Vous êtes sur la page 1sur 243

© ODILE JACOB, OCTOBRE 2009

15, rue Soufflot, 75005 Paris


www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9740-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une
part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à
une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but
d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette
représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants
du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
« Il croyait que c’était à la solitude qu’il tentait d’échapper, et non pas à lui-même. »
William FAULKNER.
« Deux biens sont pour nous aussi précieux que l’eau ou la lumière pour les arbres : la solitude et
les échanges. »
Christian BOBIN.
Introduction
Être isolé, se sentir abandonné, ne pas supporter sa propre compagnie,
souffrir d’être seul, est-ce cela la solitude ? S’agit-il d’un mal de vivre ? La
solitude ne témoigne pas réellement d’une dépression, on ne peut la réduire
à un problème de caractère, ni au simple reflet d’un manque affectif ou
relationnel… Et pourtant elle participe un peu de tout cela à la fois. C’est en
tout cas cette solitude qui se dessine et apparaît clairement au fil des
confidences des patients, tous différents, que je rencontre dans mon cabinet
de psychothérapeute. Comme si les difficultés diverses qui les avaient
décidés à consulter incarnaient une même impossibilité à supporter leur
solitude. Comme si tous nos problèmes d’êtres humains, nos peurs face à la
vie, notre souffrance psychique finalement en revenaient là, à la souffrance
d’être seuls, de nous sentir seuls. Mes patients en parlent comme d’une
blessure intérieure, une plaie profonde et douloureuse, un sentiment de vide
et d’abandon, une angoisse déstructurante qui envahit toute leur vie
psychique. Ce mal-être les ronge sans qu’ils puissent agir dessus.
Néanmoins, la solitude reste une expérience naturelle incontournable
dont personne ne peut faire l’économie. Il nous est impossible de ne pas y
être confrontés. La plupart du temps, pour beaucoup d’entre nous, il s’agit
d’une sensation désagréable dont nous souhaiterions pouvoir nous
affranchir. Amère, acide, elle réveille parfois des angoisses que nous
pensions oubliées, effacées de notre histoire, et nous laisse meurtris,
affaiblis.
Certains organisent alors leur existence pour éviter cette expérience
pénible qui assombrit leur quotidien. Ils ont, pour tenter d’y échapper, des
comportements inadaptés, voire destructeurs. Se jeter sur la nourriture pour
se remplir, être hyperactif pour lutter contre l’ennui, fuir sur Internet pour
exciter les sens et l’imagination, absorber des stupéfiants pour trouver
l’apaisement et le bien-être tant attendus, chercher en vain une compagnie
pour se libérer de pensées morbides récurrentes dont certaines suggèrent
que la mort pourrait être une alternative, une solution pour ne plus
souffrir… La solitude est donc une réelle source de souffrance quand elle
est vécue comme un échec, un abandon, un ennui, et qu’elle n’est porteuse
d’aucun sens.
Mais cette souffrance liée à l’expérience de solitude peut évoluer. Rien
n’est irrémédiable, ni écrit d’avance. Savoir être seul, cela s’apprend. En
prenant conscience du problème, on peut agir différemment, s’adapter pour,
par exemple, commencer par gérer autrement ses émotions et construire des
relations plus sereines.
La solitude est une véritable rencontre avec soi-même. Par cette
expérience, l’homme est confronté aux questions fondamentales de la vie :
quel est le sens de son existence, qui est-il, que veut-il faire de sa vie, que
pense-t-il de lui, quelle place occupe-t-il dans le monde, quelle relation
entretient-il avec les autres ? Autant de questions qui mènent à
l’introspection et à une meilleure connaissance de soi et des rapports
humains.
L’expérience de la solitude traduit la distance qui sépare notre monde
intérieur et la réalité. En ce sens la solitude, quoique souvent vécue
douloureusement, est structurante. Elle favorise non seulement la
découverte de soi, mais aussi l’acceptation de ses limites et conduit à agir
en êtres responsables et matures. Pouvoir vivre pleinement les moments de
solitude : c’est à cela qu’il faut parvenir pour être libre d’être soi.
Je souhaiterais à travers ce livre vous aider à saisir cette merveilleuse
invitation à partir à la rencontre de soi-même.
Dans une première partie nous tâcherons de rendre compte du
phénomène solitude, qui ne doit pas se limiter à la seule solitude-
souffrance. Trop souvent nous avons ainsi des préjugés négatifs sur la
solitude qui nous conduisent à la craindre et à l’éviter avant même de
prendre le temps de la découvrir, de l’apprécier. Nous verrons en quoi
savoir être seul est une expérience enrichissante, constructive et
indispensable à notre épanouissement psychique.
Quelle est la place justement de la solitude dans notre psychisme ?
Pourquoi et comment en vient-on à souffrir de solitude chronique ? Fausses
croyances ? Vulnérabilité individuelle ? Mauvaises relations affectives
précoces ? Quels sont les mécanismes psychiques inconscients mis en
place ? Quelles sont aussi les stratégies inadaptées adoptées pour y faire
face ? Nous analyserons toutes ces questions dans une seconde partie.
Enfin, dans une troisième partie, nous expliquerons concrètement
comment organiser son temps, améliorer ses relations sociales, gérer ses
émotions, développer son estime de soi. Nous verrons qu’il est possible
d’apprivoiser la solitude, d’adoucir ce qu’elle a de douloureux, de tirer
pleinement parti de tout ce qu’elle a à nous apporter, de sorte qu’elle
devienne une expérience humaine comme une autre, mais particulièrement
vraie et essentielle, sur le parcours de la vie.
Première partie
Un passage obligé
vers la connaissance
de soi
Chapitre premier
Une expérience intérieure
partagée par tous
Les reflets de la solitude
Le sentiment de solitude nous étreint tous un jour ou l’autre. Il
n’épargne personne. Phénomène psychologique naturel, il peut survenir à
différents âges, en fonction des étapes que l’on traverse. L’enfance solitaire,
angoissante d’enfants livrés à eux-mêmes, dont les parents démissionnaires
ou absents, souvent dépassés par leurs propres problèmes quotidiens,
négligent les besoins les plus élémentaires. Ou celle, douloureuse et triste,
d’enfants maltraités, abusés, auxquels la violence familiale impose le
silence et la honte. L’école où il est parfois difficile de s’intégrer, parce que
les moqueries isolent et les échecs stigmatisent. L’adolescence, avec ses
modifications corporelles, et la perte progressive de la quiétude sécurisante
de l’enfance. L’angoisse d’un avenir incertain alors que l’on commence à
pressentir qu’il dépend essentiellement de nous-même. La découverte de la
sexualité et ce besoin d’une intimité nouvelle que l’on ne sait trop comment
aborder. Les premières amours suivies des premiers inconsolables chagrins.
Le sentiment d’abandon, de trahison ou d’échec qui nous envahit quand
l’être cher s’éloigne, nous quitte, et que l’on se croit perdu. Les rapports
aux autres qui se modifient sans que l’on comprenne toujours ces nouvelles
règles sociales. Puis, alors que l’on évolue, la désillusion du monde adulte
et l’incompréhension de nos proches. Choisir sa voie, faire ses choix,
craindre de perdre l’amour de ses parents, de les décevoir, culpabiliser à
l’idée de ne penser qu’à son avenir. La séparation d’avec la famille,
l’éloignement de ses amis, la perte des repères au moment des études
supérieures ou de l’entrée dans la vie active. L’ambivalence liée à nos désirs
pas toujours réalisables, notre besoin d’indépendance, de nous démarquer
pour exister et celui encore présent d’être soutenu par nos proches qui
demeurent une référence incontournable. La première confrontation aux
responsabilités d’adulte. Devoir prendre seul des décisions et réaliser que
notre parole, nos actes impliquent des conséquences. Les tourments de
l’amour toujours et encore. Les ruptures affectives, parfois successives, et la
solitude qui s’ensuit. Les fêtes alcoolisées et leurs lendemains difficiles. Les
week-ends pluvieux où l’on s’ennuie chez soi en subissant le temps qui
passe trop lentement. Le célibat et personne à qui raconter sa journée le soir.
Un lit froid et le silence pour seule compagnie. L’engagement dans une vie
affective stable, le choix de vie qui en découle, les responsabilités à
affronter et la prise de conscience que notre vie dépend étroitement de nous.
La volonté de construire une famille, le désir d’une grossesse et les craintes
qui surgissent ou la dure réalité qui s’oppose à nos projets de vie les plus
chers, comme la souffrance de ne pouvoir avoir d’enfant. Les aléas de la vie
adulte et ses moments d’incompréhension mutuelle où chacun se renferme.
Les injustices et le sentiment d’impuissance, les contraintes qui déboutent
nos projets les plus chers, la déception d’un ami qui trahit. Les difficultés de
la mère de famille divorcée qui doit s’occuper seule la plupart du temps de
ses enfants, tout en répondant aux exigences professionnelles. Le chômage
et l’exclusion progressive de la vie sociale, la honte de ne plus pouvoir
subvenir aux besoins de sa famille. Inversement, une promotion
professionnelle tant attendue et les responsabilités nouvelles à assumer seul.
Le départ des enfants et le vide qui s’ensuit. Le deuil consécutif à la perte
d’un proche quand brutalement le monde paraît insignifiant, vidé de sa
substance. Le départ à la retraite et le trop-plein de temps libre, la nécessité
de réorganiser une vie affective et sociale. L’isolement dans une chambre
d’hôpital, affaibli par la maladie, la douleur de se voir dépérir ou vieillir. La
prise de conscience de notre vulnérabilité, et des limites de la médecine. La
maison de retraite et le sentiment d’abandon qui l’accompagne dans
l’attente angoissante du grand départ pour ce voyage en solitaire dont
personne ne revient. L’éloignement de ceux que l’on aime et leur manque
de disponibilité.
Tous, nous sommes tous concernés : les causes diffèrent, le vécu aussi,
mais la solitude est là, tapie au fond de notre être, enfouie dans les mailles
de notre histoire, parfois cachée sous une parure d’activité, ou au contraire
visible d’emblée, exposée aux yeux de tous provoquant alors gêne ou
compassion.
Contrairement à une idée reçue, le sentiment de solitude ne
concerne pas uniquement les personnes isolées : beaucoup d’autres,
pourtant bien entourées, en font l’expérience quotidienne. Ainsi, dans
certains couples, les conjoints vivent l’un à côté de l’autre, sans complicité,
insatisfaits de leur vie affective, s’entourant de quelques amis qui viennent
combler par touches le vide qui s’est glissé dans leur vie.
« Marié, père de deux enfants magnifiques, un travail que j’ai choisi et pourtant à 32 ans, quand
je fais le point sur ma vie, je ne suis pas satisfait. Je me sens seul, vide au fond de moi. Quelque
chose me manque pour être épanoui. J’ai l’impression d’être acteur de ma vie mais de ne pas y
participer pleinement. Comme si je me voyais en train de vivre, d’agir mais sans jamais être moi-
même. Je m’ennuie, je fais les choses parce qu’il faut les faire, mais j’ai peu de plaisir à vivre. La
compagnie des autres me fatigue rapidement. J’ai l’impression de perdre mon temps, les
conversations futiles et superficielles du quotidien m’agacent. Je ne peux pas dire que je suis
déprimé, c’est plus profond, cela vient du fond de mon être. Quand j’en parle à ma femme, elle ne me
comprend pas et pense que je veux la quitter. Cela m’attriste de voir que, là aussi, je suis incompris et
seul. »

« La solitude… ça évoque quoi pour vous ? »


Faites une expérience : demandez, lors d’une soirée entre amis, qui a
déjà ressenti un sentiment de solitude et quels mots chacun associe
spontanément à cette expérience. Chacun trouvera un souvenir et, la plupart
du temps, les mots proposés seront : ennui, inutilité, manque, vide,
abandon, incompréhension, isolement, souffrance, errance, enfermement,
mort… Le plus souvent la solitude sera représentée, appréhendée de
manière négative. Comme un véritable fléau.
Et vous, à quels moments pensez-vous ? Concentrez-vous. Prenez votre
temps. Fermez les yeux. Quels souvenirs émergent à votre conscience ?
Laissez-vous aller à ressentir cette solitude, laissez-la pénétrer votre corps,
prendre forme en vous. Quelles images vous reviennent ? Que ressentez-
vous physiquement ? Quelles sont vos pensées ? Notez tout, images,
émotions, pensées. Prenez soin de relever aussi vos éventuels jugements de
valeur, cela vous servira, nous y reviendrons.
Maintenant, renouvelez l’expérience en vous efforçant de vous
remémorer des moments de solitude associés à des souvenirs agréables.
Procédez comme précédemment.
Nous avons tous aussi en mémoire un week-end où, n’ayant rien à faire,
on apprécie d’être seul, le souvenir agréable d’une épreuve accomplie par
soi-même avec fierté, l’image de vacances au calme où, enfin seul, nous
laissons flotter nos pensées sans contraintes. L’activité créatrice, la prière,
l’introspection, la quiétude intérieure, toutes ces choses agréables et
enrichissantes auxquelles nous aspirons ne se développent-elles pas dans les
moments de solitude ?
La solitude a différents visages. Elle accompagne certains tout au long
de leur existence, se manifeste chez d’autres uniquement à quelques
moments de leur vie. Elle fait souffrir la plupart d’entre nous, mais des
hommes et des femmes s’en accommodent, D’autres même la recherchent
activement : elle seule leur procure l’énergie vitale dont ils ont besoin pour
s’épanouir.
À quoi correspond-elle finalement ? À quoi la relier ?
Être seul ou se sentir seul ?
Malédiction à l’origine d’une profonde souffrance ou moment de grâce,
cadeau de la vie ? Sous le terme flou de solitude se cachent des réalités bien
différentes, selon que la solitude est subie ou bien choisie. Les expériences
les plus courantes nous conduisent plutôt à nous représenter la solitude
comme un isolement social, un manque d’échange avec les autres.
Intuitivement, on pense à un lien logique de cause à effet entre isolement et
solitude. On s’imagine que les solitaires souffrent tous du manque de
contacts sociaux. Dans les faits, le sentiment de solitude obéit à d’autres
ressorts et les termes isolement, sentiment de solitude, vivre seul recouvrent
des situations différentes et sans lien direct. Ces trois états sont distincts.
Ces termes ne sont pas superposables. On peut vivre seul et avoir de
nombreux amis, ne pas souffrir de solitude. Inversement, on peut éprouver
un sentiment de solitude alors même qu’on est entouré socialement, se
sentir seul parmi les autres, souffrir d’être en mauvaise compagnie. Par
ailleurs, l’isolement social et le fait de vivre seul sont deux notions sociales
distinctes, mais qui se rapportent à des faits objectifs et quantifiables
contrairement au sentiment de solitude qui correspond à un vécu
émotionnel subjectif.
Voyons plus en détail la réalité que recouvrent ces termes.
Vivre seul
Vivre seul signifie habiter seul dans son logement et fait référence à un
mode de vie sans préjuger du vécu ni de la qualité des échanges
relationnels. Vivre seul ne signifie pas être fermé sur soi-même. Les
célibataires, les divorcés, les veufs vivent seuls. Rien ne les empêche en
revanche d’avoir des amis, de sortir régulièrement, d’être « branchés » ou
de participer pleinement à une vie communautaire. Ainsi, des hommes et
des femmes de tous âges et de tous milieux vivent seuls dans notre société
sans en souffrir.
Vivre seul dans son logement est d’ailleurs une tendance qui s’est
affirmée depuis un demi-siècle. En France, environ 9 millions de personnes
vivent seules ou sont chefs de famille monoparentale (5,9 millions de
femmes contre seulement 3,2 millions d’hommes), soit 20 % de la
population adulte. Selon l’âge, le profil varie : célibataires pour les plus
jeunes, divorcés pour les personnes d’âge mûr et veufs pour les plus âgés.
Cette augmentation importante du nombre de personnes qui vivent seules
s’explique par différents aspects dont l’action se conjugue.
Le nombre de célibataires ne cesse de croître. Les jeunes ne quittent
plus le foyer familial pour fonder une famille. Ils aspirent à une vie
autonome, libre, sans contraintes familiales. Construire une vie de couple
apparaît comme une étape ultérieure. Vivre seul est donc un choix pour
beaucoup de jeunes qui ne souffrent pas, pour la plupart, de solitude et
possèdent un réseau relationnel riche. Ils sortent beaucoup, côtoient de
multiples personnes et ne sont donc pas isolés. Ce célibat n’est d’ailleurs
qu’une phase transitoire.
Le deuxième point est relatif au nombre de divorces qui continue
d’augmenter alors que l’idée de reconstruire une seconde famille n’est pas
la règle. Enfin, le troisième élément est lié à l’allongement de la durée de
vie, notamment celle des femmes qui se retrouvent plus souvent veuves.
L’isolement relationnel
L’isolement relationnel est un terme sociologique défini comme un
manque de réseau, une absence ou une pauvreté de contacts sociaux. Cette
carence de liens est un état de fait objectif et mesurable. Avec
l’augmentation du nombre de foyers d’une seule personne d’une part et
l’accroissement de l’isolement relationnel d’autre part, on a tendance à
associer les deux alors que le nombre de célibataires ne suffit pas à
expliquer le phénomène de l’isolement.
En effet, selon plusieurs recherches, les personnes vivant seules ont un
réseau de relations beaucoup plus dense que les ménages à deux personnes
ou plus. En réalité, l’isolement relationnel tient à plusieurs facteurs d’ordre
social, médical, géographique, mais il est aussi fonction de la qualité des
relations sociales.
Examinons plus en détail ces facteurs en commençant par ceux qui sont
directement liés à l’individu, notamment la santé.
Quand la maladie isole
L’isolement social peut être la conséquence d’une pathologie,
notamment psychiatrique. En général, à l’isolement relationnel consécutif
aux symptômes visibles de la maladie s’ajoute une solitude intérieure liée
au vécu de la maladie.
Un patient délirant, imprévisible et hermétique du fait de son trouble,
inquiète naturellement son entourage – familial, amical, social,
professionnel – qui tente souvent courageusement de l’accompagner dans sa
vie quotidienne. Avec le temps, avec les difficultés relationnelles,
l’incommunicabilité, l’incompréhension et l’impuissance face à la maladie
chronique, l’entourage s’épuise, s’essouffle. Les hospitalisations
successives, les effets secondaires des médicaments – fatigue, prise de
poids, ralentissement psychique –, les projets de vie conditionnés par la
maladie, la présence nécessaire mais parfois intrusive et directive de
l’équipe soignante, tous ces éléments provoquent une marginalisation du
patient dont la vie relationnelle se réduit peu à peu aux autres patients. Ses
liens avec les autres personnes se distendent, renfermant le patient dans sa
maladie. Déconnecté du quotidien par sa vie centrée sur l’hôpital,
prisonnier de ses idées délirantes et de son apragmatisme, le patient vit
reclus dans son monde intérieur, ce qui augmente parfois son vécu délirant
et l’isole d’autant plus.

• Une personne qui souffre de dépression a tendance à se renfermer sur


soi, à refuser de sortir par honte de son état, à cause de la fatigue physique
et psychique ou parce qu’elle n’éprouve plus de plaisir à vivre. Au repli
social, au renfermement sur soi, s’ajoutent alors la douleur de ne plus
s’estimer, de ne plus croire en soi et le sentiment de ne plus pouvoir être
compris et considéré par les autres. Ces derniers trop souvent ne repèrent
pas la réalité de la dépression et demandent au patient des efforts qu’il n’est
pas en mesure de fournir, ce qui majore l’incompréhension mutuelle, et
l’isolement relationnel. Confronté seul à une existence qui n’a plus de sens,
le patient envisage parfois le suicide comme unique solution pour ne plus
souffrir.
• L’anxieux social évite les contacts pour ne pas affronter une situation
trop anxiogène. Par crainte de déplaire, ou de paraître ridicule, il refuse une
invitation, n’ose pas prendre la parole dans une réunion de travail ou ne
décroche pas son téléphone ne sachant quoi répondre. Lorsqu’il est
contraint d’être en société, il s’épuise à vouloir donner une image positive.
Chaque contact porte en soi la menace d’un jugement négatif. Autant de
situations où les sentiments d’incommunicabilité et d’incompréhension
accentuent l’isolement relationnel et d’exclusion.
• Une personne agoraphobe ne peut s’éloigner de son domicile, elle se
sent en insécurité et craint d’être prise d’une crise d’angoisse. Elle refuse de
s’éloigner de chez elle, de prendre les transports en commun ou les
ascenseurs, évite au maximum de sortir. Elle éprouve souvent une grande
honte de l’angoisse qu’elle ressent, qu’elle sait excessive, mais à laquelle
elle ne peut se soustraire. Là aussi, comme dans beaucoup de maladies
psychiatriques, l’entourage ne comprend pas toujours la réalité de la
souffrance du patient.
• Les personnes schizoïdes ne partagent pas de relations intimes, leurs
relations sociales restent très limitées et évoluent peu dans le temps.
Souvent célibataires, préférant vivre seules, elles choisissent des activités
solitaires, un travail où les échanges humains sont rares. Elles semblent ne
pas souffrir de solitude, et choisissent de vivre ainsi isolées du monde.

La plupart des troubles psychiatriques favorisent l’isolement social.


Mais une maladie physique peut avoir le même effet : un handicap moteur
réduit l’autonomie, une insuffisance cardiaque ou respiratoire sévère
empêche tout déplacement, la perte de la vue ou de l’audition, et beaucoup
de maladies chroniques obligent à rester cloîtré chez soi dans l’attente de
visites qui souvent s’espacent avec le temps. À la douleur liée à la maladie
et la baisse d’autonomie s’ajoute celle de l’isolement social contraint.
L’impact des facteurs géographiques
Les facteurs géographiques influencent aussi largement la quantité
d’échanges relationnels. Une personne qui vit seule dans un lieu retiré sera
rapidement isolée si elle ne possède pas de moyens de communication ou
de locomotion (téléphone portable, Internet, voiture). Qui viendra la voir ?
Qui se déplacera pour lui rendre visite ? C’est le cas de beaucoup de
personnes âgées qui veulent rester dans leur maison plus ou moins isolée à
la campagne ou à la montagne. Maison où elles ont toujours vécu et qui
résume leur vie. Leur seul lien avec la société est la télévision. Notre société
de consommation où chacun s’efforce de posséder tout le nécessaire
(électroménager, voiture, outillage…) contribue aussi à limiter les échanges.
La solidarité, naturelle autrefois, tend à disparaître. Chacun peut rester chez
soi dans son exploitation et se suffire à lui-même. Celui qui ne peut se
déplacer risque d’être vite oublié.
Néanmoins, l’isolement existe aussi en milieu urbain. On peut marcher
des heures au milieu de la foule sans échanger un mot, rentrer dans son
appartement sans connaître ses voisins, passer plusieurs soirées sans une
visite ou un coup de téléphone alors même que la rue grouille de monde.
Dans une société de masse, il n’est pas toujours facile de nouer des amitiés.
En outre, les mutations démographiques et la mobilité géographique
modifient en permanence le réseau relationnel de chacun. On change de
travail, de quartier, de ville. Régulièrement, nous devons construire de
nouvelles relations et nous efforcer d’entretenir celles que nous avons déjà,
sinon les liens s’estompent progressivement.
Certaines personnes sont plus exposées que d’autres au risque
d’isolement, à cause des ruptures de liens ou des difficultés inhérentes à
leur situation : les personnes âgées (plus d’activité professionnelle, décès
des proches, éloignement des enfants…), les immigrés (rupture avec les
réseaux d’origine), les chômeurs (perte du réseau de sociabilité lié à
l’emploi), etc. Les facteurs individuels, géographiques et sociaux
s’imbriquent donc pour créer la solitude-isolement.
Notre société évolue
Les facteurs sociaux participent au phénomène. Nous ne sommes plus
dans une société de statut, où chacun a sa place définie et où la solidarité est
de type familial, mais dans une société de contrat, axée sur les échanges, les
réseaux, les liens que chacun doit construire et maintenir lui-même.
Autrefois l’existence communautaire de base (origine, travail, loisir)
permettait à l’individu d’être naturellement intégré à un groupe
d’appartenance au sein duquel il pouvait exister, s’exprimer, s’épanouir. La
famille jouait également un rôle prépondérant en favorisant les échanges
interpersonnels collatéraux (oncle, tante cousin…). Aujourd’hui, la famille
est réduite à son minimum et tend encore à éclater. Il existe dans notre
société contemporaine un déficit de structures de rencontres. L’individu se
retrouve face à lui-même et devient l’unique unité de survie. La solution à
l’isolement se trouve chez l’individu lui-même : dans sa capacité à
communiquer, dans sa volonté à aller à la rencontre de l’autre, dans
l’énergie qu’il va déployer pour tisser, construire et maintenir son réseau
relationnel. Il ne peut plus se laisser porter comme autrefois par les
structures mises en place au niveau de la communauté.
Nous l’avons évoqué, isolement et solitude ne sont pas superposables,
néanmoins les personnes isolées sont inégalement touchées par le sentiment
de solitude. Par exemple, à un niveau d’isolement relationnel identique, les
chômeurs montrent un sentiment de solitude supérieur aux retraités qui eux
aussi ne travaillent pas. Pour les chômeurs, être sans travail place d’emblée
dans une situation d’exclusion sociale. Le sentiment de solitude sous
l’influence de la représentation sociale négative de l’isolement en question
est plus intense. C’est la troisième grande notion que recouvre le terme de
solitude : le fait de se sentir seul.
Le sentiment de solitude
Si la représentation sociale négative est une composante importante de
la souffrance liée au sentiment de solitude, celui-ci tient beaucoup de la
représentation psychique que l’individu se fait d’une situation donnée et de
la façon dont il la vit. Subjectif par nature, ce sentiment échappe en partie à
l’observation et reste difficilement quantifiable.
Pour certains, le sentiment de solitude s’accompagne automatiquement
de pensées négatives, d’émotions douloureuses et angoissantes tel un
manque, un vide à combler, un état de détresse intérieure. D’autres
éprouvent du plaisir à être seuls et vivent la solitude comme une chance que
la vie leur offre pour se ressourcer, être soi-même, vivre pleinement. Pour
eux, sentiment de solitude rime avec bien-être, sérénité, calme intérieur.
S’agit-il du même sentiment ?
Pour définir au mieux l’expérience de solitude et les sentiments qui en
découlent, commençons par prendre en compte et analyser les critères
objectifs observables qui fondent cette expérience.
Les déterminants de la solitude
Solitude choisie et solitude subie
La notion majeure qui revient beaucoup chez les personnes qui parlent
de solitude est son caractère imposé ou choisi. Lorsque la solitude est
imposée de l’extérieur, elle est vécue comme une contrainte et s’associe à
une souffrance sous la forme d’un sentiment d’impuissance, d’injustice et
d’incompréhension. Ces situations nous renvoient à nos limites, un destin
que l’on ne maîtrise pas, une réalité dont le caractère inacceptable est
directement corrélé à la souffrance ressentie.
Inversement, lorsque la solitude est choisie, recherchée, elle apporte
souvent réconfort, ressource, force et calme intérieur. Ainsi, la méditation,
la rêverie, le repos, la prière sont souvent recherchés pour apaiser l’esprit,
adoucir les émotions, retrouver une paix intérieure. La création artistique,
l’écriture, le travail manuel, la lecture permettent une évasion psychique qui
libère d’un quotidien parfois trop pesant. Il est préférable de choisir ses
moments de solitude plutôt que de les subir.
Les circonstances de survenue
Quand la solitude survient soudainement, sans préavis, on n’y est pas
préparé. Elle déstabilise, désorganise. Elle répond souvent à un changement
radical dans notre rapport au monde ou à nous-même et nous amène à
reconsidérer, en partie ou totalement, notre vie : diagnostic d’une maladie
au décours d’un examen de routine, décès accidentel et brutal d’un proche,
trahison d’un ami de toujours, expatriation forcée, rendez-vous important
manqué, agression dans la rue… L’aspect inattendu d’un événement
provoque une succession d’interrogations tant sur nos propres capacités à
anticiper l’avenir (aurions-nous pu éviter cette situation ? suis-je coupable ?
responsable ?) que sur la manière dont nous allons gérer la situation
présente (quoi faire ? comment réagir ?) ou la façon de nous réorganiser en
fonction de cet événement (que va-t-il m’arriver ?). « J’ai eu la sensation
que tout s’écroulait… Je perdais tout… Je n’imaginais pas pouvoir m’en
sortir… j’étais abasourdi, incapable de réagir… je pensais que rien ne
pourrait plus changer… » sont les phrases que nous entendons. Se produit
une sorte d’inertie psychique, un délai pour assimiler complètement la
nouvelle information, en comprendre les données et les conséquences.
Sidéré, surpris, démuni, nous allons devoir chercher au fond de nous les
ressources nécessaires pour dépasser la situation. Ce travail psychique se
fait dans la solitude et sa durée dépend de l’impact du changement dans
notre réalité psychique, lequel dépend étroitement du caractère soudain et
imprévisible de l’événement.
Inversement, il existe des situations où la solitude correspond à
l’aboutissement d’une situation connue qui a évolué progressivement et
était de fait prévisible. Elle résulte d’une négligence, d’un manque
d’anticipation, du déni d’une situation ou de l’incapacité à modifier le cours
des choses. Elle peut aussi résulter d’un choix. Même si un renoncement
s’impose et infléchit nos projets de vie, même si cette situation
s’accompagne de regrets ou d’un sentiment de culpabilité, d’impuissance,
cette solitude est plus supportable.
La durée de l’expérience
Quand la solitude est limitée dans le temps, elle est mieux acceptée. Il
suffit de passer le cap finalement en s’occupant, de s’organiser en attendant
que la situation évolue. Nous savons que la souffrance est passagère. Cette
solitude reste d’ailleurs une expérience acceptée et même très souvent
recherchée. Qui n’a jamais voulu passer un week-end seul, une soirée chez
soi sans voir personne, être libre de faire ce qu’il souhaite sans contrainte,
sans avoir à en rendre compte à qui que ce soit ?
Quand, à l’inverse, rien ne vient limiter a priori l’expérience de
solitude, le tableau diffère. L’absence de limites temporelles lui donne un
aspect irrémédiable, définitif, éternel. Comme si tout était figé. Cette notion
est très importante dans la gestion de la solitude et nous verrons que
s’organiser et planifier ses journées permet de mieux vivre les moments de
solitude.
L’importance des conséquences
Parfois, l’expérience de solitude transforme la vie au point que, par effet
de propagation, tout est désorganisé, remis en cause, sur le plan tant
professionnel qu’affectif et social. Tout doit être réaménagé, reconstruit.
Plus une situation provoque un effet en chaîne qui vous isole et vous
demande de vous réorganiser pour faire face à ces pertes affectives ou
matérielles, plus les piliers sur lesquels vous aviez construit votre existence
cèdent, et plus le sentiment de solitude devient profond. En revanche, les
personnes qui ne supportent pas la solitude dramatisent fréquemment leur
situation et imaginent des scénarios catastrophes qui ne reflètent pas la
réalité de leur situation, mais leur vécu intérieur.
Les modifications relationnelles
Toute situation de solitude implique une modification de notre rapport à
l’autre et éventuellement à nous-même. Cette modification peut être
quantitative (nombre de contacts) ou qualitative (nature du lien relationnel).
Lorsque vous quittez votre pays natal pour un pays inconnu, la nature du
changement relationnel est qualitative. En revanche, si vous vous repliez
sur vous-même, limitez vos sorties, c’est la quantité des échanges
relationnels qui est concernée. On parlera alors d’une modification
quantitative.
Cette notion a été reprise par différents chercheurs qui distinguent la
solitude affective résultant de modifications relationnelles qualitatives et la
solitude sociale qui découle de modifications quantitatives.
Les moyens d’action
En outre, notre façon d’appréhender cette expérience dépend des
moyens d’action à notre disposition, de notre capacité psychique à
supporter la situation, à réinvestir d’autres centres d’intérêt, du soutien
relationnel dont nous disposons, de la pression sociale… autant d’éléments
subjectifs qui conditionnent la manière dont chacun vit la solitude.
Nous verrons par la suite comment nos spécificités psychologiques
peuvent nous aider ou non à absorber les contrariétés que la vie nous
réserve et vivre plus sereinement, notamment, les nombreuses séparations
auxquelles chacun d’entre nous est confronté. Cela, bien sûr, afin
d’apprendre à profiter pleinement de la solitude qui demeure une fabuleuse
expérience, un cadeau de la vie quand on sait l’apprécier.
Caractéristiques de l’expérience de solitude
– La nature de la situation : subie ou choisie.
– Le mode de survenue : brutal ou progressif.
– La durée de l’expérience : limitée ou indéterminée.
– L’importance des conséquences : graves ou non.
– La nature des modifications relationnelles : quantitatives ou
qualitatives.
– Les moyens d’action mis en place : repli, rumination, recherche de
soutien…
D’où vient le sentiment de solitude ?
Difficile de répondre à la question. Là encore, il existe plusieurs
niveaux de compréhension.
Une peur ancestrale
Premièrement, la solitude réveille probablement en nous une peur
ancestrale qui appartient au règne animal et qui a facilité notre survie. En
effet, vivre seul est dangereux pour la plupart des êtres vivants qui doivent
faire face à de multiples dangers pour survivre. Se nourrir, chasser, se
protéger des prédateurs est plus facile lorsque l’on vit en collectivité. Être
seul, c’est être plus vulnérable. L’expérience de solitude provoquerait une
émotion désagréable pour nous prévenir du danger potentiel à rester loin de
nos congénères. Nous aurions appris à vivre en groupe pour mieux survivre
aux forces de la nature. Et revivre des moments de solitude réactiverait cette
peur même si dans notre société humaine actuelle nous sommes protégés de
beaucoup de dangers. La solitude nous place face à notre fragilité, notre
finitude devant ce monde infini, notre incapacité à vivre seul dans un
environnement naturel menaçant et hostile. Ce phénomène explique
pourquoi le sentiment de solitude est par essence désagréable et anxiogène,
comme la faim ou la soif, et qu’il nous faudra l’apprivoiser, apprendre à
composer avec, pour ne pas être débordé quand il se manifeste. Il est fort
probable qu’il existe des prédispositions biologiques à ressentir une plus ou
moins forte détresse face à la solitude dont l’expression sera modulée en
fonction des événements de vie de chacun.
Un besoin d’interaction sociale
Il nous faut aussi prendre en compte une spécificité de l’homme : c’est
un être social par nature qui a besoin d’interactions sociales pour évoluer, se
construire. Il ne vit pas en communauté uniquement pour se sécuriser, se
protéger. Il crée des liens affectifs, partage des moments d’intimité, se
confie, réfléchit sur la nature de ses relations, échange des idées, met des
mots sur son ressenti. Tout cela lui donne un sentiment d’appartenance,
l’aide à construire son identité, enrichit sa vie intérieure. Chaque expérience
humaine lui rappelle qu’il se construit en fonction des rapports qu’il
entretient avec autrui. Mais aussi que chaque être est unique. Nous
devenons quelqu’un pour les autres qui le deviennent aussi pour nous. Sans
cela, nous serions noyés dans une foule humaine, indifférente, lointaine,
inaccessible, où chaque être serait à la fois interchangeable et un étranger
pour l’autre. Chacun a besoin d’appartenir à un groupe social et d’établir
des relations humaines. C’est pourquoi celui qui n’a personne à qui parler et
que personne n’écoute est terriblement seul. La solitude, c’est alors n’avoir
personne à aimer, ne compter pour personne, ne plus appartenir au monde
des hommes, c’est exister uniquement pour soi-même. Nous voyons en
pathologie que ceux qui éprouvent peu d’empathie ne construisent pas de
relations affectives épanouissantes, souffrent d’une profonde solitude. La
sociabilité de l’homme le protège mais, conjuguée à l’amour, elle le projette
dans un monde où il ne se résume plus à ce qu’il est, c’est-à-dire bien peu
de chose au regard de l’univers, mais existe pour ce qu’il partage avec les
autres. Sans l’amour de notre prochain, notre existence se réduit à notre
réalité physique et rien d’autre. Ce qui est véritablement insupportable à
vivre.
Une conscience d’être
Toutes ces considérations, nous conduisent à une troisième notion
étroitement liée au sentiment de solitude, et qui est le sens que nous
donnons à notre vie. Contrairement aux autres animaux, l’homme se sait
mortel. Cette connaissance change tout. Elle le conduit à donner un sens à
son existence. Il a conscience de ce qu’il vit. Pourquoi vivons-nous ? En
quoi sommes-nous utiles sur terre ? Car quoi de plus insupportable que de
se dire que notre vie sur terre n’a pas plus de sens que celle d’un moustique
ou d’un poisson rouge ? L’être humain est un être en devenir permanent,
dont le futur est indéterminé. Contrairement à l’animal, il ne devient pas ce
qu’il a toujours été mais possède un libre arbitre qui lui permet de se
détacher d’activités régies par des lois prédéfinies. L’homme est un animal
qui pense, s’interroge sur ses actes et peut modifier son comportement pour
améliorer son quotidien. Il évolue de lui-même en permanence. Jamais
abouti, il se transforme sans cesse. Il a su créer des mondes imaginaires
pour s’échapper d’une réalité trop lourde, inventer des techniques pour
combler ses manques, modifier son environnement pour se protéger et
s’épanouir. Et toutes ces avancées sont rendues possibles par l’expérience
de la solitude qui le confronte in fine à une réalité insupportable : son
existence se limite au sens qu’il lui donne.
Être réduit à notre réalité physique, prendre conscience que notre
existence est réductible à celle de notre corps est quelque part inhumain. À
cause de cette conscience aiguë de son existence, l’homme s’interroge sur
lui-même, sur le sens de sa vie. Savoir qu’il n’est pas grand-chose lui donne
toute son importance d’être humain. Et cette expérience, peu partageable,
est l’essence même de la solitude humaine.
N’est-ce pas justement ce versant inacceptable, insoutenable de la
solitude humaine qui est à l’origine de nos questionnements et avancées
pour rendre notre monde plus humain ?
Chapitre 2
Pourquoi
la solitude inquiète ?
La solitude fait peur
« Petit, pour me punir, mes parents m’enfermaient dans un placard. Seul dans le noir. J’étais
terrifié. »
« Quand on veut être méchant avec quelqu’un, on lui prédit qu’il finira seul. »
« Dans les contes pour enfants, ce qui fait peur, ce sont les monstres et la solitude. »
Les mots ont leur histoire. La solitude aussi. La représentation que nous
en avons dépend de notre expérience personnelle, des souvenirs qui s’y
rattachent, mais aussi de la culture dans laquelle nous évoluons, de la
pression sociale, de l’image que notre société renvoie de cette expérience.
Qui dans l’histoire de l’humanité vit dans la solitude ? Celui qui est en
marge, différent, ou dangereux pour l’équilibre de notre société. Certains
malades étaient ainsi mis en quarantaine, les hors-la-loi bannis, envoyés
dans des pays lointains et isolés, les fous déposés dans des lieux de vie
éloignés de la cité. Les excommuniés étaient littéralement rejetés « hors de
la communauté », c’est-à-dire privés de tout contact avec les autres
catholiques et de sépulture en terre bénite. Condamnés à vivre seuls pour
l’éternité. Qu’il s’agisse du pouvoir médical, social, politique ou religieux,
le moyen le plus sûr de condamner quelqu’un revient à l’isoler, l’exclure de
la communauté, le forcer à être seul.
Dans le même temps, au cours du Moyen Âge, les personnes vivent
dans une certaine promiscuité : la vie entière se déroule sur le même lieu,
limité au village où des liens très étroits s’établissent. Dans les maisons, il
n’existe pas de pièce où se retirer, pas de lieu pour s’isoler, réfléchir, penser,
on dort également à plusieurs. Au-delà du village et des terres cultivées,
c’est l’inconnu, la nature livrée à elle-même, l’insécurité. La solitude
justement. Le mystère est partout et gare à celui qui s’y aventure. Même
dans les monastères, on médite, on travaille ensemble, on partage des
dortoirs. Avoir un secret est pécher, s’isoler pour réfléchir, c’est aller contre
l’ordre établi. Il faudra attendre le XIIIe siècle pour que le choix d’être seul
soit compris comme un dépassement de soi, une manière de se différencier
des autres, d’exister, avec un intérêt grandissant pour l’introspection, la
réflexion sur soi-même. On retrouve ce phénomène dans l’art, où le portrait
apparaît, comme si on prenait conscience de l’individu en tant que tel. C’est
à cette période que la retraite dans les abbayes s’associe à une méditation
solitaire. La prière se fait dans le silence qui permet de se rapprocher de
Dieu. À la Renaissance, ce mouvement s’accentue et s’élargit au profane.
Progressivement, l’habitat se transforme pour donner naissance à des
espaces privés, de plus en plus recherchés pour lire, rêver. Dans les classes
sociales privilégiées, un espace privé permet une certaine intimité, une
solitude choisie et recherchée.
Aujourd’hui, une dichotomie existe toujours : il existe une solitude
choisie qui permet de se retrouver, de mieux se connaître, d’avoir des
moments privilégiés d’intimité, mais aussi une solitude souffrance résultant
d’un rejet, d’une difficulté à s’intégrer socialement, d’un échec, d’une
privation, de l’absence de l’autre. Néanmoins, cette représentation négative
prédomine largement.
De nombreux messages médiatiques nous laissent croire que le drame
de la vie est d’être seul, que la solitude rend compte des cas les plus
désespérés et doit être combattue. Ennemie du bonheur, de
l’épanouissement personnel, elle ne serait qu’une source de souffrance à
éradiquer pour que chacun retrouve le bonheur. Un peu comme si le
bonheur était à trouver plus dans ce que propose la société qu’au fond de
nous-même.
Qui n’a jamais souffert de solitude ?
« Ma vie n’a pas de sens. Personne à qui parler. Je tourne en rond chez moi. Je n’ose plus sortir.
Les gens ne m’intéressent plus. Je suis seule. Je ne supporte plus cette vie. Qu’ai-je fait de ma vie ?
Je n’ai plus de famille. Pas d’enfant, ni de mari. Je ne supporte plus cette solitude. J’attends la mort.
Je ne pense qu’à cela. Qui sera là le jour de mon enterrement ? Qui s’occupera de mes biens ? Est-ce
que je serai bien dans le caveau familial ? La solitude ici et après. À quoi bon de vivre ainsi dans la
tourmente quotidienne ? »

« Chez moi je m’ennuie. La solitude me tue à petit feu. Je m’alcoolise pour tenir le coup. Oublier
ma situation. Ne plus penser. Je n’ai ni le courage ni l’envie d’arrêter de boire pourtant. Il n’y a
qu’une chose qui m’obsède : ne plus être seul. »
À l’histoire de nos ancêtres et au message négatif véhiculé par notre
société s’associent nos souvenirs personnels.
Nous sommes tous marqués par des moments de solitude : les
sensations éprouvées à l’époque résonnent encore aujourd’hui en nous. Dès
notre plus jeune âge, la nuit, seul dans notre chambre. Peur du noir et des
ombres des jouets projetées sur les murs. Peur des craquements du parquet
ou des meubles, mais aussi du silence lourd, témoin de notre solitude. Plus
tard, la solitude des ruptures sentimentales, nos pleurs, l’incompréhension
de notre entourage et l’idée folle, mais tenace, que notre vie désormais sera
triste et sans intérêt. Au cours de notre vie, nous vivons tous aussi le décès
d’un proche, son absence que rien ni personne ne pourra remplacer, le vide
qui l’accompagne, le regret des mots jamais prononcés, l’émotion en nous
contenue par pudeur et cette réalité dure et intransigeante qui éteint
brutalement et pour toujours tous nos rêves.
Toutes ces situations désagréables, douloureuses, éprouvantes, vécues
dans la solitude nous en donnent une représentation biaisée et stigmatisée.
Nous associons implicitement la solitude à ces moments de notre vie,
comme si elle était la cause de ce ressenti négatif, alors qu’elle est la
conséquence d’une situation pénible.
À l’inverse, nous n’avons en général pas suffisamment appris à avoir
des moments bénéfiques de solitude.
Nous n’avons pas appris à être seul
« À chaque fois que je me retrouve seul, cela se passe mal. »
« J’ai appris beaucoup de chose, mais pas à vivre seul. »
« Pourquoi faire les choses seul quand on peut les partager à deux ? »
« Pensez aux autres me permet de ne pas penser à moi. »
La solitude fait peur, parce qu’elle ravive en nous des souvenirs
douloureux, mais aussi parce que nous n’avons pas appris à l’apprivoiser.
Nietzsche l’avait souligné : « Le défaut le plus répandu de notre type de
formation et d’éducation : personne n’apprend, personne n’aspire, personne
n’enseigne… à supporter la solitude. »
Chacun s’emploie à ne pas être confronté à cette source de tant de
souffrances sans réfléchir sur la manière dont il pourrait apprendre à mieux
la vivre. Une des craintes des parents n’est-elle pas que leur enfant
s’ennuie, qu’il n’ait, seul, rien à faire ?
Dès leur plus jeune âge, nos enfants sont donc en activité permanente.
Les temps libres sont supprimés. L’oisiveté combattue. Cela a le mérite de
les stimuler. Mais si tel est l’objectif, diminuer le temps libre de l’enfant
augmente-t-il réellement ses performances ? Sera-t-il pour autant plus tard
un adulte plus éveillé, plus cultivé, plus épanoui ? Et quid de la capacité de
penser, du potentiel créatif, des désirs profonds de l’enfant ?
Dans ce programme chargé, qui s’intéresse véritablement à ce qu’il
ressent, éprouve, vit intérieurement ? Qui apprend aux enfants à
comprendre leurs émotions, à identifier leurs besoins profonds, à verbaliser
leur ressenti ? Plus tard, adultes, comment pourront-ils rester seuls s’ils ne
l’ont jamais expérimenté auparavant ? Sauront-ils gérer ce face-à-face avec
eux-mêmes sans angoisse ?
Pourtant, c’est la solitude, et pas l’accumulation des activités ou des
apprentissages, qui permet d’avoir une meilleure connaissance de soi, une
conscience de soi plus juste, élément indispensable à notre épanouissement
personnel. Parce que nous n’avons pas appris à apprécier la solitude, seule
demeure en nous l’angoisse d’une solitude amère, et tous les moyens sont
bons pour y échapper. C’est dès l’enfance que nous devrions éduquer nos
enfants à supporter et aimer la solitude. À nous, parents, d’accepter de les
voir parfois s’ennuyer, perdre du temps afin que naissent les désirs, que se
développent la créativité, le rêve.
Le solitaire dérange
Celui qui jouit pleinement de sa solitude nous paraît étrange, il inspire la
méfiance plus que le respect.
Encore aujourd’hui, dans notre société occidentale, pourtant très
individualiste, le « solitaire heureux », qui assume sa solitude, interroge.
Pourtant, assumer sa solitude, c’est vouloir rester libre d’être soi-même.
Le solitaire s’oppose aux valeurs de notre société de consommation basée
sur le plaisir facile et immédiat. Il n’estime pas que l’homme doive
obligatoirement vivre en société et en famille pour être heureux et se
réaliser. Il prône la liberté individuelle et l’expression de soi. Il s’attache à
développer une vie intérieure ou spirituelle plus épanouissante à ses yeux. Il
se prend en charge, assume ses convictions et ses actes, gère sa peine,
défend ses valeurs. Il connaît la joie de vivre sans être obligatoirement
entouré, apprécie les relations sociales sans se laisser envahir, il connaît ses
limites entre lui et l’extérieur. Sa capacité à supporter la solitude témoigne
de son équilibre intérieur.
Le solitaire remet en cause de nombreuses croyances, une conception du
bonheur facile, la tranquillité quotidienne d’une vie illusoire construite sans
renoncement, sans effort.
Des bienfaits rarement verbalisés
Nous avons plus de témoignages de personnes qui souffrent de la
solitude ou s’en plaignent que de personnes qui la vivent agréablement. Les
descriptions positives des moments de solitude restent rares, et sont souvent
d’ordre mystique ou religieux.
Parfois, un événement ressort de la masse d’informations médiatiques,
qui contrarie notre vision négative commune. Un artiste a décidé de se
retirer de la scène pour profiter autrement de sa vie, un explorateur solitaire
s’aventure dans des régions lointaines et inhospitalières. Ces hommes,
exceptionnels à nos yeux, nous paraissent inaccessibles et doués d’une force
que seuls les héros des temps modernes possèdent. Ils nous fascinent, nous
font rêver, mais qui ose tout quitter pour faire le tour du monde en
solitaire ? Les exemples révélés par les médias apparaissent inaccessibles et
nécessitent pour y parvenir des renoncements incroyables que bien peu
d’individus, en pratique, sont prêts à faire.
La solitude réveille nos peurs, qu’elles soient existentielles et innées,
inhérentes à notre condition humaine, relatives à des faits historiques et
transmises culturellement, ou qu’elles évoquent des souvenirs personnels
douloureux. En toute logique, nous évitons donc d’y être confrontés.
Certains emploient d’ailleurs leur vie à esquiver les moments de solitude au
risque de se perdre.
Pour autant, nous avons besoin de solitude pour intégrer un à un les
événements de notre vie et pour les intérioriser. La solitude fait partie de
notre expérience de vie. Elle est incontournable et vouloir la fuir, c’est se
fuir soi-même.
Chapitre 3
Savoir être seul,
c’est devenir adulte
Ne plus prendre ses rêves pour la réalité
« Jusqu’à présent, je voulais toujours que mon environnement soit différent, qu’il s’adapte à moi.
Et j’en voulais à tout le monde de ne pas me comprendre, de ne pas manifester d’effort pour
m’aider… Maintenant, quand je dois affronter un problème, je me dis intérieurement que je vais
essayer de trouver les forces qui sont en moi pour gérer la situation, et si j’ai des défaillances, je les
accepte comme miennes, je sais que c’est moi et que ce n’est pas la faute des autres… on ne peut pas
changer comme on voudrait les autres. Il faut savoir s’adapter. »

« J’ai réalisé que ma façon de comprendre la réalité, provient de ma perception des choses. Je
suis le résultat des conflits intérieurs qui m’animent, mes luttes m’appartiennent et ce n’est pas
l’environnement qui l’induit en moi… »
Quand la réalité s’impose à nous et nous contraint de reporter nos
projets, nous sommes parfois en colère contre l’injustice qui s’abat sur
nous. Quand nous désirons quelque chose, mais n’avons pas les moyens de
l’obtenir, nous accusons parfois les autres de ne pas nous aider, la société
d’être indifférente à notre cause. Quand, seuls, nous réalisons que nos
capacités ne nous permettent pas d’atteindre les objectifs fixés ou que nous
ne pouvons répondre aux demandes d’autrui, nous sommes animés de
sentiments négatifs comme la déception, la tristesse, la colère… Pourtant,
nous avons tous nos limites et nos désirs trop souvent ne prennent en
compte ni la réalité de nos ressources, ni le contexte, ni les autres. Trop
souvent nous souffrons de ne pouvoir réaliser nos désirs impossibles. Ce
n’est pas parce que nous désirons quelque chose que nous devons
obligatoirement l’obtenir. Nombre de nos désirs ne sont pas indispensables
à notre bonheur. Celui qui confond désir et besoin souffre de ne pouvoir
obtenir ce qu’il veut : c’est la frustration qui lui est si insupportable. Savoir
renoncer à un projet irréaliste, accepter ses limites, comprendre qu’il nous
faut nous construire progressivement, nous adapter en permanence aux
aléas de la vie, toutes ces choses élémentaires, et si souvent oubliées,
s’apprennent dans l’expérience douloureuse de la solitude. Car la solitude
s’éprouve.
L’expérience de la solitude et l’angoisse qui l’accompagne sont à
rapprocher de l’« angoisse de castration » dont parlait Freud, de cette
épreuve de la réalité qui remet à plat nos illusions et nous force à admettre
qu’il ne suffit pas de désirer les choses pour les obtenir. Il nous faut
renoncer « au principe de plaisir » et reconnaître la réalité, le fait que nos
demandes ne seront pas toutes comblées, que les frustrations sont normales
et structurantes, que tout ne tombe pas du ciel, mais qu’il nous faudra
souvent patience et effort pour obtenir ce que nous souhaitons. Que malgré
toute notre bonne volonté, notre ardeur, notre persévérance, certaines
choses nous sont inaccessibles. Admettre que l’autre, quoi qu’il fasse, ne
comblera jamais tous nos besoins.
Accepter cette réalité : nous ne sommes ni le centre du monde ni des
êtres tout-puissants et immortels mais des individus parmi tant d’autres,
vulnérables et au pouvoir limité.
Renoncer à l’omnipotence augmente nos capacités d’adaptation,
améliore nos relations aux autres, nous rend plus réactifs et plus efficaces.
On ne règle pas les conflits en imposant nos désirs, en imaginant que tout
nous est dû, que rien ni personne ne doit nous résister, en remuant terre et
ciel pour obtenir l’impossible. La vie n’est pas un caprice. Les autres ne
sont pas des objets que nous manipulons en fonction de nos désirs. Être
adulte, c’est pouvoir distinguer ce qui est possible de ce qui ne l’est pas, ce
qui dépend de nous et ce qui dépend des autres, différenciation qui vient
avec la conscience accrue de nos propres limites.
La solitude nous apprend à accepter nos limites dans le but de vivre
pleinement la vie qui nous est donnée. L’acceptation n’est pas la
résignation, l’abandon de toute ambition. L’acceptation, c’est être réaliste et
responsable. Changer ce que l’on peut changer, s’adapter à ce qui ne peut
l’être. Toutes les contrariétés que la vie nous réserve, pour être dépassées,
métabolisées, requièrent l’acceptation d’une certaine frustration
indispensable pour apprendre et évoluer. Cette frustration reste une
expérience solitaire.
C’est ce qui est structurant dans l’expérience de solitude : nous
inscrivons alors nos désirs dans le champ du réalisable et non plus de
l’imaginaire. Nous acceptons que nos désirs ne soient pas tous compatibles
entre eux, qu’ils soient parfois fous ou préjudiciables à notre bien-être,
qu’ils ne collent pas systématiquement à ceux de l’autre.
Être responsable de sa vie
« Longtemps, j’ai cru que mes difficultés, mon mal de vivre étaient la faute de mes parents. Je les
rendais responsables de mes défauts. Maintenant que je prends conscience de mes limites, de mes
difficultés, et que j’accepte d’y être pour quelque chose, c’est plus dur et frustrant, mais je peux
porter un autre regard sur les événements, sur mon entourage et sur moi-même. Je me sens seule,
mais non plus abandonnée, délaissée, mal aimée, inutile. Je ne trouve plus la vie injuste, les gens
égoïstes et indifférents. Je me sens seule parce que je comprends que je suis seule maître de ma vie,
que tout dépend de moi. Que c’est à moi de me prendre en charge. C’est éprouvant de réaliser cela,
mais c’est rassurant finalement, cela me donne confiance en moi et surtout me procure un sentiment
de liberté. Je commence à saisir qui je suis, ce que je mérite, ce que je vaux, ce que je veux… »

