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LA BIBLIOTHÉRAPIE

CLAIRE GUILLOU
© IDEO 2022, un département de City Éditions
Couverture : Shutterstock/Studio City
ISBN : 9782824636504
Code Hachette : 49 3376 9
Collection dirigée par Christian English & Frédéric Thibaud
Catalogues et manuscrits : city-editions.com/IDEO
Conformément au Code de la Propriété Intellectuelle, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent
ouvrage, et ce, par quelque moyen que ce soit, sans l’autorisation préalable de l’éditeur.
Dépôt légal : Août 2022
Tout est déjà dans les livres. Y compris l’art
d’aimer.
Régine Detambel, Les livres prennent soin de
nous

Être heureux ne signifie pas que tout est


parfait. Cela signifie que vous avez décidé de
regarder au-delà des imperfections.
Aristote

Le vent se lève, il faut tenter de vivre.


Paul Valéry
Introduction
LA BIBLIOTHÉRAPIE
CRÉATIVE : LE POUVOIR DES
MOTS

Habituée des mots depuis toute petite, entre écriture et lecture, il


m’a fallu le début d’une profonde remise en question, assortie d’un
confinement inédit au printemps 2020 pour cause de pandémie, pour
m’apercevoir que ces mots que je chérissais et qui
m’accompagnaient détenaient un pouvoir extraordinaire. Celui de
découvrir qui nous sommes, ce qui nous construit, ce qui nous
définit, mais également, et c’est encore plus fort, celui de changer
notre programmation.

Pour candidater à une formation, j’ai dû rédiger mon itinéraire


personnel. Je devais ainsi expliquer mon parcours, mon histoire et la
raison pour laquelle je demandais cette formation. Profitant alors de
cet enfermement imposé, j’avais le temps de me consacrer à moi, et
donc de faire le point. J’ai commencé à écrire, écrire, et encore
écrire. Je ne pouvais plus m’arrêter. Et là, des choses profondes ont
jailli. Des croyances limitantes sont apparues. Et j’ai compris une
partie de ce qui me constituait. Les mots m’avaient permis de
comprendre. J’étais ébahie. C’est ainsi qu’au hasard, j’ai tout
simplement lancé une recherche Google : « Les mots ont un
pouvoir ». De page Internet en page Internet, c’est ainsi que j’ai eu
une révélation : la bibliothérapie, ou comment prendre soin de soi
par les mots.

Il faut dire que les émotions et le langage se seraient développés


en parallèle. En apprenant à communiquer et à s’exprimer, les êtres
humains apprenaient à ressentir. « Pour Jean Starobinski, théoricien
de la littérature, l’histoire des sentiments et des mentalités est
largement tributaire des formes langagières ou artistiques dans
lesquelles ils se sont exprimés, et l’on ne peut saisir un sentiment ou
une émotion que s’ils se sont laissé représenter dans une forme
verbale. C’est humain. Voilà pourquoi l’expérience intérieure serait
indissociable du vocabulaire, qui offre à nos émotions les plus
intimes le modèle possible de leur expression. C’est ce sur quoi,
entre autres, joue la bibliothérapie », écrit Régine Detambel dans
son ouvrage Les livres prennent soin de nous. Prendre soin de soi,
exprimer son moi intérieur aurait donc un lien évident avec le
langage. Évident.

Axelle Artois est bibliothécaire à Lille et organise des ateliers de


bibliothérapie. Pour elle aussi, le livre a un pouvoir inégalable. Lors
de notre échange (à lire au chapitre 7 : « La Sieste contée »), elle
m’a confié : « C’est une façon de se reconnecter à soi-même et aux
autres en même temps. À travers le livre, on va avoir cette chance
de se reconnecter à certaines émotions, de pouvoir mettre des mots
sur ce qui nous traverse. On n’a pas toujours les mots pour savoir ce
qu’il se passe en nous, et d’un coup, dans un livre, il y a cette
phrase, ce mot qui va faire écho en nous et qui va nous permettre de
mieux nous comprendre et de mieux comprendre les autres. Le livre
permet d’avoir une plus grande empathie, on peut vivre mille vies
avec un livre et ça peut nous permettre de voir le monde avec
d’autres yeux, de mieux comprendre certaines situations. Il y a, à la
fois, une forme de réflexion et en même temps, un temps de bien-
être, de relaxation qui va passer par les mots et les livres. »

Comme Kafka le disait, « un livre doit être la hache qui brise la mer
gelée en nous. »

Tout a commencé…
Mais reprenons depuis le début. Durant la Première Guerre
mondiale, Sadie Peterson Delaney, une infirmière américaine dans
un hôpital de l’Alabama, s’appuie sur les livres pour tenter de
soulager les maux et les traumatismes des militaires américains qui
reviennent du conflit. Ensuite, elle travaille auprès des handicapés
mentaux, physiques et des aveugles avec la même conviction :
ouvrir la culture et la créativité à tous les publics. Convaincue du
pouvoir thérapeutique des mots sur les maux,
Sadie Peterson Delaney est considérée aujourd’hui comme une
pionnière : celle qui a été la première à avoir pratiqué la
bibliothérapie. Mais il faut attendre 1961 pour en découvrir la
définition suivante dans le Webster International : « La bibliothérapie
est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant
qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie, et un moyen
de résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une
lecture dirigée », cite Régine Detambel dans son livre Les livres
prennent soin de nous. Dans les pays anglo-saxons, la bibliothérapie
connaît alors un fort développement, dopé par l’essor des livres
autour du développement personnel. Les bibliothérapeutes
recommandant ainsi un livre afin d’aider à la résolution d’un
problème.

En France, c’est en 1994 que Marc-Alain Ouaknin publie un essai


intitulé Bibliothérapie, lire c’est guérir. C’est dans cet ouvrage que le
lien avec la créativité est proposé. Régine Detambel, défenseuse
d’une pratique créative, explique ainsi : « Selon Ouaknin, la
bibliothérapie consiste à rouvrir les mots à leurs sens multiples. Par
la magie de l’interprétation, l’ouvrage poétique dénoue les nœuds du
langage, puis les nœuds de l’âme qui s’opposaient à la vie et à la
force créatrice. La bibliothérapie ainsi comprise doit permettre à
chacun de sortir de l’enfermement, de la lassitude, pour se
réinventer, vivre et renaître à chaque instant dans la dynamique d’un
langage en mouvement. » Stimuler sa créativité par une pratique
active des mots afin de se libérer et de prendre soin de soi. La
bibliothérapie créative est née.

Prendre soin de soi


Plusieurs courants se distinguent alors : la bibliothérapie
prescriptive, durant laquelle un ou des ouvrages sont prescrit(s) pour
répondre à certains problèmes, la bibliothérapie créative, qui va
recourir à plusieurs outils autour des mots afin de débloquer la
créativité dans un but de mieux-être, et la bibliothérapie
thérapeutique, qui mêle pratique prescriptive et pratique créative,
utilisée principalement par le corps médical (médecins, infirmiers,
psychologues, psychothérapeutes…) dans le cadre d’un
accompagnement.

Précisons également la définition du sens du mot « thérapie ». Ce


dernier vient du grec therapeia, qui signifie soin, et non soigner. La
thérapie vise ainsi à prendre soin de soi et des autres, et non pas à
soigner, contrairement à ce que le langage courant peut nous laisser
penser. Peut-être même qu’il s’agirait de prendre soin de soi pour
éviter de devoir se soigner… Prendre soin de soi, ou comment
développer sa personne.

Alors que le nombre de Français qui lisent chaque année un livre


du rayon « développement personnel » ne cesse d’augmenter (17 %
en 2014, 31 % en 2017, 35 % en 2020, selon une étude du Centre
national du livre), ledit rayon a pourtant souvent mauvaise presse,
notamment auprès des fervents de la littérature littéraire. Or
« développement personnel » n’est en rien un gros mot. Galvaudée
par un engouement fort pour des ouvrages prônant parfois des
méthodes express de bien-être, comme on vendrait des pilules pour
maigrir, l’expression « développement personnel » est à l’origine
« une philosophie de vie », tel qu’on peut le lire dans un article
publié sur le site www.europe1.fr en mars 2018 et intitulé Au fait,
c’est quoi, le développement personnel ? Dans ce reportage,
Anne Cazaubon, experte du secteur et chroniqueuse à Europe 1,
témoigne : « Je préfère parler de dépouillement personnel. J’aime
bien l’idée de l’oignon qu’on effeuille couche après couche pour
arriver à son essence profonde. Pour moi, le développement
personnel vise la pleine réalisation de son potentiel et de ses
aspirations profondes. » Le développement personnel serait donc
avant tout ce que j’appellerais le développement de la personne. Il
n’y a ici qu’un pas à faire avec la « thérapie », le « prendre soin de
soi ».

Et le développement de notre personne afin de trouver un sens à


notre vie, n’est-ce finalement pas ce qui nous anime tous ?
Shakti Gawain écrit ainsi, dans Techniques de visualisation
créatrice : « L’être humain a besoin de sentir que sa vie a un sens.
Être en contact avec ce qu’il y a de plus profond en soi génère du
sens. Se “reconnecter” à soi-même n’est pas un but à atteindre,
c’est une pratique, un chemin. » Ce que nous cherchons avant tout,
c’est la plus belle des sérénités intérieures, afin de jouir de tous les
bonheurs durant ce passage qui nous est proposé. Shakti Gawain
poursuit : « On peut considérer que la vie a trois niveaux : être, faire,
avoir. […] Aucun n’est en conflit avec les autres. Tous existent
simultanément. Les gens essayent souvent de vivre à l’envers. Ils
tentent d’avoir plus de possessions ou plus d’argent afin de faire
davantage ce qu’ils veulent, croyant que c’est la voie pour être
heureux. En fait, ça marche dans l’autre sens. Il vous faut d’abord
être ce que vous êtes vraiment, puis faire ce qui est nécessaire afin
d’obtenir ce que vous désirez. »

La créativité est en nous


Dans cet ouvrage, nous nous concentrerons uniquement sur la
bibliothérapie créative. Formée par Régine Detambel, je suis
convaincue du pouvoir de la créativité. « La créativité, c’est vraiment
la clé de tout », m’a assuré la coach en transformation
professionnelle Zeva Bellel lors d’un échange, à retrouver en
chapitre 6 « Le vision board ». Une déclaration, presque un mantra,
que je rejoins tout à fait.

Nous sommes tous des êtres créateurs. Malgré tout, nous nous
laissons polluer, bloquer, enfermer par la société, notre éducation,
nos croyances, nos vies quotidiennes qui, une fois que nous
sommes devenus adultes, font de nous des automates. Nous
perdons alors la conscience d’être, tout simplement. D’être nous-
mêmes. « Notre corps a été construit par la nature pour fonctionner
parfaitement et se régénérer constamment. L’éducation et les
contraintes sociales nous apprennent à vivre contre nature, à faire
violence à notre corps, à obéir aux idées reçues et à ne plus
respecter les conseils que nous prodiguent notre instinct et notre
intuition. Nous vivons d’une façon qui engendre des troubles de la
santé et des maladies. Pour nous délivrer des habitudes qui
empoisonnent notre vie, prenons en main notre éducation et
retrouvons progressivement l’harmonie avec nous-mêmes, avec la
nature, sans laquelle la santé ne saurait exister », résume ainsi
Shakti Gawain.

Afin de réveiller ce « nous » profond qui sommeille, la créativité


apparaît alors comme un formidable outil que nous pouvons
réactiver par des techniques multiples et variées. La bibliothérapie
créative est ainsi un couteau suisse, ou une boîte à outils, dont nous
allons sortir une technique ou une autre, selon l’effet attendu, mais
dans un seul et même objectif : nous (re)trouver, être nous-mêmes,
nous aimer, avoir confiance en nous et aux autres, être en phase
avec celui que nous sommes et non pas avec ce qu’on attend de
nous.

Pour ce faire, même s’il existe une base de techniques, chaque


bibliothérapeute en créativité va également utiliser ses propres
expériences, ses expérimentations, ses passions pour débloquer
cette créativité. Il n’y a donc pas qu’une seule forme de
bibliocréativité, mais autant de pratiques différentes que de
bibliothérapeutes.

Par ailleurs, la bibliothérapie créative se rapprochant de l’art-


thérapie, en y ajoutant le sens des mots lus et écrits, et considérant
que les techniques peuvent évoluer à chaque instant, du moment
qu’elles stimulent la créativité, il est important de garder en tête que
tout est possible. Voilà pourquoi la liste des outils proposés dans cet
ouvrage n’est pas exhaustive. Loin de là.

Certaines des techniques évoquées ici ont un lien direct avec le


livre. D’autres moins, même si les mots interviennent toujours à un
moment donné, des mots lus, écrits ou parlés. Il ne s’agit pas d’un
ouvrage à destination des amoureux du livre uniquement, la
bibliothérapie n’est pas un club de lecture (bien que l’un n’empêche
pas l’autre). Il faut plutôt y voir un ensemble : la bibliothérapie est la
somme des techniques qui visent au mieux-être à travers les mots,
elle est dans la globalité des exercices proposés et dans les
combinaisons qu’il est possible de réaliser entre lecture, écriture,
dessin, collage, yoga, théâtre, relaxation, vision board, visualisation
créatrice, kintsugi, carnet créatif, etc., et bien plus encore !
Quelques conseils…
Avant de commencer la lecture de ce livre qui, par des exercices
pratiques, tentera de réveiller votre créativité, il est important de
garder quelques principes en tête. Premièrement, il ne s’agit pas
d’un livre magique, d’une recette efficace à tous les coups. Ce n’est
pas une méthode miraculeuse qui vous promet d’avoir confiance en
vous et de vous sentir bien dans votre peau en dix minutes
seulement. Je vous propose plutôt des exercices à ajouter
régulièrement à votre quotidien, qui pourront vous aider, en utilisant
la créativité, à vous remettre sur votre propre chemin. Il n’y a pas de
solution toute faite. Il n’y a que des âmes qui s’écoutent et
s’observent.

Ces exercices peuvent se pratiquer à tour de rôle, selon vos


aspirations. N’hésitez pas à tester : certaines techniques peuvent
vous transporter, d’autres moins. Certaines vous parleront
immédiatement, d’autres exigeront plus de temps et de tentatives.
Amusez-vous, expérimentez, envisagez, imaginez même d’autres
techniques, et essayez de les coupler les unes avec les autres.
Amusez-vous à jouer avec les règles du jeu, à tout mélanger. C’est
généralement ainsi que ces techniques sont les plus efficaces.

Pour le déblocage et la dépollution de votre créativité, votre


engagement doit être total. Non pas en matière de temps, mais en
régularité. Ainsi, la répétition de cette pratique est indispensable.
Pour tous les outils de ce livre, comme d’autres livres de
développement de la personne, il ne s’agit pas de les pratiquer une
fois pour que ça fonctionne. D’ailleurs, ainsi que l’écrit
Shakti Gawain dans Techniques de visualisation créatrice, « c’est la
répétition des outils adaptés à vos besoins, envies et affinités qui en
fera son succès. Les schémas dans lesquels nous vivons sont très
longs à déconstruire, parce qu’ils sont ancrés, nous devons aider
notre esprit à “changer de programme”. Enfin, il est essentiel de
pratiquer ce qui vous convient le plus. Les résultats peuvent prendre
du temps, il faut savoir être patient, et ce qui vous convient ne
conviendra pas à quelqu’un d’autre, et vice versa. Cependant,
choisissez et ne gardez que les outils qui vous conviennent. […] Ce
qui réussit à un moment donné peut échouer à un autre. Ce qui
marche pour une personne peut être sans effet pour une autre. Fiez-
vous toujours à votre propre jugement et à vos impulsions
intérieures. » Pour pratiquer et retrouver la voie de la créativité et sa
propre voie, il est nécessaire donc de se montrer patient et régulier,
mais également bienveillant envers soi-même.

Le mot « créativité » peut en effet faire peur. Et pourtant… la


créativité n’est que le fait de créer. Ainsi, cuisiner est déjà de la
créativité. Décorer sa maison ou son appartement, écrire une carte,
créer un groupe sont aussi des formes de créativité. À cela s’ajoute
le fait que l’être humain est un être créateur. C’est donc ancré en
chacun de nous. Tous les enfants font ainsi preuve de créativité
chaque jour de leur vie en dessinant, en construisant une cabane,
en dansant, en chantant, en jouant à la poupée ou aux jeux de
construction…

Seulement, en grandissant, par notre éducation, par ce que la


société attend de nous, nous construisons des programmes, des
croyances et des schémas que nous répétons. Nous oublions d’être
créatifs. Pire : nous sommes très nombreux à nous convaincre que
nous ne sommes pas du tout créatifs. Nous commettons en effet
l’erreur d’assimiler la créativité à l’art et donc au talent. Mais pas
besoin d’avoir du talent pour être créatif. Notre but ici n’est pas
d’exposer un quelconque don, mais simplement de savoir prendre
soin de nous en utilisant la créativité que nous avons déjà à
disposition, en nous. Ainsi, Anne-Marie Jobin, dans son livre Mon
journal créatif, explique : « Il ne s’agit pas d’écrire ou de dessiner
selon des modèles prescrits, mais de plonger en soi-même avec
honnêteté et courage. Le seul fait d’être en vie procure tout ce qu’il
faut pour apprivoiser ce processus et en tirer les bienfaits. Chaque
personne – y compris vous – possède une mine d’or au centre
d’elle-même. Vous avez peut-être perdu le chemin qui y mène, mais
derrière les broussailles, celui-ci vous attend. Peu importe où vous
en êtes dans votre vie, c’est là, juste où vous êtes, qu’est la porte
d’entrée. Vous pouvez retrouver le fil de votre vie intérieure afin que
celle-ci vous guide vers la réalisation de votre potentiel. » Oubliez
donc l’envoi de votre journal intime à une maison d’édition, voyez
plutôt tout ce que le fait d’écrire dans ce journal peut vous apporter
quotidiennement.

Patience, régularité, bienveillance. Ce sont donc les principes qui


vous permettront, avec les mots, et ce, grâce aux outils proposés
dans ce livre, de (re)découvrir peut-être le chemin intérieur que vous
cherchez.
Bonne lecture et bonne découverte.
1
LA LECTURE À HAUTE VOIX

« La lecture à haute voix est des plus rares plaisirs qui soient »,
écrit en 1999 le poète et essayiste français Georges Jean dans son
livre La Lecture à haute voix.

La lecture a de nombreux bénéfices, bien connus de tous. Une


meilleure orthographe, un vocabulaire plus riche, une curiosité
exacerbée, une mémoire plus efficace… Et si la lecture « silencieuse
et solitaire », comme la nomme si joliment Daniel Pennac, est la
pratique qu’on nous enseigne à l’école, il ne faut pas minimiser
l’impact de la lecture à haute voix. Cette dernière, très utilisée
auprès des enfants les plus jeunes pour leur raconter des histoires,
tombe en désuétude dès lors qu’ils apprennent à lire, aux alentours
de 6 ans. Mais la lecture à haute voix a de nombreux atouts, en
premier lieu celui de captiver. C’est d’ailleurs dans ce sens que des
professeurs ont réhabilité cette pratique dans les écoles.

L’auteur Daniel Pennac, qui est aussi professeur de français,


définissait d’ailleurs, dans son ouvrage Comme un roman, la lecture
à voix haute comme un « droit imprescriptible » du lecteur. En
janvier 2018, dans une émission diffusée sur France Culture, il
expliquait : « Dans mon cas, c’était même plus qu’un droit, c’était
une nécessité. Puisque j’ai été prof pendant une trentaine d’années,
j’avais affaire à des élèves en grande difficulté scolaire qui croyaient
ne pas aimer lire et qui l’affirmaient orgueilleusement. “Moi,
Monsieur, je n’aime pas lire !”, il croyait ne pas aimer lire. Et pour les
réconcilier avec la lecture silencieuse et solitaire, il m’a fallu transiter
par la lecture à voix haute. Parce que, quand un élève vous dit qu’il
n’aime pas lire, il ne sait évidemment pas ce qu’il dit. Si vous le
croyez, il est foutu, et vous aussi, comme professeur. Dans cet
enseignement, j’ai donc transité par des heures de lecture à voix
haute. Une heure par semaine et par classe, à peu près, où je lisais
des textes, je racontais des romans, jusqu’à ce que les élèves
puissent retrouver une sérénité suffisante pour prendre
tranquillement un livre, le lire en sachant qu’ils ne seront pas
interrogés, que ce n’est pas un piège. Et j’ai vu les fruits portés par
cette méthode de lecture à voix haute […] Par exemple, je lisais le
Vicomte pourfendu, de Calvino. Pendant l’heure, j’en lisais la moitié,
et évidemment, ils étaient frustrés parce qu’ils ne connaissaient pas
la fin. À partir de ce moment-là, il y en avait toujours un pour me
faucher le livre et le finir de son côté, c’est-à-dire se remettre à la
lecture silencieuse et solitaire sans s’en apercevoir vraiment. Lui, il
croyait qu’il allait achever le récit, et ce que je savais, moi, c’est qu’il
retournait à la lecture silencieuse et solitaire […] Ça n’a que des
qualités, la lecture à voix haute. […] C’est une fête. C’est une
communion très réussie dont, personnellement, je ne me lasse pas
d’être l’auditeur. »

Une communion qui nous fait du bien, qui nous ramène à la lecture
quand on s’en éloigne durant des années d’errance, mais pas
seulement. Régine Detambel, kinésithérapeute, bibliothérapeute et
autrice, prône la lecture à voix haute comme un véritable outil dans
son essai Les livres prennent soin de nous : « La lecture à voix
haute est tout particulièrement réparatrice, d’où son intérêt dans
l’activité du bibliothérapeute, car elle peut même devenir une art-
thérapie. L’art-thérapie met les patients en situation d’être créateurs
malgré tout. Elle accompagne les personnes en difficulté à travers
leurs productions artistiques, généralement des œuvres plastiques,
sonores, théâtrales, littéraires, corporelles ou encore dansées. Ce
travail subtil permet au sujet de se recréer lui-même, se créer de
nouveau, dans un parcours symbolique, de création en création. Or
il me semble urgent d’ajouter la lecture à voix haute à cette liste
d’actions réputées artistiques. La lecture à haute voix est aussi un
pur acte de création. […] C’est la mise en œuvre de la voix, c’est-à-
dire l’acte même de lire. […] Le lecteur mêle à sa lecture tout le côté
organique de sa propre voix, de son souffle, de ses abdominaux, de
son diaphragme… C’est à ce prix qu’il va retrouver l’élan vital dans
le désir de créer la colonne d’air qui portera ce texte. Comme dans
toute art-thérapie, ce qui compte, c’est le dynamisme que la création
met en œuvre, c’est-à-dire le traitement par la personne elle-même
de ses troubles. »

Les superpouvoirs de la lecture à


voix haute
Retrouver du dynamisme !
Objectif : mettre en action son corps physique, grâce à la voix,
pour réveiller son esprit et sa créativité, et trouver ainsi les réponses
à ses propres questions. Un peu comme lorsqu’on pratique une
activité physique : on se sent bien, disposé, alerte, en forme. La
pratique à voix haute rend la lecture dynamique, et ce, grâce à la
voix, aux muscles du visage et à la respiration. Dans une société qui
oblige bon nombre d’entre nous à être de plus en plus statiques
(assis dans les transports, au bureau, devant la télévision…), nous
en oublions presque les bienfaits d’une attitude dynamique. Se tenir
debout, marcher, courir, prendre l’air, lever les yeux vers la cime des
arbres, sentir les odeurs, écouter, toucher… Ce dynamisme nous
permet de nous reconnecter à la nature, à l’essentiel. La lecture à
voix haute possède ce même pouvoir.

Pratiquée debout, elle nous oblige à faire fonctionner notre corps, à


le réveiller et à le faire vibrer au son des cordes vocales. Elle nous
reconnecte alors aux mots, qui résonnent en nous, et nous nous
reconnectons ainsi à nous-mêmes. Ce temps accordé, comme on se
lance dans une activité sportive, un cours de chant ou de yoga, est
un moment à soi, pour soi. Un instant pour se couper du reste, de la
vie quotidienne en se plongeant dans un texte comme on plongerait
dans une piscine. Avec une puissance supplémentaire : celle de la
voix.

L’objet livre apparaît alors comme la porte de sortie de notre


quotidien ou la porte d’entrée vers un univers réconfortant. Cet objet
possède d’ailleurs quelque chose de sacré : ouvrir un livre, c’est
fermer une porte pour en ouvrir une autre, c’est s’immerger dans un
monde qui est loin du nôtre, et si ce monde nous est proche, il nous
incite à prendre du recul sur celui-ci, à faire une introspection, et à
ouvrir un œil créatif. Ces pages qu’on tourne, ce papier qu’on
caresse, ces mots qu’on effleure éveillent en chacun de nous un
souvenir, une sensation, même lointaine ou enfouie. Prendre le
temps de sentir le livre est déjà un acte réconfortant, qu’on apprécie
ou non la lecture. Lire à voix haute permet alors de vivre ce bien-être
à haute voix, afin de le faire résonner et scintiller dans tout notre
corps. C’est le pouvoir de la lecture à voix haute.

Casser la voix !
Dans son ouvrage Le Pouvoir de la voix, paru en 2016 chez Allary
Éditions, Jean Abitbol, ancien chef de clinique à la faculté de
médecine de Paris, chirurgien-ORL et phoniatre, parle de la voix
comme d’un « trésor inestimable. » Il écrit : « Elle relie les hommes
de notre planète. Elle relie notre passé et notre futur. […] Elle ne
permet pas seulement de communiquer, mais de créer, de penser et
“d’émotionner”. […] Résultant de l’alchimie du corps et de la pensée,
la voix est l’instrument de la persuasion, de la séduction, du charme,
elle est le reflet de la personnalité et de la vérité de chacun. » La
pratique de la lecture à voix haute permet alors de (re)faire entendre
sa voix et sa vérité. Le chirurgien poursuit : « Elle est la marque de
notre histoire. Elle est le lien essentiel entre les émotions,
l’imaginaire et la raison. Elle nous permet à la fois d’interagir avec le
monde et d’y évoluer. […] La voix est la plume de notre pensée et le
trait d’union impalpable entre la conscience et l’inconscient. La voix
est à la fois le vaisseau amiral et le pilote de notre imaginaire. Sa
puissance est surprenante, elle nous conduit parfois là où l’on ne
pensait pas aller. » Dans ce livre, Jean Abitbol redonne à la voix
toute son importance, une place centrale dans nos corps, dans nos
vies que nous avons tendance à oublier, alors qu’elle nous est
constamment nécessaire.

La lecture à voix haute va permettre également de prendre


conscience de l’importance de l’expression orale. Il s’agit de
réapprendre à donner de la voix, d’oser s’exprimer, avec ses propres
mots ou bien avec ceux d’un autre. L’avènement de l’ère des
réseaux sociaux nous a poussés à nous exprimer, tout en nous
poussant, et c’est là tout le paradoxe, à nous replier sur nous-
mêmes. Du fait de l’évolution de la société, du numérique, de
l’éducation, nous n’utilisons plus notre voix. Le pouvoir du « Chut ! »
inculqué aux enfants depuis des générations nous a comme
bâillonnés, avec la perte de confiance en soi pour triste
conséquence. Il est vrai qu’oser s’exprimer aisément, oser user de
sa voix exige un véritable entraînement ! Chaque petite victoire,
chaque mot prononcé à voix haute devant un public, quel qu’il soit,
est un pas de plus vers la confiance en soi. Même s’il est difficile de
s’entendre et de se lancer à voix haute, la pratique de la lecture à
voix haute est un excellent moyen de remettre le corps en marche,
de réapprendre à utiliser cet organe et à se faire entendre. Nous
reprenons alors le pouvoir de nos vies pour dire nos émotions, nos
envies, « non » ou « oui », et ainsi, avec bienveillance, de reprendre
confiance en nous, de redevenir sujets de notre vie et de jouir alors
de la plus belle liberté qu’il soit : être soi-même, l’assumer et
l’exprimer. En somme, utiliser sa voix pour trouver la voie.

Être en pleine conscience


La lecture à haute voix permet par ailleurs une lecture en pleine
conscience. La pleine conscience est une pratique ancestrale qui
puiserait ses origines dans le bouddhisme et qui avait pour but de
soulager les souffrances. Aujourd’hui de plus en plus reconnue, elle
permet de soigner les maux physiques et ceux de l’esprit, mais aussi
d’être « dans le moment présent ». Une lecture en pleine conscience
est donc l’action de lire un texte en se consacrant entièrement à lui,
sans que les pensées extérieures affluent et viennent envahir notre
esprit. Nous sommes alors pleinement dans la lecture, avec les
personnages, les actions, dans l’imagination, dans l’émotion, dans la
création, et rien ne peut faire diversion à ce moment de communion.
Nous sommes « ici et maintenant ». Cette pratique est ainsi une
méditation, avec tous les bienfaits que cela apporte : réduction du
stress et de l’anxiété, amélioration des capacités d’attention,
renforcement du système immunitaire… Dans une société où tout va
vite, où l’on zappe facilement, la pleine conscience est un outil
précieux pour marquer un temps d’arrêt et se recentrer sur
l’essentiel, marquer une pause et prendre soin de soi, physiquement
et mentalement.

La lecture à voix haute nous oblige, par la voix, à nous concentrer


sur les mots lus, mais également sur les intentions de l’auteur, le ton,
les émotions. Lionel Cruzille, auteur et professeur de shiatsu et Qi
gong notamment, est l’un des rares à avoir écrit au sujet de la
lecture en pleine conscience, dans un article publié sur son blog en
avril 2017 et intitulé La Lecture en pleine conscience. « La pleine
conscience est la voie royale de l’accueil de ses émotions, et donc,
par ricochet, de l’accueil du livre, de l’accueil de l’expérience
sensorielle très concrète qu’il nous fait vivre. La fiction lue en pleine
conscience vous ouvre alors les portes […] d’un monde magique où
toutes ces histoires, tous ces héros sont des facettes de vous, des
autres, de mondes riches et inconnus, mais désormais à portée de
votre main consciente. Les fictions invitent à vous ouvrir à elles, à y
plonger pour vivre ces mille vies en une, parce qu’elles sont de purs
trésors et qu’elles vous libèrent en vous apportant la connaissance
de vos multiples facettes intérieures. » Il ne s’agit pas de lire comme
on jouerait ou interpréterait une pièce de théâtre, mais plutôt de se
mettre au service du texte et de son auteur, avec humilité, mais
concentration. Et, dans le tourbillon de nos vies, d’être une voix,
d’être, tout simplement.

Exercices pratiques
En marche, la voix !
Choisissez un livre ou un extrait de livre qui vous touche (roman,
poésie, littérature jeunesse…). Debout, posez une main sur votre
ventre. Fermez les yeux. Inspirez doucement par le nez sur 5 temps,
puis expirez également sur 5 temps par le nez. Essayez de faire le
vide, de laisser passer toutes les pensées qui vous encombrent.

Puis lisez le livre que vous avez choisi en marchant. C’est un


exercice à pratiquer en extérieur comme en intérieur, sans aucune
autre contrainte que celle de marcher. La marche exacerbe le besoin
de se concentrer pour ne pas perdre le fil de la lecture, mais aussi
celui de respirer, deux conditions indispensables pour la lecture en
pleine conscience et la lecture à voix haute. Lisez ainsi en marchant
pendant plusieurs minutes. Commencez par 5 minutes, puis 7, puis
10… Enfin, arrêtez-vous de marcher, posez le livre, fermez les yeux
et prenez un temps pour examiner les émotions ressenties et
retrouver une respiration lente et tranquille.

