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Introduction à la

psychocriminologie

Catherine Blatier

2e édition
Maquette de couverture :
Le Petit Atelier
Maquette intérieure :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
Composition :
Soft Office

© Dunod, 2019
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-079308-2
Table des matières
Introduction ............................................................................................................................................ 5

CHAPITRE  – LA CRIMINALITÉ ET LA JUSTICE PÉNALE ....................................... 7


1. Déviance, délinquance et criminalité ................................................... 9
2. Les infractions pénales et les peines ...................................................... 15
3. La justice pénale en quelques chiffres .................................................. 31

CHAPITRE  – LES THÉORIES EXPLICATIVES DU CRIME ET LE MODÈLE


BIOPSYCHOSOCIAL ....................................................................................... 53
1. Les explications précontemporaines de la criminalité .................... 55
2. Les facteurs biologiques : l’approche biomédicale du criminel..... 57
3. Les théories sociales
et psychologiques contemporaines du crime..................................... 69

CHAPITRE  – LES CRIMINALITÉS SPÉCIFIQUES ........................................................ 103


1. La criminalité routière .............................................................................. 105
2. Les hooligans et la violence dans les stades ......................................... 110
3. Les homicides .............................................................................................. 114
4. Les parricides............................................................................................... 122
5. Les mineurs délinquants .......................................................................... 126
6. La délinquance des seniors ...................................................................... 133
7. Les crimes en col blanc.............................................................................. 134
8. La criminalité organisée et le terrorisme ............................................. 137
9. La cybercriminalité .................................................................................... 145
10. Les tueurs et tueuses en série ................................................................ 148
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

11. Le profiling ................................................................................................ 156

En guise de conclusion ...................................................................................................................... 159

Bibliographie .......................................................................................................................................... 161

Index des notions.................................................................................................................................. 175

Index des auteurs ................................................................................................................................. 176

3
Introduction
Les affaires criminelles constituent une grande part des actualités
rapportées par la presse, la télévision et Internet. Elles représentent,
avec les questions d’insécurité, l’un des sujets les plus sensibles, parti-
culièrement en période électorale. En effet, elles concernent chaque
citoyen à travers la protection de sa personne, celle de ses proches
et celle de ses biens. Le domaine de la psychocriminologie, relative-
ment récent, s’est particulièrement développé au cours des trente
dernières années. Depuis, l’engouement pour un secteur aussi vaste
et impliquant autant de phénomènes psychologiques n’a cessé de
croître. Les questions posées vont de la nature de l’acte criminel
jusqu’à ses fondements psychologiques, sociaux et même biologiques.
S’il est difficile de fournir dans tous les cas une explication aux actes
délinquants ou criminels, la connaissance psychopathologique peut
aider à donner un sens à une action qui bien souvent ne paraît pas
en avoir au premier abord.

On fait appel aux psychologues pour aider à saisir le sens et la


portée des actes commis par les délinquants, mineurs ou majeurs.
L’objectif vise à limiter la commission de ces actes, mais aussi les
récidives. Les missions des psychologues sont vastes : elles vont de
l’intervention à la thérapie et à l’expertise, en passant par la recherche
sur ces phénomènes. Elles intègrent la dimension de la prévention,
qui représente un champ extraordinaire puisque sont concernés tous
les comportements antécédents de la délinquance.

Le mode de construction du domaine de la criminologie est parti-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

culier, puisqu’il est issu de différentes disciplines scientifiques. De


ce fait, la criminologie est vaste, elle va de l’étude du phénomène
criminel à la dynamique criminelle et traite aussi de la dimension
étiologique. La psychocriminologie concerne la compréhension de la
criminologie en partant des individus qui la vivent, en tant qu’auteurs
ou victimes.

5
Introduction à la psychocriminologie

En tant que discipline appliquée, la psychocriminologie comporte


deux aspects. Le premier porte sur la compréhension scientifique des
phénomènes. Le second concerne le traitement des individus impli-
qués dans les crimes et délits. De nombreuses questions se posent :
quelles sont les causes du crime et comment mieux les identifier ?
Qui sont les auteurs ? Quel soutien est offert aux victimes ? Comment
les jeunes deviennent-ils délinquants ? Sont-ils de plus en plus
nombreux ? Quel est le degré d’efficacité des interventions judiciaires,
sociales, psychosociales ? Ces questions sont vastes et aucun ouvrage
ne peut prétendre à l’exhaustivité. Nous souhaitons cependant que
le lecteur puisse trouver ici des réponses utiles à un problème qui
n’est pas nouveau, mais pour lequel la recherche issue du monde
entier a fait des progrès considérables au cours des dernières années.
De nombreux étudiants, professionnels ou personnes intéressées y
trouveront la possibilité de mieux connaître le domaine passionnant
qu’est la compréhension du crime.

Il est clair que ce que nous pouvons saisir du crime est une combi-
naison entre des éléments généraux, que l’on peut retrouver dans
différentes situations criminelles, et des éléments individuels, propres
à chaque auteur. Le crime conserve donc toujours un caractère de
singularité que les psychologues tiennent à rappeler. En effet, la prise
en charge de personnes auteurs ou victimes se fait à partir d’éléments
théoriques généraux, mais elle doit intégrer les informations issues
du donné individuel.

Nous présenterons en premier lieu les aspects objectifs de la crimi-


nologie et de la justice pénale puis, dans un deuxième temps, les
théories explicatives du crime à partir des conceptions biologiques,
sociales et psychologiques qui ont fondé la criminologie. Des crimi-
nalités spécifiques seront abordées, telles que la criminalité routière,
les hooligans, les homicides, les mineurs délinquants, la délinquance
des seniors, les crimes en col blanc, la criminalité organisée, le terro-
risme, la cybercriminalité et les tueurs en série.

6
Chapitre 1
La criminalité
et la justice pénale
Sommaire
1. Déviance, délinquance et criminalité .......................................... 11
2. Les infractions pénales et les peines......................................... 17
3. La justice pénale en quelques chiffres ....................................... 33
La psychocriminologie a ceci de particulier qu’elle est référée
au cadre légal et judiciaire. C’est pourquoi il apparaît essentiel de
connaître les bases juridiques relatives à la délinquance des mineurs
et des majeurs, l’évolution concernant la criminalité, tout comme les
différentes réponses pénales.

Avant de nous lancer dans ce vaste programme et dans l’approche de


la compréhension du crime, qui constitue l’objet de cet ouvrage, nous
devons examiner différents termes et savoir à quoi ils renvoient, en
premier lieu les termes de déviance, de délinquance et de criminalité.

1. Déviance, délinquance et criminalité


La déviance est un terme parfois utilisé à tort pour décrire la délin-
quance. La distinction est aisée car la délinquance recouvre les actes
dont la liste est répertoriée par le Code pénal et dont la commission
ouvre la possibilité d’une condamnation. Au contraire, la déviance
concerne les actes admis ou reconnus comme tels par un groupe
social, sans référence au droit ni à la justice pénale. La déviance peut
donc être le fait de tout groupe ou de toute personne se situant à un
moment donné en marge des normes et habitudes de la société dans
laquelle il ou elle se trouve inscrit(e) de fait. La déviance renvoie à
l’idée de norme sociale ou de morale, qui ont la particularité d’être
évolutives. Quelqu’un peut être déviant uniquement par rapport à
la microsociété dans laquelle il évolue. On rejoint alors la définition
que donne Becker (1963) des outsiders, les individus qui s’écartent
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de la norme et, de ce fait, ne peuvent en rendre compte. Si les études


sur la déviance sont souvent porteuses des valeurs de ceux qui les
conduisent, elles ont malgré tout constitué un apport essentiel à la
compréhension de la délinquance. Elles ont resitué l’individu dans
son contexte social, alors que la tendance consistait parfois à favoriser
plutôt la seule responsabilité de l’individu. Elles ont également mis en
évidence les effets de la stigmatisation et de l’étiquetage (labelling),
et souligné l’intérêt des méthodes de prévention.

9
Introduction à la psychocriminologie

L’étude de la délinquance nécessite de prêter attention à de


nombreux facteurs. En effet, les infractions connues, répertoriées
par les services de police et de gendarmerie, ne représentent pas tous
les cas de délinquance. Le nombre de faits repérés est généralement
en deçà de la réalité, c’est du moins ce que révèlent les enquêtes de
délinquance autodéclarée. Tout en étant moins tributaire de la réac-
tion sociale, la délinquance n’en est pas moins indépendante. Une
recrudescence des vols, par exemple, a un impact sur la société dans
laquelle elle se produit, qui peut alors souhaiter un recours accru à
la pénalisation.

Enfin, le crime, dans une approche sociologique, a longtemps été


considéré comme un effet de la déviance. Le crime représentait pour
Durkheim « tout acte prévu comme tel par la loi et donnant lieu à
l’application d’une peine de la part de l’autorité supérieure ». Cette
définition assimilait l’acte criminel et l’acte délinquant. La distinction
a été faite ultérieurement dans la loi. On constate donc une différence
entre une approche juridique, une approche psychologique et une
approche sociale du crime. En effet, selon cette dernière, un acte
délinquant peut être considéré comme criminel, en nature du moins ;
c’est ce qu’estiment les Anglo-Saxons, qui utilisent régulièrement le
terme de crime pour désigner une conduite antisociale en général.

Lorsque Durkheim a écrit « Nous appelons crime tout acte puni


et nous faisons du crime ainsi défini l’objet d’une science spéciale,
la criminologie », il inaugurait des années de recherche en vue de
la compréhension du phénomène criminel. La définition de Pires
(1998) rejoint celle de Durkheim en décrivant un champ d’étude
et une activité complexes de connaissances interdisciplinaires, de
nature à la fois scientifique et éthique, ayant pour but l’élucidation
et la compréhension de la question criminelle au sens large. Depuis,
la criminologie représente l’étude pluridisciplinaire du criminel et
de la criminalité et concerne des spécialistes issus principalement
du droit, de la psychologie, de la psychiatrie et de la sociologie. Des
analyses politiques et économiques réalisées de nos jours apportent
un regard supplémentaire à la compréhension du crime. L’analyse du

10
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

phénomène criminel se fait habituellement à travers celle du délit,


du délinquant, du crime, du criminel, de la victime et des réponses
juridiques et sociales. L’objectif de la psychocriminologie est la
connaissance et la compréhension des conduites délinquantes et
criminelles et la mise en œuvre de méthodes pour les faire évoluer.
Les processus psychologiques ou psychopathologiques susceptibles
de conduire aux comportements délinquants ainsi que les interven-
tions de traitement et de prévention font partie intégrante de cette
discipline.

Il existe des approches variées en criminologie. La plupart des


personnes n’en connaissent que les aspects les plus médiatisés.
S’attachant à la compréhension du crime et de son auteur, de la délin-
quance et des moyens de la prévenir, la criminologie traite autant de
son objet (le crime ou la délinquance) que des réponses qui y sont
apportées. En outre, le criminologue développe des méthodes d’ana-
lyse du risque de récidive. La victimologie est souvent associée à la
criminologie. Elle s’intéresse à l’impact du crime sur les victimes, aux
difficultés rencontrées par ces dernières, et développe des moyens
de prévention.

Cet ouvrage de psychocriminologie aborde donc ces différents


domaines de la criminologie. Ils vont d’une construction de connais-
sances sur la criminalité, le criminel et le crime, qui constituent les
trois niveaux d’appréhension du phénomène criminel décrits par
Pinatel, à une criminologie appliquée aux situations de délinquance et
aux personnes qui les vivent. L’attention sera principalement portée
sur les auteurs d’actes délinquants et criminels, les victimes n’étant
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pas oubliées, mais l’importance des questions à traiter les concernant


impose que leur soient consacrés des ouvrages spécifiques.

11
Introduction à la psychocriminologie

1.1 L’étude des formes et de l’importance


des actes criminels

On aura compris que dans cette diversité, on s’efforce de mieux


comprendre les différents types d’actes délinquants ou criminels et
d’analyser leurs spécificités. On conçoit que la problématique des vols
n’est pas semblable à celle des trafics de stupéfiants, ni a fortiori à
celle des violences conjugales. L’approche du criminel et de sa problé-
matique peut se faire dans un effort de compréhension globale, selon
un modèle bio-psycho-social. La composante biologique intègre
l’analyse des facteurs génétiques, neuro-anatomiques et neurochi-
miques. Elle s’associe à la composante psychologique, qui comprend
les problèmes de la personnalité, d’interactions dans la famille, avec
les pairs, ainsi que l’adaptabilité à des situations particulières. Ces
deux explications s’associent à une troisième, la composante sociale,
qui regroupe les facteurs sociaux, culturels et économiques.

Comme toutes les approches interdisciplinaires, la crimino-


logie se heurte à des questions de méthode. Elle requiert celles des
sciences juridiques, sociales et psychologiques. La criminologie théo-
rique développe des concepts et des méthodes à partir des sciences
humaines, du droit et de la philosophie. En tant que discipline appli-
quée, la criminologie cherche à résoudre des problèmes concrets
concernant des individus criminels ou des situations criminelles.
La criminologie clinique s’intéresse à l’étude du délinquant afin de
comprendre les processus de la délinquance, l’agir délinquant et les
moyens de traitement du délinquant. Cette étude des délinquants, des
processus qui conduisent à la délinquance, des modalités de peine,
comme des traitements et de leurs effets, est fondamentale.

Il existe une sociologie du droit qui, selon la définition de Jacques


Faget (2002), se préoccupe d’analyser le phénomène de la production
législative, d’étudier l’effectivité ou non des textes de loi et la fonction
du droit dans la société, au sens large du code et des modes alternatifs
de régulation juridique. Dans le cadre des sciences humaines et sociales,
la psychologie s’attache à décrire et à analyser les comportements qui

12
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

font partie de son domaine de compétence, mais elle constitue aussi


une discipline appliquée, qui formalise les connaissances en vue de
leur utilisation, notamment par les tribunaux, la police, les services
éducatifs et sociojudiciaires. Les faits sont des éléments de la réalité
qui, au moment où ils sont étudiés, sont mis en lumière par différentes
théories. L’analyse empirique suppose une théorie qui positionne le
regard de l’observateur par rapport aux faits à observer. Il est évident
que les facteurs criminogènes sont liés à la trajectoire de vie de l’indi-
vidu comme à son environnement passé et/ou actuel. Situer l’origine
d’une attitude, l’étiologie d’une conduite, permet de mieux connaître
un phénomène, mais surtout de mieux le prévenir. C’est à ce titre que
l’approche préventive doit être développée (Blatier, 2006).

Plusieurs expressions sont utilisées pour évoquer les travaux de la


psychologie appliquée à la justice : psychologie légale, psychologie
« judiciaire » ou « du judiciaire », psychologie criminelle, psycho-
criminologie. La meilleure expression en anglais serait sans doute
psychology for the law, pour définir l’apport de la psychologie à la
compréhension de cette vaste question qu’est le phénomène criminel.
Nous avons choisi de retenir ici celle de « psychocriminologie », qui
est très largement reconnue.

