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Florence Millot

Psychologue

clés
Le
harcèlement
scolaire
ét e c t e r , le r é so u d r e
Se prémunir, le d
Florence Millot
Psychologue

Le
harcèlement
scolaire
D É T E C T E R , L E R ÉS O U DRE
SE PRÉMUNIR, L E
L’auteure

Florence Millot est psychologue en libéral à Paris.


Spécialisée dans la gestion des émotions et la communica-
tion bienveillante en famille, son sujet de prédilection est
l’approche TCC (Tête, Cœur, Corps) de l’éducation. Son
cabinet de psychologie est spécialisé dans les thérapies
brèves enfant/adolescent sur :
– Les difficultés scolaires et d’orientation (développement
d’outils psychopédagogiques) ;
– Les difficultés du quotidien : autorité, fratrie, estime de soi ;
– Les enfants zèbres et hypersensibles ;
– Les enfants qui ont besoin de se confier pour grandir.

Elle propose également des conférences et des ateliers


à travers son blog www.pedagogie-innovante.com. Très
engagée dans les questions de pédagogie, elle gère un
pôle de formation continue pour les professionnels de la
petite enfance depuis 10 ans. Elle est auteure pour diffé-
rents éditeurs et intervient sur des sites Internet spécialisés
(Doctissimo, Magic Maman, lesprosdela-petiteenfance.fr).
Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Partie I Mieux comprendre le harcèlement. . . . . . 6

Partie II Les 10 clés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20


Clé n°1 : S ENSIBILISEZ-LE AUX QUESTIONS DU HARCÈLEMENT. . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Clé n°2 : P RENEZ LE TEMPS DE MENER L’ENQUÊTE À TÊTE REPOSÉE. . . . . . . . . . . . . 29
Clé n°3 : ADOPTEZ LES BONS RÉFLEXES POUR COMMUNIQUER. . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Clé n°4 : AIDEZ-LE À RÉFLÉCHIR SUR SA PROPRE PART DE VIOLENCE. . . . . . . . . . . . . 40
Clé n°5 : A PPRENEZ À VOTRE ENFANT À SE DÉFENDRE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Clé n°6 : TRAVAILLEZ SUR SA CONFIANCE EN LUI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Clé n°7 : SOUTENEZ-LE DANS SON RÔLE DE TÉMOIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Clé n°8 : ACCOMPAGNEZ L’ENFANT INTIMIDANT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Clé n°9 : D ONNEZ-LUI LES CODES POUR SE PROTÉGER DU CYBER-HARCÈLEMENT . . . . 65
Clé n°10 : IMPLIQUEZ LE CHEF D’ÉTABLISSEMENT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Ressources utiles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Introduction

La question autour du harcèlement est aujourd’hui sur toutes


les lèvres, que ce soit dans les familles ou à l’école. « Il m’a
harcelé(e) ! », « Elle m’embête tout le temps ! », « Je préfère
ne rien dire à mes parents car je ne veux surtout pas qu’ils
aillent voir la maîtresse et que cela se retourne contre moi »,
« J’ai vu qu’il se faisait harceler mais je n’ai rien dit de peur
que cela m’arrive aussi. » Bien sûr, le harcèlement et le
bizutage ont toujours existé. Le fait qu’un petit groupe
d’enfants prenne en grippe un enfant bouc émissaire s’est
toujours vu dans les cours d’école. Cependant, aujourd’hui
ce phénomène a pris de l’ampleur car le harcèlement est
de plus en plus invisible en étant verbal et parfois digital.
Dans certains cas, c’est un plus grand groupe (la classe
entière par exemple) qui est à l’origine du harcèlement qui
peut se dérouler dans la cour, en dehors de la cour, et de
plus en plus souvent sur Internet. En effet, une photo ou une
vidéo humiliante peut faire le tour d’un collège et d’un lycée
en quelques heures et discréditer la « réputation » du jeune
en entachant son estime de soi durablement. Le fait que
les enfants harcelés le soient souvent à l’extérieur de l’école
(via les sms et les réseaux sociaux sur lesquels ils peuvent
créer des comptes pour se moquer de l’enfant ou l’insulter

4
anonymement) ne permet pas aux adultes de constater

Introduction
le harcèlement et par conséquent de les en protéger. Les
attaques ont alors le champ libre pour prendre une ampleur
si grande que même les adultes (les professeurs, les parents)
sont dépassés.
Heureusement, les écoles, les parents, les psychologues et
l’État se sont penchés sur cette question cruciale du harcè-
lement, de l’intimidation et du mal-être des enfants à l’école.
La prise de conscience de ce fléau a permis de réveiller
les consciences sur l’importance des mots, du bien parler,
de l’empathie, de l’estime de soi et de la valeur de chaque
enfant. Parler du harcèlement, c’est parler de souffrance,
de moqueries, mais aussi de l’importance d’exister et
d’être qui l’on est, peu importe sa différence.

Dans cet ouvrage, nous aborderons tous les aspects pratiques


pour prévenir le harcèlement et accompagner les enfants au
mieux, que ce soit dans :
• la communication : comment en parler aux enfants ;
• l’écoute attentionnée : comment accueillir la parole de
l’enfant qui s’est fait malmener ;
• la compréhension des actes de violence : comprendre
ce qui se passe dans la tête de l’enfant harceleur ;
• le passage à l’action : la mise en place de stratégies
pour que le harcèlement cesse.

5
Partie I
Mieux comprendre
le harcèlement
LE DIFFÉRENCIER
SES MOTIFS
DU CONFLIT

QU’EST-CE QUE
LE HARCÈLEMENT ?

LES PRÉJUGÉS SES CONSÉQUENCES


Le harcèlement est un phénomène de plus en plus
courant dans les cours d’école. Aider votre enfant à mieux
comprendre ses émotions face à cette forme d’emprise et
d’agressivité lui permettra d’en parler et de demander de
l’aide pour s’en défendre le plus tôt possible.

Qu’est-ce que le harcèlement ?


Le harcèlement scolaire se définit comme une violence
répétée tous les jours qui peut être verbale (des insultes,
des moqueries, des menaces), physique (des coups francs
ou discrets) ou psychologique (des incitations au suicide,
des humiliations publiques). La définition peut paraître
simple au premier abord et pourtant, au quotidien, il est
parfois bien difficile de repérer le harcèlement car ces
attaques peuvent être très discrètes, voire insignifiantes
au début, comme de petites pichenettes reçues derrière
l’oreille pendant que le professeur a le dos tourné. Isolé, ce

8
fait ne paraît pas préjudiciable aux yeux de l’adulte. Mais

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


quand cela arrive plusieurs fois par jour jusqu’à déstabiliser
l’élève, cet acte prend une tout autre signification.
Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que l’on parle de harcèle-
ment quand ces 3 caractéristiques sont présentes :
• Le rapport de force : un ou plusieurs élèves en
soumettent un autre (violence verbale ou physique).
• L’emprise et la répétitivité : les agressions se
répètent tous les jours pendant plusieurs semaines.
L’enfant se perçoit comme une sorte de proie, il ne
voit pas d’issue.
• L’isolement de l’enfant : la victime est souvent seule
et dans l’incapacité de se défendre.

• Les différents sujets de harcèlement


• L’apparence physique (un surpoids ou un sous-poids,
la taille, la couleur ou le type de cheveux, le port de
lunettes, le style vestimentaire…) ;
• L’identité de genre (garçon efféminé, garçon manqué,
orientation sexuelle…) ;
• Un trouble de la communication comme le bégaie-
ment ou le zozotement ;
• L’appartenance sociale ou culturelle (enfant trop
pauvre, trop riche, les blagues racistes…) ;
• Le niveau scolaire (premier ou dernier de la classe) ;
• Les centres d’intérêt ;
• Un handicap, quel qu’il soit.

9
BON À SAVOIR
Contrairement à ce que l’on pourrait penser
d’emblée : ce ne sont pas forcément les enfants les
plus faibles, les plus petits ou les plus complexés qui
se font harceler. C’est une idée reçue. Dans la réalité,
n’importe quel enfant peut potentiellement se faire
harceler, même s’il a initialement confiance en lui.

• Différencier conflit et harcèlement


Il est important de pouvoir bien différencier ces deux
notions car à force de parler de harcèlement, on ne sait
pas toujours de quoi il en retourne réellement quand notre
enfant rentre de l’école triste ou en colère parce qu’on l’a
embêté.
Le conflit est une tension entre deux élèves ou un groupe
d’élèves qui peut se traduire par de la violence, des menaces
ou des insultes, mais cette tension n’est pas répétée dans
le temps. Les enfants peuvent rétorquer et se défendre. Ils
se sentent agressés, mais cela n’entache pas l’estime qu’ils
ont d’eux-mêmes. Le conflit stresse les enfants qui peuvent
somatiser (avoir la boule au ventre par exemple) quand cela
les touche particulièrement.
Le harcèlement, lui, est beaucoup plus pernicieux car il
s’installe dans le temps jusqu’à ce que l’enfant, intimidé,
s’épuise et n’ose même plus répondre à son agresseur,
considérant finalement que c’est lui le « mauvais, le nul,
l’affreux ».

10
• Quelles sont les conséquences

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


du harcèlement ?
Les séquelles d’un harcèlement scolaire sur un enfant qui en est
victime peuvent être importantes quand il dure depuis plusieurs
semaines ou plusieurs mois et qu’il n’a pas été détecté car l’en-
fant a tout fait pour le cacher. Voici les signes du harcèlement :
• La démotivation qui peut aller jusqu’au décrochage
scolaire (l’enfant n’a plus envie d’aller à l’école. Rien ne
l’intéresse. Il passe son temps à tout critiquer) ;
• La perte de confiance en soi (il se trouve de plus en
plus nul en tout. Il ne cherche plus à essayer) ;
• La désocialisation progressive (il ne veut plus sortir ou
pratiquer ses loisirs) ;
• La tristesse, pouvant aller jusqu’à la dépression ;
• Une piètre estime de soi (il refuse les photos, il évite
les miroirs) ;
• Une volonté de se rendre invisible (il a les cheveux
dans les yeux, le menton rentré, il porte des habits
larges qui recouvrent tout son corps alors que ce n’était
pas son style habituel) ;
• L’automutilation (la scarification) ;
• L’usage de drogues (alcool, cannabis, cocaïne, etc.) ;
Bien sûr, ce ne sont que des signes et cela ne signifie pas
qu’ils constituent une fatalité et sont voués à perdurer dans le
temps. Beaucoup de jeunes peuvent se reconstruire et trouver
les ressources en eux pour en ressortir plus forts quand ils sont
accompagnés d’un adulte qui les aide à faire le tri dans les
émotions et dans les représentations qu’ils ont d’eux-mêmes

11
(ce qui est vraiment moi et ce qui ne l’est pas, ce qui a été
abîmé par les autres et ce que je pense réellement de moi).

Les 8 préjugés sur le harcèlement


Beaucoup d’idées circulent à propos du harcèlement. Nous
avons parfois tendance à le comparer avec ce qui se passait
à l’époque où nous étions élèves et le prendre pour des
enfantillages. Passons au crible les clichés qui entourent la
question du harcèlement pour mieux comprendre de quoi
il en retourne réellement.

• «duÀharcèlement
mon époque aussi il y avait
et de la castagne.
Personne n’en est mort ! »
C’est vrai, vous n’en êtes pas mort. Mais le harcèlement d’hier
n’est pas celui d’aujourd’hui. Bien sûr, un coup de poing
reste un coup de poing et une moquerie une moquerie, mais
avec l’apparition des réseaux sociaux, le paysage a changé.
Les brimades peuvent se faire jour et nuit sur le téléphone
portable et émaner non plus d’un petit groupe mais parfois
de la classe ou du collège entier. La réputation de l’enfant
victime est alors mise en danger à une échelle plus grande et
l’humiliation qui en résulte a des conséquences qui peuvent
aller jusqu’au déménagement ou au suicide.

• « Les enfants sont cruels entre eux. »


Certains enfants peuvent être agressifs quand ils ne
se sentent pas écoutés, compris et accompagnés, mais

12
beaucoup d’autres sont doux et empathiques. D’ailleurs, les

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


enfants d’aujourd’hui se soucient de plus en plus de ce qui
se passe autour d’eux, s’engagent, agissent et prennent soin
des autres. Il restera toujours des enfants plus complexes
et plus impulsifs que d’autres mais ce n’est pas la majorité.

• «entre
Il faut laisser les enfants se débrouillent
eux. »
Les enfants s’amusent, se chamaillent, se bagarrent et c’est
comme cela depuis des siècles. En revanche, il faut savoir
aussi repérer quand ces agissements vont trop loin (par
exemple en cas de menaces, d’incitations au suicide ou aux
jeux dangereux) car les enfants sont malléables. Ils n’ont
pas toujours conscience, face à la pression du groupe,
que leur vie est en jeu.

LE SAVIEZ-VOUS ?
Selon une étude de l’Observatoire français des
drogues et des toxicomanies en 2017, près de 3 %
des adolescents déclaraient avoir fait au cours de
leur vie une tentative de suicide ayant nécessité
une hospitalisation.

• « Ce ne sont que des enfantillages ! »


Quand les enfants disent « il m’embête » en parlant d’un
camarade, il est parfois difficile de savoir si cette plainte est
à prendre au sérieux. Nous avons tendance à la banaliser
et à ne pas vouloir nous en occuper. Cependant, cela ne

13
coûte rien de se montrer attentif et de poser des questions
à l’enfant pour savoir de quoi il en retourne véritablement.
Le plus souvent, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, c’est vrai. Mais
parfois c’est bien plus important !