Donner de la voix
Choisissez d’abord un court texte qui vous touche (roman, poésie,
littérature jeunesse…). Debout, posez une main sur votre ventre.
Fermez les yeux. Inspirez doucement par le nez sur 5 temps, puis
expirez également sur 5 temps par le nez. Essayez de faire le vide,
de laisser passer toutes les pensées qui vous encombrent.

Puis lisez le texte choisi. D’abord, le plus doucement possible, puis


un peu plus fort. Répétez ainsi l’exercice et lisez le texte avec un
volume sonore de plus en plus élevé, jusqu’à le crier.

Prenez une grande inspiration par le nez, puis expirez très fort par
le nez. Prenez un temps pour examiner les émotions ressenties par
le corps et l’esprit.

Faire vivre les émotions


Choisissez d’abord un texte qui vous touche (roman, poésie,
littérature jeunesse…). Debout, se tenir bien droit.

Lisez à haute voix le texte choisi en y donnant différentes


émotions : la joie, la tristesse, le rire, la sensualité, la peur… Et ce,
quelle que soit la tonalité de base de l’extrait choisi. Cet exercice
peut être réalisé seul ou à plusieurs. Le pratiquer en groupe vous
obligera à apprendre à faire tomber les barrières, à être dans le
lâcher-prise, à ne pas vous préoccuper du jugement des autres.
Ainsi, il stimulera votre confiance en vous.

La poésie, « une émotion qui nous saisit le cœur par


l’oreille »
Dans un premier temps, choisissez un texte de poésie qui vous
touche. Qu’il s’agisse de poésie contemporaine, classique,
romantique ou surréaliste, l’essentiel est avant tout de ressentir les
mots du poème comme une émotion et d’en comprendre le sens.

Ensuite, debout, lisez une première fois le texte en silence. Puis


effectuez quelques exercices d’étirement des muscles du visage (la
bouche, le nez, les yeux…). Massez-vous délicatement le visage
durant quelques secondes. Toujours debout, fermez les yeux, posez
une main sur votre ventre. Inspirez par le nez pendant quelques
secondes, puis expirez par le nez. Essayez de faire le vide.
Recommencez jusqu’à avoir une respiration longue et profonde.
Puis lisez la poésie que vous aurez choisie à voix haute en y
marquant les émotions, le rythme et surtout les silences. Une lecture
en pleine conscience.

Dans son ouvrage La Lecture à haute voix, l’écrivain Georges Jean


cite Henri Meschonnic, « Lire le poème à haute voix, c’est faire de
l’écrit mort une voix vivante », ou encore Alfred de Vigny, qui
déclarait déjà au début du xixe siècle : « La poésie est une émotion
qui nous saisit le cœur par l’oreille. »
Toujours debout, en fermant les yeux, prenez un temps pour
examiner les émotions ressenties par le corps et l’esprit.

Interview
Clémentine Beauvais est autrice et traductrice de livres
jeunesse, ainsi qu’enseignante-chercheuse à l’université de York,
au Royaume-Uni.

En France, la lecture à haute voix n’a pas vraiment sa place


une fois que les enfants savent lire, vers l’âge de 6 ans…
même si cela tend à changer un peu… Comment expliquer
cela, selon vous ?

Je trouve que c’est très intéressant, car en Grande-Bretagne,


beaucoup de gens lisent à haute voix. C’est assez surprenant quand
on arrive… Au début, il y a 15 ans, même moi, je trouvais que c’était
infantilisant et je me suis demandé : « Mais pourquoi fait-on ça à
partir du moment où l’on sait lire ? » Et finalement, j’ai compris que
ce n’était pas de l’infantilisation, mais plutôt une expérience familiale.
Chaque soir, on se lit un chapitre. En France, la lecture est
apparentée au travail intellectuel, mais aussi à un effort d’intériorité,
c’est quelque chose de solitaire. Avec les mots, il y a une voix qui
nous parle, et ce serait la trahir que d’en faire une interprétation. Il y
a un fort rapport au silence, au seul à seul. En France, la lecture à
voix haute, c’est une étape pédagogique simple : d’abord, on lit à
voix haute, ensuite en suivant le doigt, puis dans nos têtes. Au
Royaume-Uni, ce n’est pas du tout le même rapport. On est plutôt
sur la performance. C’est la société de Shakespeare, avec un idéal
culturel et une interprétation. Il y a aussi le fait que la langue
anglaise est la plus difficile à lire, la lecture solitaire arrive donc
beaucoup plus tard dans le processus pédagogique. Et enfin,
beaucoup de campagnes encouragent cette pratique… Bref, c’est
plus naturel au Royaume-Uni.

Quelle a été votre première expérience de lecture à voix


haute ?

Ma première expérience, c’était mon père qui me lisait beaucoup


de bandes dessinées. Il faisait les voix. Je ne pensais pas à la
lecture à haute voix ; c’était de la performance ou rien. Bien des
années plus tard, en tant qu’enseignante dans un lycée, un jour, j’ai
lu un texte à voix haute. Et là, la qualité de silence qui s’est installé
dans la classe m’a fait halluciner. Alors, je ne suis pas la seule à
pratiquer ça. Mais il y a eu comme un formatage de mon cerveau et
j’ai compris la puissance de cette pratique.

Qu’apporte la lecture à haute voix à l’école, mais également


dans la vie de tous les jours ? Quels en sont les bienfaits ?

Tout dépend à qui l’on s’adresse. Pour les bons lecteurs, c’est un
apprentissage qu’il ne faut pas rater. Personnellement, j’adore lire à
voix haute, mais écouter un texte qui est lu, c’est un apprentissage
que je n’ai pas fait. J’ai une espèce d’impatience, d’attention
flottante. Pour les personnes qui ne lisent jamais, l’expérience de la
lecture à voix haute permet de gagner quelque chose. Les mots
peuvent créer des visualisations dans la tête. Pour beaucoup d’ados,
la lecture est un tel effort qu’elle empêche de visualiser et
d’imaginer. Pour les personnes qui sont intermédiaires, dirons-nous,
c’est-à-dire qui lisent de temps en temps, l’avantage, c’est de varier
les plaisirs de lecture, de proposer d’autres choses, des esthétiques
différentes. Enfin, pour les personnes qui lisent à voix haute aux
autres, à leurs grands-parents, par exemple, il y a une espèce
d’intimité immédiate qui se crée et qui est très gratifiante. Il n’y a pas
besoin d’être un performer, et cela donne une espèce de confiance
très forte.

Lecture silencieuse et lecture à haute voix sont-elles


opposées ?

Non, je ne pense pas. Tout dépend de la situation ; dans la lecture


à voix haute, il y a une forme de ritualisation, et c’est ce qui est
intéressant. Les deux notions sont différentes. Par exemple, moi, j’ai
un livre de lecture à voix haute que je partage avec mon
compagnon, et un autre pour moi, que je balade. C’est un type de
rencontre avec le mot différent.

En tant qu’enseignante-chercheuse, vos travaux tournent-ils


autour de la lecture à voix haute ?

Mes travaux portent sur la traduction littéraire à l’école. Mais je


commence toujours mes cours par lire le texte aux élèves, donc
dans une langue qui n’est pas la leur. Ce premier moment de lecture
à voix haute, vous n’allez pas le comprendre, mais vous allez
l’entendre. Et ce qui est fascinant avec les tout-petits, c’est qu’ils
vont réussir à entendre des choses, des rythmes, des allitérations
d’ordre extatique et littéraire. Cela leur donne une expérience du
texte, même dans une langue étrangère. Ce sont d’autres choses
qui sont non verbales, mais qui sont contenues dans les mots. On
donne une esthétique au texte. Et quand on lit à haute voix, c’est
exactement ça. C’est pourquoi il faut oser le faire pour les plus
grands.

Enfin, selon vous, la lecture silencieuse est-elle


obligatoirement solitaire et la lecture à voix haute forcément
partagée ? La seconde ne peut-elle pas aussi être un acte
solidaire ?

La lecture silencieuse peut être un acte partagé ; quand on lit à


côté de quelqu’un, cela crée irrémédiablement quelque chose,
comme un lien sacré. La lecture à voix haute, comme acte solitaire,
je dirais oui, également. Ma sœur, qui a une formation de
comédienne, la pratique. Je ne le fais pas, pour ma part, car je
n’aime pas qu’on me lise quelque chose, étant donné mon
impatience… Mais je reçois des mails, des témoignages dans
lesquels on me parle d’expérience de lecture à voix haute en
solitaire. Je sais donc que c’est possible et qu’on peut tirer des
bienfaits de cette pratique !
2
SEMER

Une période d’échec est un moment rêvé pour


semer les graines du succès.
Paramahansa Yogananda, yogi et précepteur
spirituel hindou

À travers l’acte concret de « semer », il s’agit de cultiver l’amour de


soi. Pas toujours facile lorsqu’on manque de confiance en soi,
lorsqu’on a traversé des épreuves douloureuses, lorsqu’on a
l’habitude de penser aux autres avant de penser à soi, lorsqu’on a
des croyances limitantes bien ancrées, et tout simplement lorsque
notre société a longtemps prôné l’humilité. Dans un article de
mars 2005 issu d’une publication intitulée Recherche en soins
infirmiers et mis en ligne sur le site cairn.info, le psychiatre,
psychothérapeute et auteur Christophe André évoque l’estime de
soi : « Longtemps, en Occident, l’humilité a été un idéal. Kant
pouvait ainsi écrire : “L’amour de soi, sans être toujours coupable,
est la source de tout mal.” Puis l’individu est devenu la valeur
primordiale de nos sociétés, et avec lui, son ego. »
Les cercles de l’estime de soi
Christophe André explique ensuite que « la notion de la confiance
en soi, que l’on peut assimiler à une composante partielle de l’estime
de soi, désigne ainsi le sentiment subjectif, chez un sujet donné,
d’être ou non capable de réussir ce qu’il entreprend. La plupart des
études soulignent que les sujets à basse estime de soi s’engagent
avec beaucoup de prudence et de réticences dans l’action ; ils
renoncent plus vite en cas de difficultés ; ils souffrent plus souvent
de procrastination, cette tendance à hésiter et à repousser toute
prise de décision. […] À l’inverse, les sujets à haute estime de soi
prennent plus rapidement la décision d’agir et persévèrent
davantage face aux obstacles. L’explication de ces différences tient,
entre autres, à la perception des échecs : les sujets à basse estime
de soi tendent à procéder face à des échecs à des attributions
internes (“c’est ma faute”), globales (“cela prouve que je suis nul”) et
stables (“il y aura d’autres échecs”). Tandis que leurs homologues à
haute estime de soi vont le plus souvent recourir à des attributions
externes (“je n’ai pas eu de chance”), spécifiques (“je reste
quelqu’un de valable”) et instables (“après la pluie, le beau temps :
les succès reviendront”). Ces deux dynamiques s’autoentretiennent.
La première pousse le sujet à basse estime de soi à entreprendre
aussi peu que possible, par peur de l’échec, et donc à bénéficier
moins souvent des gratifications de la réussite, donc à douter
davantage, etc. Tandis que la seconde incite le sujet à haute estime
de soi, moins préoccupé par le risque d’échec, à multiplier les
actions qui, peu à peu, vont nourrir et consolider sa confiance en lui-
même, et le pousser à renouveler les initiatives. »

Christophe André rappelle alors que l’un des rôles fondamentaux


de l’estime de soi « est peut-être de favoriser notre bien-être
émotionnel : le bien-être et la stabilité émotionnelle d’un sujet sont
en effet très dépendants de son niveau d’estime de soi. » Il explique
ainsi qu’un sujet à haute estime de soi et un autre à basse estime de
soi, face à un échec, vont réagir avec la même intensité de tristesse
et de désarroi, mais que cet épisode durera moins longtemps chez
le sujet à haute estime de soi.

L’estime de soi est alors l’un des nœuds de notre bien-être. Arriver
à le dénouer, c’est entrevoir tout ce qui est possible quand nous
pensons que nous méritons. Marie Robert, philosophe, autrice et
directrice d’écoles Montessori, à l’origine également du compte
Instagram @philosophyissexy, a ainsi publié ce texte en mars 2022 :
« Nos journées s’articulent autour de barrières créées uniquement
par notre cerveau. Ce sont des dialogues internes que l’on nomme
“croyances limitantes” et dont l’impact sur nos vies mérite que l’on
s’y arrête. Car à force de mettre des remparts, on étouffe, on se
cogne à nos murs, et nos bleus sont plus douloureux qu’un possible
échec. C’est à cause de ces plafonds que nos vies ne sont pas les
nôtres, que les frustrations surgissent et que les aigreurs naissent
dans notre ventre. Décortiquer nos croyances, c’est conférer à nos
existences la valeur qu’elles méritent. Que nous méritons
absolument tous. […] Je vous souhaite de repousser les murs et de
vous rappeler que vous êtes un trésor inestimable. »
C’est ainsi que le jeune et non moins célèbre compositeur et
pianiste Sofiane Pamart, qui a grandi dans un quartier populaire de
Lille, d’un grand-père mineur, d’une mère professeure de lettres, a
réussi son pari de connaître le succès avec le piano. Dans une
interview sur France Inter, datée du 16 décembre 2021, on apprend
que « depuis que je suis petit, je sais que je vais tout péter », que le
nom de son compte sur Instagram est @pianoking, et qu’il se répète
chaque jour « je veux être le numéro 1 du piano ». Et pourtant, il ne
s’agit pas d’arrogance. Sofiane Pamart explique en effet dans cette
interview : « Je pense que c’est important de se mettre soi-même
dans une espèce de transe qui fait qu’on arrive à accomplir des
choses qui, normalement, ne sont pas faciles à accomplir. Le fait de
me répéter tout ça, tous les jours, depuis que je suis tout petit, me
permet de me surpasser. » Quand l’estime de soi favorise le bien-
être, pousse à la vitalité et développe l’énergie.

« Le jardin et la bibliothèque »
Après le constat du psychiatre et psychothérapeute
Christophe André, l’acte de semer aurait ainsi une portée
symbolique puissante. Semer suppose de planter, puis de cultiver
avant de récolter. Semer suppose également qu’à partir de simples
petites graines, on peut obtenir un jardin inestimable. Un jardin
intime qu’il faudra alors entretenir avec la même rigueur et le même
amour. Ici, avec un peu de matériel simple, on pourra semer de
l’amour, de la confiance en soi, des affirmations positives, de la
poésie, de la tendresse, de la douceur… Tout ce dont on désire !
Objectif : se faire du bien et cultiver son bien-être comme on
prendrait soin de fleurs ou de plantes.

Dans une autre publication Instagram, toujours de mars 2022,


Marie Robert cite d’ailleurs cette phrase de Cicéron : « Si tu as un
jardin dans ta bibliothèque, rien ne nous manquera. » Elle explique
ensuite : « Le jardin et la bibliothèque sont pour Cicéron les deux
types de connaissances dont nous avons besoin.

À partir de la bibliothèque, on plante des idées dans le jardin, et


depuis le jardin, on apporte de la matière concrète dans la
bibliothèque. L’intelligence se construit par ce mouvement d’aller-
retour entre les deux, entre expérience et réflexion, entre le terrain et
la prise de recul. Le jardin et la bibliothèque sont deux microcosmes,
deux reconstitutions miniatures de l’univers dans lesquelles notre
sensibilité se projette et s’élève, ce sont les deux espaces
indispensables à nos fondations. »

D’ailleurs, les bienfaits du jardinage ne sont pas sans rappeler les


vertus de la bibliothérapie ! Cette activité permet en effet de se
détendre et de prendre soin de soi, puisqu’elle produirait des effets
thérapeutiques, notamment en réduisant le stress. Au contact de la
nature, dans le calme, le jardinage exacerbe la créativité. Cette
pratique est aussi une activité physique qui permet de réduire les
maladies cardiovasculaires. Des études montrent en effet que le
jardinage, pratiqué à intervalles réguliers, entraînerait une réduction
de 30 à 50 % des risques de maladies cardiovasculaires. Il ne s’agit
évidemment pas de promouvoir la bibliothérapie comme un sport
(encore que…), mais de faire un parallèle entre l’acte de jardiner et
celui de semer des mots ou des affirmations pour cultiver son bien-
être.

Semer des mots permet, comme le jardinage, de réduire le stress,


d’être au contact de la nature parfois, de la terre, de retrouver ses
racines et, surtout, de faire pousser, de faire naître en pot comme en
soi ce qu’on désire, de (re)devenir la personne qu’on souhaite, de
voir germer celui ou celle que nous voulons être, de cultiver son
jardin le plus intime, pour enfin en récolter tous les bienfaits dans
notre vie quotidienne.

Cultiver son jardin intime


Cultiver l’amour de soi passe alors par la bienveillance envers soi-
même, mais également envers les autres. C’est ce qu’on peut lire
dans l’article Cultiver l’amour de soi : un travail du quotidien, publié
le 5 octobre 2020 sur le site de bien-être Holissence. On y lit que
pour (re)trouver l’amour de soi, il est nécessaire de commencer par
apprendre à être indulgent envers soi-même et envers les autres.
Pour cela, observez votre programme et tentez de déconstruire le
schéma de vos réactions. C’est un travail laborieux, qui peut être
réalisé avec l’aide d’un thérapeute.

Selon cet article, l’amour de soi passe également par les valeurs.
Définir vos valeurs permet de savoir qui vous êtes au plus profond
de vous. Il est important, pour être en accord avec vous-même et
pour vous aimer, de déterminer si vos actions, vos réactions et vos
besoins sont en phase avec vos valeurs, et de tout faire pour que
cela soit le cas. S’autoriser à dire « non » et adopter une bonne
alimentation sont également des outils pour vous apprendre à
prendre soin de vous et à vous aimer.

Enfin, dans un monde où les réseaux sociaux font partie de notre


quotidien, éviter de se comparer est un véritable challenge… Dans
cet article, on nous rappelle que la comparaison aux autres, surtout
sur ces réseaux où nous avons tendance à ne montrer que ce qui va
bien, ce qui est beau, peut provoquer un véritable mal-être et faire
ainsi perdre la confiance en soi. Savoir prendre du recul est alors
indispensable !

Semer permet ainsi de cultiver son jardin intime pour savoir qui l’on
est véritablement et s’aimer avec sincérité. Mais cela permet de
développer également la créativité, que ce soit en semant des
plantes ou des mots. En personnalisant des pots, des étiquettes, des
sachets, des outils de jardinage, en plantant de la poésie, des
affirmations positives, des mots d’amour, on développe des idées,
une créativité, on « fait », et la confiance s’ouvre, comme une plante
qui pousse.

Exercices pratiques
Je sème, je m’aime
Prenez des Post-its ou des bouts de papier, et écrivez sur chacun
des petits mots d’amour à vous-même : « Je m’aime », « J’ai
confiance en moi », « Je passe une belle journée », « Je suis
amour », « Je ne me juge pas », « Je suis la lumière de mon
âme »… Écrivez des phrases positives au présent et tournées vers
vous-même, comme une affirmation forte et puissante.

Semez ensuite ces Posts-it ou ces bouts de papier un peu partout


chez vous : dans votre portefeuille, dans vos livres, sur votre miroir
ou votre frigo, dans un placard, dans vos chaussures… L’acte de
semer vous procurera une grande joie, de même que le moment où
vous allez retrouver ces petits mots d’amour. Prenez alors un instant
pour intégrer chaque mot.

Les boîtes
Le but est de trier, de ranger ce que vous ne voulez plus, mais
également ce qui vous fait du bien. Pour cela, récoltez plusieurs
boîtes, de tailles et de couleurs différentes si vous le souhaitez. Vous
pouvez également prendre des cartons et les personnaliser comme
vous le désirez avec des crayons, feutres, peintures, collages… Le
but est de se faire plaisir et d’être créatif !

Vous pouvez ainsi prévoir une boîte que vous appelleriez par
exemple « Déchets » et dans laquelle vous mettriez tout ce que vous
ne voulez plus : de mauvais souvenirs, des choses qui
correspondent à de mauvaises habitudes, des photos qui vous font
du mal… Vous pouvez également écrire sur du papier tout ce que
vous ne souhaitez plus et les placer dans cette boîte. Ne vous jugez
pas. Ce qui est fait est fait, ce qui a été dit a été dit, ce qui était n’est
plus. Acceptez. Regardez l’intérieur de cette boîte et dites au revoir.
Fermez la boîte, rangez-la dans un endroit où vous allez l’oublier, et
prenez le temps d’intégrer et, surtout, de vous féliciter.
Prévoyez ensuite une autre boîte que vous pouvez nommer
« Petits bonheurs » et mettez-y tout ce qui vous fait du bien : des
livres, des phrases, des photos de moments de joie, de jolis
souvenirs, un doudou… Tout ce qui peut vous réconforter et vous
faire du bien ! Cette boîte pourra alors vous servir de « trousse de
secours » dans les moments plus difficiles. Vous pouvez l’ouvrir à
tout moment en cas de besoin ! Regardez l’intérieur de cette boîte.
Ensuite, fermez-la, rangez-la dans un endroit accessible, prenez le
temps d’intégrer et, surtout, de vous féliciter.

Vous pouvez tout à fait avoir des boîtes pour tout : pour vous
donner confiance en vous, pour vous souvenir de voyages, pour
stimuler votre créativité… Tout est possible à partir du moment où
cela a un sens pour vous !

Clamez un kasàlà !
Le kasàlà est un poème venu d’Afrique qu’on déclame oralement
en public pour célébrer l’autre, lors d’une cérémonie. Dans un article
de Psychologie Magazine, « Kasàlà, faites-vous des louanges ! »,
daté de décembre 2020, Jean Kabuta, professeur de littérature
originaire du Congo et auteur d’une thèse sur le kasàlà, rappelle
qu’« en Afrique, on composait traditionnellement un kasàlà avant ou
après la guerre, pour accueillir un hôte, pour introniser un chef, au
cours d’une cérémonie de mariage ou de funérailles. Dans tous les
cas, il s’agit de célébrer la vie en louant la beauté intrinsèque d’un
être humain à travers l’énumération de ses singularités et de ses
qualités. »
Jean Kabuta a même ouvert des ateliers de kasàlà. « Créer et
réciter un kasàlà renforce l’estime de soi, affûte la sensibilité et rend
réceptif à la beauté de la vie », peut-on lire dans cet article de
Psychologie Magazine. Cette pratique, « qui est une parole prenant
soin de l’âme et du lien, nous permet de dépasser les modes
relationnels basés sur la compétition et la comparaison, pour faire
l’expérience de la complémentarité et ainsi naître à la coopération ».

Les récentes techniques de développement de la personne ont


revisité le kasàlà pour en faire un exercice d’estime de soi. Il s’agit
donc de « s’autolouanger » à travers ce petit poème, dont il faut tout
de même respecter un certain nombre de règles traditionnelles. Pour
commencer, vous devez débuter ce poème par une énumération de
vos prénoms, noms et surnoms, en utilisant des formules différentes
« Je suis… », « Je m’appelle… », « Me voici… », « Moi… » Ensuite,
vous devez dresser la liste de vos qualités morales et physiques, et
de vos talents. Si vous avez du mal à trouver vos points positifs,
mettez-vous à la place de vos proches. Vous décrirez alors ces
qualités en utilisant des comparaisons avec la nature. Par exemple,
« fort comme un chêne », « agile comme un singe », « rusé comme
un renard », « souple comme un roseau »… Essayez d’écrire un
texte bref, mais dont la beauté résonne en vous. Ensuite, il est
nécessaire de déclamer son kasàlà à haute voix à au moins une
autre personne. Vous devez être debout pour le déclamer, tête
haute, voix forte, regard fixe, articulation claire. Vous devez être
fier(e) de vous !

Le kasàlà « permet à l’individu de s’affirmer et d’exister en tant que


sujet, indique Jean Kabuta dans Psychologie Magazine. Il se
caractérise par la hardiesse de dire “Je/je suis/moi”, de se
reconnaître en énonçant son propre nom et en se définissant devant
les autres. Mais le “je” du kasàlà est inclusif, il déborde du cadre de
l’individu. Il est une autre façon de dire ce proverbe zoulou :
“L’homme est homme à travers l’autre.” »

Graines d’amour
Il s’agit là de préparer de petits sachets de graines de plantes ou
de fleurs, mais en renommant ces fleurs par ce que vous désirez
planter en vous.

Pour cela, choisissez donc des sachets de graines de fleurs ou de


plantes, en fonction de ce qui vous plaît. Fabriquez ensuite vos
propres petits sachets : soit à base de papier que vous collez, soit à
base de véritables sachets.

Sur ces nouveaux sachets, renommez les fleurs ou les plantes par
ce que vous désirez semer en vous : « Confiance en moi »,
« Bienveillance », « Résilience », « Amour »… Puis personnalisez
ces petits sachets comme vous le souhaitez à l’aide de crayons,
feutres, peintures, collages… Il s’agit, là encore, de se faire plaisir et
d’être créatif !

Lorsque vous avez terminé vos nouveaux sachets personnalisés,


versez les graines à planter à l’intérieur. Une fois le printemps arrivé,
vous pourrez alors planter votre « Confiance en moi », votre
« Bienveillance », votre « Résilience » ou votre « Amour » dans des
pots ou dans votre jardin. Pensez ensuite à en prendre soin comme
à prendre soin de vous.

Interview
Nathalie Palayret est bibliothérapeute à Saint-Nazaire depuis
2016 après avoir été bibliothécaire pendant 25 ans.

Qu’est-ce qui vous a menée à la bibliothérapie ?

J’avais vraiment l’envie de tisser un lien plus fort entre le texte et le


lecteur, en tout cas plus que ce qu’on fait en étant bibliothécaire.
J’avais aussi envie de m’arrêter davantage sur les livres littéraires.
J’avais lu le livre de Régine Detambel à sa parution et suivi des
études de psychologie, et donc, quand j’ai monté mon projet
professionnel, la bibliothérapie me semblait plus en phase avec mes
envies et mes compétences. J’ai alors suivi plusieurs formations :
celle de Régine Detambel, une autre sur l’animation aux ateliers
d’écriture et une autre via l’IREPS (Instance régionale d’éducation et
de promotion santé), qui s’intitule « Concevoir et animer des ateliers
collectifs » et qui m’a donné des bases très solides sur la conception
d’un atelier, de la formulation des objectifs à la vérification qu’ils sont
atteints.

Comment exercez-vous aujourd’hui ?

Je suis bibliothérapeute à 100 % et je travaille surtout avec des


associations et des collectivités qui vont me solliciter pour des
projets et des ateliers tournant plutôt autour de la parole, de sa
collecte et de sa restitution. Je travaille très peu avec des
particuliers. Quand on construit des projets, ce sont des projets qui
sont montés en amont par la structure, je n’arrive pas avec des
projets clés en main, donc c’est vrai qu’entre leurs besoins et mes
compétences, je m’adapte et navigue entre ateliers d’écriture et
collecte de paroles…

Quels outils privilégiez-vous le plus ?

Je travaille surtout avec la poésie contemporaine. Quand on est


sur un temps court, on va partager un fragment d’un texte. Dans un
roman feel-good, par exemple, c’est suivre tout le personnage et son
évolution qui est intéressant, et en choisir un extrait n’aura pas
forcément d’impact. Alors que la poésie, même en quelques lignes,
ça tient, il y a quelque chose qui passe. Je travaille essentiellement
avec des publics fragiles, éloignés du livre, je ne vais pas leur faire
de lectures longues. Je choisis donc de la poésie avec du
vocabulaire simple. Ce qui est beau, c’est la façon dont les mots
sont mis ensemble, l’image que cela crée. Il n’y a donc aucune
barrière de la compréhension. Il y a ensuite le passage à l’écriture.
Je leur demande d’écrire quelque chose à la manière du poème, ce
qui est paradoxalement plus facile pour eux que de raconter ce qu’ils
ont ressenti. Je peux alors demander de commencer comme le
poème et de poursuivre avec leurs mots, ou bien je vais prendre la
structure, enlever des mots et leur proposer de mettre leurs mots sur
cette carcasse. Je ne leur demande pas ce qu’ils ont ressenti, car
c’est difficile, mais d’écrire leurs poèmes et de les lire ensuite.
L’échange est alors plus fort en lisant ce que chacun a produit, sans
jugement.
Vous avez animé un atelier autour de pots de fleurs. Comment
est-ce qu’il s’organisait ?

C’est un atelier qui durait une heure et demie, organisé à l’Arbre


aux sens, à Saint-Nazaire, qui est un jardin géré par une association
avec qui je travaillais sur plusieurs projets. Ce jardin propose des
ateliers gratuits aux séniors. C’est dans ce cadre que j’ai animé des
ateliers autour de la poésie, donc chaque fois sur un thème différent.
À partir de la littérature, du texte, on va pouvoir faire un
cheminement. Là, c’était sur le thème du jardin, un thème qui permet
l’exploration de l’intime à partir du poème. J’ai sélectionné des
poèmes courts ou des extraits, pour ne pas effrayer. Je rédige des
poèmes sur de petites cartes que je laisse sur la table, et je
demande aux gens de les regarder, de les faire tourner et de garder
celle dont le poème leur aura particulièrement parlé et qu’ils auraient
envie de lire aux autres. C’est donc un temps d’échange où on lit le
poème. Je lis ensuite des poèmes plus longs et je vais donner de
petits exercices d’écriture où chacun est amené à se découvrir. Par
exemple, sur cet atelier-là, j’avais pris de petites pancartes qu’on
plante dans les pots de fleurs. Et j’avais demandé à chacun d’écrire
sur ces pancartes ce qu’il avait envie de faire grandir en lui, ce qu’il
avait envie de semer et de voir pousser. Autre thème sur lequel j’ai
animé un atelier : la clé, qui peut également être un thème fort. À la
fin, j’avais distribué à tout le monde de petits porte-clés en plastique
dans lesquels on peut glisser un papier. J’ai demandé à chacun de
noter le mot qui lui manque pour ouvrir la clé des dernières portes
qui lui sont encore fermées. Et à l’atelier suivant, une participante
m’a confié avoir gardé le porte-clés sur elle. Dans ces ateliers, il y a
quelque chose qui se passe.
3
YOGA ET MÉDITATION

Quoique peu étudiés encore en France, les mots et le yoga ou la


méditation possèdent un lien indéniable, ou en tout cas des points
en parallèle. Leur histoire et leur développement n’ont en effet rien
de commun, et pourtant, ces pratiques produiraient des effets
similaires sur notre bien-être. Des outils précieux qui permettent la
libération des émotions, l’ouverture du cœur, l’écoute de soi-même,
et qui stimulent la confiance et la bienveillance. Ils ne sont donc pas
si éloignés que cela ! Pratiqués régulièrement et en complément, le
yoga, la méditation, l’écriture et la lecture peuvent être une
combinaison gagnante lorsque nous sommes en quête de bien-être.

Le yoga…
Le mot yoga signifie union en sanskrit. Le yoga est une pratique
ancestrale venue d’Inde et qui allie le corps et l’esprit. Un article de
Santé Magazine du 17 juin 2020 l’assure : « Selon la médecine
traditionnelle indienne, un corps sain et une bonne hygiène de vie
sont nécessaires pour une bonne évolution de l’âme et de l’esprit.
Les exercices de yoga mêlent méditation, gymnastique douce,
postures et respiration. Objectif : permettre de libérer les tensions
psychophysiques accumulées dans les chakras. Les chakras sont
des centres d’énergie spirituelle situés dans le corps, en
correspondance avec certaines fonctions vitales, mentales et
spirituelles. On en compte généralement sept, de l’extrémité basse
de la colonne vertébrale jusqu’au sommet du crâne. La libération
des chakras permettrait une meilleure union du corps et de l’esprit,
et une meilleure santé pour le pratiquant. »

Alors que dans la tradition indienne, il est vecteur de bonne santé


générale, dans la société occidentale, le yoga agit sur le bien-être et
la détente. Cet outil est ainsi recommandé pour la réduction du
stress, l’amélioration de la respiration, mais également pour certains
troubles comme le diabète. Mais le yoga permet aussi d’être plus à
l’écoute de son corps, de ses sensations, de s’ancrer dans le
moment présent, d’être en pleine conscience, de prendre du recul,
de pratiquer une exploration de soi, de sa vulnérabilité, de ses
forces… Tout comme la bibliothérapie.