« Concevoir et accepter que les difficultés que je rencontrais n’étaient pas du fait des autres mais
de moi-même a été pénible au début, mais cela m’a permis de me retrouver, d’être en accord avec
moi-même. Je prends ma vie en main, je m’occupe de moi, je m’assume et je me sens plus apte à
prendre des responsabilités. Aujourd’hui je suis plus capable de mieux me gérer… et de ne pas
toujours projeter à l’extérieur ce qui ne va pas… C’est un peu comme si j’étais devenu propriétaire
de moi-même, de ma vie… je ne suis plus dans l’attente d’être moi-même. Me sentir responsable de
moi modifie la nature de ma relation aux autres, m’apporte plus de légèreté. ».
La responsabilité de soi est essentielle à l’épanouissement intérieur.
Certes nous avons tous besoin d’autrui, mais nous ne pouvons rendre les
autres responsables de nos difficultés, faire porter sur notre entourage la
responsabilité de choix que nous n’assumons pas. Nous ne pouvons pas
nous épanouir et vivre libre d’être nous-même si nous vivons
quotidiennement dans le secret espoir que les autres nous donnent ce que
nous n’osons pas réclamer. Être responsable de soi ne signifie pas tout faire
soi-même, mais se prendre en charge et assumer la conséquence de ses
actes. C’est à nous de décider de la vie que nous voulons. Personne ne peut
vivre à notre place ce que nous ressentons, nous comprendre tout à fait,
répondre à tous nos désirs.
L’expérience de solitude nous conduit à chercher au plus profond de
nous-même les ressources nécessaires pour agir, changer ou accepter de
renoncer. Et ce face-à-face étrange nous donne une juste valeur de nous-
même. Nous prenons conscience de l’importance de nos actes, de notre vie.
Nous réalisons que notre existence dépend étroitement du sens que nous lui
donnons.
Aussi, n’attendez pas des autres qu’ils vous procurent ce que vous
recherchez. L’autre n’est pas tout-puissant. Quel qu’il soit. Quoi qu’il fasse.
Assumez vos besoins et n’accusez pas les autres si vous n’êtes pas satisfait,
interrogez-vous. Vous ne pourrez évoluer si vous faites porter sur les autres
la responsabilité de votre incapacité à vivre pleinement votre vie.
Accepter l’autre tel qu’il est
« Mon mal-être intérieur m’empêche d’apprécier les autres. Je les perçois à la lumière de mes
préjugés… ce que j’attends d’eux dépend de mes angoisses et non pas de leurs possibilités… ni de
leurs désirs… »

« Accepter l’autre, c’est prendre le risque de ne pas être aimé. »


C’est aussi parce qu’on a vécu ces moments de doute, d’incertitude, de
déception que l’on devient plus tolérant envers les autres. Eux aussi ont leur
vie à construire, eux aussi souffrent de ne pas toujours y parvenir, eux aussi
subissent les aléas de la vie.
Réaliser que chacun d’entre nous gère sa propre existence, en est
responsable et éprouve très souvent des difficultés pour s’épanouir, mener à
bien sa propre vie, nous permet de comprendre, sinon d’accepter, que les
autres ne sont pas obligatoirement disponibles pour nous, n’organisent pas
leur vie en fonction de nos priorités et qu’eux-mêmes peuvent aussi être en
demande d’aide, de soutien. Même s’ils nous apprécient, nous aiment, ils ne
se comporteront pas systématiquement comme nous le voudrions. Cette
prise de conscience de la réalité d’autrui, du fait qu’il ne pense pas comme
nous et ne réagit pas à nos sollicitations comme nous le souhaiterions, nous
aide à construire des relations équitables basées sur le respect et la
tolérance, dans lesquelles chacun accepte l’autre tel qu’il est, pour ce qu’il
est.
Assumer sa solitude contribue à créer des relations humaines plus
satisfaisantes entre des êtres plus libres et plus responsables. Notre vraie
richesse, la source de nos joies les plus profondes proviennent de notre
capacité à nouer des relations sociales et affectives durables et nourrissantes
avec nous-même, les autres et le monde qui nous entoure. Et pour mettre en
place ce type de rapport, il nous faut acquérir une certaine sérénité, une paix
intérieure, une conscience de soi que seule l’expérience de la solitude nous
apporte. Car nous ne pouvons être en harmonie avec les autres si nous ne le
sommes pas au préalable avec nous-même.
Se libérer de sa dépendance affective
« Faute de savoir qui j’étais, ne sachant pas ce que je voulais, ni ce qui était bon pour moi,
obnubilé par l’idée de ne jamais décevoir mes proches que j’idéalisais, sans volonté propre, je passais
à côté de ma vie, prisonnier de mon incapacité à me réaliser, seul avec le sentiment douloureux d’être
le fantôme de moi-même. »

« Discerner ce qui est possible de ce qui ne l’est pas, reconnaître ses limites, ne plus idéaliser les
autres, ne plus dépendre d’autrui, pouvoir construire une vie affective sans angoisse excessive et sans
renoncer à son indépendance, m’apporte un bien-être et une force intérieure, la sensation nouvelle,
excitante et émouvante, d’être moi-même, de voler de mes propres ailes. »
Chacun d’entre nous fera l’expérience de séparations successives. Et
chaque séparation s’accompagne du sentiment de solitude. Se séparer pour
trouver son autonomie et construire son identité : l’être humain,
paradoxalement, ne peut être indépendant et autonome que dans
l’apprentissage de la séparation et donc de la solitude. Il ne peut vivre en
harmonie avec les autres que s’il est d’abord en paix avec lui-même.
L’expérience de la solitude, c’est l’apprentissage de l’indépendance qui
passe par la paix avec soi-même. L’autre n’est aimé pour lui-même que s’il
n’a pas pour fonction de combler un vide.
Pourtant, de nombreuses personnes entretiennent des relations sociales
pour se sécuriser, se sentir protégées, aimées et non pour construire une
relation, partager une intimité. Leurs proches sont là uniquement pour
combler un manque, calmer leur angoisse. Elles tissent des relations de
dépendance comme si elles ne pouvaient parvenir à se réaliser par elles-
mêmes. Elles s’organisent pour ne jamais être seules. Elles sont prêtes à
tout pour ne pas être confrontées à elles-mêmes : renoncer à certaines
valeurs, à leur liberté, à leurs projets de vie ou intérêts personnels, à leur
identité. Tout est bon pour ne pas rester seules.
Être vrai en respectant autrui, ressentir la joie d’être au plus prêt des
autres en restant soi-même, pouvoir exprimer sa fragilité sans honte, ni
crainte, abandonner les rapports de pouvoir au profit de relations équitables,
identifier et écouter ses propres besoins sans les imposer, oser faire des
choix qui nous engagent, voilà un vaste projet pour qui veut vivre libre et
responsable. Et le chemin qui nous y conduit passe par la solitude car c’est
elle qui nous éclaire sur nos besoins, nos tourments intérieurs, nos désirs
cachés.
Prendre du temps pour soi
« Qu’il est agréable de prendre du temps pour soi. Ne plus se presser continuellement, s’arrêter de
courir et penser à soi, vivre le moment présent. Apprécier le calme, le silence. Écouter notre corps,
respecter son rythme. Ne pas penser au lendemain, au travail, aux tracas quotidiens… Ne rien faire
d’autre pendant quelques minutes que de vivre l’instant présent intensément. »

« Savoir prendre du temps pour me faire plaisir, prendre soin de mon corps, de mon apparence
physique, de ma tenue vestimentaire, de ma coiffure, de ma peau, toutes ces petites choses ont
longtemps été pour moi superficielles, futiles et inutiles. C’était pour les midinettes des beaux
quartiers. Moi, j’avais toujours d’autres priorités, le quotidien à gérer. Un jour, j’ai réalisé qu’il ne
dépendait que de moi de changer mes priorités. J’ai décidé de me faire plaisir plus souvent, d’être
agréable avec moi-même, comme une super copine qui me voudrait du bien… »
Même si ceux qui vous aiment sont attentifs à votre bien-être, si les
personnes bienveillantes qui vous entourent vous souhaitent du bonheur,
vous restez responsable de votre vie et devez prendre soin de vous. Vous
n’avez pas de meilleur ami que vous-même. Celui qui s’assume profite
pleinement de la solitude, car c’est l’occasion pour lui de faire attention à
ses besoins profonds, de s’écouter et de se réaliser. Le véritable solitaire ne
cherche ni à plaire ni à être réconforté. Sa grande force vient de ce qu’il
n’est point troublé par les agissements et les opinions du monde. S’il ressent
l’envie d’être seul à un moment donné, il s’organisera pour être seul, se
retirer du monde le temps qu’il lui sera nécessaire. Pour autant, partir au
calme pour être au contact de la nature et éprouver le silence, mettre de la
distance avec les autres pour se ressourcer, prier, lire ou bricoler, toutes ces
situations ne signifient aucunement se fermer au monde extérieur. « Il faut
se réserver une arrière-boutique toute nôtre », écrivait Montaigne, car « la
plus grande chose du monde, c’est de savoir être soi ». Être capable d’être
seul n’implique pas de vivre tout le temps seul, que toute la vie s’organise
en dehors de la société, en marginal, en exclu. Cela signifie que l’on a
acquis cette « capacité à être seul » comme le formule si bien D. Winnicott,
que l’on est capable de se retirer dans son arrière-boutique ou son jardin
secret, comme on est aussi capable d’accepter que l’autre souhaite se retirer,
prendre de la distance, sans vivre cela comme un manque d’amour, un
abandon, un drame.
S’accepter et s’aimer pour vivre libre
« Au début, quand j’étais seul, je ne me supportais pas. Je ne voyais en moi que des choses
négatives. Je voulais tellement être quelqu’un d’autre que je ne savais pas m’apprécier à ma juste
valeur. »

« Avec la solitude, j’ai compris qu’il n’y avait qu’une seule personne en qui je pouvais avoir
confiance : moi-même. »

« Depuis que j’ai appris à m’accepter comme je suis, je me sens en paix avec moi-même et je n’ai
plus peur de la solitude. »
Nul n’est en mesure d’établir des relations profondes, durables et
respectueuses si, au préalable, il ne s’estime pas à sa propre valeur avec ses
forces, ses limites et ses besoins. Nul ne peut vivre pleinement la solitude
s’il n’est pas bienveillant envers lui-même, ne s’accepte pas tel qu’il est, ne
s’aime pas de manière inconditionnelle.
Bien sûr, la solitude nous renvoie souvent une image négative de nous-
même. Sentiment d’être exclu, rejeté, différent des autres. Ailleurs,
sentiment d’impuissance, de ne pas contrôler sa vie, d’être prisonnier d’une
situation subie, parfois culpabilité, regret, honte ou mauvaise estime de soi
complètent le tableau. Quoi qu’il en soit, l’expérience de solitude reste
douloureuse et ne nous porte pas à nous aimer a priori. La solitude nous
montre des facettes de notre personnalité dont nous ne sommes pas toujours
fiers, nous révèle une image peu flatteuse de nous-même, souvent justement
parce qu’elle s’est imposée et que nous sommes seuls et en difficulté, dans
l’incapacité de gérer la situation.
Pourtant la solitude est bien l’occasion de nous aimer tel que nous
sommes, indépendamment de nos capacités, de nos performances,
d’accepter que nous ne sommes ni parfait ni tout-puissant, mais que cela
n’enlève rien à notre valeur. Elle nous apprend à nous aimer quand nous
désespérons de nous-même, à nous aimer de manière inconditionnelle.
Celui qui accepte ses limites n’est pas remis en cause quand il y est
confronté : il sait qu’il a fait ce qu’il a pu. Il accepte ses manques et ne se
construit pas uniquement sur ses succès. La solitude nous révèle à nous-
même tel que nous sommes et nous apprend à nous accepter à éprouver du
respect pour nous-même, à construire notre sécurité intérieure. Si nous
acceptons que la solitude puisse faire souffrir, que nos travers ne soient pas
agréables, que l’absence de l’autre soit douloureuse, que l’on puisse être
déçu de soi-même, si nous pouvons ressentir toutes ces choses sans nous en
vouloir et tout en continuant de nous estimer, nous pouvons poser sur nous-
même un regard tendre et aimant.
Aller au bout de soi-même
« Autrefois, quand j’étais seul, je m’ennuyais, je trouvais le temps long et je ne savais jamais trop
quoi faire pour m’occuper. Je ne savais pas ce que je voulais. Je perdais mon temps et je m’en
voulais, mais je ne faisais rien. Je me sentais vide et sans envie. Maintenant que je sais ce que je
veux, et connais mes désirs profonds, les moments de solitude sont l’occasion de me réaliser, de faire
des choses qui me plaisent et me tiennent à cœur. Maintenant que j’ai une meilleure estime de moi,
quand je suis seul, je prends soin de moi. La solitude est un moment où je peux penser à moi. »
La priorité de chacun ne devrait-elle pas être de vivre au plus proche de
soi-même ? Posséder la force de renoncer aux sollicitations multiples de
notre société de consommation ou à certaines relations affectives toxiques
qui nous éloignent de nous-même. Fuir ce qui peut nous distraire et nous
détourner du chemin qui mène à la connaissance et à la réalisation de soi. Et
garder en mémoire, toujours cette pensée de Rainer Maria Rilke : « Une
seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller
en soi-même et ne rencontrer pendant des heures personne, c’est à cela qu’il
faut parvenir. »
Rêver, pouvoir s’écouter, prendre de la distance avec une société qui
vous dicte en permanence ce que vous devez dire, penser, comment agir,
vous comporter. Oser vivre la vie dont vous rêvez et vous en donner les
moyens. Regarder loin en soi. Prendre des risques. Assumer de ne pas
savoir pour pouvoir apprendre. Découvrir en soi des ressources méconnues.
Savoir douter de soi pour se dépasser. Accepter ses limites, réajuster ses
projets à la réalité sans se dévaloriser. Face à un problème, ne pas rester
dans l’attente d’une aide extérieure, mais se donner les moyens de le
résoudre. Se prendre en charge et assumer ses actes, poser ses priorités et
les exprimer, quitte à déplaire. Oser faire des choix de vie qui blesseront
parfois les proches. Choisir ses amis, s’entourer de personnes responsables
qui nous aiment, pouvoir mettre de la distance avec ceux que l’on
n’apprécie pas, savoir être tolérant envers son prochain. Être capable d’être
seul avec soi-même et continuer de s’aimer, de croire en soi alors que les
contraintes de la vie s’opposent à nous. Savoir apprécier le calme, le silence
et écouter les messages de notre corps. Prendre soin de soi. Se préoccuper
de soi. Apprendre à se respecter. Oui tout cela s’apprend dans la solitude.
Car la solitude nous révèle à nous-même. La solitude nous incite à nous
connaître plus profondément, à être juste et authentique envers nous et à
nous accepter.
Pour parvenir à une existence authentique, se saisir comme unique, il
nous faut avoir traversé et dépassé l’angoisse de solitude. Au cœur de la
solitude se découvre notre richesse.
Même si notre besoin de l’autre est très grand, il ne peut remplir
totalement notre vie et nous apporter la sécurité que nous recherchons.
Cette sécurité, il faudra la trouver en nous-même. Avec l’âge et l’expérience
de la vie, nous sommes de plus en plus conscients que les déceptions et les
joies sont des réalités de la vie. Acceptée comme telle, la solitude devient
source de créativité, de dépassement de soi-même. À mesure que nous
avançons en maturité, la solitude devient positive. Elle contribue à élargir
notre conscience d’être, à consolider notre sentiment d’identité et à enrichir
notre vie. C’est pourquoi elle est pour certains une démarche intérieure
voulue, choisie et s’associe alors à un sentiment de plénitude, d’harmonie,
de bien-être.
Deuxième partie
Psychologie
de la solitude
Alors que de nombreux travaux en psychologie se sont attachés aux
relations sociales et à la qualité du lien relationnel – qu’il s’agisse de la
relation d’objet comme le décrivent les psychanalystes, de la théorie de
l’attachement développée par John Bowlby ou des compétences sociales et
de la capacité à avoir de l’empathie, dont parlent les thérapeutes cognitivo-
comportementalistes –, la solitude a peu été étudiée pour elle-même. En
effet, dans ces théories, la solitude et le sentiment douloureux qui en
découle résultent le plus souvent d’un dysfonctionnement relationnel, qui
ferait écho à une relation parent-enfant défaillante. Une problématique
relationnelle dans la prime enfance conduirait à établir ensuite une relation
pathologique avec ses pairs.
Schématiquement, pour les psychanalystes, celui qui souffre de solitude
ne sait pas se séparer, se détacher, et l’absence de l’objet d’amour, vécue
comme un abandon, crée un vide, un manque. L’origine de cette souffrance
est fonction de la nature de la relation mère-enfant et dépend étroitement
des premières expériences de séparation au cours de la petite enfance. Cette
thématique est reprise en partie par les tenants de la théorie de
l’attachement, pour lesquels la nature de l’attachement conditionne ensuite
les relations aux autres. Les théories cognitivo-comportementales et de la
communication envisagent plutôt les relations humaines comme résultant
d’un apprentissage, un certain apprentissage étant nécessaire et
indispensable à l’établissement de relations sociales de bonne qualité : celui
qui souffre de solitude n’a pas appris ou a mal appris à construire des
relations sociales et affectives adéquates.
Au-delà des interprétations différentes, on voit en tout cas que la
solitude est toujours décrite en référence à la vie sociale ou affective :
souffre de solitude celui qui n’est pas inséré socialement, celui qui n’arrive
pas à établir des relations affectives satisfaisantes, soit qu’il n’ait pas
bénéficié d’une relation de qualité dans son enfance, soit qu’il n’ait pas
appris à développer les compétences sociales lui permettant d’entretenir des
relations harmonieuses et épanouissantes.
S’il est indispensable de prendre en compte la nature des relations
sociales et affectives, on ne peut résumer la souffrance liée à la solitude à
l’incapacité à nouer des relations.
N’est-elle pas liée aussi à une mauvaise estime de soi ? À une incapacité
à se réaliser ? Au refus d’être soi-même, de devenir adulte ?
Pour tenter de dessiner une psychologie de la solitude, trois angles nous
paraissent essentiels.
Tout d’abord, définir au mieux la nature du sentiment de solitude : à
quoi correspond-il ? Comment caractériser l’expérience de solitude en
psychologie ?
Quelle est l’origine psychologique du sentiment de solitude ? Quel est,
réellement, l’impact de la relation mère-enfant sur le développement
psychologique de l’individu et sa capacité ultérieure à vivre seul ? Quelle
est la part de l’inné et de l’acquis ?
Existe-t-il des personnes à risques, des caractéristiques individuelles qui
nous rendent plus vulnérables ? Quels sont les processus psychiques qui
nous amènent à souffrir de la solitude ? Quelles stratégies sont mises en
place dans notre fonctionnement psychique ?
Chapitre 4
Des relations sociales
insatisfaisantes ?
La solitude est délicate à définir précisément parce qu’elle s’associe à
toute une gamme d’émotions allant de la tristesse à la joie, parce qu’elle
survient dans des situations très variables, se manifeste ponctuellement ou
inversement traduit un sentiment chronique.
Une idée forte pourtant ressort : la solitude est un sentiment naturel qui
apparaît lorsque notre rapport à l’autre ou à nous-même révèle une distance.
Voyons comment les différentes hypothèses en psychologie rendent
compte de la solitude.
Que révèle la solitude ? : hypothèses en psychologie

MODÈLE COURANT AUTEURS


CONCEPTUEL DE LA THÉORIQUE
SOLITUDE
Besoins intimes non Modèle Fromm-Reichmann,
satisfaits pendant psychodynamique 1959 ; Sullivan, 1953
l’enfance
Angoisse de séparation, Psychanalyse Freud, Winnicott,
relation mère-enfant Klein…
pathologique
Attachement ne Théorie de Bowlby, 1977
permettant pas une l’attachement
relation intime adéquate
Expérience normale qui Approche existentialiste Moustakas 1961, 1972,
permet d’atteindre une Mijuskovic, 1977
conscience de soi plus
profonde
Difficulté à identifier et Approche Rogers, 1970
exprimer ses phénoménologique
sentiments, désaccord
entre le vrai moi
intérieur et celui
manifesté aux autres
Écart entre attente et Approche cognitive Peplau, Micheli, et
réalité dans une relation Morasch, 1982 ;
Perlman et Peplau, 1982
Constellation de conflits Anderson & Arnoult,
internes stables et auto- 1985 ; Schultz, et
attributions causales Moore, 1986 ;
négatives Snodgrass, 1987
Croyances irrationnelles Porte, 1986 ; Hoglund
sur le contrôle de sa vie et Collison, 1987
Carences dans les De Jong- Gierveld,
compétences sociales 1987 ; Jones, Hobbs, et
Hockenbury, 1982
Interaction entre une Approche Weiss, 1973
personnalité donnée et interactionniste
une situation

L’homme est un être sociable


Considérant l’homme comme un « animal social », certains spécialistes
comme Fromm-Reichmann (1959) ont émis l’hypothèse que le sentiment de
solitude, reflet d’un d’isolement social, est la conséquence naturelle du
caractère pathologique de cette situation, la solitude témoignant d’un déficit
dans l’assouvissement des besoins sociaux indispensables à
l’épanouissement psychique de tout être humain. L’état de solitude serait
d’emblée pathologique, contre nature et la souffrance ressentie
s’expliquerait par l’anormalité d’être seul. Il y aurait un lien direct de cause
à effet entre sentiment de solitude et tissu relationnel défaillant. Se sent seul
celui dont les besoins sociaux ne sont pas comblés. Dans cette optique, les
relations sociales sont indispensables et le traitement de la solitude consiste
à favoriser le développement d’un tissu relationnel. Cette approche a le
mérite d’être simple et pratique, mais elle ne rend pas compte de certaines
personnes bien insérées socialement ou entourées affectivement qui
souffrent pourtant aussi de solitude. Or on a vu déjà qu’il ne suffit pas
d’être isolé socialement pour souffrir de solitude, ni d’être entouré pour ne
plus la ressentir.
Alors, si la solitude résulte d’un manque relationnel, répond-elle à un
besoin inné qui fait que l’homme est un être sociable qui a besoin de
chaleur humaine ou à une divergence entre les attentes sociales et affectives
et une réalité insatisfaisante ? Traduit-elle une privation (besoin) ou une
déception (désir) ?
D’autres auteurs ont apporté des réponses à ces interrogations en se
penchant sur la nature de la relation à l’autre : existe-t-il un lien entre
sentiment de solitude et qualité des relations sociales ? L’hypothèse
importante qui en ressort est que celui qui souffre de solitude ne construit
pas de relations sociales ou affectives de qualité.
Solitude sociale et solitude émotionnelle
Lorsque Weiss étudia la solitude (1973), il s’attacha plus
particulièrement à l’impact des besoins interpersonnels insatisfaits dans
l’émergence du sentiment de solitude. Pour lui, la solitude est une
expérience désagréable qui survient lorsque le réseau social est déficient,
que ce soit qualitativement ou quantitativement. Elle témoigne aussi bien
d’un isolement social (quantité d’échanges) que d’un isolement affectif
(qualité de l’échange), mais avec un vécu différent. Cela donne deux types
de solitude : la solitude émotionnelle et la solitude sociale. L’anxiété et
l’appréhension prédominent dans la solitude émotionnelle liée à l’isolement
affectif (sentiment d’abandon), alors que l’ennui et le sentiment d’exclusion
dominent dans la solitude sociale relative à l’isolement social (sentiment de
marginalisation).
La solitude sociale
Elle se caractérise plutôt donc par un sentiment d’ennui : l’individu a
l’impression de n’avoir aucun but dans la vie et de ne tendre vers aucune
réalisation. Ce vécu proviendrait selon Weiss d’un défaut de participation à
la vie sociale, d’un manque d’initiative pour aller à la rencontre ou à la
découverte de l’autre et d’une tendance à l’isolement social avec un
sentiment de frustration et d’insatisfaction. Les personnes qui en souffrent
ont un réseau relationnel assez pauvre qui se limite à quelques bons amis
surinvestis dont elles sont relativement dépendantes. Un changement dans
l’environnement social, tel qu’un déménagement, un nouveau travail, peut
suffire à provoquer ce type de solitude qui reste donc souvent transitoire et
fonction de variables externes, plus propres à l’environnement qu’à
l’individu. Mais les personnes qui souffrent de solitude sociale peuvent
aussi présenter un défaut d’habileté sociale qui renforce leur solitude.
Certains comportements ne favorisant guère les échanges sociaux – peu de
verbalisation, manque d’interaction en situation sociale, peu d’empathie,
inhibition sociale. Un apprentissage court et pratique développant une
attitude sociale positive – écoute active, marque d’intérêt pour
l’interlocuteur, utilisation de questions ouvertes – pourrait aider à diminuer
le sentiment de solitude sociale.
La solitude émotionnelle ou affective
Alors que la solitude sociale survient quand un individu est coupé de ses
relations sociales, la solitude émotionnelle se caractérise par l’absence de
partenaire intime. Elle se manifeste à travers des sentiments d’angoisse
résultant d’un manque affectif et d’un attachement lâche aux autres. Elle
peut être passagère, causée par l’absence temporaire du partenaire ou
prolongée, comme c’est le cas après la mort d’un conjoint. Lorsqu’elle est
chronique, elle peut témoigner d’une incapacité à établir une relation
intime, chaleureuse, sécurisante et durable. Elle fait aussi parfois suite à une
rupture affective douloureuse non complètement assumée dont l’échec
résonne au quotidien et limite toute nouvelle rencontre, par crainte de
l’intimité.
La peur de l’engagement comme conséquence de
la solitude émotionnelle
Néanmoins, ce n’est parce qu’on n’arrive pas à combler ses besoins
d’intimité dans une relation affective à long terme qu’on n’en éprouve pas
le désir, ni une souffrance à ne pas y parvenir. Aussi le risque est-il, afin de
ne plus souffrir, d’être partagé entre le désir de vivre avec quelqu’un, quel
qu’il soit, et la crainte d’être rejeté, abandonné si on s’engage dans une
relation.
En conséquence, nombre de ces personnes – plus souvent les hommes
que les femmes – recherchent à satisfaire leurs besoins d’intimité non dans
une relation affective stable, trop anxiogène pour eux, mais dans des
relations sexuelles successives, gratifiantes au niveau narcissique et plus
sécurisantes au niveau émotionnel. Incapables de s’engager dans une
relation suivie, certains multiplient les partenaires d’un soir et, dès qu’un
semblant de relation s’ébauche, coupent court à toute possibilité d’évolution
en provoquant la rupture. Ces aventures à court terme, qui les satisfont sur
le plan physique, ne peuvent combler leurs besoins d’intimité.
Progressivement, certains développent une accoutumance à l’activité
sexuelle et deviennent de véritables dons Juans des temps modernes qui
voient leur estime de soi augmentée en fonction du nombre de leurs
conquêtes, tandis que l’estime pour leurs partenaires – interchangeables –
diminue. Ils courent le risque de devenir dépendants sexuels, leurs
partenaires ne répondant qu’à ce besoin et n’étant pas investis
affectivement, mais comme des objets sexuels.
Complétant les travaux de Weiss, d’autres chercheurs ont discerné deux
sous-types de solitude émotionnelle, l’une liée à la solitude familiale et
l’autre à la solitude amoureuse. La première se traduit par une
incommunicabilité avec les parents avec lesquels la relation n’est ni intime
ni complice, mais plutôt distante. La solitude émotionnelle amoureuse,
quant à elle, est nuisible à une relation de couple, la personne ayant de
grandes difficultés à se confier, à établir des relations intimes avec son
partenaire et vivant dans la crainte de l’engagement. Ces deux solitudes
sont distinctes, l’une pouvant aller sans l’autre. Certains individus peuvent
avoir un réseau d’amis développé, entretenir des rapports familiaux sereins,
mais avoir du mal à construire une relation affective.
La solitude intérieure
Les approches précédentes n’expliquent pas la solitude intérieure.
Pourtant, il s’agit probablement de la plus douloureuse et de la plus
profonde des solitudes. Certains d’entre nous ont pu en ressentir
momentanément les effets néfastes et dévastateurs. Traduction d’un mal-
être intérieur, de sentiments hostiles envers soi-même, comme la honte, la
haine, la culpabilité, la mésestime de soi, elle nous atteint dans notre
intimité, notre moi profond. Elle provoque un sentiment d’insécurité
intérieure et nous empêche d’être en paix, de porter un regard aimant sur
nous-même. Destructrice, elle étouffe tout sentiment bienveillant envers
soi-même et réprime notre désir d’aller vers autrui pour y trouver du
soutien. Cette solitude, quoique pas toujours prise en considération comme
un symptôme à part entière, accompagne de nombreuses maladies
psychiatriques comme la dépression. Il n’est pas rare qu’elle conduise à un
geste désespéré comme le suicide. Elle peut aussi être plus chronique chez
des personnes qui ont subi des traumatismes, des maltraitances dans
l’enfance, par exemple, et qui, ensuite, ont dû pour survivre refouler une
partie de leur vie, se reconstruire en se cachant à elles-mêmes, souvent sans
en avoir conscience, une réalité trop douloureuse de leur propre histoire,
conduisant à une déformation de leur réalité intérieure qui empêchera tout
rapport authentique avec elles-mêmes.
Subjective, la solitude intérieure s’explique par les rapports qu’un sujet
entretient avec lui-même, rapports qui dépendent étroitement de la qualité
des relations affectives précoces et de l’entourage affectif.
Solitude temporaire et solitude chronique
Au même titre que l’on distingue l’angoisse aiguë (attaque de panique)
de l’angoisse chronique (trouble anxieux généralisé), il est probable que la
solitude transitoire et la solitude chronique soient des troubles distincts.
La solitude transitoire est fonctionnelle, réactionnelle à une situation
extérieure qui vient modifier un équilibre relationnel, comme peuvent l’être
une mutation, un déménagement. Temporaire, elle résulte le plus souvent de
changements de vie qui perturbent l’individu et ses relations sociales ou
affectives pendant une courte période. Elle traduit une adaptation à une
situation nouvelle.
Inversement, la solitude chronique, plus sévère, est relativement peu
influencée par les modifications de l’environnement social et persiste
indépendamment de la qualité des relations. Elle témoigne d’une
problématique individuelle, de caractéristiques personnelles qui amènent à
souffrir de la solitude quelle que soit la nature du tissu relationnel. Les
personnes qui souffrent de solitude chronique présentent des traits de
caractère communs et notamment une vision négative d’elles-mêmes et des
autres, de sorte qu’elles évitent les contacts par peur du rejet. En outre, elles
présentent trop souvent un manque de compétences sociales. Les
spécialistes associent ces traits de caractère aux relations affectives et
sociales que nous avons eues dans notre prime enfance.
Chapitre 5
La capacité
à être seul dépend-elle
de nos relations précoces ?
De nombreuses théories psychologiques ont depuis longtemps souligné
toute l’importance des liens affectifs précoces dans le développement
psychomoteur de l’enfant et l’impact des premières expériences affectives
sur ses relations futures, posant l’hypothèse que la manière dont les adultes
construisaient leurs relations sociales et affectives dépendait essentiellement
de la qualité de leur relation précoce. Cette première relation d’amour
restera une référence, un modèle qui façonnera ensuite les relations
ultérieures. Les relations affectives précoces de bonne qualité permettent
ensuite d’avoir confiance en soi, d’être plus à l’aise socialement, de
supporter les séparations successives auxquelles la vie nous confronte.
Néanmoins, en fonction des écoles, la nature de ce premier lien affectif, sa
fonction précise, le rôle respectif de l’enfant et de son entourage, la part de
l’inné et de l’acquis sont interprétés différemment.
Pour Freud, et pour la plupart des psychanalystes, la relation mère-
enfant s’établit autour des besoins corporels primaires de l’enfant comme la
faim, la soif, la toilette, etc., lesquels vont être secondairement investis
affectivement : c’est parce que la mère prend soin de son bébé que celui-ci
éprouve de l’affection à son égard. Inversement, pour Bowlby, qui s’appuie
sur l’éthologie, l’enfant ne s’attache pas à sa mère parce qu’elle le nourrit,
mais parce que l’attachement est un besoin primaire comme la faim ou la
soif. L’enfant a besoin de s’attacher pour se développer, de créer ce lien
intime pour se construire. En fonction de l’attitude (distante, froide,
indisponible ou chaleureuse, attentionnée) de la figure d’attachement, ce
lien sera de plus ou moins bonne qualité. Or de la nature de cet attachement
dépendra la capacité ultérieure à établir des relations de bonne qualité.
Enfin, pour les comportementalistes, la relation mère-enfant est un véritable
apprentissage qui résulte de renforcements positifs (récompenses) et
négatifs (punitions) et de conditionnement. Schématiquement, les adultes
qui souffrent de solitude n’ont juste pas appris à gérer la solitude et les
émotions qui l’accompagnent et ne savent pas établir des relations
épanouissantes.
Voyons plus en détail chacune de ces approches.
Sigmund Freud : la solitude fait peur comme le
noir ou les araignées
Le thème de la solitude est rarement évoqué directement chez S. Freud.
Il l’aborde essentiellement dans Introduction à la psychanalyse, lorsqu’il
considère « le déterminisme anatomique de l’angoisse » et cherche à
expliquer l’état affectif caractérisé par l’angoisse. Pour S. Freud, « le
premier état d’angoisse est provoqué par la séparation qui s’opère entre la
mère et l’enfant » au moment de la naissance. L’acte de naissance est donc
de nature traumatique et « constitue la source et le prototype de l’état
affectif caractérisé par l’angoisse ».
Plus loin, alors qu’il s’interroge sur la nature de l’angoisse dans les
phobies, S. Freud assimile la peur de la solitude à celle éprouvée dans les
autres phobies, telles que la peur de l’orage, de la foule, des espaces clos,
ou de tout autre objet phobogène, notant simplement que la peur de la
solitude est l’une des premières phobies que l’on observe chez le tout jeune
enfant, au même titre que la peur du noir, lesquelles « ont en commun
l’absence de la personne aimée, dispensatrice de soins… ». La peur de la
solitude n’aurait donc rien de spécifique et ne serait pas liée à la situation de
solitude en particulier, mais serait de nature essentiellement sexuelle : elle
proviendrait de la frustration sexuelle. Pour S. Freud, le vécu angoissant
relatif à la peur de la solitude n’est pas différent dans sa nature et son
expression de celui observé chez un phobique qui aurait peur de prendre
l’ascenseur par exemple.
S. Freud distingue deux situations différentes : dans l’état de solitude,
l’angoisse existentielle ressentie est de même nature que celle du nouveau-
né qui vient au monde. En revanche, quand une personne a peur de la
solitude, la nature de l’angoisse est différente, c’est la représentation que la
personne se fait de la solitude qui l’angoisse et elle s’apparente alors à celle
des autres phobies : elle est de nature sexuelle et traduit une frustration
sexuelle.
S. Freud aborde peu la problématique de la solitude, mais il s’intéresse
beaucoup à la nature et à la qualité de la relation mère-enfant, ce qui
indirectement nous explique ce qui, selon lui, pousse l’enfant à gérer la
solitude. Nous avons vu que, dans la conception psychanalytique, cette
première relation s’étaye sur la satisfaction des besoins primaires du bébé, à
travers la tétée notamment. Le bébé lors de la tétée est apaisé, détendu et
éprouve du plaisir, mais il n’a pas conscience que c’est sa mère qui lui
apporte cette satisfaction. En revanche, quand celle-ci ne répond pas à ses
besoins primaires, il réalise par son absence ce qu’elle lui apporte quand
elle est présente. La représentation de sa mère se dégage ainsi
progressivement du néant, de l’indistinction initiale mère-enfant. S. Freud
disait que « l’objet naît dans la haine », c’est-à-dire que c’est parce que la
mère ne comble pas entièrement les besoins de son enfant que celui-ci la
distingue comme différente de lui, réalise qu’elle existe distinctement de lui
et intègre ce qu’elle lui apporte quand elle est auprès de lui. En outre,
l’absence de réponse satisfaisante induit chez l’enfant la recherche des
moyens de satisfaction qu’il peut développer par lui-même pour ne plus
ressentir de tension, d’inconfort en l’absence de sa mère. Il devient plus
autonome. Une relation primaire trop enveloppante, avec une mère « trop
parfaite » qui anticipe systématiquement les besoins de son enfant, est donc
néfaste pour son autonomisation. À partir de cette théorie, nous comprenons
mieux comment la solitude induit une souffrance en nous renvoyant à nos
limites, nos manques et notre dépendance à l’autre, mais aussi comment
dans le même temps elle peut être le moteur d’un changement intérieur,
nous pousser à nous dépasser pour obtenir ce que nous désirons.
La plupart des psychanalystes reprennent cette idée, mais certains avec
une représentation un peu différente du monde intérieur qui anime le petit et
de la manière dont il va développer une capacité à être seul.
Donald Winnicott : la capacité à être seul
Pour D. Winnicott, le nouveau-né est encore immature au niveau
psychique, et une situation de solitude prolongée est néfaste à son équilibre
et à son développement psychique. Ce qu’il nomme « préoccupation
maternelle précoce » permet justement à la mère d’apporter les soins et une
attention toute particulière à son bébé qui sera ainsi comblé. Cet état permet
à l’enfant d’évoluer dans un environnement sécurisant, tendre, chaleureux
où il n’est pratiquement jamais frustré. Ses besoins sont comblés, ses désirs
se réalisent sans qu’il fasse d’effort. N’étant pas lui-même autonome, sa
mère prend une fonction singulière qui consiste à lui apporter tout ce qu’il
désire, lui donnant l’illusion d’autonomie parfaite, de toute-puissance, de
contrôle sur l’environnement, illusion utile pour qu’il se développe dans un
climat de sécurité émotionnelle.
Le comportement d’une mère « suffisamment bonne » sera de toujours
s’ajuster aux capacités de son enfant, de s’adapter à ses ressources,
lesquelles dépendent et de son âge et de son tempérament de base. Au fur et
à mesure que son enfant grandit et évolue au niveau psychomoteur, sa mère
pourra être moins disponible pour lui, le laisser explorer son
environnement, ne pas répondre systématiquement à ses demandes, ne plus
faire à sa place, afin que son enfant devienne de plus en plus indépendant,
autonome. Savoir être suffisamment disponible, présente, pour ne pas placer
son enfant dans une situation de stress où l’angoisse ressentie serait
supérieure à ses capacités psychiques pour la gérer, tout en étant
suffisamment distante, en recul, pour ne pas anticiper, ne pas résoudre les
problèmes de son enfant et le laisser développer ses propres ressources,
apprendre à être autonome, voilà le juste équilibre qu’une mère met en
place. Ainsi, d’après D. Winnicott, le développement de l’enfant dépend
étroitement de la relation que l’enfant a avec sa mère et des capacités de
celle-ci à le comprendre, percevoir ce qu’il ressent, décoder les signaux
qu’il lui adresse.
L’enfant immature, vierge de tout à la naissance aurait donc une sorte de
vide psychique qui par le biais d’identifications réciproques entre la mère et
lui-même aboutirait progressivement à la constitution d’un environnement
interne sécurisant. L’enfant gardera alors à jamais une sécurité intérieure, et
sera ensuite, même en l’absence de sa mère, toujours habité par cette image
maternelle lumineuse, rassurante.
Inversement, si l’enfant doit affronter seul des situations qui dépassent
ses propres capacités psychiques d’adaptation, si en détresse il ne peut
s’appuyer sur sa mère mais doit faire front, seul, à une situation
angoissante, il fera l’expérience traumatisante de ne pas pouvoir compter
sur lui-même et cela l’empêchera d’acquérir la sécurité intérieure suffisante
pour avoir confiance en lui. Il doutera alors de sa capacité à faire face, seul,
aux aléas de la vie et cela limitera son autonomie.
L’attitude initiale particulièrement attentive de la mère qui anticipe les
situations menaçantes, en s’inquiétant à la place de son enfant en quelque
sorte, puis qui le laisse évoluer, explorer son environnement seul, mais sous
sa surveillance, en restant disponible, permet un travail d’intériorisation de
l’image positive maternelle. L’enfant aura acquis la « capacité à être seul » :
la présence de l’objet d’amour, la mère, sera intériorisée.
Néanmoins, ce travail psychique s’effectue progressivement et il existe
toute une période où l’enfant n’ayant pas la capacité d’imaginer sa mère en
son absence, choisit un objet la représentant, pour faire la transition du
monde maternel au monde extérieur. Cet « objet transitionnel » qu’il garde
avec lui est sécurisant car il témoigne de la présence rassurante et aimante
de la mère. Pour D. Winnicott, l’enfant doit évoluer dans un cadre
sécurisant, et affronter les difficultés de la vie en fonction de ses capacités
psychiques, ce qui lui permet d’avoir un sentiment de sécurité intérieure et
ensuite de pouvoir être seul sans en souffrir.
L’enfant se nourrit des interactions avec sa mère qui constituent une
véritable matière première de son monde intérieur. L’intolérance à la
solitude s’explique en grande partie par l’incapacité à évoquer l’image
sécurisante de la mère, présente en soi.
Melanie Klein : l’importance des fantasmes
agressifs
Pour M. Klein, l’être humain qui vient au monde vit dans un état de
complète désintégration et de profonde solitude. Le monde intérieur du
nouveau-né est chaotique, non structuré, insécure. Il est en proie à une
angoisse destructurante suscitée par la présence simultanée de pulsions
contradictoires, la pulsion de mort et la pulsion de vie.
Dans son essai Se sentir seul (1959), M. Klein considère que le
sentiment de solitude dérive de la nostalgie d’avoir perdu irrémédiablement
le bonheur de la relation primitive avec sa mère. La perte de cette relation
fusionnelle, où le bébé et la mère se confondaient l’un dans l’autre, amène
le bébé à avoir une relation ambivalente avec sa mère, caractérisée par la
présence à la fois de pulsions destructrices et d’amour envers sa mère :
quand elle le comble, il éprouve des sentiments d’amour ; quand elle le
frustre, qu’elle ne répond pas à ses besoins, il se sent blessé et éprouve des
sentiments agressifs et de haine. M. Klein considère que la résolution de
cette ambivalence amour-haine conduit à une « position dépressive », qui
permet une maturation psychique et conduit à une intégration dont les effets
seront d’atténuer la violence des pulsions destructrices, de favoriser
l’intériorisation d’une image positive de la mère qui apportera un sentiment
de sécurité intérieure et l’acceptation des frustrations. En l’absence de cette
intégration psychique, la solitude réactive l’état primitif d’angoisse
déstructurant.
La succession des expériences de séparation suivies de retrouvailles
renforce la confiance dans la qualité de la relation et sécurise l’enfant.
Progressivement, s’établit un bon objet à l’intérieur du moi de l’enfant qui
permet de tolérer l’absence de l’objet d’amour (la mère) sans angoisse
excessive, ce qui permettra ultérieurement de surmonter la tristesse face aux
inévitables pertes rencontrées dans la réalité extérieure.
Pour les psychanalystes, le sentiment de solitude renvoie à des
expériences précoces au cours desquelles l’enfant aurait été laissé seul plus
longtemps qu’il n’était psychiquement capable de le supporter. Cette
séparation traumatique avec sa mère, alors qu’il n’a pas encore intériorisé
son image, occasionne une angoisse intense et une insécurité intérieure qui
le rendent ensuite plus vulnérable à la solitude.
John Bowlby et la théorie de l’attachement
Pour J. Bowlby, les besoins fondamentaux du nouveau-né se situent au
niveau des contacts physiques et reposent sur des fondements biologiques.
Le besoin primordial du jeune enfant est d’établir un lien stable et
sécurisant avec une figure maternelle répondant à ses besoins. Il s’agit d’un
besoin primaire, c’est-à-dire qui n’est dérivé d’aucun autre. Ce faisant,
J. Bowlby rompt avec toutes les théories antérieures des premiers liens
sociaux et affectifs de l’enfant humain qui considéraient que le bébé
s’attache à sa mère parce qu’elle le nourrit. Cela signifie aussi,
contrairement à ce que développent les théories de l’apprentissage, que le
besoin et la recherche d’autrui ne sont pas le résultat d’un apprentissage ni
d’une dépendance émotionnelle, mais ont un caractère inné. L’être humain
serait donc un être social par nature…
J. Bowlby propose le terme d’attachement pour désigner ce lien
particulier unissant l’enfant à la figure maternelle. L’attachement a donc
pour fonction de fournir une base sécurisante à l’enfant, ce qui lui permettra
d’explorer son environnement et d’être plus autonome. L’attachement
apparaît comme un facteur essentiel pour la sociabilité, l’autonomisation et
la tolérance à la séparation et par conséquence pour la gestion de la
solitude.
Dès la petite enfance, l’enfant développerait un modèle d’attachement
particulier en fonction de l’attitude de la figure maternelle à son égard.
J. Bowlby postule que ce lien d’attachement, en devenant intériorisé,
servirait par la suite de modèle à toutes les relations intimes et sociales de
l’individu. Ainsi, en fonction du type d’attachement mis en place au cours
de la prime enfance, un style relationnel s’instaure automatiquement et
perdure à l’âge adulte naturellement.
Une relation précoce gratifiante, fondée sur une écoute mutuelle, une
disponibilité réciproque, une interaction de bonne qualité, permet ensuite
une meilleure assise de la personnalité, une plus grande aptitude à gérer les
séparations et les relations sociales ou affectives. Grâce à des attachements
positifs, l’enfant développe le sentiment de sa propre valeur, une image
positive des autres, se sent en confiance dans les relations affectives ou
sociales et témoigne affection et empathie envers autrui. Inversement, les
travaux de Mary Ainsworth ont montré que les enfants avec qui les parents
ont une attitude inattentive ou rejetante développent soit un comportement
d’évitement, soit un comportement anxieux et ambivalent vis-à-vis des
autres, mais ne déploient pas d’habiletés sociales leur permettant d’établir
des relations affectives satisfaisantes. Ces enfants grandissent avec
l’inaptitude à établir et à maintenir une relation intime. Ce mode relationnel
dans les rapports interpersonnels, qui caractérise un attachement de type
insécure, persiste dans la vie adulte et induit une solitude émotionnelle par
incapacité à nouer une relation d’intimité épanouissante de bonne qualité.
On distingue trois styles d’attachement :

le style sécurisant caractérisé par la capacité à recourir aux autres


en situation anxiogène ;
le style anxieux/ambivalent chez des personnes qui ont tendance à
devenir agressives envers leurs proches quand elles sont anxieuses ;
le style évitant qui se traduit par une tendance à s’éloigner des
autres dans des contextes stressants.

