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ISBN : 978-2-228-93148-9
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du
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droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les
juridictions civiles ou pénales. »
AVANT-PROPOS
1. Bruno Clavier (avec la participation d’Inès Gauthier), L’inceste ne fait pas de bruit. Des
violences sexuelles et des moyens d’en guérir, Paris, Payot, 2021.
2. Charlotte Pudlowski, Ou peut-être une nuit, Paris, Grasset, 2021.
3. Florence Hirigoyen, La Maison de poupée, Paris, Les Arènes, 2022.
INTRODUCTION
1. Sigmund Freud, La Première Théorie des névroses, Paris, PUF, 1995, p. 98 et p. 90.
2. Ibid., p. 136.
3. Ibid., p. 142.
4. Ibid.
5. Sigmund Freud, La Naissance de la psychanalyse, traduit par Anne Berman, Paris, PUF,
1956.
6. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904, édition complète établie par Jeffrey
Moussaieff Masson, traduit par Françoise Kahn et François Robert, Paris, PUF, 2006.
7. Lettre 120, du 8 février 1897, ibid., p. 294.
8. Lettre 139, du 21 septembre 1897, ibid., p. 334.
9. The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fließ, 1887-1904, Cambridge (MA) et
Londres, Belknap Press, 1985.
10. Sigmund Freud Briefe an Wilhelm Fließ, 1887-1904, Herausgegeben von J. M. Masson,
M. Schröter, Francfort-sur-le-Main, S. Fischer, 1986.
11. Jeffrey Moussaief Masson, Le Réel escamoté. Le renoncement de Freud à la théorie de la
séduction, Paris, Aubier, 1984.
12. Jeffrey Masson, Enquête aux archives Freud. Des abus réels aux pseudo-fantasmes traduit
de l’anglais par Fabienne Cazalis, Breuillet, L’Instant présent, 2012.
13. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, op. cit., p. 368.
14. Sigmund Freud, Résultats, idées, problèmes I, 1890-1920, Paris, PUF, 2004, p. 75.
15. Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, traduit par Cédric Cohen Skalli,
Olivier Mannoni et Aline Oudoul, préface de Sarah Chiche, Paris, Payot, coll. « Petite
Bibliothèque Payot », 2014, p. 143 et p. 144.
16. Ibid., p. 144.
17. Le chiffre varie selon les biographes, mais il y eut probablement une trentaine
d’opérations.
18. Lettre 115, du 3 janvier 1897, in Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, op. cit.,
p. 281.
19. Locution latine : « Nous avons un pape ! »
20. Caput Nili, l’origine d’une chose.
21. Sigmund Freud, Cinq psychanalyses, traduit de l’allemand par Cédric Cohen Skalli et
Olivier Mannoni, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2017.
22. Le lecteur intéressé peut se reporter au livre où j’étudie en profondeur ces questions :
Les Fantômes de l’analyste, Paris, Payot, 2017.
23. Sigmund Freud, Dora. Fragments d’une analyse d’hystérie, traduit par Cédric Cohen
Skalli, préface de Sylvie Pons-Nicolas, Paris, Payot, 2010, p. 78 et p. 70.
24. Pour le rapport entre l’incendie et l’inceste, voir Bruno Clavier, L’inceste ne fait pas de
bruit, Paris, Payot, 2021.
25. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, op. cit., p. 322.
26. Sigmund Freud, L’Homme aux rats. Journal d’une analyse, Paris, PUF, 1974.
27. On peut remarquer que dans chaque cas des cinq psychanalyses, est mis en avant
l’homosexualité refoulée du patient comme source de la névrose : ne s’agirait-il pas d’une
projection du propre refoulement de Freud ? Le fait d’avoir un père abusant non seulement
de ses filles, mais, homosexuellement, de ses fils, n’a-t-il pas induit une ambiguïté théorique
chez Freud qui a le plus souvent réduit l’homosexualité, refoulée ou non d’ailleurs, à une
névrose ?
28. Jeffrey Masson, Enquête aux archives Freud, op. cit., p. 44.
29. Sigmund Freud, Abrégé de psychanalyse (1938), Paris, PUF, 1985, p. 57.
2
Cinq ans plus tard, cet épisode de rupture va se répéter, cette fois
avec Ferenczi. L’analyste hongrois adresse à Freud des lettres suivies,
rapprochées, puis, le 26 décembre 1912, il en écrit une longue, avec
beaucoup de rêves. Ferenczi est pressant envers Freud, comme on
peut le sentir en tant qu’analyste quand le patient a beaucoup de
matériel psychique qui remonte, qu’il entre dans une demande d’aide
subite et insistante. Dans sa lettre, Ferenczi révèle à Freud l’abus qu’il
a subi : à l’âge de cinq ans, un enfant plus âgé l’avait convaincu de lui
faire une fellation.
Mais Freud est dans l’impossibilité d’entendre. Il vit une sorte de
« retour du refoulé » par l’intermédiaire du « fils Ferenczi » ramenant
sa vérité au « père Freud ». Dans un scénario identique à celui qui
s’était déroulé avec Jung, Freud considère alors la révélation de
Ferenczi comme un non-événement.