Selon une étude du Syndicat national des professeurs de yoga, en


2020, dix millions de Français pratiquaient le yoga. Un engouement
qui a connu une accélération avec la pandémie de covid-19 et les
confinements de cette même année. En effet, toujours selon cette
étude, 26 % des pratiquants ont commencé à pratiquer le yoga en
2020.

La méditation…
La méditation est l’un des outils du yoga. Cette pratique spirituelle
orientale permet de lâcher prise, de s’ancrer dans un moment précis,
de procéder à une introspection de ses sensations et donc
d’améliorer son bien-être en diminuant le stress et en se libérant. La
méditation permet aussi de développer la concentration, de soulager
certaines douleurs et certains troubles du comportement alimentaire.
Elle régule les humeurs, améliore la confiance, l’empathie et les
relations avec les autres. Enfin, elle augmente également la
concentration.

Dans un rapport universitaire d’Annick Giraud intitulé Faciliter


l’accès au geste d’écriture par la pratique de la méditation de pleine
conscience, on apprend que les raisons de se déconcentrer sont
nombreuses : « En effet, nous avons une tendance naturelle à nous
laisser emporter par nos pensées soit dans le passé, soit dans le
futur, notre cerveau étant de nos jours sans cesse sollicité et ainsi
amené à zapper d’une idée à l’autre (“Méditer pour mieux se
concentrer”, Rebecca Shankland et Valentin Flaudias, Sciences
humaines no 298, décembre 2017, p. 5). » Mais ces distracteurs
peuvent également être externes : les messages qui arrivent sur le
téléphone, la télévision, les écrans d’une manière générale : « Selon
Jeanne Siaud-Facchin (2014, p. 162), de plus en plus d’études
montrent que la méditation de pleine conscience entraîne l’attention
et permet une amélioration significative du contrôle de l’impulsivité́ .
Ainsi, la méditation de pleine conscience permet d’entraîner notre
mental à revenir à l’instant présent, à repérer quand il répond aux
stimuli extérieurs. »

Ce rapport universitaire cite également d’autres études. Par


exemple, celle qui a démontré que la méditation joue sur la
concentration. Des méditants de longue durée arriveraient ainsi à
rester « longtemps et efficacement concentrés ». Ensuite, la
méditation de pleine conscience permet d’apprendre à s’observer et
à s’écouter. « Bien souvent, nos émotions apparaissent d’abord
dans notre corps : la respiration est influencée par le stress, la peur,
par exemple. La méditation de pleine conscience peut permettre un
moment de recentrage sur soi, offrant ainsi de ressentir les signaux
que nous envoie notre corps. » Dès lors, grâce à une pratique
régulière, nous pouvons repérer les émotions, le stress, certains
blocages dans le corps, et donc agir en conséquence pour mieux les
réguler.

Méditer régulièrement permet ainsi de mieux s’observer et de


mieux se connaître, d’appréhender ses limites. Enfin, le rapport
d’Annick Giraud susmentionné rappelle que la méditation est « à la
base de la bienveillance envers les autres (empathie) et avant tout
envers soi-même. Elle nous oblige à porter un regard neutre, objectif
sur nous-mêmes, et ainsi, elle apprend à chacun de nous à nous
accepter tels que nous sommes, avec nos qualités et nos défauts.
Comme chacun accueille ses émotions, qu’elles soient positives ou
négatives. Jeanne Siaud-Facchin écrit que “la confiance en soi est
une question d’équilibre” (2014). Il s’agit, en effet, de reconnaître nos
forces et d’accepter nos points de fragilité. »

Mais au-delà de la sérénité, de la concentration et de la confiance


apportées au pratiquant, la méditation pourrait également accroître
la créativité. Dans un article de Santé Magazine, on apprend même
que, pour le « Dr John Fagan, biologiste moléculaire à l’Université
de management Maharishi, pratiquer la méditation deux fois par jour
peut considérablement augmenter la créativité. » Toujours selon cet
article, « d’après une étude publiée dans The Journal of Creative
Behavior, une pratique régulière augmente le flux sanguin vers le
cerveau et affecte les ondes cérébrales, permettant au praticien
d’accéder à des niveaux de conscience plus profonds. »

Accessible à tous, la méditation a tout pour elle. Elle peut en effet


se pratiquer assez facilement à n’importe quel moment, en étant
assis, en marchant, en écoutant de la musique, à l’extérieur, à
l’intérieur…

… mais pas seulement


Mais d’autres pratiques proposent les mêmes bienfaits. C’est le
cas notamment de la sophrologie. Moins ancestrale que la
méditation, cette pratique est présentée comme « une méthode
psychocorporelle utilisée comme technique thérapeutique ou vécue
comme une philosophie de vie ». La sophrologie s’appuie sur des
outils autour de la respiration, de la relaxation, de l’imagination
positive et de la visualisation pour véhiculer une sensation de bien-
être.

Tous ces outils reposent en partie sur la respiration. Et là encore, le


lien avec les mots est présent, discrètement, sans qu’on l’étudie, et
pourtant si évident. La respiration est nécessaire pour la lecture, et
l’est tout autant pour l’écriture. Dans certains exercices, on inspire
puis on écrit comme on expire fortement. La respiration fait partie
intégrante de la bibliothérapie ; elle permet de s’ancrer dans un
moment présent, dans l’univers, mais aussi de prendre du recul, de
lâcher prise, d’écouter ses émotions, d’observer ce qui se passe en
soi avant de se jeter dans une exploration profonde.

La respiration, la pleine conscience, la méditation, le yoga sont des


outils puissants afin de mieux observer, mieux lâcher prise, mais
lorsqu’ils sont associés à des ateliers d’écriture ou de lecture à voix
haute, ou à un vision board, leurs bienfaits sont décuplés. Ce sont
des sensations qui permettent d’ouvrir le champ des possibles en
matière de créativité. Notre esprit, notre cœur et notre corps
s’ouvrent ainsi au bien-être et à la confiance.

Stimuler notre créativité pour oser montrer qui nous sommes. Ce


processus ne s’adresse pas qu’aux créatifs, mais s’ouvre à tous, tant
que nous ouvrons l’espace en faisant le vide et en nous connectant
à notre cœur. Et les pratiques comme le yoga, la méditation et la
sophrologie permettent cette ouverture et cette connexion.

Exercices pratiques
Après chacun de ces exercices, écrivez tout ce qui vous passe par
la tête, vos émotions et vos sensations.

La météo intérieure
La météo intérieure est un exercice simple qui vise à observer
notre humeur, nos sensations et nos émotions. Il ne s’agit surtout
pas de juger, mais de faire un état des lieux de ce que nous
ressentons dans le corps, le cœur et l’esprit, et d’accepter cet état.
« Quand on a appris à les repérer, on arrive mieux à s’adapter et à
comprendre ce qui est important pour nous », d’après Jeanne Siaud-
Facchin, autrice de Tout est juste là, publié aux Éditions Odile Jacob
en 2014, et citée dans le rapport universitaire d’Annick Giraud
évoqué précédemment.

Installez-vous confortablement, soit sur le rebord d’une chaise, le


dos bien droit, soit assis en tailleur sur un support. Puis observez
simplement. Prenez le temps d’observer votre corps, les douleurs,
les tiraillements, mais aussi vos pensées, vos émotions sans les
juger. Respirez profondément.

Méditez
C’est l’exercice le plus simple qu’il soit ! Vous pouvez méditer
partout : en marchant, assis(e) chez vous en silence, en vous levant
le matin, en vous couchant le soir, en écoutant de la musique… La
méditation peut se pratiquer facilement. Cherchez simplement la
manière qui vous correspond le plus et accordez-vous quelques
minutes de méditation dès que vous en avez l’occasion.

Pour ce faire, essayez de faire le vide dans votre tête et d’être en


pleine conscience de votre corps, dans cet instant. Vous pouvez
vous asseoir sur un support, une chaise, allumer une bougie… Tout
ce qui peut vous détendre et vous aider à lâcher prise !

Respirez. Installez-vous confortablement, soit sur le rebord d’une


chaise, le dos bien droit, soit assis en tailleur sur un support. Vous
pouvez aussi vous allonger. Prenez un temps pour observer ce qui
se passe dans votre corps, essayez de chasser toutes vos pensées.
Concentrez-vous ensuite sur votre respiration, une respiration
longue et profonde. Inspirez par le ventre sur cinq temps puis
expirez également sur cinq temps. Cette technique s’appelle la
cohérence cardiaque. Elle permet de faire ralentir le rythme
cardiaque et vous oblige à prendre le temps.

À réaliser durant cinq minutes au minimum et à répéter sans


modération !

Chantez des mantras !


Les blocages face à la créativité sont souvent dus à un manque de
confiance en soi. Pour faire sauter ces verrous, la répétition de
mantras peut aider à avoir une meilleure image de soi. Cette
pratique rappelle celle de la pensée positive, appelée aussi méthode
Coué. La répétition de mantras peut ainsi nous pousser à faire
preuve de plus de bienveillance envers nous-mêmes et donc à ouvrir
le champ des possibles en matière de créativité.

Installez-vous confortablement soit sur le rebord d’une chaise, le


dos bien droit, soit assis en tailleur sur un support de yoga. Vous
pouvez aussi vous allonger. Prenez un temps pour observer ce qui
se passe dans votre corps, essayez de chasser toutes vos pensées.
Concentrez-vous ensuite sur votre respiration par le ventre. De
nombreux mantras sont disponibles sur les plateformes de musique,
par exemple « I am the light, light, light, light of my soul. I am
beautiful, I am bountiful, I am bliss, I am, I am1 ». Choisissez le ou
les mantras qui vous parlent, qui vous touchent le plus, et chantez-
les dans cette position pendant plusieurs minutes. Réécoutez-les
ensuite régulièrement.

Le ciel
Cet exercice est tiré du livre Mon journal créatif d’Anne-
Marie Jobin. « Pendant 10 à 15 minutes de méditation, observez vos
pensées comme si elles étaient des nuages qui passent : accueillez
chaque pensée, “touchez-la” légèrement avec votre attention, puis
laissez-la aller. Concentrez-vous ensuite sur le ciel derrière les
nuages. Savourez le calme de cet espace. Maintenant, dans votre
journal, écrivez un portrait chinois qui commence par “Je suis la
vaste étendue du ciel et je me sens…” »

Rédigez toutes vos sensations, sans vous arrêter, sans réfléchir.


Puis relisez et prenez un temps pour intégrer.

Interview
Lili Barbery-Coulon est professeure de méditation et de yoga.

La créativité a-t-elle une place dans ta vie ?

Je pense que, comme chaque être humain, oui. On est des êtres
créateurs. C’est ce qui nous constitue. Mais souvent, nous faisons
de la créativité un temple qui nous paraît un peu intimidant. C’est-à-
dire que sous ce mot, on place peut-être des attentes de réussite, de
trophée, on associe peut-être l’idée de la créativité à une vibration
artistique. Or, pour moi, lorsqu’on est en train de cuisiner, par
exemple, on peut déjà faire preuve de beaucoup de créativité. Autre
exemple : si l’on est expert-comptable, imaginer un tableau est une
forme de créativité. Donc la créativité s’exprime sous toute sorte de
formes différentes, selon les individus. Personnellement, j’ai
vraiment besoin de laisser libre cours à cette créativité. Dès que j’ai
une idée, j’ai besoin de l’expérimenter, de la voir se manifester.

Tu as été journaliste, tu écris. Quel est ton rapport à


l’écriture ?
J’écris tous les jours et lorsque je n’écris pas, je parle ! (Rires) Les
mots sont importants pour moi, et l’expression orale et l’expression
écrite sont deux modes créatifs qui le sont tout autant. Mais pas
seulement. J’aime aussi tout ce qui est manuel. […] Je suis par
ailleurs très exigeante par rapport à tout ce qu’on produit
visuellement, sur mon blog, sur Instagram, sur mes objets littéraires.
Et donc, ma créativité s’exprime aussi à travers la photographie que
je pratique. Pour moi, créativité et inventivité sont deux mots assez
proches, il s’agit de trouver la manière d’inventer de nouvelles
façons de faire, même sur des sujets du quotidien.

Quel est le principal bienfait de la méditation ?

La méditation me permet d’observer ce qui est en présence, ce qui


me traverse, qu’il s’agisse d’un ressenti corporel, physique, du flow
de mes pensées, mais aussi dans ces pensées, des idées qui
émergent, des désirs, des envies, des émotions, qu’elles soient
agréables ou désagréables. Elle me permet de prendre conscience
de ce qui m’empêche d’avoir une créativité fluide, de donner
naissance à des idées qui sont pourtant là. Et souvent, je me rends
compte que c’est en lien avec des pensées qui me poussent à croire
que « je ne suis pas capable » ou que « je n’ai pas le droit de… »,
que « je ne suis pas autorisée à créer », que « je ne suis pas
légitime », que « je risque de déplaire », que « je risque d’être
jugée ». […] Ces limitations répondent parfois à du bon sens. Par
exemple, si d’un seul coup, je me dis « J’ai tellement envie de
danser à l’Opéra de Paris », que j’ai ce désir, je vais peut-être me
dire « Non, je ne vais pas tout plaquer pour devenir danseuse étoile
à 45 ans », c’est du bon sens qu’il faut que j’écoute. Mais ça ne
m’empêche pas d’entendre cette étincelle et de me dire « Je vais
m’inscrire à un cours de danse, car j’en ai très envie ».

La méditation peut-elle stimuler la créativité ?

Non, la méditation vise à stimuler la créativité, mais je ne peux pas


dire que l’on est plus créatif parce qu’on médite. Je pense qu’il y a
beaucoup de créateurs qui n’ont pas besoin de méditer, et que des
méditants ne sont pas forcément des êtres créateurs. Certains
méditent beaucoup, mais ne sont pas reconnus pour leur créativité,
d’autres sont très productifs en créativité, mais n’utilisent pas
nécessairement la méditation. Il n’y a pas de lien direct. Mais la
méditation me permet d’observer. Et ces dernières années, ces
outils m’ont permis d’être beaucoup plus créative qu’avant. Je me
suis autorisée plus de choses, car j’ai vu que ces limites ne
répondent pas à une vérité me concernant, mais plutôt à un
conditionnement de phrases qu’on m’a toujours répétées : « Ça, tu
ne peux pas le faire » ou « Tu dois exceller dans un domaine pour
commencer à travailler dans ce domaine ». La méditation est alors
un soutien pour prendre conscience et traverser les barrières qui
nous empêchent de le faire.
Est-ce en cela que la pratique t’a aidée ?

Ce que le yoga et des années d’analyse m’ont permis de voir, c’est


que j’étais totalement empêchée par les jugements que je formulais
moi-même à mon sujet et par les jugements émis par les autres, qui
n’étaient en réalité que le reflet de mon jugement envers moi. Je ne
sais pas comment ça s’est déroulé, je ne peux pas dire « il y a cet
exercice miraculeux qui va faire que… » Je ne crois pas au
claquement de doigts, on chante un mantra, on fait un rituel et ça y
est, on se transforme. C’est en fait la répétition qui va créer un éveil
de conscience. « Je me rends compte que chaque fois que je suis
dans cette situation, je reproduis le même schéma et je m’empêche.
Je peux essayer de faire autrement pour voir, pour me faire du
bien. » Ce qui m’anime au quotidien, c’est me permettre de prendre
conscience de ce qui m’empêche. Une fois que j’ai compris, je
change la narration en la répétant, en y mettant tout mon cœur, et je
vois ce que ça donne, ce que ça provoque comme émotions en moi.
Peut-être qu’aujourd’hui, je n’y arriverai pas, mais c’est acceptable,
car ce n’est pas en un claquement de doigts qu’on y arrivera. Tout le
monde vend une méthode rapide : en trois vidéos, c’est bon. Mais
non. Petit pas après petit pas, peut-être que cela fonctionnera et que
l’on comprendra quelque chose sur son fonctionnement à un
moment donné, et peut-être aussi que pour d’autres, ce sera plus
long.

Comment retrouver alors de la créativité selon toi ?

Quand tu es empêché dans ta créativité, tu ne sais même plus de


quoi tu as envie. Il y a beaucoup de gens qui n’arrivent même pas au
stade de se dire : « J’ai envie de ça ». Ils sont tellement pris au
piège de toutes les pensées difficiles, douloureuses. C’est Stromae
dans sa chanson L’Enfer, quand il déclare « je ne sais pas combien
on est dans ma tête, mais beaucoup ». Il y a tellement de monde
dans ta tête pour te dire que tu es nul(le), que tu ne sais même plus
de quoi tu as envie. Tu n’as envie de rien. Il n’y a plus d’élan. […]
Quand on part de ce niveau-là de désespoir, entendre parler de
méditation et d’étincelle, ça paraît tellement loin. La créativité, on ne
la voit plus. Dans ce cas, je demande aux gens de lister des activités
qu’ils aiment faire, très simples, de la vie quotidienne, comme
respirer l’odeur de la pluie, aller au marché, câliner leur chat… Et en
fait, en retrouvant ces moments de joie réconfortants, accessibles et
tout simples, et en me les accordant régulièrement dans la journée,
je peux réactiver cette étincelle de joie qui va mener à l’élan. Et dans
mes méditations, j’essaye d’utiliser des images et de placer les gens
dans ce qu’ils connaissent, de les connecter à des choses qui sont
bien réelles. Si tu fermes les yeux et que tu cherches à compter le
nombre d’étoiles dans le ciel, c’est impossible… Ce ciel étoilé,
gigantesque, c’est fou ! On fait partie de ce grand tout, de ce cosmos
tout entier. Je ne sais pas pourquoi on est là ni où l’on va, mais là,
pour le moment, on a quand même la possibilité de fermer les yeux
et d’imaginer cette immensité. […] Quand je me dis que je fais partie
de ce grand tout, de cet univers tout entier, je me sens à la fois
minuscule et très grande dans ma capacité à créer.
1. Je suis la lumière, lumière, lumière, lumière de mon âme. Je suis beau/belle, je suis généreux, je suis la félicité, je
suis, je suis.
4
LES ATELIERS D’ÉCRITURE

« Écrire est semblable à respirer », selon l’écrivain espagnol


José Carlos Llop. Une citation qu’il pourrait sans doute d’autant plus
confirmer depuis la pandémie de covid-19. Comme une nécessité de
sortir, de respirer, il semble que nous n’avons jamais autant écrit.
Les ateliers d’écriture en ligne explosent et les maisons d’édition
sont submergées de manuscrits, à tel point que certaines d’entre
elles ont décidé de fermer leur boîte aux lettres. Depuis le premier
confinement, en France, au printemps 2020, elles auraient en effet
reçu 20 à 30 % de plus de manuscrits. Nous n’avons jamais
bénéficié d’autant de temps pour écrire et, surtout, nous n’avons
jamais autant éprouvé le besoin de le faire.

Les bienfaits de l’écriture


Il faut dire que l’écriture de fiction comme de nos propres
sentiments regorge de vertus ! La liste non exhaustive des bienfaits
de cet outil devrait nous convaincre d’avoir toujours de quoi écrire,
noter, griffonner sur nous.

Prendre conscience de nos émotions et du moment


présent
Écrire permet de nous ancrer dans un moment avec nos émotions.
C’est un outil qui appréhende la pleine conscience et l’observation
de soi, même lorsque nous écrivons de la fiction. Pour écrire, il est
nécessaire d’observer ce qui se passe en nous et autour de nous, et
cette capacité à observer permet de mieux comprendre ce qui se
joue.

Soulager les douleurs du corps et de l’esprit


Une fois qu’on a écouté son corps et son cœur, ces pratiques
peuvent soulager certaines douleurs physiques ou de l’esprit.
L’écriture, notamment l’écriture expressive, permet de donner du
sens à ce que nous traversons. Elle offre en cela une certaine prise
de recul. Elle facilite par ailleurs la gestion de la douleur et des
traitements qui peuvent être lourds pour certaines maladies graves,
et le fait de mettre des mots sur ses émotions afin de mieux les
appréhender.

Améliorer son sommeil


Les études le montrent : écrire seulement cinq minutes par jour
dans un journal intime favorise un meilleur sommeil. Cet outil permet
en effet de vider ce que nous avons dans la tête, comme un
exutoire, de transposer nos émotions, les événements de la journée,
nos réactions, etc., sur le papier. En nous libérant du stress et des
pensées qui nous envahissent à chaque instant, nous offrons à notre
corps et à notre esprit la possibilité de mieux se reposer.
Être bienveillant avec soi-même et avec les autres
L’écriture, tout comme la lecture, développe l’empathie. Cette
pratique pousse en effet à être curieux, à l’écoute, et cette ouverture
d’esprit favorise ainsi la bienveillance envers soi-même et envers les
autres. Par l’écriture, notamment l’écriture expressive, nous
apprenons à accepter nos forces, mais également nos fragilités,
sans jugement. Et accepter cela de soi, c’est l’accepter chez l’autre.

Développer son imagination et donc sa créativité


Ah, l’imagination, cette grande oubliée de notre société ! La
preuve : le sujet d’invention proposé à une époque au bac de
français en filière générale n’existe plus depuis 2020. Les élèves
doivent analyser, réfléchir, mais sûrement pas imaginer… Pourtant,
une imagination entretenue permet de nourrir sa créativité, avec tout
ce que cela engendre : une plus grande confiance en soi, une
bienveillance accentuée, une plus grande souplesse face aux
événements de la vie… Quand on arrive à imaginer, on peut alors
s’adapter. Et l’imagination est comme un muscle : plus on l’oublie,
moins on parvient à l’activer. En revanche, plus on s’entraîne et
mieux on saura s’en servir.

Atteindre ses objectifs


L’écriture aide également à obtenir des objectifs. Dans un article de
Psychologie daté de décembre 2020, on apprend que « le chercheur
américain Dr Gail Matthews, de la Dominican University, en
Californie, a démontré en 2015 qu’écrire ses objectifs permettait
d’augmenter ses chances de réussite de 42 %. Pourquoi ? Parce
que les noter est un premier pas, une forme d’engagement, et parce
que cela nous oblige à rationaliser, à prioriser, et nous rappelle le
point à atteindre. » De quoi stimuler sa confiance en soi, mais pas
seulement ! Cette pratique régulière permet de gagner en
optimisme, en motivation, en rigueur et, bien sûr… en créativité !

L’écriture de fiction
Pas besoin de prétendre au Goncourt pour écrire ! Même si la
littérature possède un côté un tant soit peu élitiste, particulièrement
en France, chacun peut tout à fait écrire, avoir envie (ou besoin ?)
de partager des histoires, des émotions à travers un simple récit,
voire de transmettre quelque chose. Écrire est un acte pour lequel il
faut affronter la page blanche, choisir ses mots, faire vivre des
personnages et naître des décors, prendre le temps de se relire
plusieurs fois.

Écrire, c’est faire quelque chose qui mobilise le cœur, le corps et la


tête. C’est faire naître un autre univers, un monde parallèle, celui de
l’histoire. Et le simple fait de « faire » est un incroyable activateur de
créativité et de confiance en soi. Par le stylo ou les touches du
clavier, nous donnons vie. Écrire est un acte courageux et ce
courage permet d’être fier(e) de soi. Et c’est là toute la beauté de la
pratique.

C’est également engager son imagination. C’est le propre de l’être


humain : chacun de nous naît avec ce potentiel, nous possédons
tous en nous une dose d’imagination. D’ailleurs, les enfants sont
tous imaginatifs et créatifs, c’est ainsi qu’ils construisent des
cabanes, qu’ils jouent au docteur, avec des poupées, qu’ils créent
des histoires avec des personnages, qu’ils se déguisent…
Seulement, la société et l’éducation nous entraînent à devenir, une
fois arrivés à l’âge adulte, des êtres logiques, rationnels, réfléchis,
qui font preuve de plus ou moins de discernement. L’imagination est
alors laissée en friche pour bon nombre d’entre nous (sauf pour
celles et ceux qui ont eu la volonté d’intégrer l’imagination à leur
parcours de vie). Nous aurions même tendance à assurer, quand on
nous pose la question, que : « Ah non, moi, je ne sais pas
imaginer ». Mais tout le monde sait imaginer quand on fait le choix
d’entraîner son imagination.

Pour ce faire, il existe des exercices simples. Les outils proposés


en bibliothérapie permettent en effet de favoriser l’imaginaire en
ouvrant les sens, en ayant confiance en soi, en lisant, en écrivant,
en créant. Imaginer offre la possibilité de sortir du réel, d’être plus
souple, de savoir improviser, d’avoir confiance, d’être de nouveau
cet être créatif, de retrouver ce que nous étions enfants et de
redevenir un sujet actif. « C’est par ces êtres fictifs que les œuvres
donnent forme à notre vie », assure ainsi Régine Detambel dans son
livre Les livres prennent soin de nous. L’écriture de fiction permet
dès lors d’activer son imagination et donc sa créativité. De quoi,
sans aucun doute, prendre soin de soi.

L’écriture de poésie
« Si l’on prend la poésie comme une alliée de vie, comme une
source, ça change tout », a déclaré Pascale Senk, journaliste et
autrice de livres autour du haïku, sur France Inter, dans l’émission
Grand bien vous fasse ! du 13 décembre 2019, à propos des
« vertus thérapeutiques de la poésie ».

La poésie possède en effet de nombreux bienfaits. En plus de


travailler l’imagination, l’écriture de poésie oblige l’auteur à se
concentrer sur le beau, le rythme, la musicalité. Là encore, pas
besoin d’être Louis Aragon, Guillaume Apollinaire ou Andrée Chedid.
Écrire de la poésie n’oblige pas forcément à respecter des règles de
métrique ou de rime, même si ce qui nous apparaît comme une
contrainte peut aussi être perçu comme un jeu d’écriture et ainsi
nous pousser à développer notre créativité.

Dans cette émission consacrée donc à la poésie, Pascale Senk, à


l’origine des ouvrages Mon année haïku et L’Effet haïku (aux
Éditions Points) précise : « [C’est] la beauté des mots qui nous saisit
et que nous ne sommes pas capables d’analyser techniquement. On
peut analyser la forme, des quatrains, des alexandrins, mais ce que
les images poétiques transportent, la beauté qu’elles évoquent en
nous n’est pas rationalisable. Et c’est ça qui est absolument
merveilleux. » Après les attentats de 2015 à Paris, l’autrice a eu
besoin de transmettre les haïkus. Elle raconte : « Jamais je n’aurais
osé en écrire. Et en fait, quand je suis allée sur les lieux des
attentats, ma mère habitait au-dessus du Petit Cambodge, je suis
allée devant ce trottoir minuscule. Et je n’avais pas de mots pour
exprimer ce que je ressentais, cette vulnérabilité, le fait de voir la
ville si vulnérable. Je n’avais pas de mots. Alors, je suis remontée et
j’ai écrit : “Sur les trottoirs gris, les bouquets de fleurs fanées,
comme ils sont mouillés”. Ce n’était rien. Mais le fait d’avoir pu
mettre une image, de pouvoir le partager avec d’autres, cela m’a
montré que le langage pouvait nous aider à nous relever. »

Le haïku est une forme de poème bref de 17 syllabes accessible à


tous, à partir du moment où nous prenons le temps d’observer. Pour
Pascale Senk, il intensifie le fait d’appartenir au monde : « Je sors et
je me dis : “Tiens, qu’est-ce qui va donner des haïkus aujourd’hui ?”
Quand vous vous promenez dans votre ville ou dans la nature, que
vous êtes ouvert, vous vous dites que chaque instant est un rendez-
vous. C’est une méditation créatrice. Cela intensifie la capacité de
méditation. »

Écrire de la poésie oblige à observer afin de mettre en exergue


une certaine beauté, mais également une certaine réalité. Ainsi,
Michael Edwards, poète, critique et professeur franco-britannique, a
dit : « La première vertu de la poésie serait de nous donner un accès
plus intime au réel, de changer, se faisant, notre perception du réel
et de suggérer la possibilité d’un changement véritable. » Écrire de
la poésie nous amènerait donc à croire que le changement est
possible, que tout est possible.

Pour Christilla Pellé-Douël, journaliste au Psychologie Magazine,


également invitée dans cette émission autour de la pratique des
poèmes, « la poésie est un moyen de s’agrandir, de toucher ce que
nous avons de plus sensible. À mes yeux, ce qui compte, c’est d’en
lire et d’en entendre. Dans les moments de chagrin, de deuil, la
poésie est un moyen très important pour traverser ses épreuves. »
La journaliste explique alors : « La beauté fait du bien, soigne,
apaise et permet de nous ressourcer. La poésie fait ressortir des
choses que nous ne serions pas capables d’exprimer nous-mêmes
de manière spontanée, et soudain, il y a un écho qui se propage en
nous et qui nous permet de nous agrandir. La poésie nous agrandit,
elle nous rend plus intelligents, plus sensibles et meilleurs. » Lire et
entendre de la poésie, mais également en écrire, sans jugement,
avec bienveillance. Écrire la beauté, sa propre définition de la
beauté, pour associer les bienfaits de la poésie à ceux de l’écriture,
et ainsi, se faire du bien.

Dans ce sens, Anne-Marie Jobin, dans Mon journal créatif, évoque


la poésie comme un outil précieux : « La poésie amène souvent un
état contemplatif et nourrissant, qui ouvre le cœur ; on dit d’ailleurs
que c’est le langage privilégié du cœur. » L’autrice et art-thérapeute
québécoise suggère de favoriser l’écriture d’une poésie spontanée,
plutôt qu’une création dans des formes classiques de poésie, c’est-
à-dire de se laisser aller à écrire une poésie dont la beauté et le
rythme vont nous parler, plutôt que de respecter des rimes et une
versification précises. « Cette façon de faire enrichira vos
explorations, vous ouvrira à des atmosphères et à des ressentis
particuliers, nourrira votre âme. »

La poésie apparaît également comme un formidable terrain de jeu


ludique. Son écriture propose un espace de liberté infinie dans
lequel on peut faire des associations d’idées, jouer avec les mots,
structurer les phrases, les déstructurer… Encore une fois, tout
semble possible. « L’écriture poétique apporte une satisfaction et un
plaisir différents de l’écriture ordinaire, car elle permet d’explorer les
choses sous d’autres angles, et favorise ainsi l’émergence de
matériel riche et parfois insoupçonné. »

L’écriture expressive
Développée dans les années 1980 par un psychologue américain,
James Pennebaker, l’écriture expressive a pour but d’écrire ce que
l’on ressent. Elle est même aujourd’hui un véritable outil
thérapeutique. Dans un article disponible sur le site de
France Culture daté de mars 2021, Sylvie Gendreau, professeure
d’écriture créative à Montréal, explique : « C’est vraiment quelque
chose qui nous fait du bien, parce que ça nous permet de faire une
synthèse sur ce qui nous arrive, sur ce que l’on ressent. »

Cet outil installe en effet une distance entre nous, nos émotions et
les événements de notre vie. Ces derniers prennent un nouveau
sens et nous pouvons alors plus facilement « passer à autre
chose ». L’écriture expressive nous permet de mettre des mots sur
nos maux, de parler de nos sentiments, de nos émotions, mais
également de nos schémas et de nos croyances, et enfin, d’analyser
les événements de nos vies. « En la réécrivant, on ne revit pas la
situation. On la recrée. La recréation d’un souvenir, le fait de revenir
dans le moment présent pour analyser un événement du passé va
permettre de relativiser, de donner de la cohérence et de retrouver
un état d’esprit beaucoup plus positif par rapport à un événement,
même s’il a été traumatique », explique Sylvie Gendreau.