• «leCecaractère
n’est pas grave. Cela lui forgera
pour plus tard ! »
Certes, toutes les expériences, en quelque sorte,
construisent la personnalité de l’enfant, mais il y en a qui
sont plus traumatisantes que d’autres. Certains enfants
mettent des mois, voire des années à se reconstruire,
ayant perdu confiance en eux ou en leur environnement.
Il convient donc de mesurer nos propos et de faire
preuve d’empathie. Si nous n’avons pas vécu nous-même
le harcèlement, il est très difficile de se rendre compte de
ce que traverse et ressent l’enfant.

• «qu’ilTu n’as qu’à l’ignorer et tu verras


passera vite à autre chose. »
Croire qu’il n’y a qu’à tourner la tête pour faire disparaître
une relation d’emprise est assez naïf. Ce qui intéresse le
harceleur, c’est bien la peur que ressent « sa proie ». En
d’autres termes, plus l’enfant l’évite, le fuit, a peur, plus cela
lui donne du pouvoir et l’envie de continuer. Le harceleur
joue comme un chat jouerait avec une souris. Il l’attrape
puis la relâche puis il continue de jouer avec, lui laissant
croire qu’elle pourrait s’échapper. L’image est cruelle,
surtout quand il s’agit de nos enfants, et pourtant c’est
bel et bien ainsi que cela se passe dans les cas majeurs de
harcèlement.

14
• «sont
Les enfants qui se font harceler

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


les plus faibles. »
L’observation des enfants harcelés nous a démontré qu’il
n’existe aucun profil type. N’importe quel enfant qui va
bien, face à un groupe, se retrouve en position de faiblesse.
Et cela peut arriver à tout le monde et tout au long de la vie,
à l’école comme au travail.

• «souvent
Les enfants harceleurs viennent le plus
de milieux défavorisés. »
Chaque enfant, dans chaque catégorie sociale, peut
potentiellement devenir harceleur. On retrouve ce
problème partout en France : en ville comme à la campagne,
dans les écoles publiques comme dans les écoles privées,
chez les enfants en ZEP comme chez les enfants issus de
milieux privilégiés.

Le harcèlement soulève
de nombreuses questions
Au-delà de la définition qui pose le cadre de notre réflexion,
le sujet du harcèlement soulève généralement une foule de
questions. Comment cela peut-il encore exister ? Pourquoi
y a-t-il des enfants aussi méchants ? Se rendent-ils compte
du mal qu’ils font ? Pourquoi personne ne fait-il rien ?
Il est important de pouvoir se les poser pour comprendre
les rouages de ce fléau et tenter de comprendre ce qui se
passe dans la tête de chacun, afin d’éviter de surréagir dans
le but de protéger son enfant. En effet, la violence appelle

15
la violence, même du côté de certains parents. Il est donc
nécessaire de mettre des mots sur ces situations pour
désamorcer notre colère ou notre peur.

• Pourquoi est-ce si compliqué à déceler ?


L’enfant qui est harcelé est pétri de peur. Il se sent seul
contre un groupe. Et la peur inhibe complètement le
cerveau et les possibilités de réponse. Biologiquement,
cela s’explique par le fait que l’enfant réagit avec la partie
reptilienne de son cerveau. Et face à ce genre de stress,
il ne peut que fuir et se taire. Quand on y réfléchit, qui
serait capable de se défendre seul contre tous ? Le cerveau
déduit alors qu’il est inutile de se battre, et les hormones
de stress (le cortisol) abondent dans le corps de l’enfant,
le paralysant et le rendant incapable de se défendre ou
de parler.

• Pourquoi l’enfant se tait-il ?


Les enfants sont doués pour cacher des choses à nous,
parents. Ils peuvent affirmer que tout va bien à l’école,
parfois avec un grand sourire. Ils peuvent rentrer à la
maison recouverts de bleus et affirmer qu’ils se sont battus
et qu’ils ont gagné, parce qu’ils craignent le sentiment de
honte qu’ils pourraient voir dans les yeux de leurs parents.
On comprend donc qu’il ne soit pas si simple de détecter
le mal-être de son enfant.

16
• Pourquoi les enseignants

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


ne réagissent-ils pas ?
Certains enseignants savent naturellement poser un cadre
et reprendre les enfants intimidants avec le recul qui est
nécessaire, tandis que d’autres n’ont pas appris. La question
du harcèlement et de la violence qui lui est associée est
complexe. Quand un groupe d’enfants (la meute, comme
on l’appelle) se ligue contre un enfant isolé, la violence qui
en résulte est également vécue par le corps enseignant.
Et plus la violence est grande, plus le besoin de se protéger
psychiquement est fort. En d’autres mots, l’adulte, sans le
vouloir, ne peut accepter cette injustice et cette violence,
et se coupe de ses émotions pour ne pas en souffrir ou
culpabiliser. Les enseignants peuvent dans certains cas
avoir peur, consciemment ou non, que cette violence se
retourne contre eux.
Beaucoup d’enseignants ont parfois tendance à mini-
miser la situation soit par méconnaissance (ils n’ont pas
été formés à cette question et ne savent pas comment
réagir), soit parce qu’ils ne mesurent pas vraiment
l’étendue du problème face à tout ce qu’ils ont à gérer
par ailleurs. Fort heureusement, le sujet est de plus en
plus médiatisé, l’État s’en préoccupe et des initiatives
plus personnelles fleurissent. Savoir gérer la violence est
un art qui s’apprend.

17
• Pourquoi y a-t-il des enfants harceleurs ?
De tout temps, il y a eu des enfants bagarreurs et agressifs
qui bizutaient les autres élèves pour asseoir leur domination
sur le groupe. Cependant, avec les réseaux sociaux, une
nouvelle forme de violence mais aussi de popularité est
apparue : on peut agresser et anéantir l’autre gratuitement
et anonymement par des commentaires et dire tout ce qui
nous passe par la tête impunément. Et à un autre niveau, on
peut encenser un inconnu à coup de « like » ou de pouces
bleus, faisant grimper sa cote de popularité aussi vite qu’on
pourrait la faire redescendre. Les enfants d’aujourd’hui se
tiennent malheureusement face à ce paradoxe.

Les enfants harceleurs n’ont pas toujours la conscience


et l’intention de faire du mal à quelqu’un. Ils sont surtout
autocentrés : ils veulent ressentir des émotions de puis-
sance, être les leaders d’un groupe, se sentir meneurs et
à la fois protégés par celui-ci. Ils font partie d’un véritable
clan où ils se sentent parfaitement invincibles et au-dessus
des lois. La force du groupe leur donne le courage de défier
toute autorité. L’autre, à ce moment-là, n’existe pas. Il
n’est là que pour lui faire vivre des situations de toute
puissance.

18
• Pourquoi y a-t-il des enfants victimes ?

Partie I : Mieux comprendre le harcèlement


Il a des enfants naturellement empathiques qui n’osent pas
faire de mal aux autres, contrairement aux intimidateurs
qui n’en ont cure (par non-conscience de ce que l’autre
ressent). Les enfants empathiques ont une tendance à la
culpabilisation, ce qui les empêche de répondre (« Si je fais
du mal à l’autre, c’est aussi à moi que je fais du mal et cela
m’est insupportable »). Ces enfants vont devoir apprendre
à se défendre pour justement ne pas donner toute la place
à l’autre.

LE SAVIEZ-VOUS ?
Chaque enfant possède en lui les deux
postures : l’agresseur et l’agressé. Si bien souvent
nous avons tendance à juger négativement le
bourreau au profit de la victime, la réalité est bien
différente dans le cas du harcèlement. La violence est
en chacun de nous, à la différence que pour certains,
elle n’est pas toujours exprimée directement. Tous les
enfants se moquent ou injurient les autres, que ce
soit verbalement ou intérieurement. Un enfant
harcelé peut devenir à son tour harceleur, pour
expérimenter dans sa vie le fait d’être puissant et
faire du mal aux autres autant qu’on lui en a fait.

19
1 SENSIBILISEZ-LE AUX
QUESTIONS DU HARCÈLEMENT

10 IMPLIQUEZ LE CHEF
D’ÉTABLISSEMENT

Partie II
9 DONNEZ-LUI LES
CODES POUR SE PROTÉGER
DU CYBER-HARCÈLEMENT

8 ACCOMPAGNEZ
7 SOUTENEZ-LE DANS
L’ENFANT INTIMIDANT
SON RÔLE DE TÉMOIN
2 PRENEZ LE TEMPS DE MENER
L’ENQUÊTE À TÊTE REPOSÉE
3 ADOPTEZ LES BONS
RÉFLEXES POUR COMMUNIQUER

10
Les

4 AIDEZ-LE À RÉFLÉCHIR SUR

clés
SA PROPRE PART DE VIOLENCE

5 APPRENEZ À VOTRE ENFANT


À SE DÉFENDRE
6 TRAVAILLEZ SUR
SA CONFIANCE EN LUI
SENSIBILISEZ-LE
1 AUX QUESTIONS
DU HARCÈLEMENT

Même si on parle de plus en plus du harcèlement aujourd’hui,


dans les classes notamment, il n’en reste pas moins un sujet
complexe qu’il convient d’aborder en amont avec votre
enfant. C’est en le sensibilisant à cette question qu’il inté-
grera les bonnes attitudes pour se défendre dans le cas
où il se ferait malmener. Le sensibiliser ne signifie pas que
l’on possède toutes les réponses sur le sujet mais permettra
sans aucun doute d’ouvrir une porte et de créer un lien de
confiance dans la communication parent-enfant.

L’utilité de la prévention
N’hésitez pas à aborder régulièrement la question du harcè-
lement avec votre enfant. Plus votre enfant constate que
c’est un sujet qui vous intéresse, plus il sera en confiance pour
en discuter avec vous si nécessaire. Mais prenez garde à ne
pas vous montrer alarmiste ou moralisateur car il risque
de prendre peur et de ne pas oser se livrer. Attention donc
à mesurer vos propos et éviter les déclarations virulentes
du type « Non mais tu te rends compte de ce qui se passe
dans les écoles aujourd’hui, c’est effrayant ! J’espère que tu
ne te fais pas harceler au moins ? », « Moi, si cela t’arrivait,

22
je peux te dire que la directrice m’entendrait ! » ou « S’il y a
quelqu’un qui t’embête à l’école, tu me le dis et je lui casse la
1

SENSIBILISEZ-LE AUX QUESTIONS DU HARCÈLEMENT


figure ! » Au contraire, soulevez délicatement le sujet, posez-
vous mutuellement des questions, faites des recherches
ensemble, montrez-lui que vous vous intéressez à sa vie et
que vous serez toujours là pour le soutenir sans décider à
sa place. Vous pouvez par exemple lui dire : « Tu sais, c’est
un sujet important. Sache que tu pourras toujours nous en
parler si cela devait t’arriver. Nous sommes tes parents et
nous pouvons tout entendre. Je sais qu’aujourd’hui les inti-
midations peuvent aller très loin et nous ferons attention à
toi. Nous trouverons alors des solutions ensemble. »

LE SAVIEZ-VOUS ?
L’Unicef évalue en France à 700 000 élèves
le nombre de victimes de harcèlement scolaire.
Les chiffres varient de 12 % en primaire, 10 %
au collège et 4 % au lycée.

• Les mécanismes du harcèlement


Ce qui est très important pour que votre enfant puisse se
protéger du harcèlement, c’est qu’il comprenne tout ce qui
pourrait se passer s’il en était victime. En effet, les méca-
nismes du harceleur sont toujours les mêmes :
• L’isolement : le harceleur cherche à isoler sa victime
pour lui faire perdre toutes ses forces et sa confiance
en lui. Pour cela, il le menace et l’insulte (souvent avec
un groupe pour que l’enfant n’ose jamais se défendre).

23
• La manipulation : à force, l’enfant harcelé en viendra
à penser que son agresseur a raison : il est bien aussi
nul, laid et insignifiant que ce qu’on lui dit. La victime
devient alors persuadée qu’elle mérite ce qui lui arrive,
que les insultes sont justifiées. Elle n’ose alors parfois
pas en parler par honte.

• Anticiper pour ne pas se faire piéger


Si l’enfant écoute son agresseur, accepte ses menaces et
croit en ses insultes, c’est qu’il n’a pas le recul nécessaire
pour s’en protéger. Mais si vous anticipez avec votre enfant
le problème du harcèlement, il saura à quoi s’attendre en
cas d’intimidation et se laissera moins envahir par la peur,
l’élément de surprise ayant disparu. Fabriquez ensemble un
bouclier mental afin qu’il puisse se dire intérieurement :
« Tu peux me raconter ce que tu veux, je sais que tu cherches
à m’effrayer pour que je me taise. Je ferai ce que je veux ! »
Ce bouclier invisible permet à l’enfant d’adopter un autre
réflexe et de demander de l’aide à un adulte plus rapidement
avant que le harcèlement ne s’installe.

Comprendre le harcèlement
Pour repérer le harcèlement et s’en défendre, il est indis-
pensable de le comprendre.