Là encore, les violences sexuelles subies sont rejouées par Ferenczi
analyste : il a une histoire d’amour avec l’une de ses patientes, puis
avec la fille de celle-ci. L’ambiguïté de Freud est patente dans cette
histoire : il conseille à Ferenczi de se marier avec la mère et de laisser
la fille, sans faire aucun commentaire sur cette situation qui est
pourtant la répétition d’un inceste. En revanche, Freud prendra le
temps d’écrire plus tard à son disciple pour condamner le fait qu’il
arrive à ce dernier de faire la bise à ses patientes !
Jung avait préféré prendre le large ; Ferenczi, lui, dans un texte
4
fondamental, Confusion de langue entre les adultes et l’enfant ,
s’adresse à Freud de façon désespérée. Porteur de nombreux éléments
nouveaux sur le psychotraumatisme, cet essai reprend la thèse
première de Freud sur la séduction, comme si Ferenczi tentait une
dernière fois de lui signifier l’importance des abus commis par les
adultes sur les enfants. Freud ne peut le supporter ; il coupe alors
définitivement ses relations avec son disciple. Celui-ci meurt un an
après. « Lâché » par Freud, traité de « psychotique » et de « pervers »,
il est exclu pour longtemps de la sphère analytique, notamment en
France, où les premières traductions de ses livres ne verront le jour
que dans les années 1980. Sous l’instigation probable de Freud, la
parution de cet article, « De la confusion des langues », est refusée
dans la revue officielle psychanalytique de l’époque.
Le cas Dolto
Impossible de ne pas aborder, dans ce grand déni collectif, le cas
de Françoise Dolto, qui était pourtant d’une humanité si profonde.
J’avoue que je me sens en grande proximité avec sa théorie, que
j’admire beaucoup, et j’ai tellement appris d’elle pour ma propre
clinique que je pourrais l’idéaliser à l’excès. Toutefois, certains des
propos de Dolto ont heurté et continuent aujourd’hui de heurter,
surtout les personnes qui ont eu à subir l’inceste.
En premier lieu, et comme chez l’ensemble des autres analystes,
toutes théories confondues, le sujet des violences sexuelles n’est pas
spécifiquement abordé chez elle, même si elle a beaucoup théorisé
l’inceste et l’a décrit d’une façon clinique. Dans Le Féminin, elle prend
une position très claire : « Les filles sont privées de leur pulsion de vie
du fait que leur père leur a fait subir l’inceste […]. D’une manière
générale, chacun de ces cas d’inceste (et on pourrait évoquer l’inceste
“par tripotage”, ou l’inceste sous alcool) aboutit à la destruction d’un
psychisme, sa régression dramatique […]. Bien sûr, il y a des petites
filles qui font tout pour séduire leur père, qui ont envie de faire
l’amour avec lui. Le malheur n’arrive que lorsque ce fantasme –
nécessaire, indispensable au bon développement d’un psychisme –
bascule dans le réel : le désir d’inceste est une bonne chose, l’inceste
13
est un drame . »
Il n’y a donc pas d’ambiguïté. Dolto évoque même les
conséquences transgénérationnelles : « L’inceste effectif entre père et
fille – l’initiative en revenant au père – n’est pas un fait rare, l’inceste
avec un frère aîné encore moins […] cas qui engendrent les plus
grandes frigidités et relèvent de véritables psychanalyses à l’âge
adulte, quand elles n’entraînent pas des graves conséquences
névrotiques dans la descendance 14. »
Pourtant, on peut trouver chez elle un certain nombre d’assertions
qui apparaissent maintenant comme des « dérapages » surprenants
alors que sa position était dans l’ensemble plutôt cohérente. Le
dérapage le plus connu eut lieu en 1979, lors d’une interview dans la
15
revue féministe Choisir la cause des femmes . Le dialogue est
édifiant :
Mon analyste
En fait, si depuis bien longtemps j’en caressais l’idée, je l’avoue,
j’avais peur. Peur de me livrer et peur de la personne à qui je
confierais ma vie. Cette peur, je compris vingt ans plus tard qu’elle
était légitime et fondamentale : celle d’être une nouvelle fois abusé.
J’avais décidé que je ne me livrerais qu’à une personne spéciale,
ouverte à beaucoup d’autres domaines de la vie. Grâce à un article de
presse, puis au livre qu’il avait écrit, je trouvai ce psychanalyste.
C’était lui et pas un autre. Cette rencontre fut forte et importante,
décisive pour la suite de mon existence.
À l’occasion des deux premières séances, je fis deux rêves que je
ne compris vraiment, là encore, que plus tard. Il était question
d’araignées. Dans le premier, un explorateur me montrait une
araignée que j’avais sur la tête, et dans le second j’en avais le corps
couvert. L’interprétation de mon analyste était pertinente :
l’explorateur c’était lui, et il allait me faire travailler la question du
père, du féminin et de mes fantômes familiaux, symbolisés par les
araignées. C’est en tout cas ce dont je me souviens.