1.2 Quelles sont les activités des criminologues ?

Les questions dont traitent les criminologues sont vastes, elles


concernent tous les problèmes liés :
– à la délinquance, à la criminalité et à leur évolution, aux facteurs
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de risque et de protection, aux institutions judiciaires et pénales,


à la situation dans les prisons et aux actions qui y sont menées ;
– à la délinquance des mineurs, à son évaluation, aux programmes
de réadaptation, au suivi en milieu ouvert ou fermé, à la préven-
tion, à la violence et à ses conséquences ;
– aux enfants et à leur famille : à la maltraitance, à l’enfance
en danger moral ou physique, aux violences conjugales, aux
divorces et aux conflits relatifs au droit de garde des enfants.

13
Introduction à la psychocriminologie

– aux délinquants et criminels, aux facteurs et processus crimino-


gènes, à la prévention de la récidive, à l’efficacité de la peine, au
traitement psychologique en fonction des types de délinquance
(acquisitive, agressive, sexuelle, etc.).

Une meilleure connaissance de l’ensemble de ces questions peut


contribuer à l’amélioration des examens psychologiques ou médico-
psychologiques d’auteurs et de victimes, des techniques d’entretien,
de l’audition des victimes et des présumés auteurs, de l’assistance
aux victimes, de la prise en compte du témoignage des enfants et
des adultes, de leur crédibilité, du traitement psychothérapeutique
des délinquants, ainsi que de l’aide aux détenus et aux personnes
libérées. Le travail du psychocriminologue se fait en coordination
avec de nombreux professionnels parmi lesquels on peut citer sans
être exhaustif les magistrats, les gendarmes, les policiers, les avocats,
les travailleurs sociaux, les éducateurs, les assistants sociaux, les
conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, les surveillants
pénitentiaires, les responsables des établissements.

Certains criminologues remplissent une fonction de profiler, le


plus souvent en complément d’un travail de psychologue. Le rôle
du profiler (ou de la « profileuse », telles Carine Hutsebaut ou Micki
Pistorius) est de relier des événements et informations favorisant
l’identification d’un délinquant ou d’un criminel dont l’identité est
inconnue. Le profiler s’aide des données recueillies par la police judi-
ciaire sur les lieux d’un crime et de toutes les informations provenant
d’autres crimes de même nature ayant été commis dans le monde, en
vue d’établir un portrait-robot de la personnalité du criminel.

Chacun de ces domaines d’intervention donne lieu à la mise en


œuvre d’études spécifiques. La recherche tient donc une place très
importante en psychocriminologie.

Pour commencer la description des aspects objectifs de la crimino-


logie, nous devons nous faire une bonne représentation du droit en
vigueur et des situations pénales qui y sont associées. C’est dans cet

14
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

esprit que nous allons aborder le chapitre des infractions pénales et


des peines, qui rappelle les catégories identifiées dans le Code pénal
français.

2. Les infractions pénales et les peines


La peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’infraction
et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion
(art. 130-1 du Code pénal ; loi n° 2014-896 du 15 août 2014-art. 1).
Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le
quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circons-
tances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de
sa situation matérielle, familiale et sociale. Toute peine prononcée
par la juridiction doit être individualisée (art. 132-1).

Le droit français, qui évolue constamment, opère des distinctions


dans les actes délinquants. Pour se les représenter, on peut examiner
les infractions et les peines qui leur sont associées. Dans le Code pénal,
il existe trois grandes catégories d’infractions, classées selon leur
gravité : les contraventions, les délits et les crimes. Les lois évoluent
continuellement, c’est pourquoi les informations présentées ici sont
destinées à donner une première information sur ces questions.

2.1 Les contraventions


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Les contraventions représentent les infractions jugées par le


tribunal de police et punies d’une peine contraventionnelle. Le
tribunal de police siège au tribunal d’instance et statue à juge unique,
avec l’assistance d’un greffier. Le ministère public est représenté par
le procureur de la République, par un de ses substituts ou par le
commissaire de police. Les peines contraventionnelles encourues
par les personnes physiques sont :
– l’amende ;

15
Introduction à la psychocriminologie

– les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’ar-


ticle 131-14 du Code pénal ;
– la peine de sanction-réparation.

Ces peines ne sont pas exclusives d’une ou de plusieurs peines


complémentaires telles qu’une suspension ou un retrait du permis
de conduire ou du permis de chasser, une obligation de stage de
citoyenneté ou de sensibilisation à la sécurité routière.

Les contraventions sont réparties en cinq classes. Elles ne sont


jamais punies d’une peine d’emprisonnement, même en cas de réci-
dive. Les peines contraventionnelles peuvent se cumuler. L’action
publique est prescrite au bout d’un an. La prescription de la peine,
qui correspond au délai au-delà duquel il n’est plus possible de
demander au condamné la réalisation de la peine prononcée, est
de deux ans.

Pour donner un ordre d’idées, le montant de l’amende est actuelle-


ment compris entre 38 euros et 1 500 euros pour les contraventions
de la 1re à la 5e classe, avec doublement possible en cas de récidive.
Pour toutes les contraventions de la 5e classe, une ou plusieurs des
peines privatives ou restrictives de droits suivantes peuvent être
prononcées (art. 131-14) : la suspension du permis de conduire,
l’immobilisation du véhicule, la confiscation d’une arme dont le
condamné est propriétaire, le retrait du permis de chasser, l’inter-
diction d’émettre des chèques, la confiscation d’objets ayant servi
à l’infraction.

La peine d’amende ne peut être prononcée avec une des peines


privatives ou restrictives de droits énumérées à l’article 131-14. En
revanche, les peines privatives ou restrictives de droits énumérées
à cet article peuvent être prononcées cumulativement. Le règle-
ment qui réprime une contravention de la cinquième classe peut
en outre prévoir la peine complémentaire d’interdiction, pour une
durée de trois ans au plus, d’émettre des chèques autres que ceux qui
permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré, ou autres

16
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

que des chèques certifiés. Le règlement qui réprime une contraven-


tion de la cinquième classe peut également prévoir, à titre de peine
complémentaire, une peine de travail d’intérêt général pour une
durée de vingt à cent vingt heures (art. 131-17). La prescription de la
peine est le délai à la fin duquel une peine ne peut plus être exécutée.
Pour les contraventions, elle est de trois ans.

2.2 Les délits

Les délits sont les infractions jugées par le tribunal correctionnel


et punies d’une peine correctionnelle. Il s’agit d’une peine d’empri-
sonnement ou d’une peine d’amende actuellement au moins égale
à 3 750 euros. Le tribunal correctionnel est composé soit d’un juge
unique, soit de trois magistrats professionnels du tribunal de grande
instance. En comparution immédiate, le tribunal correctionnel statue
toujours en collégialité, représentée par trois juges. Le ministère
public est présent en la personne du procureur de la République ou
d’un de ses substituts.

Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques


sont :
– l’emprisonnement ;
– l’amende ;
– le jour-amende ;
– la contrainte pénale ;
– le stage de citoyenneté ;
– le travail d’intérêt général ;
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– les peines privatives ou restrictives de droits ;


– les peines complémentaires (prévues à l’article 131-10) ;
– la sanction-réparation.

Les délits peuvent être punis d’une peine d’emprisonnement. Les


peines d’emprisonnement délictuelles maximales sont actuellement
de dix ans ; au-delà, on parle de réclusion criminelle (terme habituel-
lement réservé aux crimes). Les peines d’emprisonnement vont de

17
Introduction à la psychocriminologie

dix ans pour la peine la plus élevée à six mois pour la moins élevée.
Ainsi, selon l’article 131-4 du Code pénal, l’échelle des peines d’em-
prisonnement en matière correctionnelle comprend (art. 131-4 du
Code pénal) :
– 10 ans d’emprisonnement (par exemple : pour vol avec violence
et en réunion, ou dans un transport collectif, ou pour trafic de
stupéfiants) ;
– 7 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol avec violence
et en réunion) ;
– 5 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol avec violence
légère, cession illicite de stupéfiants en vue de la consommation
personnelle) ;
– 3 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol simple) ;
– 2 ans d’emprisonnement (par exemple pour destruction ou
dégradation du bien d’autrui) ;
– 1 an d’emprisonnement (par exemple pour harcèlement sexuel) ;
– 6 mois d’emprisonnement (par exemple pour bizutage) ;
– 2 mois d’emprisonnement (par exemple pour racolage public).

La juridiction peut prononcer une peine de jours-amende consis-


tant pour le condamné à verser au Trésor une somme dont le
montant global résulte de la fixation par le juge d’une contribution
quotidienne pendant un certain nombre de jours. Le montant de
chaque jour-amende est déterminé en tenant compte des ressources
et des charges du prévenu. Le nombre de jours-amende, qui ne peut
excéder 360, est déterminé en tenant compte des circonstances de
l’infraction (art. 131-5). La peine de jours-amende ne peut pas être
prononcée cumulativement avec la peine d’amende.

La juridiction peut aussi décider d’une contrainte pénale. Elle est


prononcée en tenant compte de la personnalité du condamné, du
fait qu’il ne soit pas considéré comme dangereux, de sa situation
familiale, matérielle et sociale. La contrainte pénale est une sanction
pénale alternative à la prison, le condamné étant soumis à certaines
obligations. Seuls les auteurs d’un délit punissable d’une peine de
5 ans de prison maximum (vol, dégradation, usage de stupéfiants,

18
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

délit routier, violence…) peuvent être mis sous contrainte pénale.


D’une durée de 6 mois à 5 ans, la contrainte consiste par exemple
à : répondre aux convocations du juge de l’application des peines
ou du travailleur social désigné pour le suivi, recevoir les visites du
travailleur social et lui communiquer les renseignements nécessaires
à son suivi, prévenir le travailleur social de ses changements d’emploi,
ou de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait 15
jours et rendre compte de son retour.

À la place de l’emprisonnement, il peut être prescrit au condamné


d’accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le
contenu sont fixés par décret en Conseil d’État. Ce stage a pour objet
de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect
de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juri-
diction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des
amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué
aux frais du condamné. Cette peine ne peut être prononcée contre
un prévenu qui la refuse ou qui ne se trouve pas présent à l’audience
(art. 131-5-1).

Sur décision du tribunal, le condamné peut être soumis à des


mesures supplémentaires (travail d’intérêt général, injonction de
soins…). La situation du condamné est réévaluée au moins une fois
par an et plus en cas de besoin. En cas de non-respect de l’ensemble
de ses obligations, il risque l’application de la peine de prison fixée
au moment du procès initial.

En cas de délit peuvent aussi être prononcées une ou plusieurs


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des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes : la suspen-


sion ou l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de détenir
ou de porter une arme, le retrait du permis de chasser, l’interdic-
tion d’émettre des chèques, d’exercer une activité professionnelle
ou sociale en lien avec la commission de l’infraction, ou encore de
paraître dans certains lieux, de fréquenter certains condamnés ou
certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notam-
ment la victime de l’infraction.

19
Introduction à la psychocriminologie

La juridiction peut également prescrire, toujours à la place de


l’emprisonnement, que le condamné accomplira, pour une durée
de quarante à deux cent dix heures, un travail d’intérêt général non
rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit
d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de
service public ou d’une association, habilitées à mettre en œuvre
des travaux d’intérêt général. De même, la peine de travail d’intérêt
général ne peut être prononcée contre un prévenu qui la refuse ou
qui ne se trouve pas présent à l’audience. Le président du tribunal,
avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de
refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général.

L’emprisonnement ne peut pas être prononcé cumulativement


avec une des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’ar-
ticle 131-6, ni avec une peine de travail d’intérêt général.

La juridiction peut également prononcer une peine de sanc-


tion-réparation à la place ou en même temps qu’une peine
d’emprisonnement. Elle peut retenir cette possibilité lorsque un délit
est puni à titre de peine principale d’une seule peine d’amende.

La sanction-réparation consiste dans l’obligation, pour le


condamné, de procéder, dans le délai et selon les modalités fixés par
la juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la victime. Avec l’ac-
cord de la victime et du prévenu, la réparation peut être exécutée en
nature. Elle peut alors consister en la remise en état d’un bien endom-
magé ; cette remise en état est réalisée par le condamné lui-même
ou par un professionnel qu’il choisit et dont il rémunère l’interven-
tion. L’exécution de la réparation est constatée par le procureur de la
République ou par son délégué. Si le condamné ne respecte pas l’obli-
gation de réparation, il encourt le montant maximum de l’amende
qui peut lui être infligé ou la durée maximum d’emprisonnement,
qui ne peut toutefois excéder six mois.

L’instruction, facultative en cas de délit, se tient devant le juge


d’instruction, sauf voie de recours exercée devant la chambre de

20
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

l’instruction. La comparution immédiate est la procédure par


laquelle un prévenu est traduit immédiatement après sa garde à
vue devant le tribunal correctionnel pour être jugé. Cette procédure
n’est actuellement prévue par la loi que si l’auteur est majeur, et
en cas de délit puni d’au moins deux ans de prison ou de six mois
en cas de flagrant délit. Elle peut également être mise en œuvre
lorsqu’un crime a été correctionnalisé. En vue de la comparution
immédiate, le procureur demande au juge des libertés et de la déten-
tion le placement en détention provisoire. Ce dernier doit entendre
l’intéressé avant de le placer en détention provisoire ; s’il refuse le
placement en détention provisoire, la procédure de comparution
immédiate s’arrête aussitôt. S’il accepte le placement, le juge informe
le prévenu de son droit de se taire et, si besoin, de son droit de se
faire assister par un interprète. La personne poursuivie peut être
assistée par un avocat. Il peut être désigné d’office par le bâtonnier
de l’ordre des avocats. L’avocat peut consulter immédiatement le
dossier. Le procureur prévient ensuite la personne concernée qu’elle
sera jugée en comparution immédiate. Le prévenu est retenu en
cellule jusqu’à sa comparution, qui doit avoir lieu le jour même, et
conduit sous escorte devant le tribunal. Si le tribunal ne peut pas se
réunir le jour même, le procureur peut saisir le juge des libertés et de
la détention (JLD) pour prendre des mesures garantissant la présence
du prévenu. Le juge peut alors prononcer un contrôle judiciaire,
une assignation à résidence avec surveillance électronique, ou une
détention provisoire. En cas de détention provisoire, le prévenu doit
comparaître au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. À défaut,
il est mis d’office en liberté. Le prévenu peut refuser d’être jugé le
jour même ou après une détention provisoire, s’il souhaite avoir
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

du temps pour mieux préparer sa défense. Le prévenu peut refuser


d’être jugé immédiatement s’il souhaite préparer plus longuement
sa défense. Dans ce cas, le tribunal doit alors reporter le procès d’un
délai : de 2 à 4 mois uniquement si la peine encourue est supérieure
à 7 ans de prison, de 2 à 6 semaines dans tous les autres cas. Ce délai
peut être inférieur si le prévenu est d’accord.

21
Introduction à la psychocriminologie

Pour la plupart des délits, l’action publique est prescrite au bout de


six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise1.