Dans un article de Psychologie paru le 4 décembre 2020, ces


bienfaits sont prouvés : « Plusieurs chercheurs américains ont
travaillé sur ses bénéfices pour la santé psychologique, et tous ont
montré que l’écriture expressive permettait d’améliorer la conscience
et l’acceptation de soi, mais aussi de lutter contre les ruminations,
les pensées négatives envahissantes, l’anxiété et les stratégies
d’évitement. […] C’est prouvé : écrire fait baisser la pression, et
mieux encore, cela tend à nous rendre plus optimistes. »

L’écriture expressive produit ainsi des effets positifs sur le sommeil,


sur les relations sociales, mais également dans le traitement de la
dépression, des stress post-traumatiques, des troubles
obsessionnels compulsifs… Cet outil peut aussi être préconisé dans
le cadre d’un traitement lourd contre une maladie grave. L’écriture
aide alors à mieux gérer la douleur.

Exercices pratiques
Ces quelques exercices pratiques sont des outils de l’écriture
expressive. Ils permettent de procurer un certain bien-être à celui qui
écrit ses pensées, ses émotions. Mais l’écriture de fiction comme
l’écriture de poésie, moins « directement thérapeutiques », peuvent
tout autant prodiguer de réelles vertus sur notre bien-être,
notamment en développant notre imagination et notre créativité.

Le journal intime
Un article de Psychologie paru le 4 décembre 2020 nous apprend
que « ce sont bien souvent les soucis, les ruminations, les idées
noires qui nous tiennent éveillés, parfois tard dans la nuit. Une
nouvelle étude du Journal of Experimental Psychology aux États-
Unis vient de montrer que tenir un journal et y écrire 5 minutes
chaque soir avant d’aller se coucher permet de s’endormir plus
facilement. » Tel est l’un des bienfaits du journal intime. Car ce
cahier, ce carnet ou ce bloc-notes est un véritable vide-poches dans
lequel nous pouvons déposer toutes nos pensées, nos humeurs, nos
émotions. Il nous permet donc de prendre du recul sur les
événements quotidiens, mais également de laisser nos mille et une
pensées de côté.

Rien de plus simple à mettre en place : prenez un carnet, ou un


cahier, et un crayon, et conservez-les sur votre table de chevet.
Écrire le soir, avant de se coucher, permet de vider son cœur et sa
tête pour une douce nuit. Alors qu’écrire le matin, après avoir ouvert
les yeux (avant même de regarder son téléphone…), permet d’y
déposer ses rêves, ses attentes pour la journée, ses pensées, afin
de bien commencer la journée.

L’écriture automatique/spontanée
C’est l’un des outils les plus puissants en matière d’écriture.
L’écriture automatique, appelée également écriture spontanée ou
rapide.

Installez-vous confortablement sur une chaise. Prenez quelques


instants pour fermer les yeux et respirer tranquillement et
profondément. Essayez de ne penser à rien. Inspirez. Expirez.
Laissez passer toutes les pensées qui vous traversent. Sentez votre
corps, bien assis(e). Respirez. Lorsque vous êtes prêt(e), ouvrez les
yeux.

Prenez un papier et un stylo. Fixez-vous un objectif, par exemple


vingt minutes ou trois pages, et durant tout ce temps, écrivez tout ce
qui vous passe par la tête, sans relire, sans faire attention à la
grammaire ou à l’orthographe. Écrivez. Ne vous arrêtez pas.
L’objectif fixé en temps ou en page vous oblige à continuer même
lorsque vous bloquez ou que vous croyez ne plus rien avoir à dire. Si
vous bloquez, continuez. Si vous paniquez, continuez. Écrivez.
Même sur le fait que vous n’avez rien à dire. Une fois l’objectif
atteint, posez le stylo. Prenez un temps pour respirer. Puis relisez-
vous. Lorsque le point d’ennui ou de blocage est dépassé, certains
éléments peuvent devenir très révélateurs de ce que vous avez au
fond du cœur. Prenez alors le temps d’examiner ce que vous avez
écrit, d’y réfléchir. Revenez-y plusieurs fois si nécessaire.

Le dialogue
Cet exercice est issu du livre Mon journal créatif d’Anne-
Marie Jobin. Il s’agit d’imaginer une conversation entre soi et un
objet, une autre partie de soi-même, une personne, votre corps,
votre cœur, un rêve… Entre vous et ce que vous souhaitez. Ce
dialogue écrit vous permet d’être confronté(e) à un autre point de
vue, d’ouvrir le champ des possibles.

Prenez quelques instants pour fermer les yeux et respirer


tranquillement et profondément. Essayez de ne penser à rien.
Inspirez. Expirez. Laissez passer toutes les pensées qui vous
traversent. Sentez votre corps, bien assis(e). Respirez. Lorsque
vous êtes prêt(e), ouvrez les yeux.

Prenez deux stylos de couleurs différentes afin de vous aider à


écrire les deux voix, et lancez ce dialogue. Essayez de questionner
l’autre voix puis de l’écouter. Ne réfléchissez pas trop.

Cet exercice peut être assez difficile, et le dialogue que vous


écrivez peut vous paraître fade ou brouillon. Persistez alors, écrivez
jusqu’à ce que cette voix semble se taire. Terminez le dialogue en
faisant se saluer vos deux voix. Prenez un temps pour respirer, puis
relisez-vous.

La lettre
Cet exercice est aussi issu du livre Mon journal créatif d’Anne-
Marie Jobin. La lettre fictive peut s’adresser à une personne réelle,
mais également à une personne fictive ou à une partie de vous-
même. Elle permet de vider ce que vous avez sur le cœur. Vous
pouvez décider d’écrire une lettre d’amour ou d’appréciation, une
lettre de guérison, de pardon, une lettre imaginaire, une lettre à une
partie de vous-même.

Prenons ce dernier exemple. Prenez quelques instants pour fermer


les yeux et respirer tranquillement et profondément. Essayez de ne
penser à rien. Inspirez. Expirez. Laissez passer toutes les pensées
qui vous traversent. Sentez votre corps, bien assis(e). Respirez.
Lorsque vous êtes prêt(e), ouvrez les yeux.

Commencez votre lettre comme une lettre « classique », par


exemple « Chère colère », « Cher enfant intérieur » ou « Cher
cœur »… Au lieu d’instaurer un dialogue, prenez le temps d’exprimer
vos émotions, vos ressentis, de vous laisser surprendre. Lorsque
vous avez terminé, posez votre crayon et respirez.

Les listes
La magie des listes est qu’il est possible d’en dresser pour
absolument tout : les choses que vous aimez, les petits plaisirs de la
vie, ce que vous détestez, vos émotions, ce que vous ressentez, ce
qui vous plaît ou vous dérange dans votre travail, ce que vous
aimeriez faire dans votre vie, vos peurs, la raison pour laquelle vous
avez envie de changement ou vous n’osez pas… Tout est possible
pour chaque thème.

Pour ce faire, prenez d’abord quelques instants de relaxation.


Fermez les yeux et respirez tranquillement et profondément.
Essayez de ne penser à rien. Inspirez. Expirez. Laissez passer
toutes les pensées qui vous traversent. Sentez votre corps, bien
assis(e). Respirez. Lorsque vous êtes prêt(e), ouvrez les yeux.

Vous pouvez, dans un premier temps, en guise d’échauffement,


réaliser une liste simple sur un thème de votre choix. Dans un
second temps, vous pouvez vous lancer dans la liste des 100. Sur
un thème, élaborez une liste de 100 éléments. Écrivez vite, sans
réfléchir, aucune importance si vous écrivez plusieurs fois la même
chose. Écrivez. Une fois les 100 éléments couchés sur le papier,
posez le crayon. Prenez un temps de respiration puis relisez-vous.
Essayez de rassembler les éléments qui tournent autour des mêmes
notions, réalisez des pourcentages, analysez. Notez vos
observations.

Mon itinéraire personnel


Cet exercice a pour but de retracer son histoire, afin de révéler,
peut-être, certains blocages, certaines croyances, certains schémas
tenaces. Il permet également de prendre du recul sur sa vie, de
comprendre certaines choses.

Prenez quelques instants pour fermer les yeux et respirer


tranquillement et profondément. Essayez de ne penser à rien.
Inspirez. Expirez. Laissez passer toutes les pensées qui vous
traversent. Sentez votre corps, bien assis(e). Respirez. Lorsque
vous êtes prêt(e), ouvrez les yeux.

Sur un cahier ou un carnet, écrivez votre histoire. Ne vous attachez


pas au style d’écriture, à l’orthographe, à la grammaire. Écrivez
simplement, avec vos mots, vos émotions, votre ressenti. Retracez
votre histoire : ce qui vous a marqué(e), votre enfance, les
événements de votre vie. Racontez. Laissez-vous guider par le
crayon, prenez le temps nécessaire. Écrivez comme cela vous vient.
N’essayez pas de contrôler. Une fois que vous avez terminé, prenez
un temps de respiration et relisez ensuite, une première fois dans
votre tête, et une deuxième fois à voix haute.

La positive attitude
C’est ce qu’on appelle la loi de l’attraction (voir le chapitre 5, sur la
visualisation créatrice) : penser positivement pour que des choses
positives arrivent. Écrire des affirmations positives permet d’attirer
des situations heureuses, mais aussi de se mettre dans « un état
favorable à l’épanouissement et au bien-être », explique Anne-
Marie Jobin dans son livre Mon journal créatif.

Prenez quelques instants pour fermer les yeux et respirer


tranquillement et profondément. Essayez de ne penser à rien.
Inspirez. Expirez. Laissez passer toutes les pensées qui vous
traversent. Sentez votre corps, bien assis(e). Respirez. Lorsque
vous êtes prêt(e), ouvrez les yeux.

Écrivez alors, en gros sur une feuille ou dans un cahier, des


affirmations positives et affirmatives au présent : « Je suis libre »,
« Je suis beau/belle », « Je me sens bien dans mon corps », « Je
m’aime », « Je suis formidable », « Je suis la lumière de mon âme »,
« Je lâche prise », « Je vis »… Prenez un temps de respiration puis
relisez. Vous pouvez tout à fait accrocher cette feuille quelque part
ou la relire aussi souvent que vous en éprouverez le besoin.

Interview
Mathilde Pucheu est animatrice d’ateliers d’écriture et directrice
de Rémanence des mots, à Paris et en Île-de-France.

Comment la structure Rémacence des mots est-elle née ?

À l’origine, je me suis installée comme autoentrepreneur en 2012


pour proposer des services de rédaction. Et assez vite, j’ai
commencé à offrir des ateliers d’écriture créative, en autodidacte, de
manière assez intuitive, à travers quelques lectures. Par la suite, j’ai
décidé de me former, notamment avec le DU d’écriture créative de
Cergy-Pontoise, et ensuite le master de création littéraire de
Paris VIII, en parallèle de mon activité professionnelle. Avec le
temps, je me suis rendu compte que je voulais vraiment développer
les ateliers d’écriture, donc je m’y suis consacrée. Petit à petit, j’ai
diversifié mon offre, en intervenant auprès de publics très divers, en
milieu scolaire, durant des festivals de la Ville de Paris, dans les
bibliothèques, les musées, en milieu hospitalier, dans les centres
pour femmes battues ou pour étudiants exilés… À partir de 2017, j’ai
voulu donner plus d’élan aux ateliers d’écriture. Théo Pucheu, mon
frère, m’a donc rejointe et co-dirige la structure avec moi. On
propose dès lors des interventions à différents organismes, mais on
a aussi des locaux à Paris, dans le 4e arrondissement, au Centre
Pompidou, où l’on reçoit des personnes en pur loisir ou en
découverte, quelle que soit leur expérience préalable. On travaille en
partenariat avec la Maison du travail, à l’initiative de psychologues
qui accompagnent des personnes ayant vécu du harcèlement au
travail ou un burn-out. On intègre alors des ateliers d’écriture dans
leur processus thérapeutique, une fois qu’ils ont bien avancé sur leur
problème. Ensuite, on offre aussi un accompagnement un peu plus
professionnel, qui mène à l’aboutissement d’un manuscrit. On
propose également des formations à l’animation d’ateliers d’écriture,
au team-building et à la rédaction.

Quels ateliers offrez-vous aux particuliers ?

Tout d’abord, on propose des ateliers d’écriture « à la carte », pour


lesquels on accueille les gens à tout moment, à la séance, sans
abonnement. Les profils sont assez variés, les personnes ne
cherchent pas spécifiquement à travailler sur un projet, mais on leur
offre des outils techniques, par exemple concernant la narration ou
le style. L’angle d’approche de la séance donne des outils
théoriques, puis il y a un temps d’écriture et un temps de lecture des
textes. À Rémanence, chaque texte bénéficie d’un retour. Ensuite,
on propose des abonnements annuels sur des thématiques
particulières (par exemple, sur le thème de la nouvelle) durant
lesquels on va emmener les personnes intéressées à trouver des
idées pour monter un petit projet d’écriture. Le plus gros atelier dont
on dispose est le Lab, un véritable accompagnement de manuscrit,
avec des temps d’écriture en séance collective, des temps de
réflexion et des conseils individuels littéraires. On n’est pas là pour
apporter un savoir, on essaye d’être constructif, d’être un peu dans
une démarche de coaching, de bienveillance et de stimulation qui
vise à se dépasser, mais on ne répond pas à une charte éditoriale.
On travaille également en fonction des moyens et des envies de
chacun.

Pour les publics les plus en difficulté, comment se passe un


atelier d’écriture ?

Certains publics vont posséder une sensibilité à l’écriture, et


d’autres pas du tout. En plus, certains peuvent souffrir de véritables
traumatismes scolaires ou même d’une barrière par rapport à la
langue. Mais globalement, on observe une certaine fragilité face à
l’écriture qui peut se manifester de manière différente selon les
profils. Dans les écoles, par exemple, on multiplie les contraintes :
d’abord, on arrive dans leur classe, ensuite, l’enseignant est présent,
et enfin, on voit souvent des classes entières, parfois sur des
créneaux de même pas deux heures. Mais notre objectif, dans tous
les cas, est que tout le monde écrive et lise son texte. Et
évidemment aussi qu’ils se surpassent, qu’ils ne soient pas dans un
cliché ou dans une écriture « du moment ». On va donc essayer de
lancer de petits défis et d’imposer que tout le monde lise. En maison
d’arrêt pour femmes, par exemple, on remarque des difficultés pour
ce qui est de la langue française, de l’illettrisme aussi, parfois, mais il
y a une solidarité entre détenues. Dans l’atelier d’écriture, ce n’est
pas que le contenu qui compte : il répond à certains objectifs, et il
structure et séquence la séance, ce qui pose un cadre. Mais tout
dépend également de la façon dont l’animateur ou l’animatrice va
l’incarner, dont il ou elle met le groupe en confiance, et rebondit sur
les écrits et les énergies des personnalités. Si tout le monde écrit et
lit, et que les textes vont plus loin, c’est qu’on valorise les personnes
présentes. Et c’est ça qui est important. Par ailleurs, les valoriser, ce
n’est pas être dans la complaisance, mais les pousser à aller plus
loin et à répondre à des choses parfois difficiles. Il faut aussi leur
dire que cela reste un brouillon, que ce n’est pas une compétition, ni
une performance, ni une comparaison les uns avec les autres, on
doit les mettre en confiance. Durant chaque séance, on observe une
pépite par personne.

Quels sont les bienfaits de l’écriture ?

En valorisant les participants, on va agir sur leur confiance en eux.


Alors, bien sûr, ils ne vont pas gagner confiance comme ça, mais en
tout cas, ils vont se dire qu’ils sont capables de produire quelque
chose, de s’approprier l’écriture, et que l’écriture n’est pas
uniquement une activité d’intellectuels, administrative ou scolaire.
C’est aussi un moyen d’expression qu’on peut tous pratiquer, même
si l’on ne maîtrise pas parfaitement la langue. Et ce constat peut
débloquer des choses dans leur rapport à l’écriture, et ce, parfois en
une seule séance. Les participants se rendent compte qu’ils peuvent
articuler des pensées et exprimer des émotions. Cela va donc agir
sur la confiance en soi. C’est aussi un plaisir, c’est très ludique, on
essaye de faire des propositions amusantes et surprenantes. Et
ensuite, c’est un moment de partage et de convivialité. Enfin,
l’écriture permet de gagner en créativité, ce qui ouvre des
perspectives, un horizon, d’où le symbole de la girafe sur notre logo !

Considérez-vous l’écriture comme un art ?

Oui. C’est sûr ! À partir du moment où l’on transforme la matière,


on la déstructure, on la décompose, on la recompose, cela devient
de l’art. Et c’est ça, l’écriture. Ce n’est pas tout de suite un chef-
d’œuvre, mais ce n’est pas grave.

Les bienfaits sont-ils donc les mêmes que pour l’art-thérapie ?

Oui, d’ailleurs, cela se fait déjà d’utiliser l’écriture comme un outil


de l’art-thérapie. Je ne me définis pas comme art-thérapeute, car je
n’en ai pas suivi la formation. En revanche, je suis déjà intervenue
en complément de professionnels, par exemple en milieu hospitalier,
pour accompagner le service nutrition, le seul service médical de
France qui vise à aider des personnes anorexiques. J’ai animé des
ateliers avec l’aide d’une psychologue, d’une bibliothécaire et d’une
stagiaire. Je désamorçais les malaises, mais les ateliers d’écriture
pouvaient aussi servir de supports pour la psychologue, afin de
revenir sur ce que la personne avait écrit ou dit, car il pouvait y avoir
des choses très profondes qui en sortaient.

Quel est votre rapport personnel à l’écriture ? Est-ce quelque


chose qui vous accompagne depuis toujours ?

Mon premier truc, c’est d’abord la lecture. J’ai très vite été une
grande lectrice, j’ai suivi des études de lettres et choisi l’option
théâtre, où il y avait un travail d’écriture, et c’est comme ça que j’ai
participé à mes premiers ateliers d’écriture, sans en avoir
conscience, car on a monté un spectacle collectivement. J’ai
toujours un peu écrit, mais pas plus que ça. C’est plutôt quand j’ai
fait mes études de cinéma, spécialisées en réalisation documentaire.
L’un de mes professeurs m’a incitée à écrire mes propres voix off.
C’est finalement resté. Et je suis revenue à l’écriture plus tard, en
écrivant d’abord pour les autres, en tant qu’écrivain public ou
rédactrice. Et je me disais chaque fois : « Mais c’est incroyable, ces
gens savent écrire. Je les entends à l’oral, ils s’expriment bien, ils
ont du vocabulaire, un argumentaire… » Je préférais alors donner
des outils d’autonomie aux gens plutôt que de faire à leur place.
5
VISUALISATION CRÉATRICE

« La visualisation créatrice est la technique qui utilise l’imagination


afin de réaliser ses désirs. […] Elle vise à résoudre nos blocages
intérieurs, obstacles à l’harmonie naturelle et à la réalisation de soi,
et ainsi permettre à chacun d’actualiser le meilleur de lui-même »,
explique Shakti Gawain, une autrice américaine reconnue dans le
développement personnel, dans son livre Techniques de
visualisation créatrice, publié en 1978 en version originale puis en
1984 aux Éditions Soleil en France. La visualisation créatrice, ou
créative, positive, est en effet une technique qui se base sur un
constat des neurosciences, qui étudient le cerveau : cet organe est
malléable, il est plastique, il peut se programmer et se
déprogrammer. Un article paru dans le magazine FémininBio no 37
de novembre/décembre 2021, intitulé « Apprendre à visualiser pour
activer sa magie créatrice », explique : « Cette pratique repose sur le
fait que l’esprit ne fait chimiquement pas la différence entre une
expérience vécue et une expérience imaginée. En vous projetant
mentalement dans un futur désiré avec le plus de clarté possible,
votre esprit le vit et s’ouvre instantanément à cette possibilité. La
répétition de cet exercice vient ensuite modifier biologiquement vos
connexions neuronales par d’autres chemins plus propices à la
réalisation de votre désir. »
À partir de ce constat, il apparaît donc possible d’envoyer des
messages très forts et répétés au cerveau. « Visualiser, c’est créer
son destin au présent. C’est reprogrammer son esprit et son corps
pour écrire son propre scénario en conscience. C’est utiliser le
présent pour ce qu’il est : l’espace de tous les possibles, une toile
blanche sur laquelle on peut tout créer, imaginer, voir, ressentir, dès
maintenant. C’est se connecter profondément à son pouvoir de
création illimité », poursuit l’article. Dès lors, tout est en effet
possible. « En modifiant notre état d’esprit et notre état d’être, elle
nous permet d’accéder à une nouvelle réalité. »

Aujourd’hui, la technique de visualisation est utilisée dans le sport


de haut niveau, afin d’améliorer les performances, mais également
en médecine, notamment dans la rééducation des membres des
personnes accidentées. Dans ce cas, elle ne remplace pas la
médecine à proprement parler, mais vient en complément et peut
ainsi aider à la guérison. L’outil de visualisation créative peut aussi
être utilisé en sophrologie, méditation, mais également dans tout
processus thérapeutique ou créatif. « Par la visualisation, nous
développons notre pouvoir de création et découvrons que nous
avons la possibilité de choisir consciemment ce que nous voulons
vivre. Plutôt que de subir des situations dans lesquelles nous
dépendons d’autrui ou de nos conditionnements, nous devenons les
artisans de chaque instant, les créateurs de notre réalité
quotidienne. Plutôt que d’attendre que le monde s’améliore autour
de vous, transformez vos modes de pensée en visualisant toujours
plus de santé, d’épanouissement et de joie de vivre. Vous
découvrirez avec plaisir que le bonheur, comme la santé, ça
s’apprend ! » peut-on ainsi lire dans Techniques de visualisation
créatrice, de Shakti Gawain.

La visualisation créatrice repose sur l’imagination. Selon la


première définition du Petit Larousse illustré (édition de 2020),
l’imagination est « la faculté de se représenter par l’esprit des objets
ou des faits irréels, ou jamais perçus, de restituer à la mémoire des
perceptions ou des expériences antérieures ». Il s’agit donc de notre
capacité à créer une idée, un objet, un événement, une situation,
etc. Selon Shakti Gawain, « dans le cas de la visualisation créatrice,
votre imagination vous permet de créer une image précise de ce que
vous désirez voir se produire, puis de porter régulièrement votre
attention sur cette image ou idée, lui fournissant une énergie positive
jusqu’à ce qu’elle devienne une réalité objective… en d’autres
termes, jusqu’à ce que vous accomplissiez réellement ce que vous
avez visualisé. » Ainsi, en pratiquant souvent la visualisation
créatrice, nous devenons « autonomes » face aux événements que
nous pouvons rencontrer et face à nos émotions. Nous pouvons
décider de vivre telle ou telle situation comme bon nous semble, de
traverser l’émotion que nous voulons. Nos succès et nos échecs ne
dépendent désormais que de nous, et non plus des autres. Plus
d’excuse !

Pour aller plus loin, la visualisation créatrice repose sur quatre


principes : l’univers physique est énergie ; l’énergie est magnétique ;
la forme suit l’idée ; et la loi de rayonnement et d’attraction suggère
que « plus nous mettons d’énergie positive dans ce que nous
imaginons, plus cela a tendance à se réaliser dans notre vie ». C’est
ce qu’on appelle également la loi de l’attraction, une loi universelle
selon laquelle « on attire ce qu’on dégage » : si nous pensons
négatif, nous attirons du négatif, et à l’inverse, si nous pensons
positif, nous attirons du positif.

Une fois que nous avons exprimé avec précision ce que nous
souhaitons, le corps va alors « émettre un signal magnétique, la
vibration, en utilisant l’émotion. En ressentant intensément votre
désir comme déjà réalisé au présent, votre corps se modifie
chimiquement. Il vibre alors à la fréquence de votre futur désiré »,
explique l’article du magazine FémininBio cité précédemment. Mais
il ne s’agit pas de magie : ne « demandez » rien, ne pensez pas que
vous allez gagner au Loto si vous ne jouez même pas… Il s’agit
plutôt d’une reprogrammation de votre cerveau, d’une remise en
question profonde de votre mode de pensées et de votre attitude. Il
s’agit d’imaginer concrètement, jusque dans les moindres détails, de
mettre en situation ce que vous souhaitez, dans toutes les sphères
de votre vie, d’utiliser l’imagination en stimulant vos cinq sens,
comme si l’objet de vos désirs était déjà réalisé. Il ne suffit pas de
« simplement penser » pour prétendre pratiquer la visualisation
créative et en attendre des résultats. « Cette technique aspire à aller
plus loin, notamment vers l’exploration de soi, la découverte et la
modification de nos attitudes envers la vie. Apprendre à pratiquer la
visualisation créatrice, aussi simple que cela soit, peut déboucher
sur un processus de croissance profonde et significative », explique
Shakti Gawain. Une véritable dimension spirituelle qui s’ouvre alors.

L’autrice conseille aux débutants une pratique qui va crescendo.


Pour débuter, essayez de la pratiquer pour de « petits » objectifs, à
des moments précis. « Lorsque vous vous sentez habitué à l’utiliser
et que vous aurez pris confiance dans les résultats qu’elle apporte,
vous verrez qu’elle devient partie intégrante de votre processus de
pensée, un état de conscience permanent dans lequel vous savez
que vous êtes constamment le créateur de votre vie. C’est l’état
ultime de la visualisation créatrice, celui qui fait de chaque instant de
votre vie le théâtre d’une merveilleuse création et vous permet de
choisir spontanément l’existence la meilleure, la plus belle et la plus
comblée que vous puissiez imaginer… » Fixez-vous des objectifs
atteignables pour commencer, des choses que vous pouvez obtenir
assez rapidement. C’est l’une des clés pour une visualisation
créatrice réussie. Au fur et à mesure que vous pratiquez, vous
pourrez alors fixer des objectifs de plus en plus grands et forts. La
répétition de l’exercice est également un élément indispensable pour
réussir. Cela a été annoncé dès l’introduction de ce livre : comme
d’ailleurs dans toutes les thérapies, le bien-être ne s’atteint pas en
une seule fois, grâce à un seul outil. Il en est de même pour les
outils de la bibliothérapie, et notamment pour celui de la visualisation
créatrice. C’est la répétition d’exercices pratiqués régulièrement qui
vous permettra de (re)trouver la confiance. Le livre Techniques de
visualisation créatrice l’évoque également : « C’est la répétition des
outils adaptés à vos besoins, envies et affinités qui fera son succès.
Les schémas dans lesquels nous vivons sont très longs à
déconstruire, parce qu’ils sont ancrés, nous devons aider notre
esprit à “changer de programme”. » Dans une société où nous avons
l’habitude d’obtenir une information en un clic, d’être livré en
24 heures, il faut alors se montrer patient. Prendre soin de soi
demande autant de patience que d’amour.
Exercices pratiques
Ces exercices sont tous issus du livre susmentionné de
Shakti Gawain. Ils peuvent être effectués sur un même temps en
commençant par la technique de base, ou alors au fur et à mesure
que vous pratiquez.

Technique de base
Installez-vous confortablement dans un endroit calme et qui vous
est agréable. Essayez de faire le vide dans votre esprit. Respirez
lentement et profondément. Accueillez les pensées qui arrivent et
laissez-les passer. Détendez chaque partie de votre corps, de la
pointe des pieds à celle de vos cheveux.

Ensuite, imaginez une chose agréable, qui vous ferait plaisir, un


événement que vous aimeriez vivre, un objet que vous aimeriez
posséder, une situation dans laquelle vous aimeriez vous trouver ou
que vous souhaiteriez améliorer. Une fois que vous êtes
parfaitement détendu, imaginez ce que vous désirez en détail, cet
objet que vous tenez, cette situation ou cet événement que vous
vivez. Vous êtes là, avec cet objet, ou dans cette situation, cet
événement, et vous visualisez ce qui vous entoure : la scène, les
odeurs, le goût, les émotions que vous ressentez. Puis, tout en
gardant cette image à l’esprit, énoncez à voix haute ou
intérieurement une affirmation positive en lien avec ce que vous
souhaitez. Par exemple : « Ah, je suis enfin dans cet endroit
merveilleux, quelle chance et quel bonheur ! » Cette affirmation doit
être formulée au présent, comme si vous possédiez déjà cet objet ou
que vous viviez déjà cette situation (voir l’exercice ci-après,
« Affirmer »).

Prenez le temps nécessaire tant que cet exercice est agréable.


Une fois qu’il est terminé, gardez les yeux fermés un temps,
intégrez, respirez tranquillement. Lorsque vous êtes prêt, ouvrez
doucement les yeux.

Affirmer
Selon Shakti Gawain, « les affirmations sont un des éléments les
plus importants en visualisation créatrice ». Mais qu’est-ce qu’une
affirmation ? C’est une déclaration positive « ferme », une phrase au
présent qui va assurer une vérité, ce qui est déjà. Alors que notre
esprit discute en continu, et sans que nous nous en rendions
compte, et qu’il fonctionne sur de vieux programmes, parfois
négatifs, bien ancrés en nous, la pratique des affirmations positives
va permettre aux pensées positives de se faire une place dans notre
nouveau schéma.

Pour cela, installez-vous confortablement, sur le bord d’une chaise,


assis en tailleur à même le sol ou allongé. Prenez un temps de
relaxation en respirant tranquillement. Inspirez. Expirez. Détendez
tout votre corps du bout des orteils à la pointe de vos cheveux.

Puis, durant dix minutes, déclarez silencieusement ou à voix haute,


ou même à l’écrit si vous le souhaitez, des phrases positives,
qu’elles soient générales ou spécifiques. Par exemple : « Je suis
maître de ma vie », « J’ai tout ce qu’il me faut pour être
heureux(se) », « Plus je m’aime, plus j’ai d’amour à donner », « Je
suis détendu et équilibré, j’ai tout mon temps pour chaque chose »,
« Je m’aime », « J’accepte toutes mes émotions comme faisant
partie de moi », « Je suis une source intarissable de créativité »…
Il est important de formuler des affirmations au présent, des phrases
courtes qui sont plus faciles à garder en tête, avec assurance et
conviction. Évitez les négations : par exemple, pour dire « Je ne
veux plus être stressé(e) », préférez « Je suis calme et détendu(e) ».
Ces affirmations n’ont pas pour but de renier ou de changer des
sentiments : apprenez à accepter vos émotions. Mais elles peuvent
vous permettre d’aborder la vie sous un nouveau jour, avec un
nouveau regard, celui de la positivité.

Renouvelez cet exercice quotidiennement, le matin au réveil ou le


soir en vous couchant, car ce sont les moments où nous sommes
plus détendus et donc plus réceptifs à cette pratique.

Entrer dans la lumière


Asseyez-vous sur le rebord d’une chaise, le dos bien droit, en
tailleur à même le sol ou allongez-vous. Installez-vous comme bon
vous semble, mais le plus confortablement possible. Détendez-vous.
Visualisez chaque partie de votre corps et relaxez-les, du bout des
orteils à la pointe des cheveux, en remontant le long de votre corps.
Respirez tranquillement et profondément. Inspirez. Expirez.