• etDifférencier les conflits du quotidien


le véritable harcèlement
Le harcèlement est aujourd’hui un sujet largement média-
tisé et les enfants comme les parents ont parfois tendance

24
à utiliser ce mot à tour de bras et à amplifier le problème.
Certains enfants disent à leurs parents inquiets « Je me suis
1

SENSIBILISEZ-LE AUX QUESTIONS DU HARCÈLEMENT


fait harceler » alors qu’il ne s’agissait que d’une insulte isolée
et certains parents prennent alors immédiatement rendez-
vous avec le directeur à la moindre contrariété évoquée
par leur enfant. Au contraire, les enfants qui sont vraiment
harcelés n’en parlent souvent malheureusement pas. Pour
rappel, le conflit se manifeste par une tension temporaire
entre deux individus (ou groupe d’individus) pouvant se
traduire par diverses formes de violence. En revanche, le
harcèlement perdure dans le temps et l’enfant qui en est
victime finit souvent par s’épuiser et arrête de répondre à
son agresseur.
Pour rappel, le conflit se manifeste par une tension tempo-
raire entre deux individus (ou groupe d’individus) pouvant
se traduire par diverses formes de violence. En revanche, le
harcèlement perdure dans le temps et l’enfant qui en est
victime finit souvent par s’épuiser et arrête de répondre à
son agresseur.
Il est très important que vous et votre enfant en fassiez la
distinction. Accuser un enfant de harcèlement est un acte
grave qui a des conséquences. Il convient donc de mesurer
ses propos.

• Comprendre
harceleur
la position de l’enfant

Amener son enfant à comprendre la position du harceleur


est une des clés de la prévention contre le harcèlement. En
lui expliquant comment l’agresseur prend du pouvoir, il pourra
plus facilement s’en prémunir. Pour cela, vous pouvez lui

25
proposer de jouer à des jeux de rôles où chacun votre tour
vous vous entraînez à trouver des phrases que prononcerait
le harceleur pour intimider l’autre, qui ne répond pas. Vous
pouvez demander à votre enfant de réfléchir à des phrases
qu’il a déjà entendues dans la cour de récré, dans des films ou
bien de la bouche de son frère ou de sa sœur. L’important est
de disposer d’une panoplie de phrases pour tenter de balayer
ensemble les cas de figure les plus courants.

Voici quelques phrases types des intimidants :


• « Si tu nous balances, on va s’en prendre à tes amis ou
à ta famille. »
• « Tu penses vraiment que quelqu’un va te croire ? On
est cinq contre toi pour parler à la directrice. »
• « Tu es vraiment un gros looser ! »
• « Si tu ne fais pas ce qu’on te dit, on t’appellera tous
les soirs. »
• « On a créé un compte Instagram® sur toi, toute l’école
peut poster des commentaires ! »
• « Alors, tu ne sais pas te défendre ? »
• « Si tu en parles, ce sera pire, tu verras ! »
• « Demain, on te casse la figure, tu ne vas pas comprendre
ce qui t’arrive ! »

Il est également utile de trouver avec votre enfant les


endroits que les harceleurs pourraient privilégier pour
ne pas être vus. Pour cela, il peut vous parler des coins
spécifiques de son école ou témoigner de ce qu’il a déjà vu

26
(des conflits sans forcément parler de harcèlement). Par
exemple : les toilettes, le fond de la cour, devant l’école
1

SENSIBILISEZ-LE AUX QUESTIONS DU HARCÈLEMENT


et dans les rues d’à côté, dans la classe, à l’intercours, au
moment où le professeur s’en va, à la cantine.

Amorcer le dialogue
Établir une relation de confiance avec votre enfant via le
dialogue est primordial dans la prévention contre le harcè-
lement. De plus, pouvoir se poser confortablement autour
d’une table et aborder le sujet permet de savoir ce que votre
enfant connaît véritablement du harcèlement. Sait-il ce que
c’est et comment cela se passe ? Est-ce que c’est un sujet
qui le préoccupe ?

• Parlez de ses camarades et jaugez


son intégration dans sa classe
L’intégration de votre enfant dans sa classe et plus générale-
ment au sein de son école est une bonne chose à connaître.
Vous pouvez lui demander s’il a des amis sur lesquels il peut
compter mais aussi s’il a confiance en les adultes de son
école ou de son centre de loisirs. Ces discussions simples
vous permettront de savoir si votre enfant se sent bien et
s’il serait capable de demander de l’aide à un adulte si
besoin.

• Échangez avec lui sur l’actualité


Quand vous entendez aux informations ou dans un film qu’un
enfant s’est fait malmener, cela peut être un bon prétexte
pour entamer une discussion avec votre enfant et connaître

27
un peu mieux son quotidien dans la cour de récréation. Vous
pouvez lui poser des questions simples, comme :
• Qu’est-ce que tu en penses ?
• Est-ce que tu connais quelqu’un qui s’est déjà fait
harceler ?
• Est-ce que tu penses que c’est facile ou difficile d’en
parler ?
• Comment t’y prendrais-tu pour nous en parler si cela
t’arrivait ?
• Comment ferais-tu pour nous le cacher ?
• Comment penses-tu qu’on réagirait ?
• Est-ce que tu serais capable de défendre un copain qui
se ferait harceler ? Comment t’y prendrais-tu ? De quoi
aurais-tu peur ?

BON À SAVOIR
Les numéros qui peuvent vous aider :
• Non au harcèlement pour les élèves, parents
et professeurs : 30 20
• Appeler le numéro vert «Non au Harcèlement»
au 30 20
• Appeler le numéro vert «Net écoute» en cas
de cyber-harcèlement au 0 800 200 000
• Appeler le numéro vert «Fil Santé Jeunes»
au 0 800 235 236

28
2 PREN EZ LE TEMPS
MENER L’ENQUÊTE
À TÊTE REPOSÉE
DE

Dès que l’on comprend que notre enfant va mal, c’est la


panique à bord. Nous voulons savoir ce qui se passe. Nous
voulons protéger notre enfant. Nous sommes en colère,
triste, nous avons peur. Nous nous sentons parfois coupables
de ne pas avoir senti ce qui se passait. Tout s’emballe quand
notre enfant nous annonce une telle nouvelle. Et c’est tout
à fait normal. Cependant, si nous ne nous pouvons pas nous
empêcher de ressentir de la panique, de la colère, de la
tristesse, nous pouvons nous garder d’agir à la va-vite sous
le coup de l’émotion.

Évaluer la situation
Agir sans réfléchir est le meilleur moyen de perdre le lien de
confiance avec son enfant. Ainsi, pour être efficace dans une
telle situation, il est impératif de bien évaluer ce qui se passe,
et de le faire calmement. Si votre enfant se fait malmener
depuis des semaines ou des mois, quelques jours de plus
ne changera rien mais vous permettra d’agir intelligem-
ment. Évidemment, notre cœur de parent voudrait que cela
s’arrête à la seconde, mais la réalité est un peu différente et
nécessite de se faire violence et d’aller contre ses instincts.

29
• Prenez le temps d’écouter votre enfant
Écouter signifie dans cette situation poser des questions,
et attendre la réponse qui viendra parfois le lendemain
ou le surlendemain, quand l’enfant est plus disposé à se
livrer. Demander des précisions à l’enfant par le biais de
questions l’aide à dérouler le fil de sa pensée et à trouver
les mots, ce qui peut s’avérer être un exercice parfois très
douloureux. Certains enfants ont tendance à exagérer et
d’autres à minimiser. Cela importe finalement peu s’il s’agit
de l’expression de son propre ressenti. Ne le remettez
pas en cause. Écoutez simplement, puis analysez, car
entendre son histoire vous permettra d’évaluer la situation.
Par exemple, un enfant qui rentre triste à la maison parce
qu’il n’a pas d’amis en ce moment, se retrouve seul dans
la cour et reçoit quelques moqueries, aussi blessantes
soient-elles, n’est pas la même chose qu’un enfant qui se
fait humilier quotidiennement sur son physique, ou qui se
fait malmener physiquement pour le plaisir d’un groupe
d’enfant. En effet, pour les enfants, tout peut paraître grave
dès qu’il s’agit de la place qu’ils occupent dans le groupe.
Écouter attentivement permet de faire le tri.

• Distinguez les petites plaintes


de la souffrance réelle
Pour savoir si votre enfant se trouve dans une situation de
harcèlement, prenez le temps de comprendre s’il souffre
des jours durant. En effet, certains enfants ont besoin seule-
ment d’attention et savent comment appuyer sur notre
« bouton intérieur » pour nous inquiéter (inconsciemment)
et pour que l’on s’occupe d’eux. Au contraire, d’autres

30
n’arrivent pas à s’exprimer. Ils ont trop peur. Ils ont honte. Ils
ont tendance à minimiser ce qui se passe à l’école pour ne
2

PRENEZ LE TEMPS DE MENER L’ENQUÊTE À TÊTE REPOSÉE


pas effrayer leurs parents et pour les protéger. Distinguer
les petites plaintes de la souffrance réelle n’est alors pas si
simple. Seul le temps joue en votre faveur : si le problème
perdure et s’installe, alors il demande toute votre atten-
tion, même si votre enfant fait mine de rien dans un premier
temps en vous laçant des phrases telles que « Ne t’inquiète
pas, tout va bien », « J’ai plein d’amis à l’école » ou « C’est
moi le plus fort de la classe, personne ne peut m’embêter ! »

• Aidez-le à relativiser
Même si vous finissez par comprendre que votre enfant ne
se trouve pas dans une situation de harcèlement, il convient
tout de même de l’accompagner dans sa souffrance. Pour
cela, vous pouvez l’aider à prendre du recul sur cette situa-
tion isolée qui le chagrine mais qui en soi n’est pas très
grave (par exemple dans le cas où il rentrerait de l’école
triste parce qu’il se serait violemment disputé avec son meil-
leur ami). Vous pouvez lui poser cette question : « Quelle
importance cela aura dans un an ? » L’enfant peut se
projeter d’emblée dans un futur plus positif. Vous pouvez
également lui dire : « Tu as le droit de ressentir de la colère
ou de la tristesse mais ne te laisse pas submerger par elle.
Ne te gâche pas la soirée avec cela. Souffle un bon coup et
imagine l’importance que cette dispute aura dans un an,
dans 10 ans, dans 50 ans. Regarde comme ton émotion
s’envole. Regarde comme tu es capable de passer au-dessus.
Garde tes yeux fermés et apprécie ce moment. Est-ce que
ton émotion est partie ? Est-ce que tu es prêt à passer une
bonne soirée avec nous maintenant ? »

31
Réagissez avec les bons réflexes
Maintenant que vous avez entendu votre enfant et compris
sa situation, il convient réagir avec calme et intelligence.

• Ne surréagissez pas au risque d’amplifier


la situation
Il n’est pas toujours facile de garder son calme quand l’in-
quiétude monte. Pour ne pas le montrer à votre enfant, vivez
votre colère ou votre anxiété dans votre chambre, appelez
discrètement un(e) ami(e) ou sortez faire un tour pour
respirer de l’air frais. Parfois seulement 5 minutes suffisent
pour redescendre d’un cran. Vous pourrez ainsi affronter la
situation avec un esprit plus clair, sans partir dans tous les
sens et faire peur à votre enfant alors que justement, il a déjà
peur que la situation n’empire et qu’il vive un enfer de retour
à l’école (où tout le monde pourrait le traiter de « balance »).

• Remerciez votre enfant d’avoir trouvé


le courage d’en parler
Une fois que votre enfant s’est exprimé, prenez le temps de
saluer son courage et la confiance qu’il a mis en vous en
se livrant. Si on a l’impression que notre enfant peut tout
nous dire parce que nous sommes son parent, l’enfant lui,
pense souvent différemment, jugeant que ses parents ne
sont pas en mesure de le comprendre. En effet, ce n’est pas
toujours facile pour le parent de jongler entre la posture du
cadre, du parent exigeant ou protecteur avec la posture du
parent-ami qui écoute sans juger et qui se met à la place de
l’enfant. Des mots simples suffisent pourtant : « C’est super

32
que tu aies pu t’ouvrir ainsi. Je voyais bien que ça n’allait
pas depuis quelque temps. J’ai compris que ce n’était pas
2

PRENEZ LE TEMPS DE MENER L’ENQUÊTE À TÊTE REPOSÉE


évident pour toi de tout nous raconter. Mais je te remercie,
on va pouvoir avancer ensemble maintenant, tu n’es plus
tout seul. On ira à ton rythme pour trouver une solution et
pour que tu ne te fasses plus embêter. Et si jamais cela ne
fonctionnait pas, je serais prêt(e) à te trouver une nouvelle
école si tel est ton choix. »

ÉOS
REGARDEZ ENSEMBLE DES VID
SUR LE SUJET
YouTube® regorge d’interviews de jeunes qui
se sont fait harceler et qui témoignent de leur
expérience : comment ils l’ont vécu et comment ils
s’en sont sortis. Cela permet à l’enfant de s’identifier
à d’autres et de garder confiance pour la suite,
même si cela n’atténue pas sa douleur. Ces vidéos
lui permettent simplement de se sentir moins seul
et d’avoir des idées ressources 24h/24 et 7 jours/7,
quand on a personne à qui parler sur le moment.