De façon analogue à la comparution immédiate, un mineur de


plus de treize ans peut faire l’objet d’une procédure spécifique de
présentation immédiate devant le juge des enfants lorsqu’il lui est
reproché d’avoir commis un délit puni d’au moins cinq ans d’em-
prisonnement, ou un mineur d’au moins seize ans lorsqu’il lui est
reproché d’avoir commis un délit puni d’au moins trois ans d’em-
prisonnement. La procédure de présentation immédiate devant la
juridiction pour mineurs est applicable aux mineurs qui encourent
une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an en cas
de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans dans les autres cas.
Cette procédure concerne les mineurs déjà connus par les juges des
enfants. La convocation précise que le mineur doit être assisté d’un
avocat et que, à défaut du choix d’un avocat par le mineur ou par ses
représentants légaux, le procureur de la République ou le juge des
enfants font désigner par le bâtonnier un avocat d’office. La convo-
cation est également notifiée dans les meilleurs délais aux parents, au
tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié. Elle
est constatée par procès-verbal, signé par le mineur et par la personne
à laquelle elle a été notifiée, qui en reçoivent une copie. L’audience
doit se tenir dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ou
supérieur à deux mois. Le mineur est alors jugé par le tribunal pour
enfants dans un délai de 10 jours à deux mois.

2.3 Les crimes

Les crimes représentent les infractions jugées par la cour d’assises


et punies d’une peine criminelle. Aux crimes est associée une peine de
réclusion criminelle. La cour d’assises est composée de trois magis-
trats professionnels (un président conseiller de cour d’appel et deux
assesseurs) assistés d’un greffier, et de neuf jurés en premier ressort,

1. Loi n° 2017-242 du 27 février 2017–art. 1.

22
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

douze en appel. Les jurés sont des citoyens de plus de 23 ans tirés
au sort dans la population française à partir des listes électorales. La
cour d’assises des mineurs règle les cas des mineurs de plus de 16 ans
impliqués dans des crimes. La cour d’assises spéciales règle les actes
de terrorisme. Un magistrat du Ministère public soutient l’accusation.

Pour chaque crime, la loi prévoit une ou plusieurs peines. Les


crimes peuvent être commis contre les personnes ou contre les biens
et la chose publique. En voici quelques exemples : les crimes contre
les personnes concernent les homicides, les meurtres passionnels, les
meurtres collectifs, les parricides, les matricides, les infanticides, les
sévices à enfants ; dans cette catégorie, on intègre aussi les infractions
sexuelles telles que l’attentat à la pudeur, le viol, l’inceste. Les crimes
contre les biens et la chose publique intègrent l’escroquerie, l’incendie
volontaire, le crime en col blanc, etc.

Les peines sont des peines de réclusion criminelle, de détention


criminelle et/ou d’amende, accompagnées le cas échéant de peines
complémentaires si la loi le prévoit.

Les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont :


– la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité
(par exemple pour assassinat) ;
– la réclusion criminelle ou la détention criminelle de trente ans
au plus (par exemple pour meurtre, trafic international de stupé-
fiants en bande organisée) ;
– la réclusion criminelle ou la détention criminelle de vingt ans
au plus (par exemple pour tortures sur mineur de 15 ans ou
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

organisation de groupement terroriste) ;


– la réclusion criminelle ou la détention criminelle de quinze ans
au plus (par exemple pour viol).

La durée de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle


est de dix ans au moins. Les peines de réclusion criminelle ou de
détention criminelle ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et
d’une ou de plusieurs des peines complémentaires.

23
Introduction à la psychocriminologie

L’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues


à compter du jour où l’infraction a été commise. L’action publique
des crimes mentionnés aux articles 706-16,706-26 et 706-167 (tels
que le terrorisme, l’association de malfaiteurs…), aux articles 214-1
à 214-4 et 221-12 du Code pénal (tels que l’eugénisme, le fait de faire
naître un enfant génétiquement identique à une personne vivante ou
décédée, etc.) et au livre IV bis du même code se prescrit par trente
années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
L’action publique des crimes tels que le génocide est imprescriptible.

Les peines criminelles de droit commun sont punies par la réclusion


criminelle et les peines criminelles politiques, par la détention crimi-
nelle. La réclusion criminelle ou la détention criminelle remplacent
les travaux forcés ; la réclusion criminelle ou la détention criminelle à
perpétuité remplacent depuis 1960 les travaux forcés à perpétuité. En
fait, cette réclusion criminelle à perpétuité n’est jamais exécutée en
totalité, les prisonniers étant souvent libérés avant la fin de leur peine,
soit par l’effet d’une grâce, soit pour bonne conduite. Abolie par la loi
du 9 octobre 1981, la peine de mort, qui avait été présentée comme
une mesure d’intimidation conforme au principe de l’exemplarité
de la peine, était fort heureusement de moins en moins appliquée
depuis le début du XXe siècle.

L’instruction est obligatoire pour les crimes et se tient à deux


degrés : en premier devant le juge d’instruction et en second devant
la chambre de l’instruction. La prescription de la peine est le plus
généralement de vingt ans. Les peines prévues pour chaque infraction
sont des peines maximales : la cour a donc la possibilité de prononcer
une peine moins forte, selon ce qui lui semble convenable. Elle peut
diminuer la peine, sous réserve d’un seuil minimum (1 ou 2 ans selon
que la peine encourue est une peine perpétuelle ou à temps) éven-
tuellement assortie du sursis.

Outre la peine principale, la loi envisage pour certaines infrac-


tions une ou plusieurs peines complémentaires. Lorsqu’elles sont
prévues, la cour d’assises se détermine sur leur application. Les peines

24
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

complémentaires prononcées contre les personnes physiques sont


variées : interdiction (par exemple d’exercer des droits civiques
ou une fonction publique), déchéance, incapacité ou retrait d’un
droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou
confiscation d’un objet, confiscation d’un animal, fermeture d’un
établissement ou affichage de la décision prononcée, ou encore
diffusion de celle-ci, soit par la presse écrite, soit par tout moyen de
communication au public par voie électronique.

2.4 Les modalités des peines

Le principe concernant le prononcé d’une peine est celui de l’in-


dividualisation. Le ministère considère des décisions favorables à
l’accusé et des décisions défavorables.

2.4.1 Les décisions favorables à l’accusé

Pour les peines inférieures ou égales à 5 ans d’emprisonnement, la


cour peut décider que la peine prononcée sera en tout ou en partie
assortie du sursis, qui suspend totalement ou partiellement l’exécu-
tion de la peine. Il peut être associé à une peine d’amende et/ou à
une peine restrictive de droits comme la suspension du permis de
conduite ou le retrait du droit de vote. Le sursis peut être simple
ou avec mise à l’épreuve. Dans ce dernier cas, le délai d’épreuve ne
peut être inférieur à 12 mois ni excéder 3 ans. Pendant cette période,
le condamné doit se soumettre aux obligations fixées par la cour
(par exemple ne pas fréquenter certains lieux). Il doit répondre aux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

convocations et se soumettre, à compter de sa libération, aux mesures


d’aide et de contrôle du juge de l’application des peines. Ces mesures
sont destinées à assurer sa réinsertion sociale, à pourvoir à l’indem-
nisation des victimes ou à prévenir le renouvellement de l’infraction.

Depuis la loi 2014-896 du 15 août 2014, un rendez-vous obligatoire


est mis en place pour évaluer la situation des détenus aux deux tiers
de leur peine, afin d’envisager leur sortie progressive de prison. Cette

25
Introduction à la psychocriminologie

« libération sous contrainte » (libération comportant des mesures


de restriction, d’obligation et/ou de surveillance) peut être décidée
par le juge d’application des peines, en fonction du parcours et du
projet d’insertion de la personne détenue. Ce dernier détermine si
les personnes en voie de sortie de prison peuvent bénéficier d’amé-
nagements tels que le régime de semi-liberté, le placement extérieur,
la surveillance électronique ou la libération conditionnelle.

2.4.2 Les décisions défavorables à l’accusé

Pour les majeurs condamnés, les condamnations aux peines les


plus sévères peuvent être assorties d’une période de sûreté. Pendant
cette période, toute mesure de faveur envers les condamnés est exclue
(suspension ou fractionnement de peine, permission de sortie, semi-
liberté et libération conditionnelle). Toutefois, des autorisations de
sortie sous escorte et des réductions de peine peuvent être accordées
pendant cette période, mais les réductions ne sont imputables que
sur la partie de la peine excédant cette durée.

C’est la loi qui prévoit une période de sûreté obligatoire ou facul-


tative. La période de sûreté obligatoire peut être ordonnée pour un
certain nombre de crimes très graves (crimes contre l’humanité,
crimes terroristes, meurtres aggravés, tortures, actes de barbarie, etc.).
Cette période obligatoire ne concerne que les condamnations à une
peine supérieure ou égale à 10 ans. La durée de la période de sûreté
obligatoire est de la moitié de la peine en cas de condamnation à une
peine à temps, ou de 18 ans en cas de condamnation à la réclusion
criminelle à perpétuité. Toutefois, la cour d’assises peut, par décision
spéciale, fixer la durée de la période de sûreté jusqu’aux deux tiers
de la peine (pour les peines à temps), ou jusqu’à 22 ans (pour les
peines de réclusion criminelle à perpétuité). À l’égard des personnes
condamnées pour meurtre ou pour assassinat perpétré sur un mineur
de 15 ans et moins, précédé ou accompagné d’un viol, de tortures
ou d’actes de barbarie, la cour d’assises peut, par décision spéciale,
porter la durée de la période de sûreté à 30 ans ou décider, en cas de
condamnation à perpétuité, que le condamné ne pourra bénéficier

26
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

d’aucun aménagement de sa peine, quel que soit le temps écoulé


depuis sa condamnation.

La période de sûreté facultative peut être ordonnée en dehors des


cas où la loi ne fixe pas expressément une période de sûreté (par
exemple dans le cas d’un meurtre simple). La cour d’assises peut
prononcer une période de sûreté à condition de condamner à une
peine supérieure à 5 ans d’emprisonnement sans sursis. La décision
de la durée est prise à la majorité absolue lors des délibérations. La
durée de la période de sûreté ne peut pas être supérieure aux deux
tiers de la peine prononcée, ou 22 ans en cas de réclusion criminelle
à perpétuité.

2.5 Quelques principes

En vertu de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, les


traités ratifiés par la France ont une valeur prééminente par rapport
aux lois. La loi pénale nationale est donc soumise aux normes interna-
tionales. Ainsi, par exemple, une décision rendue par un juge français
ne peut pas s’opposer à un principe de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
depuis sa ratification par la France en 1973. Il existe deux sources de
droit pénal en France : la loi et le règlement, la première étant votée
par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Seul le législateur
est compétent en matière de crimes et de délits, contrairement à
ce qui se passe en matière civile ou commerciale, où la coutume ne
peut être source de droit pénal. Le règlement repose sur le pouvoir
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

exécutif en matière de contravention. Cette compétence est exercée


par le gouvernement ou par les autorités locales, préfet ou maire.
La loi française s’applique aux infractions commises sur le territoire
français, quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime de
l’infraction. Sur le plan pénal, la loi française est applicable pour tout
Français commettant un crime hors du territoire de la République
ou un délit commis dans les mêmes conditions si les faits sont punis
par la législation du pays où il a été commis. Il est fait application du

27
Introduction à la psychocriminologie

présent article alors même que le prévenu aurait acquis la nationalité


française postérieurement au fait qui lui est imputé. De même, la loi
pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni
d’emprisonnement commis par un Français ou par un étranger hors
du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité
française au moment de l’infraction.

2.6 Des institutions

L’étude de la criminologie impose la présentation de quelques


institutions dans lesquelles elle est exercée. Nous évoquerons assez
succinctement la question des mineurs, car nous l’avons traitée dans
un autre ouvrage (Blatier, 2014).

2.6.1 Les maisons de justice et du droit

Le choix de rapprocher la justice des citoyens afin d’accélérer


le traitement de certains petits litiges a conduit à la création des
maisons de justice et du droit dans les communes ou les quartiers,
comme antennes des palais de justice. Des magistrats, des policiers,
des travailleurs sociaux, des avocats y tiennent des permanences et
traitent des affaires de petite délinquance. Les mesures de réinsertion
ainsi que les mesures alternatives aux poursuites de petits litiges y
sont traitées. La médiation et la conciliation sont privilégiées. Les
maisons de justice et du droit ont une fonction importante notam-
ment pour l’information, le conseil juridique et la prévention.

2.6.2 Le rôle du juge des libertés et de la détention

Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège


(magistrature assise) désigné par le président du tribunal de grande
instance. Il est spécialement compétent pour ordonner, pendant la
phase d’instruction d’une affaire pénale, le placement en détention
provisoire d’une personne mise en examen ou la prolongation de
la détention provisoire et pour examiner les demandes de mise en

28
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

liberté. Il est saisi par une ordonnance motivée du juge d’instruc-


tion. Il est compétent en matière d’enquêtes de police puisqu’il peut
autoriser certaines mesures policières telles que des écoutes télépho-
niques ou des perquisitions de nuit.

2.6.3 Le rôle du juge de l’application des peines

Le juge de l’application des peines (JAP) est un magistrat du tribunal


de grande instance. Il est notamment chargé de suivre l’exécution des
peines privatives ou restrictives de liberté. Son action s’inscrit dans un
objectif de réinsertion et de prévention de la récidive. Il détermine les
principales modalités de l’exécution des peines et veille à ce qu’elles
soient adaptées à la personnalité du condamné, à son comporte-
ment et à ses efforts en vue de sa réinsertion sociale. Le JAP (juge de
l’application des peines) est assisté d’un service spécifique : le service
pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de l’administration
pénitentiaire. Ce service intervient en milieu ouvert et en milieu
fermé, auprès des personnes incarcérées (prévenues ou condamnées)
et sur saisine des autorités judiciaires pour les mesures alternatives
aux poursuites. Leur mission entre dans le cadre de la prévention de
la récidive et porte sur l’aide à la décision judiciaire et à l’individuali-
sation des peines, à la lutte contre la désocialisation, à la réinsertion,
au suivi et au contrôle des obligations des personnes incarcérées. Le
JAP est compétent pour prononcer des mesures d’aménagement de
peines en milieu fermé. Il peut également décider d’un placement à
l’extérieur, d’une semi-liberté, d’une réduction, d’un fractionnement
et d’une suspension de peine, d’une libération conditionnelle et d’un
placement sous surveillance électronique. En milieu ouvert, le JAP
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est chargé de suivre et de contrôler le condamné dans l’exécution


de sa peine. Il s’agit, en général, d’un emprisonnement avec sursis
et mise à l’épreuve, d’un ajournement du prononcé de la peine, d’un
travail d’intérêt général, d’une liberté conditionnelle ou d’un suivi
sociojudiciaire.

Le JAP peut délivrer un mandat d’amener en cas d’inobserva-


tion par le condamné des obligations qui lui incombent, ainsi qu’un

29
Introduction à la psychocriminologie

mandat d’arrêt. En milieu libre (sursis avec mise à l’épreuve, libé-


ration conditionnelle), le JAP vérifie que les condamnés respectent
leurs obligations (recherche d’emploi, traitement médical, etc.).

2.6.4 Les établissements


de l’administration pénitentiaire

L’administration pénitentiaire est responsable des personnes


placées sous main de justice et privées de liberté et de celles qui font
l’objet d’une mesure de liberté surveillée ou d’un contrôle judiciaire.
Divers types de centres sont susceptibles d’accueillir des détenus
en fonction de la durée de la peine. Les maisons d’arrêt accueillent
en principe des prévenus (détenus en attente de jugement) et des
détenus condamnés à des peines de moins d’un an ou dont le reliquat
de peine n’excède pas un an, ou les condamnés en attente d’affec-
tation dans un établissement pour peine (centre de détention ou
maison centrale), ou pour lesquels une procédure d’appel est en
cours, ou bien qui sont en cours de jugement pour une autre affaire.
On compte une maison d’arrêt (au moins) par département. Près des
deux tiers des établissements pénitentiaires sont des maisons d’arrêt.