Vingt ans plus tard, une fois mon amnésie traumatique levée, et
bien après le décès de mon analyste, je compris qu’il était question de
quelque chose de plus large : l’explorateur du rêve était le membre de
ma famille qui m’avait incesté vers mes trois ans et qui était
effectivement explorateur dans sa jeunesse. Je projetais mon grand-
père maternel sur mon analyste ; ni ce dernier ni moi-même n’en
étions conscients. Et pour cause : comment s’y retrouver avec
l’amnésie post-traumatique ?
Lors de la première séance, je lui avais dit que mon plus lointain
souvenir d’enfance, retrouvé à mon adolescence grâce à mon
autoanalyse, était une terreur, je devais avoir trois ou quatre ans, et
cette phrase obsédante : « Il va venir, il va venir ! » L’interprétation de
mon analyste fut tragiquement fausse : « C’est votre désir homosexuel
d’avoir un père », car ma mère avait quitté ce dernier à mes deux ans
et demi. L’interprétation tint, puisque je m’étais évertué à y croire,
jusqu’à ce que, douze ans d’analyse plus tard, la mémoire de mes
abus surgisse.
Désir d’avoir un père, oui ; homosexuel, c’est-à-dire sexuel, non.
Cette interprétation est emblématique de l’impasse de la théorie du
fantasme et du déni des violences sexuelles : comme l’avait si bien
décrit Ferenczi, l’enfant veut de l’amour, de la tendresse, mais pas de
sexualité, du moins il ne la veut pas « en vrai » et surtout pas sous
forme d’abus de la part des adultes. Dire que c’était « mon désir » de
plus, « homosexuel », c’était d’emblée nier le mal qui m’avait été fait.
J’ai décrit dans mon précédent livre comment ma mémoire est
revenue. Non pas directement par le travail analytique, mais bien
plutôt par des soins énergétiques de la part d’un maître chinois de taï-
chi-chuan. À partir de la découverte que nous avions été violés, mon
frère et moi, par deux pédocriminels, entre mes cinq et six ans dans le
pensionnat parisien où ma mère nous avait abandonnés, d’autres
traumatismes sexuels du passé me revinrent en mémoire en
travaillant en EMDR. En revanche, j’avais le souvenir précis du viol à
mes huit ans par ce grand frère de deux ans plus âgé. Ce qui survint
par la suite fut le retour de mémoire sur des abus de sa part ayant
commencé beaucoup plus tôt. Mais la partie la plus importante fut
l’inceste par mon grand-père maternel vers mes trois ans – j’en
travaille encore aujourd’hui la mémoire et les conséquences – dont je
compris que le comportement pervers occulte avait été non
seulement la source première de mes souffrances, mais aussi de celles
de mon frère, mort à trente-trois ans, suicidé par défenestration en
phase terminale du sida, et probablement de certains membres de la
famille dont ma mère. Bien qu’aucun élément familial ne soit venu
confirmer cela, il me paraît impossible qu’il n’ait pas fait d’autres
victimes que mon frère et moi.
Mon analyste est mort peu de temps après la levée de mon
amnésie sur ce que j’avais subi dans le pensionnat. Au moins a-t-il eu
le temps de valider mon retour de mémoire, mais avec un accueil si
peu investi – je me souviens de sa réponse : « Celui qui vous a abusé
a sûrement été abusé lui-même », sans autres commentaires. J’avais
évoqué avec lui dans ma propre analyse, quelques années après le
début de ma thérapie, le viol par mon frère à mes huit ans. Sans en
être amnésique, j’avais mis de côté l’événement. Il l’avait
heureusement accueilli comme une chose importante, mais sans aller
plus loin sur le sujet, comme un phénomène annexe. Or, dans mon
histoire, la question des violences sexuelles a été majeure. Elle l’a
tellement été que chaque minute de chaque jour de ma vie a été
conditionnée par ce qui m’est arrivé, comme c’est le cas pour toutes
les victimes que je connais. Mon analyste, à qui je dois tant, portait
cependant l’héritage d’un siècle de théorie dans lesquelles la question
des violences sexuelles a été si gravement occultée.
Résistances
Fantasme ou réalité ?
Désir œdipien ou abus sexuel ?
Garder la théorie du fantasme telle quelle impliquerait de
continuer à opposer fantasme et réalité. Or, quand on reçoit en
thérapie des personnes ayant subi des violences sexuelles, il est
évident que leur inconscient est submergé par ce qu’elles ont vécu, et
leurs fantasmes sont totalement révélateurs de leurs expériences
malheureuses. Comme l’a écrit Marie Balmary, citant les bâtisseurs
d’institutions prenant en charge les enfants fous 9 : « Croient-ils que le
fantasme est à l’origine du (faux) souvenir ou bien plutôt que le
(vrai) souvenir a éclaté en fantasmes ? » L’inconscient est bien porteur
de l’expérience traumatique du réel, ce qu’avait observé Freud dans
sa première théorie.