Les personnes dont le style d’attachement est sécurisant souffrent moins


de solitude parce qu’elles sont suffisamment en confiance avec les autres
pour faire appel à eux en cas de besoin.
Les relations précoces contribuent au développement des habiletés
sociales et affectives des jeunes enfants mais participent aussi largement
aux fondements de la personnalité de l’adulte. En effet, le premier lien que
connaît l’enfant devient par la force des choses le premier modèle de ce
qu’est une relation et de ce qu’il peut en attendre. Ainsi, les troubles de
l’attachement installés précocement peuvent être considérés comme des
facteurs de vulnérabilité à l’origine de troubles irréversibles qui vont
persister chez l’adolescent, puis chez l’adulte sous la forme de difficultés
d’adaptation aux événements et au milieu de vie. Selon cette hypothèse, un
attachement déficient et insécure au cours de l’enfance pourrait être à
l’origine ensuite d’une vulnérabilité individuelle et expliquer l’impossibilité
pour certaines personnes à nouer des relations interpersonnelles intimes de
bonne qualité.
Ces différentes théories psychologiques ont le mérite de souligner
l’importance des premières relations affectives dans le développement
psychologique d’un individu. On comprend mieux comment, en fonction de
la nature de ce premier lien, pourra ensuite s’organiser la relation à l’autre
mais aussi à soi-même, pourquoi certaines personnes seront mieux armées
que d’autres pour affronter les adversités de la vie quotidienne, pourquoi il
est si difficile pour certains de construire des relations affectives stables ou
pour d’autres d’être en paix avec eux-mêmes. On perçoit aussi plus
nettement en quoi la solitude peut résulter d’une incapacité à établir des
relations sociales satisfaisantes.
En revanche, elles ne nous disent pas quelles sont les particularités
psychiques des personnes qui souffrent de solitude, quelles stratégies elles
mettent en place pour gérer la solitude, quel comportement est aidant et
quel autre ne l’est pas… Autant de questions pratiques auxquelles les
réponses font défaut. Nous allons donc maintenant envisager d’aborder la
question de la solitude en psychologie en nous appuyant sur les théories
cognitives et comportementales.
Chapitre 6
Quels sont les processus
psychiques en jeu ?
Ce n’est pas uniquement parce que ses relations sociales ou affectives
sont insatisfaisantes qu’une personne se sent seule. Le manque de tissu
relationnel n’est en effet pas toujours à l’origine du sentiment de solitude.
La prise de conscience que les relations ne sont ni satisfaisantes ni
suffisantes est parfois la conséquence de ce sentiment : c’est parce qu’une
personne souffre de solitude que ses relations sociales lui paraissent
superficielles, inintéressantes, inutiles. En réaction à ces pensées, son
comportement naturel consiste alors à éviter la compagnie des autres, à
s’isoler, et finalement à renforcer son sentiment de solitude. Quels sont les
processus psychiques qui conduisent à éprouver un sentiment de solitude ?
Le plus souvent existe un mal-être intérieur. Il peut s’agir d’un conflit
intérieur, d’une mauvaise estime de soi, ou toute autre chose qui perturbe
certes la relation à l’autre, mais aussi et surtout la relation à soi-même.
Notre relation à nous-même constitue le socle de nos rapports avec les
autres et non l’inverse. Aussi est-ce avant tout la réconciliation avec soi-
même qui soulagera. Pour bien vivre la solitude, il est indispensable d’avoir
une bonne relation avec soi-même.
Des conflits intérieurs
Souvent la solitude s’accompagne du sentiment d’ennui ou d’inutilité.
Personne à qui parler. Rien à faire, sinon ressasser le passé. Mais qui nous
empêche de lire, écrire, sortir, voir du monde, sinon nous-même ?
Parmi ceux qui se sentent rejetés, non intégrés, délaissés, combien ont
effectivement été exclus ? N’est-ce pas plutôt parce qu’ils souffrent de
solitude qu’ils décident de se replier sur eux-mêmes, évitent de sortir et
ruminent sans parvenir à sortir de leur état ?
Quand un jeune amoureux est éconduit, qui peut le consoler ? Ne se
retrouve-t-il pas seul au monde ? Voit-il tous ceux qui l’entourent, l’aiment
et pourraient le soulager ? Mais veut-il être soulagé ?
La solitude est avant tout une expérience subjective qui n’est pas
directement liée aux facteurs extérieurs, mais dépend au contraire pour
beaucoup de l’interprétation que la personne se fait de la situation, de la
compréhension qu’elle en a. La solitude est donc le résultat de processus
psychiques spécifiques qui conduisent à provoquer ce sentiment dans
certaines situations. Dans ce modèle, ce sont les préjugés négatifs sur soi ou
les autres, les croyances fondées sur des expériences passées et inadaptées à
la réalité d’aujourd’hui, les attitudes réflexes d’évitement ou de retrait
social qui favorisent l’isolement.
Si la solitude est une problématique qui touche directement l’individu
dans les rapports qu’il entretient avec lui-même avant de concerner la
relation à l’autre, quelles sont les particularités psychiques des personnes
qui en souffrent ?
Retrouve-t-on des traits de caractère, des particularités individuelles qui
prédisposeraient à souffrir de la solitude ? Comment réagissent les
personnes confrontées à la solitude ? Quelles stratégies déploient-
elles habituellement ? Existe-t-il des troubles psychologiques favorisant
l’apparition du sentiment de solitude ?
Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre
maintenant.
Auparavant, je vous propose de prendre, si le cœur vous en dit, une
feuille et d’inscrire ce que vous ressentez quand vous êtes seul. Posez-vous
et prenez le temps de réfléchir avant d’écrire. Essayez de noter l’état
émotionnel dans lequel vous vous trouvez dans les moments de solitude, ce
que vous ressentez au fond de vous. Puis inscrivez les pensées qui
accompagnent cet état. Ce que vous pensez de vous, de la situation, du
monde, des autres. Notez tout cela sans retenue, comme cela vous vient.
Enfin, notez ce que vous faites, votre comportement, les actions que vous
menez quand vous êtes seul(e).
Voilà, maintenant, reprenons où nous en étions.
Émotions
Que se passe-t-il exactement quand on souffre d’être seul ? Cela arrive à
chacun au cours d’une semaine ou d’une journée. Parfois, cette situation
déclenche une série de mécanismes psychiques et physiologiques réflexes,
qui font souffrir et empêchent de profiter de ce moment pour se détendre ou
faire ce qu’on a toujours envie de faire, sans jamais en trouver le temps,
faute justement, d’être seul. J’emploie le terme de réflexe, car il s’agit de
processus automatiques (images mentales, pensées, comportements) qui
s’imposent à l’individu.
Avant de détailler plus avant ce mécanisme, faisons un détour bref, mais
utile, par quelques principes de psychologie comportementale et cognitive
sur les émotions et les croyances qui nous animent dans notre vie
quotidienne.
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Une émotion est une réaction innée et involontaire de tout notre
organisme, tant au niveau physiologique, comportemental que cognitif, face
à un événement. D’apparition brutale, plus ou moins intense selon les
situations, sa durée est brève, de quelques secondes à quelques heures.
Quand l’état émotionnel se prolonge, on évoque plus volontiers le terme de
sentiment ou d’humeur. On décrit classiquement six émotions
fondamentales (la peur, la colère, le dégoût, la tristesse, la surprise et la
joie).
Les émotions ont une valeur adaptative en jouant un rôle dans la survie
des espèces et une fonction motivationnelle en nous faisant réagir face à
l’environnement. Il n’en demeure pas moins qu’une émotion peut perdre
cette valeur adaptative si elle est trop intense, se déclenche inopinément ou
est mal comprise.
Ces « ratés émotionnels » s’expliquent en partie par le fait que
l’émotion comporte trois composants : physiologique, comportemental et
cognitif. Le premier est un réflexe physiologique qui se manifeste par des
signes physiques, des modifications physiologiques. Par exemple, dans le
cas de la peur, il correspond à la libération d’adrénaline, et s’associe alors à
une activation du système cardio-respiratoire, l’apparition de sueur et une
contraction des muscles volontaires. Le second découle d’une activation de
comportements réflexes innés qui permet de se protéger ou se défendre
contre le danger perçu. Le dernier composant correspond au traitement
cognitif de l’information et fait appel à des processus psychiques
automatiques, inconscients et rapides (qui ne nécessitent pas d’effort de
réflexion) et nous propose une interprétation de la situation sous la forme
d’une pensée ou d’une image mentale censée traduire ce que l’on ressent :
je suis en danger, il va m’agresser.
Les émotions ont une fonction

ÉMOTIONS RÉPONSE AUTOMATIQUE FONCTION


Peur Réponse à un danger réel ou présumé, à Permet de se
la nouveauté et l’inconnu préparer,
d’anticiper pour se
défendre, se
protéger
Tristesse Réponse à une douleur, une perte, Permet de se
une séparation recentrer sur soi-
même dans une
situation de
changement
Dégoût Réponse à quelque chose de répugnant, Permet de prendre
de sale, nauséabond, d’immoral, de la distance, de
d’insupportable, qui heurte nos valeurs partir pour se
protéger
Colère Réponse à une agression, un sentiment Permet de
d’injustice, à un refus, une frustration s’affirmer, se
défendre, marquer
ses limites
ÉMOTIONS RÉPONSE AUTOMATIQUE FONCTION
Surprise Réponse à quelque chose d’inattendu, Permet de rester
d’inimaginable, d’imprévisible vigilant, attentif,
afin de mieux
appréhender la
situation
Joie Réponse à une situation d’amour, de Permet de partager,
bien-être, de complicité, d’échange, d’avoir une bonne
d’épanouissement personnel, image de soi,
d’appartenance à un groupe d’appréhender la
vie positivement
En ce sens, nous pouvons dire que l’émotion correspond à une
évaluation cognitive : nous ne sommes pas émus par les événements eux-
mêmes, mais par l’interprétation que nous en avons par le biais de nos
pensées automatiques.
Ce qui signifie que le déclenchement réflexe d’une réaction
physiologique face à une situation donnée serait fonction de notre espèce, la
compréhension de cette situation (la situation + la réaction physique)
fonction de notre histoire personnelle.
Certaines de nos pensées ne sont que des réflexes
On aurait tendance à croire que nos pensées sont plus sensées, plus
justes, plus logiques que nos comportements ou nos réactions physiques,
mais ce n’est pas systématiquement le cas. Nos pensées ne sont pas toutes
le fruit d’un travail de réflexion intellectuelle, la plupart sont simplement
automatiques, comme d’ailleurs beaucoup de nos comportements.
Quand nous éprouvons une émotion, nos pensées traduisent la synthèse
de nos sensations physiques, de notre comportement automatique et de nos
croyances sur la situation, elles-mêmes fonction de notre expérience
personnelle. Ainsi, face à des sensations physiques réactionnelles, comme
des palpitations cardiaques ou des sueurs, nous appliquons
automatiquement, sans réfléchir, une étiquette (joie, dégoût, tristesse, peur,
surprise, colère…) qui varie selon notre évaluation automatique de la
situation. Ces pensées sont le reflet de notre état émotionnel, plus que de la
situation, elles témoignent de notre réalité intérieure et non de la réalité
extérieure.
Prenons l’exemple d’une personne qui vient de subir une séparation
affective. Selon l’émotion ressentie, le sentiment de solitude qui résulte de
cette situation est intégré différemment.
C’est pourquoi plus une situation provoque en nous une émotion
intense, plus la compréhension que l’on aura de cette situation sera réflexe,
c’est-à-dire fonction de processus cognitifs inconscients qui dépendent de
notre expérience et de caractéristiques innées, et non pas des éléments
constitutifs de la situation actuelle. Inversement, moins une situation nous
fait réagir et plus on est apte à porter un regard critique et juste dessus.
Interprétations possibles d’une rupture affective en fonction des émotions

ÉMOTION INITIALE VÉCU DE LA SITUATION


Surprise Incompréhension
Tristesse Impuissance
Colère Injustice
Joie Liberté
Dégoût Trahison
Peur Abandon
Par ailleurs, sur le point précis de la solitude, l’évaluation cognitive
secondaire ne fait que confirmer les pensées automatiques. L’épreuve de la
réalité, au cours de laquelle nos pensées automatiques se confrontent à la
réalité, ne permet pas de modifier nos croyances justement parce que nous
sommes seuls et qu’il n’existe donc pas de possibilité d’échange critique.
Quand un bruit violent nous surprend ou nous fait peur, après avoir sursauté
par réflexe et imaginé un accident grave de manière automatique, nous
regardons dans la direction du bruit pour vérifier si nos prédictions sont
vraies ou non et, en fonction, nous corrigeons notre lecture de la situation.
Mais, en ce qui concerne notre solitude, aucune information extérieure ne
vient infirmer nos pensées automatiques. Si je pense « je suis seul parce que
je ne vaux rien et personne ne s’intéresse à moi », le fait d’être seul
confirme cette croyance même si elle est fausse. Il faudrait qu’une personne
par hasard m’appelle à ce moment-là pour que je porte un regard critique
sur mes pensées automatiques.
Nos convictions sont parfois néfastes
« J’ai compris à travers la thérapie que ma vie s’organisait autour de croyances menaçantes qui
m’empêchaient d’apprécier le monde tel qu’il était. »

« C’est incroyable, quand on est convaincu de quelque chose, à quel point nous ne percevons pas,
nous n’entendons pas tout ce qui pourrait remettre en cause cette croyance. »
D’après la théorie cognitive, la survenue de symptômes psychiatriques
résulte de la réactivation de schémas qui provoquent des jugements biaisés
et des erreurs de raisonnement dans certaines situations et induisent ensuite
des comportements et des émotions inadaptés.
Les schémas sont nos croyances profondes, acquises au cours de notre
plus tendre enfance, sur nous-même et sur le monde. Ces schémas se
construisent au cours des premières années de la vie et permettent à l’enfant
de donner un sens à ce qu’il vit, de comprendre le monde dans lequel il
évolue et de s’y adapter au mieux. Il acquiert ainsi, en fonction des
situations auxquelles il est confronté, de son caractère et de la réaction de
ses proches, une représentation personnelle, subjective des situations
émotionnelles qu’il traverse. Ces schémas précoces lui permettent de
s’adapter à l’univers dans lequel il évolue, de prévoir l’attitude de ses
parents, de répondre au mieux aux stimulations environnementales. Ils
s’activent ensuite dès qu’une situation similaire se présente et orientent la
façon dont l’enfant percevra son environnement.
Pour rendre compte de la répétition de comportements pathologiques
chez l’adulte, Jeffrey Young propose comme hypothèse l’existence de
schémas précoces inadaptés.
Les schémas se construisent à partir de trois éléments distincts :
les besoins émotionnels de base non comblés : sécurité de base,
autonomie, limites réalistes, amour, estime de soi…
les expériences précoces de vie négatives : traumatisme, abus,
maltraitance…
le tempérament émotionnel, qui est inné : passif, timide agressif,
distractif, anxieux…

Lorsque le climat familial et l’environnement social n’assurent pas les


besoins affectifs élémentaires, indispensables au développement psychique
équilibré, cela conduit à deux écueils en particulier :

l’enfant apprend des choses fausses sur lui-même et, adulte, il


pourra avoir des rapports pathologiques avec lui-même, comme une
mauvaise estime de soi et une méconnaissance de ses propres
émotions. Ces troubles sont d’ailleurs souvent à l’origine du sentiment
de solitude chronique ;
l’enfant apprend des principes, des règles de vie intrafamiliale qui
ne sont pas en adéquation avec les valeurs culturelles du monde dans
lequel il vit, de sorte qu’ensuite sa relation aux autres sera perturbée.
N’ayant pas, adulte, les bonnes références, il aura de grandes
difficultés à s’adapter socialement. Certains troubles relationnels
s’expliquent ainsi par un manque d’habiletés sociales, et conduisent à
des relations affectives instables et conflictuelles.

Bien évidemment, tout n’est pas exclusivement lié à l’éducation et au


milieu dans lequel l’enfant évolue. Le tempérament de chacun module tout
cela. Mais il est certain que les schémas mis en place au cours de l’enfance
ont un impact majeur sur la manière dont un individu donné organise
ensuite sa vie.
Les besoins fondamentaux
Besoin d’amour : être aimé inconditionnellement, aimer ses proches.
Besoin de relations interpersonnelles : parler, échanger, se confier,
partager.
Besoin de sécurité : être protégé physiquement et psychiquement, sentir
autour de soi une stabilité et des limites réalistes.
Besoin d’identité : être progressivement responsabilisé, éveillé et
accompagné dans le développement de sa curiosité, pouvoir se réaliser.
Besoin d’estime de soi : être valorisé, compris, entendu.
J. Young nomme ces processus psychiques « schémas précoces
inadaptés » : ils s’installent tôt dans l’enfance à partir d’expériences
émotionnelles essentiellement liées au contexte familial. Ils sont donc
adaptés à une situation spécifique à un moment précis de l’enfance, mais
deviennent le plus souvent inadaptés quand ils se généralisent à la vie en
société. Plus le fonctionnement familial est pathologique, plus l’enfant pour
s’y adapter apprend à fonctionner de manière pathologique. Chaque trouble
de la personnalité repose sur un ensemble spécifique de croyances
construites à partir de ces schémas précoces.
De nombreux comportements inadaptés chez l’adulte se développent
donc en réponse à des schémas précoces constitués de souvenirs, émotions,
pensées et sensations corporelles survenus au cours de l’enfance. Ces
schémas sont à l’origine de scénarios de vie qui conditionnent l’individu à
reproduire ce qu’il a vécu dans son enfance, à répéter sans cesse les mêmes
erreurs. C’est le « retour du même » dans une vie qui signe la présence d’un
schéma précoce inadapté. Comme le décrit si bien Jean Cottraux : « Le
sujet semble pris dans un scénario de vie, à son insu, dans lequel il est
condamné à rejouer toujours le même rôle, quoi qu’il arrive, à faire toujours
les mêmes erreurs. »
J. Young décrit onze schémas précoces inadaptés. Face aux schémas,
trois comportements se dégagent :

la capitulation : on pense, ressent et réagit selon le schéma. En


agissant ainsi on ne change pas, on reproduit et on subit les mêmes
échecs sans espoir d’évoluer ;
la contre-attaque : on le refuse, on fait l’inverse. Mais cela
empêche d’être authentique avec soi-même et oblige à être
constamment vigilant ;
la fuite : on ne s’y confronte pas, on l’évite, on le nie. Cette attitude
soulage à court terme, mais fuir équivaut à renoncer à ses émotions et
éloigne également de soi-même.

Il est très important d’intégrer que, quelle que soit l’attitude choisie, in
fine, l’individu réagit en fonction du schéma qui organise son existence. Il
n’est pas libre d’être lui-même. Pour s’en libérer, il devra identifier ses
schémas et les affronter en acceptant de revenir sur des souvenirs d’enfance
pénibles, ceux au cours desquels ils ont pris forme. Cela afin de pouvoir
ensuite les critiquer, les remettre en cause et s’en affranchir.
Les 11 schémas précoces inadaptés

SCHÉMAS COMMENT ILS SE MANIFESTENT


Abandon/instabilité Impossibilité de faire confiance et de pouvoir
s’appuyer sur les autres, considérés comme
instables ou peu fiables
Méfiance/abus Conviction d’être maltraité, humilié, abusé
par l’entourage qui est perçu comme
intentionnellement malveillant
Exclusion Le sujet s’attend à être rejeté, à ne pas
pouvoir s’intégrer, à établir des relations
sociales satisfaisantes
Manque affectif Certitude ne pas recevoir des autres le
soutien affectif nécessaire (manque d’apport
affectif, d’empathie, de protection…)
Imperfection/honte Croyance d’être imparfait, incapable,
mauvais, inférieur. Se manifeste par
susceptibilité extrême, honte de ses défauts,
difficulté à se révéler, à être authentique
Dépendance/ incompétence Conviction d’être incapable de s’assumer, de
faire face seul aux responsabilités
quotidiennes
Vulnérabilité Peur exagérée que survienne une catastrophe
inévitable (problème de santé, catastrophe
naturelle)…
Échec et mauvaise estime Conviction de ne pas pouvoir réussir, d’être
de soi stupide, sans talent et ignorant. Que la vie est
une succession d’échecs
Tout m’est dû/domination Besoin de faire passer ses droits personnels
sans prendre en considération les
conséquences pour les autres. Se manifeste
par des exigences élevées vis-à-vis des autres
et un manque d’empathie
Assujettissement/abnégation Comportement, expression émotionnelle et
de soi décisions totalement soumis aux autres pour
éviter conflits, rejet et abandon. Colère et
rancœur contenue en contrepartie
Idéaux exigeants Conviction que l’on doit s’efforcer
d’atteindre et de maintenir un niveau de
perfection dans son comportement pour être
apprécié. Perfectionnisme, règles de vie
rigides, préoccupation constante de temps et
d’efficacité
D’après J. E. Young et J. S. Klosko, Je réinvente ma vie, Paris,
Éditions de l’homme, 1995.
Ces schémas permettent également de mieux comprendre les différents
types de solitude.
Les schémas exclusion et exigence élevée expliquent en partie la
solitude sociale. Les schémas abandon, méfiance et abus, ainsi que manque
affectif conduisent souvent à une solitude affective. La solitude intérieure
est plutôt en rapport avec les schémas imperfection, échec et abnégation de
soi.
Sentiments
La solitude est souvent décrite en psychologie comme une expérience
pénible, désagréable, résultant d’une relation sociale ou affective
insatisfaisante. Ces deux dimensions se retrouvent dans l’état émotionnel
des personnes qui souffrent de solitude chronique.
D’une part, elles sont déçues de ce que les autres peuvent et ne peuvent
pas leur offrir, mécontentes de leurs relations et éprouvent la désagréable
sensation d’insatisfaction relationnelle avec l’impression de ne pas être en
phase avec les autres, de ne pas pouvoir s’intégrer, mais aussi d’être mal
aimées, ou rejetées. Elles souffrent de ne pouvoir communiquer librement,
ouvertement et de ne pas établir de liens intimes, ce qui les invite à croire
qu’il n’est pas possible d’avoir une relation intime et empathique. Déçues
de ne pouvoir partager ce qu’elles ressentent, ce qu’elles vivent, elles
limitent progressivement les échanges, perçus comme inutiles et
superficiels, ce qui a pour conséquence d’augmenter leur isolement. Par
ailleurs, pour ne pas se montrer sous un jour défavorable, par crainte
d’exprimer leur monde intérieur, par pudeur aussi, elles refusent d’évoquer
leur mal-être et tentent même de le cacher pensant que socialement il n’est
pas acceptable de se plaindre d’être seul. Tous ces éléments favorisent
l’insatisfaction sociale et affective qui se révèle d’autant plus forte et
douloureuse que la personne seule est le plus souvent convaincue qu’il
suffirait de la présence de quelqu’un auprès d’elle pour se sentir comblée et
ne plus souffrir.
En outre, de nombreuses études montrent que les personnes qui
souffrent de solitude chronique présentent un déficit en habiletés sociales.
Timides ou mal à l’aise sinon anxieuses en situation sociale, elles évitent les
contacts sociaux par crainte d’être ridicules, de déranger ou d’être rejetées.
Cette anxiété sociale augmente le sentiment de solitude à double titre :
l’autre apparaît comme inaccessible et menaçant, et le sujet en détresse ne
peut que compter sur lui-même.
D’autre part, certaines personnes décrivent lorsqu’elles sont seules un
état émotionnel proche de celui rencontré dans la dépression,
s’accompagnant d’une diminution globale des affects, d’un sentiment de
vide intérieur, d’inutilité, de lassitude et parfois de tristesse. Cet état a pour
conséquence une démotivation et un abattement qui réduisent l’activité,
favorisent les ruminations et suscitent une vision critique, pessimiste et
cynique de la vie, du monde et de soi-même, ce qui amplifie le sentiment de
solitude. Souvent, les personnes se sentent perdues, sans avenir, sans but,
vides et angoissées et ne comprennent pas leur douleur. Elles ont le
sentiment de ne pas contrôler leurs émotions et s’en veulent de réagir ainsi,
éprouvant parfois une colère intérieure. Certains se réfugient dans les rêves,
le sommeil, l’alcool ou les drogues, pensent à la mort, au suicide.
En bref, l’état émotionnel est décrit comme pénible, douloureux, qui
assiège et empêche de réagir. Très souvent, il s’appuie sur une anxiété
sociale qui limite les échanges, la possibilité d’aller vers l’autre, majore
l’isolement et induit une déception relationnelle.
Nous verrons par la suite qu’à ces émotions s’ajoute très souvent une
baisse de l’estime de soi qui augmente la souffrance et « justifie » en
quelque sorte la situation de solitude : « Je suis si médiocre et si peu attirant
qu’il est normal que personne ne s’intéresse à moi et que je reste seul. »
Les principaux sentiments qui accompagnent l’expérience de la solitude
sont l’insatisfaction relationnelle, l’impuissance, la tristesse et le sentiment
de ne pas avoir de valeur.
En revanche, il est important de souligner que l’état émotionnel décrit
ci-dessus correspond à une forme plutôt sévère de solitude. L’intensité
émotionnelle n’est pas toujours aussi forte. Weiss a souligné combien la
charge émotionnelle varie en fonction de la nature de la solitude : la
solitude sociale s’accompagne plutôt d’un sentiment d’ennui et d’exclusion
alors que la solitude affective réactive le sentiment d’abandon et l’angoisse.
Pensées
Différentes études ont révélé que les personnes seules ont des pensées,
des croyances sur elles-mêmes, ou sur les autres, qui les prédisposent à
rester seules.
1. Elles interprètent certains faits de façon erronée et ont tendance à
percevoir les autres comme menaçants, rejetants ou distants. Différentes
études suggèrent que, sans présenter d’anxiété sociale à proprement parler,
elles adoptent une attitude pessimiste, négative vis-à-vis des situations
sociales, où elles s’attendent à être rejetées, ce qui empêche la formation de
nouvelles relations. Par ailleurs, leurs perceptions sociales semblent
biaisées négativement par une attention sélective pour les informations
négatives sur elles-mêmes.
Une conviction importante et fréquente chez les personnes seules : elles s’attendent à être rejetées
par les autres.
2. Elles présentent des pensées autocentrées qui perturbent la relation et
les rendent moins disponibles pour leur interlocuteur. Seules chez elles,
elles pensent plus à leurs problèmes qu’à ceux de leurs proches. Elles
s’interrogent sur les raisons de leur situation, ce qu’elles ont fait et
n’auraient pas dû faire, sur l’image qu’elles donnent, mais ne se
préoccupent pas ou peu des autres.
3. Une autre catégorie de cognitions dans la solitude provient des
troubles de l’estime de soi. Beaucoup de personnes restent seules parce
qu’elles se perçoivent comme sans valeur, stupides, inutiles, peu attrayantes
ou comme n’étant pas en mesure d’offrir quoi que ce soit d’important aux
autres. Cela les conduit à éviter les contacts sociaux. Leur détresse est
d’autant plus grande qu’elles n’osent se confier, exprimer leurs émotions
par crainte d’être ridicules ou rejetées.
La faible estime de soi pourrait être à la fois une cause et une
conséquence de la solitude.
Les personnes seules pensent souvent…
Je n’intéresse personne.
Je n’ai aucune importance pour les autres.
Je finirai seul.
Je ne peux pas changer, je suis prisonnier.
Je ne mérite pas d’être aimé.
Je vais être rejeté.
Je ne vaux rien.
Je suis incapable de me débrouiller seul.
Je ne suis pas attirant, attrayant.
Je suis un handicapé social.
Je n’ai rien à apporter aux autres.
Je ne sais pas quoi dire aux autres.
Je vais déranger.
Chacun sa vie, chacun ses problèmes.
Les gens sont égoïstes.
Les gens n’aiment pas les gens à problèmes.
Les gens seuls font peur.
Personne ne m’aime.
Les gens sont distants et égoïstes.
Dans ce monde, il n’y a pas d’amour.
Quoi que l’on fasse on est toujours seul.
Je ne supporte pas d’être seul.
La solitude est insupportable.
La solitude me fait peur.
La vie n’a pas de sens.
La vie n’est qu’une suite d’efforts inutiles.
4. La plupart des personnes seules se sentent incapables de sortir de leur
solitude, pensent ne pas posséder les ressources nécessaires, ne pas avoir les
moyens de changer cette situation qu’elles subissent. Ces croyances
expliquent en grande partie le sentiment d’impuissance face à la solitude et
l’impression d’irrémédiable, de définitif donnée à cette expérience. Le
concept de l’« impuissance apprise » a été suggéré par L. Horowitz,
C. Anderson et coll. pour expliquer ces cognitions. L’impuissance apprise,
définie comme la conséquence négative d’échecs successifs, entraîne
l’abandon des efforts : le sujet observant que ses efforts n’ont aucun impact
sur les événements en déduit qu’il n’a aucun contrôle sur eux, il se
démotive et n’entreprend plus rien. Certains sont persuadés que leurs
problèmes relationnels expliquent leur solitude et sont inéluctables, liés à
une disposition particulière de leur tempérament. Certains pensent même
qu’« ils sont faits pour vivre seuls » et n’envisagent pas la solitude comme
une étape à passer mais comme irrémédiable.
Ceci pourrait expliquer en partie la distinction entre solitude temporaire
et solitude chronique. La conviction que l’on est prédéterminé à vivre seul
est un facteur de maintien de la solitude car elle affecte la motivation et les
capacités d’interactions sociales. Une personne qui se retrouve seule après
une rupture sentimentale ne sollicite pas ses amis et ne cherche pas à nouer
de nouveaux contacts si elle est convaincue que cela ne sert à rien et qu’elle
restera seule, comportement qui a pour conséquence de faire perdurer la
situation.
5. De nombreuses personnes seules sont convaincues qu’elles ne
contrôlent pas leur vie, que celle-ci dépend de facteurs externes sur lesquels
elles n’ont pas de moyen d’action. Ce sentiment de perte de contrôle de sa
vie est lié à la notion de « lieu de contrôle ». Ce concept développé par
B. Rotter (1966) définit le mode de pensée, la croyance de chacun sur la
contrôlabilité perçue des événements : soit les événements dépendent de
facteurs externes tels que la chance, le hasard, le destin, Dieu, autrui… (lieu
de contrôle externe), soit ils sont relatifs à des facteurs internes, à certaines
caractéristiques personnelles comme les compétences, les habiletés, la
confiance en soi, l’aisance personnelle… (contrôle interne). Or beaucoup de
personnes qui souffrent de solitude chronique ont un lieu de contrôle
externe et une tendance à croire que les événements qui pourraient les sortir
de leur solitude ne dépendent pas d’elles. Elles sont dans l’attente d’une
modification environnementale fortuite, mais n’initient rien qui pourrait
aller dans ce sens. Elles se sentent aussi coupables d’être dans cette
situation et présentent ce que l’on nomme une attribution causale interne
négative, c’est-à-dire une tendance à s’attribuer les échecs et à attribuer à
l’extérieur la réussite.
Attention aux attentes excessives
Très souvent, les personnes seules, convaincues qu’elles sont
incapables de sortir de leur solitude par elles-mêmes, exigent des autres
une aide providentielle et leur reprochent d’être égoïstes quand ils ne
prennent pas en compte leur détresse. Il n’est pas rare qu’elles se mettent
alors en rupture, créant ainsi un chantage affectif qui réactive le sentiment
de solitude et d’abandon si l’autre refuse cette relation de dépendance.
Des réactions pas toujours appropriées
Les personnes seules adoptent donc plutôt une attitude passive pour
gérer leur solitude et déploient peu ou pas de stratégies pour changer.
Simple exemple, si elles attendent un coup de téléphone, elles ne se
décident pas pour autant à appeler elles-mêmes…
En revanche, elles peuvent imposer aux autres de résoudre leurs
problèmes, les rendre responsables de leurs difficultés, exiger une aide sans
réserve, comportements qui suscitent le rejet et conduisent inévitablement à
des tensions relationnelles, des conflits, lesquels renforcent à leur tour le
sentiment de solitude.
Pour mieux saisir comment chacun réagit quand il se retrouve seul, il est
utile de revoir quelques notions élémentaires sur les stratégies d’ajustement
ou d’adaptation pour faire face aux situations stressantes ou aversives.
Lorsque l’on est angoissé seul chez soi, on peut se laisser aller à rêver,
pleurer et rester ainsi prostré sur son lit. On peut aussi penser à ce que l’on a
à faire pour le lendemain, se détendre et appeler un ami. En fonction de
l’attitude adoptée, le retentissement émotionnel, le vécu de la solitude sont
différents.
Lorsque nous sommes confrontés à des événements stressants, nous
réagissons pour faire face (to cope, en anglais), pour nous adapter à cette
situation, chacun à notre manière, selon notre style, en fonction de notre
expérience, de notre personnalité et de la situation stressante. Nous mettons
alors en place ce que l’on nomme des stratégies d’adaptation ou coping. Il
peut s’agir de processus mentaux (évaluation de la situation-problème,
interrogations sur les mesures à prendre…), d’affects (expression ou
répression des émotions…) ou de processus comportementaux (recherche
d’aide, activité physique…).
Le coping a pour fonction de permettre à l’individu de maîtriser, réduire
ou supporter les perturbations induites par une situation stressante, les
variations de l’environnement évaluées comme menaçantes. Selon
S. Lazarus, le coping a deux fonctions principales : permettre de modifier le
problème à l’origine du stress et réguler les réponses émotionnelles
associées. Aussi propose-t-il deux catégories de stratégie de coping : l’une
centrée sur le problème, l’autre centrée sur les émotions.
Le coping centré sur le problème
Cette stratégie vise à réduire les exigences de la situation et/ou à
augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face. Elle comprend
deux sous-facteurs : la résolution du problème (recherche d’informations,
élaboration de plans d’action) et l’affrontement de la situation (efforts et
actions directs pour modifier le problème).
Le coping centré sur l’émotion
Il vise à gérer les réponses émotionnelles induites par la situation. La
régulation des émotions peut se faire de diverses façons (émotionnelle,
physiologique, cognitive, comportementale). Il existe beaucoup de réponses
appartenant à cette catégorie : consommer des substances (alcool, tabac,
drogues), s’engager dans diverses activités distrayantes (exercice physique,
lecture, télévision…), se sentir responsable (autoaccusation), exprimer ses
émotions (colère, anxiété…), modifier sa manière d’appréhender la
situation, maîtriser ses émotions.
Un coping centré sur le problème n’est vraiment efficace que si la
situation est contrôlable. Face à un événement incontrôlable, les efforts
répétés du sujet sont inutiles et épuisants et une stratégie émotionnelle
évitante (distraction) peut s’avérer plus adaptée (elle protège l’estime de soi
et permet de ne pas être submergé par la détresse même si elle n’a aucune
action sur la situation). Il n’y a donc pas de bonnes ou de mauvaises
stratégies de coping. Une stratégie de coping est considérée comme efficace
(ou adéquate) si elle permet à l’individu de maîtriser la situation stressante
ou de diminuer son impact sur son bien-être physique et psychique.
Selon les chercheurs, les conclusions varient en fonction de la
distinction entre coping actif et coping évitant ou coping centré sur le
problème et coping centré sur les émotions. Ainsi, rester seul chez soi à
réfléchir et penser à son problème de solitude peut être compris comme une
attitude passive évitante qui ne permet pas de sortir de la solitude, mais peut
aussi être interprété comme un moyen d’introspection et de remise en cause
de soi-même pour changer et donc comme un coping centré sur le
problème. En revanche, l’idée générale qui se dégage de ces études est
double : d’abord selon les situations considérées, il existe des stratégies de
coping particulièrement efficaces et d’autres qui le sont moins et
entretiennent le problème, ensuite la recherche de soutien social est une
véritable stratégie, efficace, pour sortir de la solitude.
Les stratégies de coping dont on dispose pour gérer la solitude sont
comparables à celles utilisées pour les autres situations stressantes. Mais les
personnes qui souffrent de solitude tendent à employer plus spécifiquement
des stratégies inadaptées qui ont tendance à renforcer la solitude et le vécu
douloureux qui y est associé.
Les principales stratégies de coping
1. L’attitude de foi : mettre sa confiance en Dieu, en une autre personne
ou dans une institution.
2. Recherche d’aide : s’adresser à des personnes qui peuvent
réconforter ou aider à résoudre le problème.
3. Action rationnelle : agir « raisonnablement » en vue de résoudre le
problème (établir un planning, chercher des informations, etc.).
4. Attitude de défi face à l’adversité : redéfinir les priorités. Adopter
une nouvelle foi. Se mobiliser en prenant comme modèle d’autres
personnes qui sont ou ont été confrontées à la même expérience.
5. Expression des sentiments : trouver des occasions pour extérioriser
les émotions.
6. Adaptation de soi (self-adaptation) : apprendre de nouvelles
habiletés comportementales. Élaborer des compromis.
7. Humour : relativiser de façon amusante la situation.
8. Réserve (restraint) : résister à l’impulsion d’émettre des jugements
irréfléchis ou de prendre des décisions précipitées. Laisser la situation
« ouverte ».
9. Substitution : chercher des satisfactions dans d’autres domaines de
l’existence que celui où l’on est frustré.
10. Pensée positive : penser aux aspects positifs de la situation, à ses
bons côtés. Comprendre le point de vue des autres.
11. Persévérance : répéter les mêmes comportements, éventuellement
de façon plus énergique.
12. Intellectualisation : traiter le problème de façon abstraite et logique.
13. Sédation : se calmer grâce à des tranquillisants, de l’alcool, des
séances de relaxation ou de méditation.
14. Évitement : fuir ou éviter les situations susceptibles de causer du
stress.
15. Comparaison sociale : se consoler en comparant ses difficultés à
des difficultés pires rencontrées par d’autres personnes.
16. Distraction : chercher à songer à autre chose qu’au problème.
S’engager dans d’autres activités.
17. Fatalisme : attendre et voir venir. Accepter la situation comme
inévitable ou comme un destin.
18. Reproche à autrui : blâmer quelqu’un pour la situation endurée.
19. Oubli actif : chercher à chasser le problème de son esprit, refuser
d’y songer, vouloir l’oublier.
20. Repli : se détourner des autres et essayer de résoudre le problème
tout seul.
21. Évasion par la rêverie : se complaire dans des rêveries afin
d’oublier les difficultés ou de les voir sous un jour irréel.
22. Passivité : remettre à plus tard des décisions et des actions malgré
l’urgence de résoudre les problèmes. Se réfugier dans le sommeil.
23. Isolation de l’affect : réprimer les émotions suscitées. Simuler
l’indifférence.
24. Irréalisme (wishful thinking) : se contenter de souhaiter que le
problème disparaisse ou que la solution vienne sans rien faire.
25. Autoreproches : s’en prendre à soi-même. Éprouver de la
culpabilité. Chercher à se justifier.
26. Réaction hostile : devenir irritable ou agressif envers les autres.
27. Indécision : ruminer les problèmes sans prendre une décision.
D’après J. Van Rillaer, La Gestion de soi, Sprimont, Mardaga, 1992,
p. 74-75.
Même s’il n’existe pas à proprement parler de bonnes ou de mauvaises
stratégies de coping, nous observons que les dix premières décrites sont
efficaces dans un grand nombre de situations stressantes, contrairement aux
dernières (en particulier de 21 à 27) qui restent peu ou non appropriées pour
faire évoluer dans un sens positif les situations difficiles.
Trois grandes catégories de coping face à la
solitude
Attitude constructive positive (coping actif)
Cette attitude implique la mise en place d’une activité qui peut être
physique (sport, gymnastique, yoga…), manuelle (bricolage, cuisine,
rangement, couture…) ou bien intellectuelle (lecture, réflexion sur soi-
même…).
Cette stratégie a pour avantage de nous occuper l’esprit, changer les
idées, nous orienter vers l’action et moins vers les pensées (souvent
automatiques) qui nous tourmentent quand nous sommes seuls. Elle ne se
résume pas pour autant à une fuite en avant pour ne plus penser. Agir, c’est
aussi réaliser des projets, mettre en place des choses qui nous font plaisir,
avoir le sentiment d’exister et de se réaliser. Vous pouvez ainsi profiter des
moments de solitude pour faire ce que vous n’avez jamais le temps de faire
(lire, écouter de la musique, regarder un DVD), prendre soin de vous
(prendre un bain, faire de la relaxation), réaliser des rêves ou plus
simplement faire des choses utiles et nécessaires au quotidien comme
ranger, faire le ménage. Être actif, c’est pouvoir se fixer un objectif, se
projeter dans l’avenir, être en interaction avec son environnement, mobiliser
ses ressources, en vue de quelque chose. Et c’est justement ce mouvement
introduit par l’action, qui change nos pensées, et provoque en nous une
impression de mobilité qui nous détache du sentiment d’inertie et d’inutilité
associé à la solitude. En outre, l’objectif atteint apporte une satisfaction, un
bien-être.
Être actif, c’est aussi accepter que toute action garde son importance
même si elle ne paraît pas intéressante en tant que telle a priori. Souvent,
ceux qui souffrent de solitude préfèrent ne rien entreprendre plutôt que faire
des choses simples. Ils recherchent pour s’occuper des activités
extraordinaires, intéressantes, importantes, valorisantes. Pourtant, cirer ses
chaussures, ranger la cave, lire le mode d’emploi d’un nouvel appareil
ménager ont une valeur intrinsèque, sont des actes utiles et parfois
suffisants pour nous redonner du courage et initier d’autres actions plus
« enrichissantes ».
Mais l’attitude constructive positive, c’est aussi pouvoir réfléchir à sa
situation et entreprendre des actions pour changer, ne plus souffrir de la
solitude : par exemple, surfer sur Internet à la recherche d’informations,
mettre en place un planning pour ne pas être surpris par un emploi du temps
vide, prendre rendez-vous auprès d’un psychothérapeute… La liste est
illimitée : lire, écrire, travailler, bricoler, dessiner, peindre, cuisiner, écouter
ou jouer de la musique, ranger, sortir, marcher, faire du sport, aller au
cinéma, à une expo…
Les chercheurs considèrent que ce comportement est sain car il nous
aide à ne pas ruminer et nous permet d’avancer, d’avoir le sentiment
d’exister. En effet, les personnes qui réagissent ainsi souffrent peu de la
solitude ou de manière très ponctuelle. Pourtant les activités qu’elles
mettent en place sont souvent effectuées sans compagnie particulière : lire,
prendre un bain, méditer, bricoler sont des activités solitaires. Agir possède
donc plusieurs fonctions : se changer les idées, se sentir vivant et utile, se
faire plaisir, se réaliser, réfléchir sur soi-même pour évoluer… Agir permet
de ne plus attendre impatiemment que le temps passe et donne du sens à ce
que l’on vit.
Expression des émotions et recherche de soutien
relationnel
Cette catégorie comporte deux notions distinctes et pourtant liées :
d’une part la révélation de soi, l’expression de son ressenti, qui donne la
possibilité d’aborder des sujets intimes avec quelqu’un, de créer une
atmosphère de compréhension, une relation empathique et complice.
D’autre part, le fait de s’intégrer socialement, de participer à une activité
sociale, bavarder, prendre contact pour parler ou recevoir des informations,
des conseils, une aide pratique.
Les occasions et les moyens ne manquent pas. Écrire une lettre, un mail,
téléphoner, rendre visite, inviter chez soi, marcher dans la rue à la rencontre
d’inconnus…
L’expression des émotions permet de créer un lien singulier, intime avec
l’autre et de ce fait enrichit la relation, renforce le lien relationnel. En même
temps, parler de son ressenti libère, soulage. C’est d’ailleurs un grand
principe des psychothérapies. Pouvoir mettre des mots sur ce que l’on
ressent, nommer sa souffrance, la reconnaître et la définir atténuent la
charge émotionnelle, apaisent.
Cette stratégie dirigée vers le soutien social est bien sûr très profitable
car elle permet de rompre avec la solitude, tout en favorisant un échange
social ou affectif. D’ailleurs, pour certains spécialistes, l’être humain ne
pouvant survivre seul dans son environnement naturel, le sentiment de
solitude serait compris comme un phénomène motivationnel qui le
pousserait à aller vers les autres, à reprendre des contacts afin de le
protéger, de le mettre en sécurité. Ce mécanisme de rétroaction alerterait
l’individu de l’existence de lacunes dans ses relations sociales pour le faire
réagir et revenir au niveau social approprié.
Néanmoins, nos relations ne sont pas forcément disponibles quand nous
le souhaitons. Notre entourage ne peut pas être constamment à l’écoute de
nos problèmes et ne répond pas toujours à nos besoins de manière
satisfaisante. D’autant plus qu’une personne seule a tendance à se tourner
systématiquement vers les mêmes personnes. C’est pourquoi il importe de
développer son réseau relationnel. Si, malgré vos contacts sociaux, vous
continuez à souffrir de solitude, cela peut aussi signifier que vos relations
actuelles ne répondent pas à vos attentes, ne sont pas satisfaisantes. Alors il
ne faut pas hésiter à faire de nouvelles rencontres. Par ailleurs, même
lorsque l’on souffre, nulle nécessité de se concentrer uniquement sur les
amis très intimes : des relations sociales plus superficielles peuvent aussi
être très agréables et apporter beaucoup de réconfort.
Cette stratégie d’ajustement suppose un peu de légèreté relationnelle,
accepter de sortir pour le plaisir de sortir, être moins exigeant dans les
rapports humains, ne pas attendre de l’autre plus qu’il ne peut réellement
apporter, apprendre à le découvrir sans préjugés.
Rumination et attitude passive évitante (coping
passif)
Cette catégorie de comportement face à la solitude ne permet en général
pas, on s’en doute, de sortir de sa détresse, elle tend même plutôt à la
renforcer.
Les ruminations correspondent à des pensées angoissantes plus ou
moins obsédantes qui portent sur les causes de la solitude, le mal-être
présent, ou les conséquences négatives. Allongées sur leur lit, assises sur
une chaise la tête entre les mains, les personnes seules qui pensent à leur
situation essaient vainement de comprendre comment elles en sont arrivées
là, déroulent leur vie dans l’espoir de saisir une explication à leur détresse.
Elles réinventent leur histoire, imaginent ce qu’elles auraient pu faire si tout
avait été différent, rêvent d’une autre vie… Ces réflexions, utiles
éventuellement dans un premier temps pour comprendre et s’adapter à une
situation, deviennent vite stériles si elles ne débouchent pas sur des actes
pratiques. On peut ainsi ressasser une séparation, s’autoaccuser, penser au
sentiment de vide qui nous habite, à notre incapacité à gérer la rupture, ou
s’imaginer restant définitivement seul à l’écart des autres, sans personne à
ses côtés. Tout cela ne changera rien à la situation, ne soulagera pas et
n’aidera aucunement au quotidien. En revanche, au sentiment de culpabilité
s’associera celui d’impuissance si s’impose l’idée que celui ou celle qui est
parti(e) était l’unique personne qui aurait pu nous rendre heureux, nous
aider, nous sauver.
Toutes ces ruminations accaparent et empêchent d’agir. De fait,
beaucoup de personnes seules ne font rien. Or l’inactivité et l’attente
passive favorisent la dépendance à l’environnement sur lequel on suppose
ne pas avoir de contrôle et dont on attend tout. Et si l’aide extérieure tant
attendue ne vient pas, le mal-être intérieur peut alors se transformer en
agressivité envers la société ou les autres considérés comme indifférents
sinon responsables. Des projets de vengeance et de puissance s’élaborent
parfois. Tous ces phénomènes induisent une marginalisation, des
comportements agressifs ou hostiles, des difficultés d’intégration qui
majorent le sentiment de rejet.
Dépression ou solitude ?
La solitude chronique et la dépression partagent un certain nombre de
caractéristiques (repli sur soi, sentiment d’inutilité, apathie, démotivation,
sentiment de vide, tristesse, idées suicidaires…) et pourtant ces deux états
ne sont pas identiques. Comment différencier l’une de l’autre ? Les
sentiments de culpabilité, de honte mais aussi l’irritabilité sont plus
souvent associés à la dépression qu’à la solitude. Par ailleurs, dans la
dépression, la colère et le mécontentement portent sur la vie de la
personne, tandis que dans la solitude l’insatisfaction et le mécontentement
ont plutôt trait à la vie sociale. La présence de symptômes neurovégétatifs
et de plaintes physiques oriente également plutôt vers un diagnostic de
dépression. Enfin, la consommation d’alcool ou la présence d’autres
troubles addictifs doit faire rechercher une dépression associée à l’état de
solitude.
Enfin, retenons l’existence d’autres stratégies dans cette catégorie de
coping passif évitant. Ce sont celles qui visent à chasser le mal-être par la
recherche de plaisirs immédiats. Il peut s’agir de la consommation de
substances (alcool, aliments, psychotropes…), mais aussi de la pratique
d’activités procurant un plaisir immédiat conduisant à des comportements
compulsifs (sexualité, achat, jeux…). Tous ces comportements conduisent,
à plus ou moins brève échéance, à des addictions qui coupent
progressivement les personnes de leur environnement social.
Une incapacité à faire appel aux autres
Ce qui apparaît déterminant dans le devenir du sentiment de solitude
chez les uns ou les autres, ce n’est pas tant la stratégie initiale utilisée en
réaction à un événement vécu comme douloureux que l’incapacité à
modifier secondairement un comportement qui n’apporte pas de
soulagement – notamment l’absence régulière de la stratégie « recherche de
soutien et d’aide extérieure ». Un peu comme si le coping « expression des
émotions et demande de soutien social » ne se déclenchait pas.
Ceci explique que les personnes souffrant de solitude sont parfois
paradoxalement bien entourées socialement. Mais, face à une difficulté,
elles n’envisagent pas la recherche de soutien social et pensent devoir
résoudre leurs problèmes seules. D’autre part, elles se satisfont de souhaits
imaginaires, restent dans l’attente que les choses évoluent comme elles le
souhaitent intérieurement, sans mettre en place les actions pour y parvenir,
sans tenir compte des éléments de réalité. Finalement ce n’est pas tant le
déficit de relations sociales qui détermine le sentiment de solitude que la
difficulté à faire appel aux autres en cas de détresse.
Les personnes qui souffrent de solitude présentent
souvent :
– une incapacité à aller vers l’autre et à demander du soutien quand
elles sont en difficulté ;
– une tendance à éviter d’affronter la situation-problème dans l’espoir
que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes.
Pourquoi les personnes seules ne font pas appel aux autres ? Plusieurs
explications sont possibles.
D’abord, elles ne réalisent pas que parler à quelqu’un peut modifier la
perception d’une situation, changer les préjugés, aider à trouver des
solutions et surtout qu’exprimer ses émotions a une fonction libératrice.
Ensuite, elles n’osent pas le faire par gêne, peur d’être rejetées ou par
crainte d’ennuyer les autres, n’ayant pas conscience que se révéler à l’autre
crée des liens, enrichit une relation, améliore les rapports. De fait, très
souvent, elles ne perçoivent pas l’existence d’un réel soutien social et
affectif possible autour d’elles.
Enfin, parfois elles ne savent pas comment exprimer leurs émotions.
Plus rarement, il existe un réel isolement social et affectif, « personne à
qui parler ». Mais cette situation est rare, et jamais irrémédiable étant donné
les moyens de communication actuels, l’existence d’associations, d’Internet
qui permettent de prendre contact facilement avec des personnes
compétentes et disponibles à n’importe quelle heure. Là encore, il s’agit
plus d’accepter de s’exprimer et de demander un soutien.
La recherche de soutien social est entravée par :
– l’anxiété sociale,
– le manque d’habileté sociale,
– un soutien social sous-estimé,
– des difficultés à identifier les émotions,
– une mauvaise estime de soi,
– l’isolement social.
Partant de l’observation que ni les événements de vie ni l’isolement
social et affectif ne peuvent à eux seuls rendre compte du sentiment de
solitude, mais qu’en revanche les individus qui souffrent de solitude
chronique ont tendance à se réfugier dans leurs pensées, ne vont pas vers les
autres pour y rechercher un soutien et souffrent souvent d’un déficit en
habiletés sociales, il est intéressant de s’interroger sur l’existence de
troubles de la personnalité qui prédisposeraient à une intolérance à la
solitude ou au maintien de celle-ci.
Des personnalités plus vulnérables ?
Présenter un trouble psychiatrique est déjà en soi un facteur
d’isolement. Les troubles psychiatriques font peur et beaucoup de patients
souffrent du rejet social, mais aussi de celui de leurs proches. Ces troubles
sont invalidants, perturbent l’intégration sociale et stigmatisent les patients
qui ont de grandes difficultés, par exemple, à trouver et à garder un travail.
Enfin, du fait même de la présence d’un trouble psychologique, la relation
aux autres est plus compliquée, les relations affectives plus instables, moins
satisfaisantes et la relation à soi-même plus difficile. Autant de facteurs qui
augmentent le sentiment de solitude.
Les troubles de la personnalité favorisent-ils la
solitude ?
La personnalité est la résultante du tempérament (inné) et du caractère
(acquis). Elle peut être définie comme l’ensemble des conduites adoptées
par un individu dans différentes situations. Ces conduites sont stables pour
un individu donné et permettent de prédire ses comportements, ses pensées
et ses émotions en fonction du contexte. Nous disposons de toute une
panoplie de stratégies pour gérer les événements de notre vie, ce qui nous
permet de nous adapter au mieux aux situations que nous rencontrons. Mais
une personne qui présente une personnalité pathologique est moins souple
et utilise préférentiellement certaines stratégies de manière fixe, rigide.
La première question est donc de savoir si des troubles de la
personnalité prédisposent au sentiment de solitude. En réalité, tous les
troubles de la personnalité perturbent, à un degré ou à un autre, les relations
sociales. Lorsque l’on reprend les différents troubles de la personnalité, on
voit que certains troubles favorisent l’isolement social ou le rejet et que
dans d’autres la solitude est insupportable à vivre.
Les personnalités paranoïaque, évitante et schizoïde ont des difficultés à
aller vers l’autre. Les personnalités narcissique, antisociale, schizotypique
et, à un degré moindre, obsessionnelle-compulsive suscitent le rejet ou la
mise à distance. Les personnalités histrionique, dépendante et borderline
montrent une intolérance à la solitude.
Pour mieux appréhender l’impact des troubles de la personnalité sur un
plan social et affectif, vous trouverez dans le tableau ci-joint leurs
principales caractéristiques.
Comme tous les troubles de la personnalité favorisent potentiellement la
solitude, il est délicat de déterminer avec précision quels traits de
personnalité induisent ce phénomène. Une seconde approche consiste donc
à rechercher chez les personnes qui souffrent de solitude l’existence de
traits de personnalité communs. De nombreuses études ont repris les
comportements-problèmes et les croyances inadaptées des personnes qui
souffrent de solitude pour établir ensuite une liste relativement complète de
tous ces éléments.
Les traits communs aux personnes qui souffrent
de solitude
Aptitude à la communication : se révèle peu, peu de prise de risque
social, timidité, manque d’assertivité, manque d’habileté sociale, masque
ses difficultés, attitudes pessimistes vis-à-vis des relations sociales,
exprime peu ses émotions, espérances sociales peu réalistes.
Rapport à soi-même : haute conscience de soi, nombreuses pensées
autocentrées, mésestime de soi, sentiment d’être moins compétent
socialement que les autres, sentiment de vide intérieur, d’inutilité, de
lassitude, impression d’être moins intelligent et moins attirant que les
autres, attribution causale négative interne, manque d’amour-propre.
Rapport aux autres : crainte d’être rejeté, mal aimé, de ne pas
intéresser, tendance à percevoir les autres comme intéressés, égoïste,
distant, hostile ou menaçant, difficultés pour résoudre les problèmes
interpersonnels.
Capacité à agir : peu persévérant, tendance à rêver, fantasmer le futur
plutôt qu’à agir, procrastination, sentiment d’impuissance et du caractère
irrémédiable des choses, préfère se détendre et évite de penser aux
situations problèmes.
Les conclusions de ces recherches, résumées dans le tableau suivant,
révèlent que les personnes qui souffrent de solitude chronique présentent
fréquemment une faible estime de soi, un manque d’aisance sociale et
confrontées à une situation-problème ont une tendance rêver plutôt qu’à
agir.
Ces réflexions nous amènent à nous interroger sur l’existence de
facteurs prédictifs du sentiment de solitude, qui s’appuieraient sur des
éléments constitutifs de la personnalité afin de pouvoir intervenir de
manière préventive. Si l’on reprend le modèle des cinq facteurs pour définir
la personnalité (intraversion, instabilité émotionnelle, agréabilité, ouverture,
consciencieusité), nous observons que l’introversion favorise le repli et
l’isolement, l’instabilité émotionnelle induit l’hypersensibilité à
l’environnement, le manque d’ouverture limite les échanges et la qualité
relationnelle, l’insouciance et l’hédonisme poussent à la passivité et au
manque de motivation et enfin le manque d’agréabilité incite au rejet et à
l’exclusion. Chacune de ces dimensions selon la polarité qui s’exprime
perturbe la relation aux autres et favorise la solitude. Connaître cette
dimension de notre personnalité, responsable de croyances et de
comportements qui induisent un sentiment de solitude, permet d’intervenir
plus efficacement pour moduler ce trait de caractère.
Les cinq grands facteurs de la personnalité