Les établissements pour peine sont divisés en maisons centrales,


centres de détention, centres de semi-liberté et centres pour peines
aménagées, en fonction du type de population pénale qu’ils accueillent.
Il existe également des établissements pénitentiaires spécialisés
dans l’accueil des mineurs. Les condamnés à une longue peine et/
ou présentant des risques sont détenus dans les maisons centrales, à
vocation sécuritaire. Les centres de détention sont des établissements
pénitentiaires recevant des détenus majeurs condamnés à des peines
de durée moyenne qui présentent les meilleures perspectives de réin-
sertion. La détention doit viser la resocialisation des détenus. Des
centres de semi-liberté permettent à des condamnés d’associer travail
ou études à l’extérieur et peine d’emprisonnement (le condamné
retournant au centre de détention le soir). Des personnels socioé-
ducatifs assistent les personnes condamnées dans leur recherche de
travail ou leur réinsertion. Les centres pour peines aménagées (CPA)

30
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

sont des établissements pénitentiaires qui reçoivent des personnes


condamnées à de courtes et moyennes peines, à moins d’un an de
leur libération. Ils ont pour objectif de développer un nouveau mode
de prise en charge de la petite et moyenne délinquance en donnant
la priorité à la réinsertion et à la prévention de la récidive. Le but
est également d’amener les condamnés à mettre en place un projet
individuel dans le cadre d’un aménagement de peine. L’affectation
en CPA vise à favoriser l’autonomie et le sens des responsabilités
des détenus avec, à l’issue, le prononcé d’un aménagement de peine
(semi-liberté, placement à l’extérieur ou libération conditionnelle,
placement sous surveillance électronique).

La France présente donc un dispositif conséquent d’accueil de


détenus, même si la surpopulation des maisons d’arrêt impose une
modification drastique des procédures d’accueil.

Pour avoir une bonne représentation de l’ensemble de la justice


pénale, il est fondamental de prendre connaissance de l’ampleur du
phénomène. C’est pourquoi nous allons examiner les données chif-
frées des crimes et délits afin de mieux estimer ce qu’elles recouvrent.

3. La justice pénale en quelques chiffres


Les auteurs de la délinquance et de la criminalité graves sont
connus pour être, pour la plupart, de sexe masculin, en moyenne
âgés de 30 à 35 ans. Si cette activité concerne les cités et les quartiers
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des zones suburbaines, elle se présente aussi sous d’autres formes,


touchant des personnes habitant des quartiers plus aisés.

Nous avons évoqué dans un autre ouvrage les précautions néces-


saires à l’examen des statistiques de la délinquance produites chaque
année par différents services (Blatier, 2014). Ces statistiques ne
reflètent pas l’ensemble du phénomène, mais informent sur les faits
de délinquance connus des services. C’est pourquoi toute étude

31
Introduction à la psychocriminologie

comparative entre les pays est complexe : les faits de délinquance ne


sont pas identifiés de façon semblable par toutes les nations, même en
Europe (Blatier et Robin, 2000). L’un des problèmes majeurs est que
les politiques en matière criminelle ont des conséquences différentes
tant sur l’activité des services que sur les résultats quantifiables de
l’action des professionnels. Si le nombre de policiers affectés à un
quartier sensible est augmenté, le nombre de faits de délinquance
repérés sera plus important. Il faut donc, pour évaluer l’importance
de la délinquance, tenir compte de façon concomitante de plusieurs
éléments. On comprend donc que présenter des données fiables sur
la délinquance et la criminalité soit une opération difficile. Les dépôts
d’informations dans les mains courantes de gendarmerie et de police
sont également intéressants ; de même, les dépôts de plainte rendent
compte d’une partie de l’activité délinquante d’une ville. Or il arrive
fréquemment que les victimes d’incivilités ou d’actes de vandalisme
ne portent pas plainte. Les conséquences de tels actes sont assumées
financièrement par les assurances ou par les victimes elles-mêmes.
Pourtant, certains actes plus graves comme des viols ne sont pas non
plus portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie.
Les victimes semblent craindre l’effet de la procédure plus qu’elles
n’espèrent en tirer un bénéfice.

Les statistiques émanant des services du ministère de la Justice


et de l’Administration pénitentiaire constituent une autre source
d’information. Ces données sont actualisées tous les mois. Elles
rendent compte de l’évolution sur quelques années de l’activité des
prisons, en étroite dépendance avec celle des tribunaux. Les statis-
tiques pénales des tribunaux présentent l’activité des délinquants
comme celle des services de traitement de la délinquance (police,
gendarmerie, tribunaux, prisons). Si un gouvernement appelle à
une plus grande vigilance vis-à-vis des auteurs d’agression sexuelle,
par exemple, une augmentation des chiffres relatifs aux délinquants
sexuels incarcérés ne devra pas être considérée uniquement comme
le reflet d’une augmentation de cette forme de criminalité, mais
pourra signaler une attention accrue des gendarmes, un temps plus
important accordé par les services de police au traitement des crimes

32
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

sexuels, une accélération du traitement judiciaire de ces affaires et/ou


une plus grande pénalisation de celles-ci (par exemple en allongeant
la durée de la peine).

En outre, ces statistiques ne reflètent que la délinquance réperto-


riée. Les informations sur les délinquants qui ont été appréhendés
servent à établir et à développer les connaissances sur le phénomène
criminel. Nous ne connaissons donc la plupart du temps ce phéno-
mène qu’à travers les faits traduits devant la justice. Les statistiques
elles-mêmes sont particulièrement travaillées et finissent par poser
la question de leur fiabilité1. On finit par s’intéresser beaucoup plus
à l’évolution d’une année sur l’autre qu’aux chiffres eux-mêmes. Par
voie de conséquence on peut se demander quelle politique peut être
conduite à partir de telles données.

Voici donc les données statistiques en matière pénale, qui rendent


compte de l’état de la délinquance et de la criminalité en France et des
modalités de leur traitement. Pour donner une idée des condamna-
tions, sur une année donnée, le taux de réponse pénale est de 87,6 %.
Plus de 618 000 condamnations ont été prononcées, dont près de
2 200 crimes, 611 000 délits, 5 600 contraventions de 5e classe2.
Les crimes sanctionnés sont principalement des viols (46 %), puis
viennent les autres atteintes à la personne de nature criminelle (28 %),
à savoir des homicides volontaires (17 %), des coups et violences
ayant entraîné la mort ou une infirmité permanente (11 %). Les vols
et recels aggravés, les extorsions et les destructions de nature crimi-
nelle représentent près de 23 % des crimes.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pour les délits, un tiers concerne la circulation routière : conduite


en état alcoolique (35 %), conduite sous l’emprise de stupéfiants
(11 %), sans permis ou malgré une suspension (27 %), sans assu-
rance ou sans plaques (17 %), refus d’obtempérer ou délit de fuite

1. Voir le rapport à l’Assemblée nationale de la mission relative à la mesure statistique


des délinquances et de leurs conséquences, par les députés Jean-Yves Le Bouillonnec
et Didier Quentin, le 24 avril 2013.
2. Les Chiffres clés de la Justice, édition 2018.

33
Introduction à la psychocriminologie

(9 %). Dans 20 % des cas, les délits sont des infractions en matière de
stupéfiants. Puis viennent les atteintes aux biens (18 % des délits),
les atteintes aux personnes (14 %), et les contraventions de 5e classe.

Au cours d’une année1, 4,2 millions d’affaires pénales ont été trai-


tées par les parquets. Elles ont été classées sans suite dans presque
sept cas sur dix, bien souvent parce que l’auteur n’avait pas pu être
identifié (56 %), pour des motifs juridiques, pour absence d’infrac-
tion ou pour charges insuffisantes (13 %). Au final, 31 % des affaires
traitées par les parquets sont poursuivables et susceptibles de rece-
voir une réponse pénale : soit devant une juridiction de jugement
ou d’instruction (46 %), soit par la mise en œuvre d’une procédure
alternative aux poursuites (37 %) ou d’une composition pénale (5 %).
Dans 12 % des affaires, le parquet a estimé inopportun de poursuivre
ou d’engager une procédure alternative ou une composition pénale
(souvent pour recherches infructueuses). Au total un peu moins
de 500 000 affaires sont classées après une procédure alternative.
Dans quatre cas sur cinq il s’agit d’affaires poursuivies devant les
tribunaux correctionnels. La moitié d’entre elles consistent en des
procédures traditionnelles (comparution immédiate, convocation
par procès-verbal du procureur ou par officier de police judiciaire,
citation directe) et l’autre moitié, en des procédures simplifiées, telles
que des ordonnances pénales et des comparutions sur reconnaissance
préalable de culpabilité. Actuellement la part des ordonnances pénale
se situe à 32 %, celle des comparutions sur reconnaissance préalable
de culpabilité à 19 %. Concrètement, il en découle que moins de 5 %
des affaires sont poursuivies devant les tribunaux de police (29 500),
8 % devant les juges des enfants (48 900) et moins de 3 % devant les
juges d’instruction (16 900).

Parmi les affaires orientées vers l’instruction, 58 % concernent des


atteintes à la personne, un quart relèvent des atteintes aux biens. Les
mineurs sont particulièrement mis en cause dans les atteintes aux
biens et à la personne, et dans les infractions à la législation sur les

1. Les données rapportées ici sont celles de l’année 2017. Source : ministère de la Justice.

34
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

stupéfiants. Durant une année, 32 800 personnes ont été mises en


examen par les juges d’instruction, 1 400 personnes ont été placées
sous le statut de témoin assisté ; 37 600 mesures de sûreté ont été
prises dans le cadre d’une procédure d’instruction. Les principales
mesures ordonnées ont été le contrôle judiciaire (56 %) et la déten-
tion provisoire (43 %). L’assignation à résidence sous surveillance
électronique a été rarement prononcée (1 %).

Par ailleurs, le bilan des offices centraux témoigne de l’implication


de l’ensemble des services contre toutes les formes de la délinquance
pour lesquelles il constate une recrudescence. Nous pouvons en citer
ici quelques-uns. L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux
technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC)
traite chaque année des affaires de terrorisme, xénophobie, chantage,
violence sur Internet, ou encore de pédopornographie, incitation à
l’usage de stupéfiants, incitation à la violence urbaine. L’Office central
pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF)
surveille des comptes bancaires et des transferts d’argent et lutte
contre le blanchiment. L’Agence de gestion et de recouvrement
des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) a conduit à l’arrestation
d’auteurs de vols à main armée d’agences bancaires, de bureaux
de poste ou de commerces. L’Office central pour la répression des
violences aux personnes (OCRVP) est chargé de coordonner sur le
plan national la lutte contre les infractions violentes à l’encontre des
personnes et s’occupe des disparitions inquiétantes de personnes.
Il est composé de fonctionnaires de la police nationale et de mili-
taires de la gendarmerie nationale et travaille au bénéfice de ces deux
directions. Dans le cadre de sa mission de police judiciaire, il est
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire. L’OCRVP est compé-


tent en matière de lutte contre les infractions violentes à l’encontre
des personnes et notamment les homicides, tentatives d’homicides
et autres violences graves contre l’intégrité physique ou psychique
de la personne, les viols et agressions sexuelles et leurs tentatives, la
pédopornographie, les séquestrations et les enlèvements. Il est ainsi
responsable du bon fonctionnement du dispositif national « Alerte-
enlèvement ». À cet égard, il est chargé, notamment, de la gestion

35
Introduction à la psychocriminologie

et de l’exploitation des appels téléphoniques ainsi que des courriers


électroniques. L’Office central pour la répression de la traite des êtres
humains (OCRTEH) a démantelé un certain nombre de réseaux de
proxénétisme. L’Office central pour la répression du trafic illicite
de stupéfiants (OCRTIS) place en garde à vue et fait écrouer des
trafiquants, à la suite des commissions rogatoires, y compris inter-
nationales ; il opère des saisies douanières et arrête des passeurs.
L’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) a
permis la mise hors d’état de nuire d’équipes structurées de malfai-
teurs itinérants, spécialistes de la criminalité organisée agissant sur
l’ensemble du territoire national mais également à l’étranger.

Ces services sont très spécialisés, alors que l’ensemble de la délin-


quance concerne des délits et des crimes de nature plus commune.
Les peines de prison sont habituellement requises pour les crimes et
les délits les plus graves. Le temps passé en prison varie en fonction
des faits, mais on peut reconnaître un temps moyen d’incarcération.
La durée de la peine est fonction du délit ou du crime commis. La
figure 1.1 indique la durée de peine effectuée en détention par les
personnes condamnées.

25 % 22 %
20 %
20 % 18 %
16 %
15 %
10,8 % 10 %
10 %

5% 2,2 % 1%
0%
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]5

]1
]6

Figure 1.1 – Durée de la peine de détention


en France (en pourcentage)

36
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

Les données présentées ici sont les plus détaillées accessibles à ce


jour. Elles permettent de préciser l’activité des délinquants comme
les réponses judiciaires.

En moyenne 12 % des personnes condamnées sont écrouées pour


des peines de moins de 6 mois, 17 % pour des peines de 6 mois à 1
an, près de 20 % pour des peines de 1 à 2 ans, 22 % pour des peines
de 2 à 5 ans, 28 % pour des peines de plus de 5 ans et 0,8 % pour la
perpétuité1. La répartition des personnes écrouées selon les infrac-
tions principales met en avant le vol, les infractions à la législation sur
les stupéfiants et les violences contre les personnes (voir figure 1.2).

25 % 23 %
20 % 18 %
14 %
15 %
10 %
10 % 8% 8% 8%
5% 6%
5%

0%
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© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ct
fra
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Figure 1.2 – Répartition des incarcérations


selon les infractions principales

1. Administration pénitentiaire, 2018.

37
Introduction à la psychocriminologie

3.1 Statistiques pénitentiaires

La population écrouée détenue en France est constituée essentiel-


lement d’hommes. Les prévenus représentent un peu moins d’un tiers
de ces personnes. La moyenne d’âge est de 31,9 ans.
Tableau 1.1 – Répartition des personnes détenues selon la catégorie
pénale (France et Outre-Mer1)

Ensemble de la population écrouée détenue


Catégorie pénale Hommes Femmes Ensemble
Prévenus 19 355 988 20 343

Condamnés 48 170 1 546 49 716

Ensemble 67 525 2 534 70 059

On peut représenter la population carcérale selon les âges, comme


indiqué dans le tableau et l’histogramme suivants.

60
50
40
30
20 Condamné.e.s %
10 Prévenu.e.s %
0
Moins de 16 ans

50 ans-60 ans

60 ans et plus
40 ans-50 ans
16 ans-18 ans

18 ans-21 ans

21 ans-25 ans

25 ans-40 ans

30 ans-40 ans

Figure 1.3 – Répartition de la population des personnes écrouées,


prévenues et condamnées, par tranche d’âge2

1. Direction de l’Administration pénitentiaire, 2019.


2. Statistiques de l’Administration pénitentiaire, 2018.

38
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

Tableau 1.2 – Population pénitentiaire en milieu fermé au 1er janvier1

Population Effectifs
Écroués détenus (A) 70 059
Prévenus 20 343
Condamnés en semi-liberté 1 751
Condamnés en placement extérieur hébergés 323
Condamnés hors semi-liberté et en placement
47 642
extérieur hébergés
Écroués non détenus (B) 11 191
En placement sous surveillance électronique 10 620
Condamnés en placement extérieur non hébergés 571
Total des personnes écrouées (A+B) 81 250

Concernant les mineurs, ceux qui sont écroués sont en nombre


à peu près stable, autour de 800. La proportion de mineurs écroués
détenus est de 1,1 %.