Visualisez ensuite des racines qui partent de votre corps pour aller
se greffer directement au cœur de la Terre. Ces racines passent à
travers le sol, se frayent un chemin dans la roche pour aller puiser
l’énergie nécessaire jusqu’au centre de la Terre. Visualisez
également des antennes au-dessus de votre tête. Elles montent vers
le ciel, grimpent au-delà de l’univers. Enfin, visualisez une lumière
dans votre cœur. C’est ici que se rejoignent vos racines et vos
antennes. Cette lumière est brillante, scintillante, chaude. Elle se
diffuse dans tout votre corps, elle fait de vous un être étincelant,
rayonnant. Cette lumière est votre énergie. Répétez-vous alors des
affirmations positives comme « La lumière qui m’habite accomplit
des miracles dans ma vie, ici et maintenant » ou « Je suis un être de
lumière, je suis le sujet et le créateur de ma vie ».

Prenez le temps pour intégrer. Continuez à respirer tranquillement.


Ouvrez les yeux uniquement quand vous vous sentez prêt(e).

La bulle rose
Asseyez-vous sur le rebord d’une chaise, le dos bien droit, en
tailleur à même le sol ou allongez-vous. Installez-vous comme bon
vous semble, mais le plus confortablement possible. Détendez-vous.
Visualisez chaque partie de votre corps et relaxez-les, du bout des
orteils à la pointe des cheveux, en remontant le long de votre corps.
Respirez tranquillement et profondément. Inspirez. Expirez.

« Imaginez quelque chose que vous aimeriez voir se réaliser ;


imaginez que c’est déjà fait. Représentez-vous cela aussi clairement
que possible. Dans votre esprit, entourez maintenant cette image
mentale d’une bulle rose ; mettez votre projet dans cette bulle. Le
rose est associé au cœur, et si cette vibration de couleur environne
ce que vous visualisez, vous n’obtiendrez que ce qui correspond
parfaitement à votre être. » Ensuite, mentalement, laissez la bulle
s’échapper et flotter dans l’univers avec, à l’intérieur, votre objectif et
ce que vous souhaitez obtenir. « La bulle est désormais libre de
flotter dans l’univers à son gré, attirant et accumulant l’énergie
nécessaire à la réalisation du désir qu’elle transporte. »

Lorsque la bulle a disparu, observez ce que vous ressentez, votre


corps, vos émotions. Respirez tranquillement et ouvrez les yeux
quand vous vous sentez prêt(e).

Interview
Christelle Tuffery est psychoénergéticienne dans le Gard et
l’Hérault. Elle anime notamment des ateliers de visualisation
créatrice.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Infirmière depuis 30 ans, j’ai entamé une reconversion il y a 6 ans.


J’étais arrivée au bout de ce que je pouvais apporter dans mon
métier. J’ai suivi une formation de coaching basée sur les
neurosciences et la physique quantique, ainsi que des ateliers aux
États-Unis. La visualisation créatrice est liée à ces savoirs.

Quels sont les bienfaits de la visualisation créatrice ?

Cela permet de vibrer beaucoup plus haut et de se rapprocher de


la vibration du champ quantique et donc du champ qui permet de
créer. Il est impossible de créer son futur basé sur la peur, sinon on
va créer le pire futur qu’on puisse obtenir.
Qu’est-ce que le champ quantique ?

Le champ quantique est un champ d’informations, un champ


vibratoire où se situent toutes les possibilités, autant négatives que
positives. Tout n’est que vibration, tout est vibratoire. Ce qui fait la
différence entre chacun est la pensée et nos croyances qui viennent
de l’éducation, de nos expériences. Ces derniers vont attirer le
champ quantique. Ces pensées et croyances vont vous faire sentir
dans un certain état. Tout est ressenti. On doit se sentir déjà riche
pour attirer la richesse. On doit se sentir en bonne santé pour être
en bonne santé.

Comment va se produire l’intention ?

L’intention produit de l’électricité, se pose dans le champ du cœur


et va transporter l’information électrique du cerveau. Le champ
quantique va recevoir l’intention et le cœur va attirer, magnétiser
l’information. Cette dernière, en se rapprochant, va ralentir, se
condenser, se densifier. Et c’est ici que l’intention va se concrétiser.
Tout n’est que molécule, particule vibrante. Quand la vitesse est
lente, cela se concrétise, et quand elle est rapide, on ne le voit pas.
L’accélération des particules les rend invisibles. Tout dépend donc
de la vibration. Plus vous vous focalisez sur ce que vous voulez et
plus cela va se concrétiser.

Les ateliers de visualisation créatrice se font-ils en groupe ou


individuellement ?

À plusieurs : ces ateliers créent des sortes de vortex de


visualisation, ce qui multiplie le côté magnétique, ça va plus vite. Il y
a donc de meilleurs résultats, on fait monter la vibration de la pièce,
des cœurs. À chaque visualisation de groupe, on est quelqu’un
d’autre, on ne redevient jamais la même personne, on est forcément
différent, puisqu’on a réinitialisé la programmation de notre corps.

Comment se déroule un atelier de visualisation créatrice ?

Dans un premier temps, il y a une heure d’enseignement, pour


bien comprendre. Ensuite, je vais pratiquer une méditation guidée
avec une musique hautement émotionnelle, une musique qui
transporte, qui permet de ne devenir qu’une conscience. Puis il s’agit
de mettre en cohérence le cœur et le cerveau, avec un
ralentissement de la respiration, et de porter l’intention sur le cœur
durant au moins 10 minutes. À un moment, on est en cohérence
cœur et cerveau, et chacun va pouvoir visualiser ce qu’il désire, la
personne qu’il souhaite être : que feriez-vous ? Que diriez-vous ?
Que penseriez-vous ? Il faut alors être le plus précis possible dans la
description de ce qu’on désire, jusque dans les moindres détails. Ce
qui est important, c’est de n’être plus qu’une conscience : il n’y a
plus aucun lieu, aucun corps, aucun nom. Pour cela, il est
nécessaire d’être immobile, sinon cela signifie que le corps veut
prendre le dessus.

Est-ce une pratique quotidienne ?

Plus on le fait tous les jours, mieux c’est. Personnellement, ma vie


est une autoroute : je veux quelque chose, je l’ai. Plus vous mettez
votre attention dans le champ quantique, plus il va intervenir.
L’énergie suit la conscience. Toujours. Si vous placez votre
conscience dans le champ quantique, vous avez moins de freins,
tout est fluide. Je suis connectée en permanence aux champs des
possibles. Donc tout est possible. Quand vous choisissez une
voiture et que vous avez jeté votre dévolu sur une marque, vous en
voyez partout. C’est ce qu’on appelle le nocibé, la loi de l’attraction.
C’est pour cela qu’il est très important de travailler sur les croyances
et les pensées. Si l’on a des croyances très fortes, on aura beau
visualiser, cela restera compliqué.

Est-il possible d’effacer ses croyances ?

Il y a bien sûr des techniques : par exemple un exercice où je pose


des questions pour que la personne voie les choses différemment.
Je ramollis la croyance, je la change par autre chose, sous forme de
questionnement. C’est une remise en question de la croyance. Il y a
aussi ce qu’on appelle une technique russe, basée sur des points
d’acupuncture sur le visage. Enfin, l’hypnose peut fonctionner si la
personne est réceptive à cette pratique.
6
LE VISION BOARD

Parfait mix entre bibliothérapie, art-thérapie et visualisation


créatrice, le vision board, appelé également tableau de visualisation
ou dream board, permet de mettre nos objectifs, nos rêves et nos
aspirations en forme, en image et en écriture, et ce à travers des
photos, des dessins, des mots, des formes, des couleurs assemblés
et collés sur une feuille ou un carton. En effet, comme pour la
visualisation créatrice (voir le chapitre 5), le vision board part du
principe que si nous programmons notre cerveau en visualisant ce
que nous désirons, celui-ci va se mettre en condition et ainsi nous
permettre de réaliser nos vœux.

Le vision board présente également l’avantage d’être accessible à


tous. Il repose sur la découpe de visuels dans des magazines que
l’on colle sur une feuille, le tout formant un tableau de visualisation.
Avec un fond musical motivant, de quoi vous faire plaisir, un café, un
thé ou même un chocolat chaud fumant, réaliser un vision board,
c’est aussi un moment de détente assuré qui coupe du quotidien.
Cette pratique procure relaxation et mieux-être.

Réfléchir avant ou après ?


Il existe plusieurs « écoles » sur le vision board et plusieurs façons
de l’utiliser. Certains professionnels qui ont recours à cet outil
suggèrent de se fixer des objectifs dans un premier temps, des
vœux concrets, ce qu’on souhaite, ce qu’on veut vraiment, et dans
un deuxième temps, de se lancer dans la création du tableau. Dans
ce cas, il sert avant tout à définir un plan d’action afin d’atteindre ses
objectifs et de maintenir ensuite sa motivation. Le tableau de
visualisation repose dès lors principalement sur toute la réflexion
que vous mettrez en place en amont de la création. Cette étape est
ici indispensable pour un vision board pertinent.

Dans d’autres cas, le tableau de visualisation est plutôt perçu


comme un révélateur : il sert alors de base à une réflexion. Lorsque
nous ne savons plus où nous sommes, où nous allons, ce que nous
souhaitons, il peut être un excellent outil pour exprimer ce que nous
avons au plus profond de nous. « Si tout était possible, qu’est-ce
que je ferais ? » Une fois interprété, le vision board peut révéler ce
que nous souhaitons et nous aider alors à le concrétiser. La coach
certifiée en transformation professionnelle Zeva Bellel (voir interview
ci-après) explique d’ailleurs sur son site Internet qu’il s’agit, dans ce
cas-ci, de se servir de la créativité pour prendre conscience de ce
que notre esprit ne voit pas, de réveiller notre inconscient à partir de
mots, d’images, de visuels. Ce tableau va aussi nous fournir des
indices afin de mettre en place un plan pour atteindre nos objectifs. Il
permet alors concrètement de visualiser tout ce que vous avez dans
la tête, de vous projeter, de vous fixer un ou des objectifs à atteindre,
et la façon dont vous allez les réaliser. Dans ce cas, le vision board
repose essentiellement sur le questionnement qui suivra la création
du tableau.

Il est ainsi très utile dans des périodes de doutes, quand on ne sait
plus quels sont nos objectifs. Chaque image, chaque dessin, chaque
mot, chaque forme, chaque couleur peuvent vous permettre de
révéler ce que vous avez de plus enfoui en vous : vie personnelle,
vie professionnelle, attentes, voyages, envies pour une nouvelle
année, un anniversaire, en période de remise en question… Vos
rêves peuvent alors prendre forme dans le choix des images que
vous faites, et ce pour tous les thèmes de votre vie, mais également
dans leur interprétation.

C’est pour cela qu’il est important, ici, après la réalisation d’un
vision board, de prendre le temps de vous interroger sur celui que
vous aurez créé, ce qui vous plaît, ce qui vous déplaît, ce qui vous
surprend, ce que vous ressentez, ce que vous en pensez… Cette
visualisation sert ainsi de base à un questionnement profond. Ce qui
en ressortira, et qui pourra être très puissant, car il fera fi de vos
croyances, sera l’objectif que vous souhaitez atteindre.
L’interprétation que vous en ferez est tout aussi importante que le
collage en lui-même. Dans ce sens, la réflexion ne se fait donc pas
avant, mais après la création.

Motivation !
Le vision board est un atelier qui peut se mettre en place seul,
mais également en groupe. Dans ce cas, la dynamique du groupe
peut plus facilement offrir l’occasion de prendre du recul, car
« l’autre » vous interroge sur votre tableau de visualisation, vous
offrant ainsi la possibilité de mieux comprendre ce qui en ressort. Le
regard extérieur, quand il est bienveillant et construit, peut bien
souvent nous permettre d’avancer et de nous mener sur des
chemins que nous ne soupçonnions pas jusqu’alors. Si vous êtes
plusieurs durant cet atelier, profitez-en !

Il est cependant tout à fait possible de réaliser un tableau de


visualisation seul(e). Dans ce cas, il est important de savoir prendre
du recul, de s’interroger (voir les questions dans les exercices
pratiques ci-après) et de savoir en tirer des conclusions. Pour vous
aider, vous pouvez tout à fait coupler cet outil avec un exercice
d’écriture. Tout en regardant votre tableau, écrivez ce que vous
concluez de votre création, ce que vous voyez, ce qui vous
surprend, ce qui vous touche, mais également, et c’est important, le
plan d’action que vous pouvez mettre en place pour atteindre
l’objectif fixé dans votre tableau. Vision board et écriture peuvent
être une combinaison gagnante pour savoir où vous en êtes et où
aller !

Dans tous les cas, après la création, placez le vision board dans
un endroit où vous pourrez facilement le regarder et prenez le temps
de l’observer régulièrement et de vous interroger à ce sujet. Il
deviendra alors votre leitmotiv, il vous rappellera votre motivation et
votre plan pour atteindre votre objectif lorsque vous l’aurez
déterminé.

Exercices pratiques
Ces exercices sont tous issus du Visualization Guide de
Zeva Bellel, disponible gratuitement sur son site Internet.

The best letter of your life2


Prenez d’abord un temps de relaxation. Installez-vous
confortablement dans un lieu calme. Les yeux fermés, respirez.
Prenez un temps pour inspirer puis expirer. Lorsque vous êtes prêt,
programmez un chronomètre de quinze minutes. Prenez un papier
et un crayon. Imaginez-vous alors dans un an, jour pour jour. Écrivez
donc la date du jour avec une année supplémentaire en haut du
papier. Ensuite, rédigez une lettre qui vous est adressée. Écrivez à
un vous heureux, confiant, qui a atteint son ou ses objectifs. Et
répondez alors, au travers de cette lettre, à plusieurs questions : à
quoi ressemble votre semaine ? Où travaillez-vous chaque jour ?
Quelle est votre routine chaque jour ? Quel est votre trajet entre la
maison et le travail ? Quand rentrez-vous chez vous ? Comment
vous sentez-vous à ce moment ? À quoi ressemble votre espace de
travail ? Comment est-il décoré ? Qui est avec vous ? Où déjeunez-
vous ? Que déjeunez-vous ? Que faites-vous chaque jour ? Quels
sont les projets qui vous enthousiasment ? De quoi êtes-vous fier ?
Qu’est-ce qui vous motive chaque jour ? Qui partage votre vie ?
Quelles relations vous élèvent le plus ? Que ressentez-vous avec les
personnes les plus proches de vous ? Comment pourraient-elles
vous décrire aujourd’hui ? Comment prenez-vous soin de vous ?
Comment est votre santé ? Comment est votre sommeil ? Pratiquez-
vous une activité sportive, et si oui, comment vous sentez-vous
quand vous la pratiquez ? Qu’est-ce qui vous inspire en ce
moment ? Qu’est-ce que vous lisez, regardez et écoutez qui vous
apporte le « mojo » ? Que faites-vous pour vous ressourcer ? Des
voyages ? Des vacances ? Des retraites ? Des soins de bien-être ?

Vous pouvez bien évidemment ajouter à votre lettre tout ce que


vous souhaitez, tout ce qui peut être révélateur. Ensuite, lisez cette
lettre plusieurs fois. Puis pliez-la, glissez-la dans une enveloppe sur
laquelle vous collez un timbre, et envoyez-vous cette lettre. Une fois
que vous la recevez, vous pouvez évidemment la relire ou la mettre
de côté afin de la lire quand vous en aurez besoin/envie. À partir de
ce moment, écrivez cinq actions à réaliser pour vous rapprocher de
ce futur vous que vous avez imaginé dans cette lettre. Programmez
ces actions dans votre routine, dans votre vie, pas à pas. « Every
day is your week is your month is your year. Baby steps3. »

Le blason (« coat of arms »)


Cet exercice permet de commencer à ouvrir votre façon de voir les
grands concepts de la vie : vos objectifs, vos peurs, vos rêves…

Prenez une feuille de papier. Programmez un chronomètre de vingt


minutes. Accordez-vous cinq minutes pour écrire ce que vous allez
faire et quinze minutes pour le dessiner. C’est important d’aller vite
pour ne pas trop y réfléchir. La spontanéité est très souvent
révélatrice ! N’essayez pas non plus de créer une œuvre d’art.

Tout d’abord, dessinez les contours de votre blason comme ceci :


Dans la case no 1, dessinez votre principal objectif aujourd’hui.
Dans la case no 2, dessinez une image de votre plus grande peur.
Dans la case no 3, dessinez ce qui vous irrite ou vous dérange le
plus au monde. Dans la case no 4, dessinez une image de votre plus
grand rêve. Et lorsque vous avez terminé, créez un slogan qui relie
le tout dans la case no 5.

Prenez un instant. Respirez tranquillement. Fermez les yeux


quelques minutes. Lorsque vous rouvrez les yeux, essayez
d’observer votre blason avec un regard nouveau et interrogez-vous
sur tout ce qu’il peut raconter. Si vous êtes en groupe, demandez à
quelqu’un de vous poser des questions sur chaque case, sur la
relation entre elles, sur ce qu’elles signifient pour vous, sur le
moment où vous ressentez les sentiments qu’elles représentent et la
façon dont ils se présentent à vous. Essayez de prendre du recul
afin de trouver la signification derrière chaque image et derrière les
liens entre chacune d’entre elles, à savoir les liens de cause à effet
que vous avez en place et ce qui anime vos valeurs.

Le vision board
Prenez un carnet, de grande taille de préférence, afin de ne pas
vous limiter, à pages blanches, du type carnet de dessins, ou du
papier cartonné. Récupérez des magazines, des photos, des
images, des dessins, des phrases qui vous parlent et vous inspirent.
Prévoyez un tube de colle et une paire de ciseaux.

Commencez par un temps de relaxation. Installez-vous


confortablement, allumez une bougie, prenez un temps pour fermer
les yeux et respirer tranquillement. Détendez-vous. Laissez passer
tout ce qui vous vient en tête. Essayez de faire le vide. Inspirez.
Expirez. Gardez les yeux fermés et visualisez votre objectif : un
changement de vie professionnelle, une séparation, un engagement,
un achat, un événement que vous espérez, ou une situation que
vous souhaitez vivre ou améliorer. Visualisez cet objectif avec
précision. Inspirez. Expirez. Lancez une playlist de chansons qui
vous motivent et vous inspirent.

Programmez un chronomètre à 15 minutes et découpez dans le


matériel que vous avez rassemblé tout ce qui vous inspire. Ne
réfléchissez pas. Laissez-vous guider par votre inconscient.
Découpez et mettez de côté les images, les photos, les slogans, les
dessins, les mots, les citations qui vous touchent et vous interpellent.
Au bout des 15 minutes, prenez une pause : buvez de l’eau, respirez
tranquillement.

Programmez un nouveau chronomètre à 30 minutes cette fois-ci,


et réalisez votre vision board avec ce que vous avez découpé.
Collez tout cela sur le papier, le carton ou le cahier sans trop y
réfléchir. Respectez bien le temps imparti, c’est ce qui vous
permettra de laisser votre inconscient se révéler. Au bout des
30 minutes, prenez une nouvelle pause.

Puis, si vous êtes en groupe, interrogez-vous sur vos vision boards


respectifs. Si vous êtes seul(e) dans cet atelier, prenez le temps
d’observer votre création et posez-vous ces questions que
Zeva Bellel a listées dans son Visualization Guide : que voyez-
vous ? Qu’est-ce qui vous surprend ? Qu’aimez-vous le plus dans ce
tableau ? Qu’auriez-vous envie d’explorer le plus ? Qu’est-ce qui
vous perturbe ? Que voulez-vous ressortir de ce tableau ? Qu’allez-
vous faire ? Quand allez-vous le faire ? Quelles sont les 5 actions
que vous allez mettre en place pour faire avancer les choses ? Que
ressentez-vous ? Comment tout cela peut-il changer votre vie ?

N’hésitez pas à multiplier et varier les supports : le papier cartonné


permet d’afficher votre vision board, de passer devant tous les jours
afin qu’il continue à vous inspirer et à vous motiver, tandis que le
carnet à dessins peut être une ressource pour noter les affirmations
positives, collecter des images, des citations, des inspirations…

Interview
Zeva Bellel est coach certifiée en transformation professionnelle.
« Pendant ma certification, ce qui revenait souvent, c’était mon
envie de travailler avec des femmes qui se trouvaient dans des
moments de questionnement professionnel, afin de découvrir leur
voie, le sens de leur activité, l’expression de leur talent et,
surtout, de ne pas gâcher un potentiel qui est chez nous, mais qui
a du mal à émerger. »

Qui sont les femmes qui viennent te voir ? Celles qui ont un
désir de changement ?

Des femmes qui ont un questionnement par rapport au


changement. On ne désire pas le changement, c’est désagréable,
inconfortable, ça fait très peur ! Elles soupçonnent qu’il est
nécessaire, mais elles ne savent pas forcément où et comment
avancer. Souvent, l’image que les gens partagent avec moi est celle
d’une pelote : ils ont un problème qui a l’air très complexe et ils ne
savent pas d’où tirer le premier fil de la pelote pour la démêler. Ils
arrivent ainsi avec un sac de nœuds : « Je ne me sens pas aligné »,
« je ne suis pas très enthousiaste », « je me sens rempli de doutes
et de peurs, et je ne peux pas continuer comme ça, mais je ne sais
pas ce que je veux ».

Quels outils utilises-tu durant un programme individuel ?

J’emploie des outils et des techniques assez variés, j’aime


beaucoup introduire les outils visuels, créatifs. Je suis aussi certifiée
en application des neurosciences, c’est un sujet qui me passionne.
Cela permet d’aider les personnes à mieux comprendre la façon
dont certaines habitudes se forment, de casser certains schémas de
pensée, les croyances limitantes, les émotions difficiles à ressentir
et, bien sûr, de commencer à imaginer ce que la personne veut, une
fois qu’on lâche un peu l’inconfort. Chez mes clientes, j’observe
surtout des croyances d’être soit « trop », soit « pas assez ». Il y a là
un travail à réaliser sur l’acceptation de soi, le fait de trouver sa
valeur en dehors des codes de la société. En fait, derrière le résultat
de chaque personne que j’accompagne, il s’agit de lui trouver une
activité qui la rend vivante, épanouie, avec une vraie expression de
leur talent unique. Il s’agit aussi pour elles de retrouver la paix avec
elles-mêmes et une sécurité intérieure afin de s’exprimer comme
elles veulent. Qu’est-ce qui se passerait si ces croyances étaient
opposées ? Quels seraient les risques ? Qu’est-ce qui fait peur,
qu’est-ce qui donne envie, où sont les fuites d’énergie dans la vie
quotidienne ? Il est difficile d’imaginer d’autres choses si l’on est en
panne d’essence.

Comment démarre un coaching de transformation


professionnelle ?

J’encourage beaucoup les gens à se connecter à leur corps pour


ressentir les choses, pour trouver une sorte de glossaire, de ressenti
émotionnel, pour mieux se comprendre, pour ne pas être submergés
par les émotions inconfortables et ne plus réagir de telle façon,
« parce qu’on a toujours fait ainsi ». Le fait d’examiner les ressentis
physiques selon les différents contextes et de nommer les émotions
qui sont attachées à ce ressenti est un bloc très important, au début
du coaching. Il y a tout un langage émotionnel qui est primordial. Il y
a beaucoup de travail sur les croyances, et pour les déloger, il faut y
aller avec des marteaux-piqueurs. On peut avoir une croyance
dominante, par exemple « je ne me sens pas légitime » (j’entends ça
très souvent…), mais si l’on creuse plus loin, on peut trouver des
croyances parallèles, anciennes, qui peuvent être de l’ordre de la
valeur de soi, de la valeur des femmes, parfois, dans l’image
généalogique, par exemple « Je ne peux pas gagner de l’argent
avec mon travail si ça me plaît ». Derrière la croyance dominante, il
y a d’autres choses, et l’on va s’apparenter à un archéologue qui va
chercher des choses très profondes.

Que permet la créativité, dans ce cadre ?

Je pense que la créativité est vraiment la clé de tout. C’est la


permission de voir le monde d’une manière différente. Et l’on joue,
comme avec les enfants. Les enfants ont cette capacité à être très
spontanés, sans jugement, à faire des choses improbables qui n’ont
pas forcément une utilité rationnelle. Je pense que quand on peut
introduire les outils créatifs dans la projection d’une intention
d’identité, « qui je veux devenir ? », on peut commencer à jouer avec
des scénarios, avec des situations. Se demander ce que cela
pourrait être, et ensuite, compléter ce fantasme avec un vrai de
travail : « Et si ça passait comme ça ? De quoi aurais-je besoin pour
le mettre en place ? » Et souvent, c’est là qu’on voit qu’il y a certains
ressentis. Ce que je fais toujours, une fois qu’on arrive à se projeter
et imaginer une version de soi qui donne envie, c’est rapidement
demander comment on peut appliquer ça. Sinon, cela reste un
fantasme, et c’est dangereux.

Le vision board est l’un des outils que tu utilises…

J’utilise une approche plus expérimentale que celle du vision board


classique, où l’on est animé par ce qu’on veut et l’on cherche ensuite
des images pour illustrer ce concept. Là, il n’y a pas forcément
d’idée expressive d’un objectif qui est lancée au début. On peut avoir
une intention au départ, mais après, on se laisse guider par les
images que l’on voit, sans trop filtrer les choix. Ensuite, une fois
qu’on a rassemblé une quantité d’images, il faut choisir ce qui
résonne le plus en nous, sans chercher à comprendre le sens. C’est
dans les questions posées par la suite que le sens du choix des
images est révélé. Mais il y a beaucoup d’autres outils. Par exemple,
j’encourage les gens à tenir un journal intime : cela permet de noter
ses croyances, ses ressentis, comme un vide-poche. Pas de
jugement, juste ressortir ce qu’il y a en nous. Et l’on fait beaucoup de
travail à l’écrit pour formuler l’objectif du coaching, un document sur
plusieurs séances afin de clarifier son but.

Quels sont les bienfaits du vision board ?

Ce que j’entends chez les personnes, c’est « Oh, c’est fou comme
ça me correspond tellement en faisant les choses spontanément,
sans réfléchir ». Quand on met son cerveau en pause, qu’on travaille
sa spontanéité et son intuition, on est bluffé par ce qui ressort. Le
but de tout le monde est de se révéler soi-même et de comprendre
qui l’on est vraiment, de résoudre ces frustrations qui peuvent
devenir anxiogènes. Nous voyons des choses émerger dans le
vision board, nous sommes déjà dans un rôle d’acteurs/actrices,
personne ne nous a imposé ces images. On crée quelque chose de
concret, qui donne de la satisfaction, de la surprise, de la création, le
sentiment de se sentir vivant, d’être stimulé. Ce n’est pas juste le fait
de voir le message, c’est aussi se sentir bien. On se sent fort, fier, et
après, on obtient des clés de lecture. On interprète soi-même ces
images : quel est le sens derrière chaque image ? Quels sont nos
désirs cachés ou simplement révélés ? Cela peut bousculer, révéler.
On ne sait pas ce qui va émerger.
Quels sont les secrets pour un vision board efficace ?

Je dirais qu’il faut questionner le vision board, pas seulement le


poser et imaginer que des choses vont se manifester toutes seules.
Si l’on se sent un peu plus en dialogue avec l’œuvre et qu’on dit « il
y a cette trajectoire, cet objectif. Bien. Mais qu’est-ce que je peux
mettre en place tout de suite dans ma vie ? » On peut utiliser les
images comme un tremplin pour creuser au fond de soi, chercher ce
qu’on veut vraiment dans sa vie. Il y a plusieurs étapes à suivre, un
guide disponible sur mon site. Le questionnement est tout aussi
important que les images et le collage. La puissance, c’est le
questionnement. C’est aussi un point de vigilance aux interprétations
des autres. Les personnes de notre entourage, souvent, essayent de
nous aider, mais nous donnent leur avis avec leur propre laine, leur
propre problématique, leurs peurs et leurs envies. Il faut faire
attention à leur jugement. Le vision board est donc une œuvre
concrète, un peu sacrée, et c’est davantage une conversation entre
soi et le travail sur soi.

2. La meilleure lettre de votre vie.


3. Chaque jour est ta semaine, est ton mois, est ton année. Pas après pas.
7
LA SIESTE CONTÉE

Cet outil est un pur moment de relaxation. Imaginez : votre vie


vous épuise, vous essayez sans arrêt d’équilibrer vie professionnelle
et vie personnelle, mais évidemment, à vouloir tout faire, tout gérer,
penser à tout, vous n’y arrivez pas. D’un coup, la pièce où vous vous
trouvez est plongée dans la pénombre. À côté de vous, des
canapés, des coussins et un plaid. Une voix douce vous demande
de vous installer le plus confortablement possible. Vous vous
allongez sur ce canapé et vous vous couvrez de ce plaid si doux.
Alors, la voix vous demande de vous laisser aller et de ne rien faire
d’autre que de l’écouter. Durant quelques minutes, votre corps se
détend et vous êtes plongé(e) dans l’univers magique de l’histoire
qu’on vous raconte. C’est ce qu’on appelle la sieste contée, ou
sieste littéraire, ou encore la « bibliorelaxation ». Une histoire mise à
la disposition d’une relaxation, brève, mais efficace.

Cette technique a été testée dans certains établissements


scolaires. En effet, les Travaux académiques mutualisés
documentation 2017-2018 portaient sur la thématique « Repenser
l’espace existant du CDI pour mieux répondre aux besoins des
usagers ». Des professeurs documentalistes de plusieurs académies
ont ainsi travaillé sur l’organisation des espaces axés autour du
bien-être. Dans ce cadre, Nora Nagi-Amelin, du collège
Rolland Garros à Nice, explique sur le site de l’académie : « La
sieste contée est un temps pendant lequel l’usager s’installe aussi
confortablement que possible et écoute une histoire lue ou racontée
par quelqu’un d’autre. Durant ce moment, le siesteur peut laisser
vagabonder son esprit au fil des mots, et s’il lâche suffisamment
prise, il peut s’endormir. »

Elle a ainsi mené l’expérience en organisant plusieurs ateliers de


sieste contée, sur la base du volontariat. Et les retours sont positifs :
« Les élèves réclament parfois des siestes contées en dehors des
espaces-temps alloués, et ils sont nombreux à déplorer qu’il n’y en
ait pas davantage. Les siesteurs sont toujours volontaires, mais il
arrive que l’équipe de vie scolaire ou l’infirmière recommande
l’atelier à certains élèves ayant besoin d’apprendre à se canaliser ou
de s’apaiser, l’un d’eux est devenu un fidèle. […] L’atelier de sieste
contée est un moment où le temps est suspendu, chacun se
recentre sur soi, y compris le lecteur. C’est toujours une parenthèse
de quiétude dans cet espace bruyant qu’est un collège. Lecteur et
siesteurs accèdent ensemble au bien-être. »

Pour que ces ateliers de relaxation autour du texte soient un


succès, Nora Nagi-Amelin explique cependant qu’une relation de
confiance entre le lecteur et les auditeurs est indispensable. « Mais
j’ajoute une pincée de mystère. En effet, je n’annonce jamais ni le
titre ni l’auteur, et surtout, je ne souhaite pas que les références du
livre instaurent une réflexion. Il est important que le siesteur soit tout
entier tourné vers l’écoute et ne soit pas parasité par ses pensées. »
De même, Axelle Artois, bibliothécaire dans une bibliothèque
universitaire de l’INSPÉ (Institut national supérieur du professorat et
de l’éducation) de Lille et formée à la bibliothérapie, mène des
ateliers de sieste contée auprès d’un public plus adulte, puisque ce
sont de futurs enseignants. À l’occasion d’un échange (voir
l’interview ci-après), elle m’a ainsi raconté le déroulement de ses
ateliers : « J’essaye d’installer une certaine pénombre dans la pièce
pour instaurer ce côté cocooning et sieste, avec un peu de lumière
pour moi, pour pouvoir lire tranquillement. En matière de sélection
de textes, je ne suis que sur une seule histoire et plutôt un album
jeunesse, avec ce côté “je vous emporte dans une histoire du début
à la fin, le temps de la sieste”, je trouve que ça colle mieux avec cet
outil, de rester sur une même histoire. J’ai déniché une histoire ni
trop courte ni trop longue, qui laisse une place à l’imaginaire. Dans
les albums jeunesse, il faut faire attention que le texte suffise, qu’il
n’y ait pas des informations dans l’image qui, par conséquent, n’ont
pas leur place dans la sieste. J’explique dans un premier temps le
déroulement, qu’il n’y a pas d’objectif, seulement de passer un bon
moment, qu’ils peuvent s’endormir, penser à autre chose, qu’il n’y a
aucun souci, mais que le but, c’est qu’ils vivent un moment de
détente et de relaxation. Souvent, avant de lire, je les recentre sur
leur respiration, leurs points d’appui. Et ensuite, je programme une
petite sonnerie pour marquer le début de l’histoire et qui sonne de
nouveau à la fin. Enfin, je laisse un temps pour émerger, reprendre
conscience d’où ils sont, s’étirer s’ils en ont envie. En ce qui
concerne le matériel, je n’ai pas de tapis ou autre, mais ils peuvent
tout à fait plonger leur tête entre leurs bras sur une table… » Et là
encore, l’exercice fait sens auprès des siesteurs.

