutôt leur mère ?, Paris, Le Seuil, 2007, p. 347 ; et Féminité masca-
rade, Paris, Le Seuil, 1989.
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Quand les adolescents inventent des appuis symboligènes
QU’APPELONS-NOUS SYMBOLIGÈNE ?
ET COMMENT CELA SE TRADUIT-IL AUJOURD’HUI ?
Est symboligène ce qui amène l’enfant sur la voie de l’huma-
nisation, disait Dolto, et elle mettait la castration symbolique
comme opérateur au premier plan. Avec Lacan, nous le savons,
c’est ce qu’il a déplié du côté de la fonction paternelle en même
temps que l’introduction au langage, le don du nom, le nouage
de la jouissance archaïque et de la Loi. Attardons-nous à ce qui
apparaît aujourd’hui non pas tant du côté du déclin du Nom
du Père, que du côté d’une mutation de la fonction associée à
ce que Lacan avait appelé lui-même, dans les complexes fami-
liaux, le déclin de l’imago paternelle. Comme toute mutation,
elle charrie avec elle de nouvelles modalités symboligènes, que
nous peinons peut-être à reconnaître et dont on ne connaît pas
toujours, pas encore l’aboutissement.
Il est vrai qu’aujourd’hui se sont multipliés les agents de la
fonction dite paternelle, qui participent à leur manière à mener
un enfant sur la voie de cette humanisation, à faire advenir le
symbolique. Évoquons par exemple les familles recomposées ;
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La quête symbolique chez l’enfant et l’adolescent
Les récits
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Quand les adolescents inventent des appuis symboligènes
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EN CONCLUSION
On entend souvent çà et là que les adolescentes et les adoles-
cents sont alarmants. C’est vrai, mais cela ne doit nous faire
oublier qu’ils ont aussi la fonction de nous alarmer au sens de
nous alerter. Olivier Douville écrivait que les jeunes « donnent
un tremblement plastique à la culture 8 », jolie formule pour
indiquer que l’adolescence est aussi ce moment de résistance aux
contraintes d’un monde où règnent les impératifs de jouissance
et d’économie marchande.
L’adolescence est un temps de relance subjective qui pousse
les jeunes à renouveler les rapports au discours social comme
au semblant. Nous proposons alors de dire que cela fait égale-
ment « adolescence » pour nous, analystes, ou pour les adultes,
quel que soit le champ auquel ils appartiennent. Adolescence
au sens de relancer la métaphore paternelle, de renouer Réel,
Symbolique et Imaginaire, à condition d’en déterminer, d’en
repérer les nouvelles modalités.
Le travail psychanalytique sera lui-même nouage des deux
logiques sociales et individuelles, dans le même temps que la
distinction de la première et du rapport inconscient de chaque
sujet à l’Autre sera mise en tension.
C’est peut-être à ce prix que le pacte de parole sera lui
aussi renouvelé, et les appuis inventés par les adolescents feront
tenant-lieu de Nom du Père.
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Joseph Giogà
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D’un régime absolu
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Colère homérique
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Colère homérique
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Colère homérique
6. Ibid., p. 48.
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Colère homérique
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QU’EST-CE QU’UN ENFANT
AUJOURD’HUI ?
Jean-Pierre Lebrun
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3. O. Rey, Quand le monde s’est fait nombre, Paris, Stock, 2016, p. 62.
4. J.-P. Lebrun, « L’identité n’est plus ce qu’elle était », La revue laca-
nienne, n° 21, 2020.