Cependant, sa découverte du complexe d’Œdipe, de la sexualité
enfantine et du fantasme du désir de l’enfant envers le parent, lui
permet d’opérer une substitution pour mettre sous le tapis la question
des agressions sexuelles : à la place du fantasme porteur du
traumatisme, le fantasme issu du désir ; à la place de la réalité
physique, la réalité psychique.
Les temps actuels impliquent donc de reconsidérer la situation
avec deux sortes de fantasmes : le fantasme fruit d’une invention, lié
au désir, imaginaire, et le fantasme portant la marque du
traumatisme, réel. Mais alors, comment les distinguer ?
Le mot « fantasme » a une histoire antérieure à la psychanalyse. Il
provient du grec phantasma, qui signifie « fantôme, hallucination
visuelle », mais aussi « apparition, vision ». Quelque chose de l’ordre
du visuel qui n’est pas opposé à la réalité et permet de la
représenter : en cas de traumatisme, la réalité vécue s’inscrit dans
l’inconscient sous forme de fantasme, mais c’est aussi le cas dans le
complexe d’Œdipe « normal » – quand il n’y a pas de traumatisme
sexuel. Pour les distinguer, il faut reconsidérer la notion de complexe
d’Œdipe, car comme l’énonce le Dictionnaire international de la
psychanalyse, « la naissance de la notion psychanalytique de fantasme
est corrélative de la naissance du complexe d’Œdipe 10 ».
S’il est indéniable qu’il existe bien une période œdipienne sexuelle
de l’enfant (elle débute vers l’âge de trois ans), l’autre tour de passe-
passe freudien réside dans sa définition de l’œdipe : quand il décrit ce
désir sexuel de l’enfant pour son parent, il omet d’ajouter deux
choses.
La première, nous l’avons vu avec Winnicott, est qu’un enfant ne
peut se concevoir en dehors d’un rapport à un autre chargé de
l’éduquer. La théorie classique psychanalytique a fait comme si les
enfants étaient responsables de leur désir sans aucune interaction
avec l’adulte qui en a la responsabilité. De même que les enfants ont
une curiosité et une activité sexuelle à partir de trois ans, dans la
période qui précède, que l’on appelle le stade anal, entre deux et trois
ans, ils sont extrêmement agressifs et violents. Ce stade se termine
normalement par l’acquisition de règles, la propreté par exemple, par
l’intégration d’un certain nombre d’interdits et surtout par la notion
de culpabilité et d’empathie, qui permet de s’identifier aux autres et
de les reconnaître comme différents mais aussi semblables.
Cette acquisition ne peut se faire sans l’action de l’entourage de
l’enfant, en l’occurrence les adultes. Il ne viendrait à l’idée de
personne de laisser les enfants sans éducation face à ce déferlement
d’agressivité que, en tant que parents, nous connaissons bien à nos
dépens. De la même manière, dans la période œdipienne qui suit, le
rôle de l’adulte est prépondérant face à l’érotisation du rapport que
l’enfant peut susciter. Le complexe d’Œdipe vient saisir l’enfant dans
une relation à l’autre et non pas dans un imaginaire coupé de
l’interaction avec le monde. Un enfant n’est jamais seul et il dépend
de son environnement, quel que soit celui-ci.
Second point capital : il manque une précision qui tient à la
nature propre des enfants, de leur désir et justement de leur
imaginaire. L’enfant désire sexuellement son parent, mais à
condition… qu’il ne se passe rien. On connaît cette expression
enfantine : « Ce n’est pas pour de vrai. » Là encore, les pulsions
agressives antérieures peuvent aller jusqu’à des désirs de meurtre sur
ses parents ou d’autres membres de la famille, mais à condition que
cela n’arrive pas, l’amour et le besoin du parent étant bien trop
importants. De même, ce « pas pour de vrai » fondamental chez
l’enfant est au cœur de l’œdipe car, sans cela, en quoi le passage à
l’acte que représente l’inceste serait-il si désastreux ?
Pour que Freud puisse occulter son père pervers et incestueux, il
fallait que ces deux éléments passent également à la trappe : que le
parent disparaisse en tant qu’acteur inséparable de la scène
œdipienne et que la perversion soit bien le fait de l’enfant, ce qui
n’aurait pas été le cas s’il avait été clairement précisé que ce dernier
souhaitait quelque chose dont il ne voulait surtout pas la réalisation.
L’adulte qu’il devient ne dément jamais cette règle : la simple idée
d’avoir des relations sexuelles avec son parent représentera toujours
pour lui un cauchemar, qu’il y ait passage à l’acte ou pas. D’ailleurs,
que cela soit pour les filles ou pour les garçons, la disproportion
anatomique entre l’enfant et l’adulte ne peut que susciter crainte et
angoisse au niveau sexuel. Pour cette raison parmi d’autres, une
angoisse de mort immédiate surgit chez un enfant quel que soit le
mode d’agression sexuelle qu’il a subie, viol ou attouchements.