33
3 ADOPTEZ LES BONS
RÉFLEXES POUR
COMMUNIQUER

Faire parler un enfant n’est pas toujours évident. Cet exer-


cice vous demande de faire preuve d’une attention toute
particulière. Une fois que vous avez senti qu’il est ouvert
à la communication et qu’il commence à vous raconter ce
qui se passe à l’école, il reste encore une étape à franchir :
accueillir sa parole et l’aider à aller plus loin dans l’expres-
sion de ses ressentis. Gardez bien en tête qu’un enfant ne
se livre pas comme cela, du tout au tout. Il a besoin de temps,
d’être mis en confiance : vous allez devoir procéder pas à pas.

Faites preuve de bienveillance


et de vigilance
Voici les ingrédients pour développer une écoute bienveil-
lante et un regard vigilant à l’égard de votre enfant :
• Observer le langage de son corps. Décodez les signaux
de stress de votre enfant. Sentez-vous que quelque
chose n’est pas comme d’habitude ? Semble-t-il se
replier sur lui-même ? Baisse-il la tête et devient-il
de plus en plus silencieux ? Commence-t-il à s’irriter ?
Ces signes vous permettent de sentir que votre enfant

34
est tendu et qu’il a besoin de s’exprimer. Cela vous
permet également de poser des mots pour l’y aider.
3

ADOPTEZ LES BONS RÉFLEXES POUR COMMUNIQUER


Vous pouvez alors lui dire : « Je vois bien que tu n’es
pas comme d’habitude. Tu me dis que tout va bien, et
pourtant je te sens distant ». Ces mots simples vont
vous permettre d’ouvrir la conversation et de parler à
cœur ouvert.
• L’accueillir. « Accueillir » votre enfant signifie simple-
ment que vous reconnaissez l’existence de ses émotions
et de son ressenti. Vous comprenez que s’il réagit de la
sorte, c’est qu’il doit bien y avoir une raison.
• Lui faire passer un message de compréhension pour
valider son ressenti. Vous pouvez lui dire : « Je
comprends tout à fait que tu aies peur /du chagrin/ de
la colère. À ta place, je pense que je réagirais comme
toi. Je sens que cela te touche particulièrement. »
• L’écouter en posant des questions. Après cette étape
d’accueil, il est parfois nécessaire de poursuivre par
des questions afin d’aider l’enfant à mieux préciser sa
pensée. Il s’agit d’un accompagnement à l’expression,
vous l’aidez à verbaliser et à définir son émotion par
le biais de questions ouvertes telles que : « Qu’as-tu
ressenti quand tu as vu ce garçon/cette fille aujourd’hui ?
Qu’est-ce qui t’a fait peur quand tu t’es retrouvé seul(e)
à l’intercours ? »

• Expérimentez le pouvoir des câlins


Votre enfant a besoin d’être rassuré quand il exprime
quelque chose d’intime : dites-lui que vous êtes là pour
lui. Vous pouvez aussi l’aider à se sentir physiquement en

35
sécurité en le serrant dans vos bras, ou en restant à côté de
lui, une main sur son épaule. Ces gestes affectueux l’aideront
à réduire son niveau de stress.

LES BÉNÉFICES DES CÂLINS


Ils augmentent l’ocytocine, « l’hormone de
l’amour », qui nous remplit de plaisir et d’énergie.
Ils augmentent la dopamine, « l’hormone du
bonheur », qui nous rend motivé et de bonne
humeur.
Ils aident à lutter contre le stress et l’anxiété.
Ils renforcent l’estime de soi.
Ils aident à lutter contre la douleur, la tristesse
et les coups durs.
Ils renforcent le système immunitaire.
Ils représentent concrètement l’amour
et le soutien.
Ils régulent le système nerveux.

• Usez des mots de réconfort


Une simple parole chuchotée à l’oreille et dite avec sincérité
a un réel effet sur la confiance en soi de l’enfant. Prendre le
temps de lui dire des mots affectueux et réconfortants ou les
écrire, comme un secret, sur un petit bout de papier glissé
dans sa poche avant qu’il aille à l’école, est un bon moyen
pour lui donner le sourire.

36
Voici quelques exemples : 3

ADOPTEZ LES BONS RÉFLEXES POUR COMMUNIQUER


• « Je t’aime comme tu es et quoi que tu fasses. »
• « Tu as une place importante dans cette famille et je
ferai tout mon possible pour que tu sois entendu(e)
à l’école et que tu retrouves le plaisir d’y aller. »
• « Je serai toujours là pour toi et je n’agirai qu’avec ton
accord. On est une équipe ! »

• Faites-lui
intérieures
découvrir ses ressources

Quand un enfant est attaqué ou moqué par ses pairs,


sa confiance en lui et en les autres s’en retrouve abîmée.
Il commence à douter de lui, ne sait plus quoi faire.
Notre rôle est donc de l’aider à trouver en lui-même les
ressources pour dépasser sa peur et son stress afin de ne
plus rester figer face à l’enfant agresseur. Pour cela, vous
pouvez l’aider en lui posant des questions qui l’amènent à
adopter progressivement une autre vision de lui-même.
Vous pouvez lui rappeler par exemple qu’il a surmonté sa
peur des araignées il y a quelques années et lui demander
comment il avait fait. Vous pouvez parler de ce camarade
qui lui volait ses jouets l’année dernière et lui demander
ce qu’il avait fait ou dit pour qu’il cesse. Demandez-lui
simplement comment vous, en tant que parent, vous pour-
riez l’aider, de quoi il aurait besoin pour surmonter cette
épreuve. Le but est de lui montrer qu’il a en lui des
ressources dont il ne soupçonne pas l’existence, qu’il est
plus fort qu’il ne le pense, et qu’avec votre aide, il pourra
s’en sortir.

37
Évitez de lui donner des conseils
« tout faits »
Écouter son enfant, c’est rebondir sur ce qu’il dit, sur son
ressenti. Il ne s’agit en aucun cas d’ignorer sa parole
pour lui exprimer ce que nous avons dans la tête, pour
essayer de régler le problème au plus vite en le minimisant.
Certaines phrases, anodines au demeurant, peuvent créer
une tension chez l’enfant et rompre la communication. Voici
quelques exemples :
• « Ne lui parle pas, ignore-le et tu verras qu’il se désin-
téressera de toi. »
• « Tu n’es pas obligé de l’écouter, tu peux te faire d’autres
amis ! »
• « Tu sais, à mon époque aussi il y avait du bizutage. Cela
forge le caractère ! »
• « Donne-lui un bon coup une fois pour toutes et
montre-lui qui tu es ! Tu verras qu’il arrêtera ! »
• « Va voir un adulte si on t’embête à l’école ! Cela va
s’arranger ! »

38
Ne lui montrez pas votre colère
3

ADOPTEZ LES BONS RÉFLEXES POUR COMMUNIQUER


Avec la colère, nous avons tendance à vouloir protéger
notre enfant en criant sur celui qui l’embête comme si
cela avait le pouvoir de stopper son action. Évitez abso-
lument de vous emporter : « Il est vraiment insupportable
ce gosse, si ça continue, c’est moi qui vais l’attendre à la
sortie ! », « Ce gamin n’a aucune éducation, il mériterait
une bonne correction ! » Ces réactions ne feront qu’en-
venimer la situation. Plus vous parlerez ainsi du harceleur
et plus vous serez en colère, plus vous lui donnez de l’im-
portance et du pouvoir. L’important est de rester vrai-
ment concentré sur les ressentis de votre enfant, sur ses
ressources intérieures, sur ce qu’il est capable de faire, sur
l’aide qu’il peut trouver... plutôt que de passer vos nerfs,
de manière stérile, sur un enfant que vous ne connaissez
peut-être même pas.

39
4 LE À RÉFLÉCHIR SUR
AIDEZ-
SA PROPRE PART
DE VIOLENCE

Si la violence des autres fait peur, nous avons tendance à


la voir toujours à l’extérieur de nous, de notre enfant, de
notre famille. En effet, dès le plus jeune âge, la violence est
d’emblée pointée du doigt à école. Un enfant agressif se
fait repérer toujours bien plus rapidement en classe qu’un
enfant qui ment, qui triche, qui rêve et qui n’écoute rien. La
violence touche à notre part de vie et de survie, et nous fait
forcément réagir. Cependant, il est tout aussi important
de pouvoir écouter nos enfants dans leur colère car tout le
monde peut potentiellement être de temps à autre agressif
(sans forcément parler de harcèlement) et proférer des
moqueries ou des injures pour se sentir dominer l’autre.

Nous avons tous en nous


une part de violence
Quand nous avons des enfants, nous sommes souvent
étonnés de voir à quel point ils peuvent être durs entre eux.
Des enfants sages et obéissants à la maison (parce qu’ils ne
veulent pas déplaire à leurs parents, parce qu’ils n’ont pas la
place de faire des bêtises, parce que le frère aîné est plus

40
fort, etc.) peuvent se montrer complètement différents dans
la cour d’école. Dans ce cadre où il y a peu de surveillance,
4

AIDEZ-LE À RÉFLÉCHIR SUR SA PROPRE PART DE VIOLENCE


ils peuvent se tester et interagir avec leurs pairs qui n’ont
pas forcément la même éducation ou les mêmes valeurs (en
particulier le sens de la justice et de l’équité) dans lesquelles
ils baignent à la maison. Nous avons peu ou pas accès à cette
partie de la vie de nos enfants, et pourtant elle existe. Nous
avons beau leur répéter qu’il ne faut pas faire du mal aux
autres, qu’il ne faut pas taper ni se moquer, la réalité est tout
autre. Les enfants peuvent être durs et sans pitié. Ils aiment
ressentir le pouvoir et la toute-puissance, et parfois, pour se
défendre, la violence est la seule solution qu’ils trouvent pour
montrer à l’autre qu’ils ont du répondant. Parlez-leur de la
part de violence qui existe en chacun de nous et de notre
capacité à réagir ou surréagir dans différentes situations.

• Aider votre enfant à s’affirmer


sans culpabiliser
Certains enfants ont plus de mal à s’affirmer que d’autres.
Ou bien ils ont une colère en eux mais ils n’osent pas l’ex-
primer. Ils sont parfois tellement dans l’empathie qu’ils
culpabilisent à l’idée de se défendre. Ils disent souvent :
« Je ne veux pas lui répondre car je ne veux pas lui faire du
mal, je préfère prendre sur moi », « Je n’ai pas envie de dire
ce que je pense car j’ai peur que cela soit trop méchant »,
« J’ai peur de ne pas pouvoir m’arrêter, alors je préfère ne
rien faire. » Autrement dit, la violence est présente mais
l’enfant en a peur. Il imagine le pire. Il faut dans ce cas expli-
quer à l’enfant que c’est important de faire attention aux
autres, mais que se défendre l’est tout autant. Se défendre,
c’est avoir du respect pour soi-même. C’est dire stop à un

41
comportement qui n’est pas acceptable. Vous pouvez lui
expliquer la métaphore de la maison : « Quand tu es dans
ta maison et que tu n’as pas envie qu’un étranger vienne te
déranger en entrant chez toi pour mettre le bazar sans ta
permission, tu as le droit de le faire sortir et de fermer la
porte, tu peux même élever la voix. Tu es chez toi, tu fais ce
que tu veux. Tu t’affirmes. En revanche, tu deviens violent(e)
si tu choisis de venir chez lui, sur son territoire, l’importuner
de la même manière. Là, tu ne protèges plus ton territoire, tu
viens te venger et lui faire du mal. » Il faut bien comprendre
que se protéger soi, ce n’est pas faire du mal à l’autre.

• Aidez-le à trouver les déclencheurs


de sa propre violence
Cela lui permettra d’apprendre à mieux se connaître et à
comprendre que la violence est partout. Les enfants s’en-
ferment souvent dans cette pensée binaire : il y a les gentils
d’un côté, et les méchants de l’autre qu’il faut combattre.
Bien évidemment, vous remarquerez que ce ne sont jamais
eux les méchants. Nous voyons toujours la faute et le mal à
l’extérieur de nous. Vous pouvez poser des questions simples
à votre enfant pour l’aider à prendre conscience et à appri-
voiser sa part de violence, qui lui est propre. Par exemple :
• « Qu’est-ce qui peut te mettre dans une immense
colère ? »
• « As-tu déjà frappé un camarade ? Te rappelles-tu ce
qui s’est passé dans ta tête à ce moment-là ? »
• « Que se passe-t-il en toi quand tu embêtes ton frère
ou ta sœur ? Sais-tu pourquoi tu n’arrives pas à arrêter ?
Trouves-tu que cela est facile de le faire ? Qu’est-ce qui
te motive à continuer ? »

42
• Se mettre à la place de l’autre 4

AIDEZ-LE À RÉFLÉCHIR SUR SA PROPRE PART DE VIOLENCE


Rien de tel pour comprendre comment fonctionne un
enfant harceleur que de se mettre dans sa peau ou de
se rappeler un moment de notre vie où nous avons été
dans la position de l’enfant moqueur ou agressif. Cela fait
partie de l’enfance de se sentir parfois petit, faible, laid
et différent. Et cela fait également partie de l’enfance de se
moquer les uns des autres, de la maternelle au lycée. Aidez
votre enfant à trouver un souvenir où il s’est retrouvé dans
la situation d’être dans un groupe et de rire d’un camarade.
Demandez-lui ensuite ce qu’il a ressenti. A-t-il pensé à
ce que devait ressentir l’autre à ce moment-là ? A-t-il pris
du plaisir à être dans le groupe ? S’est-il senti relié aux
autres ? A-t-il ressenti de la culpabilité ? Ces questions lui
permettront de prendre de la distance et de moins subir le
sentiment d’injustice.