FACTEURS PÔLE NÉGATIF PÔLE POSITIF


Extraversion Tranquille, réservé, Bavard, assuré, positif,
négatif, triste sociable, enthousiaste
Agréabilité Méfiant, froid, inamical, Empathique, généreux,
égoïste apprécié
Consciencieusité Insouciant, désordonné, Organisé, rigoureux,
épicurien, irresponsable efficace, autodiscipliné,
fiable
Stabilité émotionnelle Émotif, anxieux, Stable, calme, réfléchi
impulsif, nerveux
Ouverture Réalisme, intérêts étroits, Original, imaginatif,
conservateur, banal, attraits pour l’art,
dogmatique recherche de
nouveauté, curiosité
Une voie de recherche, depuis quelques années, porte sur les traits de
sociotropie (dépendance sociale) versus autonomie. La sociotropie se
définit comme tout ce qui attire une personne vers les autres et qui la rend
dépendante de ses relations avec les autres pour être satisfaite. La personne
sociotrope attache une grande valeur à l’intimité, au partage, à l’empathie, à
l’affection et d’une manière générale ressent du plaisir à construire des
relations sociales. À l’opposé, la personne autonome attache plutôt une
grande valeur à l’indépendance, la mobilité, la liberté, le choix, la
réalisation de ses objectifs personnels et au développement de soi. Les
personnes qui sont plus sociotropes qu’autonomes éprouvent ainsi une
difficulté à pouvoir passer du temps seules trouvant alors le temps vide et
ennuyeux et font tout pour éviter les moments de solitude. Centrées sur
autrui, développant peu d’activités et d’intérêts propres, leur vie consiste
presque exclusivement à être en famille ou entourées d’amis. Cette notion
de sociotropie rendrait compte du fait que certaines personnes
« autonomes » apprécient tout particulièrement la solitude alors que
d’autres « sociotropes » sont plus vulnérables face à une perte affective ou à
l’isolement social.
Chapitre 7
Changer de regard
sur la solitude
Nous avons vu que la solitude peut être considérée comme un sentiment
naturel qui survient quand la relation à l’autre est insatisfaisante, n’est pas
adaptée à nos attentes. Véritable stresseur, elle s’associe ipso facto à une
émotion négative qui nous incite à réagir. À nous interroger sur la façon
dont nous organisons nos relations. La solitude devient ainsi un facteur
motivationnel, qui peut développer la recherche de contacts sociaux et
l’introspection, favorise la créativité, la connaissance de soi et une certaine
pacification des rapports humains. Néanmoins, lorsque la charge
émotionnelle est trop intense ou bien si la personne souffre d’anxiété
sociale ou d’un manque d’habileté sociale, la solitude n’assure plus cette
fonction et peut conduire à adopter des comportements inadaptés à la
situation.
Le sentiment de solitude nous pousse à nouer ou renouer les contacts sociaux ou affectifs
nécessaires à notre bien-être.
La détresse liée au sentiment de solitude s’appuie donc sur des éléments
naturels liés à notre espèce, plutôt conçue pour vivre socialement, et sur des
faits survenus au cours de notre histoire personnelle notamment à travers
nos relations précoces. Par la suite, l’utilisation éventuelle de stratégies
inadaptées peut maintenir le problème et renforcer le mal-être lié au
sentiment de solitude. Tous ces phénomènes provoquent un sentiment
d’impuissance et conduisent à redouter la solitude comme une source
d’insécurité intérieure.
Un raisonnement émotionnel biaisé
Les émotions négatives, inhérentes par essence à la solitude, qui se
déclenchent automatiquement quand nous réalisons que nous sommes seuls,
se confondent avec la représentation construite par nos expériences
personnelles qui ravivent des souvenirs douloureux et nous font voir
l’expérience de solitude comme une épreuve insurmontable. On ne supporte
pas la solitude quand on a vécu des expériences douloureuses de rupture,
d’abandon (insécurité, ennui profond…) et que, en se retrouvant seul à
nouveau, on interprète les sensations physiologiques normales comme un
réel danger à être seul. On devient persuadé que l’on est en danger,
abandonné, rejeté par les autres – preuve en sont ces sensations négatives –,
alors qu’en réalité ces sensations sont naturelles et présentes chez tout
individu dès qu’il prend conscience qu’il est seul. Oui, il est naturel
d’éprouver une certaine détresse quand nous sommes seuls. Cela ne signifie
pas pour autant que nous soyons dépendants, fragiles ou abandonnés de
tous. Ce n’est pas parce que vous avez du mal à vous retrouver face à face
avec vous-même que vous êtes seul dans la vie ! C’est l’incapacité à gérer
l’état émotionnel induit naturellement par la solitude qui est pathologique et
qui rend cette expérience insupportable pour certains.
Or c’est parce qu’une personne pense véritablement être seule qu’elle
ne demande pas d’aide, n’entreprend rien, alors que des solutions existent le
plus souvent. Même si elle est seule physiquement, il y a toujours
quelqu’un quelque part à qui elle pourrait parler. Mais celui qui souffre de
solitude ne perçoit pas le soutien social environnant puisqu’il assimile sa
souffrance au fait qu’il n’existe pas de soutien. « C’est parce que je suis
seul que je suis en détresse », se dit-il, alors qu’en fait c’est parce qu’il ne
supporte pas les sensations relatives à la solitude qu’il est en détresse. Le
mal-être ressenti naturellement quand nous sommes seul nous indique
simplement que nous devrions aller vers les autres, or il est vécu comme le
témoin d’un rejet ou d’une impossibilité à faire appel à autrui.
Ce n’est pas parce qu’elle est seule qu’une personne souffre de solitude, mais c’est parce qu’elle
souffre de la solitude qu’elle pense être seule.
Ainsi nous éprouvons un sentiment de solitude lorsque l’on perçoit, à
tort ou à raison, que nous sommes dans une situation menaçante et que l’on
pense que l’origine du danger provient du fait d’être seul.
Les trois écueils qui conduisent au sentiment
de solitude
Trois sentiments émergent de ce que nous avons vu jusqu’ici sur
l’expérience de la solitude : le sentiment d’insécurité, le sentiment de non-
appartenance et le sentiment d’inefficacité personnelle. Il existe un contexte
social ou un état de perception de soi particulier, le stresseur, qui déclenche
une série de processus conduisant à l’un ou plusieurs de ces sentiments
inhérents au sentiment de solitude.
Un sentiment d’insécurité
La situation stressante initiale est une modification relationnelle,
qualitative ou quantitative, ou une modification du rapport avec soi-même
comme lors d’une maladie ou d’un accident. Cette situation induit un
sentiment d’insécurité, de mal-être, de danger. Bien sûr les stresseurs
externes (isolement social, décès d’un proche, rupture affective, menaces
verbales ou physiques…) ou internes (douleur, handicap, malaise,
ruminations pessimistes…) peuvent être des situations objectivement
menaçantes. Mais ce qui importe le plus est la compréhension et
l’interprétation que chacun a de la situation. Parfois, de simples
modifications de l’environnement (séparation, silence, contrariété…)
provoquent un sentiment d’insécurité, de vulnérabilité. Celui-ci se
manifeste plus particulièrement chez les patients borderline vite débordés
par leurs émotions et les anxieux qui vivent dans l’attente d’un danger.
Un sentiment d’inefficacité personnelle
Il se manifeste par la conviction d’être incapable de se prendre en
charge seul, de ne pas pouvoir gérer la situation, d’être dans l’impossibilité
de se protéger. Ce sentiment s’appuie sur une estime de soi fragile et un
manque de confiance en soi, mais aussi sur l’attribution externe qui se
traduit par des doutes sur sa propre capacité à être efficace et, enfin, par
l’absence de projet précis identifiable et déterminé qui puisse permettre
d’envisager une issue positive. Cela conduit à un manque de détermination,
de persévérance et à l’abandon de toute stratégie demandant d’initier un
effort. Démotivée, la personne est convaincue que toutes les actions qu’elle
pourrait entreprendre se solderont par un échec. Aux pensées négatives
s’associent des pensées inhibitrices d’action, qui limitent la personne dans
sa capacité à réagir, et entraînent une démotivation profonde et douloureuse
provoquant un sentiment d’impuissance qui favorise le refuge dans les
pensées, la rêverie, dans des souhaits imaginaires. Le sentiment
d’inefficacité personnelle renforce le mal-être situationnel et le sentiment
d’insécurité. Il se retrouve constamment chez les personnalités dépendantes
et les personnes qui souffrent d’une basse estime de soi ou de dépression.
Un sentiment d’isolement
Ce sentiment se traduit par la croyance que personne ne peut nous être
d’aucun secours, d’une aide quelconque. Soit parce qu’il existe réellement
un isolement social ou affectif qui limite les échanges, soit parce que la
présence d’un déficit en habileté sociale empêche de solliciter de l’aide par
crainte de déranger ou d’être ridicule. Le sentiment d’isolement,
d’exclusion, de non-appartenance est la réponse automatique des personnes
qui souffrent de solitude chronique. Cette difficulté à percevoir
l’importance et la réalité du soutien social environnant se retrouve par
exemple chez les personnalités évitantes qui s’attendent à être rejetées ou
jugées négativement et évitent les relations sociales si elles ne sont pas
certaines d’être appréciées, se privant d’un soutien qui existe très souvent.
Cette attitude induit un repli sur soi-même, un isolement, et majore
l’angoisse face à la situation stressante.
Comment utiliser ces connaissances en pratique ?
La solitude n’est ni mauvaise en soi ni éternelle et la représentation que
vous en avez peut évoluer. Il s’agit d’une expérience commune à chacun
d’entre nous que chaque être humain éprouve à travers les séparations
successives que la vie lui impose. Chacun doit composer avec pour
construire son autonomie et son identité. Ce n’est pas la solitude qui pose
problème, mais votre intolérance, votre sensibilité à ce type de situation.
Nous l’avons expliqué précédemment, les expériences de solitude actuelles
rappellent, ravivent, celles de votre enfance. Être seul est d’autant plus
destructeur que cela réactive le souvenir d’une enfance solitaire, d’un
entourage absent, peu affectueux et distant. Mais ce n’est pas une fatalité
devant laquelle vous devez souffrir en vous résignant. Vous allez apprendre
à réagir autrement quand vous serez seul.
Toutes les données que nous avons vues sont importantes car elles nous
disent comment agir pour enfin mieux gérer la solitude. Elles nous guident,
nous orientent dans notre démarche thérapeutique. Les comprendre nous
aide déjà à voir notre solitude sous un autre angle. Les connaître nous
permet de mettre en œuvre un programme concret pour changer. C’est ce
que je vous propose dans la troisième partie de ce livre. Vous y retrouverez
beaucoup de mises en actes d’éléments explicatifs vus jusqu’ici.
Voici comment se compose la prise en charge de la solitude :
• Définir avec précision les situations qui déclenchent les émotions
négatives afin de pouvoir les anticiper et éviter les situations trop
stressantes.
• Améliorer ses compétences sociales pour favoriser les échanges,
faciliter la recherche de soutien en cas de détresse et limiter la tendance au
repli, à l’isolement.
• Favoriser l’action, savoir s’organiser pour ne pas rester inactif, passif
et lutter contre le sentiment d’impuissance.
• Savoir repérer, identifier et gérer ses émotions afin de ne plus avoir
peur de la solitude, mieux se comprendre, vivre plus en harmonie avec soi-
même.
• Développer l’estime de soi pour s’accepter et s’aimer tel que l’on est,
avoir confiance en soi, croire en soi et développer son sentiment de
compétence et de persévérance.
Ces pages vous aideront certainement à améliorer vos compétences
sociales, à mieux comprendre vos émotions et à moins souffrir de la
solitude. Mais, pour certains, la souffrance psychologique nécessite un
soutien chaleureux et bienveillant qu’un livre ne peut procurer, quel qu’il
soit. Aussi n’hésitez pas à consulter un thérapeute si vous rencontrez des
difficultés à faire les exercices proposés. N’oubliez pas qu’une des
caractéristiques principales des personnes qui souffrent de solitude
chronique est justement de ne pas solliciter l’aide qui leur ferait du bien.
Acceptez de vous faire aider.
Troisième partie
Se découvrir
et retrouver le plaisir
de vivre en étant soi
Chapitre 8
Repérer
les situations problèmes
Les personnes qui souffrent de solitude ressentent une forte angoisse et
sont la proie de pensées automatiques négatives dès qu’elles sont seules.
Pour elles, solitude signifie abandon, ennui, vide, inutilité, désespoir. Si
vous réagissez ainsi, vous présentez sans doute une intolérance à la solitude.
Comme la solitude vous angoisse, dès que vous y êtes confronté, des
pensées paniquantes surviennent, associées à des souvenirs désagréables qui
renforcent vos peurs et vous submergent.
Tant que votre intolérance à la solitude reste intense, vous n’avez pas
d’autre choix que d’accepter cette réalité et de vous organiser différemment
pour limiter ces circonstances puisqu’elles s’accompagnent d’angoisse, de
mal de vivre, de doutes qui perturbent votre jugement et votre appréciation
de la réalité. Vous devez apprendre à planifier votre temps pour ne plus être
pris au dépourvu et ne pas vous retrouver seul et oisif malgré vous. La
priorité est donc, pour l’instant, de ne pas vous retrouver seul trop
longtemps et d’éviter les situations qui produisent une souffrance dont
l’intensité est supérieure à vos capacités d’assimilation. Cette durée et les
spécificités de ces situations restent à définir et dépendent de chacun.
Dans quelles circonstances vous sentez-vous
seul ?
Listez les situations où vous avez souffert de solitude récemment. Vous
pourrez ainsi vous figurer plus nettement la nature de vos problèmes et
mieux comprendre les circonstances qui sont pénibles pour vous. En même
temps, vous aurez une vision plus objective de votre souffrance en vous
représentant précisément la fréquence de ces situations problèmes.
En effet, actuellement, même si vous êtes rarement seul, cette situation
étant excessivement chargée émotionnellement, vous lui donnez une
importance et lui accordez une chronicité qu’elle n’a pas en réalité dans
votre vie. Cette liste vous donnera donc une vision plus juste, plus objective
et vous permettra aussi de mesurer vos progrès.
Le tableau ci-dessous devrait vous aider à établir votre propre liste de
situations-problèmes.
Repérez vos situations-solitude

EN COMPAGNIE D’AUTRE(S)
QUAND VOUS ÊTES SEUL(E)
PERSONNE(S)
Est-ce en situation professionnelle ? Est-ce en situation professionnelle ?
personnelle ? entre amis ? en famille ?
Quand cela se produit-il ? le matin ? Quel lien avez-vous avec cette ou
le soir ? en vacances ? pendant les ces personnes ? que pensez-vous
fêtes ? d’elle(s) habituellement ?
Cette situation fait-elle suite à une Cette situation fait-elle suite à un
séparation ? une rupture affective ? conflit ? une critique ? une difficulté
une prise de toxiques ? un à vous intégrer ? un comportement
comportement qui vous déplaît, dont particulier ? une prise de toxiques ?
vous avez honte ?
Était-ce prévisible ou inattendu ? Cette situation s’est-elle déjà
fréquent ? est-ce rare ? produite ? avec la ou les mêmes
personnes ? avec d’autres ? qui ?
quand ? où ?
Combien de temps estimez-vous que S’agit-il d’un problème relationnel
cette situation va perdurer ? ponctuel ? récurrent ? irrémédiable ?
Quelles en sont les conséquences Quelles en sont les conséquences
précises ? sont-elles graves ? précises ? comment réagissent les
irréversibles ? autres devant votre attitude ?
EN COMPAGNIE D’AUTRE(S)
QUAND VOUS ÊTES SEUL(E)
PERSONNE(S)
Comment réagissez-vous Comment réagissez-vous ? pensez-
habituellement ? pensez-vous que vous que cela soit adapté ? que cela
cela soit adapté ? que cela vous vous aide ? que préfériez-vous
aide ? qu’aimeriez-vous faire ? faire ?
Essayez maintenant de quantifier votre malaise, pour chaque situation.
Votre état émotionnel et le malaise qui l’accompagnent évoluent
graduellement en fonction de caractéristiques factuelles et du vécu qui s’y
associe. Par exemple, selon le temps que vous aurez à passer seul. Il
s’intensifie progressivement d’un certain inconfort ou mal-être jusqu’à une
forte angoisse, un état de détresse. La réponse devra s’adapter à cette
gradation. Or, souvent, il vous est difficile de distinguer les nuances, chaque
situation douloureuse est vécue sur le même mode. En vous habituant à
quantifier votre mal-être plus précisément, vous apprendrez à ne plus
fonctionner dans le tout ou rien. Pour vous aider, imaginez un feu tricolore.
Dites-vous qu’au vert la situation est maîtrisable, vous avez les ressources
pour la gérer, vous êtes en sécurité. La couleur orange révèle un risque et
demande un effort de votre part pour vous adapter, pouvoir passer le cap.
Votre état émotionnel est contrôlable, mais au prix d’un ajustement, de
nouvelles stratégies que vous devez mettre en place. Cependant, comme ces
stratégies vous font défaut actuellement, vous entrez dans le rouge dès que
vous quittez le vert. Vous avez le sentiment d’avoir peu de marge de
manœuvre, alors vous prenez peu de risques. C’est pourquoi il est fort
possible que vous ayez peu de situations orange. La couleur rouge signale
un danger. La situation est trop lourde pour vous. Vous êtes dépassé par
l’angoisse. Vous ne pouvez pas avancer. Vos émotions vous envahissent et
une aide extérieure s’impose.
Reprenez les situations et indiquez, pour chacune, la couleur
correspondante (vert, orange ou rouge) selon l’intensité de vos émotions.
Parmi ces moments, lesquels déclenchent, chez
vous, un sentiment de solitude ?
Les soirées
Les week-ends
Les vacances
Les jours fériés
Les fêtes de fin d’année
Votre anniversaire
Les dates anniversaires : décès, rupture sentimentale…
Il est très important de comprendre que chacun d’entre nous est en
danger en zone rouge. La différence entre celui qui gère la solitude et celui
qui ne la gère pas ne tient pas à la façon dont le premier traverse la zone
rouge. Cela lui est autant désagréable ! Mais les situations rouges sont, pour
lui, exceptionnelles car il possède des stratégies qui lui permettent de ne pas
y être confronté. Une de ces stratégies est l’anticipation. Pour autant, les
situations classées rouge sont souvent prévisibles à qui prend le temps
d’observer. Si celui qui est intolérant à la solitude se retrouve régulièrement
en zone rouge, contrairement à celui qui compose avec la solitude, c’est en
grande partie parce qu’il s’organise mal et ne gère pas son temps
correctement. Il se retrouve très souvent seul, inactif, sans rien avoir prévu,
s’ennuie et se tourmente.
Que faites-vous quand vous êtes seul ?
Rappelez-vous, ne rien faire, ressasser ses malheurs dans l’attente d’une
amélioration providentielle est ce qui rend la solitude insupportable. Cette
attente passive qui limite vos initiatives vous place d’emblée en position de
dépendance vis-à-vis de votre environnement qui vous apparaît comme la
seule source de mieux-être possible puisque vous misez tout sur lui, vous
espérez tout de lui. En outre, le fait d’attendre est source d’angoisse,
d’impatience.
Aussi, quand on souffre de solitude, le but n’est pas tant de ne plus être
seul et de trouver immédiatement quelqu’un coûte que coûte pour nous
apaiser, mais surtout de ne pas rester inactif et oisif.
Néanmoins vous ne pouvez pas être en permanence occupé, et il ne
s’agit pas non plus de se lancer à corps perdu dans une fuite en avant pour
ne plus penser. L’objectif n’est pas de vous transformer en hyperactif, mais
de vous organiser, de prévoir une activité pour les situations critiques, pour
ne plus être confronté à un débordement émotionnel.
Les comportements-solitude à éviter
Quand je suis seul….
– Je m’allonge, je dors, je ne pense à rien de particulier, je laisse aller
mon imagination.
– Je mange, je bois, je grignote.
– J’allume la télévision, je vais sur Internet, je joue avec ma console
vidéo ou un autre jeu électronique.
– Je tourne en rond sans but précis.
– Je pense au passé, aux problèmes que je rencontre, au fait que je suis
seul.
– Je dépense mon argent de manière compulsive.
– J’attends que quelqu’un m’appelle, que quelque chose me motive.
Reprenez votre liste et notez ce que vous faites quand vous êtes seul.
Observez le niveau de vos activités, leur nature et voyez si elles changent
en fonction de l’intensité de votre mal-être. La plupart du temps, plus vous
êtes désemparé et moins vous êtes actif et organisé, moins vos activités sont
réfléchies et préparées. Vos conduites automatiques s’enclenchent d’autant
plus que votre solitude vous paraît intense. Il s’agit en général d’activités
assez répétitives et réflexes dont l’unique fonction est de faire passer le
temps sans autre valeur ajoutée. Il reste alors peu de place pour
l’improvisation, la créativité, la fantaisie. Remarquez aussi combien il est
rare de s’ennuyer quand on a prévu auparavant une activité, quand on a un
projet en tête. Vous observerez en examinant attentivement votre liste de
situations-problèmes, que de nombreuses situations auraient pu être évitées,
si vous aviez pris le temps de programmer à l’avance votre emploi du
temps. Et cela d’autant plus que certaines situations sont récurrentes et de
fait prévisibles.
Sachez que plus un comportement se répète, plus nous le reproduisons
automatiquement et que, si dans une situation donnée nous avons un
comportement spécifique, chaque fois que cette situation se présentera, de
manière réflexe, nous allons le reproduire. Ceci explique en partie les
« habitudes » des fumeurs, des boulimiques ou des joueurs pathologiques
qui répètent leurs comportements-problèmes dès qu’ils sont confrontés à
des situations de vie similaires. C’est pourquoi d’ailleurs tous les casinos se
ressemblent étrangement dans leurs agencements intérieurs, les joueurs
étant ainsi conditionnés à leur insu. Pour les personnes qui souffrent de
solitude, ce conditionnement existe aussi. Si vous avez pris l’habitude,
quand vous êtes seul chez vous, de vider votre réfrigérateur et de dormir
ensuite, dès que vous êtes seul, sans même y réfléchir, par réflexe, vous
faites la même chose. Or changer un réflexe, une habitude de vie, demande
beaucoup d’effort.
C’est pourquoi, au début, il vaut mieux apprendre à vous organiser
autrement pour ne plus être en situation « rouge » avant que cette situation
ne survienne, plutôt que de chercher à changer votre comportement quand
vous êtes déjà en situation critique.
Avant de vouloir trouver de nouvelles activités pour combler les
moments « creux », commencez tout simplement par repérer comment vous
auriez pu vous organiser autrement pour différer certaines activités. Par
exemple, si l’idée de passer un samedi soir seul vous est insupportable,
prévoyez de voir vos amis à ce moment-là plutôt que dans l’après-midi, ou
regardez un DVD le samedi soir plutôt que le dimanche matin.
Reprenez votre liste de « situations problèmes » et commencez à
aménager votre emploi du temps pour ne pas être confronté aux situations
de danger classées « rouge ».
Quelques conseils pratiques
Contactez vos amis à l’avance
Joindre vos amis un samedi midi pour savoir s’ils sont disponibles le
soir même risque fort de se solder par une réponse négative. Si votre réseau
relationnel est réduit, quel choix vous restera-t-il ? Rechercher une sortie
attractive un jour férié s’avère délicat et souvent infructueux. Quelle
alternative avez-vous envisagée si vous ne trouvez rien d’intéressant ?
Même si vous présentez une certaine intolérance à la solitude, une grande
partie de votre problème réside peut-être dans votre manque d’anticipation.
N’étant pas suffisamment organisé, ni prévoyant, vous vous retrouvez
régulièrement dans des situations désagréables que vous auriez pu éviter.
N’attendez pas que les autres devancent vos
problèmes
Si en vous rendant à une soirée, vous vous retrouvez seul, sans
connaître personne mis à part l’hôte des lieux, et que vous vous sentez
étreint par l’anxiété sociale, vous regretterez probablement d’être venu.
Vous n’oserez pas aller vers les autres. N’aurait-il pas été plus simple de
vous renseigner auparavant et éventuellement de demander à votre ami
qu’il vous présente quelques convives tout en lui glissant discrètement que
vous appréciez son invitation, mais que vous êtes un peu timide ? Rien ne
vous empêche d’ailleurs de le faire au cours de la soirée, plutôt que de vous
résigner à rentrer chez vous ou attendre que les autres invités viennent à
vous.
Fixez-vous des objectifs précis, réalisables et
appliquez-les
Si votre petit(e) ami(e) vous quitte brutalement, vous vous sentirez
probablement abandonné, mais pensez-vous sincèrement qu’en vous
lamentant sur votre sort ou en attendant passivement son improbable retour,
la situation évoluera positivement ? Plutôt que de vous replier sur vous-
même, pourquoi ne pas essayer de vous comporter différemment ?
Rappelez-vous les fois précédentes, dans un scénario identique ce qui vous
avait (ou aurait) le plus aidé. Écrire ? Verbaliser votre détresse auprès de
proches ? Faire la fête ? Appeler votre ex et lui exprimer ses quatre
vérités ?…
Donnez-vous les moyens de vivre ce que vous
souhaitez
Si vous pensez partir seul en vacances, pourquoi ne pas en profiter pour
mettre en place quelque chose qui vous fasse plaisir ? Inviter des amis, faire
un voyage culturel ou, inversement, plutôt sportif, aller dans un club pour
faire de nouvelles rencontres, rendre visite à votre famille éloignée… À
vous de vous organiser, de vous donner les moyens de passer les vacances
les plus agréables que vous pouvez vous offrir.
Pour être en paix avec vous-même, acceptez
vos limites
Si, malgré tous vos efforts, vous vous retrouvez seul, vous le
supporterez d’autant plus facilement que vous accepterez que tout ne
dépend pas uniquement de vous, que vous ne pouvez pas toujours tout
contrôler. Vous avez vos limites, vous pouvez agir sur certains points, mais
vous ne pouvez pas changer ce qui ne dépend pas de vous. Il faut se donner
les moyens de réaliser ses désirs, mais il faut aussi savoir accepter que vous
n’y arriviez pas, peut-être parce que vos objectifs étaient au-dessus de vos
possibilités. En revanche, si vous ne tentez rien, vous risquez, à juste titre,
d’être déçu par vous-même.

Maintenant que vous avez listé vos situations-problèmes, et que vous


avez prévu de reporter des activités pour les mettre en place pendant les
périodes « rouges », regardons ensemble comment vous pourriez vous
organiser pour ne pas rester oisif et profiter de votre temps libre pour faire
des choses agréables.
Pour commencer à traiter votre problème
1. Lister et définir les situations problèmes.
2. Quantifier votre état émotionnel (zones verte, orange, rouge).
3. Noter ce que vous faites quand vous êtes seul.
4. Prévoir une activité pour les situations classées « rouge ».
Chapitre 9
Apprendre à s’organiser
La solitude parfois semble douloureuse et même effrayante. Il vous
arrive probablement de penser que la vie n’a pas de sens, que vous subissez
les événements sans pouvoir agir dessus, sans espoir de voir votre existence
s’améliorer. Il est aussi probable, lorsque vous vous retrouvez seul, que
vous soyez préoccupé par vos soucis et le fait d’être seul, plutôt que d’en
profiter pour prendre soin de vous, être attentif et à l’écoute de vos besoins
profonds. Il est temps de changer cela, de réagir autrement pour vous sentir
moins seul. Rappelez-vous, par nature la solitude est désagréable pour tout
le monde et c’est pour cela qu’elle nous pousse à réagir. Ce qui est nuisible
pour vous, c’est de vous laisser aller à ne rien faire et d’attendre que les
choses évoluent d’elles-mêmes.
Une grande partie de vos problèmes serait dissipée si vous étiez actif et
organisé. Nous venons de le voir dans le chapitre précédent, vous devez
apprendre à aménager votre emploi du temps afin de ne pas rester trop
longtemps sans activité. Si vous travaillez, votre temps libre se résume aux
soirées, week-ends et vacances. En revanche, si vous n’avez aucune activité
(chômage, retraite, maladie longue durée…), chaque journée se ressemble
et, à l’extrême, aucun événement ne vient ponctuer vos semaines. Il est
donc impératif de planifier votre temps pour vous obliger à garder un
rythme de vie compatible avec celui de votre environnement social et
affectif. Vous risquez sinon de vous marginaliser rapidement et, notamment,
d’inverser votre rythme veille-sommeil, en restant allongé sur votre lit la
journée.
Vos occupations doivent aussi vous apporter une satisfaction, un bien-
être intérieur et répondre à vos besoins profonds. Le but n’est pas juste de
remplir tout votre temps pour fuir la solitude, mais de trouver des activités
dans lesquelles vous pourrez vous épanouir, vous réaliser.
Planifier votre temps sur un agenda
Pourquoi planifier son temps ?
Anticiper permet de mieux coordonner vos activités. Planifier votre
temps présente de nombreux avantages.
Prévoir des activités à l’avance vous oblige à vous organiser pour les
accomplir et vous projette dans un avenir moins incertain, plus prévisible.
L’avenir n’est plus une éternité immuable qui s’étale devant vous, mais une
suite de petits moments accolés les uns aux autres dont chacun apporte sa
part de satisfaction.
Faire des choix, se préparer pour atteindre un objectif, aménager son
temps pour réaliser ses désirs, dynamise et donne du sens à votre quotidien.
Vos journées deviennent stimulantes. Le mouvement ainsi créé vous
encourage à poursuivre vos démarches et fortifie votre confiance en vous.
Savoir que demain une activité est prévue permet de mieux supporter
l’ennui d’aujourd’hui. Nous l’avons évoqué, quand nous prenons
conscience que la solitude est limitée dans le temps, elle devient moins
douloureuse.
Ensuite, mieux vaux prévenir que guérir. Ce n’est certainement pas en
situation critique, classée rouge, que vous trouverez soudainement une
solution pour vivre paisiblement l’inacceptable, l’intolérable. S’organiser
permet d’éviter de se retrouver dans une situation de danger.
Prévoir à l’avance facilite la mise en place de procédures d’urgence qui
s’appliqueront dès qu’une situation vous sera trop insupportable. Vous aurez
un plan B, sorte d’alternative au comportement habituel qui vous plongeait
dans le désespoir.
Commencez à vous dire que le temps resté vacant correspond à du
temps pour vous. Réfléchissez à la manière dont vous pourriez l’occuper.
Pour l’instant, vous ne savez pas toujours comment l’utiliser et cela vous
angoisse. Mais vous allez apprendre progressivement à y trouver du plaisir,
du bien-être. Soyez confiant.
Vous pouvez prévoir des moments réguliers pour vous attaquer au problème solitude : lire des
articles, faire des recherches sur Internet, parcourir ce livre, faire les exercices…
Consultez votre agenda régulièrement. Vous vous représenterez mieux
ce que vous aurez planifié, vos disponibilités, ce qui vous reste à faire et le
temps dont vous disposez. Plus vous aurez une représentation claire et
temporelle des jours à venir et moins les moments de solitude seront lourds
à porter, car vous vous représenterez mieux la notion du temps qui passe.
Chaque matin, prenez quelques minutes pour apprécier le programme
de la journée et chaque soir regardez ce que vous avez effectivement fait.
Lisez les notes prises au cours de la journée.
Si vous souhaitez vous accomplir sereinement, le mieux est d’honorer
en temps et en heure vos impératifs pour être libre ensuite pour vous
réaliser.
Vous libérer de vos obligations
Qu’est-ce qu’une obligation ?
Il s’agit des tâches ménagères, des choses en suspens qu’il nous faut
régler, des papiers administratifs que nous reportons souvent parce qu’ils
sont contraignants et pas intéressants. Ces activités demandent des efforts et
apportent peu de plaisir, mais ne pas les effectuer n’est pas sans
conséquences. Effectivement, nous sommes tous plus ou moins submergés
au quotidien entre les papiers à trier, les tâches administratives à honorer,
les courses quotidiennes à assurer, les activités de nos proches à organiser…
Mais avec un peu d’organisation et un agenda bien tenu les choses peuvent
être plus simples.
Notez sur votre agenda, vos rendez-vous personnels, les obligations
quotidiennes et toutes ces petites choses qu’il ne faut pas oublier comme
acheter le pain, envoyer une feuille de remboursement à la Sécurité sociale,
téléphoner au plombier…
Vous apprécierez, une fois tout cela fait, le sentiment de liberté et le
plaisir de ne plus avoir le souci quotidien de n’être pas « en règle », le
soulagement de ne plus être en retard.
Et puis, quand on prend l’habitude d’être bien organisé, on traite les
données automatiquement, ce qui demande peu d’effort intellectuel et nous
laisse libre de penser à autre chose de plus motivant et plus enrichissant. Si
vous êtes à jour dans vos démarches quotidiennes, vous serez moins stressé
et pourrez ainsi prendre plus de temps pour pratiquer des activités plus
plaisantes et plus épanouissantes.
Le tableau suivant vous aidera à ne rien oublier.
Tout ce que l’on devrait faire…
même quand l’envie nous manque
– Pièce d’identité à jour avec adresse correcte. Faire passeport si
besoin.
– Carnet de vaccination à jour. Examens médicaux à jour. Carte Vitale
et feuille de Sécurité sociale à jour.
– Loyers, charges, taxes, redevances, PV et impôts payés. Si besoin,
s’inscrire sur Internet, envoyer RIB pour prélèvements. Adresse à jour sur
papiers administratifs.
– Vérification, rangement et classement des papiers administratifs
(loyer, EDF, bulletins de paye, impôts et taxes d’habitation, foncière,
relevés de banque, charge immeuble, garanties et modes d’emploi des
appareils ménagers et informatiques, contrat téléphone portable, mots de
passe Internet…) dans un endroit facile d’accès et de telle sorte qu’un ami
pourrait retrouver un document si vous le lui demandiez. Si vous ne savez
pas comment faire, demandez à vos proches comment ils font et choisissez
la méthode qui vous convient le mieux (classeur, chemise, carton à
archives…).
– Révision de la voiture, niveau d’huile, pression des pneus,
vérification de l’état d’usure des pneus, freins, produit lave-vitre, nettoyage
intérieur et extérieur. Assurance à jour. Ampoules en état de
fonctionnement. Carte métro ou SNCF à jour.
– Rangements des vêtements hiver/été et tri en fonction de la taille, de
l’utilisation, de la mode. Ne garder que ceux que vous portez. Débarrassez-
vous des autres. Un vêtement ou un objet que vous n’utilisez pas pendant
plus d’un an est a priori inutile. S’il n’a pas de valeur affective, ne le
gardez pas.
– Rangement des chambres des enfants. Tri des jouets.
– Dossiers scolaires des enfants, bourses, cantine, inscription aux
activités parascolaires. Fournitures scolaires et tenues vestimentaires pour
activités parascolaires.
– Inscription aux activités sportives, abonnements théâtre, opéra,
revues, magazines…
– Tâches ménagères quotidiennes : courses, lessives, repassage,
apporter et aller chercher au pressing des vêtements, cirer les chaussures,
nettoyage de la maison, cire (parquet, meubles anciens), laver les rideaux,
arroser les plantes, bon d’achat à retirer, changer une ampoule, réparer un
robinet qui fuit, un évier bouché…
– Rendre une invitation, souhaiter un anniversaire, une fête, acheter un
cadeau, envoyer vos vœux, répondre à un mail, prendre des nouvelles,
rendre un objet emprunté…
Prenez l’habitude d’écrire au fur et à mesure les tâches que vous devez
faire. Au début, tout cela peut paraître fastidieux et vécu comme une perte
de temps. Mais n’oubliez pas que ce temps est pour vous. Pendant que vous
remplissez votre agenda, vous vous rendez service. N’est-ce pas du luxe
que d’avoir du temps pour prendre soin de soi ? Mais, savoir prendre du
plaisir et s’occuper de soi, cela s’apprend.
Par ailleurs, les personnes qui souffrent de solitude ne savent pas
comment utiliser leur temps libre en grande partie parce qu’elles
souhaiteraient le remplir efficacement, en faisant des choses extraordinaires.
Pourtant, ceux qui sont en paix avec eux-mêmes n’effectuent pas des
exploits tous les jours. Ils se satisfont d’activités simples.
En outre, votre agenda ne se limitera pas à une série de tâches ingrates à
honorer impérativement. Y seront inscrites aussi des activités plus
plaisantes, moins contraignantes et plus enrichissantes, en fonction des
souhaits, des envies et des rêves que vous aurez pris soin de consigner
régulièrement sur votre carnet de bord comme nous allons le voir plus loin.
Arrêter de procrastiner
« Rien n’est plus épuisant que l’omniprésence d’une tâche inachevée. »
Williams JAMES
Une des raisons qui vous empêchent d’honorer vos impératifs en temps
voulu, vous limitent dans votre réalisation personnelle et vous poussent à ne
rien faire, est le fait à reporter au lendemain ce qui pourrait être fait le jour
même. Ce phénomène connu en psychiatrie s’appelle la procrastination.
Remettre à plus tard ce que nous pourrions faire le jour même est un
comportement que nous connaissons tous, sans que cela soit nécessairement
préjudiciable. Si vous souffrez de solitude, ce comportement augmente
votre sentiment d’impuissance et de culpabilité et renforce votre détresse. Il
est d’autant plus important de prendre en compte ce phénomène qu’il
explique en partie les échecs des thérapies comportementales qui
demandent la pratique régulière d’exercices (qui se retrouvent de fait
toujours reportés à plus tard). Par exemple, vous allez, un peu malgré vous,
ne pas acheter votre agenda et ne pas vous organiser concrètement pour
mettre en place des activités.
Les principales causes de la procrastination
– Le comportement dépressif.
– Le perfectionnisme.
– Une tentative de contrôle sur l’environnement.
– La distraction, la difficulté à se concentrer sur un objectif.
– Une mauvaise estime de soi.
– La peur de la réussite.
– La recherche de sensations fortes.
Comment vous débarrasser de cette tendance qui nuit à votre bien-être ?
Fixez-vous des objectifs précis
Le proverbe nous dit : « Tous les chemins mènent à Rome », mais
l’inverse est vrai : si vous ignorez où aller, toutes les routes vous mèneront
quelque part. Très souvent rien ne change car nous avons une conscience
floue, trouble de ce qui nous dérange et de ce que nous souhaitons. Nous ne
savons pas très bien par quoi commencer, ni dans quelle direction aller.
Nous l’avons déjà évoqué, seuls chez eux, certains s’interrogent sur les
raisons de leur solitude, regrettant leur comportement passé, d’autres
imaginent ce qu’ils auraient dû faire pour empêcher cette situation, ou
encore envisagent un avenir meilleur sans trop savoir comment y parvenir.
Rêver nous distrait, mais ne mène à rien, si cela ne s’accompagne pas
d’action. « J’aimerais être heureux, pouvoir vivre épanoui, connaître le
bonheur, ne plus souffrir, tomber amoureux, pouvoir changer… » sont des
objectifs trop vagues, trop imprécis pour que vous puissiez concrètement les
réaliser. Pour passer à l’action, commencez par identifier clairement ce que
vous souhaitez. Faites une liste d’objectifs précis.
Voici un exemple de liste.
• Prendre plus de temps pour moi : m’inscrire à la piscine, reprendre
mes cours de guitare.
• Développer mes relations sociales : augmenter le nombre de contacts
(parler à mes voisins, joindre Philippe, un ancien copain, accepter chaque
invitation), entretenir mes relations (appeler tous les jours une personne de
ma liste).
• Mieux m’affirmer dans mes rapports aux autres : demander à Jane
qu’elle me rende mes DVD, retourner au magasin échanger ma chemise qui
est décousue, fixer la date de mes vacances en fonction de mes possibilités
et non plus uniquement de celles de mes collègues de travail.
Donnez-vous les moyens d’aboutir
Une fois votre liste d’objectifs élaborée, donnez-vous le temps
nécessaire pour les réaliser. Si vous voulez progresser, acceptez d’avancer
pas à pas, à votre rythme. Ne faites pas tout à la fois. N’ayez pas l’ambition
de tout faire en un temps record. Établissez un plan d’action raisonnable.
Cherchez quels obstacles pourraient compromettre vos projets et quelles
stratégies pourraient vous permettre de contourner ceux-ci. Demandez de
l’aide à votre entourage ou à des professionnels si besoin. Vous pouvez
aussi vous laisser guider par les exercices proposés dans cet ouvrage.
Faites des projets à votre portée
Souvent les personnes seules se laissent porter par leur imagination et
rêvent de réaliser des choses extraordinaires. Commencez par des projets
simples, puis de plus en plus ambitieux. Paris ne s’est pas construit en un
jour. Il n’y a pas de sotte activité. Sachez vous satisfaire de ce que vous
pouvez accomplir.
Lancez-vous pour 10 minutes
Dites-vous alors : « J’essaye de faire cela pendant 10 minutes et si
ensuite cela ne me convient pas, j’arrête. » Vous serez satisfait d’avoir
essayé et plus disposé à poursuivre ce que vous aurez commencé. En outre,
le fait d’être actif vous aidera le cas échéant à entreprendre autre chose. Le
plus dur est souvent de débuter une activité, notamment si elle demande
beaucoup d’attention ou nécessite de mettre en place des sous-activités
(ranger, chercher un numéro, sortir acheter des articles…). Si vous
commencez par une petite tâche, il sera plus simple ensuite de poursuivre
l’activité.
Faites une chose à la fois
Fixez-vous une tâche à la fois et tenez-vous-en à votre objectif. La
distraction détourne de l’action en cours. De plus, face à une multitude de
choses à faire, nous ne savons pas laquelle choisir, ni par où commencer.
Nous risquons alors de temporiser, de craindre de regretter ensuite de
n’avoir pas accompli celle que nous voulions, et de n’en choisir aucune. Si
vous vous fixez des priorités et que vous vous y tenez, alors vous
avancerez.
Commencez par ce qui vous ennuie
Paradoxalement, une méthode efficace pour interrompre la
procrastination consiste à exécuter des tâches plutôt ingrates, peu
valorisantes ou inintéressantes. En effet, si vous commencez par faire ce qui
vous déplaît, vous serez ensuite soulagé et content de vous en être
débarrassé, et votre esprit sera plus tranquille. Vous pouvez aussi vous
rendre la tâche plus agréable en écoutant de la musique, la radio, la
télévision. Vous pouvez aussi parler à vos proches tout en faisant vos tâches
ménagères ou leur demander de participer. Ensuite, rien ne vous empêche,
et je vous le recommande vivement, de vous faire plaisir une fois votre
travail accompli, de le fêter avec ceux qui vous ont épaulé. Sachez être
généreux avec vous-même, accordez-vous des récompenses.
Pour me féliciter, je vais…
– Au cinéma, au théâtre.
– Acheter un parfum, un produit de beauté.
– Au restaurant.
– M’adonner à mon passe-temps favori.
– M’offrir un livre.
– Écouter de la musique.
– Me faire masser.
– Prendre un bain.
– Rendre visite à quelqu’un que j’apprécie.
– Prendre un après-midi de repos.
Noter et classer vos informations intéressantes sur
un carnet de bord
Pourquoi un carnet de bord ?
L’agenda permet de planifier vos journées, le carnet de bord vous sert à
consigner vos pensées. Comme nous recevons tous énormément
d’informations quotidiennement et que nous avons beaucoup d’idées dans
une seule journée, il nous est le plus souvent impossible de tout retenir. Le
carnet de bord aura donc cette fonction. Dès qu’une information vous paraît
intéressante, inscrivez-la dans votre carnet. Vous voyez une pub sur la
Croatie qui vous intéresse, prenez les coordonnées, on vous parle d’un film
qui vous semble sympa, notez le titre, vous passez devant un restaurant qui
vous donne envie, demandez une carte ou notez l’adresse…
Outre ces informations régulièrement oubliées faute d’organisation,
vous avez probablement de nombreux souhaits en suspens que vous
n’accomplissez pas. Alors, dès qu’une idée vous vient, inscrivez-la. En
effet, sympathiques et parfois faciles à réaliser, de nombreuses activités
sont, à tort, délaissées ou reportées, alors qu’elles vous apporteraient plaisir
et bien-être si vous les considériez plus concrètement. Il peut s’agir de
l’abonnement à un club de sport, de se rendre au cinéma régulièrement, lire
une revue, un roman, découvrir un restaurant, bricoler chez soi, décorer sa
maison, inviter des copains à dîner, s’acheter un cerf-volant…
Placez en priorité vos aspirations
« Tiens, il faudra que je pense à…, cela a l’air sympa de pouvoir…,
j’aimerais bien…, je voudrais tant…, si j’avais du temps je pourrais…
J’aurais bien essayé de… »
Dès qu’une pensée de ce type survient, notez-la dans votre carnet de
bord. Ensuite examinez en quoi elle vous intéresse, vous motive, si elle est
réalisable et comment vous pourriez la mettre en place. Pour cela prévoyez
du temps réservé à la réflexion et la réalisation de vos souhaits. N’hésitez
pas à en parler à vos proches pour avancer dans votre réflexion.
Vos idées peuvent concerner votre vie sociale et affective, votre
logement, votre santé, vos vacances, peu importe. Cela peut-être reprendre
contact avec une ancienne connaissance, ranger ou repeindre votre
appartement, changer de vaisselle, aller chez le coiffeur…
Quand vous mettez à plat vos pensées…
– Vous ne laissez pas en suspens un projet potentiellement agréable.
– Vous accédez à une meilleure connaissance de vous-même.
– Vous augmentez votre créativité quand vous êtes seul.
– Vous prenez en compte vos besoins.
– Vous prenez conscience des pensées automatiques nuisibles à votre
bien-être.
Il est important, sinon indispensable, de noter vos idées au moment
précis où elles vous viennent. À cet instant-là, vous êtes enthousiaste et
spontané, ce qui ne sera pas obligatoirement le cas plus tard. Vous risquez
aussi fortement d’oublier d’y réfléchir ensuite, une fois hors du contexte. En
outre, quand vous serez seul, il vous sera plus agréable de vous rappeler un
souvenir positif porteur d’un projet que d’inventer quelque chose à faire
alors que vos émotions comme vos pensées vous ramènent à votre solitude.
Prendre des notes, c’est aussi un moyen de mettre à plat vos pensées
parasites, vos souvenirs douloureux, vos sujets de préoccupation. À vous,
ensuite, de prendre soin de revenir dessus. Seul, ou avec un confident ou un
thérapeute, selon l’impact émotionnel, la souffrance que vous ressentez.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point dans les chapitres suivants.
Organiser votre temps libre
Ayez soin de ne pas laisser des pans entiers de vos journées sans avoir
rien à faire. Vous serez confronté à un malaise inutile que vous pourriez
éviter en vous organisant correctement. Prévoyez à l’avance vos loisirs,
profitez de votre temps libre pour réaliser les activités qui vous tiennent à
cœur.
Pour trouver une activité agréable, partez de votre expérience
personnelle, réalisez vos rêves d’enfant jamais accomplis, reprenez des
choses faites jadis, puis abandonnées à contrecœur (danse, musique, dessin,
bricolage…). Vous pouvez aussi demander à vos proches quels sont leurs
hobbies ou consulter les activités proposées par votre mairie. Enfin, il existe
des sites Internet comme Onvasortir, Peuplade qui proposent des activités à
partager au quotidien avec d’autres personnes de votre quartier.
Je construis ma liste de hobbies
Activités artistiques
Peinture, sculpture, photo, film, danse, chant, instrument de musique,
ébénisterie, théâtre…
Activités manuelles
Jardinage, cours de cuisine ou d’œnologie, bricolage, couture, broderie,
restauration de meubles, décorer sa maison, apprendre à jongler…
Activités intellectuelles
Assister à des conférences, apprendre une langue, reprendre ses études,
jouer aux échecs, se rendre dans des cafés à thème (littéraire, écriture,
philosophie…), écrire un journal, un roman, lire la Bible, des poèmes,
résoudre un casse-tête, des mots croisés, des Sudoku…
Activités sportives
Sport d’équipe, randonnée, plongée, roller, cyclisme, escalade,
gymnastique, se rendre à une salle de sports, pratiquer un art martial,
conduire sur un circuit, faire du parachutisme, du planeur, de la plongée…
Voyager
Croisière, safari-photo, découvrir les capitales européennes, voyages
organisés à thème, échanges de maison, visiter des lieux particuliers
comme usine désaffectée, écluse, aéroport, port, dormir une nuit à
l’hôtel…
S’engager
Volontariat, se lancer en politique, être membre d’une association
caritative, rejoindre une communauté religieuse, rendre visite dans les
prisons, les hôpitaux, faire du soutien scolaire, enseigner, apprendre à lire
aux enfants, partir à l’étranger dans une association d’aide…
Activité sociale
Contacter de vieilles connaissances, des copains d’école ou de promo.
Organiser des repas chez soi. Renouer avec sa famille, rendre visite à ceux
qui habitent loin. S’inscrire sur un site Internet (Facebook, MySpace…)
pour étendre son réseau. Sur un site de rencontre (Meetic, Onvasortir…)
pour trouver l’âme sœur, se faire des amis. Présenter des amis les uns aux
autres, intégrer un club de bridge, d’échecs, de badminton…
Maintenant, c’est à vous d’agir. Planifiez vos occupations dans votre
agenda. Privilégiez les activités en groupe. N’en faites pas trop. Choisissez
trois ou quatre activités au plus, mais diversifiées. Par exemple, vous
pouvez choisir une activité plutôt intellectuelle (cours de chinois), une autre
physique (jogging) et une autre dont le caractère social est plus prononcé
(inviter des amis).
Rappelez-vous, la première étape vous a permis de mieux repérer vos
moments de solitude et de modifier votre organisation quotidienne, afin de
vous retrouver le moins souvent possible seul et oisif. Ensuite, vous avez pu
vous mettre à jour de vos contraintes quotidiennes, pour être plus disponible
et entreprendre des activités plus agréables. Vous avez aussi pris l’habitude
de noter dans votre agenda des idées qui traduisent certains de vos désirs
non satisfaits, et souvent négligés, afin de vous donner les moyens de les
réaliser.
Maintenant, vous allez mettre en place des actions qui vous tiennent à
cœur depuis longtemps et répondent à des besoins personnels. Ainsi vous
aurez une meilleure estime de vous-même car vous aurez le sentiment de
mieux maîtriser votre vie, en parvenant à vous réaliser vous-même.
La pratique de ces activités doit vous procurer du plaisir, un bien-être,
une satisfaction intérieurs. Si vous voulez ressentir de la joie, vivre des
moments de bonheur, il ne suffit pas de ne plus avoir de soucis, ni de ne
plus rencontrer de contrariétés. Ce n’est pas uniquement la résolution de
vos problèmes qui vous apportera le bonheur, mais aussi et surtout la
pratique d’activités plaisantes et enrichissantes. C’est notre capacité à
éprouver de la joie qui nous rend heureux et non pas l’absence
d’événements malheureux.
Ne plus être pris au dépourvu
Malgré votre organisation, à cause d’un contretemps, d’un rendez-vous
qui s’annule, vous vous retrouvez seul à ne rien faire alors que vous ne
l’aviez pas prévu. À la déception et à la frustration s’ajoute l’angoisse de
n’avoir rien à faire. Vous devez avoir des activités à mettre en place, sans
réfléchir, dans ce type de situation, afin de contrecarrer vos pensées
automatiques négatives. Ces activités réflexes de « sauvetage » doivent être
déterminées au préalable pour être utilisées comme une procédure
d’urgence quand vous vous retrouverez seul et oisif. Elles doivent pouvoir
être mises en place facilement et rapidement, sans effort particulier. Elles ne
sont pas forcément passionnantes, ni très intéressantes mais, mises en route
automatiquement, comme une alternative à votre comportement habituel
quand vous êtes seul, elles vous aideront à lutter contre le sentiment de
solitude. Aussi, ne cherchez pas à comprendre leur intérêt éventuel,
exécutez-les sans réfléchir. Elles peuvent s’effectuer chez vous comme à
l’extérieur. Trois ou quatre activités suffisent pour vous dépanner. Il peut
s’agir d’activités de détente (prendre un bain, faire de la gymnastique,
écouter un CD), d’activités utilitaires (rangements, écrire du courrier…),
manuelles (tricot, maquette, puzzle…) ou sociales (appeler un ami, la
famille, se rendre dans un club…)
Construisez votre liste d’activités de sauvetage afin de ne plus être pris
au dépourvu.
Les activités de sauvetage
– Détente : gymnastique, bain, douche, relaxation, jogging, écouter un
CD, visionner un DVD, jouer d’un instrument de musique, chanter…
– Utilitaires : rangements, faire une lessive et repasser, cirer les
chaussures, trier les papiers administratifs, faire du courrier, faire les
courses, s’offrir un cadeau.
– Manuelles : bricolage, maquettes, puzzle, dessin, tricot, broderie,
canevas, couture.
– Intellectuelle : lire une revue, un quotidien, un roman, une bande
dessinée, écrire dans votre journal intime.
– Sociale : joindre un ami, copain, collègue, aller sur Internet pour
chatter, vous rendre à votre club de sports, faire du shopping.
Votre liste d’activités de sauvetage
En cas de moment creux inopiné, j’ai prévu de mettre en place les
actions suivantes :
1. ……………………………………………………………
2. ……………………………………………………………
3. ……………………………………………………………
4. ……………………………………………………………
Fabriquer votre « carte de survie »
Si, malgré vos efforts, votre nouvelle organisation quotidienne, les
activités prévues, vous vous retrouvez seul, en proie à une profonde
angoisse, que faire ? Vous vous retrouvez en zone rouge, comment en
sortir ? Voici un moyen simple qui vous sera d’un grand secours.
Prenez une feuille blanche format A4, pliez-la en quatre et découpez-la
de façon à obtenir un rectangle qui, plié en deux dans le sens de la longueur,
aura la taille d’une carte bleue et pourra ainsi se glisser facilement dans
votre portefeuille.
Sur la première page, notez trois situations où vous avez été fier d’être
seul, vous avez fait quelque chose seul, dont vous gardez un souvenir
particulièrement agréable et gratifiant. Vous pouvez choisir une activité
sélectionnée au chapitre précédent (« Souvenez-vous d’un événement
agréable »).
Sur la deuxième page, inscrivez trois activités de « sauvetage »
praticables facilement, n’importe où, n’importe quand.
Sur la troisième page, demandez aux trois personnes qui comptent le
plus pour vous, de vous témoigner leur affection en écrivant une phrase
réconfortante, ou en dessinant pour vous s’il s’agit d’enfants. Ces trois
personnes peuvent être différentes de celles que vous pouvez joindre
24 heures sur 24.
Sur la dernière page, notez les coordonnées de trois personnes de
confiance, au courant de votre problème, que vous pouvez joindre 24 heures
sur 24 si vous êtes très angoissé. Vous pouvez inscrire les coordonnées des
urgences de l’hôpital, celles d’une association comme SOS Amitiés, ou bien
celles de votre médecin, s’il est facilement joignable.
Entraînez-vous à utiliser cette « carte » dans des situations peu
angoissantes au départ, afin de bien vous familiariser avec la « procédure ».
Comment utiliser votre carte de survie
1. Commencez par pratiquer la respiration abdominale lente pendant
une minute.
2. Puis lisez la première page en vous concentrant sur chacun des
trois souvenirs positifs. Remémorez-vous en fermant les yeux chaque
situation l’une après l’autre. Entre chacune, pratiquez la respiration
abdominale. Essayez de vous représenter vos souvenirs visuellement,
mais aussi physiquement (les sensations agréables ressenties).
Imprégnez-vous de vos souvenirs. Souvenez-vous des pensées que
vous aviez alors sur vous-même. Respirez calmement, les yeux fermés
toujours en pensant à vos souvenirs agréables. Répétez-vous
intérieurement les pensées que vous aviez.
3. Pratiquez la respiration abdominale trois fois de suite, lentement.
4. Passez à la page 2. Mettez en place une des activités programmées.
Si cela ne suffit pas, mettez en place la seconde, puis, si besoin, la
troisième activité. Donnez-vous 10 minutes avant de changer
d’activité. Si votre mal-être persiste, prenez un verre d’eau fraîche et
reposez-vous une dizaine de minutes, puis passez à l’étape suivante.
5. Pratiquez la respiration abdominale trois fois de suite lentement.
6. Lisez la page 3. Pensez à ces trois personnes qui vous aiment,
vous considèrent et vous ont généreusement donné quelque chose (un
mot, une phrase, un dessin) pour vous rappeler qu’elles sont toujours là
auprès de vous quoi qu’il advienne. Souvenez-vous du bien-être et du
calme ressentis à leur contact. Placez la feuille auprès de vous, contre
vous. Prenez courage et force. Si, malgré cela, votre souffrance ne
diminue pas, passez à l’étape suivante.
7. Pratiquez la respiration abdominale trois fois de suite lentement.
8. Appelez une des personnes dont les coordonnées se trouvent sur la
dernière page. Expliquez-lui votre désarroi, votre détresse.