Que peut-on conclure de ce qui précède en ce qui concerne la
prise en charge des patients ?
Qu’il importe de traduire le fantasme comme étant la trace d’une
réalité passée à déterminer. Cette réalité peut être une réalité
traumatique, un trauma provoqué par une situation extérieure bien
réelle, ou une réalité psychique, provenant du désir œdipien de
l’enfant. La détermination doit se fonder sur la connaissance de
symptômes, de fantasmes, de comportements caractéristiques d’une
personne ayant subi une violence sexuelle, un inceste, connaissance
couplée à celle de ce qui ne serait qu’un fantasme œdipien.
Être sérieusement à même de repérer les conséquences du
psychotraumatisme est indispensable à cet endroit. La négligence
d’hier et encore actuelle envers la question des violences sexuelles fait
que ce savoir est aujourd’hui lacunaire d’une façon générale. Si la
théorie du fantasme utilisée jusqu’à présent perdure, on passera à
côté de tous les signes tangibles qui montrent que des violences ont
bien eu lieu. Contrairement à l’affirmation freudienne qui veut que,
dans l’inconscient, « on ne peut différencier la vérité de la fiction
investie d’affect », il est possible de les distinguer, et la formation des
thérapeutes devrait leur permettre cette différenciation.
1. Lettre 61 du 2 mai 1897, in Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, 1887-1904, édition
complète établie par Jeffrey Moussaieff Masson, traduit par Françoise Kahn et François
Robert, Paris, PUF, 2006, p. 303.
2. Manuscrit M, joint à la lettre 63 du 25 mai 1897, ibid., p. 313.
3. Lettre 61, ibid., p. 303.
4. Lettre 139 du 21 septembre 1897, ibid., p. 335
5. Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, suivi de : Contribution à l’histoire du
mouvement psychanalytique, traduction révisée par Gisèle Harrus-Révidi, préface de
Frédérique Debout, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2010, p. 50.
6. Ibid., p. 118.
7. Sigmund Freud, Ma vie et la psychanalyse, suivi de : Psychanalyse et médecine, traduit de
l’allemand (Autriche) par Marie Bonaparte, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1968, p. 44.
8. Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Hachette
Littératures, 2005, p. 604.
9. Marie Balmary, L’Homme aux statues. Freud et la faute cachée du père, Paris, Grasset,
1979, nouv. éd. 1997, p. 255.
10. Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, op. cit., p. 605.
11. Didier Dumas, Sans père et sans parole. La place du père dans l’équilibre de l’enfant,
Paris, Hachette Littératures, 1999, p. 161.
12. Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de psychanalyse, op. cit., p. 605.
13. Florence Hirigoyen, La Maison de poupée, Paris, Les Arènes, 2022.
7
Chassez l’hypnose…
Parler suffit-il ?
Psychotraumatisme, faux souvenirs,
amnésie et nouveaux outils
thérapeutiques
Le psychotraumatisme,
chaînon manquant de la psychanalyse
2
Laure abusée, mais par qui ?
Quatre mois plus tard, ils sont de retour. Plutôt pour me donner
des informations. Entretemps, Élise est allée parler à son père des
violences sexuelles. Ce dernier déclare qu’il a été violé entre huit et
dix ans par son grand frère âgé de sept ans de plus que lui. Il lui dit :
« Je t’avoue, j’y pense encore souvent, cela me “transperce”. » Élise
est bouleversée et soulagée ; pendant la séance, sa fille dessine une
glace en arc-en-ciel. L’arc-en-ciel est toujours signe de guérison, mais
la glace, en forme d’esquimau, a le bout croqué. Sa mère associe
immédiatement avec une fellation. En effet, son père lui a appris
autre chose. Quand elle lui a parlé du fameux danseur, il lui a révélé
que lors de la séparation avec la mère d’Élise, il est allé dormir chez
ce Bernard, qui a essayé de lui faire une fellation dans son sommeil.
Cet événement confirme que le danseur était sûrement le prédateur
principal de cette histoire, même si je continue à penser que l’amant
Éric aurait également pu commettre quelque chose. En partant,
Louise dit : « Je vais beaucoup mieux. »
Pourtant, six mois après, Élise me rappelle pour une nouvelle
séance. Elle estime que la constipation est encore un problème chez
sa fille. Je leur donne rendez-vous un mois plus tard. Quand ils
arrivent, Louise me dit qu’elle est guérie et que depuis un mois, donc
depuis le dernier coup de téléphone pour prendre rendez-vous, elle
va aux toilettes tous les jours, ce que confirme son père. Je leur dis
que nous pouvons annuler la séance, car quand l’enfant n’a plus de
symptômes, je ne le reçois plus. J’ai écrit à quel point je trouvais que
les enfants n’avaient pas à passer leur temps en thérapie ; c’est pour
cela que j’enjoins plutôt leurs parents à y aller afin d’éviter que leur
descendance ne fasse des symptômes pour tenter de les guérir 7.