Le niveau d’instruction des personnes écrouées est, pour 75 %


d’entre elles, de l’ordre d’une instruction secondaire ou supérieure.
On compte néanmoins 14,8 % de personnes dont le niveau d’ins-
truction est inconnu ou non déclaré, 4,2 % de personnes illettrées
déclarées et 5,4 % ayant bénéficié d’une instruction dans les classes
primaires.

La majorité des personnes sont condamnées en correctionnelle et,


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

en moyenne, 13 % sont condamnées pour des faits criminels.

La durée de la peine prononcée pour les personnes condamnées


à une peine correctionnelle est en moyenne la suivante (voir la
figure 1.4).

1. Statistiques de l’Administration pénitentiaire, 2019.

39
Introduction à la psychocriminologie

30 %
30 %
24 %
25 %
18 % 19 %
20 %

15 %
9%
10 %

5%

0%
inférieure de 6 mois de 1 an de 2 ans plus de
ou égale à à 1 an à 2 ans à 5 ans 5 ans
6 mois

Figure 1.4 – Durée d’écrou


des peines correctionnelles1

homicide et atteinte volontaire ayant entraîné la…


viol et agression sexuelle
violence contre les personnes
autres atteintes à la personne
vol
atteinte aux biens
stupéfiants
atteinte à l’autorité de l’État
circulation, autre que homicide
autres
0 % 5 % 10 % 15 % 20 % 25 %

Figure 1.5 – Crimes et délits


des personnes condamnées

1. Source : Infocentre pénitentiaire, alimenté par les données GIDE et GENESIS.

40
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

60 ans et plus
50 ans à moins de 60 ans
40 ans à moins de 50 ans
30 ans à moins de 40 ans
Viol sur mineur
25 ans à moins de 30 ans
Viol sur majeur
21 ans à moins de 25 ans
18 ans à moins de 21 ans
16 ans à moins de 18 ans
Moins de 16 ans

0 10 20 30 40 50

Figure 1.6 – Les viols sur majeurs et sur mineurs


en fonction des auteurs (par tranche d’âge)

(Source : Sous-direction de la Statistique, des Études et de la Documentation, 2019)

En janvier 2019, le nombre de personnes sous écrou était de


81 250. Parmi elles, certaines sont en détention, d’autres ne sont pas
détenues. Ainsi, près de 11 000 étaient placées sous surveillance élec-
tronique en aménagement de peine, et 571 condamnés étaient placés
à l’extérieur non hébergés, soit 11 191 écroués non détenus. Parmi les
écroués détenus, 20 343 étaient prévenus, dont 1 751 condamnés en
semi-liberté, 323 condamnés en placement à l’extérieur hébergés, et
47 642 condamnés sans aménagement de peine. Les mineurs repré-
sentent 1,1 % de l’ensemble des détenus (soit 782), dont 79,8 % de
prévenus. Actuellement plus de 180 000 personnes sont suivies en
milieu ouvert. La France dispose de 183 établissements pénitentiaires
accueillant des détenus1 :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

– 82 maisons d’arrêt (MA) et 50 quartiers MA situés dans des


centres pénitentiaires, recevant les prévenus (détenus en attente
de jugement) et les condamnés dont le reliquat de peine est infé-
rieur ou égal à deux ans lors de leur condamnation définitive ;
– 94 établissements pour peine (hors EPM) ;

1. Les Chiffres-clés de la Justice 2018, Sous-direction de la Statistique et des Études,


ministère de la Justice.

41
Introduction à la psychocriminologie

– 25 centres de détention (CD) et 40 quartiers (QCD) accueillant


des condamnés à plus de deux ans considérés comme présen-
tant les perspectives de réinsertion les meilleures. À ce titre, les
CD ont un régime de détention principalement orienté vers la
resocialisation des détenus.
– 53 centres pénitentiaires (CP), établissements mixtes qui
comprennent au moins deux quartiers à régime de détention diffé-
rent (maison d’arrêt, centre de détention et/ou maison centrale) ;
– 6 maisons centrales (MC) et 7 quartiers (QMC) recevant les
condamnés les plus difficiles. Leur régime de détention est
essentiellement axé sur la sécurité ;
– 10 centres de semi-liberté autonomes (CSL), recevant les
condamnés admis au régime de la semi-liberté, 20 quartiers
(QSL), 9 quartiers pour peines aménagées (QPA), 3 quartiers
centre national d’évaluation (QCNE) ;
– 6 établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ;
– 1 établissement public de santé national à Fresnes (relevant du
ministère de la Santé).

De plus, 103 services pénitentiaires d’insertion et de probation


(SPIP) accompagnent les détenus.

Le taux de détention en France est de 100 personnes détenues


pour 100 000 habitants. L’âge moyen de ces personnes est de 35 ans.

3.2 L’évolution des réponses pénales

Il est intéressant de comparer la délinquance et la criminalité au


cours des années. On peut ainsi observer, par exemple, les évolutions
entre 1995 et 2019, en intégrant les années intermédiaires, et ajouter
des données plus récentes, de 2012 et 2014. Il ne s’agit donc pas d’une
stricte comparaison entre ces deux premières années mais de la prise
en compte d’une certaine évolution. Lorsque ce sera possible, car un
certain nombre de catégories ont changé, on indiquera les chiffres
récents.

42
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

Le premier constat est que la population carcérale n’a cessé d’aug-


menter : de 47 160 en 1991 et 51 623 en 1995, elle est passée à 62 438
en 2005, à 68 244 en 2009, à 67 075 en 2014 et à 81 250 en 2019
(population écrouée détenue 70 059 au 1er janvier 2019), en raison de
décisions politiques visant à renforcer les peines alternatives (statis-
tiques de l’Administration pénitentiaire). Les incarcérations sont
plus effectuées pour des délits (entre 70 % et 80 %) que pour des
crimes. On a assisté à une augmentation du recours à la comparution
immédiate, qui a doublé au cours de ces années, et aux mandats de
dépôt. La répression a été plus importante et le nombre de mises en
détention a suivi une nette croissance.

Au cours des dernières décennies, on a compté au moins 10 000


condamnations de plus tous les 10 ans. Le taux de prévenus a évolué
de façon inverse : il est passé de 33,6 % en 2005, à 25 % en 2014, et à
28,7 % en 2018. On a assisté en vingt ans à une augmentation de 11 %
des violences sur mineurs et de 9 % des viols et agressions sexuelles.

On note une augmentation de la durée des peines pour les crimes


et les délits. Les peines criminelles d’une durée de 20 à 30 ans sont
plus nombreuses. Le taux de condamnations à perpétuité est resté
stable. L’âge moyen des détenus est assez stable également, à 31,7 ans
pour les hommes et 31,9 ans pour les femmes en 2018. Les mineurs
comme les jeunes majeurs âgés de 18 à 21 ans sont en nombre quasi
constant (en moyenne 800). Les condamnations prononcées pour
les moins de 21 ans ont été d’une durée moyenne inférieure à une
année. Les mineurs, les femmes et les personnes de plus de 50 ans
ont été plus nombreux dans la catégorie des prévenus que dans celle
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des condamnés. L’incrimination des femmes concerne en premier


lieu des crimes de sang et des meurtres. Celle des hommes porte sur
des violences sexuelles.

Près d’un crime sanctionné sur deux est un viol1. Ils se décom-
posent comme suit : viols avec circonstances aggravantes (35,6 % des

1. Ministère de la Justice (2018). Les condamnations, Année 2017.

43
Introduction à la psychocriminologie

crimes), viols simples (8,5 %) ou viols commis par le conjoint ou par


le concubin de la victime (2,0 %). Les autres atteintes à la personne
de nature criminelle viennent ensuite avec 28,2 % des crimes ; 17,4 %
des crimes sont des homicides volontaires et 10,8 %, des coups et
violences volontaires ayant entraîné la mort ou une infirmité perma-
nente. Les vols et recels aggravés, les extorsions, les destructions
de nature criminelle représentent 22,6 % des crimes. Le terrorisme
représente environ 2,6 % des crimes. Il se retrouve essentiellement
dans les atteintes à la sûreté publique. Enfin, les infractions crimi-
nelles relatives aux stupéfiants représentent 0,3 % des infractions
criminelles. Les femmes sont plus nombreuses à être condamnées
qu’auparavant. Le taux de féminité en détention était de 3,6 % en
2005, 3,7 % en 2009, 3,4 % en 2014 et 3,8 % en 2019. On compte près
3 095 femmes écrouées ; près d’un tiers d’entre elles sont prévenues.

Le niveau scolaire des détenus est très faible. Si 76 % des détenus
ont une instruction secondaire ou supérieure, 5 % ont encore une
instruction primaire, et 4 % sont déclarés illettrés. Actuellement des
formations de base de type alphabétisation, remise à niveau et/ou
préparation au certificat de formation générale sont assurées. La
plupart des personnes écrouées sont de nationalité française (79,3 %
en 2005, 79,5 % en 2018) ou européenne (14,8 % en 2018).

Si les peines privatives de liberté (fermes) représentent un cinquième


des sanctions pour les délits et environ 90 % pour les crimes, en
matière de délit, les sanctions les plus fréquentes sont le sursis total
ou le sursis simple avec mise à l’épreuve ou non, et l’amende. Les
peines privatives de liberté ne sont pas exécutées dans leur totalité
en détention et il est probable que cette tendance se renforce, notam-
ment avec la loi 2014-896 sur l’individualisation des peines. Certains
y voient une érosion des peines, tandis que d’autres insistent dans
le sens de la recommandation du Conseil de l’Europe sur la néces-
sité de favoriser l’aménagement des peines de façon à encourager la
réadaptation du condamné (comme le mentionnait déjà Aubusson de
Carvalay, 2002). Toutefois, ce mouvement doit être réalisé vers une
individualisation de la peine avec un accompagnement pour que la

44
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

mesure soit porteuse de sens. Sans cela, les aménagements de peines


risquent de perdre toute signification pour l’évolution personnelle
du détenu et de se cantonner à une simple facilitation du processus
lié au milieu fermé.

L’analyse de l’évolution des condamnations recensées par l’Admi-


nistration pénitentiaire permet de rendre compte d’une plus grande
pénalisation au fil des ans (Lemoussu, 2004). Pour les crimes et délits
les plus couramment sanctionnés, l’augmentation de la durée de l’em-
prisonnement ferme et de la réclusion criminelle (dénomination de
la privation de liberté à partir de 10 ans pour les crimes) est nette
(voir le tableau 1.3). Cette augmentation correspond à une tendance
de fond constatée dans les études réalisées sur les condamnés depuis
le début des années soixante-dix, par une multiplication par deux
ou par trois des longues peines, en particulier entre 5 et 20 ans. La
loi du 10 août 2007 sur les peines planchers a introduit des peines
minimales en cas de récidive et prévu des conditions de dérogation.

Les peines minimales ont été retenues dans environ 40 % des cas
éligibles. L’impact sur les peines prononcées a été surtout l’augmen-
tation du quantum d’emprisonnement ferme. Après quelques années
d’expérimentation, ce dispositif n’a pas été jugé efficace et il a été
proposé de le supprimer. La suppression des peines planchers est
intervenue par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des
peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

Les aménagements de peine sont encore trop rares : la majorité des


condamnés détenus sortent de prison sans bénéficier d’une mesure
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de libération conditionnelle, d’une semi-liberté, ou d’un placement à


l’extérieur. La situation évolue. Une des réponses qui se développent
est celle du placement sous surveillance électronique. Elle intervient
comme mesure soit de contrôle judiciaire, soit d’aménagement de
peine comportant un système électronique de contrôle à distance de
la présence ou de l’absence d’une personne sur le lieu où elle a été assi-
gnée par une décision de justice. Ce placement peut être ordonné soit
par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention dans

45
Introduction à la psychocriminologie

le cadre d’un contrôle judiciaire pour une personne prévenue, soit


par le juge de l’application des peines pour une personne condamnée
à une peine privative de liberté. La juridiction de jugement peut
prononcer une mesure de placement sous surveillance électronique
dès l’audience de jugement. Cette mesure, qui requiert l’accord des
intéressés, concerne les personnes prévenues ou condamnées à une
ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée n’excède pas un
an ou les personnes condamnées avec un reliquat de peine inférieur
ou égal à un an. Les seules conditions sont celles d’avoir un domi-
cile fixe ou un hébergement stable, au moins pendant la durée du
placement sous surveillance électronique, et de posséder une ligne
de téléphone fixe. Une enquête de faisabilité est réalisée, permettant
d’étudier la situation matérielle, familiale et sociale de la personne.
Le dispositif consiste en un bracelet, porté à la cheville ou au poignet,
dont l’émetteur transmet des signaux à un récepteur situé dans le lieu
d’assignation. Les heures d’assignation sont établies en fonction d’une
éventuelle activité professionnelle ou d’un stage, de la vie familiale ou
de l’insertion sociale du condamné. Le récepteur transmet les infor-
mations à un centre de surveillance. Si la personne ne respecte pas
les heures d’assignation ou tente d’enlever son bracelet, le système
lance une alarme au centre de surveillance. En cas de non-respect de
la mesure, la personne peut être placée en détention. Actuellement, les
personnes bénéficiaires de cette mesure, contrairement à la majorité
des autres personnes entrant en prison, sont mariées ou vivent mari-
talement, ont un niveau scolaire plus élevé, exercent majoritairement
une activité professionnelle ou recherchent un emploi. La surpopu-
lation carcérale incite à un recours accru à cette mesure, notamment
pour les prévenus et les courtes peines.

46
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Tableau 1.3 – Flux annuels d’entrées sous écrou et indicateur du temps moyen passé sous écrou (Tournier, OPALE, 2012)

2005 2010
1975 1980 1985 1990 1995 2000
(France (France
(Métropole) (Métropole) (Métropole) (Métropole) (Métropole) (Métropole)
entière) entière)
Entrées
77 117 96 955 82 917 78 442 82 860 65 251 85 542 82 725
annuelles (E)
Population
27 757 37 306 42 777 45 537 52 141 46 333 59 791 67 317
moyenne (P)
Durée moyenne
sous écrou 4,3 4,6 6,2 7,0 7,6 8,5 8,4 9,8
(d, en mois)
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

47
Introduction à la psychocriminologie

3.2.1 Délinquance des mineurs


et délinquance des majeurs

Il existe différentes sources susceptibles de prendre la mesure du


crime en France et dans les pays européens. La question a déjà été
traitée pour ce qui concerne la délinquance des mineurs en Europe
(Blatier et Robin, 2000). Les faits de délinquance sont majoritai-
rement commis par des adultes. La part prise par les mineurs est
variable selon les catégories et les pays ; elle peut atteindre jusqu’à
25 % dans la délinquance autodéclarée.