L’EFFET BOOMERANG
Proposez à votre enfant de mimer un pistolet
avec un seul doigt tendu, à la place de deux. Puis,
expliquez-lui que la balle qu’il envoie sur son
camarade lui revient multipliée par trois, comme il
peut le voir sur sa main : 3 doigts sont pliés et pointés
vers lui (les 3 balles). C’est ce qu’on appelle l’effet
boomerang. Quand l’enfant est profondément en
colère contre un camarade, cette colère résonne
et vit en lui comme un poison émotionnel. Et plus
il est agressif, plus il a peur de l’agressivité de son
camarade en retour.

43
Par le jeu, il devient je
Discutez avec votre enfant de ce qui se passe pour lui
quand il s’énerve, qu’il est en colère et qu’il a l’idée de faire
du mal à quelqu’un (par les mots ou les gestes). Cela lui
permettra de comprendre ce qui peut se passer pour son
camarade de l’intérieur et ainsi apprivoiser sa peur. « Il me
fait peur, je ne sais pas comment réagir, alors je deviens
comme l’enfant qui me blesse pour le comprendre de l’in-
térieur ». Le processus est le même chez les jeunes enfants
qui découvrent le monde : ils sont petits, fragiles, impuis-
sants mais prennent plaisir avec leurs figurines à jouer les
héros de guerre qui n’ont peur de rien. Ils empruntent
d’autres rôles, l’espace d’un instant, pour vivre des émotions
différentes.

44
5 APPRENEZ
À VOTRE ENFANT
À SE DÉFENDRE

Nous ne pouvons pas protéger nos enfants quand ils sont


à l’école. Dans leurs vies d’enfants et d’adolescents, ils
feront des belles rencontres mais aussi des moins belles ;
des remarques, des injustices, des insultes, des relations
d’emprises peuvent survenir à l’école. Il s’agit de blessures
invisibles, sans coups, mais qui laissent tout autant de traces.
Apprendre à nos enfants à répondre face à ces attaques
du quotidien est un cadeau que l’on peut leur faire pour
construire ensemble les bases de la confiance en soi.

Donnez à votre enfant


la permission de se défendre
Apprendre à se défendre est essentiel et il est important
de l’expliquer à votre enfant avec des mots simples. Cela le
rassurera car les enfants ont souvent peur se faire gronder
en rentrant à la maison puisqu’on leur rabâche à longueur
de temps : « Ne réponds pas, fais ce que je te dis, on ne te
demande pas ton avis... » On les éduque parfois dans un
cadre si strict qu’on omet de leur expliquer qu’agresser
n’est pas toléré mais que se défendre l’est. Vous pouvez

45
par exemple lui dire : « Je te crois, je sais que ce n’est pas toi
qui as commencé. Quand tu reviens dans la cour demain,
défends-toi. Repousse-le si tu veux. Tant pis si tu te fais
gronder. Si le surveillant ne voit rien, ce n’est pas ta faute.
Je suis de ton côté. » Cette phrase toute simple lui montre
qu’il a été entendu. Même s’il vit une injustice à l’école, il
sait que chez lui on le comprend et on a confiance en sa
capacité à répondre.

• Apprenez-lui l’autodéfense émotionnelle


L’autodéfense émotionnelle, c’est l’art de se défendre
par des mots justes qui stoppent l’agression verbale de
l’autre. Autrement dit, c’est pouvoir poser des limites pour
se faire respecter et se protéger du sentiment de dévalori-
sation en contournant l’énergie d’agression de l’autre sans
l’agresser en retour.
Par exemple, pour désarçonner son camarade, votre enfant
peut répondre par une question. Ainsi, il n’est pas agressif
mais il s’affirme. Par exemple, à la moquerie « Tu as vu
comment tu es fringuée ? On dirait une clocharde ! »,
l’enfant peut répondre du tac au tac : « Est-ce que cela
te pose un problème ? Tu veux qu’on en parle ? Viens,
assieds-toi, j’ai du temps. » Cette phrase est simple et
peut être utilisée dans la majorité des situations. Une
autre façon d’apprendre aux enfants à se défendre, c’est
de les aider à poser des questions de précisions pour
comprendre la colère de leurs camarades. Par exemple :
« Tu n’es vraiment qu’une imbécile. Tu n’es même pas
capable de le faire. » Ce à quoi l’enfant peut répondre « Ah
oui, dis m’en plus. Ça m’intéresse. Tu peux m’expliquer ce
que tu veux dire par imbécile ? »

46
• Aidez-le à dialoguer de manière 5
bienveillante avec lui-même

APPRENEZ À VOTRE ENFANT À SE DÉFENDRE


Pour aider votre enfant à construire un dialogue positif avec
lui-même après qu’il ait été malmené et rabaissé, vous pouvez
trouver avec lui des phrases de réassurance qu’il pourra se
répéter intérieurement pour se donner de la force. En effet,
même s’il n’ose pas encore répondre « en direct », le fait de
le faire intérieurement et d’oser se répondre à soi-même
est déjà un premier pas qui est précieux. Plus l’enfant sera
persuadé de sa valeur, plus il pourra réagir vite.
Voici quelques exemples :
• « Tu as le droit de penser ce que tu veux, mais moi je sais
ce que je vaux, je n’ai pas besoin de ton avis. »
• « Tu dois beaucoup t’ennuyer ou être mal dans ta peau
pour passer du temps à vouloir me rabaisser. »
• « Même s’il me fait peur, j’ai le droit de me défendre et
d’être en colère comme tout le monde. »

Aidez-le à se protéger
émotionnellement
Les enfants ont tendance à prendre tout ce qu’on leur dit
pour argent comptant. Il paraît alors logique que, quand une
moquerie est répétée (« Tu es... »), ils finissent par y croire
(« C’est vrai. Je suis... »). C’est à ce moment-là, quand le TU
se transforme en JE, que les enfants perdent confiance en
eux. Ils sont alors d’accord avec l’agression et celle-ci s’infiltre
en eux comme un poison émotionnel. Ils finissent même par la
répéter en boucle et cultiver cette pensée (« Je suis vraiment

47
nul(le), je suis un(e) incapable, je suis moche, je déteste mon
nez ! »), non pas parce qu’ils le pensent, mais parce qu’ils ont
retenu la remarque d’un autre. La question à poser à votre
enfant est donc : « Si personne ne te regardait, si personne
ne te jugeait, que penserais-tu vraiment de toi ? »

• Aidez-le à prendre du recul


Vous pouvez aider votre enfant à prendre du recul, par
lui-même, par rapport à tout ce qui se passe autour de lui.
Nous avons souvent tendance à survaloriser notre enfant
blessé pour lui redonner confiance, ce qui est inefficace.
Et pour cause, cette valorisation ne vient pas de l’enfant
lui-même. Il a l’impression qu’on le complimente simplement
pour lui faire plaisir. En revanche, lui poser des questions
lui permet de réfléchir par lui-même, ce qui est bien plus
puissant. Par exemple, vous pouvez lui demander : « Quand
tu me dis que tu es un raté, comment peux-tu être sûr que
cela soit vrai ? » Si votre enfant trouve un élément de réponse
(par exemple : « Parce que j’ai des mauvaises notes et que
je ne ferai jamais ce que je veux plus tard. »), continuez avec
cette deuxième question : « Mais comment peux-tu être sûr à
100 % que ce soit vrai ? » Cette question sème le doute en lui
car il est impossible d’être sûr de soi à 100 %. On ne peut rien
prouver, on ne peut pas lire l’avenir, et cela déstabilise l’enfant.
Cette faille permet de l’ouvrir à d’autres possibilités. Vous
pouvez alors lui dire : « C’est vrai, tu as raté ton année mais
est-ce que cela fait de toi un raté ? Ce n’est pas parce que tu
rates une fois que tu rateras encore ! Et si tu rates la prochaine
fois, cela ne veut pas dire que tu échoueras toute ta vie ! ».
Relativiser et remettre l’émotion de votre enfant sur l’échelle
du temps lui permet de traverser de nombreuses difficultés.

48
BON À SAVOIR
5

APPRENEZ À VOTRE ENFANT À SE DÉFENDRE


Retenez ces courtes phrases :
« Comment peux-tu être sûr à 100 % que… ? »
« Comment peux-tu me prouver que ce que tu dis
est vrai ? »
« Comment l’autre pourrait-il te connaître mieux
que toi-même ? Et prédire ton avenir ? »

• Aidez-le à faire le tri dans ses pensées


Quand l’enfant souffre des moqueries lancées par ses cama-
rades, une part de lui pense qu’elles sont vraies, justifiées. Il
finit même par croire que ces pensées viennent de lui-même.
Pour l’aider à faire le tri dans ces « fausses croyances », vous
pouvez les reprendre une à une ensemble et trouver à qui
appartient originellement cette pensée. Demandez-lui
alors : « Est-ce que cela vient de toi ou est-ce quelqu’un qui
te l’a dit ? » Cela permettra à l’enfant de ne plus se libérer
de cette pensée qui ne lui appartient pas.

ASTUCE
Vous pouvez créer un tableau où vous répertoriez
les pensées de l’enfant et notez en face si elles
viennent de lui ou d’autrui (et de qui). Les noter noir
sur blanc lui permettra de bien intégrer la différence
entre ses propres pensées et celles des autres, et in
fine, de s’en détacher.

49
6 TRAVAILLEZ SUR
SA CONFIANCE
EN LUI

Trouver les mots pour réconforter son enfant qui ne va pas


bien n’est pas toujours évident. En tant que parents, nous
ne sommes pas toujours les mieux placés, surtout avec les
adolescents qui sont souvent sur la défensive. Nous avons
tout de même un rôle à jouer auprès de notre enfant quand
il se fait malmener puisque, parfois, il n’a plus la force de se
défendre. Il rentre dans une spirale d’atteintes personnelles
et ne sait plus à qui se confier. Les enfants ont parfois honte
d’avouer que cela ne va pas, que ce soit aux parents ou aux
frères et sœurs. Lui dire des mots de réconforts, même s’ils
sont maladroits, est essentiel pour que les enfants se sentent
protégés et retrouve confiance en eux.

Le harcèlement n’est jamais


mérité
Quand nous apprenons que notre enfant a subi une injustice,
c’est souvent la colère qui prend le dessus, et vous pouvez
laisser échapper des phrases comme : « C’est un enfant
violent, il est fou. Il mériterait de subir la même chose ! »
Or, parler en mal de son camarade ne sert à rien. Ce dont
l’enfant a besoin, c’est d’entendre de votre bouche que ce

50
qu’il a vécu n’est pas normal. Il sera alors capable de juger
ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Cela peut paraître
6

TRAVAILLEZ SUR SA CONFIANCE EN LUI


évident, mais quand un enfant vit ce genre de difficultés,
c’est comme s’il était figé intérieurement. Pour lui, cette
violence devient normale et il en vient à penser : « S’ils me
critiquent, c’est que je le mérite. » Lui faire comprendre qu’il
ne le mérite en aucun cas et que cela est totalement injuste
est thérapeutique.

• Exprimez-lui clairement que cela


n’est pas de sa faute
Les enfants « victimes » ont toujours l’impression que
quelque chose ne va pas chez eux. Face à la pression du
groupe, ils sont facilement manipulables et finissent par
avoir l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. Ils
s’inventent des fautes qu’ils n’ont pas commises : « C’est
parce que je suis différent(e) des autres que tout cela m’ar-
rive, parce que je suis plus petit(e), plus intello, plus timide... »
Il faut pouvoir dire à votre enfant que ce qui lui arrive n’est
pas sa faute : les enfants qui harcèlent peuvent le faire à n’im-
porte qui, il n’existe pas de profil type de victime. Rassurez-le
en lui disant qu’il est normal d’avoir peur et de se sentir
amoindri face à un groupe. Personne ne peut faire le poids,
seul contre plusieurs.

• Parlez-lui de la responsabilité
de ses sentiments
Expliquez-lui qu’il ne peut pas faire grand-chose contre
les moqueries des autres, mais qu’il a le pouvoir de se
protéger de ses propres émotions. Autrement dit, si votre

51
enfant n’est pas responsable des actes de ses camarades,
il est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de
ses émotions, et cela change tout. Rediriger ses pensées et
choisir de ne pas croire à tout ce qu’on lui dit est essentiel,
et cela s’apprend.

Se reconstruire
Quand notre enfant est triste parce que cela se passe mal
à l’école, il a tendance à tout voir en noir et à ne plus vouloir
aller de l’avant. Prendre le temps de construire avec lui un
tableau de visualisation pour l’aider à se raccrocher à ses
rêves est un exercice précieux. L’idée est simple : parlez
avec votre enfant de ses rêves, de ses objectifs, du métier
ou des voyages qu’il aimerait faire dans sa vie... Aidez-le à
trouver quelque chose de plus grand que lui, à voir au-delà
de sa vie actuelle. Se projeter dans le futur positivement lui
redonnera de l’espoir et de la force.