Mais alors que je me lève pour arrêter cette séance, je comprends
que Louise m’a apporté un dessin qui questionne. Quatre cerises. Je
sais qu’il est important que j’en tienne compte. Je pense
immédiatement aux trois avortements qu’Élise a faits et que j’avais
notés lors de la première séance. Nous n’en avions pas parlé, et c’est
ce que nous faisons alors. Élise en est encore fortement affectée.
J’imagine que s’il y a quatre cerises dans le dessin, la quatrième
représente un désir d’enfant qui n’a pu se concrétiser. Alors Élise
confirme qu’il a été difficile de faire le deuil d’un nouvel enfant à
venir.
Cette séance me fit comprendre que le dossier des violences
sexuelles a bien été clos lors des séances précédentes, et que celle-ci
concernait un autre traumatisme parental. Louise, comme la plupart
des enfants, amenait en séance sa mère pour que, tous ensemble,
nous puissions parler de ce qui encombrait cette dernière ; ainsi, elle
pouvait laisser derrière elle son angoisse de mort, symbolisée par son
symptôme de constipation.
Lors des séances avec les familles, les enfants ne sont jamais
traumatisés d’entendre des sujets graves et des traumatismes lourds.
Ce sont les adultes qui ont peur, tandis que les enfants sont beaucoup
plus forts que ces derniers ne le croient. Au contraire, ils entendent ce
qu’ils savaient déjà émotionnellement, et la parole de leurs parents
sur ces événements, sur leurs ressentis, les libère de la charge d’avoir
à porter les émotions parentales. Ils peuvent alors poursuivre le
chemin joyeux de leur vie.
É
3. Anonyme, Jours d’inceste, traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Demarty, Paris,
Payot, 2017.
4. « Un arrêt sur image, fonction défensive, visant à geler l’évocation d’une scène
violente », in Alain de Mijolla (dir.) Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris,
Calmann-Lévy, 2002, p. 607.
5. Dans les dessins d’enfants, le vert est la couleur de l’amour, tandis que le rouge est la
couleur du pulsionnel.
6. Voir Bruno Clavier, Les Fantômes familiaux. Psychanalyse transgénérationnelle, Paris,
Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2014, chap. IX, p. 119.
7. Voir Bruno Clavier, Ces enfants qui veulent guérir leurs parents, Paris, Payot, coll. « Petite
Bibliothèque Payot », 2022.
10
*
* *
« Monsieur,
J’ai lu trois de vos ouvrages, dont L’Inceste ne fait pas de bruit, et ai
assisté dernièrement à la conférence que vous avez donnée suite à la
projection du film Ces liens invisibles. Comme nombre de personnes
qui doivent vous contacter, vos écrits et interventions résonnent en
moi avec une acuité particulière.
J’ai déjà un “parcours psy” bien étoffé pour mes trente ans et
demeure pourtant toujours dans des impossibilités et douleurs qui me
dépassent et compromettent de plus en plus assurément toute
projection dans l’avenir. J’ai la chance d’avoir une vie qui se tient
encore, du moins de l’extérieur, mais ce travail constant d’équilibriste
m’épuise de plus en plus et de plus en plus durablement – d’autant
que l’espoir de trouver des débuts de réponses, d’apaisement
commence à me quitter tant j’ai frappé à de nombreuses et
différentes portes : psychothérapeutes, psychanalystes depuis mes
quinze ans, psychiatres et séjours en clinique, thérapie émotionnelle,
EMDR, addictologue, étiothérapeute, énergéticiens, acupuncteur,
médecine chinoise, micronutritionniste, etc. De nombreux médecins
allopathes aussi, car j’ai des douleurs de ventre et cystites en continu
qu’aucun ne parvient à expliquer.
C’est en premier lieu par la question transgénérationnelle que je
suis arrivée à vous – je vous avais d’ailleurs laissé un message vocal il
y a un ou deux ans, auquel vous m’aviez répondu de vous envoyer un
mail (ce pour quoi le courage m’avait ensuite manqué). Au regard des
seuls événements, addiction et pathologies dont j’ai connaissance
pour mon père et ma mère ainsi que pour leurs familles respectives,
aborder la question sous cet angle pourrait m’être très utile. À celle-ci
s’ajoutent désormais depuis près d’un an des interrogations
envahissantes que j’ai concernant ma propre enfance. J’ai compris
que vous ne preniez plus de patients adultes, mais auriez-vous la
possibilité de me recommander un confrère ou une consœur
proposant la même approche que la vôtre et avec qui je pourrais me
pencher sur ces sujets ? Je vous en serais très reconnaissante. Je vous
remercie d’avoir pris le temps de me lire. »
*
* *
« Bonjour Monsieur Clavier,
J’ai cinquante-deux ans, je suis dans une période compliquée de
ma vie, en “dépression anxieuse sévère” depuis huit mois.
Je me permets de vous contacter car j’ai lu votre récent ouvrage
L’inceste ne fait pas de bruit (et précédemment Les Fantômes familiaux)
et je suis en plein doute sur ma situation personnelle.