Les bienfaits de la sieste contée sont d’abord ceux de la sieste,


tout court. Un article du quotidien Le Monde, « La Sieste, cette
pause aux mille vertus », publié en octobre 2015, rappelait déjà les
bénéfices de ce temps de pause sur la productivité, sur le système
immunitaire et sur le niveau de stress. Mais pour le professeur
Damien Léger, médecin spécialiste du sommeil, responsable du
Centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu de Paris, et
professeur à la faculté de médecine de l’université Paris-Descartes :
« La microsieste consiste à changer de rythme, faire une coupure,
respirer tranquillement, et comporte rarement du sommeil. C’est une
sorte de relaxation profonde. Une sieste avec un sommeil de 10 à
15 minutes serait suffisante pour améliorer la vigilance, la fatigue, la
vigueur, l’humeur et, à un moindre degré, les fonctions cognitives et
les tâches de mémoire. » Une pause qui, malgré ces vertus, n’est
pas toujours bien vue quand on a plus de 4 ans dans une société qui
prône la productivité. Dans l’article du Monde, le polytechnicien
Bruno Comby, auteur d’Éloge de la sieste (J’ai lu, 2005), l’assure :
« Nous avons grandi avec un schéma social du sommeil où l’on doit
se réveiller le matin très actif et le rester jusqu’au coucher du soir. Or
ce schéma est faux, il ne correspond pas à nos besoins
physiologiques. Il faut donc réapprendre à observer les besoins de
notre corps, ses signaux, et les respecter en fractionnant la journée
avec une ou plusieurs siestes ! »

Et alors, quand ce temps de relaxation est couplé avec la lecture


d’un ou plusieurs textes par une tierce personne, les effets
bénéfiques de la bibliothérapie se combinent avec ceux de la sieste.
Dès lors, cet outil permet aux siesteurs de faire fonctionner leur
imagination, et ainsi, sans rien faire, de développer leur créativité.

Sans rien faire… Cette proposition peut plaire autant qu’elle


intrigue, voire effraye, dans notre société actuelle. Mais ce concept
séduit, et d’autant plus depuis la pandémie et les confinements de
2020. Il porte même le nom de niksen, qui se définit comme étant le
concept, venu des Pays-Bas, de ne rien faire. Rien. Simplement
« laisser son esprit vagabonder », explique le site de France Info
dans un article intitulé Le Niksen ou l’art de ne rien faire, un véritable
défi, publié en avril 2020. Le média a d’ailleurs interrogé une
psychothérapeute, Katie Krimer, selon qui ne rien faire peut « aider à
stimuler la créativité, mais aussi à réduire le stress et l’anxiété. » Elle
explique ainsi que le niksen a des bienfaits « semblables à ceux de
la pleine conscience et de la méditation », même si le concept
néerlandais n’impose pas de ramener sa conscience au moment
présent, mais plutôt de laisser son esprit aller et venir comme il le
souhaite. Sans téléphone, sans réseaux sociaux, sans TV, sans
ordinateur, sans livre, tout au plus un fond musical. Katie Krimer
reconnaît qu’il s’agit d’un exercice compliqué, un vrai défi dans ce
monde où la surproductivité « rend un peu les gens coupables s’ils
ne sont pas constamment occupés ou utiles à la tâche ».

Pourtant, il est important de savoir couper, souffler, s’accorder un


temps, pour soi, en ne faisant… rien ! La psychothérapeute propose
alors déjà de s’octroyer une petite pause, mais régulière. « Vous
pourriez vous engager à le faire durant une minute de chaque heure
de travail, juste pour laisser votre cerveau se reposer. Ne faites rien
pendant une minute et vous remarquerez à quel point vous pouvez
être productif. »

Exercices pratiques
Ces exercices sont à réaliser en groupe, avec bienveillance, sauf
pour le quatrième et dernier exercice qui vous invite à une douce
pause.

Relax
Installez-vous le plus confortablement possible. Assis sur le rebord
d’une chaise, allongé, sur des tapis, des coussins, en tailleur…
Soignez l’ambiance, selon le matériel dont vous disposez : allumez
des bougies, installez la pénombre (un brin de lumière est tout de
même nécessaire au lecteur !).

Une personne, désignée comme lecteur, aura choisi un ou


plusieurs textes. Elle prend place à un endroit dans la pièce. Une
fois le groupe installé, chacun s’octroie cinq minutes pour respirer
tranquillement. Les yeux fermés, essayez de faire le vide, de laisser
passer vos pensées, ne les jugez pas. Inspirez. Expirez.

Le lecteur ouvre ensuite les yeux, tandis que le reste du groupe


reste les yeux clos. Il commence alors la lecture, doucement, avec
les intonations, mais sans surjouer. Il prend le temps de lire durant
une dizaine de minutes environ.
Une fois la lecture terminée, chacun s’octroie le temps nécessaire
pour ouvrir les yeux, s’étirer et revenir dans le moment présent.

Le relais
Installez-vous le plus confortablement possible, mais plutôt en
ronde. Assis sur le rebord d’une chaise, allongé, sur des tapis, des
coussins, en tailleur…

Encore une fois, il est important de soigner l’ambiance, selon le


matériel dont vous disposez : allumez des bougies, éparpillez des
coussins ou des tapis, instaurez une lumière tamisée, mais
suffisante pour la lecture.

Ici, chaque membre du groupe aura choisi un texte. Une fois que
vous êtes tous installés, prenez cinq minutes pour respirer
tranquillement. Les yeux fermés, essayez de faire le vide, de laisser
passer vos pensées, ne les jugez pas. Inspirez. Expirez.

Le premier lecteur ouvre ensuite les yeux, tandis que le reste du


groupe reste les yeux clos. Il lit alors doucement son texte, avec les
intonations, mais sans surjouer. Il prend le temps de lire. Une fois
son texte terminé, il le repose doucement et ferme les yeux. Un
second lecteur ouvre alors les yeux pour lire son texte. Et ainsi de
suite.

Une fois la lecture de chacun terminée, prenez le temps


nécessaire pour ouvrir les yeux, vous étirer et revenir dans le
moment présent.
La sieste
Installez-vous le plus confortablement possible. Selon le matériel
disponible, aménagez des canapés, des tapis, allongez-vous. Ou
alors asseyez-vous, la tête posée sur une table et nichée dans les
bras. Le plus important est de se sentir à l’aise. Instaurez une
ambiance tamisée, douce, avec un peu de lumière pour le lecteur.

Une personne, désignée comme lecteur, aura choisi un ou


plusieurs textes. Elle prend place à un endroit dans la pièce. Une
fois le groupe installé, chacun s’octroie quelques minutes pour se
détendre, essayer de ne penser à rien, lâcher prise.

Le lecteur peut prendre quelques minutes de silence pour respirer


tranquillement et fermer les yeux. Quand il les rouvre, il peut mettre
un petit son doux afin de signifier qu’il va commencer la lecture.
Doucement, avec les intonations, mais sans surjouer, il prend alors
le temps de lire le ou les textes sélectionnés, durant une quinzaine
de minutes environ.

Certains membres du groupe se seront peut-être endormis, tous


seront en tout cas bercés par la voix du lecteur et l’ambiance de la
pièce. Un simple moment de détente. Une fois la lecture terminée, le
lecteur remet le petit son pour signifier la fin de la lecture. Chacun
prend le temps nécessaire pour ouvrir les yeux, s’étirer et revenir
dans le moment présent.

Ne rien faire
Comme le niksen, ce concept de slow life venu des Pays-Bas, le
prône si bien : accordez-vous un instant à ne rien faire. Mais
vraiment rien. Pas de télévision, le téléphone éteint, ou sur
silencieux, et loin de vous, même pas un livre (oh !), tout juste un
fond de musique, tout doux.

Asseyez-vous, allongez-vous, affalez-vous, mettez-vous dans la


position la plus confortable possible. Respirez tranquillement (tout va
bien se passer…) et laissez votre esprit vagabonder. Vous pouvez
regarder la pluie à travers la fenêtre, un feu de cheminée, le plafond
de votre salon. Laissez-vous aller là où votre esprit vous emmènera.
Rien de plus. Ne vous jugez pas. Profitez de ce moment de détente.
Profitez du fait de ne rien faire pendant quelques minutes.

Un exercice à consommer évidemment sans modération !

Interview
Axelle Artois est bibliothécaire dans une bibliothèque
universitaire de l’INSPÉ de Lille, formée à la bibliothérapie, et à
l’origine du compte Instagram BiblioZen.

Comment es-tu venue à la bibliothérapie ?

J’y suis arrivée par petites touches. En fait, je participe aux Défis
des 100 jours de Lilou Macé, et lors d’un de ses défis, j’ai discuté
avec une jeune femme qui, parce que j’étais bibliothécaire, m’a
demandé si j’avais déjà entendu parler de la bibliothérapie. Et c’est
vrai que je ne connaissais pas, mais que le terme m’a tout de suite
parlé, que ce soit mon amour pour les livres et l’écriture à travers le
terme « Biblio » et le côté « thérapie » pour prendre soin. Je me suis
donc ensuite informée et documentée, et j’ai suivi la formation de
Régine Detambel.

Quels sont les outils que tu utilises le plus ?

Je travaille essentiellement autour de la lecture à voix haute. Pour


l’instant, dans les ateliers que j’ai proposés, j’ai lu des textes aux
étudiants, mais par la suite, j’aimerais qu’eux puissent passer par la
lecture à voix haute, cela me semble intéressant de pouvoir voir le
texte autrement. Je travaille donc beaucoup autour de cet outil.
J’utilise aussi souvent l’écriture.

Comment est venue la mise en place de la sieste contée ?

J’ai lu le livre d’Aurélie Louvel, destiné à la bibliothérapie pour les


plus jeunes. Elle y évoque la sieste contée mise en place dans un
CDI, je crois, et j’ai trouvé l’idée très sympa. J’avais envie de
proposer cet atelier. Donc là où je travaille, à l’occasion d’une
journée un peu plus festive, j’ai animé une sieste contée pour la
première fois. C’était un moment très agréable et plaisant. Et c’était
aussi intéressant de le mettre en place pour un public plus adulte.

Quels sont les bénéfices ?

C’est un temps suspendu, il y a un réel lâcher-prise, même de la


part de ceux qui sont un peu réticents au début, ceux qui regardent
les autres au moment de s’installer confortablement. Par le concept
en lui-même, on est obligé de lâcher prise, on ne tient pas le livre
entre ses mains, on ne sait pas combien de temps ça va durer. La
voix détient aussi son pouvoir : elle permet de se reconnecter à
notre enfance, à l’histoire du soir. Ce pouvoir est enveloppant et offre
une réelle occasion de se détendre, d’entrer en contact d’une autre
façon avec le texte. Pour des personnes qui ne sont pas forcément
sensibles au livre, la sieste contée peut aussi être une autre
manière, moins scolaire, d’aller vers la lecture. C’est d’ailleurs ce
que j’aime dans cette pratique et dans la bibliothérapie en général,
c’est qu’on se reconnecte vraiment à la fois avec une lecture plaisir
et avec les sens. Il n’y a pas d’analyse, juste le ressenti des
émotions.

Est-ce qu’il y a un temps d’échange à la suite de la sieste


contée ?

Il y a les deux possibilités, selon le temps disponible, car il faut


vraiment prévoir un temps pour émerger tranquillement. Mais même
dans ce cas où l’on n’a pas eu l’occasion d’échanger juste après la
sieste contée, certains reviennent me voir pour me dire que ça leur a
fait du bien, que c’était un moment agréable. Quand on a plus de
temps, on peut tout à fait échanger sur le ressenti à la suite de cette
sieste. Le retour que j’ai, sur la sieste contée comme sur la lecture à
voix haute, c’est qu’à partir du moment où l’on sait lire seul, c’est une
pratique qu’on oublie, alors que c’est échanger.

Comment utilises-tu la voix dans cette pratique ?

J’essaye de mettre une intonation. En revanche, s’il y a deux


personnages différents, je ne vais pas m’amuser à prendre des voix
distinctes, je ne vais pas non plus le surjouer, je dois rester proche
du texte : de l’intonation, certes, mais pas d’interprétation. Cela
étant, je pense qu’il est important de ne pas parler trop vite et de
ménager des temps de silence et des respirations dans le texte.

Peut-on imaginer des variantes à ces outils ?

Avant de travailler les siestes contées, sur les ateliers que j’ai pu
organiser, on voyait nettement l’influence de la méditation. La
respiration, les points d’appui, c’est quelque chose que j’ai observé
en sophrologie. Je ne suis pas sophrologue, mais il existe des outils
qui viennent d’ailleurs et qui permettent de créer un univers et un
moment de détente. On m’a du reste demandé d’intervenir avec la
bibliothérapie lors d’un module sur la pleine conscience.
L’intervenante qui organisait ce module voyait un lien entre
bibliothérapie et pleine conscience. Et il est évident. Quand on est
en train de lire un livre, on est obligé d’être en pleine conscience
pour le comprendre. C’est déjà un premier exercice de pleine
conscience et de bibliothérapie. On réduit le stress avec seulement
5-6 minutes de lecture par jour. Donc, pour moi, il y a des liens
évidents.
8
LE THÉÂTRE

« Le théâtre est le désordre incarné, et pour faire l’éloge du


théâtre, il faut commencer par faire l’éloge du désordre. »
Louis Jouvet, comédien, metteur en scène, directeur de théâtre et
professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique.

Le théâtre est une pratique à part entière, avec ses codes, son
vocabulaire, son histoire, ses règles. Il procure également des
bienfaits puissants sur notre bien-être, à tel point que, comme la
bibliothérapie, il existe un « théâtre thérapeutique », appelé aussi
dramathérapie. Branche de l’art-thérapie, le théâtre utilise, comme la
bibliothérapie, le texte, les mots, la voix haute et parfois même,
l’écriture en plus de la mise en scène. Le tout avec de nombreux
effets positifs sur le développement de notre personne. La
dramathérapie et la bibliothérapie possèdent ainsi beaucoup de
points communs, et il apparaissait évident qu’un chapitre lui soit
consacré.

Dans un article du Figaro Santé (sante.lefigaro.fr) intitulé « Le


théâtre, quelle thérapie ! » et publié en mars 2016, « la
dramathérapie a le vent en poupe ! » On y apprend qu’une
association nationale de dramathérapie a été créée, tout comme un
master en art-thérapie à la Sorbonne Paris-Cité. D’ailleurs,
Sandrine Pitarque, co-responsable pédagogique de ce master, est
également metteuse en scène. Elle explique dans cet article :
« Aujourd’hui, ce sont autant des metteurs en scène s’interrogeant
sur le sens de leur art que des soignants – infirmiers, psychologues,
etc. – désireux de disposer d’un nouvel outil dans leur métier qui se
forment à la dramathérapie. Il faut dire que le panel de techniques et
d’exercices permis par cet art est foisonnant. » Dans ce panel, on
trouve en effet des échauffements de la voix, des exercices de
diction, des outils autour des émotions, de l’improvisation, de la
mémorisation, de la mise en scène, de l’imagination… Bref, de quoi
stimuler votre créativité, et même la révéler ! Pour
Sandrine Pitarque, « certains exercices se révèlent fondateurs : dire
une même phrase avec des émotions différentes, accepter le regard
empathique de l’autre sur soi… »

L’Institut Rafaël, une maison de soin après un cancer située à


Levallois-Perret, en région parisienne, revendique sur son site
Internet la pratique de la dramathérapie dans les soins apportés aux
malades. « Les ateliers sont avant tout un moment de plaisir, de
partage et de jeu. Une pause dans le temps qui permet d’être dans
l’instant présent avec soi et avec les autres. » Le site de l’Institut
poursuit : « Le cancer vient généralement ternir la relation à son
corps. La dramathérapie permet ainsi de se réapproprier son image
corporelle. On observe d’ailleurs une meilleure aisance corporelle et
vocale. Plus confiant, le corps est ancré, présent, la voix est placée.
L’espace scénique est un lieu de l’intime, de liberté et d’expression.
Le lâcher-prise s’améliore au fil des semaines. Les participants sont
alors plus détendus et évacuent l’anxiété. La dramathérapie offre un
espace de création et d’expression. Les émotions sont au cœur du
processus. Les jeux proposés permettent d’évacuer des émotions
difficiles, d’explorer des parties de soi encore inconnues, de prendre
du plaisir à jouer et de soutenir les capacités de résilience. On
observe une meilleure gestion des émotions. Un atout majeur dans
la vie quotidienne et dans la voie de la guérison. »

Ainsi, grâce au jeu et aux exercices pratiqués au théâtre, l’institut


affirme que « cette méthode facilite la créativité, l’imagination, les
interactions, l’apprentissage et la connaissance de soi ». Une étape
indispensable dans la reconstruction après une grave maladie, mais
également dans notre vie de tous les jours, pour faire face à nos
blocages, nos programmations, une dépression, une période de
remise en question, etc.

Dans son ouvrage Le corps n’oublie rien, publié chez Albin Michel
en 2018, le psychiatre américain Bessel van der Kolk écrit :
« L’imagination joue un rôle capital dans la qualité de vie. […] Elle
nous donne l’occasion d’envisager de nouvelles possibilités : c’est
un stimulant essentiel à l’accomplissement de nos désirs.
L’imagination fouette la créativité, délivre de l’ennui, soulage la
douleur, décuple le plaisir et enrichit les relations les plus intimes. »
C’est alors une expérience du corps et de l’esprit que propose le
théâtre, en prenant du plaisir, un temps pour soi, du recul sur notre
vie, et en explorant ce que nous avons enfoui en nous.

Les vertus du théâtre


Mieux se connaître
Selon les méthodes utilisées, le comédien de théâtre puise dans
ses expériences pour pouvoir incarner un personnage ou une
situation. Et inversement : le personnage ou la situation peuvent
également être un instrument du comédien pour exprimer ce qu’il a
enfoui en lui, ses valeurs, ses émotions, ses blocages, qui sont alors
réprimés par la société ou notre éducation. En 1969, le
psychanalyste Mannoni l’assurait : « Lorsque le comédien incarne
un personnage, il exprime des images du Moi. » Au théâtre, nous
pouvons alors découvrir certaines forces et émotions, certains
blocages, et « travailler » dessus.

Être moins stressé(e)


Le théâtre permet de mieux répondre face à un état de stress.
Cette pratique propose dans un premier temps de s’accorder une
parenthèse. Un atelier de théâtre est ainsi une porte qu’on ouvre
vers d’autres personnages, d’autres situations que celles qui nous
provoquent ce stress. Véritable exutoire, le théâtre est un exercice
parfait pour se « changer les idées ».

Il permet également, par l’imagination, l’improvisation et la mise en


scène, de mobiliser ce que le neuropsychologue Jacques Fradin
appelle le cerveau adaptatif. Or le cerveau est un muscle. Et s’il est
entraîné à faire fonctionner sa partie adaptive, il saura alors
s’adapter sans stress face aux pressions que nous subissons, aux
attentes de la société, de notre vie professionnelle ou familiale. Le
cerveau devient de ce fait plus flexible et peut mieux faire face aux
agressions qui provoquent le stress.

Faciliter les relations avec l’autre


Sur le site Internet de Haut les Cours, une plateforme qui recense
les cours disponibles à Paris, notamment en théâtre, l’article 6
bienfaits du théâtre sur notre cerveau assure que « le théâtre est un
véritable vecteur de cohésion. Dans son essai sur la fonction sociale
du jeu, Homo Ludens (“l’homme qui joue”), l’historien allemand
Johan Huizinga avance que le théâtre mime les sociétés humaines
et le lien social. » Ainsi, le théâtre, à travers la mise en scène de
conflits, d’expériences difficiles ou de blocages, peut permettre, par
la mise en scène, l’improvisation, l’échange avec le groupe,
l’imagination, de prendre du recul et même de trouver des réponses
à ces situations.

Développer son empathie


Le Petit Larousse illustré (édition de 2020) définit ainsi l’empathie :
« Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce
qu’il ressent ».

Il semble évident que pour interpréter un personnage, le comédien


doit savoir faire preuve d’empathie. Il doit ainsi imaginer la
psychologie de son personnage, son fonctionnement et ses
émotions. Il est indispensable de savoir comprendre son
personnage, mais également ses partenaires, d’être à leur écoute.

La définition de l’empathie suggère par ailleurs qu’elle est


« intuitive », donc innée, mais comme la créativité, elle peut parfois
être polluée. Il est alors important, pour être empathique envers les
autres, de savoir être empathique envers soi-même, c’est-à-dire
d’accueillir les émotions avec bienveillance et de les comprendre
sans les juger. Pour cela, connaître les émotions est indispensable,
et le théâtre permet aussi cette introspection.

Maîtriser ses émotions


Au théâtre, les émotions sont au cœur du jeu. Elles sont
indispensables pour interpréter un rôle, un personnage, pour
imaginer une situation, ce que les personnages ressentent, et pour
être sincère dans son jeu. Un atelier de théâtre régulier va alors
permettre de comprendre la peur, la colère, la tristesse, la joie, la
déception, le dégoût, l’envie… Il s’agit là de saisir ce qui se passe
dans notre cœur pour pouvoir l’interpréter avec le plus de justesse
possible. Et comprendre une émotion au théâtre, c’est savoir
l’accueillir dans la vie, l’accepter, ne pas se juger. Même les
émotions les plus difficiles à extérioriser, surtout quand on n’a pas
l’habitude de le faire, peuvent être plus faciles à appréhender, car
« c’est du théâtre ». Cette mise à distance est alors un terrain de jeu
formidable pour expérimenter toutes ces émotions.

Développer sa créativité
Le théâtre mobilise la partie de notre cerveau appelée cerveau
adaptatif. Le comédien doit en effet s’adapter à ses partenaires de
jeu, à son personnage, à la situation, à l’environnement. Et pour ce
faire, quand nous « jouons », nous mobilisons certains moteurs de
créativité. C’est ce que nous explique l’article 6 bienfaits du théâtre
sur notre cerveau (disponible sur le site hautlescours.fr) : « La
désinhibition cognitive, le comédien apprend à tenir compte des
informations sensorielles, émotionnelles ou intellectuelles qui sont
habituellement filtrées, la flexibilité attentionnelle, lorsque le
comédien apprend à discerner ses différents modes de perception
(sensorielle, psychique, émotionnel), et enfin l’imagination. Le
comédien apprend alors à construire des simulations mentales que
pourrait avoir son personnage. » Ces trois outils vont permettre de
développer sa créativité, et ainsi de prendre confiance.

Avoir confiance
Le théâtre permet d’accroître sa confiance en soi grâce à de
nombreuses techniques de théâtre, en dehors des outils
précédemment cités : faire face à un public, regarder ses partenaires
dans les yeux…

Il permet par ailleurs de développer la confiance aux autres. Cette


dernière notion est essentielle au théâtre. Pour jouer, les comédiens
sont rarement seuls et ont besoin de faire confiance à leurs
partenaires, de savoir qu’en cas de trou de mémoire, ils pourront
réagir. Il est alors nécessaire de se connaître, d’être complices,
bienveillants les uns envers les autres, et de se faire confiance.

Exercices pratiques
Le théâtre possède des vertus très puissantes qui sont multipliées
par « l’effet de groupe ». Ces exercices sont donc à réaliser en
groupe.

Jeux de rythme
Cet exercice permet de créer ou d’optimiser la cohérence d’un
groupe tout en poussant chacun des membres à écouter ce que les
autres font et à se concentrer sur l’harmonie.

En groupe, formez un cercle. Chacun va jouer un son et un rythme


avec une partie de son corps, par exemple en tapant des mains, en
claquant des doigts, en tapant du pied, en chantant… le but étant de
créer une harmonie avec tous ces sons et ces rythmes différents.
Pour ce faire, un des membres du groupe lance un simple rythme de
base. Au fur et à mesure, les autres s’engagent dans l’harmonie
avec un nouveau son et un nouveau rythme. Il s’agit alors d’écouter
attentivement pour essayer de créer un ensemble harmonieux.

Recommencez plusieurs fois, en prenant soin de changer de


rythmes et de sons.

Stimuler son imagination


Toujours en cercle, l’un des membres du groupe lance un début
d’histoire en une phrase. Commencer par « Il était une fois » peut
aider à démarrer. Par exemple : « Il était une fois une vache aux
couleurs de l’arc-en-ciel… »

La personne à gauche prend alors le relais de l’histoire avec une


autre phrase en ayant pris soin de reprendre la première phrase.
Elle pourrait dès lors dire, par exemple : « Il était une fois une vache
aux couleurs de l’arc-en-ciel, qui ne donnait pas de lait… » Chaque
membre du groupe constitue ainsi l’histoire à sa manière en faisant
appel à son imagination, jusqu’au dernier, qui va reprendre l’histoire
du début en trouvant une conclusion.

Cet exercice a pour but de travailler son imagination, mais


également sa mémoire !

Aie confiance !
La confiance en soi et en ses partenaires est indispensable au
théâtre. Chacun doit être capable de compter sur les autres. Pour
s’entraîner, il existe plusieurs exercices, notamment celui du guide et
de l’aveugle.

En binôme, il s’agit de marcher dans la pièce, l’un étant le guide,


l’autre l’aveugle. L’aveugle a les yeux bandés. Dans un premier
temps, il se laisse conduire par son « guide » qui le tient par le bras.
Dans un second temps, il est guidé uniquement par la voix et reçoit
des ordres simples, par exemple « Va à droite… à gauche… marche
tout droit… recule… » Ensuite, pour monter en difficulté, chaque
binôme détermine un code vocal pour les ordres. Ainsi, « tourne à
gauche » peut être remplacé par un claquement de doigts, « tout
droit » peut devenir un simple « ah » et s’arrêter peut se faire sur un
sifflement, etc.

Ces exercices peuvent être pratiqués à tour de rôle, jusqu’à les


réaliser tous les binômes ensemble, avec chacun ses codes et ses
ordres. Cela favorise l’écoute, la concentration, la confiance, car
l’aveugle est obligé de faire confiance à son guide bienveillant, et la
cohésion de groupe.

Les émotions
Choisir une chanson que vous connaissez très bien, par exemple
une comptine pour enfants. Récitez le texte une fois, en parlant et
non en le chantant, pour bien l’avoir en tête. Ensuite, choisissez une
émotion, par exemple la peur, la colère, la tristesse, la joie, le désir
ou encore l’étonnement, la confiance, le dégoût… Une fois que vous
avez trouvé votre chanson et votre émotion, prenez un moment pour
respirer et vous concentrer. Essayez petit à petit de faire vivre
l’émotion en vous, de la ressentir dans votre corps afin de la faire
sortir de vous. Respirez.

Prononcez ensuite le texte de la chanson en faisant monter


l’émotion au fur et à mesure du texte, afin qu’elle soit amplifiée. Par
exemple, si l’émotion choisie est la colère, serrez les poings, la
mâchoire, froncez les sourcils et faites monter la colère jusqu’à
l’explosion à la fin du texte. Prenez ensuite un temps pour faire
redescendre cette émotion. Respirez tranquillement.

Pour cet exercice, ne vous jugez pas. Essayez de ne pas rire, ne


vous dites pas que vous êtes ridicule. Soyez bienveillant avec vous-
même. Vous pouvez recommencer avec les autres émotions.

Le point de sensibilité
Le groupe s’installe en arc de cercle, assis sur des chaises,
comme des spectateurs au théâtre. Chacun à leur tour, les membres
du groupe viennent se mettre devant, comme sur une scène.
D’abord dos aux spectateurs, ils se retournent quand ils sont prêts à
leur faire face. Ils prennent ensuite le temps de regarder chacun des
autres membres du groupe dans les yeux, lentement.

La gêne peut alors intervenir et se traduire par de petits rires, les


mains cachées dans les manches, les jambes qui tremblent, la tête
qui bouge, les épaules qui s’abaissent… Celui ou celle qui fait face
doit alors s’appliquer à ouvrir les épaules, garder la tête bien droite,
respirer, rester immobile tout en affrontant le regard des autres.

Cet exercice peut se révéler très difficile pour celui ou celle qui
manque de confiance. Il peut même parfois susciter de vives
émotions. Mais il permet justement de développer la confiance en
soi, d’où l’importance de la bienveillance des autres membres du
groupe.

Interview
Kathleen Arestan est comédienne dans la compagnie Entr’act,
professeure de théâtre et de danse à Fréjus, dans le Var.

Quel est ton parcours dans le théâtre ?

J’ai commencé le théâtre lorsque j’étais à l’école primaire. On a


joué beaucoup de petites pièces pour enfants qui m’ont beaucoup
plu à l’époque et dont je garde un beau souvenir, comme Les
Malheurs de Sophie ou La Famille Adams. Après le bac, j’ai intégré
une école de théâtre et de cinéma à Marseille, Actor Sud, pendant
deux ans. Cette école avait été créée cinq ans auparavant par le
directeur de l’époque, qui avait suivi des cours à l’Actor Studio à
Paris, et son idée était donc de fonder une école sur les mêmes
méthodes. Je suis ensuite allée à Paris suivre le stage du studio
Pygmalion et tenter le cours Florent. J’ai été acceptée aux deux,
mais l’école et la vie à Paris coûtent cher et je suis donc repartie.
J’ai alors passé des auditions pour intégrer des compagnies de
théâtre. Je suis finalement redescendue dans le Sud. J’ai enseigné
la danse dans une école puis j’ai ouvert des cours de théâtre. Et
aujourd’hui, j’ai intégré la compagnie Entr’Act, qui joue dans les
collèges et lycées des Bouches-du-Rhône sur des thèmes avec un
objectif préventif, par exemple autour du cyberharcèlement, de
l’alimentation, de la violence à l’école…

Quels sont les bienfaits du théâtre selon toi ?