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Organiser la bouillie originaire
pour les besoins physiques […] Cette loi de justice 5 ils [les indi-
vidus] doivent donc la recevoir d’une autorité qu’ils respectent
et devant laquelle ils s’inclinent spontanément. Seule la société,
soit directement et dans son ensemble, soit par l’intermédiaire
d’un de ses organes, est en état de jouer ce rôle modérateur ;
car elle est le seul pouvoir moral supérieur à l’individu, et dont
celui-ci accepte la supériorité 6. »
« Seulement, quand la société est troublée, que ce soit par
une crise douloureuse ou par d’heureuses mais trop soudaines
transformations, elle est provisoirement incapable d’exercer
cette action ; et voilà d’où viennent ces brusques ascensions
de la courbe des suicides dont nous avons, plus haut, établi
l’existence. L’état de dérèglement ou d’anomie est donc encore
renforcé par ce fait que les passions sont moins disciplinées
au moment même où elles auraient besoin d’une plus forte
discipline 7. »
Relevant du monde d’hier, ce texte ancien n’a pas pris une
ride.
Quelle est la question de l’enfant ? Hegel dans ses Principes
de la philosophie du droit en propose une réponse : « La nécessité
d’être élevé existe chez les enfants comme le sentiment qui leur
est propre de ne pas être satisfaits d’être ce qu’ils sont. C’est la
tendance à appartenir au monde des grandes personnes qu’ils
devinent supérieur, le désir de devenir grands 8. »
Freud, lui, pour que l’enfant grandisse, propose d’édifier
des digues permettant une certaine contention de l’exigence
pulsionnelle : « Devant l’enfant de la civilisation, on éprouve le
sentiment que l’édification de ces digues est l’œuvre de l’éduca-
tion et il est certain que l’éducation y contribue largement. En
réalité, cette évolution est organiquement déterminée, hérédi-
tairement fixée et peut à l’occasion s’effectuer sans le moindre
concours de l’éducation. L’éducation reste entièrement dans le
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Organiser la bouillie originaire
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Martine Menès
L’IMPLOSION
L’implosion, c’est un terme de physique qui, dans son sens
d’origine, signifie un éclatement dû à un déséquilibre brutal
entre une pression externe et une pression interne. Au sens
figuré, où je l’emploie ici, c’est l’effondrement d’une organisa-
tion, attribué à des problèmes internes.
Nous sommes, semble-t-il, dans une généralisation contem-
poraine de l’implosion : le couple hétérosexuel, les positions
parentales traditionnelles, la différence des sexes, la fonction
programmatrice du discours du maître, les liens sociaux établis
par les catégories de classe, de tâches, etc.
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Malaise dans la civilisation
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Malaise dans la civilisation
CE QUI RESTE
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Malaise dans la civilisation
CE QUI CHANGE
Lacan a très tôt remis en cause l’œdipe freudien qui « ne
saurait tenir indéfiniment l’affiche 6 », et il l’a désigné comme
étant un « rêve de Freud ». Dans son Séminaire sur L’envers de
la psychanalyse (1969), il l’interprète comme le désir de Freud
de « sauver le père 7 », c’est-à-dire comme un fantasme hysté-
rique. Dans ce Séminaire, où Lacan met en place le champ de la
jouissance qui orientera tout son dernier enseignement jusqu’à
sa mort en 1981, il propose le terme de « champ lacanien » pour
nommer justement ce qui échappe à la perspective œdipienne
et au domaine du Nom-du-Père, mais qui est de l’ordre du réel
et de la jouissance.
Puis, dès 1975, il réduit la fonction paternelle à une fonc-
tion de nomination, un dire qui nomme 8. Le langage, respon-
sabilité de tous, y est père de chacun et engendre le sujet, fils
et fille du discours.
Un pas de plus à partir du Séminaire XX, Encore, où Lacan
introduit une perspective tout autre pour aborder l’être sexué
du sujet en s’appuyant sur des quantificateurs logiques qui
permettent de formaliser les modalités aristotéliciennes de l’uni-
versel et du particulier. Il fait correspondre la position phallique
à un universel ayant cours pour tous les membres d’une classe,
et la position féminine à une modalité du particulier qui fait
exception à cet universel. Lacan l’appelle le « pas-Tout ». Cela
lui permet d’articuler une position spécifiquement féminine,
à côté de la position phallique, qui laisse place à une posi-
tion maternelle pas-toute phallique. Cette reconnaissance du
pas-tout phallique a des conséquences dans le lien à l’enfant,
libéré d’être en place de phallus plus ou moins suffisant.