Après treize ans d’analyse, j’approche de très près l’hypothèse de
l’inceste et je participe à des groupes de parole qui m’inspirent
beaucoup, mais je n’ai pas de mémoire traumatique, et ma thérapeute
(avec qui le travail s’est arrêté) n’a jamais “validé” cette hypothèse (ni
ne l’a invalidée, mais parlait encore de fantasme ou de “simple”
emprise ou perversité maternelle).
J’ai un faisceau d’indices, dont une part importante provient de
mes rêves, mais je me demande comment savoir si ce qui me
“travaille” est de l’ordre d’un héritage transgénérationnel ou si ça
relève de ma propre histoire.
J’ai passé une grande part de ma vie en “mode survie”, dans
l’évitement, à distance des autres et de moi-même, avec des
handicaps certains mais sans manifester les symptômes lourds qu’on
retrouve souvent dans de tels cas (conduites extrêmes par exemple),
si bien que je doute beaucoup de la pertinence de ce que je
soupçonne et qui tourne à l’obsession…
Pourriez-vous m’aider à démêler cette confusion et me conseiller
sur la démarche à entreprendre pour dépasser l’écueil de ce doute
abyssal sur la réalité de l’agression (et sur son ou ses auteurs) ?
Je vous remercie d’avance si vous pouvez m’aider. »
*
* *
Je voudrais continuer avec le cas de Marie.
Elle m’avait contacté suite à la lecture de mon ouvrage Les
Fantômes familiaux. Avec son autorisation, je livre des extraits, sans
avoir changé un seul mot – hormis les formules de politesse, que j’ai
omises – de l’échange de mails que nous avons eu.
En mai 2021, Marie m’écrit : « J’ai trente-huit ans, on m’a
diagnostiqué une fibromyalgie il y a dix ans (mais les premiers
symptômes remontent à l’adolescence), je pense qu’un psychanalyste
avec une approche en psychogénéalogie pourrait m’aider car votre
livre a été pour moi une véritable révélation, et mon instinct me dit
que la fibromyalgie dont je souffre peut être l’expression de certains
fantômes familiaux. »
Ma réponse : « À la lecture de votre mail, je ne suis pas sûr que
votre fibromyalgie soit complètement du domaine
transgénérationnel. Souvent, c’est un témoignage d’abus sexuels subis
dans l’enfance, mais ce n’est pas sûr non plus. »
Marie : « J’ai eu des traumatismes mais plus à l’adolescence, rien
dont je me souvienne durant l’enfance. »
Moi : « Il est très fréquent qu’un traumatisme sexuel à
l’adolescence fasse suite à un autre dans l’enfance dont on serait
amnésique. Je vous envoie des adresses. »
Je n’aurai pas de nouvelles de Marie jusqu’en février 2022 ; elle
m’écrit donc à nouveau neuf mois plus tard :
« Je vous avais contacté au mois de mai de l’année dernière pour
savoir si la psychogénéalogie serait éventuellement efficace
concernant la fibromyalgie et vous m’aviez répondu que la source de
cette pathologie était souvent des abus sexuels durant l’enfance avec,
sans doute, une amnésie traumatique. Cette réponse que vous
m’aviez donnée a été comme une révélation pour moi et m’a permis
de comprendre les états destructeurs par lesquels je suis passée de
dix-sept à vingt-cinq ans : anorexie, scarifications, spasmophilie,
tentative de suicide, alcoolisme, drogue, conduites à risque avec les
hommes, un beau palmarès !!!
Pendant le mois qui a suivi cette prise de conscience, j’ai
rembobiné tout mon parcours, mes choix de vie, et ça m’a fait très
peur de constater que quasiment tout avait été guidé par ce
traumatisme oublié, mais cela m’a surtout servi à me trouver, à me
connaître davantage et à m’aimer tout simplement.
Je sais maintenant pourquoi j’ai eu peur des hommes très
longtemps, pourquoi j’ai eu une sexualité tardive, pourquoi j’ai mis
trois ans à tomber enceinte, bref, tout a enfin une explication…
Je me suis demandé si je voulais essayer de faire remonter les
souvenirs de l’événement traumatique, ne serait-ce que pour savoir
qui m’a fait ça quand j’étais petite, mais j’ai fait le choix, pour le
moment, de ne pas faire ce travail.
Voilà, je voulais vous remercier, sincèrement et grandement, de
cette réponse que vous m’aviez donnée et qui m’a permis de faire la
rencontre de quelqu’un de spécial : moi-même. »
Marie : « Eh bien pour tout vous dire, j’ai regardé hier soir
l’interview auquel vous avez participé sur les violences sexuelles et
l’inceste, je me suis beaucoup retrouvée dans ce que vous décrivez,
notamment “faire sortir le mal” grâce à la scarification ou encore cet
état de satisfaction quand on est anorexique, c’est tout à fait cela.
Ne vous embêtez pas pour le livre, c’est très gentil à vous, je
comptais l’acheter .