Ils sont multiples ! Il a un effet libérateur, parce que tu peux te


permettre beaucoup de choses au théâtre que tu ne pourrais pas te
permettre dans la vie. Il donne aussi les moyens de canaliser, de
mieux appréhender et de contrôler ses émotions, surtout la colère ou
la tristesse, pour quelqu’un qui a du mal à les gérer ou quelqu’un
d’hypersensible, comme moi. Il y a des gens qui sont timides dans la
vie, et au théâtre, ils font des choses exceptionnelles. Le théâtre
possède vraiment un côté libérateur : on peut être et endosser le
rôle de qui l’on veut. C’est aussi un lieu d’engagement, où l’on peut
dénoncer. Je le vois aujourd’hui avec Entr’Act dans les collèges ou
les lycées ; certains élèves, dont le professeur pense qu’ils ne vont
pas participer, se révèlent ! Cela permet une multitude de choses.
Tout le monde peut s’approprier le théâtre pour s’exprimer, se
vider… Il ne procure que des bienfaits !

Comment travailler autour de ses émotions avec le théâtre ?

Le théâtre permet de mieux comprendre les émotions, notamment


à travers les textes ou la musique. Lorsque j’étudiais à l’école Actor
Sud à Marseille, j’ai effectué des exercices autour du théâtre
classique, qui n’est pas toujours facile à saisir. Mettre une musique
sur un texte difficile permet d’apporter une émotion et de mieux le
comprendre et cerner les personnages. Au théâtre, le travail autour
des émotions est primordial. C’est ce qui définit le personnage. Et il
est indispensable de comprendre l’émotion pour pouvoir la ressentir
et la faire ressentir.

En dehors de l’utilisation de la musique, est-ce que d’autres


exercices permettent d’appréhender les émotions ?

Oui, par exemple, passer du rire aux larmes. On part du principe


que l’attitude entraîne l’état. On passe ainsi par un état physique
pour ressentir l’émotion. Quand on est en colère, les muscles se
raidissent, on est tendu, il y a une contraction du corps. En se
mettant dans ce cadre physique, l’émotion de la colère surgira. Il faut
pour cela faire travailler le corps et la tête ensemble. Autre exemple :
on peut aussi s’appuyer sur des textes faciles à comprendre.
L’émotion passe alors par les mots. Et puis, plus on apprend à jouer
avec les émotions, plus on va éprouver de facilités à les gérer.

On est rarement seul(e) au théâtre. L’effet de groupe au


théâtre stimule-t-il ?
Oui, tout à fait ! Le groupe est important au théâtre. Quand on
commence un cours de théâtre, la première fois, le professeur
installe normalement un esprit de confiance et rappelle qu’on doit
enlever toute notion de jugement. C’est très important pour pouvoir
se sentir libre, exprimer une multitude de choses. On ne se juge pas
soi-même et l’on ne juge pas les autres au théâtre. À partir de ce
moment-là, tout est possible. Quand il y a de la bienveillance, tout se
fait facilement. Et si une personne a un déclic, les autres vont suivre
et tout le groupe est tiré vers le haut. Or, si l’on se juge, cet effet
escalier ne prend pas.
9
KINTSUGI

Voici la définition de la résilience selon le dictionnaire Le Petit


Larousse illustré (édition de 2020) : « 1. Caractéristique mécanique
définissant la résistance aux chocs d’un matériau. 2. Aptitude d’un
individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit
de circonstances traumatiques. 3. Capacité d’un écosystème, d’un
biotope ou d’un groupe d’individus (population, espèce) à se rétablir
après une perturbation extérieure (incendie, tempête, défrichement,
etc.). 4. Capacité d’un système à continuer à fonctionner, même en
cas de panne. »

Le kintsugi est peut-être l’une des plus belles illustrations de la


résilience. C’est une technique du e
xv siècle découverte au Japon
qui a pour but de restaurer un objet brisé. Il ne s’agit pas de cacher
les fêlures, les fissures, mais bien au contraire de les mettre en
avant et de les sublimer. Dans le livre Kintsugi – L’art de la résilience
de l’autrice et coach Céline Santini, paru en 2018 aux Éditions First,
on apprend ainsi que « le mot kintsugi vient du japonais kin (or) et
tusgi (jointure), et signifie donc littéralement : jointure à l’or ». Quand
on répare l’objet cassé, on souligne alors les fissures avec de l’or.

Cet art suppose ainsi une certaine technique, surtout quand il est
appliqué selon la pratique japonaise ancestrale. Tout d’abord, les
éclats sont réunis, nettoyés, puis recollés avec une laque
traditionnelle, issue du laquier, un arbre asiatique. Il faut ensuite
attendre que l’objet sèche avant de le poncer. Puis, « les fissures
sont soulignées de couches de laque successives et finalement
saupoudrées d’or, ou de tout autre métal en poudre qui, se mêlant
intimement à la laque encore humide, donne l’illusion d’une coulée
de métal ». Enfin, ces fissures ainsi recouvertes sont polies. Le
kintsugi est donc un processus lent, qui demande de la patience, de
la précision et de la bienveillance. Dans son ouvrage, Céline Santini
explique qu’« il s’agit d’un processus de réparation long et
extrêmement précis, se déroulant en de nombreuses étapes, sur
plusieurs semaines, voire plusieurs mois. On dit même qu’il faut
parfois un an pour réaliser le meilleur kintsugi. »

Un reportage de France Culture, réalisé en juin 2021 et intitulé Le


Kintsugi, l’art de réparer les objets en sublimant les cassures,
précise que « cette méthode ne nécessite pas de cuisson au four,
mais le séchage exige de la patience et une grande précision ».
France Culture interroge d’ailleurs une artiste de Meaux qui pratique
le kintsugi, Myriam Greff. Cette dernière explique : « Le séchage de
la laque est très différent quand je travaille en hiver ou en été. Il faut
être à l’écoute de son environnement, il y a une odeur et un toucher.
Il y a une manière dont la laque commence à briller, à se tendre. »

Ainsi, pour l’artiste Myriam Greff, « le kintsugi redonne de


l’importance au vécu de l’objet et aux accidents qu’il a subis ». Une
pratique qui nous « incite à prendre soin des objets du quotidien au
lieu de les jeter quand ils ont subi l’épreuve du temps » selon
France Culture. Le kintsugi s’inscrit alors également dans une
démarche écologique. Réparer plutôt que jeter. D’après
Myriam Greff, « on passe d’un objet qui est destiné à la poubelle à
un objet qui, non seulement, devient une œuvre d’art et qui, en plus,
peut être réutilisé dans son usage d’origine ».

Mais au-delà du côté technique de cet art et de cet engagement


respectueux de l’environnement, il y a une philosophie très forte
dans le kintsugi. Dans le reportage de France Culture, l’artiste
interviewée explique qu’on mène une véritable réflexion autour de
l’imperfection, de l’asymétrie et de l’acceptation des défauts et des
aspérités. « C’est beau de pouvoir montrer cette fragilité, parce
qu’un objet ou une personne qui se montre fragile peut obtenir du
soutien. » « Le kintsugi est une ode à l’imperfection et à la fragilité »,
assure France Culture. Ce que confirme Céline Santini qui a mis des
mots sur cette pratique artistique : « On touche ici à la symbolique
de la guérison et de la résilience. Soigné puis honoré, l’objet cassé
assume son passé et devient paradoxalement plus résistant, plus
beau et plus précieux qu’avant le choc. »

Les mots de Céline Santini sur cette création sont un lien tout
trouvé avec la bibliothérapie. « La voie du kintsugi peut être vue
comme une forme d’art-thérapie, vous invitant à transcender vos
épreuves et transformer votre propre plomb en or. Il vous rappelle
que vos cicatrices, qu’elles soient visibles ou invisibles, sont la
preuve que vous avez surmonté vos difficultés. En matérialisant
votre histoire, elles disent : “Tu as survécu !” Et elles vous apportent
un supplément d’âme. » Ainsi, vous pouvez tout à fait écrire après
un atelier kintsugi qui aura peut-être réveillé en vous certaines
blessures avant de les couvrir d’or. Écrivez ce que vous ressentez,
ce que l’atelier a fait ressurgir, ce qu’il a fait naître en vous, vos
émotions, vos sentiments, votre philosophie. En servant de base à
un atelier d’écriture, le kintsugi se révélera alors tout à fait efficace,
l’écriture permettant de prendre du recul sur ce qui s’est passé
durant l’atelier, mais également de garder une trace de votre
ressenti.

Le kintsugi s’inscrit dans un mode de pensée japonaise, appelé le


wabi sabi, wabi signifiant humilité face aux phénomènes naturels et
sabi ce que l’on ressent face au travail du temps ou des hommes.
Cette pensée pousse à voir la beauté dans la simplicité et dans ce
qui est original, l’extraordinaire dans l’ordinaire, la perfection dans
l’imperfection. Pour Céline Santini, « en acceptant de s’ouvrir au
wabi sabi, on va à contre-courant des modèles standardisés et
artificiels modernes. Le wabi sabi invite au contraire à la
contemplation et au détachement par rapport à la perfection. Il
souligne le caractère irréversible du temps qui passe et l’aspect
éphémère de toute chose, et appelle à apprécier l’humble beauté
des choses simples, patinées par les années et les épreuves. »

La coach assure ainsi que, quelle que soit la blessure, physique ou


émotionnelle, la pratique du kintsugi peut permettre de « vous
accompagner dans votre processus de guérison ». Elle poursuit :
« Considérez que, tel un chemin d’évolution, votre blessure est
initiatique, et changez-la lentement et patiemment en or, en un
processus alchimique. […] Pansez (pensez ?) vos blessures,
transformez vos lignes de faille, en lignes de force, et les éclats de
votre vie en éclats de rire. »
Exercices pratiques
« L’art du kintsugi suit un cérémonial lent et minutieux qui requiert
patience et concentration. Jour après jour, semaine après semaine,
étape après étape, l’objet sera nettoyé, pansé, soigné, guéri et,
enfin, sublime. Peut-être y prendrez-vous goût : c’est aussi
l’occasion de découvrir le plaisir de ces gestes lents et précis qui
invitent à s’immerger avec délice dans la pleine conscience du
moment présent. »

Les étapes décrites ci-après sont toutes issues du livre Kintsugi –


L’art de la résilience de Céline Santini. Elles permettent de pratiquer
le kintsugi selon la méthode ancestrale venue du Japon. Tout le
matériel se trouve sur Internet, au détail ou sous forme de kits prêts
à l’emploi, comme en propose l’Atelier Geneviève (voir l’interview ci-
après). Selon votre niveau et votre budget, vous pouvez suivre la
méthode traditionnelle, avec la véritable laque japonaise et de la
poudre d’or, ou plus simplement vous inspirer de cette technique et
associer de la colle époxy et de la peinture dorée, ou de la poudre
de nacre.

Étape 1 : brisez
« Un imprévu, un faux mouvement, un choc, et c’est la chute…
Reprenez vos esprits et rassemblez les éclats. Faites le choix de
donner une deuxième chance et une deuxième vie à l’objet au lieu
de le jeter. Étudiez les différentes techniques de réparation qui
existent et sélectionnez celle qui vous convient le mieux. Soyez
créatif et osez penser différemment ! Concentrez-vous et
représentez-vous mentalement l’objet réparé dans toute sa
splendeur. »

Étape 2 : assemblez
« Nettoyez les morceaux de l’objet, réunissez tous les outils et
protégez-vous avec des gants. Observez et assemblez le “puzzle”
pour préparer la réparation. La laque (urushi) utilisée comme liant
pour coller les pièces est naturelle. Elle est obtenue de la résine du
laquier. Mais elle est irritante, c’est pourquoi il faut se protéger lors
de son utilisation. Cependant, en séchant, elle va durcir et réparer
l’objet parfaitement tout en perdant sa toxicité. Préparez et appliquez
le liant des deux côtés de la cassure avec une spatule, et collez les
pièces pour reconstituer l’objet. Si une pièce manque, préparez un
liant en mélangeant de la laque avec de la poudre de roque et
recréez-la patiemment avec cette pâte. Si cela vous inspire, vous
pouvez même choisir une pièce provenant d’un autre objet pour
combler le manque de façon originale (technique du yobi-tsugi). »

Étape 3 : patientez
« Grattez la matière superflue avec un outil puis nettoyez en
passant de l’essence de térébenthine. Faites tenir les pièces bien en
place avec du ruban adhésif de masque ou des élastiques. La laque
est vivante, elle doit paradoxalement respirer pour sécher et durcir.
Préparez une boîte en carton fermée, disposez au fond une serviette
et quelques baguettes pour poser l’objet au-dessus du tissu comme
sur une grille. À chaque étape, nettoyez les instruments avec de
l’essence de térébenthine ou de l’huile végétale, et rangez
soigneusement votre matériel pour la prochaine fois. Attendez
patiemment que l’objet sèche dans la boîte entre 7 et 14 jours. »

Étape 4 : réparez
« Lorsque l’objet est parfaitement sec, nettoyez les traces de liant
avec un cutter et de l’essence de térébenthine, puis poncez avec du
papier de verre pour bien lisser la surface. Il ne reste alors plus sur
l’objet qu’une cicatrice marron. Certaines irrégularités sont difficiles à
discerner à l’œil nu. Vérifiez au toucher que la surface est bien en
place, en passant votre doigt sur les lignes de faille. Déposez avec
application sur toutes les cicatrices de l’objet une première couche
de laque noire à l’aide d’un pinceau très fin. Respirez régulièrement,
concentrez-vous et ayez des gestes lents, mesurés et précis, pour
dessiner une ligne la plus fine possible. Laissez sécher dans la boîte
1 à 2 semaines environ. Polissez la surface puis appliquez de
nouveau une deuxième couche très fine de laque rouge. Les
cicatrices sont désormais recouvertes d’une belle laque rouge. Telles
des veines brillantes et bien irriguées, elles ont guéri l’objet et lui ont
donné un second souffle. Remettez dans la boîte pendant une demi-
heure. »

Étape 5 : révélez
« Placez de la poudre d’or sur un pinceau ou dans un tube
d’application et saupoudrez-la délicatement sur la laque encore
collante. À l’aide du pinceau, rassemblez la poudre d’or en excédent
pour votre prochaine création. Puis placez à nouveau l’objet dans la
boîte pour laisser sécher et durcir pendant 2 à 3 jours. Une fois la
laque sèche, passez une boule de coton de soie pour enlever
l’excédent de poudre d’or et révélez les cicatrices d’or. Passez une
fine couche de laque protectrice pour stabiliser l’or, que vous
tamponnerez délicatement 5 minutes après. Laissez sécher à
nouveau, pendant 24 heures. Adoptez l’outil qui vous convient et
vous parle le mieux pour polir l’or. Polissez l’objet avec un mélange
d’huile et de poudre, et le polissoir choisi. »

Étape 6 : sublimez
« Prenez du recul et contemplez l’objet réparé et sublimé dans
toute son unité, portant ses cicatrices d’or avec noblesse.
Remarquez comme l’objet cassé s’est réincarné en une œuvre d’art
précieuse, unique et inestimable. Rappelez-vous l’histoire que cet
objet porte… la laque a durci en séchant, sentez combien l’objet est
encore plus solide. Acceptez avec fierté l’imperfection. Il est encore
plus beau et plus précieux une fois cassé et réparé ! Présentez votre
création à votre entourage. Racontez son histoire pour inspirer les
autres et leur souffler l’idée qu’il est possible de réparer. »

Interview
Geneviève Landsmann est la fondatrice de l’Atelier Geneviève,
à Paris.
Pouvez-vous tout d’abord présenter l’Atelier Geneviève ?

On a ouvert deux cafés-céramiques en 2018 et 2021 à Paris. Ce


sont des lieux hybrides où l’on trouve un coffee shop, mais
également un atelier céramique, peinture, modelage, tournage et un
kintsugi. On a par ailleurs ouvert une boutique en ligne pendant le
premier confinement, sur laquelle on propose des kits pour faire du
kintsugi soi-même, à la maison.

Comment l’art du kintsugi vous est-il apparu ?

C’est vrai qu’on n’était pas du tout partis là-dessus, mais le kintsugi
n’est pas non plus très éloigné de la céramique. Et au fur et à
mesure, on a vraiment fait évoluer nos ateliers par thématique : par
exemple, un atelier céramique sur la Chine, un autre sur
Harry Potter… Le kintsugi est ensuite venu naturellement, en en
parlant. Il y avait un certain attrait qui était possible. On a commencé
alors juste avant le covid et l’atelier a bien plu.

Les participants à l’atelier Kintsugi viennent-ils pour réparer


des objets ou pour se réparer eux-mêmes ?

Dans nos ateliers, il y a nettement un côté artistique et un côté


émotionnel qui se marient bien. Ce n’est pas tranché, les deux
objectifs sont souvent liés.

Que viennent chercher les participants dans le kintsugi ?

Certains veulent le côté esthétique, d’autres viennent parce qu’ils


ont cassé une pièce, il y a aussi une démarche up-cycling. Alors que
d’autres sont plus dans une démarche philosophique, le lien direct
avec l’Homme. C’est comme une sorte de thérapie pour valoriser les
accidents de la vie. Et ça, c’est différent des autres ateliers… Avec le
kintsugi, on assiste à davantage d’échange, de partage, de
philosophie durant une grande partie de l’atelier. Les discussions
prennent naturellement assez vite.

Comment se déroule un atelier de kintsugi à l’Atelier


Geneviève ?

Il y a une première partie d’introduction, où l’on raconte l’histoire du


kintsugi, on explique d’où ça vient, on parle du kintsugi traditionnel,
de sa composition, de la philosophie, de l’approche en ce qui
concerne les pièces, du fait de réparer et de sublimer plutôt que de
jeter. C’est une approche qui est directement rattachée à l’Homme,
qui permet de valoriser les expériences de la vie, de faire de ses
défauts quelque chose de positif et de savoir les mettre en avant…
On développe tout cela durant cette partie, ce qui ouvre ensuite la
discussion. Puis l’atelier manuel commence réellement, on explique
le processus et l’on s’y met petit à petit, on va recoller les morceaux.
Cette seconde partie, plus pratique, amène à beaucoup de
concentration. On s’enferme dans sa bulle, chacun finalise
tranquillement sa pièce.

Les participants reviennent-ils d’un atelier à l’autre ?

Généralement, les gens viennent une seule fois à l’atelier de


kintsugi, mais ils achètent un kit en repartant : ils ont acquis les
bases, donc ils peuvent le reproduire ensuite chez eux. Et ils
éprouvent du plaisir à le réaliser à la maison, car ils ont plus de
temps, ils peuvent partager avec leurs proches… Mais quand ils
reviennent, parce que cela arrive aussi, c’est plutôt pour l’échange,
pour l’effet de groupe, l’effet atelier. On organise d’ailleurs également
des événements privés, pour les entreprises et pour les particuliers.
Par exemple, pour les PACS ou les mariages, le kintsugi comporte
aussi cette jolie notion philosophique autour de l’amour.
10
LE CARNET CRÉATIF OU
JOURNAL CRÉATIF®

Le carnet créatif serait un « doudou », selon Régine Detambel


dans les Livres prennent soin de nous. En effet, ses effets
thérapeutiques seraient les mêmes que celui du « doudou » de notre
enfance, mais un doudou créatif. Il rassure, il console, il est un
exutoire.

Anne-Marie Jobin, autrice formée à l’art-thérapie et fondatrice de


l’école le Jet d’Ancre, au Québec, va encore plus loin. Dans Mon
journal créatif, publié en 2002, puis Mon nouveau journal créatif en
2010 et 2020, elle évoque le rôle d’ancrage du journal : il est une
véritable connexion à soi. Elle explique ainsi dans son ouvrage que
« le journal créatif est un journal intime non conventionnel, un outil
d’exploration de soi qui allie les mondes de l’écriture, du dessin et du
collage de façon originale et créative. […] Le journal créatif a pour
objectif non pas le développement de capacités littéraires ou
artistiques, mais le développement général de la personne. »

Pour ce faire, elle prône l’utilisation de ce qu’elle appelle les trois


langages que sont l’écriture, le dessin et le collage. « Puisque
l’écriture, le dessin et le collage sont trois modes d’expression
différents qui se complètent et interagissent, la méthode du journal
créatif ouvre de nombreuses portes, et permet une exploration riche
de la vie intérieure et de la créativité. Quand l’écriture se superpose
aux images ou que des taches de couleur jaillissent après les mots,
une synergie et une magie s’opèrent. C’est un mariage
incroyablement vivant. »

Une vitalité qui ouvre alors la fenêtre de la créativité et la porte


d’une énergie incroyable : celle de se sentir en vie. Anne-
Marie Jobin écrit dans son livre : « L’objectif général du journal
créatif est le développement personnel. Son objectif clé : jeter l’ancre
vers le centre de soi-même, créer un espace pour laisser émerger
les ressentis intérieurs et ainsi avoir accès à ses ressources
personnelles. » Le développement personnel est ici perçu comme
une philosophie de vie, une façon de « travailler » sur soi, pour être
plus ancré(e), plus connecté(e). Il s’agit de prendre soin de soi pour
être mieux dans ses baskets et dans sa vie.

Anne-Marie Jobin précise qu’il n’y est pas question d’art ou de


talent artistique : « L’accent est mis sur le processus et non pas sur
le produit, ce qui implique qu’il n’est absolument pas nécessaire
d’être doué en arts ou en écriture pour en profiter pleinement. C’est
un outil concret et flexible, facile à utiliser et accessible à tous. »
Pour se lancer dans un carnet ou un journal créatif®, il est donc
conseillé de savoir faire preuve de bienveillance, d’essayer de ne
pas se juger. Concentrez-vous sur ce que vous ressentez, ce que
vous observez dans votre corps, votre cœur et votre esprit plutôt que
sur le dessin que vous produisez.
Par cet outil, nous pouvons alors exprimer ce que nous pensons et
ressentons, même quand il est difficile de mettre des mots dessus.
Nous pouvons mieux nous connaître, redécouvrir qui nous sommes,
ce que nous souhaitons, ce que nous aimons, les choix à faire et la
façon de les faire. Nous pouvons mieux appréhender les
changements qui interviennent, faire preuve de souplesse, mais
également donner du sens à notre vie, nous accorder une pause,
apprendre à souffler, à réduire le stress… l’éventail des vertus du
carnet créatif est large !

L’écriture
L’écriture serait reliée à tout ce qui est rationnel. Elle complète
donc le dessin et le collage, qui auraient plutôt tendance à révéler
notre inconscient, même si l’écriture, par certains exercices, le
permet aussi. Elle va surtout offrir la possibilité de classer, ranger,
organiser, réfléchir, conclure et apporter de la clarté, donner du
sens… L’écriture rend ainsi les choses concrètes dans notre vie.

Mais il n’est pas toujours simple de se lancer dans l’écriture, quand


on n’a pas vraiment l’habitude de le faire. Anne-Marie Jobin conseille
ainsi de ne pas rester bloqué et d’utiliser ce qu’elle appelle des
déclencheurs, de petites phrases ou des mots qui peuvent agir
comme des contraintes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire,
cela ne va pas bloquer encore plus, mais plutôt apporter un côté
ludique à l’exercice. Vous commencerez alors à écrire, ce qui vous
permettra de dépasser certains blocages et d’être ensuite plus à
l’aise dans l’écriture. Utiliser un déclencheur peut être un excellent
échauffement.

Pour plus d’informations sur l’écriture, voir le chapitre 4 : « Les


ateliers d’écriture ».

Le dessin
Toujours selon Anne-Marie Jobin, « le dessin est un aspect
fondamental du journal créatif ». Il est relié au langage des
symboles, qui peut être très puissant, à travers les lignes, les formes
et les couleurs. « Il est davantage lié au monde intuitif et au monde
de dessous, au plus vaste. […] Le dessin tend à être plus brut, et
souvent plus juste, plus affectif, et plus profond. » Le dessin va en
effet mettre en images des choses qui peuvent être enfouies,
inconscientes.

Mais pour que l’acte de dessiner soit un outil puissant, il faut


oublier d’y associer la pression artistique et esthétique. Oubliez la
notion de talent et vos cours d’art plastique ! Oubliez tout ce que
vous croyez ou tout ce qu’on vous a toujours répété, comme « tu
n’es pas créatif/créative » ! Vous devez essayer de vous libérer au
maximum de cela pour laisser place à un seul objectif : être créatif,
et donc créer pour prendre soin de vous. Cet objectif de mieux-être
doit pouvoir vous permettre de dépasser vos préjugés, vos
croyances, les jugements (ceux des autres sont souvent le reflet de
ce que nous pensons de nous…). Encore une fois, la bienveillance
est indispensable pour pouvoir se lancer. Une fois le crayon en main,
vous y prenez goût et vous lèverez les blocages.

Le collage
Le langage du collage est celui de l’image. Des papiers, des
photos, des tissus, des plumes, des images de magazines, des
papiers journaux, des tickets, des cartes, des feuilles, de petits
objets… Tout ce qui se colle peut vous servir dans votre carnet
créatif ! Le fait de coller est ainsi très enrichissant et très ludique. Le
sens du toucher est stimulé. Et il est accessible à tous. Pour Anne-
Marie Jobin, « c’est un de ses grands avantages : il aide à relâcher
le souci technique et le jugement, ce qui en fait une activité de choix
si vous avez du mal à vous laisser aller à dessiner. » Le collage est
ainsi un outil très relaxant et une première approche si vous
rencontrez des difficultés à faire tomber vos barrières.

Lorsque vous décidez de partir à la découverte de vous-même à


travers le journal créatif, collectez donc tout ce qui peut vous servir
au collage : des magazines, des photos, des papiers, des tickets de
caisse, des cartes de visite, des dessins, des slogans, des
publicités, des papiers de soie, des papiers épais de toutes les
couleurs, des dessins, des journaux, des étiquettes de produits…
Créez ainsi une « banque d’images » dans laquelle vous pourrez
plonger à n’importe quel moment. Celle-ci peut également vous
servir de démarrage pour un atelier, si vous vous sentez bloqué(e).
Ce que vous choisirez alors « à l’aveugle » vous permettra de vous
lancer et de partir vers des chemins insoupçonnés. Cela vous
servira de « déclencheur ».

« Le collage va aussi chercher les synchronicités. Je peux prendre


une image au hasard, les yeux fermés, et d’un coup, le thème sur
lequel je travaillais la veille apparaît dans l’image que j’ai choisie, par
exemple. Alors, je commence avec ça. C’est un point de départ.
Ensuite, je vais écrire en spirale autour, par exemple. J’utilise aussi
le tarot de cette manière », m’a expliqué Anne-Marie Jobin lors de
notre entretien (voir l’interview ci-après). Tirer une carte de tarot ou
d’oracle peut ainsi être un déclencheur intéressant pour un exercice
de collage.

« Du jeu, de la vie, de la vitalité,


des hasards, de la liberté »
Ainsi, il existe un grand nombre de techniques qui peuvent
chacune produire des effets sur notre bien-être et qui, couplées les
unes avec les autres, ont un pouvoir démultiplié. Elles apportent des
choses différentes, mais pratiquées ensemble, elles forment un tout
superpuissant. « L’association du dessin, de l’écriture et du collage
est le cœur du journal créatif. C’est en les unissant que la magie
opère. » Le journal ou le carnet créatif est ainsi un outil « qui éveille
et nourrit la créativité générale ».

Lors de mon échange avec Anne-Marie Jobin, elle m’a confié : « Il


y a des choses qu’on veut exprimer, mais pour lesquelles on n’a pas
les mots, d’autres qu’on a besoin d’expliquer avec des mots, et le
collage s’élargit vers les papiers, les textures, les couches, les
techniques mixtes… Au début, je séparais beaucoup : j’écrivais deux
pages et je dessinais, j’écrivais deux pages et je dessinais…
Maintenant, je mélange sur chaque page, et c’est là que c’est le plus
dynamique. J’arrive à dire ce que j’ai à dire, et si je n’y arrive pas, je
vais tracer des traits de couleurs, puis je vais prendre un papier dans
mon panier à images, je conclus souvent avec des mots, c’est là que
je ramène le rationnel. »

Le journal créatif® n’a donc pas besoin d’être beau, propre, bien
rangé. Surtout pas ! Il doit être à l’image de ce que vous ressentez et
exprimez : la fureur, la joie, la tristesse, la colère, les croyances
limitantes qui vous bloquent, les doutes… Il peut être déchiré,
recollé, colorié, noirci, dessiné, gribouillé, rempli, vide… Tout est
possible ! Il est donc nécessaire d’oublier ce que la société attend
d’un ou d’une bon(ne) élève. Envoyez valser toute votre
programmation pour être vous-même. Ceci vous permettra, au fur et
à mesure, d’être vous-même en société, et non plus d’être ce qu’on
attend de vous. Le journal possède ainsi un côté très ludique. « On a
un côté jeu qu’on a moins dans le journal intime généralement. Je
peux jouer dans mon cahier, faire quelque chose de fou, je peux
aller chercher des choses qui ne vont pas ensemble, je reste avec
l’objectif de me connecter à moi, mais je mets du jeu là-dedans, de
la vie, de la vitalité, des hasards, de la liberté. »

Exercices pratiques
Ces exercices sont tous tirés du livre Mon journal créatif d’Anne-
Marie Jobin. « Les combinaisons entre les trois médiums se font de
façon spontanée. Plus vous travaillerez avec le journal créatif, plus
cette spontanéité se développera. Vous saurez quand c’est le
moment de passer de l’écriture au dessin, du collage à l’écriture, du
dessin à la poésie, etc. […] C’est un processus vivant qui ne peut se
classer complètement dans des catégories ni se transformer en
recette toute faite. Comme les combinaisons de techniques sont
infinies, vous découvrirez sans cesse du nouveau. »

Le gribouillage
Comme un échauffement avant un effort physique, le gribouillage
vous permet de vous libérer des tensions, des blocages, notamment
devant le fait de dessiner, de commencer à échauffer votre
imagination. Pour cela, prenez votre journal ou votre carnet, et des
crayons de couleur. Et surtout, ne vous jugez pas, ne réfléchissez
pas.

Installez-vous confortablement. Respirez. Fermez les yeux


quelques instants. Inspirez. Expirez. Essayez de laisser passer vos
pensées. Ouvrez les yeux. Et ensuite, simplement, lancez-vous !
Faites des gribouillis sur la page ! Accordez à votre esprit le droit de
gribouiller.

Cet exercice impose le lâcher-prise et la bienveillance, ce qui


permet de débloquer la créativité.

Le dessin spontané
Comme l’écriture spontanée ou l’écriture automatique, le dessin
spontané consiste à nous laisser aller à dessiner ce qui monte en
nous, ce que nous ressentons. Par les formes, les lignes et les
couleurs que nous choisissons, nous exprimons ce qu’il y a de plus
profond en nous. « Une simple longe peut suffire pour exprimer un
ressenti », assure Anne-Marie Jobin.

Installez-vous confortablement. Respirez. Fermez les yeux


quelques instants. Inspirez. Expirez. Essayez de laisser passer vos
pensées. Ouvrez les yeux. Vous pouvez tout à fait choisir un thème,
par exemple « mon humeur aujourd’hui » ou « ce que je ressens ».
Écrivez ce thème en haut de votre feuille. Prenez un instant pour
l’intégrer. Puis, dans votre journal, dessinez au crayon ce que ce
sujet vous inspire. N’essayez pas de contrôler, de réfléchir à ce que
vous tracez, laissez-vous simplement porter par ce qu’il y a en vous.
Naturellement, le dessin permettra alors d’exprimer ce que vous ne
pouvez pas raconter avec des mots. Quand vous avez terminé,
prenez ensuite un instant pour examiner votre dessin, sans vous
juger. Respirez tranquillement. Prenez une pause. Examinez de
nouveau votre dessin et ce qu’il dégage.