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Annick Petraud-Perin
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Père certain, mère incertaine
par le père qui tenait à cet enfant. Elle a toujours essayé d’aider
sa sœur ; celle-ci est partie à 15 ans de chez ses parents, s’est
mariée, a eu un enfant qu’elle a abandonné à 1 an. Elle a
travaillé comme aide-soignante dans un hôpital, mais à présent
elle boit, erre, fréquente des boîtes de nuit, a des aventures,
des enfants. Une des filles a été adoptée et connaît sa famille
maternelle dans laquelle elle est reçue.
Cette femme s’est donc occupée du garçon, a rencontré
le père venu à la naissance. Ils ne se sont pas mariés tout de
suite. Elle a fait « un essai », selon sa propre expression, lors
des premières années de l’enfant. Et c’est comme si la période
d’incertitude précédant la conception, qui tient certaines
femmes jusqu’à ce qu’un « caprice de l’Autre » se manifeste et
les fasse concevoir, s’était retrouvée pour elle après la naissance.
Cette femme et le père de l’enfant ont caché l’identité à la fois
de la mère et de la femme du père. C’est ainsi qu’ils se sont
présentés au centre de consultation précédent qui fait état de
son embarras.
« Cet enfant, né en 1973, a été vu pour la première fois au
centre à 7 ans, en 1980, et a été suivi jusqu’en 1982. Pendant
ces deux ans, notre action n’a pu être que limitée étant donné la
structure particulière de la famille : en effet, celle-ci a tout fait
pour préserver un secret situé autour de l’identité de la mère
de l’enfant. Elle était cependant le nœud d’un conflit entre le
père et une femme vivant au foyer qui passait pour la tante
du garçon. Pris dans ce conflit familial, le garçon n’avait pu
établir qu’un faible aménagement défensif devant ses pulsions
agressives très violentes qui faisaient irruption à tout moment,
car il considérait toute personne étrangère comme un ennemi.
« Les mécanismes projectifs étaient présents dans cette
famille, le père méconnaissait les difficultés de son fils et
rendait responsables les enseignants de la situation scolaire
dans laquelle il se trouvait. Il nous avait semblé que le garçon
présentait en fait une structure psychotique et qu’il aurait pu
bénéficier d’un séjour à l’hôpital de jour, ce que le père a refusé
catégoriquement.
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Père certain, mère incertaine
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Martine Lerude 1
« La légalité œdipienne » :
un second tour du symbolique ?
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« La légalité œdipienne » : un second tour du symbolique ?
PAUL, 6 ANS
À partir de quelques fragments de la cure d’un enfant, je
vais essayer de développer cette hypothèse d’un deuxième tour
du symbolique.
Paul a 6 ans lorsqu’il vient consulter ; il est l’aîné d’une
fratrie de deux. Inventif, créatif, il dessine remarquablement
et raconte des histoires extraordinaires, mais il n’apprend pas à
lire (il est en cours préparatoire) et se tient à l’écart des autres
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« La légalité œdipienne » : un second tour du symbolique ?
6. J’ai été surprise par la manière dont les enfants s’emparent réguliè-
rement de ce jeu. Le signifiant « solitaire » est important car l’enfant y
joue seul en présence de l’Autre qui ne sait rien des déplacements qu’il
va choisir.
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La quête symbolique chez l’enfant et l’adolescent
HYPOTHÈSES
Quel est le rôle de ces deux événements contingents, la
naissance de la petite sœur lorsqu’il avait 3 ans puis la mort de
la voisine avec son fils ?