Respectez bien les étapes, quelle que soit l’intensité de votre mal-être.
Gardez toujours cette feuille sur vous, car cela vous rassurera et vous
donnera plus de force. Vous vous sentirez moins seul et plus solide.
Comment pratiquer la respiration abdominale
lente
Placez-vous en position confortable allongée ou assise.
Inspirez par le nez, lentement pendant 3 secondes, en gonflant le ventre
et non pas la poitrine.
Restez en apnée, respiration coupée, pendant 3 secondes.
Expirez doucement la bouche ouverte, en dégonflant le ventre, pendant
6 à 9 secondes. (Le temps d’expiration dure ainsi 2 à 3 fois plus longtemps
que celui de l’inspiration.)
Recommencez trois fois de suite.
Si vous souffrez de solitude… comment ne pas
rester seul
Réagir quand vous êtes seul est fondamental pour lutter contre le
sentiment d’impuissance et de fatalité qui accompagne les moments de
solitude subie. La sensation de solitude peut être comprise comme un
signal, vous avez besoin de vous rapprocher de vos proches, de créer des
relations sociales ou affectives plus satisfaisantes. Un peu comme la faim et
la soif vous poussent à chercher des aliments pour vous nourrir et de l’eau
pour vous hydrater, la solitude vous pousse à chercher des « nourritures
affectives » pour combler votre insatisfaction relationnelle. Aussi activer
votre réseau relationnel quand vous êtes seul est une stratégie
particulièrement efficace.
Consultez votre répertoire et téléphonez à vos amis en commençant par
ceux avec lesquels vous êtes le plus à l’aise, en confiance, complice, et qui
sont les plus disponibles. Prenez de leurs nouvelles, écoutez ce qu’ils ont à
vous dire, racontez ce que vous faites, bavardez de choses et d’autres,
même superficielles et inutiles a priori, car l’important n’est pas d’être
intéressant, mais d’échanger, de passer du temps avec des personnes que
vous appréciez.
Rien ne vous empêche aussi de joindre de simples connaissances, des
relations lointaines justement pour les approfondir, faire plus ample
connaissance. Plutôt que le téléphone, utilisez alors Internet, moins intrusif,
notamment sur les sites de réseau social comme Facebook, MySpace ou sur
MSN.
Vous pouvez aussi sortir de chez vous et vous balader au hasard, vous
arrêter à une terrasse de café, discuter avec un bouquiniste, fouiner dans une
brocante et papoter avec le propriétaire des lieux… Souvent de simples
rencontres inattendues apportent plus de réconfort que vous ne l’auriez
imaginé.
Internet pour faire face à la solitude ?
De nombreuses personnes utilisent Internet pour échapper à la solitude.
Les jeux, le « chat », les forums de discussion, la recherche d’informations
sont autant de solutions efficaces pour gérer la solitude. Dans le même
temps, rester seul devant son ordinateur plusieurs heures, communiquer
anonymement, jouer sans véritable échange entretient l’isolement. Aussi
Internet est autant un moyen d’entrer en communication, de tisser des liens
qu’un piège potentiel, qui enferme son utilisateur dans un monde virtuel
avec le risque d’être rapidement déconnecté de la réalité.
À consommer avec modération et recul donc. Pour vous y retrouver
voici quelques sites Internet :
– Site de réseau social pour rester en lien avec ses amis et développer
son tissu relationnel en fonction de son profil : Facebook, Netlog, Hi5,
Badoo, MySpace…
– Sites communautaires pour rencontrer des personnes et partager une
passion, des activités de loisir : Onvasortir, Allons-sortir, Kikepartant,
Sortiraparis, Peuplade…
– Sites pour retrouver des amis perdus, de vieilles connaissances :
Amisperdus, Chasseursdamis, Copainsdavant…
– Sites de rencontre pour célibataire qui recherche l’âme sœur :
Netinthecity, Meetic, Ulteem, Zoosk, UneRencontre, Serencontrer…
Néanmoins, très souvent, on reste seul aussi parce qu’on manque
d’aisance sociale, on évite de prendre des risques, par peur d’être rejeté ou
de déranger, ce qui explique justement en grande partie l’isolement social.
C’est pourquoi je vous propose d’aborder ensemble, dans les chapitres
suivants, les techniques de communication nécessaires pour dépasser ces
craintes et développer des compétences sociales.
Chapitre 10
Développer
une aisance sociale
Dépasser vos inhibitions
« Ce n’est pas parce que c’est difficile que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas
que c’est difficile. »
SÉNÈQUE.
La plupart des blocages psychiques qui nous empêchent de nous réaliser
proviennent de croyances personnelles erronées qui s’imposent à nous sous
la forme de pensées automatiques dont nous n’avons pas forcément
conscience tant elles font partie de notre univers psychique. Ces convictions
s’appuient sur notre histoire, les événements de notre vie, mais dépendent
aussi de notre tempérament si bien que nous les critiquons rarement.
Pourtant elles dirigent nos choix de vie et sont à l’origine de préjugés qui
nous conduisent à nous représenter les situations en fonction de notre vécu
intérieur et non plus de la réalité extérieure. L’inhibition sociale procède
pour une large part de ce principe.
Les pensées automatiques
source d’anxiété sociale
Rougir en société, c’est montrer qu’on est faible.
On doit contrôler en permanence toutes ses émotions.
Si je bafouille, on va se moquer de moi.
Si je prends la parole, je dois dire quelque chose d’intéressant.
Si je ne dis rien, je vais les mettre mal à l’aise.
Le silence traduit toujours un malaise.
Si je ne sais pas répondre à une question, je suis nul, stupide,
incompétent.
On ne doit pas faire part de ses émotions aux autres.
On doit toujours être à l’aise quand on parle à quelqu’un.
L’anxiété sociale
Ne nous attardons pas sur les causes de l’inhibition sociale. Des causes
diverses conduisent souvent à un même comportement-problème qui
fonctionne ensuite de manière automatique, comme un réflexe, alors que la
cause originelle a depuis longtemps disparu. Retenons que la gêne,
l’angoisse que l’on peut ressentir en public, en situation sociale, peut
traduire divers troubles psychiques regroupés sous le terme générique
d’anxiété sociale. Voici, résumées dans le tableau ci-dessous, les principales
caractéristiques de l’anxiété sociale en fonction des formes cliniques
considérées.

Les caractéristiques des anxieux sociaux


Les personnes qui souffrent d’anxiété sociale présentent certaines
spécificités psychologiques qui expliquent leur trouble. Examinons cela
plus en détail.
Une conscience de soi excessive
L’anxieux social a une conscience de soi excessive. Un signe physique,
une intonation de voix inhabituelle, un mot mal prononcé ou mal choisi et il
s’arrête dessus au lieu de passer outre comme d’autres le feraient. Cette
sensibilité excessive le conduit à s’interroger en permanence sur lui-même,
et sur l’image que les autres ont de lui. Il n’est pas rare qu’au cours d’une
conversation, il soit plus absorbé par l’image qu’il donne que par le sujet
évoqué. En outre, convaincu qu’il existe, quand on rencontre quelqu’un, un
comportement type à suivre pour faire bonne impression, il s’attache plus à
la façon dont il parle qu’à l’échange relationnel en tant que tel.
Une mauvaise estime de soi
L’anxieux social est persuadé de ne pas être intéressant en tant que
personne. Il présume que, pour susciter l’intérêt des autres, il doit disposer
de qualités exceptionnelles. Il s’applique alors à trouver des sujets de
conversation originaux, la posture parfaite, avoir la réponse adéquate, pour
donner plus de valeur à son personnage. Dans ces conditions, la survenue
d’un signe physique laissant entrevoir une émotion devient dramatique. Un
tremblement, un rougissement, des sueurs, la voix qui change et tout
bascule. Son interlocuteur va s’en apercevoir et le critiquer vivement pour
son manque d’assurance, son émotivité non contrôlée. Un blanc dans une
conversation, un silence, et il se juge ridicule et sans intérêt. Cela signe
l’ennui de son interlocuteur. Incapable de répondre du tac au tac à une
critique, il se reproche d’être faible ou s’imagine être l’objet de moqueries
de la part des autres. En fait, comme il a une image négative de lui-même, il
sélectionne les informations susceptibles de renforcer cette croyance, et
s’adresse des reproches s’il ne parvient pas à donner une excellente image,
sans prendre en compte que les autres n’en attendent pas tant.
La peur des autres
L’anxieux social est impressionnable et redoute le jugement négatif
d’autrui, non seulement parce qu’il se mésestime, mais aussi parce qu’il est
convaincu que les gens sont critiques, moqueurs, exigeants, de sorte qu’il
est persuadé qu’il ne sera pas accepté, apprécié, tel qu’il est. Pourtant, dans
les faits, il a rarement reçu de tels reproches. Les autres n’expriment à son
égard, ni jugement aussi tranché ni critique aussi vive. Mais ses croyances
sont plus fortes que la réalité : il attribue aux autres des pensées qu’il a sur
lui-même. Aussi, paradoxalement, l’anxieux social ne prend pas en
considération ce que pensent les autres : il pense pour eux ! Il ne laisse pas
à l’autre la possibilité d’être lui-même : il sait déjà comment l’autre va
réagir, ce qu’il va penser de lui, comment la rencontre va se dérouler… ses
préjugés priment sur la réalité.
Peu de plaisir à échanger
Pour un anxieux social, chaque rencontre devient une véritable épreuve,
un examen, au décours duquel une sentence finale va tomber : s’il n’est pas
parfait, il sera rejeté. Mais alors qu’il s’efforce d’être parfait, irréprochable,
il ne prend pas de plaisir à bavarder et oublie de s’intéresser à ses
interlocuteurs. Pourtant il se trompe sur les relations humaines : ce n’est pas
la façon dont se déroule la discussion, ni même le sujet de la conversation
qui importent le plus. Une discussion est un moyen comme un autre
d’échanger, de partager un moment, de faire une rencontre, de se révéler à
l’autre, d’être en relation avec lui. Cet aspect convivial lui échappe, tant il
se préoccupe de l’image qu’il renvoie. Cet égocentrisme anxieux l’empêche
de profiter véritablement de la rencontre, un peu comme un promeneur qui,
ayant le vertige, ne pourrait profiter pleinement de son excursion en
montagne.
L’évitement des situations sociales
Étant mal à l’aise en société, sinon en état de panique, redoutant les
critiques et le rejet, persuadé de n’intéresser personne, l’anxieux social évite
les situations sociales, ce qui a pour effet de maintenir sa problématique et
de renforcer sa solitude. En effet, plus il évite et moins il développe de
compétences sociales, lesquelles s’acquièrent, comme tout apprentissage,
par la pratique. Moins il est compétent et plus son anxiété sociale augmente,
ce qui le conduit à éviter et ainsi de suite. En outre, quand on évite une
situation redoutée, on est convaincu d’avoir échappé à un problème, sans
pouvoir vérifier le bien-fondé de son angoisse. De sorte que très souvent les
personnes anxieuses imaginent qu’elles ont évité des situations
catastrophiques qui ne se seraient pas produites dans la réalité. Ne pas
affronter ses peurs conforte l’idée que les fantasmes qui leur sont attachés
sont vrais. Éviter empêche de distinguer la réalité de l’imaginaire.
Ne plus avoir peur des autres
Chassez vos préjugés négatifs
Arrêtez de voir dans chaque inconnu un juge ou un bourreau. Si les gens
vous parlent, vous écoutent, vous sollicitent, vous invitent, c’est simplement
qu’ils souhaitent passer un moment agréable avec vous, ont envie de vous
connaître. Ils n’ont probablement pas pour objectif de vous juger, vous
critiquer. En outre, beaucoup de vos proches seraient plus aidants si vous
leur parliez de vous, de vos craintes, s’ils avaient connaissance de vos
difficultés relationnelles, que vous cachez le plus souvent. Si certains vous
ignorent, demandez-vous ce que vous faites, vous, pour aller vers eux,
plutôt que de les accuser d’être froids ou distants.
Soyez disponible pour les autres
Prenez le temps de découvrir les autres. Soyez ouvert, accueillant,
comme lorsque vous recevez chez vous des invités. Engager une
conversation, c’est inviter l’autre à parler. Aussi laissez-le s’exprimer,
écoutez-le, apprenez à le connaître. Donnez-lui la possibilité d’être lui-
même, de se révéler à vous, pour pouvoir le rencontrer véritablement, plutôt
que de porter des jugements hâtifs et de vous laisser influencer par vos a
priori. Vous observerez alors que vos craintes étaient le plus souvent non
justifiées.
Prenez le risque d’être vous-même
Montrez-vous tel que vous êtes, au risque de déplaire. Il vaut mieux
déplaire pour de bonnes raisons que de plaire pour de mauvaises. L’idée est
de construire une relation singulière, pas d’être parfait. Bien sûr, il existe
des règles de savoir-vivre, de politesse, qu’il faut respecter car cela
témoigne de la considération que l’on porte à l’autre, mais ne dissimulez
pas votre caractère par crainte de déplaire, soyez attentif à ne pas tromper
l’autre en voulant donner une image positive de vous-même. Il pourrait
ensuite être déçu. Vous êtes comme vous êtes, certains apprécieront tel
aspect de votre personnalité, d’autres pas. Acceptez de ne pas plaire à tout
le monde, et laissez à l’autre la possibilité de vous apprécier comme il le
souhaite. Prenez aussi en compte qu’une relation se construit
progressivement, et que les premiers contacts sont parfois laborieux :
sachez être patient.
Sachez relativiser vos signes physiques et vos
angoisses
Chacun a éprouvé, à un moment ou à un autre, une anxiété sociale,
manifestée sous la forme de symptômes physiques comme le rougissement,
les palpitations cardiaques, des sueurs ou un tremblement des mains. Il
s’agit d’un phénomène réflexe normal, inconfortable certes, mais qui
concerne tout le monde et survient à notre insu sans que nous puissions en
contrôler la survenue. La différence essentielle entre les anxieux sociaux et
les non-anxieux est l’intolérance et la sensibilité à ces symptômes des
premiers et la relative indifférence des seconds. Pour les anxieux sociaux,
ces symptômes trahissent une faiblesse personnelle et donnent une
mauvaise image de soi. Pour les autres, ils traduisent juste une réaction à
une situation et sont sans rapport avec leur propre valeur. Schématiquement,
on pourrait dire que chacun a rougi un jour ou l’autre dans sa vie, mais que
l’anxieux social, lui, ne l’a pas supporté. Pourtant, ce n’est pas parce qu’il
rougit qu’il se sent mal à l’aise, mais parce qu’il se sent mal à l’aise qu’il ne
supporte pas de rougir. Si, vous aussi, vos signes physiques vous
handicapent, retenez que, très souvent, ils ne sont pas perceptibles par votre
interlocuteur, alors même qu’ils vous gênent terriblement, à cause de votre
sensibilité. Il existe un décalage entre ce que vous ressentez et ce que
l’autre perçoit. Ensuite dites-vous que votre interlocuteur n’en a que faire, il
est plus attaché à vous parler qu’à vous observer, il ne prête pas attention
aux modifications physiques que vous ressentez. Et, dans l’hypothèse où il
observerait vos symptômes, admettez qu’il puisse en avoir une
compréhension différente, car son vécu n’est pas identique au vôtre. Enfin,
s’il devait avoir une image négative de vous, si vous deviez le décevoir
brutalement à l’apparition du symptôme physique tant redouté, pourquoi ne
pas en discuter ? N’accordez donc pas plus d’importance à vos
manifestations anxieuses qu’elles n’en ont réellement. Plus vous accepterez
vos signes physiques, moins ils vous gêneront, et puis, moins vous y ferez
attention, moins ils surviendront.
Ne soyez plus dépendant du regard des autres
Osez affronter le regard que l’autre porte sur vous. N’oubliez pas que
nous jugeons l’autre uniquement quand son comportement nous atteint,
nous concerne. Tant que l’attitude de quelqu’un ne nous dérange pas
personnellement, nous n’éprouvons pas de jugement négatif à son égard.
Aussi pour qu’une personne porte un jugement négatif sur vous, il faut au
préalable que votre attitude la dérange, lui déplaise profondément,
l’agresse. En quoi rougir, trembler, avoir le cœur qui palpite, dérange
l’autre ? N’oubliez pas aussi que nos pensées automatiques ne sont pas le
fruit d’une réflexion, d’une élaboration intellectuelle, mais le simple produit
d’une décharge réflexe de notre cerveau « intellectuel ». Si vous tremblez,
votre interlocuteur pensera d’abord : « il tremble » ou éventuellement
« pourquoi tremble-t-il ? » plutôt que « s’il tremble, cela signifie qu’il est
mal à l’aise, donc… ». Il peut d’ailleurs vous en faire part et vous
demander : « Pourquoi trembles-tu ? » Rien ne vous empêche alors de lui
dire la vérité : « Je ne sais pas trop, parfois je tremble sans raison et cela
m’agace d’ailleurs… je sais, il m’arrive de trembler quand je suis intimidé
ou quand je ne connais pas trop les personnes… c’est probablement lié au
fait que je suis nerveux en ce moment… » Il peut aussi rire de manière
réflexe, sans avoir de pensées négatives associées, comme nous le ferions
face à un gag télévisé. Plutôt que d’imaginer qu’il se moque de vous, ou
vous trouve ridicule, demandez-lui pourquoi il rit et acceptez sa réponse
comme un point de vue dont vous pouvez débattre. S’il vous dit par
exemple : « Non, mais je rigolais car tu étais tout rouge tout à l’heure »,
vous pouvez lui répondre : « Oui je sais, je rougis souvent, mais en quoi
cela t’amuse ? » Plus vous banaliserez vos signes et plus vous pourrez en
parler librement. C’est parce que vous les connotez négativement et qu’ils
réveillent en vous des souvenirs douloureux que bien souvent vous n’osez
pas en parler et que vous vous évertuez à les cacher. Rappelez-vous, ces
symptômes sont des réactions réflexes au stress : plus on les redoute, plus
ils surviennent. Aussi acceptez vos limites, ne cherchez pas à maîtriser des
réactions sur lesquelles votre volonté est impuissante, mais concentrez-vous
sur ce que vous pouvez changer : sachez être agréable, attentif, empathique.
Peu importe que cela s’accompagne ou non de signes émotionnels que vous
ne contrôlez pas.
Parlez à vos proches de vos difficultés
Pour les dépasser, les démystifier, ne plus vous cacher. Après tout, qui
vous empêche d’exprimer à quel point cette anxiété vous agace, vous
dérange, et perturbe vos relations et combien vous aimeriez vous en
débarrasser ? Cela facilitera vos relations sociales en diminuant l’anxiété de
performance et en favorisant des rapports authentiques.
Choisissez un homme et une femme dans votre environnement
professionnel, parmi vos amis et au sein de votre famille. Cela fera donc six
personnes (2 × 3). Choisissez des personnes tolérantes, disponibles, de
confiance, et à l’aise socialement. Prenez contact avec chacune d’entre elles
séparément et exprimez-lui vos difficultés relationnelles, sans vous
dévaloriser, ni vous plaindre. Restez vrai, factuel, mais ne portez pas de
jugement négatif sur vous-même. Expliquez la nature de vos troubles,
comment ils se manifestent, en quoi ils vous handicapent, la gêne qu’ils
vous occasionnent au quotidien. Si votre interlocuteur paraît empathique,
soucieux de vous, dites-lui que vous souhaiteriez pouvoir compter sur lui si
demain vous aviez des problèmes relationnels, pour avoir un conseil, son
avis, l’avis d’une personne de confiance pour vous. S’il accepte, remerciez-
le chaleureusement car demain vous ne serez plus seul pour affronter des
situations stressantes.
Changer votre discours intérieur
Identifiez vos pensées automatiques pour apprendre à les critiquer. Dès
que vous êtes en situation sociale, notez vos pensées réflexes ainsi que les
sensations physiques ressenties, selon la méthode des colonnes d’Aaron
Beck comme dans le tableau ci-dessous. Vous observerez rapidement qu’en
fonction de l’intensité et de la nature de vos signes physiques, certaines
pensées reviennent de façon récurrente alors même que les situations
changent. Cela signifie que vos pensées automatiques traduisent votre
ressenti intérieur et non pas la réalité extérieure.

Ces pensées sont donc congruentes à votre état émotionnel, en accord


avec lui, elles ne reflètent pas forcément la réalité de la situation. Parfois,
elles sont même complètement fausses, même si vous êtes convaincu du
contraire. Il nous arrive à tous de sursauter quand nous sommes surpris par
un bruit, et d’imaginer instantanément un scénario catastrophe alors qu’il ne
s’agissait que d’une plaisanterie ou de la pétarade d’un cyclomoteur.
N’oubliez pas que vos pensées ne sont que des hypothèses théoriques, pas
des vérités absolues, même si certaines vous apparaissent comme des
convictions. Vous n’avez qu’à écouter un débat politique, une discussion
portant sur la religion ou la peine de mort pour vous rendre compte que
chacun a son opinion et croit détenir la vérité.
Les principales distorsions cognitives qui nous amènent à commettre
des erreurs d’interprétation s’appuient sur des processus psychiques qui
sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Les principales distorsions cognitives
Inférence arbitraire : tirer des conclusions sans preuve, sans logique
avec la réalité.
Surgénéralisation, : considérer un cas singulier comme une règle
générale.
Abstraction sélective : ne retenir qu’un détail sans prendre en
considération le contexte.
Personnalisation : surestimer les relations entre un événement
défavorable et soi-même, s’attribuer à soi-même les conséquences
négatives d’un événement.
Minimisation, maximalisation : sous-évaluer les données qui
contrarient le schéma et exagérer l’importance des informations qui le
confirment.
Alors, comment procéder pour prendre le recul nécessaire quand
s’imposent à vous des pensées auxquelles vous adhérez sans aucun esprit
critique ?
Prenez conscience de votre état émotionnel
Très souvent, il s’agit d’un état qui s’accompagne d’une charge
émotionnelle intense, caractérisée par des signes physiques comme des
palpitations, une accélération de la fréquence respiratoire, un tremblement
des extrémités, des crampes abdominales ou des spasmes intestinaux, une
tension musculaire, un sentiment de tension nerveuse… Tous ces signes
montrent que votre cerveau émotionnel réagit, est particulièrement actif.
Identifiez vos pensées automatiques
Il s’agit des pensées qui surviennent en même temps que vous ressentez
tous ces signes physiques. C’est un peu comme si vous aviez une double
information sur la situation, l’une passant par votre corps, l’autre se
présentant sous la forme de cognitions. Dès qu’une situation vous émeut,
prenez l’habitude de noter les pensées automatiques qui vous viennent à
l’esprit. Par définition, ces pensées sont spontanées et non le fruit d’un
travail intellectuel élaboré. Elles ne sont pas réfléchies, mais réflexes, et
assujetties à votre état émotionnel. Elles sont parfois difficiles à repérer tant
elles nous apparaissent comme des vérités.
Critiquez vos convictions
Une fois vos pensées automatiques identifiées, vous devez en vérifier la
validité. En quoi sont-elles vraies ? Sur quels éléments vous appuyez-vous
pour croire en cette pensée ? Si vous n’étiez pas angoissé, penseriez-vous
de même ? Les personnes autour de vous pensent-elles toutes comme
vous ? Quels sont les arguments qui valident et ceux qui invalident ces
pensées ? Après avoir répondu à ces questions, demandez-vous quelles sont
les conséquences de la situation. Est-ce grave ? Est-ce irrémédiable ? En
quoi ces pensées sont-elles si importantes, déterminantes ? Enfin, examinez
en quoi ces pensées vous aident. Que vous apportent-elles concrètement ?
Sont-elles agréables ? Vous permettent-elles de progresser, d’avancer,
d’avoir confiance en vous ? Pourquoi y croyez-vous alors ? Vous réaliserez
que vous croyez à vos pensées uniquement parce qu’elles sont en phase
avec vos émotions, et pas du tout parce qu’elles sont justes ou vraies.
Trouvez des pensées alternatives
Votre travail revient à trouver des pensées plus objectives, plus justes, à
imaginer d’autres hypothèses explicatives que celles habituellement
formulées de manière automatique. Ces nouvelles pensées doivent être
réalistes et vraies pour vous-même pour que vous puissiez y croire et
qu’elles remplacent secondairement vos pensées initiales qui ne vous
aidaient pas. Il ne s’agit ni de lavage de cerveau ni de méthode Coué. Pour
parvenir à trouver ces pensées alternatives, deux méthodes simples : la
décentration physique et la décentration temporelle. La décentration
physique consiste à imaginer une connaissance (votre interlocuteur, un ami,
une copine…) et à se demander ce que cette personne se dirait si elle était à
votre place. Vous pouvez aussi essayer de vous représenter ce que vous
penseriez si vous aviez en face de vous quelqu’un qui réagirait comme vous
le faites. La seconde méthode, appelée décentration temporelle, consiste à
prendre de la distance par rapport à la situation en la replaçant dans votre
vie. Demandez-vous quelle incidence la situation présente aura dans dix
ans ? Toutes ces interrogations doivent vous conduire à des pensées plus
souples, moins rigides. Notez-les et retenez-les.
Implantez vos pensées alternatives
Remplacez alors vos pensées automatiques par les pensées alternatives
que vous venez de trouver afin d’aborder les relations sociales plus
sereinement. Obligez-vous au début à lire vos pensées alternatives
régulièrement et notamment avant d’aborder une situation problème. Vous
n’y êtes pas encore familiarisé et elles ne collent pas à ce que vous aviez
l’habitude de vous dire, il vous faudra donc les implanter consciemment et
vous les répéter plusieurs fois avant qu’elles ne deviennent des pensées
automatiques.
Oser affronter vos peurs
Ne soyez plus limité par vos craintes. Tant que vous envisagerez votre
avenir, vos relations aux autres, en fonction de vos angoisses, vous lutterez
sans cesse contre vos scénarios catastrophes, l’un chassant l’autre, mais
vous ne déploierez pas les moyens nécessaires à votre bien-être. Plutôt que
d’éviter les situations anxiogènes et d’organiser votre vie en fonction de vos
peurs, pensez à ce que vous feriez si vous en étiez libéré. Demandez-vous
ce que vous feriez demain si vous n’aviez plus d’angoisse. Donnez-vous
alors les moyens d’atteindre ces objectifs. Pour arriver à dépasser vos peurs,
vous devez les apprivoiser, c’est-à-dire vous confronter à des situations
suffisamment anxiogènes pour apprendre à les dépasser, mais pas trop
terrifiantes pour ne pas vous bloquer. Un peu comme un enfant qui apprend
à skier. Il doit dépasser sa peur de tomber en respectant des étapes (skier sur
du plat, s’arrêter en chasse-neige, tourner, arrêt en tournant, slalom…) qui
lui donneront confiance, lui permettront d’accepter que la chute est un
risque inhérent à cette activité, mais que la pratique rend acceptable. Pour
dépasser vos inhibitions sociales, vous aussi, vous devez procéder par
étapes successives. Pour cela, vous allez construire un programme
personnel d’exposition aux situations anxiogènes. Vous trouverez en annexe
(voir page 283) un programme d’exposition type qui comporte la liste des
situations problèmes les plus fréquemment rencontrées, proposées par ordre
croissant de difficultés. Chacun étant différent, il se peut que toutes les
situations présentées ne vous concernent pas, mais vous aurez ainsi une
trame sur laquelle vous pourrez vous appuyer pour construire votre
programme personnel d’exposition.
Chapitre 11
Améliorer
ses compétences sociales
Les personnes qui souffrent de solitude présentent, nous l’avons évoqué
à différentes reprises, un manque d’habileté sociale qui limite les échanges
et perturbe la relation à l’autre. Ces difficultés relationnelles favorisent
secondairement l’inhibition avec une tendance au repli, une résistance à
prendre des risques sociaux, la peur d’être rejeté ou de déranger,
manifestations qui progressivement isolent et interdisent d’aller vers les
autres pour y trouver le soutien et le réconfort dont on a besoin.
Le but de ce chapitre est de développer vos habiletés sociales afin de
favoriser la communication, les échanges d’idées, dans le respect mutuel,
pour mieux se comprendre et s’accepter les uns les autres. Ces habiletés
touchent quatre domaines :
• Les habiletés sociales de base comme « prendre contact » et « faire la
conversation ».
• Les habiletés d’affirmation de soi qui facilitent l’expression de ses
désirs et la capacité à faire valoir ses droits.
• L’expression des sentiments qui favorise le partage de notre vécu
intérieur, positif comme négatif.
• L’empathie qui permet d’être sensible aux droits, aux désirs et aux
sentiments des autres.
L’utilisation d’une habileté sociale ne se fait pas au hasard. Elle dépend
d’un contexte situationnel (la situation) et émotionnel (vécu intérieur) en
fonction duquel on décide d’essayer d’obtenir quelque chose (objectif).
Après avoir fixé son but, il s’agit de réfléchir aux différents moyens de
l’atteindre en sachant que certains moyens sont plus efficaces que d’autres.
Il importe donc d’évaluer l’efficacité potentielle, mais aussi les
conséquences possibles de chaque moyen avant de choisir.
Par exemple, une personne seule (situation) peut éprouver de l’ennui
(sentiment). Si elle se fixe pour objectif d’attendre qu’il se passe quelque
chose qui la sortira de son ennui (objectif), elle décidera de ne rien faire
(moyen). Mais la conséquence sera une augmentation de son sentiment
d’ennui et de solitude. En revanche, si elle se fixe pour objectif de parler
avec quelqu’un pour rompre sa solitude (objectif), elle pourra décider de
téléphoner à un ami, de s’inscrire à une activité collective (moyen) et la
conséquence sera une diminution des sentiments de solitude et d’ennui.
Il est important de se fixer des objectifs et des moyens permettant de
faire face à une situation donnée. Si les objectifs et les moyens choisis ne
sont pas adéquats, les problèmes persisteront et s’aggraveront. Comme vous
le verrez, le choix et la bonne application d’une habileté sociale permettent
souvent de faire face efficacement à une situation problème.
Abordons maintenant chacun des quatre domaines qui constituent les
habiletés sociales.
Faire la conversation
Faire la conversation requiert différentes compétences.
C’est avant tout aborder quelqu’un, c’est-à-dire prendre contact, initier
la conversation. Toute relation débute par une prise de contact. Selon le
contexte, l’abord sera différent. Engager une conversation, c’est accepter de
prendre un risque social et éventuellement d’être débouté.
Ensuite, c’est maintenir la conversation, bavarder, échanger des idées.
Selon le degré d’intimité de la relation et l’objectif que l’on s’est donné, la
discussion s’orientera différemment. Maintenir une conversation, c’est
savoir être attentif à l’autre et se révéler afin de créer un lien.
Engager une conversation
Quand on décide d’engager une conversation, c’est soit pour rompre
avec la solitude, soit parce que l’on a quelque chose de précis à dire à
quelqu’un. Dans le premier cas, l’idée est de faire connaissance en
bavardant, trouver du plaisir à discuter ; la conversation sera relativement
informelle. Dans le second cas, l’objectif est plus direct et le contenu des
propos fonction du message que vous souhaitez émettre : une demande, une
critique, un compliment… Toutes ces habiletés seront décrites dans le
chapitre « Apprenez à vous affirmer ». Ici, voyons plutôt comment vous
pouvez engager une conversation moins formelle avec un inconnu.
Savoir engager une conversation facilement, c’est l’assurance pour vous
de mettre fin à la solitude et de créer de nouveaux contacts partout où vous
irez. Rappelez-vous, vos amis d’aujourd’hui sont les inconnus d’hier.
La prise de contact n’est que la première étape de toute relation. Il s’agit
d’un essai qui peut ne déboucher sur rien, ou marquer le point de départ
d’une amitié solide. En effet, vous pouvez très bien aborder quelqu’un qui
n’a pas envie de parler, et cela quelle que soit la qualité de votre approche.
Entrer en contact, c’est proposer de faire connaissance, mais certaines
personnes préfèrent rester seules, c’est leur choix. Respectez-le. Une
personne timide peut ainsi couper court à la conversation par crainte de ne
pas savoir quoi dire et non pas par désintérêt pour vous. Quelqu’un de
préoccupé peut répondre froidement à votre invitation au dialogue parce
qu’il n’est pas disponible pour discuter.
Dans le même temps, vous ne pouvez pas plaire à tout le monde et
certaines personnes peuvent ne pas vouloir entrer en contact avec vous.
Acceptez cette évidence sans vous sentir remis en cause. Ce n’est pas bien
grave après tout. Il suffit d’être entouré de quelques personnes
bienveillantes, agréables, avec lesquelles vous êtes détendu, pour être
heureux. Réservez votre énergie à ceux qui souhaitent construire avec vous
plutôt que de la dépenser pour ceux qui s’y refusent.
De même qu’un joueur de foot ne marque pas à chaque tir, vos
initiatives ne marcheront pas à chaque fois, c’est normal et c’est ainsi pour
tout le monde. Acceptez donc de prendre un risque car si vous attendez que
l’on vienne vers vous, vous restez tributaire des autres et passif. En outre,
vous ne fréquenterez que les personnes qui s’adressent à vous, qui ne sont
pas toujours les mêmes que celles auxquelles vous souhaiteriez parler.
Ce qui freine les prises de contact
Peur de ne pas savoir quoi dire.
Peur de paraître ridicule.
Peur d’être rejeté.
Absence de désir relationnel.
Désir de se débrouiller seul.
Méfiance à l’égard des autres.
En revanche, il est possible de limiter le risque en respectant quelques
règles élémentaires.
Avant toute chose, regardez la personne à qui vous souhaitez vous
adresser pour lui indiquer votre intention. Le regard est la première prise de
contact. Ayez un visage avenant et souriant pour lui montrer votre intérêt et
votre sympathie. Choisissez un moment opportun où elle n’est pas en
grande conversation, pas préoccupée ou pressée. Ensuite, présentez-vous ou
interpellez directement la personne si le contexte le permet en vous
présentant dans un second temps. Par exemple, à une terrasse de café :
« Bonjour, je suis seul, puis-je m’asseoir à côté de vous ? », dans votre club
de sport : « Bonjour, vous êtes nouvelle, je ne me souviens pas de vous
avoir croisée auparavant ? »
À ce stade, jugez comment l’autre réagit. Est-ce qu’il vous sourit,
répond à votre demande, vous regarde, pose des questions ?… Si ce n’est
pas le cas, acceptez que la personne ne souhaite pas communiquer. Si oui,
poursuivez votre conversation.
Maintenir une conversation
Lors d’une première rencontre, l’idée est de faire connaissance et
d’échanger des banalités dans un premier temps afin justement d’apprendre
à vous connaître. Parler de la famine dans le monde ou des dernières
recherches sur l’énergie nucléaire n’est pas nécessaire pour engager une
conversation. Évitez d’aborder d’emblée les thèmes trop sérieux qui
peuvent être intéressants dans l’absolu, mais qui seraient ennuyeux dans ce
contexte. Soyez modeste et commencez par un sujet sur lequel votre
interlocuteur pourra répondre facilement. L’idée est de prendre du plaisir à
échanger, que la conversation soit agréable. Posez des questions anodines
dont le but est simplement d’engager la relation.
Il existe quatre grands « thèmes » pour faire connaissance.
Parler de soi
Certains pensent qu’il est mal poli de parler de soi. C’est une erreur.
Être ouvert et livrer simplement des informations sur soi permet à l’autre de
vous connaître. Il pourra rebondir et faire le lien avec des choses que lui
aussi a vécues. Parler de soi, c’est renseigner l’autre sur vous, votre vie,
votre travail, vos loisirs… Il ne s’agit pas bien sûr de vous mettre en avant
ou, à l’inverse, de vous dévaloriser en évoquant vos échecs successifs et en
vous plaignant d’être seul.
S’intéresser à l’autre
Écoutez l’autre, ce qu’il vous dit, soyez disponible. Ne pensez pas à
vous, à ce que vous devriez dire, répondre, faire ou ne pas faire. Oubliez-
vous un peu et concentrez-vous sur la conversation. Les personnes mal à
l’aise socialement sont plus préoccupées par l’image qu’elles donnent que
par la conversation si bien qu’elles ne sont pas toujours attentives à ce qui
se dit. C’est dommage car cette attitude est souvent interprétée par
l’interlocuteur comme une marque de désintérêt.
Parler de la situation
Observez le contexte dans lequel vous vous trouvez, les invités, la
musique, la décoration, le repas, l’architecture… tous ces éléments que
vous partagez avec la personne qui est avec vous. Donnez vos impressions
en évoquant plutôt ce qui vous plaît, vous surprend et non pas ce qui est
désagréable afin de ne pas avoir une conversation négative.
Aborder l’actualité
L’actualité est aussi un thème qui facilite les échanges. Choisissez des
sujets relativement neutres et ne portez pas de jugements radicaux sur les
événements. Vous ne connaissez pas votre interlocuteur et parfois des
événements mineurs pour vous peuvent être très douloureux pour d’autres.
Les fausses croyances qui limitent la conversation
On ne doit parler que de choses sérieuses.
On est seul responsable de la conversation.
On ne doit pas parler de soi.
Quelques outils précieux
Posez des questions ouvertes
Identifiez ce qui vous intéresse chez votre interlocuteur et posez-lui des
questions en privilégiant les questions ouvertes (Qui ? Où ? Comment ?
Pourquoi ? Quand ?) plutôt que les questions fermées qui laissent moins
d’espace. Par exemple, dites plutôt : « Comment avez-vous trouvé ce
spectacle ? », plutôt que : « Avez-vous aimé ce spectacle ? »
Ne craignez pas les silences et les pauses
Ce n’est pas parce qu’un blanc survient que vous êtes sans intérêt ou
que la personne qui se trouve avec vous s’ennuie. Les silences sont
nécessaires pour réfléchir, prendre le temps d’assimiler ce qui vient d’être
dit. Lorsque l’on ne sait pas quoi dire, il est plus approprié de se taire que
de dire n’importe quoi pour combler un silence. Après une pause, si vous le
souhaitez, vous pouvez changer complètement de sujet en posant une
question sur un autre thème.
Évitez de penser à ce que vous allez dire
Avant d’aborder quelqu’un, réfléchissez à ce dont vous aimeriez parler
avec lui. Mais ensuite, laissez-vous guider par la conversation. Utilisez ce
que l’autre vous raconte pour enchaîner sur de nouvelles idées. Si vous êtes
trop préoccupé par ce que vous pourriez dire, vous négligerez l’autre et la
conversation ne mènera nulle part. Par ailleurs, en portant votre attention
sur la discussion, vous serez moins focalisé sur vos sensations corporelles,
ce qui facilitera d’autant la communication.
Évitez de couper la parole
Laissez la personne s’exprimer et écoutez-la avec attention. Laissez-lui
une place sans vous effacer pour autant. Une conversation saine se traduit
par un temps de parole équilibré. Mais, quand vous prenez la parole, ne
vous excusez pas sans cesse, vous vous dévalorisez et cela peut agacer.
Soyez de compagnie agréable
Privilégiez les messages positifs et les sujets de conversation légers et
agréables plutôt que des événements tristes ou angoissants. Évitez les sujets
polémiques comme la politique ou la religion. Soyez souriant et accueillant,
mettez votre interlocuteur à l’aise. Évitez les phrases du type : « On en était
où ? De quoi parlait-on au fait ? », qui bloquent et témoignent du peu
d’intérêt que vous portez à la conversation.
N’insistez pas
La conversation est un échange où chacun trouve plaisir à découvrir
l’autre. Il arrive parfois qu’après avoir parlé de banalités on se trouve en
phase, en harmonie avec la personne que l’on vient de rencontrer. Un peu
comme si on la connaissait depuis toujours. Les idées s’enchaînent
facilement, le ton est léger, on peut même rire, se raconter des anecdotes
personnelles. Une sorte de complicité s’établit rapidement. Pourtant, cette
situation n’est pas la règle. Aborder un inconnu, c’est accepter de prendre le
risque que celui-ci ne partage pas d’affinités avec vous, surtout au début de
la rencontre. Sa timidité, sa réserve peuvent freiner votre enthousiasme et
rendre votre échange laborieux. Tout ne dépend pas de vous. N’attendez pas
trop d’une première rencontre, ce n’est qu’une prise de contact. L’avenir
vous réserve peut-être des surprises, alors soyez patient et ne prenez pas
cela contre vous. Chacun avance à son rythme et certains ont besoin de plus
de temps que d’autres avant d’être à l’aise socialement. Si votre partenaire
n’est pas interactif, poursuivre la conversation deviendra vite fatigant ou
risque de se transformer en un monologue désagréable pour chacun. Sachez
ne pas insister et ne pas prolonger la conversation plus que nécessaire afin
de ne pas être envahissant. Ne portez pas pour autant un jugement hâtif,
définitif et négatif, reflet de votre déception et non de la réalité de la
situation. Dites-vous que rien n’est irrémédiable, et ne vous imposez pas.
Après 5 minutes de discussion, voyez où vous en êtes. Normalement, et en
suivant les conseils donnés, la conversation devrait être lancée, fluide,
agréable et permettre un échange de qualité pour un premier contact. Si ce
n’est pas le cas, sachez vous arrêter.
Sachez conclure
Aborder quelqu’un, c’est bien, mais il faut aussi savoir conclure la
conversation.
Si l’échange est agréable, interactif et que vous éprouvez du plaisir à
discuter, mais qu’un impératif vous oblige à partir, dites-le. Pour conclure,
exprimez clairement que la conversation a été agréable et que vous avez eu
plaisir à ce moment passé ensemble. Rien ne vous empêche, avant de
quitter votre interlocuteur, d’échanger vos numéros de portable ou adresses
e-mail et de prévoir une autre rencontre dans un autre cadre. « J’ai eu
beaucoup de plaisir à bavarder avec vous et cela me ferait très plaisir de
vous revoir ? Pourrions-nous échanger nos numéros de portable ? Je suis
très content d’avoir fait votre connaissance et j’ai beaucoup apprécié notre
conversation. Mais j’ai beaucoup de personnes à voir ce soir, aussi je vous
propose que l’on reprenne notre conversation plus tard. À moins que vous
souhaitiez que je vous présente à elles ? »
Dans le cas contraire, si vous vous essoufflez à relancer la conversation,
si vous avez le sentiment de faire des efforts pour maintenir un lien,
n’insistez pas. Soyez fier de vous. Vous avez fait ce que vous avez pu, mais
une conversation est un processus bilatéral. Laissez à l’autre le temps de
prendre sa place à son rythme. Remerciez-le d’avoir pris le temps de parler
avec vous et dites au revoir. Vous pouvez conclure par une phrase comme :
« Ça m’a fait plaisir de bavarder avec vous, je suis content d’avoir fait votre
connaissance. Merci. À plus tard. »
… à mettre en pratique
Pendant une semaine, faites l’effort d’être attentif aux autres et de les
observer. Tenez la porte pour laisser passer des personnes, souriez quand on
vous regarde, dites bonjour si vous croisez une vague connaissance.
Remarquez ce qui se passe alors.
Observez la manière dont les gens se parlent, ce qu’ils se disent,
comment ils entrent en relation. Prenez le temps de bien observer comment
parlent et se comportent les personnes qui ont une aisance sociale. Imaginez
ce qu’elles se disent intérieurement, ce à quoi elles pensent quand elles sont
en forme et parlent aisément. Demandez-vous en quoi concrètement tout
cela vous semble si compliqué à appliquer. Notez vos pensées inhibitrices et
essayez de vous représenter ces mêmes personnes avec vos pensées.
Comment réagiraient-elles ? Maintenant imaginez-vous en train d’aborder
des inconnus en vous imaginant vous dans la peau d’une personne
facilement à l’aise avec les autres. Comment feriez-vous, que diriez-vous ?
Qu’est-ce qui vous empêche de le faire ? Retenez que les choses paraissent
difficiles quand on croit qu’elles le sont et non parce qu’elles le sont
réellement.
Fixez-vous pour objectif de prendre le maximum de contacts dans la
semaine. Abordez des personnes dans un magasin pour demander des
renseignements, dans une soirée pour faire connaissance, à la pause-café
pour échanger des idées, etc. N’oubliez pas que l’objectif dans cet exercice
est d’aller vers l’autre et non pas de vous faire des amis. Notez combien il
est agréable d’avoir ces petits échanges quotidiens même s’ils restent très
superficiels.
Chassez vos préjugés négatifs qui limitent vos initiatives personnelles et
osez aborder des inconnus. Votre crainte d’être rejeté ou de paraître ridicule
vous limite pour aller vers les autres, pourtant si vous prenez le risque
d’aller vers eux, vous serez surpris de vous apercevoir que la plupart des
gens sont ravis de faire de nouvelles connaissances.
Écouter avec empathie
Être empathique, c’est essayer de comprendre les sentiments de l’autre,
tenter de se mettre à sa place quand il nous confie ses sentiments ou ses
problèmes. Cette attitude témoigne de notre capacité à nous oublier un
instant pour être disponible à l’autre. Montrer à l’autre qu’on le comprend,
l’aider à trouver une solution à son problème, permet de renforcer les liens,
d’établir des relations plus sincères, authentiques, intimes. Cela ne signifie
pas pour autant que nous allons résoudre ses problèmes, mais que nous
pouvons les prendre en considération et reconnaître ses émotions, qu’il
s’agisse de sa souffrance ou de sa joie. S’oublier pour écouter autrui n’est
pas toujours facile et peut, dans certains cas, nous faire éprouver un
sentiment désagréable d’impuissance ou, inversement, de jalousie, selon
que notre interlocuteur exprime un état de souffrance ou de la joie. Mais le
manque d’empathie, lui, rend la relation distante, sans intimité et sans
considération pour l’autre.
Comment écouter de façon empathique ?
Rester passif et concentré sur ce que dit une personne, boire ses paroles
sans rien dire, n’est pas ce qu’on appelle une attitude empathique. Si vous
ne manifestez pas de signes d’intérêt, si vous n’êtes pas réactif aux propos
de votre interlocuteur, le dialogue se transformera vite en un monologue
ennuyeux. L’écoute empathique est la possibilité, tout en écoutant, de
participer, d’interagir et de témoigner ainsi de l’intérêt que vous portez aux
propos de l’autre.
L’écoute empathique est donc une écoute active.
La communication empathique
1. Écouter attentivement.
2. Encourager l’expression des sentiments.
3. Poser des questions pour comprendre.
4. Reformuler avec nos mots l’essentiel du message de l’autre.
5. Manifester que l’on comprend le sentiment de l’autre.
Les attitudes non empathiques à éviter
Changer de sujet de discussion, montrer notre désintérêt, ne pas
regarder la personne quand elle s’exprime, manifester notre impatience
en lui coupant la parole, en soupirant.
Nier ce que l’autre ressent, ne pas le prendre en compte comme si
ce n’était pas vrai. « N’importe quoi, tu mens, je ne te crois pas, ce
n’est pas possible tu dois te tromper… »
Minimiser ce que l’autre dit : « N’exagère pas, ce n’est pas si
grave, arrête de te plaindre pour rien… »
Dramatiser : « C’est terrible, comment tu vas t’en sortir, cela doit
être invivable, qu’est-ce que tu vas faire ? »
Juger ou blâmer : « C’est ta faute, je t’avais prévenu, si tu m’avais
écouté, tu n’en serais pas là aujourd’hui, tu n’en fais qu’à ta tête, c’est
bien fait pour toi… »
Essayez de vous obliger au moins une fois par jour à appliquer les
techniques de l’écoute active. Observez les changements relationnels.
Apprendre à vous affirmer
L’affirmation de soi est l’expression efficace, sincère et directe, de ce
que l’on veut, pense et ressent, sans anxiété excessive, tout en respectant et
considérant la position d’autrui. C’est aussi savoir exercer ses droits sans
nier ceux des autres et sans redouter la confrontation.
Il s’agit d’un comportement qui n’est ni inné ni spontané, mais qui
s’apprend. Il nécessite l’utilisation de techniques de communication, mais
surtout du bon sens, l’acceptation de soi, et du respect pour soi-même
comme pour les autres. À toutes les techniques proposées ci-après, il est
très important d’associer honnêteté, sincérité et courtoisie.
En ce qui concerne l’affirmation de soi, on peut décrire quatre types
d’attitudes en situation sociale.
L’inhibition
Ne pas oser s’exprimer, éviter les situations conflictuelles, se mettre en
retrait, se montrer poli, gentil, disponible en toutes circonstances par peur
de déplaire caractérise le comportement inhibé des anxieux sociaux. Cette
attitude complaisante conduit à perdre sa propre identité et empêche
d’établir des relations sincères et épanouissantes. En outre, elle induit
secondairement un isolement involontaire par accumulation de ressentiment
et défaut de communication.
L’agressivité
Le comportement agressif se définit par la volonté d’atteindre ses
objectifs, d’obtenir satisfaction, d’imposer ses choix, sans considérer le
point de vue des autres et sans tenir compte des conséquences que cela peut
avoir pour eux. Il se traduit par un manque d’empathie et de sensibilité, des
accusations et des critiques systématiques, des ordres et des menaces, au
lieu de demandes. Les personnes agressives ne dialoguent pas, mais
imposent leur point de vue et attaquent ceux qui ne le partagent pas, sans
respecter leurs désirs et leurs sentiments. Mais leur attitude agressive fait
qu’on les évite, et elles finissent souvent par se retrouver seules.
La manipulation
Les personnes qui manipulent adoptent toutes sortes de stratégies pour
obtenir ce qu’elles souhaitent, sans avoir la franchise de l’exprimer. On
pourrait dire que ce sont des agressifs lâches. Peu sincères, ces
manipulateurs flattent, complimentent, séduisent dans le seul but d’obtenir
satisfaction. Mais ils savent aussi menacer, faire du chantage, se plaindre,
inventer des histoires, tout cela uniquement dans le but de satisfaire leurs
désirs. Ils ne sont pas empathiques et n’arrivent pas à construire des
relations authentiques et intimes. Malgré leur attitude séductrice, ils
souffrent de solitude par manque de relations authentiques.
L’assertivité
Le comportement affirmé combine deux grandes valeurs : la volonté
d’être en accord avec soi-même et le respect d’autrui. Une personne
affirmée assume ses propres contradictions et reste ouverte aux idées
d’autrui. Ce comportement implique donc franchise, écoute active et
empathie. Être affirmé, c’est pouvoir exprimer ce que l’on pense, tout en
ayant une écoute attentive, c’est savoir défendre ses intérêts, tout en
respectant ceux d’autrui. Bien entourées, développant des relations
affectives de qualité, les personnes assertives sont épanouies socialement.
En pratique, les principales situations dans lesquelles les techniques
d’affirmation de soi sont utiles sont : faire une demande, exprimer un refus,
faire ou répondre à une critique, exprimer ou répondre à un compliment,
mais aussi des situations moins souvent décrites telles que faire face à la
colère, exprimer ses sentiments négatifs, savoir gérer les conflits ou savoir
s’excuser.
Savoir faire une demande
Nous ne pouvons pas tout savoir, tout connaître, ni tout faire par nous-
même. Nous sommes tous obligés de demander service, de l’aide, des
renseignements… Demander ne signifie ni se rabaisser, ni se montrer faible,
ni se rendre ridicule. Bien au contraire, demander, c’est savoir reconnaître
ses limites, faire confiance à l’autre et créer un lien, car nous serons
redevable envers celui qui nous a aidé. C’est aussi savoir accepter un refus
éventuel, car une demande n’est pas un ordre, ni une menace. Pour cela, il
faut différencier les motifs qui conduisent votre interlocuteur à répondre
négativement à votre demande et le vécu que cela provoque en vous. Il n’y
a pas de lien entre la réponse de votre interlocuteur et l’affection ou la
considération qu’il a pour vous.
Ce qui nous empêche de demander
La peur du refus.
La peur de déranger ou de s’imposer.
La peur d’être ridicule, d’être mal jugé.
La croyance que l’autre peut ou devrait deviner nos attentes.
La volonté de se débrouiller seul.

Comment formuler une demande


Identifiez formellement ce que vous souhaitez pour formuler une
demande claire et nette : plus vous serez précis et plus vous aurez de
chances d’obtenir satisfaction. Décrivez la situation qui vous pose
problème, puis exprimez votre demande. Restez sensible à la réponse de
l’autre et répétez votre demande en cas de refus en justifiant pourquoi vous
insistez. Remerciez en vous impliquant si vous obtenez gain de cause.
Ce qu’il ne faut pas faire
Confondre plainte et demande.
Faire les choses seul et gémir, souffler, soupirer, dans l’espoir que
votre entourage, culpabilisé, interviendra.
Exprimer vos difficultés, en pensant que votre interlocuteur
comprendra qu’il s’agit en fait d’une demande.
Justifier systématiquement votre demande par de nombreux
prétextes.
Demander de manière agressive par crainte d’un refus.

Savoir dire non


Trop souvent, nous redoutons de ne pas satisfaire une demande,
quelqu’un. Nous craignons de déplaire, de blesser, ou nous aimerions nous
sentir indispensable aux yeux de l’autre. Pourtant refuser quelque chose à
quelqu’un ne signifie pas que vous le rejetez. Simplement que vous ne
pouvez répondre positivement à sa demande. Si la relation est de bonne
qualité, elle doit survivre à ce refus, même si votre interlocuteur est déçu !
Dites-vous que vous avez le droit de dire non, comme votre interlocuteur a
le droit d’être mécontent. Vous ne pourrez pas toujours satisfaire toutes les
demandes d’autrui. N’oubliez pas qu’une relation équitable est une relation
dans laquelle chacun respecte les positions et les possibilités de l’autre.
Savoir dire non, c’est exister en dehors du désir de l’autre. C’est savoir se
positionner, se différencier de l’autre, et aussi se faire respecter. Le
principal problème finalement est de savoir dire non sans froisser l’autre.
Aussi sachez être empathique dans cette situation aussi.
Ce qui nous empêche d’exprimer un refus
La peur de froisser, de faire de la peine.
La peur d’une rupture, d’un conflit.
Le désir de plaire, de donner une bonne image.
Le sentiment de ne pas avoir le choix, d’être contraint.

Comment formuler un refus


Assurez-vous d’avoir bien compris la demande en la reformulant si
besoin, pour lever tout quiproquo. Ensuite, exprimez clairement votre refus,
en disant « non » sans vous justifier obligatoirement. Si votre interlocuteur
insiste, persistez dans votre refus (technique du disque rayé) en restant
empathique, si ses arguments sont valables, et en offrant éventuellement
une solution alternative. Soyez ferme si l’insistance est agressive, en disant
par exemple : « J’aimerais que tu cesses d’insister… Écoute, n’insiste pas,
je t’ai dit non… J’aimerais que tu prennes en compte mon point de vue… »
Ce qu’il ne faut pas faire
Accepter, puis vous désister ensuite.
Ne pas faire ce qui était prévu ou le faire en vous plaignant.
Trouver des excuses sans dire clairement « non ».
Répondre à une critique
Recevoir une critique provoque en nous, très souvent, une réaction
émotionnelle désagréable, qui nous conduit ensuite à répondre de manière
agressive ou à minimiser les faits que l’on nous reproche. Pourtant, une
critique n’est pas un jugement de valeur, et vous n’avez pas besoin de vous
justifier pour vous disculper. Il n’est pas nécessaire, non plus, de riposter,
par d’autres critiques, de l’ironie ou de l’agressivité. A priori, si quelqu’un
vous fait une critique, c’est pour que vous puissiez vous améliorer, c’est
pour votre bien.
En revanche, il est possible que cette critique soit mal formulée ou
floue. C’est pourquoi, pour lever un malentendu, avant de répondre, il est
parfois nécessaire d’obtenir plus d’informations, en reformulant ou en
demandant des précisions : « Si je comprends bien, vous me reprochez…
pouvez-vous me préciser votre pensée… »
Ce qui nous empêche de le faire
La peur de blesser.
La peur de s’emporter.
Le doute sur notre droit à critiquer.
Le désintérêt, le détachement.

Comment répondre à une critique


Demandez des précisions ou reformulez la critique si elle est floue ou
mal exprimée. Si elle s’avère fondée, sachez l’accepter et justifiez votre
attitude si besoin. Si elle est fausse, dites-le clairement, sans agressivité.
Essayez de trouver un terrain d’entente.
Ce qu’il ne faut pas faire
Répondre de manière agressive, ironique ou bouder.
Refuser d’avoir tort et se justifier à tout prix.
Répondre par une critique.
Assimiler la critique à un jugement de valeur.
Changer de sujet de conversation pour ne pas répondre.

Exprimer une critique


Faire une critique, c’est porter une appréciation sur une situation
précise, un comportement donné. Il ne s’agit, en aucun cas, d’un jugement
de valeur. L’intérêt d’une critique, c’est de souligner à l’autre que son
comportement a des conséquences matérielles et émotionnelles négatives
sur vous et que vous souhaiteriez que cela cesse. Ce n’est ni une accusation
ni une attaque. Le but d’une critique est d’améliorer la relation en dissipant
les éléments négatifs qui vous gênent.
Avant de critiquer quelqu’un, n’oubliez pas le principe du doute positif :
même si le comportement d’une personne vous déplaît, elle ne le fait pas
avec l’intention de vous déplaire. Ne prêtez pas à quelqu’un des intentions
qu’il n’a pas forcément. Et sachez accepter de prendre en considération les
explications qu’il vous donnera.
Ce qui nous empêche de le faire
La peur de la réaction de l’autre.
Penser que cela ne sert à rien.
Croire que critiquer, c’est se plaindre.