• Aidez-le à se voir autrement


Les moqueries que subissent les enfants portent le plus
souvent sur le physique. Pour réparer l’image qu’il a de
lui-même, vous pouvez prendre un temps avec lui pour faire
l’exercice du miroir. Pour cela, demandez à votre enfant de
se regarder dans le miroir au moins deux minutes, droit dans
les yeux. Au début, il continuera à se juger, à se trouver trop
comme ceci ou pas assez comme cela. Mais peu à peu, le
fait de se regarder profondément va l’aider à se connecter
à lui-même et à dépasser ses premières impressions. Vous
pouvez vous mettre derrière lui s’il en a besoin et le regarder
avec bienveillance pour le soutenir.

52
• Changez-lui les idées 6

TRAVAILLEZ SUR SA CONFIANCE EN LUI


Une fois que l’on a accueilli la parole de l’enfant et appro-
fondi le sujet avec lui, il est important qu’il puisse penser
à autre chose. Pour cela, vous pouvez lui proposer une
nouvelle activité (le karaté, l’équitation, la musique...). Ce
serait l’occasion pour lui de découvrir de nouvelles compé-
tences, de nouvelles passions, de rencontrer des enfants qui
lui ressemblent, de se faire de nouveaux amis... Peut-être
trouvera-il en lui des ressources insoupçonnées en fréquen-
tant des camarades qui ne le connaissent pas et qui n’ont
pas d’a priori.
Si vous le pouvez, prenez un temps « off » en famille pour
que chacun se ressource et se reconnecte en partageant
de nouvelles expériences, loin du tumulte de l’école et
de la vie quotidienne. Une virée dans un parc d’attrac-
tions, un week-end à la mer, un petit voyage, une colonie de
vacances... L’idée est de lui faire du bien.

LE COACHING
L’aide d’un professionnel peut s’avérer utile.
Vous pouvez prendre rendez-vous avec une personne
qui verra votre enfant différemment et lui donnera
d’autres outils. Votre enfant pourra lui parler et se
mettre à nu sans avoir peur de vous inquiéter ou
de vous faire honte. Pour que ce rendez-vous soit
efficace, l’enfant doit en avoir envie et choisir la
personne avec qui il se sent à l’aise. Cela demande
parfois d’en essayer plusieurs.

53
7 SOUTENEZ-LE DANS
SON RÔLE DE TÉMOIN

Dans le harcèlement, chacun a un rôle à jouer. Certains


enfants ne peuvent pas s’en sortir seuls, ils ont besoin de
l’aide de leurs parents, de leurs professeurs, mais aussi de
leurs camarades. L’enfant qui est témoin de harcèlement
est libre d’agir ou non, en fonction de sa sensibilité ou sa
proximité avec son camarade. C’est important d’accompa-
gner l’enfant qui est « neutre » et de l’aider à définir sa place
et ses limites afin qu’il puisse protéger les autres tout en se
protégeant lui-même. Les enfants témoins ont peur que cela
se retourne contre eux, il convient donc de les accompagner
et de les soutenir dans cette démarche.

L’empathie du témoin
Si votre enfant vous parle d’un camarade qui se fait
malmener, n’hésitez pas à lui demander des détails pour
comprendre de quoi il en retourne véritablement. Vous
pouvez également le sensibiliser sur le fait que chaque
enfant a le droit d’aller à l’école en toute tranquillité et
que, même si c’est le rôle des adultes de protéger les
enfants, ils ne voient pas toujours ce qui se passe dans la
cour d’école.

54
• Le jeu des trois figures 7

SOUTENEZ-LE DANS SON RÔLE DE TÉMOIN


Pour que les enfants puissent comprendre ce qui se passe
dans la tête du harceleur, du harcelé et du témoin, et
ainsi développer leur empathie, on peut leur proposer de
se mettre dans la peau de ces trois personnages. Ils en
explorent ainsi les différents ressentis : le sentiment de
puissance du dominant, le sentiment de fragilité du dominé,
le sentiment d’impuissance du témoin, ou bien sa révolte
et son dégoût face à la situation. Se décentrer et penser
différemment permet d’explorer d’autres parties de soi,
qu’elles soient assumées ou non : « En vrai, j’aimerais être
fort comme lui. Tout le monde le suit, il n’est jamais tout
seul. », « Celui qui se fait embêter reçoit parfois le soutien
de toute la classe. Il devient le chouchou de la maîtresse. »,
« Heureusement que moi, personne ne me remarque. », « Il
y a des jours où, moi aussi, j’aurais envie de frapper tout le
monde ! ». Plus l’enfant comprendra ce qui se passe en lui à
différents niveaux, moins il aura peur de la partie adverse car
il saura qu’il a en lui les ressources pour l’affronter.

• Aidez votre enfant à devenir un copain


vigilant
En faisant preuve d’empathie envers ses camarades, en les
écoutant et en les observant, votre enfant peut leur venir
en aide.
• Si votre enfant en a envie, il peut décider d’aller voir
le camarade qui est seul et lui dire simplement qu’il
voit ce qui se passe et que cette situation est injuste et
cruelle. Il lui fait ainsi savoir qu’il est de son côté (« J’ai
entendu qu’on se moquait de toi. Ne les crois pas.

55
Si tu as besoin que je vienne avec toi voir le surveillant,
je le ferai. Je sais qu’on ne se connaît pas bien, mais je
trouve que ce qu’ils te font n’est pas normal. »).
• Votre enfant n’est pas obligé d’être ami avec lui s’il
n’en a pas envie, mais il peut jouer le rôle de relais.
Attention, cela ne veut pas dire qu’il doit se mettre
en première ligne et venir voir directement l’enfant
agresseur. Il peut cependant aller voir discrètement
un surveillant ou l’infirmier scolaire et lui faire part de
ses inquiétudes (« J’ai remarqué qu’un de nos cama-
rades se faisait embêter depuis quelque temps et que
personne ne le voit. Je n’ai pas envie qu’on sache que
cela vient de moi mais je vous le dis pour que vous
puissiez observer ce qui se passe. »

LA BOÎTE À MOTS POUR


LIBÉRER LA PAROLE
Vous pouvez suggérer à votre enfant de proposer
au délégué de classe ou à son professeur, s’il a de
bons rapports avec lui, de créer une boîte où chacun
pourrait anonymement y mettre un mot à l’attention
du professeur. Ainsi, les enfants auraient la possibilité
d’aider un camarade à tout moment en attitrant
l’attention de l’adulte sur une situation particulière.

56
8 ACCOMPAGNEZ
L’ENFANT
INTIMIDANT

Le harcèlement fonctionne parce qu’il agit comme un


phénomène de groupe. Chaque enfant pris individuelle-
ment n’a que peu de pouvoir, mais ensemble ils se sentent
forts et invincibles, et osent s’attaquer à plus faible qu’eux. La
peur chez l’enfant qui est malmené existe, mais la peur chez
les enfants qui constituent le groupe existe tout autant. Ces
enfants « bourreaux » ont peur de se retrouver dans la situa-
tion de l’enfant harcelé, peur de se désolidariser, peur de se
faire punir… Il semble donc important d’être aussi attentif
aux enfants qui ont du mal à gérer leur agressivité plutôt
que de simplement les punir, au risque qu’ils ne récidivent.

Dépasser son propre sentiment


de colère ou de honte
S’il est douloureux de savoir que son enfant a été harcelé,
il l’est tout autant d’apprendre, quand on est parent, que
c’est son enfant qui est l’auteur de harcèlement. Le parent
d’un enfant harceleur peut traverser d’abord une phase
de déni (pour s’empêcher d’y croire), puis une phase
de honte (car il ne comprend pas comment cela a pu

57
arriver, comment son enfant est capable d’une telle chose).
Pendant quelques instants, ils pensent même qu’il doit y
avoir une erreur sur la personne, son enfant n’a rien fait,
c’est un autre qui est concerné. Des questions se bous-
culent dans sa tête : « D’où vient cette agressivité qu’il a en
lui ? » ; « Qu’ai-je raté dans son éducation ? » ; « Qu’ai-je fait
de mal pour avoir un enfant pareil ? » Parfois, la réaction du
parent va jusqu’au rejet, le temps d’accepter la nouvelle :
« J’ai besoin d’un temps pour me calmer, je ne veux plus
te voir ! » Certains parents, eux, ne mesurent pas la gravité
de la situation et continuent de protéger leur enfant : « Ils
doivent exagérer, aujourd’hui on parle de harcèlement pour
tout et pour rien. »

Tous ces sentiments sont tout à fait légitimes et normaux,


cependant ils obstruent notre jugement et ne doivent pas
durer. Il est donc nécessaire de se laisser du temps, parfois
quelques jours, pour se calmer et être prêt à écouter son
enfant, car si nous le faisons sous le sceau de la colère, la
communication risque d’être rompue bien plus longtemps.
Mieux vaut alors utiliser des mots simples, par exemple :
« Cela me fait beaucoup de peine d’être convoquée par
la directrice. Je ne comprends pas d’où te sort une telle
violence. J’ai confiance en toi, mais cette situation en
particulier me dépasse. Laisse-moi le temps de digérer la
nouvelle, je préfère que l’on en parle demain. J’aimerais
entendre ce qui s’est passé dans ta tête pour comprendre
ton point de vue. » Pouvoir dialoguer avec son enfant est
primordial pour entretenir votre relation de confiance et
lui donner la possibilité de s’expliquer, même si chaque
action a des conséquences.

58
Dans la tête des enfants
8

ACCOMPAGNEZ L’ENFANT INTIMIDANT


intimidants
La plupart du temps, on imagine que les enfants harceleurs
aiment faire du mal aux autres. Dans les faits, oui, mais
intérieurement, ils sont plutôt centrés sur eux-mêmes et
sur leurs sensations.

• Ilsde ont besoin de ressentir des sentiments


toute-puissance
Ils ont besoin de se sentir forts, et cela peut aller jusqu’à
la domination. Ils ont besoin de sentir qu’en dehors de
leur cercle familial, où ils n’ont pas toujours la place qu’ils
voudraient, ils peuvent s’inventer une autre posture (parce
que le grand frère commande et prend toute la place, parce
que les parents sont bien trop sévères, parce qu’ils se sont
sentis humiliés l’année passée à l’école…). Mille et une
raisons sont possibles.
• Le harcèlement ne vient pas forcément au départ des
enfants qui dysfonctionnent. Parfois, il s’agit plutôt d’un
concours de circonstances, et pris au jeu du pouvoir,
ils développent une relation d’emprise avec un autre
enfant (« Je ne veux pas me sentir aussi nul, alors je
vais commencer à rire d’un autre »).
• En revanche, les situations où les enfants harceleurs
ont un problème psychologique existent mais ils sont
moins fréquents. Dans la plupart des cas, quand on
démantèle le groupe, les enfants suiveurs cessent rapi-
dement tout comme le leader, n’étant plus protégé par
ses camarades.

59
• Les amener à se soucier des enfants
malmenés
Une fois que votre enfant a pu vous expliquer ce qui s’est
passé, même dans les grandes lignes, il est important de le
faire parler au maximum de l’enfant qui a voulu embêter et
l’aider à imaginer ce qu’il a pu ressentir. Vous pouvez lui
poser ces questions : « Penses-tu qu’il a eu peur ? T’es-tu
rendu compte à ce moment-là du mal que tu lui faisais
avec tes camarades ? Le regrettes-tu ou penses-tu toujours
qu’il l’a mérité ? » Au début, l’enfant écoutera sûrement
d’une seule oreille ou répondra ce qu’il faut dire pour être
tranquille. Mais répété plusieurs fois, ce genre de dialogue
est précieux et nécessaire pour le faire changer de point
de vue. Plus l’enfant parle, plus il se rend compte de la
gravité de la situation. Plus il s’en rend compte, moins il
est tenté de continuer.

Quelques pistes à mettre


en œuvre avec votre enfant
Dans un premier temps, prenez le temps d’écouter votre
enfant jusqu’au bout, de s’intéresser à son monde sans être
en colère. Cela lui permettra de s’ouvrir plus facilement
et de prendre conscience de ce qui ne va pas. Cela lui
donnera aussi plus de chances de changer son compor-
tement réellement et non uniquement parce qu’on le lui
ordonne. Sinon l’enfant risque de continuer à l’insu du
regard des adultes.

60
• Regarder ensemble des vidéos 8
sur le harcèlement

ACCOMPAGNEZ L’ENFANT INTIMIDANT


Prendre le temps de questionner son enfant sur ce qu’il
comprend du harcèlement à l’aide d’images est un bon
exercice. Les vidéos ne parlent pas de lui directement, ni de
son école, il peut alors être juste et exprimer ses ressentis
sans avoir peur d’être puni. Sensibiliser les enfants et leur
demander s’ils trouvent telle ou telle situation normale ou
non, c’est planter une première graine qui peut germer dans
leur tête. Plus l’enfant qui intimide parle du harcèlement,
plus il est capable de transformer progressivement sa pensée
et sa façon de voir l’autre, et ce, sans s’en rendre compte.