Leur enchaînement temporel aurait-il renvoyé Paul à ce
point de commencement, de détresse originaire (Die Hilflosig-
keit de Freud) ? La fixation à l’oralité dévorante devenant alors
son seul recours ? Car non seulement il n’était plus le beau
phallus maternel (il avait été remplacé par la petite sœur) mais
les enfants aussi pouvaient mourir. L’imaginaire encouragé par
les parents admiratifs de ses productions fut-il son recours ?
Cet imaginaire envahissant, proliférant, faisait de lui un enfant
« extraordinaire » qui restait enclavé dans la dialectique mère/
enfant/phallus : d’abord identifié au phallus imaginaire, il ne
cessait de choir avec douleur de cette place qu’il essayait de
reconquérir par ses productions magnifiques, comme si l’in-
vestissement du dessin lui permettait de maintenir son premier
fantasme de non-séparation (c’est une hypothèse). Le dessin
est-il une formation réactionnelle qui répond à la demande de
l’Autre ? Ou une sublimation, un détournement de la pulsion ?
Ou encore une manière d’être ailleurs ?
Comme le remarquait F. Dolto, la névrose infantile
peut donner des symptômes graves inquiétants qui peuvent
évoquer la psychose. Symptômes qui peuvent aussi disparaître
comme par enchantement avec la mise en place « de la léga-
lité œdipienne », autrement dit de la castration, autrement dit
encore de la restriction de jouissance.
Ce qui me frappe, que ce soit à propos de ce cas ou d’autres,
c’est qu’il semble qu’il faille plus de temps aujourd’hui pour
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Nathalie Enkelaar
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Des constructions mythiques chez l’enfant à l’heure des Pokémon
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Des constructions mythiques chez l’enfant à l’heure des Pokémon
qui vont lancer des attaques avec leur pique (sortes de dard),
ou le perdre ; il y a des queues qui font de l’électricité (en parti-
culier celle de Pikachu, la mascotte des Pokémon). Certaines
homophonies, jeux de lettres avec ses propres nom et prénom
font irruption.
Comment s’articulent le caractère inouï des thèmes, leur
prolifération, le jeu et l’invention ? Il est difficile de le démêler.
Cet immense réservoir de phénomènes va renvoyer aux diffé-
rents champs pulsionnels, et à des phénomènes qui évoquent la
sphère génitale 5, notamment l’électrisation au niveau de la queue
de certains Pokémon, traduisant l’inquiétude de ce petit garçon
pour son sexe et dont il m’avait parlé dès la première séance.
DE L’INTRODUCTION DU SIGNIFIANT
DANS L’ORDRE NATUREL
5. Notons que Lacan a des passages tout à fait essentiels sur les premières
sensations liées au phénomène de turgescence chez le petit garçon,
notamment à la fin de la leçon 17.
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Isabelle Debrus-Beaumont
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Les théories sexuelles infantiles sont-elles encore des repères symboliques…
contenu de cet état qu’on appelle être marié ? » Pour Freud, l’en-
fant se promet, de l’état d’être marié, une satisfaction de plaisir
et suppose qu’il n’y est plus question d’avoir honte. « Ce serait
là le plus important des théories sexuelles de l’enfant typique,
produites spontanément dans les toutes premières années, sous
la seule influence des composantes pulsionnelles sexuelles. »
Il s’agit donc bien d’une TSI chez ce jeune garçon, et il va
fonder sa théorie à lui sur ses pulsions : « Mon père va se marier
et ils auront beaucoup d’enfants. »
En 1923, dans « L’organisation génitale infantile 2 », Freud
revient sur les TSI : la sexualité infantile se rapproche de la
sexualité chez l’adulte, mais dans l’enfance, même si l’intérêt
pour les organes génitaux est grand, la différence réside dans
le fait que, pour les enfants des deux sexes, « il n’y a qu’un
seul organe génital, l’organe mâle. Il n’y a donc pas un primat
génital, mais un primat du phallus ».
La théorisation va donc s’appuyer sur le corps érotisé ;
elle se situe du côté de l’imaginaire ; elle est tentative de l’en-
fant de mettre en place un savoir à partir de ses pulsions, avec
les réponses reçues aux questions qui accompagnent cette
érotisation.