Comment exprimer une critique


Décrivez la situation problème et ses conséquences négatives pour vous.
Montrez votre désir de trouver une solution. Écoutez attentivement votre
interlocuteur et, en fonction de sa réponse, réexprimez votre critique et
essayez de trouver un accord.
Quand vous devez faire des reproches à quelqu’un, faites le toujours en tête à tête afin que votre
interlocuteur ne se sente pas humilié.

Ce qu’il ne faut pas faire


Exprimer la critique de façon agressive.
Faire un reproche en accusant l’autre d’être responsable de votre
vécu : « Tu es insupportable, c’est inadmissible, tu es énervant, tu
m’énerves… »
Faire une remarque générale en se plaignant.
Vouloir absolument imposer son point de vue sans prendre en
considération la position de l’autre.
Chercher à l’emporter d’emblée.
Ne rien dire, ruminer et ensuite exploser pour un événement sans
rapport avec le problème initial.
Se plaindre auprès de tout le monde à l’exception de la personne
concernée.

Adresser un message positif


Le renforcement positif a de nombreuses vertus : il motive, renforce les
attitudes positives et saines, facilite les relations, procure du plaisir chez
celui qui le reçoit, responsabilise, tout en restant simple à mettre en
pratique… Pourtant, nous exprimons plus facilement des critiques négatives
que nous ne formulons de compliments. C’est bien dommage !
Ce qui nous empêche de le faire
Croire que cela n’a pas d’importance.
La crainte de ne pas être pris au sérieux.
L’idée que cela soit compris comme de la manipulation ou de la
séduction.

Comment faire un compliment


Soyez précis, bref et franc. Impliquez-vous en employant le « je ».
Exprimez ce que vous ressentez : « Je trouve que tu portes ce manteau avec
beaucoup d’élégance… J’apprécie beaucoup ta compagnie car tu es
toujours enjoué… Je vous remercie pour le travail que vous avez fait, cela
m’a bien aidé pour mon intervention… »
Ce qu’il ne faut pas faire
Exprimer des compliments de manière systématique.
Faire un compliment pour obtenir quelque chose ensuite.
Adresser un message positif en pensant l’inverse.

Répondre à un message positif


Quand une personne vous adresse un compliment, elle vous indique
d’une part qu’elle est attentive, s’intéresse à vous, et d’autre part qu’elle
apprécie certaines choses vous concernant : comportement, qualités
personnelles, tenue vestimentaire… Elle se révèle, parle d’elle en exprimant
ce qu’elle ressent vis-à-vis de vous. Tout le monde ne se donne pas la peine
d’en faire autant. La remercier chaleureusement est le minimum du savoir-
vivre. Parfois, par pudeur ou par gêne, on refuse ou on minimise le
compliment. C’est une erreur car, en agissant de la sorte, on discrédite
l’autre, tout en se dévalorisant.
Comment répondre à un compliment
Remerciez chaleureusement la personne en vous impliquant (« Je te
remercie »), puis exprimez votre ressenti (« Cela me fait plaisir »). Ensuite
vous pouvez exprimer votre opinion, faire un commentaire : « Moi aussi
j’aime beaucoup cette chemise. »
Ce qu’il ne faut pas faire
Ne pas répondre au compliment, faire comme si vous l’ignorez.
Minimiser et banaliser le compliment.
Refuser le compliment en vous dévalorisant.

Faire face à la colère


Lorsque quelqu’un vous reproche quelque chose, en étant très agressif,
vous pouvez vous sentir démuni et ne pas trop savoir comment réagir.
Souvent, la première réaction est de se dire que l’autre n’a pas à se
comporter ainsi, n’a pas le droit d’être fâché contre vous. Cette croyance
nous amène à avoir une attitude inappropriée, car elle ne prend pas en
compte ce qui motive la colère de l’autre. Elle nous conduit à le juger, avant
même d’avoir essayé de le comprendre. Elle peut nous inciter à avoir un
comportement radical que nous regretterons peut-être par la suite. Pourtant,
si quelqu’un se met en colère contre nous, c’est « probablement » parce que
nous avons fait quelque chose qui l’a vivement blessé. Il est important de
nous montrer à l’écoute de ce qu’il souhaite nous dire, et de l’inviter à
exprimer ce qui l’a dérangé.
Savoir réagir face à quelqu’un qui est en colère permet de gérer les
conflits sans en provoquer d’autres ou se mettre en rupture.
Les réponses défensives classiques face à la colère
– Répondre par la colère.
– Faire des remarques sarcastiques, cassantes.
– Être méprisant ou ironique (se moquer, rire).
– Avoir une attitude de fuite (ne pas écouter, partir).
Comment réagir face à la colère
Gardez votre calme. Respirez profondément. Écoutez. Si votre
interlocuteur vous insulte, ne répondez pas (ne pas riposter lorsque l’on
reçoit une insulte ne signifie pas que l’on accepte cette insulte). Une fois
qu’il a terminé, restez empathique en pratiquant le « reflet de sentiment » :
« Je vois que tu es fâché… »
Essayez de comprendre quel comportement précis justifie cette colère.
Soyez direct et demandez sur un ton calme : « Qu’est-ce que j’ai fait pour
que tu te mettes ainsi en colère ?… Qu’ai-je fait pour que tu réagisses
ainsi ? » Normalement l’autre devrait vous exprimer une critique. Celle-ci
peut être vraie, fausse ou vague. Adaptez votre réponse en fonction, comme
cela est décrit dans le paragraphe « Comment répondre à une critique ». Si
votre interlocuteur reste en colère, invitez-le à se calmer : « Je suis prêt à
t’écouter, mais j’aimerais d’abord que tu te calmes… C’est difficile pour
moi de t’écouter si tu cries. » S’il reste agressif, proposez-lui d’en reparler
plus tard. Vous serez alors plus en mesure de vous comprendre et de
solutionner le problème. « Écoute, je vois bien que tu es très en colère, mais
comme je te l’ai déjà dit, je ne peux pas en discuter avec toi tant que tu
restes agressif, le mieux est que l’on en reparle quand tu seras plus
calme… » Si l’autre devient menaçant physiquement, éloignez-vous. Il
arrive parfois que l’on ne réussisse pas à s’expliquer sur le champ. Laissez
un peu de temps passer…
Savoir gérer un conflit
Quand nous sommes en désaccord, que nous exprimons une critique,
refusons une demande, nous n’arrivons pas toujours à une entente dans
laquelle les deux parties sont satisfaites. Ce phénomène tout à fait normal
peut créer une tension, un froid dans la relation, mais est loin d’être une
catastrophe. Trop souvent, nous ne comprenons pas pourquoi l’autre
s’oppose à nos désirs, alors que, de notre côté, nous ignorons les siens. En
fait, il suffit de le vouloir et d’un peu de savoir-faire pour trouver un terrain
d’entente. Savoir gérer un conflit, c’est savoir « négocier ».
Les principes de la négociation
– Ne vous bloquez pas.
– Soyez empathique.
– Impliquez-vous. Utilisez le « je » plutôt que le « tu » plus accusateur.
– Soyez juste. Évitez les jugements de valeur en restant factuel.
– Traitez un problème à la fois.
– Concentrez-vous sur le conflit actuel.
– Évitez d’aborder le problème d’une façon négative.
– Cherchez un compromis.
– Respectez l’autre.
Comment régler un conflit
Choisissez le bon moment et le bon endroit : seuls et au calme. Décrivez
le problème de façon précise (nature et impact sur vous), puis demandez à
l’autre son point de vue (qu’en pense-t-il ?) en l’invitant à résoudre le
problème avec vous (que propose-t-il ?). Au fur et mesure de la
conversation, clarifiez votre position et celle de votre interlocuteur en
exprimant votre position, vos souhaits, vos émotions, en invitant l’autre à
faire de même. Reformulez pour vous assurer d’avoir bien compris sa
position. Pour chaque solution trouvée, évaluez ensemble les implications,
afin de choisir celle qui semble la meilleure pour les deux parties
(compromis). Pour conclure, vérifiez de bien vous entendre sur les solutions
choisies et remerciez la personne pour son aide.
Ce qu’il ne faut pas faire
Négliger le problème en pensant que le temps va arranger les
choses.
Refuser d’écouter le point de vue de l’autre ou refuser de parler du
problème.
Manipuler l’autre en tentant de le séduire, de lui faire peur ou en
simulant d’être bouleversé afin de l’amener à votre cause.
Rendre l’autre responsable du problème, l’accuser pour le
culpabiliser : « Tout cela, c’est ta faute. »
Ne rien dire et attendre que les différends s’accumulent pour les
ressortir lors d’un conflit.
Faire des menaces, du chantage, poser un ultimatum.
Faire des attaques personnelles visant à diminuer l’autre ou à
détruire sa crédibilité : « Tu es un grand malade… Tu es comme ta
mère… Je ne suis pas le seul à penser ça de toi. »
Se renfermer, bouder, rejeter l’autre, pour l’isoler et l’amener à
changer.
Utiliser la force physique ou menacer de l’utiliser.

Confier des sentiments négatifs


On définit comme sentiments négatifs ceux qui produisent un état de
mal-être, des sensations désagréables, ou bien conduisent à des
comportements préjudiciables, pour soi ou pour autrui, comme la tristesse,
la peur, l’agressivité, le découragement, la solitude, etc. Il est tout aussi
important d’exprimer ces sentiments pénibles, que d’exprimer les autres
émotions agréables que l’on ressent, comme la joie, la surprise, etc.
Exprimer son ressenti soulage, permet d’établir des relations authentiques et
intimes, permet de sortir de sa solitude et de découvrir des solutions. Se
confier ne signifie pas se plaindre, ni se positionner en victime. C’est établir
une relation de confiance dans laquelle on évoque des sujets sensibles et
personnels, alors que notre confident montre une écoute empathique et
sincère. Il est préférable de s’assurer que la personne est disponible et de la
rencontrer seule pour vous confier en toute quiétude.
Ce qui nous empêche de nous confier
Difficulté à définir, identifier précisément ce que l’on ressent.
Peur ou honte de se révéler tel que l’on est.
Peur de susciter la moquerie, d’être critiqué, jugé négativement.
Peur de ne pas être pris au sérieux, en considération.
Volonté de donner une « image » de solidité et de contrôle.
Vouloir s’en sortir seul.

Comment exprimer nos sentiments négatifs


Après avoir défini vos sensations physiques et émotionnelles ainsi que
le ou les événements qui ont provoqué cet état, choisissez quelqu’un de
confiance, de disponible et ouvert parmi vos connaissances. Mettez-vous en
rapport avec lui et demandez-lui s’il est disponible pour vous écouter.
Revenez sur les événements (« telle chose s’est produite… ») et précisez
vos sentiments (« je me sens… »). Invitez votre interlocuteur à vous
exprimer ce qu’il en pense.
Ce qu’il ne faut pas faire
Se plaindre sans véritablement rechercher un dialogue.
Dramatiser la situation afin de justifier la demande.
Parler de choses trop intimes qui pourraient vous compromettre
ensuite.
Minimiser ses problèmes pour ne pas inquiéter.

Savoir s’excuser
Il nous arrive à tous d’être désagréables, d’adopter un comportement
déplaisant, d’avoir des attitudes agressives ou d’irriter nos proches. Pourtant
nous ne le reconnaissons pas toujours ouvertement et nous refusons parfois
de nous excuser, par orgueil, alors même que nous savons avoir incommodé
quelqu’un par notre comportement. Réagir ainsi abîme la relation, crée une
distance, développe du ressentiment chez l’autre et de la culpabilité ou un
malaise chez nous. S’excuser, c’est reconnaître avoir blessé ou importuné
quelqu’un. Cela implique d’avoir conscience des conséquences de notre
comportement sur autrui. Cela demande une capacité d’empathie. S’excuser
permet de rétablir la relation, de soulager celui que l’on a blessé en
reconnaissant l’impact de nos actes.
Ce qui nous empêche de nous excuser
Minimisation et banalisation de la gravité de nos actes.
Non-reconnaissance de notre responsabilité.
Indifférence envers autrui.
Croire que s’excuser équivaut à s’abaisser devant l’autre.
Peur d’être rejeté et non pardonné.
Crainte d’une vengeance.

Comment s’excuser
Pour s’excuser il est indispensable au préalable, de prendre conscience
de la souffrance ou de l’inconfort de l’autre (peine, déception, colère) et
d’identifier ce qui, dans votre attitude, a pu provoquer cette réaction. Cela
étant fait, revenez sur votre comportement (décrire les faits) : « Hier je me
suis mis en colère contre toi », et exprimez l’impact émotionnel observé que
vous supposez relatif à votre comportement : « J’ai vu que cela t’avait fait
beaucoup de peine… » Ensuite, excusez-vous simplement : « Je tenais à
m’excuser pour mon comportement », et laissez l’autre exprimer ce qu’il a
ressenti en l’écoutant attentivement. Révélez votre ressenti et expliquez
votre attitude : « Je regrette vraiment d’avoir réagi ainsi, je ne voulais pas te
faire de peine… Je me suis senti blessé par les critiques que tu m’adressais
et je me suis mis en colère. » Pour conclure, dites-lui combien vous êtes
content d’avoir pu lui parler : « Je suis content d’avoir pu parler de ça avec
toi. La prochaine fois que tu me feras une remarque, si tu vois que je me
mets en colère, préviens-moi, cela m’aidera. »
Encore quelques conseils
Ne vous pressez pas pour répondre
Toutes ces techniques devraient faciliter votre communication et vous
aider à construire et entretenir des relations plus harmonieuses et moins
conflictuelles. Si vous vous trouvez en difficulté, ne cherchez pas à
répondre du tac au tac, immédiatement. Trop souvent vos émotions vous
donnent une représentation partielle sinon fausse de la situation et vous
amènent à réagir, en fonction de votre ressenti intérieur, sans prendre en
compte la réalité de l’autre. Sachez attendre et dites-vous que vous pouvez
toujours revenir sur une situation problème plus tard, après avoir pris le
temps d’y réfléchir calmement ou après en avoir parlé à des proches, pour
qu’ils vous donnent leur point de vue. C’est pourquoi, quand vous êtes
envahi par vos émotions, détendez-vous avant de répondre, en respirant
calmement par le ventre, et proposez de revenir sur le sujet plus tard si
besoin. « J’ai bien écouté ce que tu m’as dit, mais je préfère que l’on en
reparle plus tard, quand j’aurai pris le temps d’y réfléchir au calme… » Si
vous revenez sur une situation quelques jours plus tard, faites une demande
comme cela est indiqué dans le paragraphe « Comment faire une
demande », en précisant bien la situation que vous souhaitez traiter : « Tu
sais, j’ai réfléchi à ce que tu m’as annoncé hier sur (précisez), je
souhaiterais en reparler avec toi. Est-ce que tu es disponible ? »
Pensez au doute positif
Gardez toujours à l’esprit, le doute positif, c’est-à-dire qu’a priori les
autres ne sont pas méchants, ne souhaitent pas vous faire du mal et
n’éprouvent pas de plaisir à vous faire souffrir. En revanche, eux aussi ont
leurs problèmes à régler, leur vision des choses, qui ne s’accorde pas
systématiquement à la vôtre, et leurs limites, qui peuvent les rendre
maladroits, impatients ou leur faire manquer d’empathie. Mais ce n’est pas
parce que le comportement d’une personne réveille en vous la colère, ou
vous fait souffrir, que cette personne le souhaitait. Vous devez distinguer
l’impact émotionnel que vous éprouvez de l’intention de la personne.
N’utilisez l’humour qu’à bon escient
Très souvent, dans les techniques de communication, l’humour est
présenté comme un outil efficace pour désamorcer un conflit, apaiser une
discussion. En fait, répondre par l’humour à une critique est souvent un
moyen facile d’éluder un problème, plutôt que de l’affronter. Faire une
critique avec humour revient à être ironique et finalement à agresser l’autre.
Répondre avec humour à une demande est assez apathique et témoigne
souvent d’une indifférence au problème d’autrui. Enfin, l’utilisation de
l’humour pour obtenir quelque chose est une manière de manipuler l’autre
au lieu de s’affirmer. Aussi, si vous êtes mal à l’aise, je vous conseille de ne
pas aborder les situations avec humour, car cela sonnera faux et l’autre
interprétera votre attitude comme de l’ironie, de l’indifférence, ou de
l’agressivité contenue. En revanche, si vous avez une bonne estime de vous,
rien ne vous empêche évidemment de rire de vous-même si l’on vous fait
une critique : « Oui tu as raison, parfois j’exagère et je suis capable d’être
insupportable », si vous êtes en confiance dans la relation et que vous
sentez en vous l’envie de détendre l’atmosphère, n’hésitez pas à le faire :
« Bon, on va peut-être arrêter de se disputer, sinon le repas va être froid… »
Et n’oubliez pas, plus que les mots employés, votre langage non verbal
témoignera de votre intention réelle, alors soyez détendu, souriant et calme
quand vous utilisez l’humour…
Chapitre 12
Construire
des relations durables
« On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps
de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe
point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. »
SAINT-EXUPÉRY.
Comme nous l’avons déjà évoqué, la solitude survient lorsque le réseau
social d’une personne est déficient soit qualitativement, soit
quantitativement, d’où l’intérêt de construire des relations épanouissantes.
Si vos relations actuelles ne sont pas satisfaisantes, cela signifie peut-
être qu’il vous faut les modifier, élargir votre tissu relationnel, développer
des relations plus agréables ou à l’inverse en stopper d’autres, parce que
épuisantes et contraignantes. En tout état de cause, si vous ne faites rien,
vos problèmes ne se résoudront pas d’eux-mêmes et leur persistance
augmentera votre sentiment d’impuissance et de solitude.
Faire le bilan de vos relations
Cette mise au point vise plusieurs points : avoir une vision plus
objective de la réalité de vos relations, en apprécier plus justement la qualité
et la quantité, définir plus précisément en quoi certaines relations sont
enrichissantes et d’autres non, développer des stratégies pour les
améliorer…
Pour établir un bilan clair et objectif de vos relations, je vous propose de
remplir un tableau dans lequel vous inscrirez sur chaque ligne le nom d’une
personne et dans les différentes colonnes les caractéristiques de cette
personne. Vous trouverez ci-après un tableau vide que vous pourrez remplir
en suivant les indications ci-dessous.