• Aider l’enfant à trouver ses propres


solutions pour « réparer » ce qu’il a fait
La méthode d’Anatol Pika, psychologue suédois, consiste à
faire une série d’entretiens individuels avec les élèves ayant
pris part à une situation de harcèlement puis de rechercher
avec eux ce qu’ils pourraient eux-mêmes mettre en œuvre
pour que le harcèlement cesse. Cela permet de sortir de
l’unité du groupe où chaque enfant, pour se protéger, finit
par penser pareil. Cette méthode permet également de
trouver une issue positive à la situation de harcèlement, pour
accompagner les enfants qui en sont touchés.
Vous pouvez essayer de le faire à la maison. Proposez à
l’enfant de réfléchir et de trouver par lui-même des solutions
pour que le harcèlement s’arrête : « À ton avis, comment s’y
prend-il pour être si fort ? De quoi aurais-tu besoin pour
réussir à lui dire stop ? Est-ce que tu te sens capable d’aller
en parler à l’infirmière de l’école ou au surveillant ? »

61
• Le bonhomme TCC (Tête, Cœur, Corps)
Un exercice simple pour aider l’enfant à mettre des mots
sur ce qui se passe en lui consiste à lui faire dessiner un
petit bonhomme avec trois grandes bulles BD à côté de sa
tête, de sa poitrine et de ses pieds. Vous pouvez ensuite lui
demander d’écrire à l’intérieur de chaque espace ce qui se
passe en lui : « Si quelqu’un t’avait fait la même chose, que
se passerait-il dans ta tête (tes pensées), dans ton cœur
(tes émotions) et ton corps (les tensions, les douleurs, la
somatisation).

• L’aider à écrire une lettre d’excuses


Il n’est pas toujours évident pour les enfants d’être
honnêtes et de reconnaître le mal qu’ils ont fait à l’autre.
L’accepter leur fait vivre un certain remords, mais qui
est nécessaire pour avancer. Le faire d’abord pour soi
(sous forme de dialogue intérieur) permet de prendre un
peu de recul sur ce qui s’est passé à l’école. Ensuite, vous
pouvez lui proposer d’écrire pourquoi il a agi ainsi, ce qu’il
a ressenti, comment il s’est senti dans le groupe, ce que
cela lui a apporté, mais aussi de décrire le mal qu’il a pu
faire à l’autre, ou tout au moins l’imaginer. Cet exercice
lui permet de sortir du sentiment de toute-puissance
et du déni. Il l’aide également à faire exister cet enfant
qu’il a malmené, non pas dans le but de forcément devenir
amis mais simplement pour qu’il reconnaisse que c’est un
enfant comme lui, qui a le droit d’être respecté et d’aller à
l’école en toute liberté. Aidez-le ensuite à trouver les mots
pour demander pardon à l’enfant concerné. Une fois la
lettre achevée, il peut décider de la garder pour lui encore

62
quelques jours. Vous pouvez ensuite l’accompagner pour
qu’il la remette à l’enfant ou lui lise à voix haute.
8

ACCOMPAGNEZ L’ENFANT INTIMIDANT


BON À SAVOIR
Être avec un adulte à ce moment-là (parent ou
professeur) est important car l’enfant intimidant
peut ressentir un certain sentiment de honte qu’il est
important d’accueillir et de contenir pour qu’il ne se
sente pas à son tour jugé, ce qui pourrait lui donner
envie de recommencer ou de se venger.

• Rappelez les conséquences de ses actes


vis-à-vis de la loi
Sans forcément faire peur à l’enfant, il est important
de pouvoir lire avec lui les textes de loi (en les résu-
mant bien sûr) sur le harcèlement pour lui faire prendre
conscience que ce n’est pas un acte anodin et que les chefs
d’État prennent des décisions pour protéger chacun. Se
confronter à la réalité, à la loi, permet à l’enfant de mieux
mesurer les conséquences de ses actes même si cela ne
les efface pas.

63
CTIONS
LE RAPPEL À LA LOI : LES SANENT
INTERNES À L’ÉTABLISSEM
Tout acte de violence doit être puni ou sanctionné
en fonction de la gravité des faits. Le chef
d’établissement a l’obligation réglementaire
d’engager une procédure disciplinaire notamment
quand un élève « a commis un acte grave à l’égard
d’un membre du personnel ou d’un autre élève ».
Une exclusion temporaire ou définitive peut être
également décidée mais pour qu’elle soit réellement
efficace, cette sanction doit être éducative :
« La sanction n’a une portée éducative que si elle
est expliquée et si son exécution est accompagnée,
ce que favorisent la mesure de responsabilisation
et la possibilité de prononcer une sanction avec
sursis. De façon générale, le caractère éducatif de la
sanction suppose que les parents soient pleinement
associés au processus décisionnel pendant et
après la sanction. Ils doivent être mis en situation
de s’approprier le sens et la portée de la sanction
prononcée. »
Extrait de la circulaire n° 2014-059
du 27-5-2014 publiée au BO du 29 mai 2014 13
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_
officiel.html?cid_bo=79279

64
9 NE Z-LUI LES CODES
DON
POUR SE PROTÉGER DU
CYBER-HARCÈLEMENT

Les enfants et surtout les adolescents sont plus influençables


que les adultes car ils ont un très fort besoin d’appartenir à
un groupe. Ils n’ont pas d’autres choix que de se sentir bien
à école, à la différence des adultes qui peuvent choisir de
changer de travail, de ville ou de partenaire si cela ne leur
convient pas et leur cause de la souffrance. Au contraire,
un enfant ou un adolescent doit parfois subir son envi-
ronnement pendant des années. Avoir des amis, se sentir
reconnu, avoir une place dans le groupe est donc pour lui
fondamental. La réputation et la e-réputation (celle sur les
réseaux sociaux) participent à son besoin d’être aimé ou
admiré. Il est cependant nécessaire de surveiller son rapport
aux réseaux sociaux. En effet, cela peut prendre de trop
grandes proportions dans la vie de l’adolescent (addiction
aux « likes », aux commentaires, ou aux photos publiées) et
cela peut aboutir dans certains cas à un cyber-harcèlement.
C’est-à-dire la propagation de fausses rumeurs sur internet,
la mise en ligne de photos ou de vidéos humiliantes ou
encore la profération de menaces virtuelles à répétition de
la part d’un camarade pour se venger ou tout simplement
s’amuser.

65
Connaître les réseaux sociaux
et leurs dangers
Pour la première fois dans l’histoire, dans le domaine
des réseaux sociaux et d’Internet, les enfants en savent
bien plus que nous, et à la différence des adultes, ils sont
toujours à la page. Le grand challenge est de pouvoir suivre
et accompagner les enfants quand l’usage des réseaux
sociaux présente des risques. En effet, certaines applica-
tions permettent aux étrangers de venir parler aux enfants,
d’autres diffusent à tour de bras des défis dangereux ou
des images pornographiques ou violentes… Avec Internet,
l’enfant peut avoir accès exactement aux mêmes infor-
mations que les adultes. Il convient donc de prendre le
temps de se renseigner sur tout ce qui existe, quitte
à télécharger les applications les plus populaires pour
mieux les connaître et en comprendre le fonctionnement
(comment bloquer les personnes indésirables, comment
protéger son identité et ses informations personnelles,
etc.). Vous pourrez ainsi en discuter clairement avec l’en-
fant, le portable à la main.

• Les risques liés à la publication de photos


Avec toutes les fonctionnalités des téléphones d’aujourd’hui
(les filtres attrayants qui permettent de changer son visage,
d’ajouter des accessoires et des stickers, de modifier sa
voix, de faire des vidéos musicales...), les enfants passent
leur temps à faire des selfies. C’est amusant, certes, mais
quand ils commencent à trop les publier sur les réseaux, ils
s’exposent aux fameux « like » et aux attaques de la part de
leurs camarades mais surtout d’autres jeunes, parfaitement

66
anonymes, qui se permettent d’écrire tout et n’importe
quoi, sans aucune conséquence. Même si l’enfant ou l’ado-
9

DONNEZ-LUI LES CODES POUR SE PROTÉGER DU CYBER-HARCÈLEMENT


lescent peut bien sûr bloquer ces individus malfaisants, les
insultes et moqueries finissent par entacher profondément
son estime de lui.

• Les jeux dangereux sur Internet


Vous pouvez demander au jeune s’il y a en ce moment
dans la cour d’école ou sur Internet des jeux qui circulent et
qui sont dangereux. Par exemple, connaît-il les jeux d’éva-
nouissement et d’asphyxie, basés sur la compression du
cou comme le « jeu du foulard » ou le « jeu de la tomate » ?
Lui a-t-on déjà parlé des jeux d’agression comme celui des
« claques joyeuses » ? Connaît-il les jeux de défi comme
« cap ou pas cap » ? Ces « jeux » dangereux sont le fruit de
la pression qu’exerce le groupe et peuvent avoir de lourdes
conséquences. Il convient donc que vous parliez avec lui
de ces différends « jeux » et présentiez leurs conséquences
(l’humiliation, des blessures et parfois même la mort).

• La dégradation de l’estime de soi


Les enfants et les adolescents ont une nette tendance à se
comparer en permanence au physique et à la vie des autres
(le nombre d’amis qu’ils possèdent, le nombre de « like »
que leurs publications comptabilisent, leurs tenues, leurs
coiffures, leurs relations amoureuses). Ils savent pourtant
que, souvent, tout est plus ou moins truqué avec les filtres
de photos et que la réalité est tout autre. Pourtant ils ne
peuvent s’empêcher de se comparer.

67
LE SAVIEZ-VOUS ?
30 secondes d’exposition aux réseaux sociaux
diminuent l’estime de soi de 30 %.

Vous pouvez prendre le temps de discuter avec l’enfant afin


qu’il se rende compte de la vie épanouissante qu’il mène :
ses vrais amis, ses sorties, les personnes qui l’aiment...
N’hésitez pas à vous prêter au jeu du selfie avec lui si cela
lui fait plaisir : prenez ensemble des photos sur lesquelles
il se trouve beau, celui lui apportera une forme de sécurité
intérieure. Même si le côté superficiel de l’exercice vous
agace, jouez le jeu car c’est parfois impossible de le couper
des réseaux. En un mot, apprenez-lui à s’amuser tout en
n’oubliant pas qui il est.

• Le cas des « nudes »


Les grands risques du cyber-harcèlement sont évidem-
ment ceux liés aux photos « sexualisées » que peuvent
faire naïvement les jeunes. En effet, les sites de rencontres
ont profondément changé le paysage amoureux, et cette
transformation s’opère aussi bien dans la sphère des
adultes que celle des adolescents. La nouvelle séduc-
tion se passe aussi par téléphone avec l’échange de
textos, parfois explicites (les « sextos »), et de photos
sexualisées (les « nudes » ou les « semi-nudes », c’est-à-dire
des photos où le jeune montre son corps ou une partie
de son corps (ses sous-vêtements, sa poitrine, son sexe)
via les MMS mais également les applications (comme
Snapchat® par exemple ou les messageries d’Instagram et

68
de Facebook®). Cela peut paraître extrême, pourtant cette
pratique touche de plus en plus de jeunes dès l’entrée
9

DONNEZ-LUI LES CODES POUR SE PROTÉGER DU CYBER-HARCÈLEMENT


au collège. Malheureusement, ils ne prennent pas bien
souvent pas la mesure de leurs actes et l’impact que ces
derniers peuvent avoir. Pouvoir en parler ouvertement
et simplement avec l’enfant lui permet de comprendre
comment se protéger.

Réagir en cas
de cyber-harcèlement
Les jeunes ressentent un profond sentiment de honte
quand leur image est touchée. Ils ont alors tendance à
se renfermer avec l’envie de ne pas en parler, voire de
devenir invisibles. Il faut pouvoir anticiper et leur expli-
quer que quoi qu’il arrive, vous serez toujours là pour lui et
que vous ne le jugerez pas. Expliquez-lui que c’est normal
dans ce genre de situation de ne pas réussir à s’en sortir
seul. La honte est une sorte de poison qui s’infiltre en nous
tant que nous gardons le silence. Il a donc besoin d’être
totalement accueilli et mis en confiance, et ce, avant que
quoi que ce soit ne se passe. La prévention est la clé de la
lutte contre tous les types de harcèlement. Pour l’encou-
rager à se confier à vous en cas de problème, vous pouvez
lui dire : « C’est important que tu puisses nous en parler
pour que nous puissions t’aider. Le cyber-harcèlement est
grave et peut être puni par la loi. Tout peut aller très vite
et loin avec Internet. Une situation peut t’échapper et te
dépasser. N’hésite jamais à nous demander de l’aide. »
En revanche, si le harcèlement est avéré, il convient de
passer à l’action.

69
Que faire pour stopper
le cyber-harceleur ?
Se défendre en ligne, face à un agresseur inconnu, n’est pas
simple. Votre enfant a besoin d’un adulte pour l’accom-
pagner. Expliquez à votre enfant qu’il ne doit pas riposter
et répondre en ligne, cela risquerait d’engendrer plus de
violence encore. Aidez-le également à conserver toutes
les preuves du harcèlement (faire des captures d’écran
des messages et des commentaires, garder les mails et les
photos envoyés...). Signalez les messages au modérateur
du réseau. S’il s’agit d’un élève de son école, informez le
directeur. Si les faits sont vraiment graves, n’hésitez pas à
porter plainte auprès de votre commissariat. Ce genre
de rendez-vous occasionne beaucoup de stress mais ces
démarches sont nécessaires.