Lacan écrit : « Le savoir comme tel affecte, mais quoi ? c’est
la question ou l’on se trompe : il n’affecte pas le sujet… pas
l’âme non plus. Le savoir affecte le corps. Le corps de l’être
qui ne se fait être que de paroles… du fait de morceler sa
jouissance, de le découper pour en produire des chutes dont
je fais objet a 3. »
J. Bergès parle de l’imaginaire du corps dans la TSI : « Ce
qui est important, c’est la théorie, ce qui est problématique,
c’est le sexuel 4. »
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TRANSFERT
ET RESPONSABILITÉ
DES CLINICIENS
Jean Marie Forget 1
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Les jeunes en quête de répondant
eux des fâcheries ou des colères qui ne dissuadent pas leur fille,
qui répète les mêmes agirs.
Elle a parfois une initiative démonstrative de l’absence de
la prise en compte d’une perte dans le champ langagier de ses
proches : elle vient lécher l’oreille de son père. Parmi ses diffé-
rents comportements impulsifs, celui-ci illustre l’initiative de
la pulsion d’invocation, l’avidité orale de cette petite fille d’ob-
tenir de la part des adultes une parole rigoureuse, qui puisse lui
servir d’intermédiaire et de filtre dans le rapport à son père et à
l’objet. Par sa bouche, elle vient provoquer l’oreille, l’organe de
l’audition du père, alors que c’est par son oreille, par son ouïe
à elle qu’elle voudrait entendre, de sa bouche à lui, un interdit.
Elle cherche à susciter, par sa bouche léchant l’oreille de son
père, un « je » d’autorité qui témoignerait d’une restriction de
jouissance consentie par le père et qui puisse servir de répondant
et d’adresse à sa pulsion d’invocation.
Si on rapporte cette initiative au mouvement de la pulsion
d’invocation, on constate qu’elle est une quête du bouclage du
circuit pulsionnel autour de ce qui serait un vide, un inter-dit,
et une restriction de jouissance dans le discours du père. Cette
petite fille cherche un tel interdit par une provocation, dans
un toucher du corps du père, plus précisément de l’organe de
l’audition, de son ouïe, par l’organe de sa parole de sa bouche
à elle.
Comme il n’y a pas de restriction de jouissance dans le
discours de l’adulte, cette petite fille n’est pas amenée à s’ap-
proprier la marque d’une perte dans la structure langagière de
l’Adulte dont elle dépend. Or, c’est dans les ébauches de ses
pulsions et de sa parole que l’enfant fait l’expérience de l’évi-
dement de la structure langagière. Il tiendra compte de celle-ci
dans l’inscription grammaticale de son fantasme.
Dans les symptomatologies que nous constatons, comme
chez cette petite fille, l’enfant, l’adolescent est en quête de la
rigueur langagière dans son rapport à l’autre. Il n’en est pas au
temps logique du maniement du fantasme.
Dans cette quête, l’enfant cherche son style d’expression,
son style de parole, pour se faire entendre ; il ébauche aussi une
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Quand une parole émerge…
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2. Lacan a défini le père symbolique (le père mort chez Freud noué à
la traduction lacanienne de l’Au-moins-Un des formules de la sexua-
tion), le père imaginaire (celui des fantasmagories de l’enfant au gré des
processus d’identification, figure à la fois d’opérateur de la castration et
de privation du phallus symbolique pour la mère) et le père réel. Celui-ci
n’a pas de définition arrêtée, son grand intérêt étant de continuer à
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Table des matières
Les enjeux
de la transmission symbolique
Clinique actuelle
des enfants et des adolescents
À l’école
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Chez le psychanalyste
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Table des matières
Transfert et responsabilité
des cliniciens
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Collection « Psychanalyse et clinique »
fondée par Jean Bergès (†),
dirigée par Marika Bergès-Bounes et Jean Marie Forget