Les mineurs débutent le plus souvent leurs actes délinquants


autour de l’âge de treize ans. Soit cette délinquance est transitoire et
s’arrête autour de 18 ou 19 ans, soit elle se constitue en phénomène
persistant jusqu’à 25 ou 30 ans, voire plus. Certains auteurs comme
Gottfredson et Hirschi estiment que ces chiffres reflètent plus une
distribution des crimes que la propension à commettre ces crimes.
En effet, il est fondamental de considérer la délinquance des mineurs
comme un phénomène sur lequel il est possible d’intervenir.

Les mineurs délinquants se rendent principalement responsables


d’actes de vandalisme, de vols et de cambriolages. On connaît le
mode d’entrée dans la délinquance et son développement. Nous ne
détaillerons pas ici la délinquance des mineurs car elle a fait l’objet
d’un vaste ouvrage auquel le lecteur peut se référer (Blatier, 2014). À
partir de 18-25 ans, l’abandon de l’activité délinquante a été expliqué
par une modification du comportement due le plus souvent à un
changement social, familial ou à une insertion professionnelle. Pour
mieux connaître les spécificités de la délinquance, le recours à une
méthode de recueil d’informations peut se révéler très utile.

3.2.2 Méthode de délinquance autorapportée

L’une des premières mesures de délinquance autorapportée a été


réalisée par Nye et Short. Ces chercheurs ont eu l’idée de questionner
des personnes sur des actes qu’elles auraient commis, parmi lesquels

48
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

figuraient des actes de délinquance. Cette pratique, fondée sur l’ano-


nymat, repose sur l’aveu, par les individus eux-mêmes, des actes
commis pénalement répréhensibles. Elle a été depuis lors très utilisée
(par Eliott et Huizinga, ou encore par Junger-Tas). Les enquêtes de
délinquance autorévélée portent bien évidemment une marque
de suspicion : on peut se demander si les personnes interrogées
déclarent bien la vérité. Il n’est pas possible de s’en assurer parfai-
tement. Toutefois, un certain nombre de ces études comprennent
des questions qui se recoupent, ce qui permet de vérifier la tendance
des personnes à dire la vérité ou à la travestir. L’intérêt d’une telle
méthode a été analysé par Hindelang, Hirschi et Weis. Ces chercheurs
ont montré une assez bonne corrélation (de .72) entre les informa-
tions données par les parents concernant les actes de délinquance
de leurs enfants et la délinquance autorapportée par ces derniers.
Des résultats similaires ont été obtenus dans des études ultérieures.

Le constat effectué par Born (1983, 2005) à partir d’enquêtes réali-


sées auprès de délinquants avérés est que les jeunes les plus conformes
aux normes ont tendance à moins révéler et les jeunes les plus délin-
quants, à en rajouter. Ces derniers, se sachant identifiés par la justice,
n’hésitent pas à en faire mention, voire à ajouter quelques méfaits.
Dans une autre analyse, Born a pu constater la concordance entre
les données de délinquance autorévélée et les dossiers du parquet de
la jeunesse à la même époque, montrant que certains jeunes étaient
effectivement déjà installés dans la délinquance et que certaines
déclarations étaient très concordantes.

Il apparaît donc que la méthode de délinquance autorévélée puisse


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

renforcer la connaissance du phénomène délinquant, en élargissant la


représentation que nous en avons (voir les travaux de Roché, 2003) :
non pas simplement les délinquants répertoriés par un système poli-
cier doublé d’un système judiciaire, mais les faits de délinquance
au quotidien, qu’ils soient repérés ou non par la police ou par la
gendarmerie.

49
Introduction à la psychocriminologie

3.3 La compréhension psychocriminologique


et l’émergence de modèles

Comme nous l’avons vu, la psychologie a apporté son concours à


la criminologie, car elle était susceptible d’apporter des explications
au phénomène criminel. Il s’agissait alors d’essayer de comprendre
les motivations de l’acte délinquant comme la personnalité du
délinquant ou du criminel. Finalement, ces deux approches ont été
rapidement considérées comme indissociables.

La psychologie appliquée à la criminologie s’efforce de mieux


comprendre le criminel et les processus de son engagement dans la
criminalité. Elle met au point des mesures de protection pour éviter
l’entrée dans la criminalité et analyse l’intérêt des mesures de suivi
pour la prévention de la récidive. La criminologie clinique vise à déve-
lopper un soin approprié au criminel en fonction de sa problématique
psychologique et des faits commis. On comprend dès lors pourquoi
la criminologie clinique a été longtemps critiquée par la criminologie
de la réaction sociale. Elle a repris de la vigueur à la suite des travaux
de Pinatel sur la personnalité criminelle, de ceux de LeBlanc sur la
personnalité délinquante, et des réflexions autour de la question des
délinquants sexuels et de leur traitement. La criminologie clinique
a développé peu à peu une approche centrée sur l’individu, en vue
d’une meilleure connaissance du criminel, de sa conduite et des possi-
bilités de modification de celle-ci.

On pourrait faire débuter une approche criminologique centrée


sur l’individu à l’apport de Tarde et de Dilthey à la fin du XIXe siècle,
cherchant à comprendre l’individu et son psychisme à partir des
signes manifestes. C’est sous l’influence de De Greef, insistant sur la
concordance biologique et psychologique, que la théorie s’est forgé
une base pluridisciplinaire. Il fut suivi par Di Tullio et Lombroso,
prônant avec Garofalo la réalisation d’un examen médico-social
et psychologique et l’intégration des informations de la famille du
sujet, cet examen permettant de réintégrer les éléments biologiques
et sociologiques.

50
La criminalité et la justice pénale ■ Chapitre 1

Kretschmer a travaillé à l’identification des tempéraments,


Sheldon a repéré des types, en fonction de besoins et de réactions.
On distingue les asociaux (alcooliques, criminels d’habitude) des
antisociaux (agressifs, énergiques). Plus tard, des professionnels du
monde sociojudiciaire ont distingué les délinquants d’occasion des
délinquants d’habitude. Les premiers présentent une délinquance
temporaire, s’exprimant à la faveur d’un contexte précis ou d’un
état psychologique particulier (voir le crime passionnel). Ce n’est
pas parce qu’il s’agit d’un délinquant d’occasion que le crime n’est
pas grave ; au contraire, le délinquant d’habitude est considéré le plus
souvent comme étant mal adapté socialement.

La criminologie s’est donc efforcée peu à peu de construire des


théories susceptibles d’expliquer le crime et la criminalité. Nous
allons les explorer.

51
Chapitre 2
Les théories explicatives
du crime et le modèle
biopsychosocial
Sommaire
1. Les explications précontemporaines de la criminalité................ 57
2. Les facteurs biologiques : l’approche biomédicale du criminel... 59
3. Les théories sociales
et psychologiques contemporaines du crime ................................. 71
1. Les explications précontemporaines
de la criminalité
Les premiers efforts pour comprendre et expliquer le crime ont
porté, avec les travaux de Lombroso, sur l’homme criminel. La
psychocriminologie reposait alors sur la connaissance du délinquant.
À la suite du courant d’analyse majoritairement médical, une orien-
tation sociale a été donnée, notamment par Ferri, distinguant cinq
catégories de criminels : les criminels nés, les aliénés, les criminels
d’habitude, les criminels d’occasion et les criminels par passion. Il a
repéré une absence d’évolution dans la criminalité d’un milieu donné
en l’absence de modification des conditions sociales. Au début du
XXe siècle, Garofalo, magistrat et professeur de droit criminel, s’est
efforcé de rassembler toutes les disciplines intéressées à l’étude du
crime, responsable selon lui d’une atteinte aux sentiments altruistes
primordiaux que sont la pitié et la probité. Garofalo qui représente,
avec Lombroso et Ferri, l’École positive italienne, marqua ainsi un
déplacement de l’intérêt de l’individu à la société.

Un ajout considérable fut apporté par le Belge Quetelet sur des


points précis dans l’analyse de la criminalité : âge, sexe, degré d’ins-
truction, influence des saisons, fréquence des délits par individu et
par année. Cet effort d’objectivation ne sera jamais démenti. À partir
d’éléments repérés et traités au titre de variables, Quetelet a projeté
une probabilité statistique de commission de différents crimes pour
un individu en fonction de certains de ces paramètres.

L’école positive repérée dans la seconde moitié du XIXe siècle


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

travaille sur la personnalité criminelle. Le terme de positive vient du


fait que, de façon systématique, se fondant sur une analyse empirique
des causes du crime et de la délinquance, cette théorie conclut que
les facteurs personnels, sociaux et environnementaux déterminent
le comportement criminel. À ce titre, plusieurs théories modernes
pourraient être appelées positives. Le système de valeur des criminels
inspire leur comportement : vivre dans un milieu dont les valeurs sont

55
Introduction à la psychocriminologie

délinquantes conduit à la délinquance. Si ce milieu n’est pas porteur


de valeurs délinquantes, l’individu n’est pas poussé à la délinquance.

C’est pourquoi Gabriel Tarde, à la fin du XIXe siècle, a défendu


l’idée d’une délinquance liée au milieu et à l’environnement familial.
On a insisté alors sur le rôle de l’acteur, dans un environnement plus
ou moins favorable. Ses travaux sur l’imitation ont été souvent repris,
à partir de trois idées phares :
– le facteur de proximité ;
– le facteur de hiérarchie, car les supérieurs sont plus imités ;
– l’effet de mode, qui joue plus favorablement encore dans un
sens de récence (les modes les plus récentes prenant le pas sur
les plus anciennes).

Depuis certains fondateurs comme Ferri (1857-1929), la crimi-


nologie a retenu l’importance des facteurs socioéconomiques de la
délinquance, tels que la densité de population, le chômage, la misère.
Elle s’est alors présentée essentiellement comme une sociologie
criminelle s’intéressant aux interactions entre ces différents facteurs
d’ordre biologique et social, aux niveaux individuel et collectif. La
criminologie sociologique est apparue alors en tant que telle avec,
au fil du temps, l’élaboration de différentes théories, principalement
de quatre types :
– les théories culturalistes, qui s’intéressent aux raisons indivi-
duelles et sociales de la délinquance ;
– les théories de la tension, qui expliquent l’écart entre le souhait
d’intégrer une société et les difficultés afférentes ;
– les théories rationnelles, qui insistent sur la responsabilité de
l’auteur et sur son choix dans les crimes ;
– les théories dites de la réaction sociale, qui considèrent l’interac-
tion entre le délinquant et la réponse du système pénal.

Nous détaillerons chacune de ces théories après avoir décrit l’ap-


proche biomédicale du criminel.

56
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

2. Les facteurs biologiques :


l’approche biomédicale du criminel
Une question fréquente concernant la délinquance et la crimina-
lité porte sur l’existence de facteurs héréditaires ou congénitaux. La
psychologie s’intéresse fortement à ces données biologiques.

2.1 Théories initiales

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la criminologie a surtout été dominée


par une approche médicale. D’inspiration darwinienne, certaines
conceptions des causes de la délinquance apparaissent aujourd’hui
surannées. C’est le cas de la théorie de Lombroso, évaluant l’homme
criminel à partir de l’examen morphologique de détenus, repérant
un violeur par des oreilles allongées, des yeux plus rapprochés, un
crâne aplati et un menton allongé. Il y a ajouté quelques caractéris-
tiques psychologiques et environnementales. Il reste que Lombroso a
développé une criminologie s’appuyant sur des méthodes précises. De
même Kretschmer, comme Sheldon (1940), a associé la physiologie
à des traits de caractère dans une théorie fondée sur le somatomor-
phisme : les endomorphes (trapus, aux membres courts, extravertis,
aimant un certain confort), les mésomorphes (aux épaules carrées,
musclés, actifs, étaient vus comme dynamiques et agressifs), les
ectomorphes (aux membres fins et au corps allongé, repérés comme
introvertis et hypocondriaques). Ces hypothèses n’ont reçu aucune
vérification.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Il a beaucoup été question du chromosome masculin surnuméraire,


notamment repéré par Sandberg, XYY, qui aurait été plus localisé
dans les prisons et les asiles. Or on estime à 1/1 000 les personnes
présentant un tel capital génétique. Il s’agit en fait d’une forme de
trisomie qui produit chez l’individu une taille élevée, un QI inférieur
à la norme, une affectivité moins marquée, une agressivité précoce
et une absence de sentiment de culpabilité. Certains y ont vu une
prédisposition à la délinquance. Toutefois les études n’ont montré

57
Introduction à la psychocriminologie

l’existence que d’un petit nombre de personnes XYY et une faiblesse


représentant une vulnérabilité plus psychiatrique que violente.

2.2 Biologie contemporaine et criminalité

2.2.1 Mécanismes biologiques de l’agressivité

Les neurosciences comportementales, grâce aux progrès de l’ima-


gerie cérébrale anatomique et fonctionnelle, permettent de mieux
comprendre le fonctionnement cérébral normal et pathologique. Les
sites impliqués dans le déclenchement des accès de violence sont
situés sur les aires frontales et préfrontales, dans l’amygdale, l’hippo-
campe et l’hypothalamus, qui composent le système limbique.

On repère ainsi que des patients à la personnalité de type antiso-


cial présentent, sans lésion cérébrale, une réduction de 11 % de leur
cortex préfrontal. Raine et ses collaborateurs (2000) ont montré que
ces mêmes personnes avaient une réduction de leur activité nerveuse
périphérique autonome impliquée dans la réaction physiologique aux
émotions en cas de stress. Cependant, des anomalies anatomiques
du cortex cérébral frontal ont été repérées dans d’autres patholo-
gies telles que la toxicomanie ou la schizophrénie et ne sont donc
pas spécifiques des conduites agressives (Combalbert, Bret-Dibat et
Favard, 2002).

Il a souvent été montré dans l’examen de personnes ayant commis


des actes de violence des dommages cérébraux tels que des trauma-
tismes crâniens ou des lésions cérébrales. C’est pourquoi on peut
considérer que toute personne possède une capacité à développer
une violence agressive habituellement inhibée dont le contrôle peut
être réduit par des facteurs biologiques. Dans certains cas, à la suite
par exemple de l’absorption de drogues, le système limbique impliqué
dans les émotions est dissocié du cortex cérébral permettant l’analyse
des situations. Lorsqu’il s’associe à des lésions de la structure céré-
brale, ce syndrome est appelé syndrome du dyscontrôle épisodique.

58
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Des anomalies corticales du thalamus et de l’amygdale peuvent


être constatées chez des meurtriers, dont on suppose une difficulté
à réguler les pulsions agressives qui dépendent de structures sous-
corticales et, ce, en raison d’un déficit des processus de contrôle
préfrontaux. Les différents types de noyaux de l’amygdale sous-
tendent des comportements différents. La stimulation du noyau
central induit peur et fuite, la lésion du même noyau conduisant à une
irritabilité et à une tendance à l’agression. La stimulation du noyau
médian conduit à l’agression et à l’irritabilité, mais sans réaction de
fuite. Enfin, l’imagerie cérébrale fonctionnelle révèle un déficit de
l’utilisation de glucose radioactif qui rend compte de l’activité neuro-
nale générale chez certains meurtriers. Il reste encore beaucoup à
découvrir sur ces marqueurs neurobiologiques et environnementaux.
Si les structures temporales et frontales sont fréquemment mises en
avant dans les cas de violence et de meurtre, les dysfonctions multi-
sites sont de plus en plus identifiées. Outre ces aspects cérébraux, les
aspects génétiques sont également explorés.