Bonne continuation alors pour l’écriture de votre livre qui,
j’espère, apportera une nouvelle approche à votre profession sous
bien des aspects ! »
*
* *
Terminons avec le témoignage qui suit, très touchant également,
et l’échange de mails que j’ai eu avec la mère de cette famille ; il
résume toute la souffrance familiale générée par les violences
sexuelles.
« Bonjour Monsieur,
Nous ne nous connaissons pas. Je viens de finir votre livre L’inceste
ne fait pas de bruit et j’ai besoin d’un conseil pour mon fils qui a treize
ans. Le jour de mon anniversaire, mon beau-père est mort à l’hôpital.
Mon mari l’y accompagnant en camion a dit qu’il a répété plusieurs
fois le mot “miséricorde”. Lui tenant la main, il a dit à son père de
partir en paix, en disant tout ce qui le soulagerait : son père lui a
alors dit qu’il y avait “des choses génitales”, et qu’il “n’aimait pas trop
quand son fils le masturbait”. La déflagration n’a pas été immédiate.
Mon mari a ressenti plutôt une explication, une vérité.
Son père n’a plus été capable de communiquer et il est mort seul
au petit matin quatre jours plus tard. Suite au décès de son père et
après cet aveu, mon mari a commencé une thérapie avec une
psychologue et il a également commencé des séances d’EMDR avec un
autre thérapeute.
Simplement, j’ai retrouvé des dessins que mon fils a faits quand il
avait six ans, à l’époque où il voulait mourir. Ces dessins m’alarment.
Il ne se souvient plus de les avoir faits, il ne se souvient pas avoir
vécu un abus, et il ne dit pas oui pour aller voir quelqu’un. Il a l’air
d’aller bien.
Doit-on le laisser initier ou continuer sa construction d’adolescent
sans traiter le problème, au risque qu’il intègre au fond du lui de
demain quelque chose qui n’est pas lui et qu’il devra de toute façon
traiter plus tard ?
Y a-t-il quelque chose à lui dire pour l’encourager à se confronter
à ce qui est là, sans doute refoulé comme une bombe lente à
fragmentation ?
Ses dessins peuvent-ils relever de la transmission
transgénérationnelle, et si c’est le cas, que faut-il en faire ?
Je vous ai fait un long document pour poser tout ce qui est à dire
sur notre histoire familiale.
Pourriez-vous m’orienter vers un confrère ou une consœur
avertie(e) ?
Il n’est pas si facile de trouver au hasard, de se rendre compte
assez rapidement si on va être aidé ou pas, et de raconter toute
l’histoire plusieurs fois avant de pouvoir aider mon fils.
Bien cordialement. »
Ma réponse :
« Bonjour,
Voilà mon avis. En ce qui concerne votre fils, le dessin avec du
rouge, du sang je pense, est problématique et pourrait concerner un
éventuel abus sur lui. Mais on n’est jamais sûr. Ce qui est clair c’est
que le thème des abus sexuels est bien là. Cependant, vouloir mourir
pour un enfant de cet âge est le plus souvent transgénérationnel ;
donc ça, ce n’est pas inquiétant, c’est plutôt l’un de ses parents qui a
voulu mourir. Le problème avec votre beau-père, c’est que ce genre de
personnes sont capables de faire beaucoup de victimes, autant
garçons que filles, mais maintenant comment savoir ? Cependant, au
vu des dessins, il apparaît quelque chose de curieux, ce n’est pas sûr
évidemment et je peux me tromper ; comme si vous, sa mère, aviez
été victime d’abus sexuels. Ça parle plutôt de cela. Je ne sais pas si
vous êtes en thérapie. Je pense que pour l’instant il faut laisser votre
fils tant qu’il n’a pas de demande ou trop de difficultés dans sa vie.
Mais il faut garder le dossier de côté si jamais un jour il présentait des
troubles qui pourraient alors être en relation avec cela.
Bien cordialement, Bruno Clavier »
Elle me répond :
« Bonjour Monsieur,
Merci d’avoir regardé. Merci pour votre réponse.
J’ai vécu en effet un abus sexuel soft de mon cousin, dans le sens
d’une initiation de mes sens qui n’était pas de mon fait.
J’ai vécu des abus sexuels plus nets de la part de mon mari
(rapports conjugaux nocturnes plus ou moins consentis, pressions et
culpabilisation) dont je et nous sommes conscients.
Que cette conscience des faits ne suffise pas, et que j’aie besoin
d’une thérapie “réparatrice” de mon être profond est une éventualité
que je vais envisager.
J’ai parlé clairement à mon fils de son héritage, j’ai mis en mots
clairs ce que pouvait l’amener à faire à d’autres cet héritage, posé que
l’éveil de ses sens ne pouvait qu’être intime et n’impliquer aucune
autre personne, à son âge.
La vie continue. Avec ces données qui étaient là, dans l’ombre et
qui sont maintenant en pleine lumière.
Encore merci.
Je vous souhaite le meilleur. »
1. Je reçois également des messages vocaux de la même teneur, mais je n’en ai pas
retranscrit ici.
CONCLUSION