Construisez la liste de vos relations : famille, amis, copains, copines,


relations de voisinage, collègues de travail… Notez leurs noms, prénoms et
numéros de téléphone ou e-mails personnels dans la première colonne.
Évaluez entre 0 et 10 le degré de complicité, de confiance et le caractère
sain, équilibré de la relation. Pour chaque aspect, écrivez la note donnée à
chaque relation dans la colonne correspondante.
Complicité : décrire le degré d’affinité et d’intimité de la relation. Quels
souvenirs partagez-vous ensemble ? Qu’avez-vous en commun ? Avez-vous
le sentiment de vous comprendre mutuellement ? Vos conversations sont-
elles fluides ?
Confiance : pouvez-vous lui parler librement ? Sait-il préserver un
secret ? Une confidence ? Est-il fiable ? Pouvez-vous lui demander quelque
chose ? Compter sur lui ?
Saine et équilibrée : cette relation est-elle honnête, franche, authentique
construite sur des bases claires ? Ou bien bâtie sur des sous-entendus, des
obligations, des non-dits, des mensonges ? S’agit-il d’une relation
équitable, construite sur un échange réciproque où chacun donne et reçoit
de l’autre ? Ou bien fonctionne-t-elle sur le rapport de forces, le chantage,
la crainte ?
Évaluez ensuite, entre 0 et 10, le degré de disponibilité (la personne
répond-elle facilement au téléphone ? se rend-elle facilement libre ?…),
ainsi que les capacités d’empathie (essaie-t-elle de vous comprendre ? est-
elle sensible ?…), le degré d’aisance sociale (invite-t-elle facilement ? vous
présente-t-elle à d’autres connaissances ? est-elle à l’aise en société ?) et
l’aspect positif, optimiste de son tempérament (est-elle partante, volontaire,
active, positive ?).
Dans la dernière colonne, notez ce que vous souhaiteriez faire, partager
ou exprimer à la personne considérée : aller au cinéma, au restaurant, la
recevoir chez vous, faire une partie de tennis, partir en vacances…
Qu’attendez-vous de la rencontre ?
Pourquoi faire ce tableau ?
Les personnes seules sont très sensibles au rejet. Mais elles ne
s’adressent pas toujours aux bonnes personnes au bon moment. Si vous
appelez quelqu’un en espérant une écoute attentive et que cette personne
n’est pas disponible, elle vous répondra peut-être sèchement et vous serez
encore plus déçu et malheureux. L’idée n’est pas d’évaluer pour juger ou
décider que telle ou telle relation n’est pas à la hauteur. Ce tableau vous
permet d’avoir une représentation plus précise, plus juste de vos relations
afin de mieux sélectionner les personnes à joindre en fonction de vos
attentes. Si vous souhaitez vous confier, la personne doit être de confiance
et disponible, si elle n’est pas sociable, ce n’est pas un problème. En
revanche, si vous désirez vous changer les idées et sortir, mieux vaut
joindre la plus sociable et la plus positive.
La dernière colonne vous permet de définir le motif de l’appel, vous
prépare à ce que vous allez dire et vous habitue, par exemple, à proposer
une activité. Cela afin de ne pas improviser ou de ne pas commencer la
discussion par une plainte, mais par un projet, ce qui est plus constructif et
plus agréable.
En faisant la liste de vos relations dans ce tableau, vous allez
probablement vous souvenir de personnes que vous ne fréquentez plus et
que vous auriez plaisir à revoir. Il ne vous reste plus qu’à les joindre… Osez
appeler d’anciennes connaissances et a fortiori des amis oubliés. Vous serez
surpris de l’accueil chaleureux qui vous sera réservé.
Pour choisir les trois personnes que vous pourrez appeler en cas de
détresse, vous pouvez vous aider du tableau. Ensuite, appelez ces
personnes et exprimez-leur vos difficultés, votre peur de la solitude et
demandez-leur clairement si vous pouvez leur faire confiance et compter
sur elles en cas de crise.
Petit conseil pratique
Développez les relations dont la note globale est la plus élevée et pour
celles qui n’ont pas obtenu la moyenne, demandez-vous pourquoi cette
relation évolue ainsi. Observez votre comportement afin de vérifier si vous
n’induisez pas une contre-réaction négative qui explique que la relation ne
soit pas satisfaisante. Demandez à vos proches ce qu’ils en pensent et
comment ils perçoivent la personne et la relation que vous entretenez.
Quand une relation est réellement désagréable, inconfortable, sachez
prendre vos distances plutôt que de vous acharner à vouloir l’améliorer.
Respecter la nature du lien relationnel
Si l’on considère la nature d’une relation, nous voyons qu’il existe un
continuum entre un inconnu que nous abordons pour la première fois dans
une soirée, un copain, et la personne avec laquelle nous partageons notre
vie. Il n’y a pas de rupture, de séparation radicale à proprement parler, entre
ces trois types de relations, mais un passage progressif de l’une à l’autre. La
principale différence est relative au degré d’intimité, de complicité partagée
et aux attentes réciproques qui évoluent selon le lien qui s’est
progressivement noué.
La nature de la relation évolue ainsi en fonction du degré d’intimité en
passant par différentes étapes que nous pouvons schématiquement découper
en cinq stades : inconnu, public, personnel, privé, intime (IPPPI). Pour
qu’une relation soit équilibrée, il faut que chaque protagoniste soit au même
stade et en accepte les règles implicites.
Inconnu
La personne ne vous connaît pas précisément, ne sait pas encore qui
vous êtes. C’est la première étape au cours de laquelle vous allez prendre
contact, faire connaissance, vous découvrir mutuellement. Elle a alors une
représentation de vous en fonction de ce qui se dégage de vous, de votre
physique, votre tenue vestimentaire, votre manière de vous comporter
socialement, de l’aborder, de la regarder…
C’est la relation que l’on a avec une personne croisée dans les transports
en commun, une vendeuse que l’on voit pour la première fois… Très
souvent ces relations n’évolueront pas et se limiteront à un échange de
regards ou de paroles factuelles et circonstancielles. Lorsque ce premier
contact s’effectue dans un lieu moins anonyme, comme une soirée chez des
amis communs par exemple, ou si l’on est amené à revoir la personne
comme sur le lieu de travail, ce premier contact évolue naturellement vers
le stade suivant.
Public
Ici la personne connaît quelques éléments généraux sur vous, comme
votre nom ou prénom, votre profession, le quartier où vous habitez.
Vous échangez des banalités, un « comment ça va ? » de politesse. Le
prototype de cette relation est celle que vous avez avec les commerçants de
votre quartier, certains voisins ou connaissances que vous croisez de temps
à autre, avec lesquels vous échangez quelques paroles, mais sans que la
relation évolue.
Personnel
Ici il s’agit d’une relation de copinage ou que l’on retrouve souvent
entre collègues de travail : adresse e-mail, numéro de portable, situation
maritale, profession, lieu d’habitation, tout cela est connu de part et d’autre.
Vous déjeunez ou allez au cinéma ensemble, présentez cette personne à
certaines de vos relations, mais, en même temps, il demeure une distance,
une réserve et ces personnes ne connaissent pas véritablement votre vie
privée.
Privé
Entrent dans cette catégorie les amis. Ici la personne connaît votre
appartement, vos amis, certains membres de votre famille, vous pouvez
l’inviter chez vous sans être gêné ou à une fête familiale, vous vous confiez
certaines choses intimes.
Intime
Ce cercle est limité et tout le monde ne peut pas y entrer. Seuls certains
élus ont la chance d’en faire partie. Les amis intimes peuvent dormir chez
vous, vous leur prêtez votre appartement un week-end, ils connaissent
certains événements de votre vie personnelle que la plupart des gens que
vous fréquentez ignorent totalement. Vous avez éventuellement des
relations sexuelles. Un lien affectif fort vous lie. Si cette relation devait
s’interrompre, cela vous rendrait naturellement triste.
Il est très utile d’identifier et de respecter ces degrés d’intimité afin de
ne pas être trop intrusif ou inversement trop distant avec une personne. Pour
qu’une relation fonctionne correctement, soit équilibrée, elle doit prendre en
compte les attentes mutuelles et s’établir en fonction du niveau d’intimité
attendu respectivement par les deux partenaires. Si ce niveau diffère entre
les deux personnes (l’une veut être copine et l’autre amant), la relation doit
s’établir sur la base du niveau le plus bas d’intimité (relation de copinage
dans l’exemple choisi). À partir de ce socle, la relation pourra
éventuellement évoluer secondairement, devenir progressivement plus
intime. Chacun respecte l’autre et, si la relation s’interrompt, il y a moins de
désillusion et d’incompréhension.
Pour mieux comprendre l’importance de ce classement IPPPI, imaginez
une maison avec un jardin. Dehors autour de la maison, c’est le niveau
« inconnu », le jardin qui entoure la maison correspond au niveau
« public », l’entrée, le salon et la cuisine coïncident avec le niveau
personnel, les autres pièces de la maison avec le niveau privé. Votre lit,
c’est le niveau intime.
Vous imaginez bien qu’il serait inconvenant et déplacé d’inviter un
inconnu dans votre lit sans le connaître, et sans le faire passer au préalable
par le jardin et l’entrée de la maison… il en est de même pour vos relations.
Vous comprendrez aussi aisément qu’il y a beaucoup de monde autour de la
maison, un peu moins dans le jardin et que le nombre de personnes
susceptibles de dormir dans votre lit est particulièrement limité.
Fixez-vous comme objectif d’augmenter votre réseau relationnel en
respectant les différents niveaux d’intimité décrits précédemment. Qui
voulez-vous inviter dans votre jardin ? Qui entrera dans votre maison ? Qui
autoriserez-vous à dormir dans votre lit ?
Vous laisser guider par vos désirs plutôt que par
vos angoisses
Trop souvent les personnes seules ne cherchent pas à bâtir une relation
autour du partage, de l’échange, du respect mutuel. Elles ne cherchent pas à
aller à la rencontre de l’autre, à l’accepter comme il est. Elles veulent avant
tout ne plus souffrir d’être seules. Mues par leur crainte d’être mal aimées
ou abandonnées, elles organisent leurs relations autour de leurs angoisses.
Pourtant rester avec quelqu’un par crainte de se retrouver seul induit une
relation de dépendance affective qui limite l’épanouissement mutuel et
condamne à vivre dans la peur du départ de l’autre.
Il n’est pas utile de poursuivre une relation si elle ne vous apporte
aucune satisfaction et, inversement, il ne sert à rien de vouloir être ami ou
intime avec quelqu’un qui ne le souhaite pas. Toute relation s’établit à deux,
de manière bilatérale.
Quand vous débutez une relation, essayez de définir précisément ce que
vous attendez de cette personne, quel type de relation vous souhaiteriez
mettre en place, comment vous envisagez votre relation. Notez aussi ce que
vous ne souhaitez pas, les choses que vous ne supporterez pas (infidélité,
violence, mensonge…), identifiez le cadre dans lequel vous voulez
construire cette relation (amical, amoureux…).
Respectez bien les niveaux d’intimité (IPPPI) en vous obligeant à les
passer successivement sans brûler les étapes pour ne pas être déçu ensuite.
Combien de personnes imaginent ainsi avoir une relation intime parce
qu’elles ont eu des rapports sexuels : l’intimité physique ne signifie pas que
la nature de la relation le soit aussi. Respectez le rythme et les choix de
votre partenaire, même s’ils ne correspondent pas aux vôtres. N’oubliez pas
que les efforts que vous faites pour maintenir la relation seront
obligatoirement accompagnés, en contrepartie, d’attentes vis-à-vis de votre
partenaire. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’autre ne peut répondre à
toutes vos attentes, il ne peut combler tous vos manques. Si vous attendez
trop d’autrui, plus qu’il ne peut vous donner, vous serez immanquablement
déçu.
Exprimez clairement vos attentes sous la forme de demandes, de
propositions, en étant attentif à demander ce que le niveau d’intimité
relationnel autorise. Pour vous aider à formuler votre demande, aidez-vous
des techniques de communication décrites précédemment.
Lancez-vous en acceptant de prendre le risque que cela ne fonctionne
pas, que votre partenaire change d’objectif en cours de route, qu’il s’éloigne
de vous un jour ou l’autre. Ce n’est pas parce que vous aimez une personne
qu’elle doit devenir esclave de votre amour et rester avec vous toute sa vie.
Si une personne reste avec vous, c’est parce qu’elle est bien avec vous.
Aussi, prenez soin d’elle, aménagez une relation équilibrée, authentique où
chacun se retrouve, s’épanouit et où personne ne pensera à se séparer…
Petit exercice : obligez-vous dans la semaine à écouter un proche, à
vous intéresser à lui, à être particulièrement attentif à lui. Oubliez-vous un
peu, mettez vos craintes de côté et laissez-vous aller pendant la rencontre.
Observez ce qui se passe sur le plan relationnel.
Préserver vos relations agréables
Prenez régulièrement des nouvelles de vos amis, appelez pour bavarder,
raconter un événement, demander un avis, ou tout simplement pour avoir le
plaisir de leur parler… Fêtez leur anniversaire, faites des cadeaux, non pas
somptueux, mais qui témoignent de votre attention. Osez inviter, prendre un
rendez-vous même pour un café entre deux rendez-vous. Parlez-leur de
vous, de vos émotions, de votre vie, de vos inquiétudes, de vos projets. Et,
bien évidemment, intéressez-vous à eux.
Afin d’apprécier plus justement vos rapports avec vos amis, de savoir
s’ils sont satisfaisants à vos yeux, appuyez-vous sur les questions
suivantes : Quelles sont les personnes avec lesquelles vous êtes bien,
décontracté, spontané, en phase ? Qu’est-ce que vous appréciez en elles ?
Que faites-vous avec elles ? Quand les avez-vous vues la dernière fois ?
Pensez-vous les fréquenter suffisamment ? Qu’est-ce qui vous empêche de
les voir plus souvent ? Aimeriez-vous avoir plus de contacts de ce type ?
Que faites-vous pour y parvenir ?
Essayez de vous souvenir des dernières situations sociales (depuis trois
mois) où vous avez été satisfait, content en compagnie : dîner entre amis,
sortie au cinéma, réunion familiale, anniversaire, vacances, randonnées,
club de sport, réunion professionnelle… Repérez ensuite en quoi ces
moments ont été agréables pour vous, ce qui vous a plu, et notez les
personnes qui participaient à ce moment. Avez-vous remercié les hôtes ?
Avez-vous pris contact avec ces personnes depuis ? Avez-vous leurs
coordonnées ? Pouvez-vous les obtenir ? Pouvez-vous prévoir une soirée ou
une sortie avec ces personnes ?
Tâchez d’organiser (éventuellement en vous appuyant sur quelqu’un si
cela vous paraît trop compliqué tout seul), une sortie ou une soirée en
choisissant vos invités parmi ceux qui étaient présents lors des différentes
situations sociales que vous venez de noter. C’est l’occasion de retourner
l’invitation, de partager d’autres moments agréables et de mettre en rapport
des personnes qui ne se connaissaient pas.
Prendre de la distance avec les relations nocives
Quand une situation sociale est désagréable, tâchez de comprendre
pourquoi, et examinez ce que vous pourriez faire pour qu’elle change. Si
vous hésitez à régler un conflit, reportez-vous au chapitre sur les habiletés
sociales. Si, malgré vos efforts, la relation n’évolue pas, sachez l’arrêter,
prendre de la distance. Surtout, ne dépensez pas votre énergie à vouloir être
ami avec des personnes qui ne le souhaitent pas ou pour lesquelles la
relation ne vous convient pas.
Notez les situations sociales où vous vous êtes ennuyé, senti mal à
l’aise, au cours desquelles vous n’avez pu vous intégrer ou prendre du
plaisir à bavarder. Qu’avez-vous ressenti exactement ? Qu’est-ce qui vous a
déplu ? Pourquoi vous êtes-vous ennuyé ? Comment l’expliquez-vous ? Le
malaise est-il relatif à une ou plusieurs personnes ? À votre état d’âme ?
Votre timidité ? Qu’auriez-vous pu faire pour vivre différemment ces
situations ? Par exemple, venir accompagné, oser parler plus spontanément,
être dans un autre lieu, être entouré de moins de monde ?
Repérez dans votre entourage les personnes qui vous sont désagréables,
que vous côtoyez à contrecœur. En quoi concrètement ces relations ne sont
pas satisfaisantes ? Que leur reprochez-vous précisément ? Pouvez-vous en
faire part à un proche pour qu’il vous donne son avis ? Pouvez-vous régler
le différend s’il y en a un ?
Petit conseil
Ne vous attardez pas avec les personnes à problèmes, les plaintifs
chroniques, ceux qui ont toujours des soucis et qui comptent sur vous pour
les régler. La vie est courte. Passez du temps avec ceux qui vous aiment,
sont bienveillants sans vous épuiser à vouloir plaire à ceux qui ne vous
apprécient pas.
Évitez les personnes agressives, maltraitantes, narcissiques.
Six qualités à développer et rechercher pour
entretenir de bonnes relations (ESPOIR)
– Empathique.
– Souple.
– Positif.
– Ouvert.
– Inventif.
– Respectueux.
Bâtir une relation de couple satisfaisante
Comment se construit la relation de couple
Chaque relation humaine est fondamentalement dynamique, c’est-à-dire
évolutive dans le temps et résultant d’une interaction mutuelle. Elle se
construit progressivement, par étapes successives, au cours desquelles
chacun découvre l’autre, apprend à le connaître et devient ainsi plus
complice et plus intime. Cependant, toute relation traverse des périodes de
crise en fonction des attentes et des capacités d’adaptation de chaque
partenaire. En effet, chacun vient avec sa propre histoire et ses espérances,
notamment le désir inconscient de réparer son passé douloureux dans cette
nouvelle relation pleine de promesses. Dès lors, chacun s’attend à ce que
l’autre lui apporte ce dont il a souffert, ce dont il s’est senti privé dans ses
relations affectives précédentes, notamment dans son enfance. La relation
est ponctuée de différentes crises, au cours desquelles elle est remise en
cause car n’apportant plus à l’un ou l’autre des partenaires les éléments
nécessaires à son épanouissement. Chaque étape est l’occasion de renforcer
le lien relationnel, tout en permettant à chacun de se réaliser, avec toujours
en toile de fond le risque d’une rupture, si la relation se fige, n’est pas à
même d’évoluer. Chaque relation, enfin, est unique puisque chacun possède
et apporte son histoire singulière, ses projets personnels, ses ressources
intimes. Différentes étapes ont été décrites pour expliquer l’évolution des
rapports au sein d’un couple.
Les six stades évolutifs du couple
1. Relation fusionnelle : toi et moi ne faisons qu’un.
2. Recherche mutuelle de différenciation : regarde-moi pour ce que je
suis et non plus pour ce que tu attends de moi, j’existe aussi en dehors de
toi.
3. Exploration, intérêt pour l’extérieur : que se passe-t-il ailleurs ?
4. Rapprochement : ensemble, oui, mais qui fait quoi ?
5. Coopération : ensemble, respectons nos différences.
6. Synergie : ouvrons-nous sur le monde.
D’après Ellyn Bader et Peter Pearson, Quest of the Mythical Mate :
Developmental Approach to Diagnosis and Treatment in Couples Therapy,
Burnner-Mazel, 1988.
Quelques erreurs à éviter
– Vouloir changer l’autre.
– Renouer avec des ex quand on se sent seul ou après une rupture
affective.
– Donner à l’autre sans rien exiger en échange.
– Se mettre en couple par crainte de rester seul.
– Insister auprès d’une personne, alors qu’elle exprime clairement son
refus de s’engager.
– Croire qu’avec le temps les défauts s’estomperont.
Inventez votre couple
Sachez composer
Prenez en compte les réalités de la vie (belle-famille défaillante, second
mariage, enfant d’une première union…) et adaptez vos désirs en fonction
de ces éléments. Votre partenaire a son histoire, sa personnalité, et il ne peut
correspondre en tout point à vos souhaits. Acceptez-le tel qu’il est, sans
essayer de le transformer. Adaptez vos exigences à ses possibilités. Chacun
a ses limites. Votre conjoint aussi.
Soyez patient
Un couple se construit peu à peu. En outre, chaque relation est
différente alors que vos craintes demeurent souvent identiques, ce qui vous
amène à percevoir votre relation actuelle en fonction de vos expériences
passées et notamment vos échecs si vous êtes angoissé. N’oubliez pas que
le Grand Amour n’est pas indispensable au bonheur. Ce qui importe, c’est
la volonté et la capacité de chacun à s’engager et à vouloir construire une
relation épanouissante. Les conflits sont indispensables pour évoluer :
acceptez-les comme des promesses de changement et non comme des
preuves systématiques d’une mauvaise union.
Ne demandez pas l’impossible
L’autre n’est pas là pour combler vos souffrances passées. S’il ne
satisfait pas toutes vos demandes, cela ne signifie pas qu’il ne vous aime
pas. Prenez-vous en main et ne reprochez pas à votre conjoint de ne pas
répondre à vos manques. Ne rendez pas responsable votre partenaire de vos
propres difficultés à vous réaliser. Pensez à renforcer ses qualités plutôt
qu’à critiquer ses défauts.
Apprenez à vous parler
Sachez être attentif à l’autre. Prenez le temps de l’écouter. Les hommes
et les femmes ne parlent pas toujours la même langue : schématiquement on
peut dire que les hommes exposent des faits, quand les femmes expriment
leurs sentiments. Respectez quelques principes de base pour une bonne
hygiène relationnelle : pas de violence, pas d’insulte, pas de jugement de
valeur, pas d’injonction ou d’ordre intempestif, pas de chantage affectif.
Respectez l’intimité de votre partenaire. Ne réactivez pas les blessures de
son enfance. Parlez-vous régulièrement même pour dire des banalités.
Bavardez comme vous le feriez avec un(e) ami(e).
Ouvrez-vous sur le monde extérieur
Partager des activités ensemble est un moment important pour le couple,
mais vous n’êtes pas obligés de tout faire ensemble. Prenez du temps pour
vous, laissez du temps à l’autre. Acceptez que la vie en couple ne puisse pas
tout vous apporter : développez des relations sociales extraconjugales.
Dans un couple, très souvent, chaque partenaire éprouve le sentiment de
faire des efforts pour l’autre, et que la réciproque n’est pas vraie. Notez sur
une feuille vos qualités, vos défauts et les efforts que vous pensez faire pour
préserver le couple. Notez sur autre feuille ce que vous attendez
précisément de votre partenaire. Demandez à votre partenaire de faire le
même travail, puis prenez le temps d’en discuter.
De nombreux conflits conjugaux prennent forme parce que chacun
possède une représentation différente du couple. Notez quelles sont vos
priorités dans votre vie de couple, précisez pourquoi et identifiez ce que
vous faites concrètement pour les développer. Demandez la même chose à
votre partenaire. Prenez un moment pour en parler.
Vos conflits affectifs actuels font souvent écho à ceux du passé.
Identifiez les sujets qui fâchent, ceux qui conduisent à des disputes, des
conflits, ainsi que les ressentiments que vous avez à l’égard de votre
partenaire. Quelle émotion éprouvez-vous exactement ? Quelles pensées
avez-vous dans ces situations ? À quoi cela vous renvoie-t-il ? Avez-vous
déjà vécu ce type de situation ? Notez tout cela par écrit. Demandez-vous si
plusieurs émotions ne se superposent pas. Identifiez les une à une et voyez
d’où elles proviennent, quel sens elles ont pour vous. Devant une réaction
émotionnelle intense, pensez à faire la part des choses entre ce que vous
vivez objectivement aujourd’hui et ce qui provient de votre enfance.
Dans de nombreux couples, les non-dits attisent la rancœur, induisent
des malentendus et isolent chacun. Prenez une feuille et écrivez tout ce que
vous aimeriez exprimer à votre partenaire. Ce que vous lui reprochez, ce
que vous ressentez au fond de vous, les attentes déçues, ce que vous ne
comprenez pas, votre souffrance contenue… Mais aussi tout l’amour que
vous lui portez sans pouvoir lui exprimer, votre pudeur, vos difficultés à
verbaliser, vos craintes de le blesser… Mettez une note entre 0 et 10 devant
chaque idée pour quantifier votre difficulté à l’exprimer. Commencez par
évoquer à votre partenaire celle qui est la moins gênante et ainsi de suite.
En prenant le temps. Abordez une situation problème à la fois. Ne prétextez
pas d’un événement ponctuel pour évacuer brutalement tout votre ressenti
accumulé depuis des mois.
Chapitre 13
Vivre pleinement
ses émotions
Savoir gérer ses émotions est essentiel pour vivre en harmonie avec soi-
même et son environnement. Malheureusement, sous la pression des
interdits parentaux, des contraintes sociales, depuis notre plus tendre
enfance, nous avons appris à réprimer nos émotions, à étouffer notre
ressenti intérieur pour ne pas déranger, pour faire plaisir, pour s’adapter aux
contraintes de la vie en collectivité, sans véritablement prendre le temps de
nous écouter, de comprendre nos émotions profondes dont nous nous
sommes progressivement coupé. Plus tard, à l’âge adulte, nous entretenons
avec nous-même des rapports faux, construits sur la frustration, l’inhibition,
la peur, qui découlent de l’incompréhension de notre propre vécu, et de
notre incapacité à gérer nos émotions. Nous observons et subissons ainsi,
apeuré, victime de notre méconnaissance de nous-même, nos mouvements
émotionnels qui naviguent entre l’hyperémotivité et le détachement affectif,
sans comprendre véritablement ce qui nous arrive comme si nous étions
étranger à nous-même. En outre, cette incapacité à vivre pleinement nos
émotions, nous coupe de nos sentiments positifs, et cela entrave bien sûr
notre épanouissement personnel, notre bien-être.
Cette mauvaise régulation émotionnelle limite notre relation aux autres,
perturbe nos échanges, notamment affectifs, car ces derniers réveillent nos
blessures, nos manques. Dans le même temps, elle nous empêche d’être en
paix avec nous-même, du fait de notre inaptitude à moduler notre ressenti
émotionnel. Or l’insatisfaction relationnelle conjuguée à la crainte de se
retrouver seul avec soi-même produit un sentiment de solitude qui provoque
par nature une émotion désagréable, elle-même mal supportée, ce qui
renforce le sentiment d’être dans une impasse.
Actuellement, vous retrouver seul est un problème qui vous fait souffrir
et que vous ne savez pas gérer. Jusqu’à présent, à travers les exercices
proposés, vous avez appris à vous organiser pour ne pas y être confronté, ou
tout au moins, à ne pas vous mettre dans une situation qui induise une
souffrance trop lourde à vivre pour vous. Il vous faut maintenant faire
l’effort d’affronter les situations où vous serez seul afin d’apprendre à gérer
la solitude, et dépasser vos peurs. Si vous ne voulez plus en avoir peur, il
vous faut l’apprivoiser, en choisissant au départ vos moments de solitude.
Tout au long de cet ouvrage, vous avez appris à vous observer, vous
étudier, pour réagir de façon plus adaptée, notamment en étant plus proactif
et en sollicitant plus facilement une aide extérieure en cas de problème.
Vous savez aussi identifier les situations problèmes qui induisent un
sentiment de solitude.
Maintenant, vous allez apprendre à gérer vos émotions dans ces
situations, à vous y confronter pour les dépasser afin qu’elles ne soient plus
un problème pour vous. Pour y parvenir, vous devez vous donner des
objectifs réalistes et vous y tenir. Décidez de bloquer un temps dans votre
semaine pour faire les exercices, en veillant à être au calme et à ne pas être
interrompu (portable éteint) afin de pouvoir vous retrouver seul avec vous-
même. Au départ, choisissez une durée assez courte, 10 minutes ou un quart
d’heure par exemple, ensuite vous pourrez augmenter ce temps selon vos
capacités et votre rythme.
Tous ces exercices vous aideront à mieux accepter vos émotions en les
considérant comme vôtres et naturelles et non plus comme pathologiques et
étrangères.
Vous approprier vos émotions
Plusieurs exercices pratiques sont proposés dans ce chapitre. Ne les
faites pas tous systématiquement. Tous demandent du temps, de la patience,
des efforts et ne sont pas aussi simples qu’ils le paraissent. En revanche, ils
sont précieux, ils vous apporteront beaucoup dans la compréhension et
l’acceptation de vos émotions. Certains peuvent même être pratiqués à
plusieurs, ce qui les rendra plus ludiques et plus agréables. En tout état de
cause, ils sont très importants pour vous qui souffrez de solitude et
présentez une difficulté certaine à gérer vos états émotionnels. Ils vous
permettront de prendre de la distance avec vos pensées automatiques, de
vous en détacher tout en acceptant vos émotions, vos sensations corporelles.
Vous aurez alors un regard plus juste, plus objectif sur vous-même.
Stimuler vos sens
Cet exercice comporte en lui-même plusieurs exercices ayant tous pour
objectif de vous faire prendre conscience de votre corps et de vos sens.
Certains s’effectuent confortablement installé dans un fauteuil ou assis en
lotus comme cela se pratique en méditation, d’autres peuvent se pratiquer
en marchant à l’extérieur en observant l’impact des stimulations de
l’environnement sur vous. Pour chaque exercice pensez à respirer
calmement par le ventre.
Premier exercice
Prenez différents condiments, épices et aromates dans votre cuisine sel,
poivre, piment, moutarde, cumin, curry, safran, anis, basilic, estragon,
ciboulette, ail, oignon, vanille, chocolat, café, thé… Choisissez-en quatre ou
cinq, c’est amplement suffisant pour le début. Vous pourrez ensuite
renouveler l’expérience avec d’autres. Placez-les devant vous sur une table
et installez-vous. Vous pouvez les laisser dans leurs récipients respectifs ou
en extraire une petite quantité et la déposer sur une planche, par exemple,
en formant des petits tas. Ensuite, prenez le temps d’étudier chaque produit,
comme si vous le découvriez pour la première fois.
Choisissez-en un. Observez-le attentivement. Sous tous les angles. Sa
texture, sa couleur, sa forme, ses reflets en fonction de la lumière… Que
vous évoque ce que vous voyez ? Du sable ? Un caillou ? De
l’herbe coupée ? De la terre ? De la neige ? Comparez-le aux autres, en quoi
diffère-t-il des uns, en quoi ressemble-t-il à d’autres ? Cette première étape
terminée, passez à la suivante.
Prenez le condiment dans votre main, touchez-le avec l’autre. Quelle
sensation ressentez-vous ? Est-ce dur, rugueux, doux, mou, fluide… ?
Placez-le entre votre pouce et votre index, qu’est-ce que cela évoque pour
vous ? Fermez les yeux et laissez votre imaginaire vous guider.
Alors que vous le tenez entre vos doigts, rapprochez-le de votre oreille
et écoutez le bruit produit par le frottement. Est-ce strident, grave, lourd, un
frôlement ?
Approchez-le ensuite de vos narines. Gardez toujours les yeux fermés.
Concentrez-vous sur le parfum qui se dégage. Comment pourriez-vous le
caractériser ? Est-il aigre, doux, acre, sucré, épicé, poivré, boisé… prenez
votre temps. Qu’est-ce que cette odeur évoque pour vous ? Quel souvenir
associez-vous à cette odeur, quel plat ?
Maintenant placez-le au bout de votre langue et observez ce qui se
produit. Quelle sensation ressentez-vous ? Déglutissez et notez le goût que
vous avez dans la bouche. Soyez le plus précis possible. Comme si vous
n’aviez que ce sens pour décrire ce que vous ressentez.
Faites de même avec les autres condiments ou épices choisis.
Deuxième exercice
Dans la rue, asseyez-vous sur un banc et observez les personnes passer.
Comment sont-elles habillées, comment se déplacent-elles ? Où se dirigent-
elles ? Que font-elles ? Où regardent-elles ? Vous paraissent-elles
souriantes, tendues, pressées, agitées, calmes ? Essayez d’imaginer leurs
vies respectives. Vont-elles au travail ? Lequel ? Où ? Ont-elles des
enfants ? Un mari ? Un amant ? Observez aussi les automobilistes, leur
voiture, leur conduite. Faites de même. Puis fermez les yeux et écoutez les
bruits qui viennent à vous. Essayez de reconstruire ce que vous ne voyez
pas à l’aide de votre ouïe et de votre odorat. Notez ce qui se passe dans
votre corps, comment il réagit.
Troisième exercice
Prenez votre main droite. Regardez-la. Les ongles, vos doigts, la paume,
le dessus de votre main… Ensuite, caressez votre main droite avec votre
main gauche comme si elle voulait être gentille avec elle, douce et agréable.
Que ressentez-vous ?
Quatrième exercice
Alors que vous marchez, prenez conscience d’une partie de votre corps.
Votre pied droit ou bien votre bras gauche ou encore votre front par
exemple. Que ressentez-vous à cet endroit précis ? Comment réagit cette
zone de votre corps alors que vous marchez ?
Retrouver des émotions enfouies
Il s’agit d’une technique appelée « pont émotionnel ». L’idée est de
remonter dans son passé par l’intermédiaire de notre mémoire émotionnelle.
Recherchez dans vos souvenirs un événement particulier au cours duquel
vous avez ressenti de la joie. Il peut s’agir d’un événement récent comme
d’un plus ancien, peu importe. Concentrez-vous sur le souvenir en fermant
les yeux. Tâchez de vous rappeler le contexte. Où et quand s’est produit cet
événement ? Qui était présent avec vous ? Que ressentiez-vous
exactement ? Comment cela se traduisait physiquement à l’époque ? Et
maintenant, que se passe-t-il en vous ? Observez votre corps, comment
réagit-il ? Vos épaules, votre gorge, votre poitrine, votre estomac, votre
visage, comment les ressentez-vous ? Quel mot vous vient pour décrire
votre état émotionnel ? Prenez votre temps afin de bien repérer toutes les
modifications que vous observez.
Faites la même expérience avec les autres émotions : la colère, la peur,
la tristesse, la surprise, le dégoût. Vous pouvez aussi poursuivre avec des
émotions complexes comme la culpabilité, la honte, le bonheur, la liberté…
Ne choisissez pas des événements trop chargés émotionnellement, le but ici
n’étant pas de traiter un souvenir traumatique, mais de revivre une émotion.
Nous reviendrons un peu plus loin sur cette technique qui permet de mieux
comprendre l’impact de notre passé dans notre vie présente.
N’hésitez pas à noter vos impressions sur un carnet pour vous en
souvenir et comparer votre ressenti en fonction de vos émotions.
Créer un état émotionnel
Dans cet exercice, vous allez partir d’une émotion comme la colère, par
exemple, et observer ce qui se produit en vous lorsqu’elle survient. Essayez
d’imaginer que vous êtes en colère. Si cela est difficile, imaginez une
personne en colère ou une situation qui pourrait vous mettre en colère.
Notez les sensations physiologiques induites par la colère en commençant
par votre tête, votre visage, etc. jusqu’à vos pieds. Explorez ainsi tout votre
corps. Répertoriez toutes les sensations physiologiques (chaud, froid,
fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, température, bouche sèche…),
ainsi que les tensions musculaires ou inversement les zones de relâchement
musculaire. Notez ensuite les mots qui vous viennent à l’esprit pour décrire
votre état. Notez-les. Quelles sont vos pensées associées ? Qu’est-ce que
vous aimeriez faire ? Vers quoi vous pousse à agir votre organisme ? Courir,
frapper, crier, boire ? Notez tout cela. Vous pouvez utiliser un tableau à
quatre colonnes pour vous aider à vous y retrouver (émotions initiales,
signes physiques et physiologiques, pensées automatiques associées,
comportement automatique probable).
Pratiquez la même chose avec les autres émotions de base (la peur, la
tristesse, la surprise, le dégoût).
Apprendre à être seul avec vous-même : en
« pleine conscience »
Si vous voulez pouvoir supporter la solitude, vous devez vous
familiariser avec cette expérience, apprivoiser les émotions qui y sont
rattachées, pour ne plus en avoir peur.
Voici une méthode, de prime abord paradoxale, à mettre en pratique
pour faire face à la solitude : il s’agit de choisir intentionnellement des
moments de solitude et de vous laisser aller à ressentir vos émotions, à
identifier plus précisément votre ressenti intérieur, afin de vous rapprocher
de vous-même. Pouvoir accepter votre état émotionnel pour ce qu’il est,
l’accueillir tel qu’il est, comme faisant partie de vous, sans chercher à le
juger. Cela peut surprendre une personne en détresse dont le premier
objectif serait plutôt de se débarrasser de sa souffrance. Néanmoins, se
recentrer sur soi et observer ce qui se passe, de manière neutre, sans porter
ni jugement ni critique, permet de prendre du recul, d’appréhender le
problème pour ce qu’il est, sans réactivité particulière, plus globalement. Et
surtout, cela vous apportera une meilleure connaissance de vous-même et la
possibilité de cultiver une écoute profonde, pour être plus proche de vous.
Cette technique de « pleine conscience » nécessite de porter
volontairement son attention sur l’instant présent, sur l’expérience présente.
Elle demande une attention soutenue sur tout ce que vous vivez à l’instant
présent, comme les sensations corporelles immédiates, les pensées et
images mentales qui surgissent spontanément dans le champ de la
conscience. Vous êtes invité à focaliser votre attention sur votre expérience
globale et à l’accepter telle qu’elle est, sans chercher à la comprendre,
l’analyser ou la modifier. Cela demande d’être dans une attitude de non-
jugement et d’accueillir toutes les facettes de l’expérience, qu’elles soient
agréables ou non, et d’avoir une attitude bienveillante envers elles.
Cette technique s’oppose donc au pilotage automatique où l’on se laisse
porter par ses pensées sans faire le lien avec notre ressenti physique comme
parfois avant de s’endormir et à la relaxation où l’obtention d’un état de
bien-être et de détente est recherchée. Dans l’expérience de pleine
conscience, on accepte de vivre l’expérience immédiate telle qu’elle est,
sans chercher à la modifier, sans a priori, sans but particulier, sans se laisser
emporter par ses jugements. Il s’agit d’un exercice difficile qui demande
énormément de pratique et un travail régulier, pendant plusieurs mois, tant
nous avons pris l’habitude d’intellectualiser, de réfléchir, plutôt que de nous
observer en train de vivre une expérience.
Maintenant que vous êtes plus aguerri, plus confiant en vous, et que
vous avez pu vous familiariser avec vos émotions grâce aux exercices
précédents, ceux qui suivent devraient être plus simples à pratiquer.
Pratiquer le lâcher-prise
Vous allez décider de prendre un moment pour vous, 15 minutes par
exemple, quotidiennement si cela est possible, sinon au moins trois fois par
semaine, au cours duquel vous ne ferez rien. Aucune activité. Pas de
lecture, pas de télévision, pas de radio, pas de musique. Rien du tout. Et
vous vous engagez à augmenter cette durée de 5 minutes chaque semaine,
jusqu’à 30 minutes en continu. Il faudra faire en sorte d’être véritablement
seul pendant ce laps de temps, sans aucune sollicitation extérieure. Cet
exercice demande un minimum d’organisation et s’étale sur plusieurs
semaines, il demande donc beaucoup d’effort personnel et de la
persévérance. Pour ne pas être distrait par l’heure, prévoyez de prendre un
réveil qui sonnera à la fin de l’exercice. Pendant ce temps dédié à vous-
même, installez-vous confortablement. Avant de vous isoler, inscrivez sur
votre carnet de bord les pensées que vous avez, comment vous imaginez
réagir, dans quel état émotionnel vous vous sentez. Apprenez à repérer ce
qui se passe en vous, quelles sont vos pensées automatiques, quelles images
mentales vous animent. Puis concentrez-vous et partez à la rencontre de
vous-même.
• Quelles sont vos sensations physiques et physiologiques ? Passez tout
votre corps en revue en partant de votre tête et en descendant jusqu’à
l’extrémité de vos orteils. N’oubliez pas ce que vous ressentez en vous,
dans votre poitrine, votre ventre…
• Notez les modifications de votre respiration en fonction de vos
sensations physiques et de vos pensées. Observez ce qui se passe en vous au
moment de l’inspiration et inversement quand vous expirez lentement tout
l’air qui était contenu en vous. Observez-vous sans chercher à réagir, à
comprendre ou à modifier ce que vous ressentez.
• Laissez passer vos images, glissez sur vos souvenirs, comme si un film
se déroulait devant vous. Pour vous aider à lâcher prise, imaginez un
touriste qui visite une ville dans un bus. Il poursuit son trajet sans s’arrêter à
chaque boutique ou chaque monument. Il observe ce qu’il voit derrière sa
vitre alors que le bus continue d’avancer pour lui faire découvrir d’autres
quartiers de la ville. De la même manière, laissez aller vos pensées, vos
souvenirs, vos images mentales comme s’ils venaient à vous, les uns
chassant les autres, dans un mouvement perpétuel, sans qu’une pensée ne
soit plus importante qu’une autre. Laissez vagabonder vos pensées comme
si elles étaient entièrement libres, sans les contrôler, les canaliser ou les
rejeter. Lorsqu’une émotion survient, acceptez-la comme une information
complémentaire sans vous arrêter dessus, sans chercher à l’interpréter ou à
la comprendre. Notez simplement qu’elle est présente ou qu’elle ne l’est
plus, sans plus. Remarquez comment elle vient, puis repart toute seule
quand vous l’acceptez. En revanche, quand vous voulez la contraindre, vous
arrêter dessus, elle prend de plus en plus de force, à l’image d’une vague au
bord de la mer qui vient s’échouer sur la berge si rien ne la retient, et qui
dévoile toute sa force si l’on tente de la stopper. Comme une vague repart
avec le ressac, votre émotion s’évanouira progressivement, même si elle
paraît puissante, intense. Rien ne sert de vouloir l’arrêter, surfez dessus, en
l’acceptant comme un fait psychique.
• Si vous avez des questions existentielles troublantes, si des souvenirs
douloureux surviennent, si des autocritiques vous perturbent, laissez-les
vous ennuyer, vous agacer, sans réagir. Dites-vous : « Tiens voilà cette
pensée », rien de plus. Ne vous jugez pas, ne portez pas d’appréciation
particulière, notez simplement leur présence, accueillez ces pensées comme
venant de vous, et voyez ce qu’elles induisent comme modifications
corporelles. Observez l’impact qu’elles ont sur vous sur le plan émotionnel,
sans essayer de le modifier ou de l’atténuer. N’essayez pas de le
comprendre ou de l’analyser. Restez un observateur neutre de ce qui se
passe en vous. Acceptez ce désagrément comme un exercice, en vous disant
que tout cela est limité dans le temps, votre réveil sonnera bien à un
moment ou un autre. Relevez le défi de tenir bon jusqu’à la sonnerie en
sachant que justement tout cela n’est pas éternel, mais limité dans le temps
et d’une durée maximale de 30 minutes. Apprenez à être patient. Prenez
votre temps et profitez de ce temps pour être entièrement disponible à vous-
même, pour vous laisser aller à la rencontre de votre vie intérieure. Sans
rien attendre et sans jugement sur vous-même. Tâchez d’être juste au plus
proche de vous, de vos sensations et de vos pensées sans vous arrêter sur
leur sens, leur pertinence.
• Quand le réveil sonne, respirez profondément, prenez votre temps
pour reprendre contact avec la réalité extérieure, étirez-vous et notez les
phrases, les souvenirs qui vous ont dérangé, les images difficiles. Puis
pratiquez une activité de détente, comme écouter de la musique, prendre un
bain, avant de reprendre un rythme plus soutenu. Vous pouvez partager
ensuite avec vos proches cette expérience, évoquer les souvenirs qui vous
ont troublé, les interrogations qui vous occupent.
L’intérêt de cet exercice est de vous apprendre à accepter ce qui se passe
en vous, sans chercher automatiquement à l’analyser, à le comprendre. Juste
pouvoir être un observateur neutre envers soi-même, ne pas se laisser
emporter par l’émotion, mais savoir la recevoir en soi comme sienne. Il ne
s’agit pas de perdre le contrôle de soi, de laisser vos émotions vous envahir,
bien au contraire. Il s’agit de les prendre en considération, d’accepter
qu’elles s’expriment librement, de laisser parler votre corps, de l’écouter
d’une oreille attentive avec toute votre attention, sans intellectualiser. Cela
s’apparente à la méditation.
Une fois que vous pourrez pratiquer cet exercice une demi-heure
d’affilée sans être interrompu, vous pourrez être particulièrement fier de
vous, car cela vous a demandé beaucoup d’effort et une pratique régulière
du lâcher-prise. Vous pourrez ensuite continuer à pratiquer régulièrement au
rythme qui vous convient en sachant qu’une demi-heure par jour est
raisonnablement possible pour chacun d’entre nous et vous apportera un
bien-être réel. Bien sûr, vous pouvez ensuite utiliser cette technique dans
d’autres situations de la vie quotidienne afin d’appréhender autrement les
problèmes en étant notamment plus détaché.
Le recentrage par la respiration
Une autre technique peut vous être utile en cas de ruminations stériles,
mais aussi de tensions nerveuses, de mal-être physique.
Comme pour les autres exercices, commencez par vous isoler pour ne
pas être dérangé, installez-vous confortablement en position assise dans un
fauteuil, sur une chaise ou un tabouret. Commencez par respirer calmement
avec votre ventre pendant 1 minute à peu près, tout en vous concentrant sur
votre respiration. L’exercice, composé de trois étapes, prend en tout 20
minutes, chaque séquence durant 5 minutes, auxquelles il faut ajouter 2 à 3
minutes pour se mettre en condition, et autant pour prendre le temps de
revenir dans le présent. Mais, avec l’habitude, la pratique régulière, vous
pouvez le réduire à 10 minutes.
Pendant 5 minutes, laissez venir à vous toutes les pensées qui traversent
votre cerveau. Comme dans l’exercice précédent du lâcher-prise. Ne
cherchez pas à contrôler vos pensées, ni à les comprendre, ni à les chasser.
Votre travail est juste d’être un observateur qui regarde passer toutes ces
pensées comme un passant sur un pont au-dessus de l’autoroute regarderait
passer les voitures. Ne vous arrêtez pas sur une idée, une image mentale en
particulier, un souvenir donné. Acceptez tout ce qui se présente à vous
comme un hôte accueillerait chez lui tous ses invités, quel que soit leur
statut, leur degré d’intimité, leur lien de parenté. Chacun est le bienvenu
dans sa demeure. De même, chaque pensée, chaque souvenir est aussi
important que les autres, aussi ne vous fixez pas sur l’un ou l’autre, mais
acceptez-les tous. Imaginez de l’eau qui coule dans une rivière, à chaque
moment l’eau qui est devant vous est différente et pourtant la rivière est
toujours la même. Votre cerveau libère en permanence des pensées, des
constructions psychiques, des souvenirs, mais vous restez toujours la même
personne. Alors que vous effectuez ce travail de lâcher-prise, observez ce
qui se passe en vous. Quelles sont vos sensations physiques ? Notez-vous
des zones de tension musculaire, une douleur, une gêne ? Ou inversement
une détente, un bien-être ? Notez l’endroit dans votre corps où se manifeste
cela et nommez ce que vous ressentez (tension, angoisse, peur, joie…).
Ensuite concentrez-vous sur votre respiration. Observez-vous en train
de respirer. Comment à chaque inspiration l’air pénètre dans vos narines,
passe dans votre gorge et gonfle votre poitrine, puis comment, inversement,
à chaque expiration, il quitte votre poitrine, passe par votre gorge, avant
d’être expulsé par votre bouche, lentement. Prenez conscience de ce
mouvement régulier, perpétuel qui vous anime chaque jour à chaque instant
et vous donne votre force vitale. Observez que tout votre corps vit au
rythme de votre respiration. Ressentez ce qui se passe en vous, comment
votre corps réagit en fonction de votre respiration. À chaque inspiration,
votre poitrine se gonfle, votre abdomen aussi. Et, en fait, tout votre corps vit
au rythme de votre respiration jusqu’au bout de vos doigts, l’extrémité de
vos orteils. Observez comment votre corps, considéré comme un tout, se
comporte à chaque inspiration où il est plus tendu, rempli d’énergie, et à
chaque expiration où il se détend et évacue les toxines. Faites cela du mieux
que vous pouvez, sans vous juger négativement si vos pensées vous
empêchent de vous concentrer, ou si votre attention est attirée par un bruit
ou une tension musculaire. Dites-vous simplement : « Tiens je suis attiré par
cela », et revenez à votre respiration ventrale. Faites cela 5 minutes.
Maintenant revenez à votre sensation initiale et au mot que vous aviez
choisi pour la définir. Observez comment elle se manifeste à présent. Posez
votre respiration dessus comme si le centre respiratoire était localisé sur
cette zone. Observez ce qui se passe quand vous respirez dessus comme le
vent souffle sur les nuages. Observez le mouvement de va-et-vient lié à
l’inspiration et à l’expiration, mouvement comparable à celui d’une vague
qui vient s’échouer sur un rocher avant de repartir. Chaque fois qu’elle vient
s’échouer, elle érode le rocher, arrondit ses aspérités, adoucit la pierre. De la
même façon, notez comment votre respiration agit sur la zone de votre
corps. Concentrez-vous sur votre respiration et sur cette zone comme si cela
ne faisait qu’une et même chose. N’attendez rien de particulier, restez juste
un observateur qui voit globalement ce qui se passe en lui, et intègre toutes
ces données comme faisant partie de lui, sans vouloir ni les comprendre ni
les contrôler. Regardez et acceptez ce qui se passe en vous simplement, sans
plus. Faites tout cela 5 minutes.
Ensuite, respirez profondément, étirez-vous, étendez les bras et ouvrez
les yeux. Regardez autour de vous, revenez dans votre contexte (date,
lieu…) et lentement, calmement, levez-vous pour vaquer à vos occupations.
Savoir gérer les débordements émotionnels
Quand soudainement nous sommes envahis par une émotion intérieure
incontrôlable qui devient insupportable tant son intensité est élevée,
comment réagir ? D’où proviennent nos débordements émotionnels ?
Comment s’expliquent-ils ?
Très souvent les débordements émotionnels s’expliquent par deux
mécanismes simples :
• La situation actuelle rappelle une ou plusieurs situations déjà vécues,
elles-mêmes chargées sur le plan émotionnel. On retrouve ce phénomène
lorsqu’une personne éprouve du ressentiment, n’ose pas exprimer ses
émotions qui s’accumulent jusqu’au moment où elle éclate de colère alors
que la situation du moment ne justifie pas cette réaction. Ou bien quand un
événement actuel fait écho à un autre événement du passé particulièrement
éprouvant. Notre cerveau émotionnel fait un copié-collé et l’émotion
présente n’est pas représentative de ce qui se passe actuellement, mais de
l’événement passé. Une personne qui, enfant, souffrait de rester seule des
week-ends entiers alors que ses parents travaillaient peut, adulte, ne pas
supporter que son partenaire s’absente le week-end, car cela réactive les
mêmes angoisses, alors que le contexte est complètement différent.
• La situation actuelle déclenche plusieurs émotions distinctes dont la
somme provoque une charge émotionnelle globale trop importante.
Imaginez que vous attendiez votre ami au restaurant. Ne voyant personne
arriver, vous tentez de le joindre, par téléphone, sans succès. Après l’avoir
attendu près d’une heure, vous l’apercevez dans la rue au bras de quelqu’un
d’autre. Dans quel état émotionnel seriez-vous ? Qu’allez-vous imaginer ?
Comment vous sentiriez-vous ? Colère, tristesse, surprise, dégoût,
sentiment de trahison, d’incompréhension… Imaginez le raz de marée
émotionnel si toutes ses émotions font brutalement irruption en vous.
Si vous ressentez que votre réaction émotionnelle est disproportionnée,
inadaptée à la situation, ou bien si vos émotions deviennent intolérables à
vivre, la première chose à faire est de vous détendre en pratiquant la
respiration ventrale pour vous apaiser. Vous limiterez ainsi les biais
d’interprétation relatifs au raisonnement émotionnel, qui, je vous le
rappelle, troublent le jugement, empêchent toute objectivité, puisque nous
appréhendons alors la situation en fonction de nos émotions et non plus en
fonction des éléments de la réalité. Puis, quand vous serez plus calme
intérieurement, il vous faudra repérer dans quel cas de figure vous êtes afin
d’agir efficacement pour moduler votre état émotionnel. Dans le premier
cas, où un fait actuel fait écho à un souvenir du passé, le pont émotionnel
est une technique qui peut vous aider à accepter la situation présente en
apprenant à différencier parmi vos sensations celles qui sont relatives à la
situation actuelle de celles qui proviennent de votre passé. Dans le
deuxième cas de figure, celui de la surcharge émotionnelle, votre détresse
provient du fait que vous traitez en un seul bloc toutes vos émotions. Aussi,
apprendre à les identifier, puis savoir les traiter séparément vous soulagera.
Reprenons ces deux techniques plus en détail. Nous verrons ensuite ce que
sont les assouplissants émotionnels qui permettent de réduire l’intensité de
vos sensations émotionnelles.
N’oubliez pas : dans tous les cas, vous pouvez utiliser la « carte sécurité plus ».
Le pont émotionnel
Vous l’avez déjà utilisée dans un exercice précédent. Attention, il est
très important dans cet exercice de se laisser aller, de ne pas lutter contre ses
émotions, de les accepter, même si elles deviennent de plus en plus intenses.
Familiarisez-vous avec cette technique en la pratiquant dans des
situations où votre état émotionnel reste d’intensité moyenne. Si vous avez
peur de réveiller en vous des souvenirs trop lourds, demandez conseil à un
thérapeute.
Comment procède-t-on ?
Confortablement installé dans un fauteuil, vous allez vous concentrer
sur la situation actuelle. Que s’est-il passé exactement pour que vous
réagissiez ainsi ? Qu’est-ce qui a déclenché votre réaction émotionnelle ?
Notez bien toutes les circonstances qui vous ont conduit à l’état actuel, puis
dirigez toute votre attention vers vos sensations physiques. Que ressentez-
vous exactement ? Comment cela se manifeste physiquement ? Observez
votre respiration, d’éventuelles zones de tension musculaire, votre rythme
cardiaque. À quoi vous fait penser votre réaction ? Comment vous
l’expliquez-vous ? À quoi l’attribuez-vous ? Notez mentalement vos
pensées automatiques. Si vous avez des images mentales, observez-les.
Puis, une fois que vous êtes bien imprégné de vos sensations, de vos
émotions, laissez-vous guider par votre mémoire. Remontez dans votre
passé en vous demandant : « Quand ai-je ressenti tout cela pour la dernière
fois ? Quand dans ma vie ai-je déjà eu l’occasion de vivre cela ? De quelle
période de ma vie mon état émotionnel actuel est-il représentatif ? » Quand
votre mémoire vous conduira au souvenir en question, vous sentirez monter
en vous une vague puissante qui emporte tout sur son passage. Comme un
sanglot incontrôlable, qui s’accompagne de pleurs le plus souvent. N’ayez
crainte. C’est impressionnant, très éprouvant. Mais ayez confiance en vous,
ce que vous revivez aujourd’hui, vous l’aviez déjà vécu et vous êtes
toujours là ! Ce qui, depuis votre enfance parfois, n’avait jamais pu être
exprimé peut enfin être libéré avec toute la force émotionnelle de l’époque.
Après ce travail, vous serez probablement épuisé, secoué, mais soulagé,
comme si un poids vous était ôté. Si cet exercice révèle un souvenir pesant
et particulièrement douloureux, n’hésitez pas à consulter un
psychothérapeute. Vous pouvez aussi bien sûr en parler à vos proches si
vous en ressentez l’envie.
Le camembert émotionnel
Cet exercice doit vous permettre de mieux identifier vos émotions
complexes qui sont le résultat de la combinaison de différentes émotions.
Vous procédez initialement comme précédemment afin de bien vous
imprégner de votre état émotionnel. Mais ici au lieu de vous laisser porter
par votre mémoire émotionnelle vous allez essayer de définir plus
précisément ce qui compose votre état émotionnel actuel. Quelle est la part
de tristesse, de colère, de dégoût, de joie, de peur… qui vous anime quand
vous ressentez ce que vous vivez intérieurement maintenant ? Imaginez un
camembert. Il représente votre état émotionnel actuel dans la situation
présente. De quelles émotions est-il composé ? Comment s’agencent-elles
entre elles ? Quelle est la part respective de chacune ? Une fois ce travail
effectué prenez chaque émotion et arrêtez-vous dessus afin de les assimiler
les unes après les autres. Qu’est-ce qui dans la situation justifie qu’elles
soient stimulées ? Notez pour chacune d’elles, les sensations physiques, les
pensées automatiques et les images mentales associées. Si malgré cet
exercice votre détresse persiste, utilisez les assouplissants émotionnels que
nous allons étudier maintenant.
Les assouplissants émotionnels
Il s’agit d’outils qui abaissent le niveau émotionnel, limitent l’impact de
vos émotions et atténuent de ce fait votre souffrance. L’idée est d’accepter
que personne n’a le pouvoir d’empêcher une émotion de se manifester, mais
que chacun peut en atténuer les effets délétères en mettant en œuvre des
stratégies qui vont adoucir l’instant présent.
Distrayez-vous de votre état émotionnel
Une technique pratique et simple pour diminuer le niveau émotionnel
consiste à réduire le contact avec les stimuli émotionnels pour que la
réaction s’épuise progressivement. Cette stratégie est particulièrement
indiquée pour ne pas réagir en urgence sous la pression émotionnelle. Ainsi,
se distraire doit être compris comme un moyen pour temporiser et s’apaiser
intérieurement afin de pouvoir mettre en œuvre secondairement des
stratégies plus efficaces. Quels sont les moyens habituellement utilisés pour
se soustraire à la situation initiale ?
• Quittez la situation, changez d’environnement, cela apporte le plus
souvent un apaisement intérieur. Plutôt que de rester seul chez vous assis à
ne rien faire, vous pouvez sortir, sans but précis, juste pour marcher et vous
distraire. Faire du shopping, flâner, visiter un quartier de votre ville vous
changera ainsi les idées. Se promener, le long d’un cours d’eau, en forêt, à
la campagne et s’imprégner du paysage change aussi votre état émotionnel.
L’idée est alors de profiter de cette trêve émotionnelle pour joindre un ami,
programmer votre soirée, réfléchir à une activité pour vous occuper…
Réflexions que vous ne pouviez pas avoir chez vous, la tête entre vos bras
ou assis sur une chaise à ne rien faire.
• Mettez en place une activité qui occupe l’esprit et limite ainsi l’impact
des émotions et l’importance des pensées automatiques. Il peut s’agir d’une
activité agréable ou routinière comme ranger ses affaires, sortir les
poubelles. Ce qui est important, c’est que cette activité puisse être mise en
place facilement et qu’elle occupe suffisamment l’esprit pour casser le flux
de pensées automatiques.
• Imaginez d’autres personnes dans la même situation (ami, famille,
copine…), et représentez-vous comment elles réagiraient. Cela donne une
vision plus nuancée de la situation et peut aussi vous amener à contacter vos
proches pour les mettre à contribution, leur demander de l’aide, leur avis,
un conseil.
• Créez une nouvelle émotion pour interférer avec les composantes
physiologiques de l’émotion négative initiale et chasser les pensées en
concentrant votre attention sur quelque chose d’autre que les stimuli
environnementaux. Par exemple, vous pouvez placer un glaçon dans votre
main, vous faire une chiquenaude sur la joue, pratiquer des pompes ou une
séance de relaxation… Attention toutefois de ne pas mettre en place une
action nocive qui provoque une douleur, une blessure et, bien sûr, de ne pas
consommer de substances pour modifier votre état émotionnel comme de
l’alcool ou une autre drogue.
• Recontextualisez la situation. Trop souvent, quand l’émotion est
intense, nous perdons nos repères temporels et spatiaux de sorte que la
situation semble être éternelle, ne pas avoir de fin et avoir toujours été ainsi,
comme si on ne pouvait pas en sortir. Or toute émotion est limitée dans le
temps. Rappelez-vous, d’une part, d’autres situations agréables, positives
dans lesquelles vous avez été fier et, d’autre part, des situations négatives
similaires à celle-ci et dont vous êtes parvenu à vous sortir. Vous pouvez
aussi regarder autour de vous les objets qui vous entourent et vous souvenir
du moment où vous les avez achetés. L’endroit où vous logez, depuis quand
y êtes-vous ? Rappelez-vous l’emménagement, les travaux faits, les
moments agréables que vous y avez passés.
Éveillez vos sens
Nous l’avons déjà noté, l’état de souffrance lié à la solitude
s’accompagne d’autocritiques vagues négatives, de jugements sévères sur
soi-même, d’une mésestime de soi, de reproches incessants. Alors que vous
auriez besoin d’un réconfort, d’une écoute empathique, de compréhension,
vous êtes dur avec vous-même et désespérez d’aller mieux. Aussi savoir se
réconforter, prendre soin de soi, se faire plaisir, se montrer aimable avec
soi-même, se souvenir de ses compétences, reconnaître ses qualités, sont
autant d’actions positives utiles et bienveillantes dont vous auriez besoin.
Vous allez ainsi apprendre à éveiller vos sens à de nouvelles sensations
agréables plutôt que de vous montrer autoritaire et maltraitant envers vous-
même et vous enfermer sur vous. Pour cela, essayez les compétences
relatives à chaque sens et développez celles qui vous paraissent les plus
adéquates en fonction de votre sensibilité et des situations. Une fois votre
sens stimulé, laissez vagabonder votre imagination là où elle vous
emportera.
• La vue. Regardez le paysage, les étoiles, la lune, allumez un feu ou
une bougie et observez le vacillement de la flamme. Contemplez des cartes
postales, photos, timbres, dessins, œuvres d’art… Cueillez une fleur, une
feuille, prenez un fruit, un légume et regardez-le en détail. Offrez-vous des
fleurs et posez-les en évidence chez vous, remplissez une corbeille de fruits
et placez-la sur votre table.
• L’ouïe. Écoutez de la musique gaie et stimulante. Chantez vos
chansons favorites. Apprenez à distinguer le chant des oiseaux. À être
attentif aux bruits alentours, à fermer les yeux et les reconnaître, les
identifier.
• L’odorat. Allumez une bougie parfumée. Sentez votre parfum préféré.
Lavez vos draps et serviettes avec une nouvelle lessive. Parfumez une pièce
d’encens. Respirez les odeurs extérieures ou celles provenant de certains
objets comme des vieux livres, le cuir…
• Le toucher. Chatouillez le dessus de vos mains. Prenez un bain, une
douche. Massez-vous les pieds. Passez de la crème sur votre corps.
Caressez un animal, une étoffe.
• Le goût. Sélectionnez un de vos aliments préférés et prenez le temps
de le déguster : un carré de chocolat, un gâteau, un fruit, un jus de fruit
frais…
Relativisez le moment présent
Nous sommes tous contraints de vivre des moments difficiles, fussent-
ils injustes. Personne ne peut les supprimer de son existence et il nous faut
composer avec. La solitude fait partie du lot de chacun et comme vous le
savez elle s’accompagne naturellement d’une émotion désagréable par
essence. L’apprivoiser, accepter le mal-être qu’elle induit comme naturel et
inévitable permet de la supporter et de développer des compétences
nouvelles. Mais quand l’émotion est trop forte, un soulagement s’impose
pour dépasser la situation. Voici quelques outils pour vous aider à relativiser
le moment présent quand une situation est trop chargée sur le plan
émotionnel.
• Sollicitez votre imagination. Imaginer une autre situation, c’est un peu
comme quitter la situation présente. Avec l’imagerie mentale, vous pouvez
vous rendre là où vous le souhaitez, comme vous le souhaitez. Sans aucun
danger. À vous de partir dans un endroit agréable, sécurisant. Un lieu dont
vous rêvez ou un endroit connu où vous avez passé des moments
particulièrement plaisants. Vous pouvez créer une pièce imaginaire dans
laquelle vous vous sentez comme dans une bulle, protégé des agressions
extérieures. Imaginez cette pièce, sa superficie, la couleur des murs, le
revêtement au sol, le mobilier, la porte, la serrure, la clé dans la serrure.
Imaginez-vous en sécurité dans cette pièce fermée à clé.
• Donnez un sens à votre expérience. Les épreuves que la vie vous
réserve se vivent dans la solitude. Et nous apprenons à chacune d’elles un
peu plus sur nous-même. Cet apprentissage passe obligatoirement par des
moments de doute, de souffrance, de mal-être profond. La vie n’est pas
toujours juste, c’est comme cela. C’est ainsi, quoi que l’on fasse. Mais
chaque expérience vécue nous apporte une meilleure connaissance de nous-
même, des autres et du monde en général. Comprendre ce qui vous arrive et
lui donner un sens vous aidera certainement à mieux accepter votre
situation. La souffrance provient souvent de notre incapacité à reconnaître
et accepter nos limites, de nos exigences excessives vis-à-vis d’autrui.
Sachez profiter de chaque expérience pleinement. Pourquoi je réagis
comme cela ? Qu’est-ce que cela me renvoie ? Ne suis-je pas trop dur
envers moi-même. Mes objectifs sont-ils réalisables ?
• Décentrez-vous. Prenez de la distance par rapport à la situation
présente et relativisez en étant plus objectif. Deux méthodes sont possibles
et complémentaires : se reporter dans le temps et se mettre à la place de
quelqu’un d’autre. Nous les avons déjà évoquées dans le chapitre
« Changez votre discours intérieur ». Vous pouvez vous y reporter.
• Pratiquez la relaxation.
• Concentrez-vous sur le moment présent. Votre détresse pendant les
moments de crise vous amène à évoquer des souvenirs douloureux comme
des scénarios pessimistes dans le futur. Se concentrer sur la situation
actuelle, ce que vous faites précisément au moment présent, atténuera votre
mal-être. Rien ne sert de se rappeler des souvenirs douloureux, ou de
prédire un avenir sombre, la douleur présente est déjà suffisante ! Dans la
réalité, objectivement, seule la situation présente compte.
• Soyez bienveillant avec vous-même. Soyez envers vous-même comme
vous le seriez envers un être que vous aimez intensément. Imaginez qu’un
ami souffre comme vous, que lui diriez-vous ? Que feriez-vous pour lui ?
Eh bien adressez-vous les mêmes paroles réconfortantes et chaleureuses,
aidez-vous du mieux que vous pouvez et soyez-en fier. Nul ne peut vous
aimer autant que vous-même.
Chapitre 14
Avoir
une bonne estime de soi
Comment se construit l’estime de soi
De nombreuses personnes seules présentent une faible estime de soi qui
limite leurs initiatives sociales, les pousse au repli et les enferme dans un
monde animé de complexes, de ressentiments et de craintes. Étant
persuadées de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir les qualités requises
pour être appréciées, mues par la crainte d’être rejetées ou jugées
négativement, leur vie sociale est peu évolutive, étriquée et monotone. Ces
personnes vivent comme désenchantées d’elles-mêmes, dans l’impossibilité
de se réaliser car ne sachant trop ce qu’elles désirent réellement, dans
l’incapacité de demander une aide extérieure, convaincues d’un refus, dans
la mésestime d’elles-mêmes car elles ne savent pas poser sur leur propre
personne un regard tendre et bienveillant. L’isolement social, conséquence
directe de ce manque d’amour pour soi-même, leur est d’autant plus
insupportable qu’il se double d’une solitude intérieure.
D’où vient cette faille narcissique qui nous empêche de croire en nous,
ces autocritiques et jugements si sévères et blessants qu’ils ternissent notre
image, ce manque de compassion pour nous-même qui nous prive du
bonheur d’être soi-même ? Ces insuffisances dont on s’accuse et qui nous
rendent malheureux sont-elles réelles ou témoignent-elles d’un
idéal inaccessible ? Sur quoi s’appuie ce manque d’estime de soi qui nous
empêche de vivre en paix ? Comment définir l’estime de soi ?
Le terme « estime de soi », comme Christophe André l’a souligné,
notamment dans son livre Imparfaits, libres et heureux, se rapporte au
jugement de soi, à l’appréciation que l’on porte sur soi-même. Il s’agit
d’une autoévaluation qui s’articule autour de trois éléments fondamentaux :
l’amour de soi, la confiance de soi et la connaissance de soi. L’estime de soi
représente une vision de soi qui nous permet de nous situer entre deux
extrêmes, d’une part les idéaux démesurés, souvent dictés par nos parents et
que nous n’atteindrons peut-être jamais, et d’autre part, une réalité
construite en fonction de nos limites et d’échecs répétés, à l’origine de
complexes qui nous inhibent et nous empêchent de nous réaliser si nous
refusons de les accepter.
L’amour de soi
Il se construit dans l’enfance et dépend étroitement de l’amour que nos
parents nous ont porté. Les adultes dotés d’un solide amour de soi ont
bénéficié d’un amour parental inconditionnel, c’est-à-dire que leurs parents
les aimaient pour ce qu’ils étaient, tels qu’ils étaient et non pas pour ce
qu’ils faisaient. En effet, l’enfant doit non seulement sentir que ses parents
l’aiment, mais surtout que cet amour est inconditionnel, c’est-à-dire que cet
amour est indépendant de leurs capacités, du fait qu’il est sage ou bon élève
par exemple. Adulte, il pourra continuer à s’aimer quoi qu’il advienne dans
sa vie car il sera porté par cet amour. Inversement, des parents qui montrent
des preuves d’affection uniquement quand leur enfant réussit un exploit ne
l’aident pas à acquérir une image valorisante de lui. S’aimer soi-même,
c’est reconnaître sa propre valeur malgré ses défauts, ses limites, c’est
continuer de croire en soi après un échec. En effet, en prenant conscience de
sa propre valeur, chaque individu dissocie ce qu’il est de ce qu’il fait.
L’amour de soi apporte un sentiment de sérénité intérieure, de bien-être, car
il permet d’échapper au risque de se déprécier soi-même en cas d’échec et
de pouvoir relativiser les critiques qu’autrui porte sur nous. L’amour de soi
implique le respect de soi et la fidélité à nos valeurs, nos choix, notre
histoire, nos liens.
Une fois cet amour inconditionnel donné, rien ni personne ne peut le
reprendre. Il distillera toute la vie durant son doux parfum aux notes
joyeuses, apaisantes et enthousiastes. C’est une véritable bénédiction que
les parents donnent à leurs enfants en les aimant de manière
inconditionnelle.
La confiance en soi
Elle se déploie selon notre histoire, en fonction de notre éducation, de la
confiance que nos parents nous témoignaient et de nos expériences
personnelles. Elle se caractérise par l’aptitude à envisager l’avenir avec
confiance, au fait de se sentir capable, de se savoir muni de ressources pour
affronter la vie. Connaître ses propres capacités induit un sentiment de
sécurité intérieure. La confiance dans ses propres compétences commence
tôt dans l’enfance à travers des petites expériences au cours desquelles
l’enfant s’assure qu’il est capable d’atteindre un objectif qu’il s’est fixé,
même s’il doit s’essayer à plusieurs reprises, rater, recommencer, avant de
réussir. La confiance en soi s’appuie largement sur l’efficacité personnelle.
Avoir atteint un objectif par ses propres efforts est une expérience qui
permet de se sentir apte, à l’avenir, à résoudre d’autres tâches difficiles. Les
efforts fournis pour atteindre notre objectif ainsi que les revers qui entravent
nos projets sont importants car ils témoignent de nos capacités comme de
notre persévérance et nous donnent une juste représentation de nous-même.
Si aucun effort n’est nécessaire pour réussir, si aucune contrariété ne
s’oppose à nos ambitions, nous ne saurons jamais ce dont nous sommes
capable et nous ne connaîtrons jamais notre pouvoir d’influence sur
l’environnement. Dans le même temps, toutes ces expériences nous
apprennent deux choses fondamentales : personne ne réussit tout ce qu’il
entreprend et l’échec absolu n’existe pas. Dans chaque revers, se cache une
leçon, véritable cadeau pour celui qui a confiance en lui. C’est pourquoi un
environnement qui permet aux enfants d’être positivement confrontés à des
problèmes renforce la confiance en soi, et les parents doivent encourager
leur enfant à relever de nouveaux défis et ne lui offrir de l’aide que lorsqu’il
en a réellement besoin. Un entourage qui laisse à l’enfant le temps de se
tromper sera donc plus bénéfique que celui qui fait à sa place ou critique en
cas d’échec, car dans ces cas, l’enfant risque d’être plus soucieux de ne pas
décevoir que d’acquérir de nouvelles compétences.
Cependant, il ne suffit pas d’accumuler des expériences pour renforcer
notre confiance en soi. Il faut aussi avoir un regard critique sur nos
expériences, en comprendre les mécanismes intrinsèques, faire une
évaluation de nos résultats, observer les liens de cause à effet. Cette
compréhension de l’expérience facilite en effet, ensuite, la prise de risque
calculée, les changements de comportement et développe de ce fait
l’innovation, la créativité.
En revanche, la confiance en soi n’est pas jamais définitive, inscrite
comme une vérité immuable. Même si le capital confiance s’acquiert durant
l’enfance et l’adolescence, il évolue ensuite en permanence à l’âge adulte
en fonction des expériences que chacun traverse. La confiance en soi
s’entretient par la pratique de prises de risque.
Comment l’éducation parentale influe sur le
développement de l’estime de soi
Tyrannique : autoritaire, très exigeante, impose ses choix et oblige
l’enfant à obéir et exécuter exactement ce qui lui est demandé sans prendre
en compte ses désirs. L’enfant devient inhibé et apeuré, bride sa créativité
et peine ensuite à prendre son autonomie.
Surprotectrice : l’enfant considéré comme fragile et vulnérable est
systématiquement protégé de tout ce qui pourrait lui être désagréable ou
potentiellement nuisible, sans lui donner les moyens de se défendre par lui-
même. L’enfant devient craintif, n’ose plus rien faire et appréhende toute
compétitivité, perçoit l’environnement comme menaçant et panique au
moindre obstacle.
Idolâtre : considère l’enfant comme merveilleux, exceptionnel, lui
pardonne tout et ne pose aucune limite. Soins souvent irréguliers ou
désorganisés et peu d’attentes véritables vis-à-vis de l’enfant. Celui-ci ne
connaît pas sa propre valeur, ne sait pas se défendre contre les agressions
extérieures et croit que tout lui est dû.
Dévalorisante : critique, dénigre, dévalorise ou se moque de son
enfant, si bien que ce dernier ne se sent jamais en sécurité et doute de ses
capacités à entreprendre quoi que ce soit.
Libérale : fixe les limites en les expliquant. Interactions chaleureuses.
Prend en considération le point de vue de l’enfant. Comportement
empathique. L’enfant a confiance en lui, en ses compétences. Il développe
des habiletés sociales de qualité et des relations affectives épanouissantes
et stables.
La connaissance de soi
Nous ne pouvons nous estimer justement sans nous connaître. La
connaissance de soi nous indique nos besoins fondamentaux, nous guide
dans nos choix afin d’agir selon nos valeurs, nous donne le sentiment
d’exister comme individu à part entière. Elle nous permet d’être nous-
même, de devenir une personne en harmonie avec elle-même et consciente
de son identité propre. Cette identité s’incarne dans nos émotions, nos
besoins, nos pensées, nos aspirations, nos valeurs, qu’il nous faut connaître
et respecter si l’on souhaite s’épanouir, se réaliser. La connaissance de soi
nous aide à agir conformément à ce qui revêt de la valeur à nos yeux. Et
chaque fois que nous agissons en fonction de nos valeurs et que nous en
assumons les conséquences, notre estime de soi s’en trouve rehaussée.
Analyser la réalité, comprendre l’univers dans lequel nous vivons, douter de
nos certitudes, savoir porter un regard critique sur nos actions sont autant
d’éléments indispensables à une meilleure connaissance de soi, laquelle
nous ouvre sur le monde car il nous faut le connaître et le comprendre pour
nous diriger et donner un sens à nos actions. Une meilleure connaissance de
soi conduit à une évaluation plus juste de soi-même et nous aide à faire les
bons choix, à mieux nous protéger, à porter un jugement plus adéquat sur
nous-même et notre environnement.
La connaissance de soi se bâtit progressivement en fonction de nos
expériences évidemment, mais elle s’appuie aussi sur l’éducation et sur
l’affection que nous avons reçues. Selon l’importance que nos parents
portaient à notre ressenti, la considération qu’ils nous témoignaient quand
nous nous exprimions, l’intérêt qu’ils accordaient à nos aspirations, selon
leur degré d’empathie vis-à-vis de nous, la représentation que nous aurons
de nous-même sera variable. Pour s’autoriser à vivre pleinement ses
émotions, pour répondre correctement à ses propres besoins, pour défendre
ses droits et vivre dans le respect de soi et des autres, il est préférable
d’avoir été traité de la sorte dans son enfance. Dans le cas inverse, adulte
nous risquons d’être plus attaché à nous soumettre à la volonté des autres, à
faire passer systématiquement les besoins d’autrui avant les nôtres, au
risque de nous perdre nous-même. La reconnaissance de nos propres
besoins consiste aussi en la réalisation de notre potentiel et en l’écoute de
cette force de vie intérieure que chacun d’entre nous a pu ressentir enfant ou
adolescent, et dont nos expériences de vie ont pu atténuer la vivacité, mais
qui ne demande qu’à s’exprimer dès que l’on ose être soi-même. C’est
pourquoi la connaissance de soi facilite la créativité, pousse à affirmer ses
droits, à se réaliser, à être responsable et respectueux de soi-même. À
devenir soi-même.
Une vie entière ne suffit pas à se connaître. Mais l’expérience de la
solitude reste une voie privilégiée pour développer la connaissance de soi.
Les convictions qui nuisent à une bonne estime de soi

CONNAISSANCE DE
AMOUR DE SOI CONFIANCE EN SOI
SOI
Je ne vaux pas Je ne serai jamais Je ne sais pas ce que
grand-chose capable je veux

Je ne suis pas J’ai trop peur pour Je ne sais pas ce qui


important essayer est bon pour moi

Je ne m’aime pas Je suis influençable Je ne sais pas qui je


suis
J’ai honte de moi Je ne suis pas à la
hauteur Ma vie n’a pas de
Je n’ai aucune sens
valeur J’ai peur de prendre
des risques Je passe à côté de
ma vie
Je ne me comprends
pas
Comment avoir une meilleure estime de soi ?
Soyez bienveillant avec vous-même
Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’amour inconditionnel
des parents donne à l’enfant, un sentiment de bien-être intérieur qui fait
terriblement défaut à ceux qui n’ont pas été aimés de la sorte, et qui
explique en grande partie le sentiment de solitude intérieure dont se
plaignent certaines personnes alors même qu’elles sont bien entourées
affectivement une fois adultes. Effectivement, ce manque d’amour au cours
de l’enfance laisse ensuite des séquelles qui se traduisent notamment par :
• Une soif d’amour, d’attention, qui épuise et perturbe les relations
actuelles en créant un lien de dépendance affective. Ces personnes attendent
que les nouvelles relations qu’elles construisent leur apportent l’amour
qu’elles n’ont pas reçu dans l’enfance et dont elles souffrent encore d’avoir
manqué. Elles veulent recevoir, mais ne donnent pas. Particulièrement
possessives et exclusives, leurs relations affectives fonctionnent sur le mode
du chantage affectif et elles construisent des liens fusionnels qui figent
rapidement la relation et l’empêchent d’évoluer librement.
• Une image négative de soi-même qui se manifeste sous la forme
d’autocritiques permanentes. Les personnes qui manquent d’amour de soi
sont particulièrement exigeantes, dures avec elles-mêmes. Elles ne se
pardonnent rien, s’autocritiquent très régulièrement et se complimentent
rarement. Elles ne sont jamais tout à fait contentes d’elles-mêmes,
demeurent quoi qu’elles fassent toujours insatisfaites d’elles-mêmes, un peu
comme si elles auraient pu faire encore mieux. La plupart reproduisent ainsi
les paroles et les jugements que leur entourage leur prodiguait quand elles
étaient enfants. Les reproches dont elles s’accusent adultes font écho à ceux
qu’elles recevaient enfants indépendamment de la réalité de la situation
actuelle.
• La peur d’être rejeté, de ne pas être considéré à sa juste valeur. Cette
crainte d’un jugement négatif oblige à rester conforme aux désirs de l’autre
pour ne pas le blesser, à répondre à ce qu’on imagine que l’autre attend pour
ne pas le décevoir, à faire passer ses propres besoins après ceux des autres
pour ne pas paraître égoïste. En outre, cette attitude renforce la volonté de
donner une image parfaite de soi pour être irréprochable, ce qui augmente le
niveau d’exigence vis-à-vis de soi-même. Mais, en agissant de la sorte, ces
personnes augmentent leur sentiment d’insécurité intérieure, car elles
confondent toujours être et faire. Elles vivent dans la crainte qu’une action
malheureuse ne détruise à jamais tous les efforts produits pour être
appréciées. Elles ont le sentiment d’exister dans le regard des autres
uniquement pour ce qu’elles font et non pour ce qu’elles sont. À l’extrême,
elles peuvent penser que l’autre fait attention à elles principalement en
réponse aux efforts qu’elles déploient, mais non par intérêt pour elles.
• Une méconnaissance de ses propres besoins, de ce qui est important
pour soi-même, de ses émotions profondes. N’ayant pas été aimé pour ce
qu’il était, mais pour ce qu’il faisait, l’enfant a appris à faire plaisir pour
être apprécié, à renoncer à ce qu’il voulait pour ne pas déranger, à se taire
pour ne pas inquiéter ses proches, autant de comportements nuisibles à son
bien-être intérieur, à la connaissance de soi, au développement personnel.
Adulte, il reproduit ce comportement qui nie son identité. Aussi, quand ces
personnes se retrouvent seules, elles sont particulièrement démunies et
angoissées car elles ne savent pas comment prendre soin d’elles-mêmes, ni
comment s’occuper. Elles doivent avant tout réapprendre à ressentir et
reconnaître leurs émotions, faire confiance en leurs sensations. Elles
doivent apprendre à vivre pour elles, être responsables de leur vie. Être
actrices et non plus uniquement spectatrices de leur vie.
Comment pouvez-vous progresser pour vivre pleinement votre vie
actuelle et ne plus être envahi et bloqué par vos troubles liés à un manque
d’amour de soi ?
La première chose à faire est de prendre soin de vous, d’être
bienveillant envers vous-même en comprenant et en acceptant que personne
ne pourra vous apporter ce qui vous manque, sauf vous-même. Votre
meilleur ami, c’est vous-même. C’est à vous de prendre votre vie en main et
de vous donner les moyens d’être heureux, de vivre en paix avec vous-
même. Pour vous aider, voici quelques pistes qui complètent celles déjà
évoquées dans les chapitres précédents.
Changer le regard que vous portez sur vous-
même
« Ma pauvre… tu n’es qu’un bon à rien… quelle idiote tu fais… que tu
es nul… tu es trop conne… pauvre crétin… tu ne seras jamais capable
de… » sont des phrases violentes que certaines personnes se répètent à
longueur de temps. Ces jugements sur soi-même ne sont d’aucune aide et
d’aucun réconfort. Par ailleurs, ils ont la particularité d’être d’ordre général,
de ne pas s’appliquer à un fait particulier. En posant un tel jugement sur
vous-même, à partir d’une situation donnée, vous assimilez ce que vous êtes
à ce que vous faites et vous vous jugez comme entièrement mauvais sans
tenir compte de tous les autres aspects positifs qui vous composent. Or ce
n’est pas parce que vous vous trompez en rendant la monnaie que vous êtes
nul en maths, ni parce que vous n’arrivez pas à vous garer sur une place de
parking que vous êtes un bon à rien.
Les reproches que vous vous adressez sont en fait pour la plupart des
critiques vagues ou injustifiées et des jugements de valeur. Ils surviennent
automatiquement sans être remis en cause et s’appuient sur votre histoire
personnelle plus que sur la situation actuelle. Avant de les accepter comme
vrais, il faudrait les « examiner » précisément. Vous apprendrez ainsi à
avoir un jugement plus juste et plus précis sur vous-même. Rappelez-vous
ce que vous avez appris dans le chapitre sur les techniques d’affirmation de
soi. Il vous suffit de l’appliquer à vous-même ! Effectivement, le
monologue intérieur qui vous anime repose sur des règles de
communication identiques si vous le concevez comme un dialogue avec
vous-même.
Notez les reproches que vous vous adressez ainsi que la ou les situations
qui provoquent ou justifient ce reproche. Identifiez les émotions que vous
ressentez alors et exprimez la critique de manière assertive en sachant qu’ici
elle vous est adressée à vous-même. Si la critique est justifiée, acceptez-la,
sinon refusez-la.
Vous pouvez aussi, lorsque vous vous surprenez à porter sur vous-même
un jugement sévère, prendre de la distance avec vos pensées automatiques
en demandant directement à vos proches s’ils partagent vos convictions, ce
qu’ils pensent de la situation.
Reprenez les situations de votre vie actuelle ou passée pour lesquelles
vous n’êtes pas fier de vous, gardez un ressentiment, portez sur vous-même
un jugement négatif. Observez ces situations comme si elles concernaient
un ami, un proche. Que penseriez-vous de lui ? Que diriez-vous à cet ami ?
Exprimez-le par écrit.
Plutôt que de vous juger sans cesse, observez-vous sans parti pris.
Arrêtez de vous en vouloir, de vous adresser sans cesse des reproches.
La culpabilité, les regrets attestent de vos difficultés, sans véritablement
vous aider à les dépasser, à résoudre vos problèmes. Acceptez votre
caractère, vos défauts, vos comportements, même négatifs, sans les juger.
Observez-vous de manière neutre, sinon compatissante et bienveillante.
Soyez tendre, généreux, compréhensif, tolérant, patient avec vous-même
comme vous auriez voulu jadis qu’on le soit avec l’enfant qui souffre en
vous. L’amour inconditionnel que vous n’avez peut-être jamais reçu, il n’y
a que vous aujourd’hui qui pouvez vous le donner. Parlez-vous comme le
ferait un parent affectueux, attentif et tolérant. Soyez ce parent aimant.
Parlez-vous doucement, gentiment, tendrement pour vous réconforter quand
vous doutez de vous.
Soyez moins exigeant envers vous-même
Tous les efforts que vous faites quotidiennement pour ne pas froisser
votre entourage, pour lui être sympathique, faites-les aussi pour vous-
même. Vous pardonnez probablement de nombreuses erreurs aux autres,
vous excusez leurs maladresses, vous comprenez leurs limites, vous les
acceptez avec leurs défauts. Comportez-vous de la sorte avec vous-même.
Ne soyez pas plus exigeant avec vous que vous ne l’êtes avec les autres. Ne
vous infligez pas à vous-même ce que vous n’infligeriez pas aux autres !
L’idée n’est pas de devenir un être parfait sous tout rapport, irréprochable,
pour être enfin aimé.
N’exigez pas de vous-même ce que vos parents exigeaient de vous.
Vous n’étiez peut-être pas l’être que vos parents espéraient, mais les attentes
qu’ils projetaient sur vous leur appartiennent à eux. Vous êtes un être
singulier, avec ses désirs propres, sa représentation du monde, son
caractère, son identité et tout cela diffère probablement de la représentation
que vos parents ont de votre bonheur, de votre vie. Autant, enfant, il fallait
bien vous adapter à leur niveau d’exigence pour être apprécié, leur obéir
pour être un enfant merveilleux, autant maintenant, vous pouvez vous en
libérer. S’affranchir de vos parents, c’est vous donner le droit d’être vous-
même, au risque de leur déplaire, de les décevoir. Pensez à vous, à votre
bonheur, votre bien-être et dites-vous que finalement ce qu’il y a de plus
merveilleux pour des parents aimants, c’est de voir leurs enfants vivre
épanouis, heureux. Alors aujourd’hui libérez-vous de cette entrave et vivez
la vie comme vous le sentez au fond de vous.
Écrivez la liste de vos pensées automatiques qui dirigent votre vie, les
injonctions et devoirs qui gouvernent votre existence. Souvent ces phrases
commencent par « il faut… tu dois… » ou bien contiennent les mots
« jamais… toujours… ».
Voyez en quoi ces croyances vous aident, vous sont utiles, sur quoi elles
s’appuient. Demandez-vous lesquelles vous servent encore au quotidien ?
Lesquelles ne correspondent plus à vos aspirations ou à votre représentation
du monde ? Quelles sont celles qui vous font souffrir, vous mettent en
difficulté ? Sont-elles justes ? Réalisables ?
Quelques croyances qui rendent la vie
insupportable
– Tu ne dois jamais te plaindre, montrer ses émotions c’est indécent, tu
dois toujours être fort.
– Tu dois te débrouiller seul, ne demande pas d’aide, tu ne peux
compter que sur toi.
– Tu dois toujours aider les autres, pense aux autres avant de penser à
toi.
– Le plaisir, c’est malsain, si tu te laisses aller, c’est l’anarchie.
– Il faut être parfait pour réussir, la moindre erreur est impardonnable,
fais les choses à cent pour cent ou bien ne fais rien.
Concentrez-vous sur vos capacités, développez
vos ressources
Notez six caractéristiques qui définissent le mieux votre personnalité en
vous servant éventuellement de la liste suivante : agréable, affectueux,
affirmé, agile, agressif, antipathique, anxieux, autoritaire, calme,
chaleureux, compréhensif, confiant, courageux, créatif, critique, curieux,
décontracté, déterminé, dévoué, direct, discipliné, disponible, discret, doux,
dynamique, égoïste, émotif, empathique, endurant, engagé, enjoué,
exigeant, faible, fiable, fort, fragile, franc, froid, futé, gai, généreux, habile,
indécis, indulgent, influençable, insouciant, impatient, impliqué, impulsif,
inquiet, introverti, intuitif, lent, loyal, maladroit, malhonnête, manuel,
méfiant, nerveux, nonchalant, optimiste, organisé, paisible, paresseux,
personnel, persévérant, peureux, respectueux, responsable, rigide,
rigoureux, sérieux, sévère, serviable, sociable, solitaire, souple, spontané,
sportif, sympathique, tenace, tendre, tolérant, versatile, violent,
volontaire…
S’agit-il de défauts ou de qualités, ou d’un mixte des deux ?
Même si chacun d’entre nous possède des qualités, nous avons souvent
tendance à nous définir à partir de nos défauts. Plutôt que de ressasser vos
difficultés, de vouloir corriger vos défauts, de n’être attentif qu’à vos
échecs, évoquez ce qui fonctionne, développez vos qualités, exposez vos
réussites. Ne bâtissez pas votre existence sur du négatif, sinon vous
l’appréhenderez toujours négativement. Ne vous construisez pas sur vos
manques.
Recherchez ce qui se cache derrière vos
défauts
Trouvez le positif dans ce qui vous apparaît comme négatif. N’oubliez
pas qu’un défaut n’est qu’une qualité poussée à son paroxysme de sorte
qu’elle n’est plus adaptée, adéquate à la situation. En prenant exemple sur
le tableau suivant, reprenez vos caractéristiques personnelles et cherchez
pour chaque défaut ce qu’il contient de positif.
DÉFAUT QUALITÉ
Gaspilleur Générosité
Influençable Tolérant
Paresseux Calme
Buté Déterminé
Insouciant Optimiste
Faible Indulgent
Apprenez à être fier de vous
N’attendez pas de faire un exploit pour vous complimenter. Vous
pouvez être fier de vous pour des choses simples. Souvent quand on
manque d’estime de soi, on trouve normal de réussir, mais on condamne ses
échecs. Apprenez à vous valoriser en attachant de la valeur à ce que vous
faites. Soyez fier de vos projets et dites-le à vos proches. Faites la liste de
choses dont vous êtes fier, que vous êtes content d’avoir accomplies.
Rappelez-vous ce que vous avez pensé de vous à cette époque, ce que vous
ressentiez en vous. Prenez du plaisir à évoquer ces souvenirs agréables.
Pensez à vous récompenser quand vous êtes
content de vous
Après un effort, une épreuve, quel que soit le résultat final, regardez-
vous avec gratitude. Offrez-vous un cadeau, faites-vous plaisir.
Récompensez-vous pour l’effort produit et non pour le résultat obtenu.
Avant de commencer quelque chose, demandez-vous comment vous
pourriez vous récompenser une fois l’action terminée. Un après-midi de
repos, une soirée au restaurant, un voyage, acheter un objet…
Tous ces petits exercices simples apportent beaucoup de réconfort car ils
cassent des croyances dévalorisantes toujours actives chez ceux qui
manquent d’estime de soi.
Soyez à votre écoute
Si vous voulez vous réaliser, vous devez avant toute chose être à
l’écoute de vous-même pour identifier vos besoins, comprendre vos
craintes, discerner vos désirs propres de ceux résultant d’une pression
extérieure.
Prenez le temps de réfléchir au sens de votre
vie actuelle et sur ce vers quoi vous souhaitez aller
De même que vous faites attention à votre alimentation, à pratiquer une
activité physique régulière, à dormir correctement, pour être détendu
physiquement, soyez attentif à vos sensations intérieures, à vos besoins
profonds, et vous éprouverez un bien-être psychique.
Nos besoins sont nombreux, mais peuvent être regroupés en catégories,
comme le propose Maslow dans sa fameuse pyramide où ils sont présentés
de manière hiérarchique depuis les besoins fondamentaux liés à la survie et
ceux plus évolués qui se rapportent à la satisfaction et l’épanouissement
personnels. Depuis, d’autres auteurs retiennent cette catégorisation, mais ne
prennent pas en compte l’aspect hiérarchique estimant que tous les besoins
sont importants même s’ils ne sont pas tous à satisfaire au même moment.
Les différents besoins humains
Besoins physiques : préserver une hygiène de vie, bénéficier de soins
corporels, vivre dans un environnement favorable, en sécurité affective et
matérielle, un environnement social pacifique ou protecteur, empathique,
respectueux. Pouvoir prendre vacances, repos, moments de détente,
développer des activités physiques.
Besoins émotionnels : avoir des relations affectives et sociales
satisfaisantes, partage et expression émotionnelle libre, sentiment d’avoir
de la valeur, d’être reconnu, soutien extérieur, sentiment d’être aimé, aimer,
entretenir des relations enrichissantes, développer des relations intimes,
être en sécurité émotionnelle, construire une famille,
Besoins existentiels : accomplissement et réalisation de soi, sens de la
vie, conscience d’être soi, être unique, activité spirituelle, expression
artistique, réalisation professionnelle.
Isolez-vous et prenez le temps de répondre aux questions suivantes afin
de mieux discerner quels sont vos besoins profonds.
Mieux discerner vos besoins profonds
– Qu’est-ce qui compte le plus pour vous ? Si vous deviez mourir d’ici
un an que changeriez-vous dans votre vie ? Qu’est-ce qui actuellement
vous procure le plus de bien-être ?
– Que pourriez-vous accomplir si vous aviez suffisamment confiance
en vous pour utiliser tout votre potentiel ? Si vous trouviez la force d’agir
dès à présent ?
– Quel genre de vie souhaiteriez-vous avoir ? Quelles aventures,
quelles expériences aimeriez-vous vivre ?
– Quelle leçon tirez-vous de vos erreurs passées ? Quel comportement
aimeriez-vous modifier ? Comment comptez-vous faire ?
– Quels sont les buts que vous vous êtes fixés dans la vie ?
Qu’aimeriez-vous créer ? Apprendre ? Vivre ?
– Quel rôle souhaiteriez-vous tenir dans la société ? Que souhaiteriez-
vous posséder ? Quel rêve aimeriez-vous réaliser ?
– Quels objectifs vous fixez-vous à moyen terme ? Sont-ils
réalisables ? Quels moyens pensez-vous utiliser pour les atteindre ?
– Quels sont les obstacles prévisibles ? Qui peut vous soutenir ? Sur
qui pouvez-vous compter ?
Rappelez-vous vos souvenirs agréables
Une manière simple pour vous réaliser revient à reproduire des activités
particulièrement agréables déjà vécues, à revivre des moments de votre vie
où vous avez eu le sentiment d’être épanoui, comblé, heureux de vivre.
Prenez une feuille et notez les moments de votre vie chargés d’émotions
positives, les souvenirs agréables où vous aviez le sentiment d’être libre,
insouciant, joyeux, en paix avec vous-même. Il peut s’agir d’événements
récents comme très anciens. Pensez aux choses que vous avez réalisées et
dont vous êtes fier. Précisez bien les situations, puis les émotions ressenties
avec les signes physiques associés. Comment vous sentiez-vous ? Que
ressentiez-vous au plus profond de vous ? Notez ensuite les pensées que
vous aviez à ce moment-là. Que pensiez-vous de vous ? Quelle image
aviez-vous de vous-même ? De la situation ? Du monde environnant ? En
quoi cette situation vous apportait tant de satisfaction, de joie ? Vous
trouverez ci-dessous une liste d’émotions agréables pour vous aider à
mettre des mots précis sur votre ressenti.