2.2.2 Génétique et sociobiologie :


études des jumeaux et études d’adoption

Il est reconnu que le potentiel génétique ne peut être considéré


comme cause d’un comportement délinquant, tout au plus comme un
facteur de prédisposition. En effet, même à capital génétique proche,
l’environnement potentialise l’expression des gènes.

Les personnes qui travaillent avec des délinquants savent que les
condamnés ont souvent des parents délinquants (Osborn et West
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

avaient initialement situé cette proportion à 40 %). La génétique ne


peut être sérieusement considérée comme un facteur responsable
sans examen des études sur les jumeaux et sur les enfants adoptés.
Parmi les dossiers des tribunaux, des prisons et de la police analysés
par Wilson et Herrnstein, on retrouvait, pour les jumeaux mono-
zygotes, un taux de concordance criminelle plus élevé que pour les
jumeaux dizygotes. D’autres études, réalisées sur de nombreuses
années (Hutchings et Mednick), ont porté sur des jumeaux séparés

59
Introduction à la psychocriminologie

pendant deux ans pour les uns et vingt-trois ans pour les autres, et


ont comparé les résultats des deux échantillons. Les chercheurs ont
pu mettre en avant un facteur congénital dans la probabilité d’une
conduite criminelle. L’effet de la génétique repéré par Mednick dans
la commission de crimes contre les biens est net selon lui chez les
personnes d’intelligence plus faible. L’influence génétique apparaît
stable de l’enfance à l’adolescence pour le comportement antiso-
cial en général (Baker et al., 2009) de même que pour les mesures
d’agressivité proactive et réactive (Tuvblad et al., 2009). L’âge d’entrée
dans la délinquance est souvent considéré comme un modérateur des
effets génétiques dans la criminalité.

En revanche, Flint, Corley et DeFries (1995) ont montré des


marqueurs génétiques de traits psychologiques tels que l’émotion :
sur de petits échantillons toutefois, apparaissait une légère diffé-
rence lorsque le père biologique et le père adoptif étaient criminels
et lorsque les parents biologiques comme adoptifs étaient des crimi-
nels. L’une des études les plus connues a été publiée par Hutchings
et Mednick en 1984. Elle portait sur des fils adoptés. À plusieurs
reprises, la proportion de fils adoptés et condamnés pour crime a
été examinée. Une première étude sur 662 jumeaux a montré que
si le père biologique et le père adoptif étaient criminels, 36,2 % des
enfants qui n’avaient pas vécu ensemble pendant plusieurs années
étaient devenus criminels.

Schulsinger (1977, 1988) a par ailleurs identifié 57 psychopathes


parmi 4 853 enfants adoptés à Copenhague. Par rapport aux familles
biologiques de 57 enfants adoptés non psychopathes, toutes choses
étant égales par ailleurs (milieu, catégorie socioprofessionnelle,
âge à l’adoption, âge actuel), les familles biologiques des adoptés
psychopathes présentaient le plus de traits psychopathiques, alors
que ceux-ci ne connaissaient pas leur famille d’origine. De nombreux
travaux par la suite ont montré le rôle de l’hérédité dans la psychopa-
thie (Blonigen, Carlson, Kreger et Patrick, 2003 ; Viding, Blair, Moffitt
et Plomin, 2005) et notamment concernant les trois dimensions de
la psychopathie que sont la grandiosité/manipulation, l’insensibilité

60
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

émotionnelle et l’impulsivité/irresponsabilité (Larsson, Lichtenstein


et Andershed, 2006).

Pour ce qui concerne la criminalité, des études d’adoption


permettent de faire la part entre l’influence génétique et l’influence
de l’environnement. Dans un échantillon de plus de 4 000 garçons
adoptés (75 % avant l’âge d’un an et 88 % avant l’âge de deux ans), la
proportion de ceux devenus criminels était plus forte encore parmi
ceux dont les parents biologiques étaient criminels. Lorsque seuls les
parents biologiques étaient criminels, 19,6 % étaient devenus crimi-
nels. Lorsque les parents biologiques et les parents adoptifs étaient
criminels, l’étude a montré que 16,5 % étaient devenus criminels.
Lorsque seuls les parents adoptifs étaient criminels, 15,8 % étaient
devenus criminels. Enfin, dans le cas où aucun des quatre parents
n’était criminel, 15,3 % des enfants l’étaient devenus. Dans cette
étude les facteurs biologiques semblent donc plus déterminants que
les facteurs environnementaux. Il reste que globalement, le poids
des facteurs génétiques va dépendre des circonstances sociales et
des facteurs sociaux et environnementaux (voir la méta-analyse de
Rhee et Waldman, 2002). Une étude longitudinale sur des jumeaux
a montré que si l’un des jumeaux présentait un comportement anti-
social, l’autre le présentait également, à partir des évaluations des
parents, des enseignants et des enfants et adolescents eux-mêmes, le
taux de concordance dépassant les 90 % (Baker et al., 2008).

Les principales études d’adoption ont montré que le risque géné-


tique était amplifié dans un environnement négatif (tel que de la
maltraitance ou la présence à la maison d’un parent adoptif déjà
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

condamné par la loi). Inversement il existe des facteurs protecteurs


dans l’environnement, qui constituent une aide considérable contre-
balançant les prédispositions génétiques. Ce champ de recherches
reste extrêmement important et on attend beaucoup des résultats
de telles études.

La sociobiologie vise essentiellement à expliquer des phénomènes


humains à partir d’observations chez les animaux. Wilson, biologiste

61
Introduction à la psychocriminologie

américain, puis Jeffery aux États-Unis, et Buikhuisen aux Pays-Bas


ont fortement développé cette approche. Certains individus qui ont
des caractéristiques physiques mâles présentent un chromosome X
surnuméraire, ce qui constitue le syndrome de Klinefelter (XXY). Il
s’agit d’une erreur de division cellulaire avec différentes variantes
(XXY, XXXY, XXYY, XXXXY, XXXYY). La fréquence est de 1 sur 500
dans la population générale. Il existe des signes physiques (peu de
musculature, tendance à l’obésité, gynécomastie) et des troubles
neuromoteurs. Les enfants sont plus fragiles et plus vulnérables au
stress. Il n’existe pas véritablement de lien avec les délits sexuels,
bien que des cas de pédophilie et d’agression sexuelle commis par
des sujets atteints d’un syndrome de Klinefelter aient été rapportés.
Certains auteurs ont recensé plus de délits contre les biens chez les
XXY. Les recherches se poursuivent pour savoir notamment si des
cas de délinquance sexuelle peuvent être associés à un tel syndrome,
qui pourrait concerner un cas Klinefelter sur trois. Il existe d’autres
déterminants biologiques pouvant impliquer des comportements
criminels.

Les recherches dans le domaine génétique continuent à être réali-


sées, cherchant à identifier des gènes associés au comportement
violent, sans cependant apporter de constats véritablement fiables
(Tiihonen et al., 2014).

2.2.3 Importance des déterminants hormonaux

L’étude des hormones sexuelles a permis depuis longtemps de


constater que les hommes agressifs et les agresseurs sexuels avaient
un niveau de testostérone élevé. Le taux circulant de testostérone
serait lié aux actes de violence, mais on ne distingue pas de différence
selon le type de violence commise (sexuelle notamment). Certains
liens ont été faits entre taux de testostérone et réponse à la menace
agressive ou à la provocation, manque de tolérance à la frustration,
et plus grande prise de risque (Geniole et Carré, 2018 ; Van Honk et
al., 2004). Mednick et ses collaborateurs ont émis l’hypothèse que
les androgènes prénataux circulants prédisposaient le cerveau fœtal,

62
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

par un mécanisme biochimique, à une agressivité ultérieure accrue.


À l’inverse, un faible taux de testostérone présent depuis le début
du développement sexuel, comme c’est le cas dans le syndrome de
Klinefelter, ne semble pas empêcher le comportement sexuel agressif.
Au cours de l’adolescence, les hormones et le comportement ont une
influence réciproque.

Pour les personnes les plus violentes, on préconise des antian-


drogènes, telles la cyprotérone et la médroxyprogestérone, qui
affaiblissent l’agressivité et se révèlent agissantes sur certains délin-
quants sexuels. En ce qui concerne les femmes, certaines études
avancent qu’elles commettraient plus de crimes dans la période péri-
menstruelle (les 4 jours précédant et les 4 jours suivant les règles).
Un lien entre menstruations et criminalité n’est pas encore assuré-
ment démontré. D’autres informations sont connues d’un point de
vue biologique. Par exemple, les psychopathes montrent une plus
lente restauration de la conductivité de la peau par rapport à des
non-psychopathes. Cette mesure est corrélée avec la récidive. Une
étiologie biologique du comportement sexuel déviant n’a pas été
prouvée, sauf dans des cas de démence ou encore lors d’un usage
sérieux d’alcool ou de drogue, et dans des cas où le facteur biolo-
gique entraînait un problème de personnalité (image de soi, atteinte
intellectuelle).

De nombreux travaux ont été réalisés sur l’homme agressif mais


aussi à partir de domaines connexes à la biologie, dans le cadre
d’approches neurophilosophiques (Karli, 1987, 1995) ou neuropsy-
chologiques (Damasio, 1995, 2003, 2010) analysant le comportement
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

agressif ou violent et visant une appropriation (plaisir) ou la cessation


d’une action (expérience affective déplaisante ; Allain, 2000).

2.2.4 Biologie et développement cognitif


et comportemental

L’intelligence de 12 000 jeunes de 14 à 22 ans a été testée au


cours de quinze années. Herrnstein et Murray (1994), dans une

63
Introduction à la psychocriminologie

étude longitudinale réalisée aux États-Unis dans les années quatre-


vingt-dix (The Bell Curve), ont testé le QI d’adolescents et de jeunes
adultes, et leur ont fait passer des questionnaires de délinquance
autodéclarée. Ils ont montré que les jeunes avec un QI bas étaient
les plus criminalisés. Ils se sont demandé si une difficulté cognitive
représentée par un QI bas entraînait une désaffection de l’école,
une moins bonne capacité à évaluer les conséquences des actes ou
à se situer en société, et donc un plus fort taux de délinquance.
Ils ont avancé l’idée que les jeunes à QI faible étaient aussi ceux
qui se faisaient le plus appréhender, sans doute moins rusés que
d’autres pour échapper à la police. Par ailleurs, selon cette théorie,
un QI élevé pouvait éviter le développement d’un comportement
délinquant chez des garçons trouvant plus aisément un emploi et
s’insérant mieux dans la société.

L’effet Flynn (du nom du philosophe James Flynn) représente le fait


que la population mondiale ait en moyenne un gain en intelligence
de plusieurs points constatable tous les 50 ans. Toutefois cette évolu-
tion est limitée et ne concerne pas le vocabulaire ou l’intelligence
verbale. Il existe des délinquants au QI très élevé ou qui montrent
une certaine « intelligence » dans leurs méfaits, mais ceci reste rare.

Recensant de nombreuses études, Jeffery met en évidence que


les délinquants non incarcérés ont un QI moyen de 90 à 93 (selon
les études) et les délinquants incarcérés, un QI moyen de 85. La
plupart des études montrent une différence de cinq à six points.
Cela dit, Goodman et d’autres considèrent ces différences comme
représentant une variation normale dans la population et estiment
que ces quelques points peuvent être associés au mensonge, au
vol et aux troubles des conduites. Il est connu que les dispositions
émotionnelles déterminées par la biologie entrent dans le traite-
ment de l’information et la détermination comportementale, et
que les variables sociales ou le degré de scolarisation ont une forte
influence sur le développement de l’intelligence. Ceci peut expliquer
pourquoi de nombreuses recherches font état d’un QI inférieur des
criminels.

64
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Il reste de nombreuses questions quant au lien entre le QI et l’intelli-


gence (Leman-Langlois, 2007 ; Loeber et al., 2012). La première repose
sur la supposition que le QI est mesuré de façon unifiée, ce qui n’est
pas certain. Cette mesure n’intègre pas les variables familiales et d’édu-
cation, susceptibles de modifier radicalement le QI dans le temps.
Enfin, les études devraient porter sur une délinquance autodéclarée
plutôt que répertoriée. Malgré ces réserves, il faut reconnaître que les
programmes antirécidive destinés aux détenus et intégrant l’acquisi-
tion de compétences cognitives donnent les meilleurs résultats.

Par ailleurs, les recherches sur les troubles de l’apprentissage et la


délinquance juvénile ont commencé tôt et sont actuellement complé-
tées par les études sur les enfants hyperactifs. En effet, le nombre
d’enfants hyperactifs augmentant, le traitement par Ritaline a poussé
des chercheurs à mieux comprendre les liens entre ce qu’on appelle
aujourd’hui le trouble/déficit de l’attention avec hyperactivité et la
délinquance. La proportion des troubles d’apprentissage (au sens
d’attention) est grande. Les enfants atteints de TDAH ont plus de
risque de quitter l’école, d’avoir un niveau scolaire plus faible, d’avoir
peu d’amis, de devenir délinquants, et d’avoir des grossesses adoles-
centes. Or l’hérédité de ces enfants montre un même type de déficit
de l’inhibition et de la concentration que celui qu’ils présentent. Leur
génétique se renforce à travers l’environnement. L’étude de Tuvblad
et al. (2009) montre que la covariation entre le comportement anti-
social et le trouble déficit de l’attention est en partie expliquée par
les gènes. Les études sur les jumeaux montrent que l’environnement
familial agit peu sur l’apparition du trouble, ce qui est en faveur
d’une étiologie génétique pour une plus faible part renforcée par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des facteurs environnementaux.

Des recherches sont réalisées dans d’autres directions, notamment


celle de la physiologie des émotions. Une des hypothèses a été de consi-
dérer que les psychopathes avaient des difficultés à ressentir de la peur
ou de l’anxiété. Leur activité électrodermale a été étudiée. Elle a permis
de rendre compte de la physiologie des émotions, le système nerveux
autonome innervant les glandes sudoripares de la peau et initiant un

65
Introduction à la psychocriminologie

potentiel électrique. Cette activité semble plus faible que celle d’indi-
vidus non psychopathes qui supportent des conséquences punitives à
un degré inhabituel. Dans leur cas, une stimulation déplaisante semble
donc moins anticipée, peut-être du fait d’un niveau d’anxiété moindre ?
Des études montrent l’existence d’un déficit frontal ventral chez les
psychopathes, qui n’existe pas chez les non-psychopathes. Les lésions
ventrales causent en général une grande distractibilité, de l’irritabi-
lité, une désinhibition des pulsions sexuelles, une hyperréactivité,
une impulsivité, une absence de considération des conséquences des
comportements, une absence d’altruisme, une tendance à commettre
des actes antisociaux et violents. Ce n’est pas le cas par exemple des
lésions dorso-latérales, qui engendrent des troubles de l’orientation
temporo-spatiale, de l’apathie et une absence de la spontanéité dans les
réactions. La recherche intègre donc des données issues de la neuro-
psychologie de façon à traiter au mieux ces patients.