LE SAVIEZ-VOUS ?
21 % des enfants âgés de 6 à 11 ans ne sont pas
suffisamment informés des risques sur Internet
(Enquête UNICEF 2014).
13 % d’entre eux ont déjà été victimes de Cyber-
harcèlement (Enquête UNICEF 2014).
Source : https://www.mon-enfant-et-les-ecrans.fr/
cyber-harcelement-comment-proteger-votre-enfant/

70
IMPLIQUEZ LE CHEF
D’ÉTABLISSEMENT

Quand le harcèlement scolaire est avéré, prendre rendez-


vous avec le chef d’établissement est un moment délicat et
stressant pour tout le monde, mais absolument nécessaire.
Les parents ne savent ni ce que prévoit l’école dans ces
situations, ni s’ils prendront le sujet au sérieux. Les élèves
concernés seront-ils sanctionnés ? Laisseront-ils mon enfant
tranquille ? Pourra-t-il reprendre une scolarité normale ?
L’enfant, lui, craint que l’intervention aggrave la situation et
que son calvaire s’amplifie. Il convient donc de bien préparer
ce rendez-vous afin de ne pas brûler les étapes malgré la
colère que suscite le harcèlement.

Le rendez-vous à l’école
Avant de prendre rendez-vous avec le chef d’établissement,
il est très important de discuter avec votre enfant pour lui
expliquer clairement votre démarche. Faites-lui comprendre
qu’il existe des situations dont on ne peut pas se sortir seul.
Le harcèlement en fait partie, et ce à cause de la supériorité
numérique qui est souvent impliquée et de la violence et
des injustices qui se trament derrière le dos des adultes. Il
est aussi important de le rassurer sur sa peur : expliquez-lui

71
qu’elle est légitime mais qu’il doit essayer de la dépasser
pour que son calvaire cesse. Se murer dans le silence et
s’isoler ne donne que plus de pouvoir à l’enfant intimidant.

Malheureusement, la réalité montre aussi que dans certains


cas isolés, l’école ne fait rien et la situation peut alors s’ag-
graver. Proposez-lui, en amont, un plan B si tel était le
cas. Par exemple, promettez-lui de ne pas l’obliger à aller
à l’école pendant quelques jours le temps de trouver une
solution, ou bien de le changer d’école dans les situations les
plus extrêmes, si tel était le désir de l’enfant. Le plus souvent,
vous n’aurez pas à aller jusque-là, mais cette porte de sortie
potentielle le rassure.

• Travaillez en équipe et restez-en aux faits


Dans ce genre de situation, il est important de pouvoir
travailler avec un maximum de partenaires pour accompa-
gner l’enfant. Le harcèlement soulève beaucoup de ques-
tions et il n’est pas toujours facile de connaître la vérité.
Beaucoup de faits sont cachés, amplifiés ou minimisés, et il
faut alors un regard très aiguisé et du temps pour comprendre
de quoi il en retourne véritablement. Travailler avec les profes-
seurs et le chef d’établissement est donc incontournable. Il
faut pouvoir, en tant que parent, poser des questions sans
agresser quiconque. Vous pouvez dire : « Je viens vers vous
car je suis très inquiet de la situation. Mon enfant me raconte
qu’un groupe d’enfants le harcèle depuis plusieurs semaines.
Il pleure tous les jours pour ne plus aller à l’école. Voici les
différents faits qu’il m’a racontés (qui, quand, où ; nommez
les témoins s’il y en a). J’aimerais que l’on puisse prendre ces
faits en considération en commençant par observer de près ce

72
groupe d’enfants. Il serait bon que vous les receviez afin qu’on
puisse comprendre leur point de vue sur ce qui s’est passé. »
10

IMPLIQUEZ LE CHEF D’ÉTABLISSEMENT


Proposer à l’enfant de noter en amont tous les faits et les
témoins s’il y en a permet aussi au chef d’établissement de
pouvoir mener son enquête auprès des élèves et de se faire
un avis plus juste, si sanction il y a.

• Demandez qu’il y ait un temps d’observation


Demander un temps d’observation de quelques jours pour
que l’équipe pédagogique puisse se rapprocher du groupe
d’enfants. C’est ainsi que les adultes pourront avoir l’op-
portunité de récolter des éléments concrets. Même si les
surveillants ou les professeurs ne peuvent pas avoir les yeux
partout, savoir qui, quand et où observer est déjà énorme.
Cependant, certains enfants peuvent être très malins et
manipulateurs pour ne pas se faire attraper par l’adulte.
Alors, même si cet exercice ne fonctionne pas à tous les
coups, cela vaut la peine d’essayer.

LE PROTOCOLE
Pendant l’entretien, vous êtes en droit de
demander comment l’école procède dans ce genre
de situation et comment se passe la confrontation
avec les élèves.
Sur le site : www.nonauharcelement.education.gouv.fr
On peut trouver le Protocole de traitement
des situations de harcèlement dans les collèges
et les lycées

73
La sensibilisation à l’école
Vous pouvez vous montrer proactif et proposer une inter-
vention de sensibilisation à la question du harcèlement
dans l’école de votre enfant. Que ce soit à destination de
la classe ou de l’ensemble de l’établissement, cela peut
prendre diverses formes.

• Suggérer un temps de parole aux enfants


Quand un cas de harcèlement a été reporté, toute la
classe est généralement vite au courant. On peut alors
constater différentes réactions de la part des élèves :
certains ont peur que cela leur arrive, d’autres culpabilisent
de ne pas avoir réussi à parler plus tôt, d’autres encore ont
honte d’avoir participé à la mécanique du harcèlement ou
au contraire ne montrent aucune empathie pour l’élève
victime du harcèlement. Il est donc important de pouvoir
libérer la parole de tous, sous forme d’ateliers en classe
ou en demi-groupe. Ainsi, chacun peut s’exprimer sans
jugement. Ce genre d’ateliers est l’occasion idéale pour
rappeler les règles du vivre ensemble et proposer des jeux
de coopération afin de relancer la dynamique de groupe
de la classe.

• La communication par messages clairs


La communication par messages clairs est une technique
de prévention et de résolution des conflits légers qui
se passent à l’école. Cette technique consiste en un
échange verbal entre deux élèves en tension. Il peut se
dérouler en classe, dans la cour de récréation ou dans

74
les couloirs. Le but est que l’enfant, qui se sent blessé
ou dérangé, exprime ses sentiments, ses émotions
10

IMPLIQUEZ LE CHEF D’ÉTABLISSEMENT


et fait une demande claire à son camarade pour que
cela ne se reproduise plus. L’autre enfant apprend à
l’écouter. Cette méthode est une simplification de la
CNV (Communication Non Violente®) de Marshall
Rosenberg. Voici un exemple de communication par
messages clairs entre Paul et Lou :
– Paul : « J’ai besoin de te faire un message clair.
→ Signal d’alarme et prise de conscience de l’importance
du moment.
Ce que tu m’as fait m’a gêné...
→ Indication du caractère du message.
... quand ce matin en classe, tu m’as traité de nullos
parce que je n’arrivais pas à répondre à la question du
professeur, j’ai eu honte devant mes camarades ».
→ Description de la situation en termes d’action. et
expression du sentiment provoqué.
– Lou : « Mais ce n’était pas méchant, c’était juste pour
rigoler ! »
– Paul : « Peut-être, mais ça m’a fait quand même de la
peine. Je n’ai pas envie qu’on se moque de moi quand je
ne connais pas la réponse. Tu comprends ? »
→ Finalisation du message et demande d’accord.
– Lou : « Oui, je ne recommencerai pas. Je suis désolé. »
→ Excuses, réparation, arrangement…
– Paul : « Merci. »

75
Travailler l’expression de ses
sentiments de retour à la maison
De manière plus générale, pouvoir apprendre à s’exprimer
et dire ce que l’on ressent est un apprentissage qui se fait
tout au long de sa vie et pour toute la famille. Se faire un
rituel où chacun en revenant à la maison peut exprimer ce
qu’il a ressenti de sa journée, que ce soit à l’école mais aussi
à la maison, est un bon moyen de prévention pour s’habituer
à se confier avant que les émotions et les ressentiments ne
prennent trop de place.

BON À SAVOIR
Quelques associations qui luttent contre
le harcèlement :
• HUGO ! : https://www.asso-hugo.fr/
• Marion la main tendue :
https://www.marionlamaintendue.com/
• Joue pas avec ma vie :
https://www.jouepasavecmavie.fr/

76
Conclusion

S’il existe aujourd’hui des outils pour prémunir les enfants


contre le harcèlement et si les techniques se multiplient
pour qu’ils apprennent à se défendre, il n’empêche que
notre rôle d’adulte et de parent est primordial pour
les protéger. Parfois les écoles font un travail formi-
dable et parfois elles se replient dans le déni, ne sachant
pas comment réagir ou prenant la situation à la légère.
Heureusement, en tant que parents, nous avons le pouvoir
d’aider nos enfants. Et même si la situation nous dépasse
dans un premier temps et que nous ne savons pas par quel
bout la prendre, nous avons aujourd’hui à disposition de
nombreuses sources d’information et des profession-
nels (psychologues, coachs…) pour nous aider et nous
accompagner. Si le harcèlement est un traumatisme, le
soutien et l’écoute que l’on donne à nos enfants sont des
cadeaux précieux qui peuvent leur redonner durablement
confiance en eux. Par votre présence et votre soutien, vous
leur montrez que l’on peut se sortir de toutes les situations
si tant est que nos souffrances sont prises au sérieux.

77
RESSOURCES UTILES

Les sites Internet


- Eduscol : le harcèlement entre élèves
https://eduscol.education.fr/cid55921/le-harcelement-entre-
eleves.html
- Eduscol : rôle des « référents harcèlement »
https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/fileadmin/user_
upload/articles/fiche_role_referents.pdf
- Éducation nationale : les 10 nouvelles mesures pour lutter contre
le harcèlement entre élèves
https://www.gouvernement.fr/
les-dix-nouvelles-mesures-contre-le-harcelement-scolaire
- NON AU HARCÈLEMENT :
Ressources pour parents, élèves et professionnels
https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ressources/
Les livres
- Je me défends du harcèlement, Emmanuelle Piquet et Lisa Mandel,
Albin Michel jeunesse, coll. Documentaire, 2016
- Te laisse pas faire ! - Aider son enfant face au harcèlement à
l’école, Emmanuelle Piquet, Payot, coll. Psychologie, 2014
- 50 activités bienveillantes pour prévenir le harcèlement scolaire,
Catherine Verdier, Larousse, coll. 50 activités bienveillantes, 2020
- Stop au harcèlement ! - Le Guide pour combattre les violences à
l’école et sur les réseaux sociaux, Nora Fraisse, Calmann-Levy, 2015
- J’me laisse pas faire dans la cour de récré ! - Les bonnes réponses au
chantage et au harcèlement, Florence Millot, Horay, 2018

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Dans la même collection :

• Les devoirs à la maison, F. Plessiet


• Les écran, Dr S. Dieu Osika
• Canaliser son énergie, F. Millot
• La charge mentale, F. Corre-Montagu
• L’obéissance sans cris ni punitions, S. Damou-Sabry
• Bien s’alimenter, D. Compte
• Aider son enfant à dépasser ses peurs, F. Millot
• Vaincre la peur de l’échec, S. Damou-Sabry
• Réduire les déchets au quotidien, I. Boucq
• Cultiver l’optimisme en famille, G. Chatelain
• Les nouveaux papas, M. De Breyne
• Accompagner son adolescent, F. Millot
• L’enfant Dys : le comprendre, l’accompagner,
le valoriser , F. Chée
• Parents séparés : Mode d’emploi pour une gestion
simple, S. De Dinechin
• Rendre autonomes ses enfants au quotidien,
F. Corre Montagu
• Améliorer le sommeil de son enfant, Dr S. Dieu Osika
• La pédagogie Montessori : comprendre ses
fondamentaux et les mettre en application, F. Bodu
• Filles, garçons : pour une éducation non genrée
et sans clichés, S. Bourdeverre-Veyssiere
• L’enfant à haut potentiel : le comprendre pour mieux
l’accompagner, C. Grand
Pour plus de conseils et d’astuces, rendez-vous sur :

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Direction : Rachel Duc Principe de maquette


Responsable éditoriale : et illustrations : Ho Thanh Hung
Caroline Terral Mise en page : Patrick Leleux PAO
Édition : Amédine Sèdes Chef de studio : Karine Alary
Directeur artistique : Nicolas Vallet Fabrication : Cécile Labarthe

© Hatier - 8 rue d’Assas 75006 Paris

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.


Le
harcèlement
scolaire
Plus que jamais, le sujet du harcèlement scolaire est aujourd’hui
présent dans tous les esprits. Bien sûr, le bizutage a toujours
existé et le fait qu’un petit groupe d’élèves prenne en grippe
un enfant pour en faire leur bouc émissaire s’est toujours vu
dans toutes les cours d’écoles, collèges et lycées. Cependant
ce phénomène a pris de l’ampleur car le harcèlement est
désormais omniprésent, sous différentes formes : verbale,
comportementale et digitale.
Ce livre contient :
Des éclairages sur les causes, les manifestations et les
conséquences du harcèlement ;
Une multitude de conseils efficaces et éprouvés qui complètent ces
10 clés pour accompagner votre enfant et lui donner les outils
pour se prémunir, se défendre et améliorer sa confiance en soi.

Florence Millot est psychologue en libéral à Paris. Spécialisée


dans la gestion des émotions et la communication bienveillante
en famille, son sujet de prédilection est l’approche TCC (Tête,
Cœur, Corps) de l’éducation. Son cabinet de psychologie est
spécialisé dans les thérapies brèves enfant-adolescent. Elle propose
également des conférences et des ateliers à travers son blog www.
pedagogieinnovante.com.

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