Observez ce qui se passe en vous pendant l’exercice. Notez comment


vous vous sentez intérieurement pendant que vous faites l’exercice.
Logiquement vous devriez ressentir à peu près les mêmes sensations que
dans votre souvenir, comme si vous pouviez, uniquement en vous
concentrant, revivre la scène de l’époque autant de fois que vous le
souhaitez ! Si vos sensations sont trop faibles, éveillez vos sens comme si
vous étiez en situation et essayez d’entendre, de sentir, de voir tout ce qui se
présentait alors à vous dans la situation.
Une fois cet exercice terminé, prenez votre temps pour examiner
comment vous pourriez vous organiser et pratiquer de nouveau une activité
parmi celles que vous avez choisies dans vos souvenirs. Si cela est
irréalisable ou trop complexe à mettre en place, essayez de trouver une
activité qui puisse vous donner les mêmes plaisirs, les mêmes sensations.
Choisissez des activités faciles à organiser qui ne demandent pas un effort
considérable afin de ne pas être démotivé avant même d’avoir commencé.
Souvenez-vous de vos rêves d’enfant
La vie serait bien triste si nous ne rêvions plus. Je ne parle pas ici du
rêve du dormeur, mais de celui qui, tout en restant éveillé, fait lâcher prise
et laisse libre cours à son imagination. Véritable espace psychique où tout
devient possible, cet état vous projette dans un univers riche de possibilités,
de libertés, apporte un avenir prometteur et ouvert. En même temps, trop de
rêves ne franchissent pas le cap de notre imaginaire et ne voient jamais le
jour alors qu’il aurait parfois été possible de les réaliser. Enfant, vous avez
certainement imaginé qu’une fois adulte vous pourriez faire plein de choses
qui vous tenaient à cœur, mais que vous ne pouviez pas réaliser à l’époque.
Faire le tour du monde en voilier, sauter en parachute, visiter l’Australie,
aller dans tel restaurant, faire du théâtre, de la plongée, avoir un animal
domestique, faire un safari, ou plus simplement vous acheter des bonbons et
des gâteaux, une belle paire de chaussures, dormir dans un hôtel fabuleux,
partir en camping-car, planter un arbre…
Pourquoi ne pas vous organiser pour mettre aujourd’hui une ou deux de
ces rêves ou activités en place ? Qui vous en empêche aujourd’hui ? Au
plus profond de notre être se trouve enfoui un projet qui nous est cher.
Pensez à la joie, au sentiment de fierté, que vous éprouverez quand ce projet
deviendra réalité.
Prenez soin de vous
Apprenez à prendre soin de vous en écoutant vos
besoins profonds
Trop souvent, nous consommons tout ce qui se présente à nous, pour
profiter de tout sans nous soucier de ce que cela nous apporte réellement.
Nous avons perdu l’habitude d’être attentif à nous-même, de réfléchir à nos
envies et motivations profondes. Savoir prendre soin de soi, c’est se
respecter, se protéger, être un ami pour soi-même. Faites les choix qui vous
tiennent à cœur et engagez-vous sans attendre systématiquement
l’autorisation des autres. Affirmez-vous, exprimez vos désirs, défendez vos
besoins, mettez-vous en valeur… Nous avons déjà évoqué précédemment
ce sujet.
Il n’est ni suffisant ni nécessaire de ne plus avoir
de soucis pour être heureux
Le bien-être, le bonheur de vivre sont directement corrélés à votre
capacité à éprouver de la joie, au respect de vos convictions intimes, à votre
enthousiasme à vivre, même si persistent des problèmes non résolus, des
contraintes désagréables. Plutôt que de passer votre temps à gérer des
situations problèmes, à anticiper des catastrophes, imaginer des scénarios
menaçants, regardez ce qui fonctionne autour de vous. Appuyez-vous sur
les éléments rassurants qui vous entourent et prenez du plaisir à vivre. Si la
peur de l’échec, la crainte d’être seul dictent votre conduite, vous vivrez
éternellement dans la peur qui organisera votre vie. En revanche, si vos
objectifs se fixent sur les moyens à mettre en place pour être heureux, les
moments de bonheur que vous avez vécus, votre vie sera plus agréable et
vous serez plus épanoui.
Ne négligez pas votre hygiène de vie
Prenez soin de votre corps, c’est lui qui vous porte. Votre hygiène de vie
conditionne votre santé physique et psychique. Respectez vos besoins
élémentaires et n’abusez pas de produits qui ne respectent pas votre
équilibre physiologique. Café, alcool, drogue influencent vos réactions
émotionnelles et perturbent ainsi le rapport que vous entretenez avec vous-
même. S’alimenter correctement, dormir suffisamment, soigner les
maladies en cours, s’entourer de personnes bienveillantes, pratiquer une
activité sportive régulière, s’habiller avec goût sont indispensables au bien-
être. Plus vous serez attentif à vous, à votre bien-être, et plus votre estime
augmentera.
Faites la liste des choses que vous souhaiteriez modifier afin
d’améliorer votre hygiène de vie. Prenez une feuille et répondez par écrit
aux questions suivantes : Quel est le comportement que vous souhaitez
modifier ? Qu’est-ce qui vous oblige à adopter ce comportement ? Quelles
en sont les conséquences pour votre santé actuelle ? Pour votre santé à
venir ? Qu’est-ce que cela vous apporte ? Si vous modifiez ce
comportement que redoutez-vous ? Qu’en attendez-vous précisément ?
Comment comptez-vous vous y prendre ? Avez-vous déjà essayé ? Que
s’est-il passé ? Qu’est-ce qui aurait pu vous aider à persévérer ? Qui peut
vous y aider ? Quand souhaitez-vous commencer ?
Une fois cette étape franchie, fixez-vous un planning et lancez-vous.
Concentrez-vous sur une seule chose à modifier et, chaque semaine, faites
le point. Si vous butez, persistez dans votre ancien comportement, notez ce
que vous ressentez ainsi que vos pensées au moment où vous décidez de ne
pas suivre votre engagement. Ensuite répondez de nouveau aux questions
précédentes. Puis recommencez l’exercice. Il est naturel et logique de ne
pas pouvoir changer une habitude simplement, juste parce qu’on le veut,
sans effort particulier. N’oubliez pas que tout changement est facteur de
stress, il est donc normal que vous ne soyez pas détendu quand vous
décidez de changer, même si le nouveau comportement est raisonnablement
plus adapté. Il faut persister et ne pas se décourager devant la difficulté.
N’oubliez pas de prendre du temps pour penser à
vous
Penser, réfléchir sur soi, se découvrir, vivre ses émotions, écouter ses
désirs, s’arrêter sur ses rêves… Toutes ces choses apportent une sérénité, un
sentiment de paix en favorisant les moments d’harmonie avec vous-même,
en développant la connaissance de soi.
Prendre confiance en vous
Le manque de confiance en soi est lourd à vivre au quotidien. Vous ne
réalisez pas ce dont vous avez envie, vous n’utilisez pas votre potentiel
créatif, vous vous sentez frustré et mécontent de vous. Votre vie vous
échappe, vous avancez de déceptions en échecs et vous culpabilisez d’être
ainsi. Tous ces phénomènes s’accumulant, votre estime de soi diminue
d’autant plus. Le tableau ainsi dressé est inquiétant sinon pessimiste, mais
tout cela procède d’un mécanisme : c’est la peur de l’échec qui vous
paralyse et vous oblige à réagir ainsi. Quand vos actions ne seront plus
dictées par vos peurs mais par vos souhaits, un nouvel horizon s’ouvrira
devant vous. Et la confiance en vous vous portera.
La peur de l’échec…
– oriente votre imagination (anticipation anxieuse),
– limite votre champ d’action (engagement uniquement si aucun
risque),
– inhibe votre enthousiasme (bride votre potentiel créatif),
– induit un évitement des situations à risque,
– provoque des sentiments d’impuissance, de culpabilité et
d’insécurité,
– renforce votre mauvaise estime de vous (doutes sur vos capacités et
votre valeur).
Pourquoi cette peur de l’échec ?
Cette peur de l’échec s’appuie le plus souvent sur deux mécanismes :

1. La crainte d’être moins aimé ou de décevoir autrui en cas d’échec.


Cette crainte provient d’un amour conditionnel de la part des parents
qui valorisent les réussites et critiquent ou dévalorisent leur enfant face
à un échec. L’enfant croit ensuite que l’amour de ses parents fluctue en
fonction de ce qu’il fait et n’est donc pas lié à lui, à ce qu’il est. C’est
pourquoi il est important d’encourager l’effort et non la réussite.
2. La conviction que les conséquences de l’échec seront graves et
définitives pour soi-même ou les autres. Ces croyances surviennent
souvent chez un adulte quand l’enfant a dû prendre un rôle de parent,
d’adulte ou s’il a vécu dans un climat insécurisant. Il a ainsi été
confronté à des situations où il devait assumer des responsabilités qui
ne dépendaient pas de lui et dont les conséquences pouvaient être
graves sans avoir pour autant les moyens d’agir et de contrôler la
situation. C’est pourquoi il est important que les parents assument
leurs responsabilités et reconnaissent leurs limites afin que les enfants
ne portent pas les défaillances parentales ni se substituent à leurs
parents démissionnaires.
Comment développer la confiance en soi ?
La confiance en soi s’acquiert en agissant, par l’expérience. La peur de
ne pas réussir vous contraint à éviter les situations à risque d’échec, qui ne
sont pas sûres à cent pour cent. Mais c’est justement l’évitement qui
maintient le processus pathologique. En évitant, vous ne vérifiez jamais vos
capacités réelles, ni les conséquences objectives d’un échec éventuel. C’est
pourquoi, l’action est indispensable à l’acquisition de la confiance en soi,
mais elle doit être couplée à une prise de risque pour renforcer le sentiment
d’efficacité personnelle. Celui qui a confiance en lui n’est pas celui qui est
rassuré par ses succès, mais celui qui n’est pas remis en cause par ses
échecs. Le sentiment d’efficacité personnelle s’acquiert en prenant des
risques, en affrontant des situations menaçantes qui demandent des efforts
pour être dépassées. C’est à travers la difficulté, l’effort, et parfois la
souffrance que nous découvrons quelles sont nos ressources intérieures, nos
capacités, notre endurance. En exerçant des actions qui demandent peu
d’engagement, peu d’investissement, en choisissant d’effectuer des actions
dont nous sommes certains d’atteindre l’objectif, nous n’apprenons pas à
développer notre confiance en soi.
C’est pourquoi un individu peut « réussir » et ne pas avoir confiance en
lui.
La confiance se développe avec le temps et
l’expérience
Nous avons tous acquis dans certains domaines une confiance en nous
au cours de notre vie. Nous avons ainsi confiance dans notre capacité de
marcher ou de courir sans tomber, de nouer nos lacets, de boire sans nous
étouffer, de faire une addition simple, de lire ce texte… Pourtant, enfant
nous n’avions aucunement confiance en nos capacités dans ces
domaines… Poussés par l’enthousiasme, le désir d’apprendre, nous avons
maîtrisé progressivement ces habiletés, et transformé des zones
d’insécurité en zones de confiance. Et cela se passe de la même façon dans
tous les domaines et tout au long de notre vie.
Chaque jour enseigne quelques vérités à qui sait écouter et observer.
Mais, pour apprendre, encore faut-il accepter de ne pas savoir et ne pas se
sentir remis en cause par cette évidence. Pourtant, beaucoup de personnes
perfectionnistes et exigeantes manquent de confiance en elles et voudraient
savoir faire avant d’avoir appris. Aussi, elles ne se donnent pas le temps
d’apprendre, car elles vivent le temps de l’apprentissage comme une perte
de temps. N’oubliez pas que la confiance en soi se construit
progressivement à travers vos expériences. Soyez patient.
Lancez-vous progressivement
Oser être soi, cela s’apprend. Commencez par faire des choses qui :
• Vous tiennent à cœur. C’est plus motivant quand, à la satisfaction
d’avoir essayé, se double celle du plaisir lié à l’objectif.
• Ne demandent pas trop d’efforts pour ne pas vous décourager ni vous
épuiser d’emblée.
• Dont les conséquences en cas d’échec ne sont pas graves afin de
baisser votre niveau d’anxiété.
• Pour lesquelles vous pouvez demander conseil ou une aide en cas de
besoin afin de vous sentir épaulé, et d’avoir une sorte de guide à suivre
éventuellement.
Afin de vous faciliter la tâche, pour mieux définir ce par quoi vous allez
commencer, voici un protocole en six étapes utilisé pour la « résolution de
problèmes ».

1. Faites la listes des choses que vous souhaiteriez entreprendre, de


toutes vos décisions à prendre, qu’elles soient importantes, prioritaires
ou décisives. Peu importe le domaine considéré, notez-les toutes en
vrac, comme elles vous viennent à l’esprit. Vous pouvez vous aider de
la liste établie au chapitre « Apprenez à vous organiser ».
2. Pour chacune de vos décisions, évaluez entre 0 et 10 le degré de
difficulté que vous avez à effectuer cette tâche. Ensuite évaluez par
une autre note entre 0 et 10 la gravité des conséquences si vous
échouez. Faites la somme des deux notes et classez vos décisions par
ordre croissant, en commençant par celle dont le total est le plus faible.
Prenez la décision dont le total est le plus faible et cherchez toutes
les solutions envisageables, même si elles ne sont pas raisonnables a
priori.
3. Pour chacune des solutions trouvées, examinez les avantages et les
inconvénients. Et choisissez celle dont le compromis vous semble le
plus adapté.
4. Lancez-vous. Mettez à exécution votre décision avec les moyens
que vous venez de trouver.
5. Évaluez le résultat obtenu.

Montrez-vous tel que vous êtes


Augmentez votre capacité à prendre des risques en vous autorisant à
vous tromper. Montrez-vous sous un angle « défavorable », ne cherchez pas
à séduire systématiquement. Osez être vous-même dans la relation à l’autre.
Acceptez d’être ignorant, de ne pas savoir, de ne pas comprendre, de
déranger, d’être maladroit.
Au cours d’une soirée, faites répéter comme si vous n’aviez pas compris
ce que votre interlocuteur disait. Dans une conversation, posez une question
qui montre clairement que vous ne connaissez pas le sujet. Chez un
commerçant, changez d’article au dernier moment comme si vous ne saviez
pas trop ce que voulez. Si vous ne souhaitez pas parler, gardez le silence…
L’objectif de ces exercices n’est pas d’être désagréable, antipathique
avec votre entourage, mais de prendre le risque de déplaire, de l’accepter et
de vérifier que rien n’est définitif et que les autres sont tolérants et
compréhensifs le plus souvent.
Ne vous plaignez plus : agissez
Listez les situations désagréables, dont vous vous plaignez et donnez-
vous comme objectif de les modifier. Exprimez des critiques précises, faites
des demandes claires, donnez-vous les moyens d’atteindre vos objectifs en
vous référant aux conseils proposés dans le chapitre « Affirmation de soi ».
Transformez vos plaintes en objectifs.
Vivre en paix avec vous-même
De nombreuses personnes qui souffrent de solitude intérieure vivent
sans plaisir, ni espoir, comme coupées d’elles-mêmes, véritables
spectatrices de leur vie. Elles ne ressentent plus d’émotions, sauf à être
déconnectées d’elles-mêmes, et avancent dans un brouillard sans projet,
sans désir propre. Elles répriment leurs émotions par crainte de ne pouvoir
les gérer, s’attachent à faire plaisir à leur entourage dans le secret espoir
d’être aimées, attendent l’avis d’autrui avant de prendre une décision car
elles ne savent pas décider par elles-mêmes… Elles ne vivent pas pour
elles-mêmes. Leur existence ne leur appartient plus. Le sens de leur vie leur
échappe. Souvent ces personnes ont traversé une enfance difficile avec un
entourage peu aimant, autoritaire, violent, le climat familial était austère et
insécure. Parfois, elles ont dû vivre des épreuves trop angoissantes, voire
traumatisantes comme la maladie d’un proche, la mort d’un des parents, et
sont devenues adultes avant d’être capables psychiquement d’assumer ces
nouvelles responsabilités. Elles ont alors appris à réprimer leurs émotions
pour ne pas déranger, à se taire pour ne pas inquiéter, à négliger leurs désirs
pour faire plaisir. Pour gérer un quotidien trop lourd, elles n’ont pas vécu
d’enfance véritable. Ensuite, dans leur vie adulte, elles reproduisent les
mêmes comportements et s’oublient de nouveau, passant à côté de leur vie.
Elles reprochent alors souvent à leur entourage de ne pas leur apporter ce
dont elles manquent et qu’elles n’ont jamais ou pas suffisamment connu, à
savoir de l’attention, de l’amour, de l’empathie, du respect. Pourtant l’autre
ne peut réparer les souffrances de notre enfance. Il n’est pas là pour combler
nos manques, ni pour effacer de notre histoire les moments les plus
douloureux. Non, c’est à chacun d’entre nous qu’il appartient de les gérer.
Chacun est responsable de sa vie.
Dans le même temps, vous ne pourrez pas reconstruire, ni modifier,
votre passé. En faisant référence constamment aux moments douloureux de
votre vie, en focalisant votre attention sur les passages désagréables de
votre enfance, en évoquant sans relâche vos échecs, en agissant ainsi, vous
vous privez de l’opportunité de profiter de votre quotidien, de développer
de nouvelles ressources, d’être vous-même, libéré du poids de votre passé.
Il vous faut accepter ce passé, reconnaître ces souffrances enfouies et
parfois secrètement gardées, affronter ces périodes sombres de votre vie
avec la charge émotionnelle qui l’accompagnait alors. Chacun est construit
sur sa propre histoire. L’accepter, c’est pouvoir ensuite la dépasser pour que
la vie continue et ne s’organise pas éternellement autour des traumatismes
vécus. L’aide d’un thérapeute est souvent utile sinon nécessaire pour vous
libérer de l’emprise de votre passé.
Soyez fidèle à vous-même
Ne pas être fidèle à soi-même, c’est se renier. Quand vous dissimulez
ce que vous êtes, quand vous laissez croire que vous êtes différent, quand
vous ne reconnaissez pas vos émotions, ne les écoutez pas, vous ne vous
assumez pas, vous vous mentez à vous-même, vous négligez ce qui est vrai
et bon pour vous. Vous vous trahissez, et vous avez le sentiment de ne plus
avoir de valeur.
Donnez-vous la possibilité de vivre une nouvelle vie, de dépasser vos
difficultés en laissant derrière vous le passé que vous ne pourrez jamais
changer. Organisez-vous pour ne pas revivre les mêmes frustrations,
défendez vos droits, concentrez-vous sur votre potentiel, mettez toute votre
attention à la création de la vie que vous souhaitez vivre. Soyez fidèle à vos
valeurs, écoutez-vous.
Le travail sur vos émotions, la pratique de l’affirmation de soi,
l’acceptation de soi comme la révélation de soi, techniques que nous avons
déjà abordées, participent largement au bien-être intérieur. Voici quelques
pistes supplémentaires pour vous aider à apprécier chaque jour comme une
promesse de bonheur.
Reconnaissez vos souffrances actuelles
Prenez un stylo, une feuille ou votre journal de bord et demandez-vous :
Qu’est-ce qui me fait souffrir en ce moment ? Qu’est-ce que cela évoque
pour moi ? Quelle est la nature des émotions que je ressens alors ? Quelles
sont mes grandes frustrations ? Quelles sont les situations dans lesquelles je
n’arrive pas à lâcher prise ? Qu’est-ce qui m’irrite le plus dans ma vie ?
Pourquoi ? Quand ai-je déjà vécu ce type de sensation ? Qu’est-ce que cela
réveille en moi comme souvenir ?
Cet exercice vous permet de mieux saisir comment un événement du
passé influence votre vie quotidienne, comment et pourquoi se répètent des
scénarios de vie qui vous bloquent et vous empêchent de profiter
pleinement de votre vie actuelle. Effectivement, certaines convictions qui
s’imposent à nous comme des évidences, des vérités ne sont que la
traduction de croyances fondées sur des expériences malheureuses de notre
enfance à partir desquelles nous avons tiré des conclusions définitives.
Nous abordons ainsi notre vie quotidienne avec des préjugés souvent
inconscients qui limitent et orientent notre appréhension du monde, mais
aussi l’image que nous avons de nous-même. Il est essentiel de dépasser la
colère et l’amertume pour pouvoir lâcher son passé et se sentir libre d’être
soi.
Écrivez votre biographie
Notez tous les événements déterminants de votre vie depuis votre
naissance jusqu’à ce jour. Les événements déterminants correspondent aux
décès de personnes chères, aux séparations (ruptures affectives, divorce,
déménagement…), ainsi qu’aux moments de violences, de frustrations
importantes, aux maladies et hospitalisations… Votre vie est aussi
déterminée par des événements positifs forts comme une naissance, un
mariage, une réussite professionnelle, un exploit sportif… Prenez note de
toutes les situations chargées au niveau émotionnel et pour chacune d’elles,
complétez par la ou les émotions ressenties à l’époque en précisant au
mieux leur nature exacte, les pensées que vous aviez à l’époque sur vous-
même, la situation et les autres. Puis, pour percevoir l’impact actuel de cet
événement, notez les émotions qui vous viennent à l’évocation de ce
souvenir, les pensées, les impressions actuelles et la façon dont cet
événement influence encore votre existence.
Vous trouverez dans le tableau ci-dessous un exemple.
Une fois le tableau fini, ou au fur et à mesure que vous le remplissez,
arrêtez-vous sur chaque situation et prenez le temps de bien ressentir ce que
vous avez vécu à l’époque. Prenez ce temps pour vous, au calme, téléphone
coupé, dans un lieu où vous vous sentez en sécurité. Écoutez l’enfant qui a
souffert en vous et n’a jamais pu s’exprimer, considérez-le et reconnaissez
ses émotions. Parlez-lui, sachez le consoler et l’apaiser comme il aurait
souhaité l’être à l’époque. Cet exercice vous aidera à renouer avec votre
passé. Si vous voulez vivre en harmonie avec vous-même, vous ne pouvez
pas vous couper de votre passé, même s’il est très douloureux. En revanche,
sachez qu’il est souvent nécessaire d’entamer ce type de travail sur vous-
même accompagné d’un thérapeute qui vous guidera et vous soutiendra
dans votre démarche. Bien sûr, n’hésitez pas à vous reporter au chapitre
précédent sur la gestion des émotions pour vous aider à mieux comprendre
ce que vous ressentez.
Si votre passé est chargé d’événements douloureux, vous pouvez
commencer par évoquer vos souvenirs positifs, et partir ainsi de situations
agréables dans lesquelles vous aviez les ressources et les qualités qui vous
manquent peut-être pour affronter des situations présentes. Réaliser que
vous êtes aussi porteur de compétences, de souvenirs positifs vous aidera à
affronter les moments plus difficiles de votre passé.
Écrivez votre journal intime
Je crois au pouvoir apaisant de l’écriture comme de toute activité
créatrice d’ailleurs. Mais l’écriture apporte quelque chose de plus
spécifique : elle permet de mettre en mots, de formuler « intelligemment »
un vécu intérieur parfois confus et peu compréhensible.
Écrire son journal intime développe les capacités d’introspection, oblige
à s’interroger sur sa vie, mais d’une manière plus précise et plus efficace
qu’une simple réflexion sur soi-même, ou le fait de penser à soi. En effet,
lorsque nous pensons, nous sommes transportés par nos pensées, mais très
souvent nous manipulons des concepts, des images se confondent aux
phrases, nos réflexions restent vagues, floues et ce sont plus nos émotions
qui nous dirigent que la réflexion. En revanche, poser ses pensées par écrit
oblige à ne pas rester incohérent ou incompréhensible. En précisant vos
pensées, en nommant vos émotions, celles-ci sont plus circonscrites, claires
et leur pouvoir, leur champ d’action en est limité. Nommer un ressenti, c’est
le reconnaître, l’identifier et vérifier qu’il correspond bien à ce que l’on a
effectivement vécu. Écrire permet de mieux saisir l’impact des mots et, par
la suite, facilite l’usage de termes choisis, adéquats. La connaissance de soi
en est améliorée.
Conclusion
« Dans le silence et la solitude on entend plus que l’essentiel. »
Camille BELGUISE,
Échos du silence
La solitude est un remède pour l’homme. Elle lui offre la possibilité de
choisir sa vie. Miroir, elle lui présente les reflets les plus secrets de son
histoire, les plus intimes de son être, à son grand désespoir parfois. Car
l’image qu’il perçoit n’est pas toujours celle attendue. Mais celui qui reste
fidèle à lui-même, s’accepte comme il est, accède à un bien-être authentique
et solide. La solitude est donc une promesse pour soi.
C’est la possibilité pour chacun d’avoir une autre écoute de soi, de
procéder à un examen de conscience, une remise en question fondamentale.
En apprenant à s’aimer, à se considérer, en dépassant ses craintes, en se
libérant d’un passé trop lourd à porter, on apprend à éprouver du plaisir à se
retrouver seul. On observe alors que la solitude n’est ni une prison ni une
clôture qui isole, mais un moyen, en étant soi-même, d’aller à la rencontre
de l’autre avec humilité et de l’accueillir avec bienveillance.
Annexes
Plan d’action
contre la solitude
Voici un « plan d’action » qui reprend de façon concentrée ce qui est
développé dans cet ouvrage pour vous aider à mieux gérer la solitude.
Identifiez votre problème
Dans quelles situations avez-vous un sentiment de solitude ? Que faites-
vous alors ? Que vous dites-vous ? Pourquoi, selon vous, souffrez-vous de
solitude ? Parce que : Vous manquez d’amis ? De relations intimes ? Un être
cher vient de vous quitter ? Vous vous ennuyez quand vous êtes seul ? Vous
éprouvez un sentiment de vide, d’inutilité ? Vous trouvez que votre vie n’a
pas de sens ? Vous devez apprendre à développer votre tissu relationnel.
Manquez-vous de confiance en vous ? Êtes-vous timide ? Avez-vous
une image négative de vous-même, êtes-vous triste ? Souffrez-vous
d’agoraphobie ? Vous devez apprendre à avoir confiance en vous, ne plus
diriger votre vie en fonction de vos craintes, mais l’organiser autour de vos
besoins profonds.
Mettez en place des stratégies efficaces et
adaptées à vos troubles
Fixez-vous des objectifs précis et donnez-vous les moyens de les
atteindre. Ne faites pas plusieurs choses à la fois, avancez pas à pas
Développez votre réseau relationnel
Contactez d’anciens amis, invitez vos voisins et collègues de travail,
bavardez à la pause-café, fréquentez votre famille, allez sur Internet faire
des rencontres, ou chatter…
Entretenez vos relations sociales rendez les invitations, remerciez après
une soirée, pensez à fêter un anniversaire…
Pensez à joindre les bonnes personnes selon vos besoins. Le soutien
social se compose de trois catégories : professionnel, affectif, et social.
• Professionnel : quand vous recherchez un avis technique, des
renseignements précis (médecin, banquier, plombier…).
• Affectif : si vous attendez un réconfort, une écoute, pouvoir vous
confier, être consolé, partager votre vécu émotionnel.
• Social : pour vous distraire, vous amuser, vous changer les idées,
oublier vos problèmes…
Ne restez pas inactif
• Réalisez une activité qui vous tient à cœur. Recherchez des hobbies,
des activités de loisirs qui vous intéressent, vous apportent du plaisir.
Concrétisez vos rêves (jouer du saxo, faire de la photo, du théâtre,
voyager…).
• Occupez-vous. Commencez une activité pour 10 minutes et voyez
ensuite si vous souhaitez la poursuivre.
• Lisez des romans, des polars des BD selon vos goûts.
• Écrivez votre journal intime, des nouvelles, votre biographie, ce que
vous avez à faire.
• Écoutez de la musique ou la radio quand vous êtes seul chez vous,
c’est une présence.
• Allez sur Internet pour chatter, explorer, vous renseigner.
Débarrassez-vous des tâches ingrates
Profitez de n’avoir rien de prévu, de vous ennuyer, pour faire ce que
vous n’avez jamais le temps de faire ou reportez éternellement : ranger,
cirer vos chaussures, trier votre courrier…
Faites le point sur vous
Prenez un temps pour être avec vous-même. Réfléchissez à vous, votre
vie, votre parcours. Que souhaiteriez-vous faire à l’avenir ? Quel projet
vous stimule ? Comment imaginez-vous les années à venir ? Écrivez les
idées qui vous viennent.
Prenez soin de vous
• Améliorez votre environnement. Aménagez, décorez, rangez votre
intérieur pour le rendre agréable et chaleureux, avoir du plaisir à vous
retrouver chez vous, dans un environnement qui favorise le bien-être et le
sentiment de sécurité (feu de cheminée, fleurs, musique d’ambiance,
lumière adaptée, tableau, photos de famille…).
• Respectez-vous. Pour être bien dans sa tête, il faut aussi être bien dans
son corps. Développez une hygiène de vie saine. Cuisinez et mangez
correctement… Couchez-vous régulièrement à heure fixe et tôt, sans vous
décaler dans la nuit. Dans un lit douillet et confortable. Sortez chaque jour
et marchez 20 minutes, soignez-vous.
• Faites-vous plaisir. Offrez-vous des cadeaux, allez au cinéma, allez
voir des spectacles, profitez de la nature, du grand air, d’une marche en
bord de plage, à la campagne…
• Développez votre connaissance de soi. Pratiquez l’introspection, la
méditation, la relaxation. Faites des stages de développement personnel.
Entamez une psychothérapie.
Gérez les situations de crise
Prévoyez un plan d’urgence pour les situations de crise où vous êtes en
proie à une grande détresse.

• Comment les anticiper ? Planifiez vos semaines pour ne pas avoir de


longues périodes durant lesquelles vous seriez seul et oisif.
• Quoi faire ? Prévoyez une activité facile à mettre en place, qui
demande peu d’efforts pour être initialisée et vous est agréable, vous
apporte un soulagement, un bien-être. Pensez à ces activités avant d’être en
situation de détresse afin de n’avoir plus qu’à les appliquer au moment
opportun. De manière réflexe, sans réfléchir. À titre d’exemple, voici
quelques activités : exercice de gymnastique, prendre un bain, une douche,
écouter un CD ou visionner un DVD (précisez lesquels), lire un livre, une
revue (là aussi bien noter laquelle), faire un puzzle, ranger des dossiers…
Pendant que vous pratiquez cet exercice, concentrez-vous sur l’activité
choisie.
• À qui vous adresser ? Notez les coordonnées de quatre amis (deux
hommes, deux femmes) qui connaissent vos difficultés et sont prêts à
répondre 24 heures sur 24 si besoin pour vous apporter un soutien affectif,
un réconfort, une écoute. Si besoin ayez les coordonnées d’une unité de
soins qui peut vous recevoir en cas d’urgence (centre de crise, urgence
psychiatrique, SOS psychiatrie…)
• Consultez pour traiter vos troubles psychiques : timidité, agoraphobie,
manque de confiance en soi, dépression… Certains troubles nécessitent une
aide extérieure et parfois l’appui d’un traitement médicamenteux. N’hésitez
pas à consulter un spécialiste pour obtenir un avis plus précis sur la nature
de vos difficultés et connaître les moyens de les dépasser.
Petit programme de lutte contre l’anxiété sociale
Avant tout
1. Parler de votre timidité à six personnes proches (F/H milieu
professionnel, amical, familial).
2. Lister les situations où vous êtes en difficulté (situation, émotion,
pensées automatiques).
3. Lister vos croyances sur vous-même, les autres et ce que vous
imaginez que les autres pensent de vous.
4. Vous fixer trois objectifs précis et réalisables dans le cadre de la
thérapie.

Exercices pratiques
Avant chaque exercice, notez votre degré d’anxiété et vos pensées
automatiques. L’anxiété pour effectuer un exercice doit être inférieure à
6/10. Notez l’anxiété après l’exercice, ainsi que vos pensées. Comparez.

1. Parler avec le voisinage, les commerçants en regardant dans les


yeux.
2. Demander des renseignements dans la rue (homme/femme ;
jeune/adulte). Bien écouter la réponse. Demander une précision si
l’explication est floue.
3. Demander dans une librairie des livres sur la timidité, la
sexualité…
4. Demander des renseignements sur un article dans un magasin ou
entrer dans une boutique pour essayer plusieurs articles et sortir sans
achat en remerciant le vendeur pour sa disponibilité.
5. Regarder les gens dans les yeux 2 à 4 secondes (métro, transport en
commun).
6. Téléphoner dans un hôtel pour des renseignements (tarifs,
restauration, petit déjeuner, équipement chambre) ou musées, SNCF,
location de voitures… ou se tromper de numéro de téléphone et
demander le numéro composé puis s’excuser.
7. Se rendre dans un restaurant et demander des renseignements
(carte, réservation, repas midi et soir…) en dehors, puis pendant les
heures de repas.
8. Téléphoner en public (réellement ou mimer une conversation plus
ou moins intime).
9. Changer un article dans un magasin alors que vous venez juste de
l’acheter car vous avez changé d’avis.
10. Trembler, bredouiller, se tromper, en écrivant ou en parlant avec
quelqu’un.
11. Raconter une blague dans une soirée ou lire un texte (poème).
12. Aborder un inconnu dans une soirée pour faire connaissance et lui
demander ses coordonnées.
13. Faire un compliment et une critique par jour (justifiés).
14. Exprimer ses émotions sur un sujet personnel (politique, cinéma,
quelqu’un…).
15. Modifier une commande au restaurant ou changer un plat une fois
servi.
16. Parler avec un inconnu dans un restaurant, une terrasse, le métro.
17. Demander s’il est possible de venir (ou de repartir) avec son vin
dans un restaurant.
18. Demander de l’argent à un collègue de travail, sa voiture pour le
week-end, un autre service, demander à des voisins du pain, du
sucre…
19. Demander de passer devant les autres à la caisse, sans vous presser
ensuite.
20. Demander une remise sur un article dans un magasin.
21. Chanter dans la rue ou les transports en commun, s’arrêter et
regarder les gens dans les yeux.
Pour en savoir plus
Un passage obligé vers la connaissance de soi
Comte-Sponville A., L’Amour la solitude, Paris, Albin Michel, 2000.
Delisle I., Vivre sa solitude, Boucherville, Éditions de Mortagne, 1998.
Dolto F., Solitude, Paris, Gallimard, « Folio essais », 2001.
Dowrick S., Intimité et solitude, Mouriès, Le Fil invisible, 2004.
Fabre N., La Solitude. Ses peines et ses richesses, Paris, Albin Michel,
2004.
Filliozat I., Que se passe-t-il en moi ?, Paris, J.-C. Lattès, 2001.
Finn E., Donner un sens à sa vie, Outremont, Quebecor, 2004.
Grimaldi N., Traités des solitudes, Paris, PUF, 2003.
Hannoun, M., Nos solitudes, Paris, Seuil, 1991.
Jankelevitch V., Wajsbrot C., Solitude, solitudes, Paris, Autrement,
2000.
Kaufmann J.-C., L’Invention de soi, Paris, Armand Colin, 2004.
Kelen J., L’Esprit de solitude, Paris, Albin Michel, 2006.
Lemoine P., S’ennuyer, quel bonheur, Paris, Armand Colin, 2007.
Noël M.-J., Être l’auteur de sa vie, Aubagne, Éditions Quintessence,
2006.
Pichon B., Solitudes apprivoisées, Paris, Anne Carrière, 1994.
Rilke R. M., Lettres à un jeune poète, Paris, Grasset, 1996.
Schurmans M. N., Les Solitudes, Paris, PUF, 2003.
Solemme M. de, La Grâce de solitude, Paris, Dervy, 2001.
Storr A., Solitude. Les vertus du retour à soi-même, Paris, Robert
Laffont, 1991.
Thich Nhat Hanh, La Plénitude de l’instant, Paris, Nouvelles Éditions
Marabout, 2006.
Valtier A., La Solitude à deux, Paris, Odile Jacob, 2003.
Viorst J., Les Renoncements nécessaires, Paris, Pocket, 1988.
Psychologie de la solitude
Ainsworth M. D. S., Blehar M. C., Waters E., Walls S., Patterns of
Attachment. Apsychological study of the strange situation, Hillsdale,
Lawrence Erlbaum Associates, 1978.
André C., Psychologie de la peur, Paris, Odile Jacob, 2004.
André C., Légeron P., La Peur des autres. Trac, timidité et phobie
sociale, Paris, Odile Jacob, 2000 (3e édition).
Andre C., Légeron P., Lelord F., La Gestion du stress, Paris, Éditions
Bernet-Danilo, 1995.
Bandura A., Autoefficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle,
Bruxelles, De Boeck, 2003.
Booth R., « Toward an understanding of loneliness », Social Work,
1983, 28, p. 116-119.
Booth R., « Loneliness and abstraction level of college students »,
Journal of College Student Development, 1985, 26, p. 204-209.
Booth R., Bartlett D. et Bohnsack J., « An examination of the
relationship between happiness, loneliness, and shyness in college
students », Journal of College Student Development, 1992, 33, p. 157-162.
Bowlby J., Attachement et perte, vol. 1 : L’Attachement, Paris, PUF,
2002.
Bowlby J., Attachement et perte, vol. 2 : La Séparation. Angoisse et
colère, Paris, PUF, 2002.
Bowlby J., Attachement et perte, vol. 3 : La Perte, Paris, PUF, 2002.
Cloninger S., La Personnalité, Paris, Flammarion, 1999.
Cottraux J., La Répétition des scénarios de vie. Demain est une autre
histoire, Paris, Odile Jacob, 2001.
Cottraux J., Les Thérapies cognitives. Comment agir sur nos pensées,
Paris, Retz, 2001.
Cottraux J., Les Thérapies comportementales et cognitives, Paris,
Masson, 2004, 4e édition.
Cungi C., Savoir gérer son stress, Paris, Retz, 1998.
Cutrona C. E., « Transition to college : Loneliness and the process of
social adjustment », in L. E. Peplau et D. Perlman (éd.), Loneliness. A
sourcebook of current theory, research and therapy, New York, John Wiley,
1982, p. 291-309.
Damasio A. R., L’Erreur de Descartes, Paris, Odile Jacob, 2001.
Damasio A. R., Spinoza avait raison, Paris, Odile Jacob, 2003.
Darwin C., L’Expression des émotions chez l’homme et chez les
animaux, Paris, Éditions du CTHS, 1998.
Debray Q., Nollet D., Les Personnalités pathologiques, Paris, Masson,
1995.
Derlerga V. J. et Margulis S. T., « Why loneliness occurs : The
interrelationship of social-psychological and privacy concepts », in L.
E. Peplau et D. Perlman (éd.), Loneliness. A sourcebook of current theory,
research and therapy, New York, John Wiley, 1982, p. 152-165.
Freud S., Introduction à la psychanalyse, Paris, Petite Bibliothèque
Payot, 1976.
Glass L., Ces gens qui vous empoisonnent l’existence, Paris, Nouvelles
Éditions Marabout, 2006.
Hahusseau S., Comment ne pas se gâcher la vie, Paris, Odile Jacob,
2003.
Horowtiz L. M., French R. S. de et Anderson C., « The prototype of a
lonely person », in L. A. Peplau et D. Perlman (éd.), Loneliness. A
sourcebook of current theory, research, and therapy, New York, John
Wiley & Sons, 1982, p. 183-205.
Jong-Gierveld J. D., « Developping and testing a model of loneliness »,
Journal of Personnality and Social Psychology, 1987, 53, p. 119-128.
Jong-Gierveld J. D., Raadschelders J., « Types of loneliness », in L.
A. Peplau et D. Perlman (éd.), Loneliness. A sourcebook of current theory,
research, and therapy, New York, John Wiley & Sons, 1982, p. 105-119.
Jones W. H., Freemon J. E., Goswick R., « The persistence of
loneliness : Self and other determinants », Journal of Personality, 1981, 49,
p. 27-48.
Jones W. H., « Loneliness and social contact », Journal of Social
Psychology, 1981, 113, p. 295-296.
Jones W. H., « Loneliness and social behavior », in L. A. Peplau et
D. Perlman (éd.), Loneliness. Asourcebook of current theory, research, and
therapy, New York, John Wiley & Sons, 1982, p. 238-252.
Jones W. H., Carpenter B. N., Quintana D., « Personality and
interpersonal predictors of loneliness in two cultures », Journal of
Personality and Social Psychology, 1985, 48, p. 1503-1511.
Jones W. H. et Moore T. L., « Loneliness and social support », Journal
of Social Behavior and Personality, 1987, 2, p. 145-156.
Laws D. R. et Marshall W. L., « A conditioning theory of the etiology
and maintenance of deviant sexual preference and behavior », in W.
L. Marshall, D. R. Laws et H. E. Barbaree (éd.), Handbook of Sexual
Assault. Issues, theories, and treatment of the offender, New York, Plenum
Press, 1990, p. 209-229.
Lazarus R. S., Folkman S., Stress, Appraisal, and Coping, New York,
Springer Publishing Company, 1984.
Loucks S., « Loneliness, affect, and self-concept : Construct validity of
the Bradley Loneliness Scale », Journal of Personality Assessment, 1980,
vol. 44, p. 142-147.
McWhirter B. T., « Loneliness : A review of current literature with
implications for counseling and research », Journal of Counseling and
Development, 1990, 68, p. 417-422.
Marshall W. L., « Invited essay : Intimacy, loneliness, and sexual
offenders », Behaviour Research and Therapy, 1989, vol. 27, p. 491-503.
Paulhan I., Bourgeois M., Stress et coping. Les stratégies d’ajustement à
l’adversité, Paris, PUF, « Nodules », 1995.
Rook K. S. et Peplau L. A., « Perspectives on helping the lonely », in L.
A. Peplau et D. Perlman (éd.), Loneliness. A sourcebook of current theory,
research, and therapy, New York, John Wiley & Sons, 1982, p. 351-378.
Rook K. S., « Promoting social bonding : Strategies for helping the
lonely and socially isolated », American Psychologist, 1984, vol. 39,
p. 1389-1607.
Rotter J. B., « Generalized expectancies for internal versus external
control of reinforcement », Psychological Monographs, 1966, vol. 80, n˚ 1,
p. 609-633.
Rufo M., Détache-moi, Le Livre de poche, Paris, 2007.
Rusinek S., Les Émotions, Dunod, Paris, 2004.
Russell D., Peplau L. A. et Ferguson M. L., « Developing a measure of
loneliness », Journal of Personality Assessment, 1978, 42, p. 290-294.
Weiss R. S., Loneliness. The experience of emotional and social
isolation, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1973.
Weiss R. S., « The provisions of social relationships », in Z. Rubin (éd.),
Doing Unto Others. Joining, molding, conforming, helping, loving,
Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1974, p. 17-26.
Weiss R. S, « Issues in the study of loneliness », in L. E. Peplau et
D. Perlman (éd.), Loneliness. A sourcebook of current theory, research and
therapy, New York, John Wiley, 1982, p. 7180.
Weiss R. S., « A taxonomy of relationships », Journal of Social and
Personal Relationships, 1998, 15, p. 671-683.
Weiss R. S., « Is the attachment system of adults a development of
Bowlby’s attachment system of childhood ? », Psychological Inquiry, 1994,
5, p. 65-67 ; Weiss R. S., « A taxonomy of relationships », Journal of Social
and Personal Relationships, 1998, 15, p. 671-683.
Van Rillaer J., La Gestion de soi, Sprimont, Mardaga, 1992.
Winnicott D. W., Jeu et réalité. L’espace potentiel, Paris, Gallimard,
1975.
Winnicott D. W., L’Enfant et le Monde extérieur. Le développement des
relations, Paris, Payot, 1972.
Young J. E., Klosko J. S., Je réinvente ma vie, Paris, Éditions de
l’Homme, 1995.
Se découvrir et retrouver le plaisir de vivre en
étant soi
André C., Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi,
Paris, Odile Jacob, 2006.
André C., Légeron P., Comment gérer les personnalités difficiles, Paris,
Odile Jacob, 1996.
André C., Lelord F., La Force des émotions, Paris, Odile Jacob, 2001.
Appert V., Rencontrer, se faire des amis, Paris, Hachette Pratique, 2004.
Apfeldorfer G., Les Relations durables, Paris, Odile Jacob, 2004.
Arrive J.-Y., Savoir vivre ses émotions, Paris, Retz, 2001.
Bader E., Pearson P., Quest of the Mythical Mate. Developmental
approach to diagnosis and treatment in couples therapy, Philadelpie,
Brunner-Mazel, 1988.
Boisvert J.-M., Beaudry M., S’affirmer et communiquer, Éditions de
l’Homme, 1979.
Bouillerce B., Carre E., Savoir développer sa créativité, Paris, Retz,
2000.
Branden N., Les Six Clés de la confiance en soi, Paris, J’ai lu Bien-être,
2004.
Burka J. B., Comment ne plus être en retard, Paris, Pocket Évolution,
2008.
Calatayud C., Accepter l’autre tel qu’il est, Saint-Étienne, Jouvence,
2004.
Calatayud C., S’aimer tel que l’on est, Saint-Étienne, Jouvence, 2004.
Cameron J., Libérez votre créativité, Saint-Jean-de-Braye, Dangles,
2004.
Cottraux J., La Force avec soi, Paris, Odile Jacob, 2007.
Couzon E., Nicoulaud A., S’estimer pour réussir, Issy-les-Moulineaux,
ESF Éditeur, 2004.
Cungi C., Savoir s’affirmer, Paris, Retz, 1996.
Duclos G., L’Estime de soi, un passeport pour la vie, Montréal, Éditions
de l’hôpital Sainte-Justine, 2004 (2e éd).
Fanget F., Affirmez-vous !, Paris, Odile Jacob, 2000.
Fanget F., Oser. Thérapie de la confiance en soi, Paris, Odile Jacob,
2003.
Faure C., Vivre le deuil au jour le jour, Paris, Albin Michel, 2004.
Linehan M. M., Manuel d’entraînement aux compétences pour traiter le
trouble de personnalité état limite, traduction D. Page et P. Wehrle, Genève,
Médecine & Hygiène, 2000.
Linehan M. M., Traitement cognitivo-comportemental du trouble de
personnalité état limite, traduction D. Page et P. Wehrle, Genève,
Médecine & Hygiène, 2000.
Loreau D., L’Art de la simplicité, Paris, éditions Robert Laffont,
« Marabout Psy », 2005.
Macqueron G., Roy S., La Timidité. Comment la surmonter, Paris, Odile
Jacob, 2004.
Meggle V., Couper le cordon. Guérir de vos dépendances affectives,
Paris, Eyrolles, 2005.
Nabati M., Guérir son enfant intérieur, Paris, Fayard, 2008.
Nazare-Aga I., Approchez les autres, est-ce si difficile ?, Montréal,
Éditions de l’Homme, 2004.
Poletti R., Dobbs B., Lâcher prise. Dire oui à la vie, Genève-Bernex,
Jouvence, 1998.
Servant D., Soigner le stress et l’anxiété par soi-même, Paris, Odile
Jacob, 2003.
Van Rillaer J., Les Thérapies comportementales, Paris, Éditions Bernet-
Danilo, 1998.
Remerciements
À toute l’équipe des éditions Odile Jacob pour avoir soutenu ce projet et
particulièrement à Gaëlle Fontaine pour la justesse de ses remarques
éditoriales.
À Christophe André pour son soutien amical et dont les ouvrages m’ont
donné le goût d’écrire.
À mes relectrices. Sylvie Bardelang pour son enthousiasme et la
pertinence de ses commentaires. Agnès Saura pour son efficacité et ses
remarques précieuses.
À mes patients pour leur gentillesse et leur confiance, et dont les
témoignages m’ont inspiré régulièrement dans mes recherches.
À ceux qui m’ont aidé dans ma réflexion : David, Bruno, Jean-Pierre…
À Jany Siari pour ses paroles douces et réconfortantes dans les moments
de doute, sa confiance constante et son intérêt régulier porté à mon travail.
Enfin, et surtout, à ma femme et mes enfants, pour leur affectueuse
patience et leur présence chaleureuse tout au long de la rédaction de ce
livre.
Du même auteur
chez Odile Jacob
La Timidité, comment la surmonter, avec Stéphane Roy, « Guide pour s’aider soi-même », 2004.
« Créer des liens avec les autres », in Christophe André (dir.), Guide de psychologie de la vie
quotidienne, 2008.

Vous aimerez peut-être aussi