Vous pouvez alors combiner un exercice d’écriture à ce dessin


spontané. Sur la même page, si vous avez encore de la place, ou
sur une feuille à côté, tout en ayant l’œil sur votre dessin, notez
toutes vos réflexions, vos idées, vos émotions face à ce dessin et ce
que vous en retenez. Écoutez-vous. Laissez libre cours à ce que
vous ressentez. Vous pouvez simplement écrire des mots, des
réactions, des associations d’idées sur votre dessin, mais celui-ci
peut aussi être le départ d’une réflexion plus longue avec les mots.
Une fois que vous avez écrit tout ce que votre dessin soulève,
questionne, reflète, posez votre crayon. Respirez tranquillement.
Prenez une nouvelle pause. Et relisez-vous.

L’image-sur-mots
Sur une même page, écrivez ce que vous voulez : votre journée,
une émotion, une humeur, une envie, une réaction, un événement…
En haut de votre page, écrivez le thème ou le sujet que vous
souhaitez aborder.

Prenez un instant pour respirer. Fermez les yeux. Inspirez. Expirez.


Ouvrez les yeux et dessinez au fur et à mesure que vous écrivez.
Jouez ainsi sur les couleurs, les lettres, illustrez le tout avec des
croquis… Par exemple, dessinez une voiture pour en parler, ou alors
dessinez un nuage autour de ce mot, tracez des flèches, des
lignes… Ne vous limitez pas. Lorsque vous avez terminé, prenez un
temps de pause avant d’observer votre page, avec ces dessins sur
ces mots. Intégrez.

Les techniques positives


« Accompagnez vos affirmations positives d’un dessin ou d’un
collage les représentant, vous en doublerez le pouvoir », propose
Anne-Marie Jobin. Comme vu précédemment, dans le chapitre 4 sur
l’écriture et le chapitre 5 sur la visualisation créatrice, les affirmations
positives exercent un pouvoir extraordinaire sur notre esprit et notre
vie.

Installez-vous confortablement et prenez le temps de respirer et


d’observer. Inspirez. Expirez. Fermez les yeux quelques minutes.
Lorsque vous rouvrez les yeux, écrivez sur une page de votre
journal des affirmations positives au présent, comme si vous aviez
déjà ce que vous écrivez. Puis agrémentez ces affirmations de
dessins ou de collages à base de photos, images, tissus,
magazines, journaux… bref, avec ce que vous avez de disponible.
Une fois que vous avez terminé, prenez un temps de respiration puis
relisez et observez.

La carte mentale
Ce qu’on appelle également la carte mentale est en fait un
brainstorming de son esprit. Cet outil permet d’organiser ses idées,
ses projets, ses tâches, ses envies, ses besoins d’une manière
intuitive. Il peut offrir l’occasion de prendre du recul, de révéler et de
dénouer certains blocages, de trouver des solutions.

Installez-vous confortablement et prenez le temps de respirer et


d’observer. Inspirez. Expirez. Fermez les yeux quelques minutes et
essayez de faire le vide. Prenez une respiration profonde et ouvrez
les yeux. Saisissez votre page du journal de manière horizontale.
Écrivez ou dessinez au centre un sujet sur lequel vous voulez
travailler, par exemple « ma vie professionnelle » ou « mes projets »
ou encore « la colère ». Cela peut être une émotion, un thème de
vie, ou simplement un mot qui nous parle ou qui nous touche.

Ensuite, dessinez et écrivez des ramifications autour de ce sujet


principal, des ramifications reliées par des branches au mot central.
Essayez de ne pas trop réfléchir, écoutez votre cœur et votre corps,
dessinez et écrivez comme cela vous vient. Faites plusieurs niveaux
de ramifications si vous le souhaitez. Vous pouvez utiliser un code
couleur pour des thèmes différents, ou encore changer, tracer de
grosses lettres pour ce qui est urgent et de plus petites pour ce qui
l’est moins. Vous pouvez faire des dessins, des symboles,
entrecroiser des branches… Tout est possible.

Une fois que vous avez terminé, soufflez et prenez une pause.
Revenez ensuite à votre page. Fermez les yeux et respirez quelques
instants. Lorsque vous rouvrez les yeux, interrogez-vous sur ce qui
ressort de cette carte mentale : que voyez-vous ? Qu’aimez-vous ?
Qu’est-ce qui vous surprend ? Que détestez-vous ? Où sont les
blocages ? Qu’en concluez-vous ? Si cela peut vous aider ou si vous
souhaitez garder une trace de vos conclusions, écrivez toutes les
réponses à ces questions en faisant face à votre carte mentale. Il est
tout à fait possible de ne pas trouver immédiatement les réponses et
que des choses reviennent plus tard. N’hésitez pas à observer cette
page régulièrement et à en tirer des conclusions, sans vous juger.

Interview
Anne-Marie Jobin, fondatrice et directrice de l’École le Jet
d’Ancre, au Québec, et autrice du Journal créatif paru aux
Éditions Marabout en 2002, et réédité sous le titre Le Nouveau
Journal créatif en 2010 et en 2020.

Quelle est la place de la créativité dans votre vie ?

J’ai toujours aimé tout ce qui tourne autour du dessin et du collage.


Je ne me sentais pas artiste ni même particulièrement créative. Je
n’avais pas étudié ni compris ce que cela voulait dire. Ce qui
m’intéressait le plus, c’étaient les gens. J’ai donc suivi ma première
formation en travail social et des études en sciences humaines. Je
voulais vraiment être avec les gens. C’est donc ce que j’ai fait en
premier, mais il me manquait toujours l’aspect créatif. Pendant dix
ans, j’ai travaillé dans le social, avec des associations de personnes
handicapées, et de réfugiés et migrants. On me confiait les tâches
créatives, car j’aimais vraiment ça : lire, dessiner, écrire, faire du
montage… Dans les postes que j’occupais, je ne tenais pas
longtemps, je m’ennuyais vite. J’avais un côté entrepreneur, que je
n’avais pas vu non plus. C’est là que j’ai décidé de me former à l’art-
thérapie. Je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin d’être
une artiste. C’était intéressant, car en art-thérapie, on travaillait
plutôt de gros formats, par exemple l’argile, et je trouvais ça
extraordinaire. Un journal m’accompagnait toujours, mais je n’avais
pas encore mélangé les deux. Puis, plus tard, j’ai découvert le livre
de Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups, et un
CD de la même autrice, The Creative Fire, dans lequel elle parle du
cycle de la créativité et du fait que la créativité n’est pas réservée
aux artistes. Je peux avoir envie de créer un groupe, de faire une
action, de faire des gâteaux, c’est aussi de la créativité. La créativité
est une énergie de vie qui prend une forme dans le monde concret.
Quand j’ai compris ça, j’ai vraiment développé le truc, j’ai débloqué
en art-thérapie la question d’être bon en dessin, je faisais juste de
l’expression, je voulais savoir ce qui se passait en moi, ce que mes
dessins racontaient. Cela s’est fait graduellement, au fil du temps.
Quand j’ai compris que la créativité, c’était pour tout le monde, mais
que parfois, c’était bloqué, le journal créatif m’a donné un outil qui
n’avait pas une visée thérapeutique et cela changeait de code.
C’était plutôt un axe pédagogique que je partageais avec les gens
parce qu’il marchait pour moi. Je les incitais à essayer telle ou telle
chose, en leur garantissant que leur créativité allait être débloquée,
qu’ils allaient trouver une solution pour leur problème, pour se
détendre… En somme, les mêmes objectifs que pour un journal
intime, mais c’était aussi un outil pour se connecter à soi, ce qui est
un objectif fondamental pour moi. Et là, je voyais que la créativité
des gens se débloquait dans toute sorte de domaines : chanter à la
chorale ou retourner travailler après avoir gardé les enfants à la
maison… Maintenant, je vois les choses différemment ; je n’étais
pas vraiment bloquée, au contraire, j’avais souvent trop d’idées…
(rires) Mais justement, j’ai compris que j’avais trop d’idées, qu’il
fallait que je choisisse et que j’avance. J’ai compris comment ça
fonctionnait, et maintenant, ça « coule »… J’ai beaucoup d’idées, je
choisis quelque chose, j’avance, je crée un cours, j’en fais un autre.
Je ne fais pas tout, car je ne peux pas, mais c’est plus harmonieux.

Le journal est-il un outil que vous avez inventé ou qui vous a


toujours accompagnée sans que vous mettiez spécialement
un nom dessus ?

En 1998, quand j’ai lu Libérez votre créativité de Julia Cameron, à


travers des pages d’écriture du matin (c’est douze semaines de trois
pages le matin), j’ai vu clair. J’ai réalisé que tout mon parcours d’art-
thérapie pouvait se mettre dans un journal dans un objectif de
développement personnel et non pas de thérapie. Puis j’ai relu
Journal créatif de Lucia Capacchione, une art-thérapeute
américaine, et j’ai regardé comment elle travaillait. Et j’ai ensuite
construit ma base. Je suis allée chercher d’autres choses, j’ai
construit avec des personnes autour de l’écriture créative et de ce
qu’elle amène dans un journal. Je suis ensuite allée chercher le
journal d’artiste pour observer ce qu’on y met. Je me suis demandé
aussi ce que les psychologues qui travaillent avec un journal font
des dialogues, des lettres. J’ai réfléchi sur la façon dont ça marche
dans mon journal avec du dessin, dont je peux faire parler mon
dessin. J’ai trouvé quelques art-thérapeutes qui utilisaient l’écriture
et je suis allée observer leur manière de travailler… Bref, j’ai réalisé
beaucoup de recherches, sur plusieurs années, j’ai beaucoup testé
sur moi. Donc je peux dire que j’ai inventé la méthode du journal
créatif, mais pas les techniques à l’intérieur. Je suis aussi allée
chercher des outils selon mes intérêts. Par exemple, j’aime
beaucoup les contes, les personnages et les métaphores. Je me
suis donc demandé ce que je pouvais en faire dans mon journal,
quand je veux juste mieux me comprendre et me connecter à moi.
Donc si je me lève le matin et que je suis triste, je vais en faire un
personnage, Madame Triste, je vais l’envoyer dans une histoire, je
vais chercher une image et je vais la coller, et ainsi, elle va
rencontrer un autre personnage. Là, je me demande ce que ça fait
dans un journal : je n’avais pas vu cette combinaison-là ailleurs.

Quels effets ces combinaisons produisent-elles sur nous ?

Je commence à comprendre ce qui se passe dans le cerveau avec


cette combinaison de langages, le dynamisme que cela crée, le fait
qu’on utilise un langage symbolique et un langage conceptuel, les
mots, les images, les dessins… Tout cela est en fait ramené dans le
lobe frontal, j’ai découvert cela récemment. Parfois, il y a des choses
qui sont bloquées, on n’a pas de mot, nos émotions sont confuses.
Et puis, d’un coup, avec l’écriture, on ramène ça dans le lobe frontal
pour donner du sens, pour mettre des mots. Et l’effet produit est
extraordinaire ! Je ne suis pas spécialiste, mais on met de la
distance avec l’émotion, on construit une nouvelle narration, « ça
m’est arrivé » ou « oui, ça me perturbe en ce moment », et l’on y
trouve du sens, cela nous donne donc plus de choix.

Avez-vous testé les techniques que vous utilisez sur vous et


sur les gens avec qui vous travaillez ?

Je teste toujours d’abord sur moi, mais aussi en atelier. Je sais que
nous ne sommes pas tous pareils : je peux aimer une technique,
mais les autres peuvent ne pas la ressentir de la même façon. Les
techniques de base, je les connais bien maintenant, je sais ce
qu’elles vont faire, comment les préparer, les utiliser. Mais dans les
ateliers, il y a beaucoup de libertés : si une technique plaît moins, on
va passer à une autre, on ne va pas regarder ce que chacun note
dans son carnet et aller dans l’exploration, il n’y a pas
d’interprétation du dessin. On est dans un cadre où je partage des
techniques, et si les participants les ont aimées, ils peuvent les
tester chez eux et s’en servir. Outiller les gens pour la vie concrète et
pour qu’ils puissent eux-mêmes trouver la solution, c’est vraiment
mon but. L’idée est que si les gens se connectent à eux, ils vont
mieux vivre, faire les meilleurs choix. Je possède donc un grand
éventail de techniques, et selon ce que je travaille, je vais aller
piocher là-dedans.

Vous êtes ainsi toujours à la recherche de nouvelles


techniques ?

On peut dire que oui. C’est un peu fatigant (rires). En ce moment,


je lis beaucoup sur le cerveau, je suis tout excitée pour essayer de
nouvelles choses. Puis je vais lire autre chose, et je vais noter
d’autres idées… Je suis toujours en ébullition. Mais il reste que la
base est toujours la même. Après plus de vingt ans, celle-ci s’est
bien élargie, et je peux ensuite développer un angle, puis un autre,
et je combine avec d’autres approches. Par exemple, si j’anime un
atelier de yoga, je peux décider de mélanger quelques postures de
yoga avec mon journal et voir ce que cela donne. Je peux dessiner
avant et après, et voir le résultat.

Quels sont les pouvoirs du journal créatif ? Effet doudou ?

Notre journal créatif peut nous aider à nous apaiser, à nous


réconforter, mais il n’est pas là que pour ça. Je peux me défouler,
déchirer une page et en recoller, mettre une image de suite,
recoller… Le but est d’établir une connexion à soi, de faire part de
son ressenti présent, d’arriver à trouver mon apaisement, ma
solution avec différentes techniques.

Qu’est-ce qu’un journal créatif efficace ?

Parfois, je suis plus pressée, le journal fait partie de ma routine, je


suis plus en superficie dans mon journal… Ce n’est pas ce que
j’appelle être efficace. Là, ça fait cinq ou six jours que je n’y fais que
passer, noter une petite réflexion. Je ne sens pas sa valeur entière,
mais je connais la valeur de la pratique régulière, donc je continue.
Mais être efficace, c’est quand j’arrive vraiment à connecter, ce qui
provoque en moi un effet d’apaisement et une révélation : « OK, j’ai
compris ce qui se passe, je vais continuer ma journée. »
Quelquefois, des choses nous affectent, et là, on se pose avec le
journal, on suit le processus, et d’un coup, on comprend. Les gens
autour de moi parfois me disent : « OK, ça ne va pas, va faire ton
journal pendant une heure », et je reviens apaisée ensuite. Ça, c’est
efficace. Si ça me donne de la présence, du calme, de la clarté, de
l’apaisement, c’est que ça a fonctionné.

La pratique régulière est-elle indispensable ?

Je vais reprendre l’exemple du yoga. Si je veux un effet durable, la


régularité va vraiment aider. Pratiquer quinze minutes par jour plutôt
qu’une heure par semaine me donnera plus de flexibilité, de calme,
je ne vais pas perdre ce que je gagne. La régularité aide à garder
tout le rouage bien huilé. Il se peut que je saute deux ou trois jours,
mais j’ai des années de pratique régulière qui vont me permettre d’y
retourner plus facilement. Je n’ai plus jamais questionné le sens de
la pratique régulière après en avoir autant bénéficié. Si j’ai du monde
à la maison pour Noël, par exemple, et que je n’ai pas ouvert mon
journal depuis deux ou trois jours, je vais le ressentir, je vais avoir
besoin d’une pause. Je vais donc m’isoler et me « rebrancher ». La
régularité aide à ne pas oublier et nous permet de gagner en
puissance. En apprenant à me « brancher » ainsi, le fait de voir que
je trouve moi-même les réponses va m’aider à me dire que je n’ai
qu’à prendre une pause pour me brancher. Je n’ai pas besoin
d’appeler trois amis et des thérapeutes. Cela confère une sorte de
souveraineté, de pouvoir personnel, de clarté. Cela ne veut pas dire
que je n’ai jamais besoin de l’avis des autres, mais il reste ce fil pour
savoir ce qu’il se passe en nous, c’est puissant.

Sommes-nous tous des êtres créatifs ?

Oui, la plupart des gens sont bloqués, ils ont un voile par-dessus
leur créativité. Je pense que la créativité, c’est la vitalité : tant qu’on
est en vie, on en a. La créativité est une idée qui vient et que je veux
matérialiser, donc tout le monde en a. Mais beaucoup de gens sont
bloqués, en mode pilote automatique : ils jouent leur rôle et ne
sentent plus leur vitalité. Une personne en burn-out ou en
dépression a encore une énergie de vie, mais elle est polluée. Elle
est là, en dessous. Et je suis épatée de constater que ce n’est pas si
difficile de la débloquer. Une fois qu’il y a de la bienveillance, avec la
permission de se tromper, de l’exploration et du jeu, tout à coup, les
envies reviennent. Avec l’école, la famille, la société, on a arrêté
d’être naturel. La créativité, c’est faire ce qui vient naturellement. Il
faut retrouver le chemin.
Conclusion
Dans une société où tout va très vite, il est bien souvent difficile de
prendre le temps de s’octroyer une pause afin de regarder le chemin
parcouru et de faire un bilan sur la vie que nous menons.
Correspond-elle à celui/celle que je suis ? À mes aspirations ? À
mes valeurs ? Il a fallu attendre une pandémie et un confinement
sévère au printemps 2020 pour que des milliers de Français
décident de changer de vie, d’envisager que celle qu’ils menaient
avant d’avoir le temps d’y réfléchir ne leur convenait en fait plus…
En effet, selon une étude de l’Observatoire de la société et de la
consommation, publiée en juin 2021, la crise sanitaire a poussé les
Français à opérer de grands changements : 2,6 millions de
personnes auraient ainsi décidé de déménager ou de changer de
travail, et 1,2 million de se séparer de leur conjoint(e).

Mais le covid-19 a également accéléré la précarisation de


situations personnelles déjà tendues. Ainsi, selon le dernier
baromètre d’Empreinte humaine publiée en mars 2022, 34 % des
salariés seraient en burn-out et 2,5 millions de salariés français en
état de burn-out sévère. À cela s’ajoutent d’autres chiffres
alarmants : 20 % de la population française souffrirait au moins une
fois dans sa vie d’un épisode de dépression, et la France est le
premier pays consommateur d’antidépresseurs au monde…

Autant de signes que nos modes de vie actuels ne nous


conviennent pas. Évidemment, il existe tout un tas de raisons pour
expliquer un burn-out, une dépression, une séparation, un besoin de
changement radical… Mais si nous commencions par prendre soin
de nous, ces chiffres seraient-ils aussi alarmants ? Si nous
apprenions à nous écouter, à nous observer, ne déciderions-nous
pas de nous octroyer une pause dès les premiers signes de « ras-le-
bol » ? Si nous pensions à nous, sans culpabilité, sans pression,
ferions-nous ce travail ? Aurions-nous cette vie ? Si tout était
possible, quelle vie aurions-nous ? Qui serions-nous ? Quel travail
ferions-nous ? Quelles sont nos valeurs ? Qu’est-ce qui nous
motive ? Qu’est-ce qui nous fait nous sentir vraiment vivants ?

La bibliothérapie créative n’est pas une solution miracle pour faire


baisser les chiffres de ces études sur le burn-out et la dépression.
Ce n’est pas une baguette magique à secouer une fois ou deux dans
l’espoir que « ça y est, j’ai eu le déclic ! » Je ne crois d’ailleurs pas
aux déclics, ce concept culpabilisant de penser qu’en un claquement
de doigts, la vie sera un long fleuve tranquille… Je crois à l’oignon, à
ces couches qu’on enlève petit à petit, lentement, pas à pas. Je crois
en la déprogrammation, puis en la reconstruction. Je crois en la
remise en question. Je crois en la créativité.

La créativité est la baguette magique pour commencer à éplucher


son oignon. Et bonne nouvelle : nous en sommes tous pourvus dès
la naissance ! Chaque être humain possède en lui une partie
créative, nous sommes d’ailleurs des êtres créateurs. Mais en
devenant adultes, nous oublions d’être créatifs. Nous bloquons cette
créativité, nous la polluons par des croyances limitantes, des
schémas et des programmations, par manque de temps, à cause de
notre éducation et de la société dans laquelle nous vivons. Il y a
ainsi comme un voile qui se pose sur notre capacité à être créatif.

Or la créativité est ce qui nous permet d’avoir confiance en nous,


d’être fiers de nous et donc de nous sentir bien dans nos baskets. La
créativité nous permet d’exprimer consciemment ou inconsciemment
qui nous sommes vraiment. Elle réveille l’enfant qui est en chaque
adulte. Quand nous sommes naturels, qui sommes-nous en réalité ?
Lorsque nous n’obéissons à aucune règle professionnelle, à aucun
diktat de la société, qui sommes-nous au plus profond de nous ?
Interrogez-vous, posez-vous toutes ces questions. Qui êtes-vous
quand vous enlevez votre costume ? Qui étiez-vous quand vous
étiez enfant ? Quels sont vos rêves ? Quand vous étiez petit(e),
vous rêviez d’être chanteur(se), mais on vous a toujours dit « ce
n’est pas un métier » ? Vous rêviez de ne travailler que six mois
dans l’année pour voyager, mais on vous a dit « il faut travailler ! » ?
Vous vouliez être astronaute, mais on vous a dit « tu n’as pas le
niveau ! » ? Vous rêviez de faire du dessin, de la poterie ou de la
céramique, mais on vous a dit « tu ne sais rien faire de tes
mains ! » ? Déprogrammez-vous. Enfin. Pour vous révéler. Pour
vivre vos rêves.

Il ne s’agit pas forcément de tout quitter pour vivre votre passion


une fois ce livre terminé (quoique…). Mais lorsque vous aurez
compris tout ce qui vous limite, que vous vous serez posé toutes ces
questions et que vous aurez commencé à trouver des réponses, il
s’agira de mettre en place de petites actions pour déprogrammer vos
schémas, puis vivre les expériences que vous souhaitez vraiment
vivre, petit à petit. S’inscrire à une chorale, prendre vos cinq
semaines de congés pour voyager, visiter le musée de
l’aérospatiale, suivre un stage de dessin, poterie ou céramique…
Couche après couche, effeuillez-vous pour (re)trouver votre
« vous », qui vous êtes au plus profond de vous.

La créativité permet de vous mener sur ce chemin. Il n’y aura pas


de réponses toutes faites, seulement des vérités que vous allez
interpréter, puis comprendre et enfin intégrer. La créativité peut vous
permettre d’être vous-même. Mais il faut, pour cela, lever le voile, la
dépolluer. On ne parle pas de talent artistique quand on parle de
créativité. « Oh, non, non ! je ne sais pas dessiner, moi. » « Moi,
écrire ? Ah non, je n’ai aucun talent. » Ça tombe bien : on n’en a pas
besoin. Le talent, c’est le jugement. Et si l’on se juge, on se limite.
On s’empêche de vivre ses rêves. Apprenez à être bienveillant
envers vous-même. Pas besoin de savoir dessiner ou écrire pour
être créatif et vivre mieux.

Si la créativité est un guide, la bibliothérapie est un outil que ce


guide va utiliser. Cette pratique va reposer sur les mots, qu’ils soient
lus ou écrits. Car les mots détiennent un véritable pouvoir : celui
d’exprimer qui nous sommes réellement, de stimuler notre créativité
pour être la personne que nous sommes. La bibliothérapie va ainsi
évidemment s’appuyer sur des outils comme la lecture ou l’écriture,
mais on peut tout à fait aller plus loin et combiner à la lecture et à
l’écriture d’autres activités : le collage, le dessin, le kintsugi, le yoga,
le théâtre… Cette liste n’est pas exhaustive, la créativité peut être
partout. Et vous pouvez combiner toutes les techniques, comme le
fait Anne-Marie Jobin dans Mon journal créatif. Vous pouvez ainsi
pratiquer le yoga puis écrire ; ou alors écrire dans votre journal
intime puis le relire à voix haute ; ou faire un dessin spontané, même
un gribouillis, puis méditer et écrire ; ou dans l’autre sens, méditer
puis faire un collage ; ou encore, faire un atelier kintsugi puis
dessiner ce que vous ressentez et écrivez… Toutes les
combinaisons sont possibles. Ne vous fixez pas de limites. C’est
ainsi que la bibliothérapie est la plus efficace. La somme de toutes
ces techniques va ainsi vous permettre de dépolluer votre créativité
et de vous révéler, de développer votre personne.

Mais pour cela, il faut avancer avec patience, douceur,


bienveillance. Ne vous jugez pas, apprenez à vous aimer et à vous
le dire. De la patience, mais de la régularité : essayez d’écrire dans
votre journal intime chaque jour, même une phrase ; essayez de
vous accorder un temps de pause dès que vous en avez besoin ;
essayez de collecter des images dès que vous en voyez pour vos
collages ; essayez de méditer et de respirer en pleine conscience ;
répétez-vous des affirmations positives, même dans votre voiture…
Intégrez la bibliothérapie, et donc la créativité, dans votre vie de tous
les jours. Il ne s’agit pas d’une contrainte supplémentaire dans nos
vies quotidiennes déjà bien chargées, mais plutôt de vivre
différemment, de mettre son bien-être au centre de sa vie, d’en faire
enfin une priorité. Et pratiquer quelques exercices de bibliothérapie
vous apparaîtra, au fur et à mesure que vous allez y accorder du
temps, comme un exutoire, une façon de prendre du recul, de vous
évader, mais aussi de vous interroger, de vous remettre en question,
puis d’être actif et dynamique, acteur de votre vie, et ainsi, à terme,
d’avoir confiance en vous et en vos rêves.

Apprenons à prendre soin de nous, à penser à nous. Ce n’est pas


égoïste de penser à soi, c’est juste la façon la plus efficace de
s’élever, de développer sa personne, de vivre sereinement en
parfaite adéquation avec ce que nous sommes. Apprenons à ne rien
faire, même dans une société qui valorise la productivité. Quelqu’un
qui s’accorde du temps pour ne rien faire n’est pas une personne
feignante, c’est quelqu’un qui sait se faire du bien. Apprenons à voir
différemment, avec un autre regard, plus bienveillant. Apprenons à
ne juger ni soi-même ni les autres. Apprenons que nous n’avons que
peu de temps, qu’il est important de profiter de chaque seconde et
de vivre pleinement sans aucun regret. Apprenons à nos enfants à
ne pas être seulement productifs et réfléchis, mais aussi à activer
leur créativité comme un réflexe. Apprenons-leur à mobiliser leur
imagination, apprenons-leur la magie des mots, et non pas
seulement la contrainte d’une dictée ou d’une analyse de texte.
Apprenons-leur que le plus important n’est pas d’être ce que la
société attend d’eux, mais d’être ceux qu’ils sont vraiment, de
réaliser leurs rêves, pour leur bien-être. Pour le bien-être de nous
tous.
Annexe
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages
Comme un roman, Daniel Pennac, Gallimard, 1992
Les livres prennent soin de nous, Régine Detambel, Actes
Sud, 2015
La Lecture à haute voix, Georges Jean, Éditions de
l’Atelier/Les Éditions de l’Ouvrière, 1999
Le Pouvoir de la voix, Jean Abitbol, Allary Éditions, 2016
Mon journal créatif, Anne-Marie Jobin, Éditions Marabout,
2010
Kintsugi – L’art de la résilience, Céline Santini, Éditions First,
2018
Techniques de visualisation créatrice, Shakti Gawain, Éditions
Soleil, 1984 (édition originale : Creative Visualization, use the
power of your imagination to create what you want in your life,
1978)
Le corps n’oublie rien, Bessel van der Kolk, Albin Michel, 2018

Articles
« Tout savoir sur le yoga : principe, bienfaits, types », Santé
Magazine, 17 juin 2020
« 5 bienfaits insoupçonnés de l’écriture », Psychologie,
4 décembre 2020
« Pourquoi l’écriture nous fait du bien », France Culture,
25 mars 2021
Publication de Christophe André dans la revue Recherche en
soins infirmiers, no 82, pages 26 à 30, mars 2005
(https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-
2005-3-page-26.htm)
« La lecture en pleine conscience », lionelcruzille.com,
10 avril 2017
« Cultiver l’amour de soi : un travail du quotidien »,
holissence.com, 5 octobre 2020
« 6 bienfaits du théâtre sur notre cerveau », Haut les Cours
(https://hautlescours.fr/post/6-bienfaits-theatre-cerveau/)
« Le Théâtre, quelle thérapie ! », Figaro Santé, mars 2016
(https://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/03/18/24759-theatre-
quelle-therapie)
« Bien-être au CDI, les siestes contées », TRAAM
Documentation, académie de Nice, juillet 2020
(https://www.pedagogie.ac-nice.fr/doc-azur/2020/07/28/traam-
documentation-bien-etre-au-cdi-les-siestes-contees/)

Émissions
« Les vertus thérapeutiques de la poésie », émission Grand
bien vous fasse, France Inter, 13 décembre 2019
Interview de Sofiane Pamart sur France Inter,
16 décembre 2021
« Au fait, le développement personnel c’est quoi ? », Europe 1,
mars 2018 (https://www.europe1.fr/developpement-
personnel/au-fait-cest-quoi-le-developpement-personnel-
3609914)
« La sieste, cette pause aux mille vertus », Le Monde,
octobre 2015
(https://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/10/19/la-sieste-
ce-petit-somme-au-mille-vertus_4792578_1650684.html)
« Le Niksen ou l’art de ne rien faire, un véritable défi »,
France Info, avril 2020
(https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/art-
culture-edition/video-le-niksen-ou-l-art-de-ne-rien-faire-un-
veritable-defi_3918837.html)
« Le Kintsugi, l’art de réparer les objets en sublimant les
cassures », France Culture, le 28 juin 2021
https://www.franceculture.fr/design/le-kintsugi-lart-de-reparer-
les-objets-en-sublimant-les-cassures
« Apprendre à visualiser pour activer sa magie créatrice »,
FémininBio no 37, novembre/décembre 2021
(https://www.femininbio.com/developpement-
personnel/methodes-et-rituels/exercice-de-visualisation-
positive-pour-optimiser-sa-creation-64956)
« Kasàlà, faites-vous des louanges ! », Psychologie Magazine,
18 décembre 2020
(https://www.psychologies.com/Culture/Spiritualites/Pratiques-
spirituelles/Articles-et-Dossiers/Kasala-faites-vous-des-
louanges)

Divers
Le site Internet de Zeva Bellel : zevabellel.com
Le Petit Larousse illustré (édition de 2020)
Le site de l’Institut Rafael : https://institut-rafael.fr/les-
soins/dramatherapie/
Remerciements
Intégrer des interviews à cet ouvrage me paraissait essentiel, afin
d’apporter un éclairage supplémentaire, d’aller plus loin, d’ouvrir
encore un peu plus le champ des possibles. Je remercie donc
chaleureusement toutes celles qui ont accepté de m’accorder un peu
de leur temps et de me proposer leur vision de la créativité. Ces
femmes (oui, sans le vouloir, il ne s’agit que de femmes…) sont
toutes différentes, et pourtant, elles ont pour point commun d’être
passionnées par ce qu’elles font et de croire en la créativité. Elles
sont la plus belle représentation du message de cet ouvrage.

Un très grand merci donc à Kathleen Arestan, Axelle Artois,


Lili Barbery-Coulon, Clémentine Beauvais, Zeva Bellel, Anne-
Marie Jobin, Geneviève Landsmann, Nathalie Palayret,
Mathilde Pucheu et Christelle Tuffery.

Merci également à toutes celles qui m’ont entourée ou dont j’ai


croisé le chemin depuis 2020, et qui ont contribué, chacune à leur
manière, à l’écriture de ce livre.
Sommaire
1. Introduction
2. 1
3. 2
4. 3
5. 4
6. 5
7. 6
8. 7
9. 8
10. 9
11. 10
12. Conclusion
13. Annexe
14. Remerciements

Landmarks
1. Cover

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