Sur le plan développemental, citons les effets des troubles préna-


tals. L’existence de liens entre délinquance et tabagisme maternel
pendant la grossesse a été montrée (Hodgins, Kratzer et McNeil,
2002) et, ce, quelles que soient la situation socioéconomique, les
éventuelles maladies mentales, la délinquance des parents ou la
consommation d’alcool. Les mères enceintes qui fument sont aussi
plus nombreuses à être délinquantes. Par ailleurs, des « anomalies
physiques mineures » sont des troubles fréquents dans la popula-
tion générale, mais on a constaté que le cumul de plusieurs d’entre
elles était lié à un certain nombre de troubles et notamment à la
délinquance violente. De plus, les enfants exposés au cannabis en
période prénatale seraient plus hyperactifs, distraits et impulsifs que
les autres (Day et al., 2011 ; Goldschmidt et al., 2000), même si une
fois à l’adolescence, certaines de ces déficiences semblent s’être atté-
nuées (Fried et al., 2003). L’exposition prénatale au cannabis pourrait
contribuer à une initiation précoce et à une fréquence accrue de la
consommation de substances (Porath et al., 2005), ainsi qu’à des
comportements agressifs (Sonon et al., 2015). Dans le même ordre
d’idées, on estime que les délinquants à vie sont des gens différents
des délinquants adolescents. Dans le cas des premiers, Moffitt a émis

66
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

l’hypothèse que les problèmes neuropsychologiques de l’enfant inte-


ragissaient pendant tout son développement de façon cumulative
avec son environnement criminogène, pour aboutir à une person-
nalité pathologique.

D’autres hypothèses ont été élaborées à partir de bases neuro-


anatomiques ou neurochimiques.

2.3 Neuroanatomie et neurochimie

Le substrat pour le comportement agressif est organisé et


influencé par deux classes d’hormones sexuelles : les œstrogènes et
les androgènes. Il est modifié par le stress et par le système hormonal
qui, en retour, transforment l’attitude par rapport au stress, incluant
les neuromodulateurs, tels que l’hormone corticolibérine (CRF,
corticotropin-releasing factor) et l’axe hypophysio-surrénalien.
Il est affecté par de nombreux neurotransmetteurs (sérotonine,
norépinéphrine, dopamine, acétylcholine et acide gamma-amino-
butyrique, GABA).

Chez l’animal, l’agression implique surtout l’aire hypothalamique


latérale, l’hypothalamus médian et la substance grise péri-acquedu-
cale, qui entrent en résonance avec la réactivité émotionnelle propre
à chaque sujet, concernant notamment le septum et l’amygdale.
Pourtant, ces découvertes ne peuvent être étendues stricto sensu à
l’homme. En effet, chez l’homme interviennent des structures plus
nombreuses mais aussi des phénomènes tels que la mémoire, la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

culture, les échanges au sujet des expériences.

Actuellement, le lobe frontal est le sujet de nombreux travaux : une


lésion de la région orbito-médiane entraîne une impulsivité et des
activités non appropriées. Les structures temporales et frontales sont
principalement invoquées dans le cas des meurtriers ou des hommes
violents, même si des localisations multi-sites sont analysées pour les
comportements violents.

67
Introduction à la psychocriminologie

Les études de neurochimie montrent qu’un déficit de neurotrans-


metteurs, en particulier les amines et la sérotonine, est impliqué dans
l’agressivité et la psychopathie (Anderson et Kiehl, 2013). La dopamine
est liée à des problèmes d’apprentissage et à des troubles psychiques
(troubles de l’attention, de l’apprentissage, schizophrénie notam-
ment). La consommation de cocaïne, laquelle inhibe le transporteur
présynaptique de la dopamine, peut déclencher des comportements
agressifs ou violents. Le déficit de sérotonine est lié à une agressivité
plus forte, à une impulsivité et à une tendance suicidaire. Son rôle dans
l’agressivité est maintenant mieux connu et a permis de mettre au
point des substances séréniques calmant l’impulsivité et l’agressivité
par stimulation des récepteurs post-synaptiques (5HT1B).

On sait également que la norépinéphrine est liée à un compor-


tement antisocial, l’acétylcholine à la dépendance (alcoolique,
toxicomaniaque). Il ne faudrait pas en conclure que le fait de combler
l’un ou l’autre de ces déficits supprimerait tout problème. En effet,
si un déficit est présent, il prend sa mesure à partir du vécu et de
l’environnement. Il existe des personnes qui présentent un déficit
sérotoninergique et qui ne sont pas pour autant agressives. Il apparaît
que la sérotonine est négativement corrélée avec l’agressivité affective
tandis que la norépinéphrine, la dopamine et l’acétylcholine le sont
positivement. Inversement, la sérotonine, la norépinéphrine et la
dopamine sont négativement corrélées avec l’agressivité prédatrice
tandis que l’acétylcholine l’est positivement.

L’équilibre de ces neurotransmetteurs va de pair avec un équilibre


dans la gestion des émotions et du stress. Toutefois, les recherches ne
permettent pas d’affirmer qu’un apport de sérotonine, par exemple,
pourrait limiter l’agressivité. Le déficit des fonctions exécutives repéré
chez des jeunes et localisé au niveau des lobes frontaux concerne
l’attention, la concentration, le raisonnement, l’inhibition de compor-
tements inappropriés (Seguin et al., 1999).

Le lien entre biologie et criminalité peut se faire à divers niveaux :


des gènes peuvent être présents de façon différente chez les criminels

68
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

et intervenir comme facteur causal ou précipitant, c’est ce que


défendent Glenn et Raine (2014), indiquant qu’entre 40 et 60 % de
la variance du niveau de psychopathie des personnes serait d’ori-
gine génétique ; des neuromédiateurs peuvent influencer l’agressivité
(Calzada-Reyes, 2013 ; Schug et al., 2011). Enfin, certains facteurs
comme une intelligence limitée peuvent constituer un frein dans la
prise de décision. L’intrication des facteurs sociaux et de personnalité
rend plus complexe l’analyse biologique et neuropsychologique de
tels comportements.

Les explications du crime ne tiennent pas seulement compte


des aspects biologiques mais aussi des aspects sociaux. La vie des
personnes en société constitue le substrat de théories sociales et
psychologiques du crime.

3. Les théories sociales et psychologiques


contemporaines du crime

3.1 Les théories culturalistes

Comme leur nom l’indique, les théories culturalistes s’appuient sur


la considération des difficultés liées à l’acculturation de migrants et
aux racines de la délinquance. Selon elles, la délinquance est la résul-
tante d’une désorganisation sociale et morale due à des problèmes
dans l’organisation de la société renforcés par l’immigration. Elle est
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

également le fruit d’associations entre délinquants et la conséquence


de conflits de culture ou de tensions propres aux individus.

3.1.1 La désorganisation sociale et morale

L’idée du crime comme résultant d’une désorganisation sociale et


morale vient de la rencontre de chercheurs avec certains quartiers
se désorganisant peu à peu et devenant criminogènes. Ces quartiers

69
Introduction à la psychocriminologie

hébergent différentes communautés ethniques, dans une certaine


pauvreté, parmi lesquelles se trouvent beaucoup de familles vivant
d’aides sociales. Des déménagements fréquents empêchent une
certaine stabilité de la population et le développement d’un véritable
support social (amis, voisins, famille). Ces quartiers sont peu ou mal
surveillés, la délinquance s’y développe aisément.

C’est surtout l’école de Chicago qui a développé l’idée d’un lien


entre pauvreté et délinquance, à partir de l’analyse des événements
qui s’étaient déroulés dans cette ville. En près de cent ans (1840-
1930), la population de Chicago a augmenté de plus de 800 %. Plus de
la moitié de la population n’était pas constituée d’Américains, mais
principalement d’Allemands, de Russes, de Polonais ou d’Irlandais.
La croissance économique de la ville a contribué au développement
de certains quartiers difficiles. Les sociologues ont alors décidé
d’étudier sur le terrain les bandes d’adolescents dans les quartiers
pauvres. Trasher, par exemple, a recensé 1 313 gangs dans Chicago
et étudié leur localisation dans la ville et leur mode de structuration.
On a donc assez tôt montré le lien entre désorganisation sociale et
délinquance.

Clifford Shaw, sociologue des années trente à Chicago, a montré


que la délinquance pouvait être expliquée par l’existence de zones
urbaines de « détérioration morale », dénommées delinquency areas.
Ces zones fortement criminalisées accueillent des personnes socio-
économiquement défavorisées. Avec Henry McKay, Shaw a entamé
la lecture de dossiers de jeunes délinquants de ces quartiers sur trois
périodes de six ans, entre 1900 et 1933. Ils ont distingué les zones
limitrophes au centre-ville, dans lesquelles la désorganisation de
l’ordre social était plus importante que dans les autres quartiers, du
fait de taux plus élevés de chômage, de suicide, de familles séparées,
de présence de criminalité adulte. Ces zones comptaient plus de
délinquance juvénile. Ils ont décrit les 3 D des désavantages liés à la
pauvreté : dommages physiques, dégradation sociale, détérioration
morale. Les habitants y résidaient quelque temps avant de démé-
nager, la mobilité y était importante. Plus intéressante encore est

70
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

leur découverte selon laquelle dans le temps, quels que soient les
habitants (Polonais, Allemands, Italiens, etc.), le taux de criminalité
dans certains quartiers restait semblable, ce qui penche en faveur de
la thèse de « quartiers criminogènes ». Shaw et McKay se sont lancés
dans de vastes projets de prise en charge de ces jeunes en s’appuyant
sur les communautés elles-mêmes et sur leurs propres ressources
(église, sport, famille, etc.) et en repérant les plus opérantes pour
créer des associations, réhabiliter les quartiers et organiser des
loisirs.

De nombreux autres travaux ont ensuite décrit les liens entre les
caractéristiques des quartiers et leurs taux de criminalité. Ils varient
cependant en ce qui concerne l’importance de facteurs comme le
faible revenu, la mobilité résidentielle, la composition ethnocultu-
relle, l’efficacité collective, c’est-à-dire le degré de confiance et de
réciprocité dans un quartier, et la désorganisation sociale caractérisée
par la diminution de l’influence des règles sociales sur le comporte-
ment (Brantingham et Brantingham, 1981 ; Cohen et Felson, 1979 ;
Roncek et Maier, 1991 ; Sampson et Lauritsen, 1997).

Cette théorie de la désorganisation sociale qui associe ville et


délinquance a fondé des travaux des années quatre-vingt-dix (voir
Cusson, 1998).

Des doctrines actuelles poursuivent également l’idée selon laquelle


la désorganisation doit être repérée comme facteur criminogène. La
théorie dite de la « fenêtre brisée » souligne que le fait de laisser des
bâtiments ou des automobiles abandonnés (Wilson et Kelling, 1982)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entraîne une multiplication des incivilités (fenêtres brisées, graffitis,


ordures abandonnées). Ces éléments peuvent être pris comme causes
ou comme effets.

Cette théorie s’appuie sur une expérience du psychologue Philip


Zimbardo, de l’université de Stanford. Dans une rue du Bronx, à
New York, il a fait déposer une voiture sans plaque d’immatricu-
lation, capot ouvert. La voiture a été peu à peu mise en pièces : au

71
Introduction à la psychocriminologie

bout de 10 minutes, la batterie et le radiateur ont été prélevés. Au


bout de 24 heures, toutes les pièces importantes avaient disparu. Puis
le temps de la destruction est arrivé : vitres brisées, sièges lacérés.
Enfin, ce qui subsistait de la voiture est devenu un terrain de jeu pour
les enfants. Zimbardo a fait la même expérience dans une rue d’un
quartier calme de Palo Alto, en Californie. Au bout d’une semaine,
le véhicule était toujours intact. Zimbardo a pris alors une masse et
il a commencé à casser la voiture. Des personnes du quartier l’ont
rejoint et la voiture a été renversée puis détruite en quelques heures.
Cette expérience montre le changement de comportement suscité
par le message implicite du véhicule vandalisé. Elle précise comment
le désordre remet en cause un des principes des sociétés libérales, qui
est le respect du droit de propriété. La théorie des « fenêtres brisées »,
bien connue de toutes les politiques de lutte contre les incivilités,
montre combien les dégradations suscitent de nouvelles détériora-
tions. Elle a été validée en prenant la délinquance comme variable
dépendante et les facteurs économiques et sociaux comme variables
indépendantes, le degré de désordre du quartier étant une variable
médiatrice. Selon cette théorie, toutes choses égales par ailleurs, la
délinquance ordinaire dépend principalement du degré de désordre
du quartier (Gassin, 2003 ; Skogan, 1990).

Sutherland a estimé devoir compléter cette approche en inté-


grant l’influence des autres sur le développement et la poursuite du
comportement délinquant.

3.1.2 L’association différentielle (Sutherland)

Pour Sutherland, le comportement criminel est appris, au contact


d’autres personnes, essentiellement à l’intérieur d’un groupe
restreint. Cet apprentissage comporte des techniques, des raison-
nements, des attitudes. Le principe de l’association différentielle
fonctionne pour les délinquants pour lesquels l’interprétation des
règles est principalement négative ; ce principe vaut inversement
pour les non-délinquants, pour lesquels les règles sont à prépon-
dérance positive.

72
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Cette théorie ne retient pas les explications biologiques ou


héréditaires de la criminalité (Sutherland l’évoque en 1924 dans
son ouvrage intitulé Criminology, qu’il révisera et publiera cinq
fois jusqu’en 1947). L’intérêt de Sutherland (1947) est d’insister
sur les facteurs sociologiques et d’introduire des facteurs indi-
viduels comportementaux dans l’analyse du crime. Il considère
que la délinquance est apprise par association avec des individus
délinquants. Le comportement criminel découle, comme d’autres
comportements, de processus d’influence. Le principe de l’associa-
tion différentielle de Sutherland pose qu’un individu appartient,
tout au long de sa vie, à des groupes (famille, amis, etc.), qui jouent
un rôle fondamental dans son entrée ou non dans la délinquance.
L’association différentielle indique que le groupe est plus porteur
de valeurs délinquantes que de valeurs non délinquantes, ce qui
conduit l’individu à faire reposer sa décision sur ce rapport de forces
et à adopter le comportement le plus valorisé. Les adolescents qui
vivent dans un milieu pauvre ont plus de risque de rencontrer des
jeunes délinquants et donc d’adopter leurs valeurs, par association
différentielle. Les délinquants sont semblables aux autres individus.
Ils s’affilient comme eux et choisissent les valeurs de leurs pairs tout
comme d’autres le font. Sutherland rappelle que tous ont le même
but d’enrichissement : certains le réalisent par le travail, d’autres
par le vol. On a reproché à Sutherland de faire de l’individu un
être principalement marqué par son milieu, ses amis, sans véritable
capacité de choix.

Sa théorie des associations différentielles repose sur neuf points,


les quatre premiers étant les plus importants (Sutherland et Cressey,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1966) :
1. Le comportement criminel est appris ; en termes négatifs, cela
revient à dire que le comportement criminel, en tant que tel, n’est
pas héréditaire.
2. Il est appris au contact d’autres personnes par un processus de
communication.
3. Il s’apprend surtout à l’intérieur d’un groupe restreint de relations
personnelles.

73
Introduction à la psychocriminologie

4. Lorsque la formation criminelle est apprise, elle comprend : a)


l’enseignement des techniques de commission de l’infraction,
parfois très complexes et parfois très simples, b) l’orientation
des mobiles, des tendances impulsives, des raisonnements et des
attitudes.
5. L’orientation des mobiles et des tendances impulsives est fonc-
tion de l’interprétation favorable ou défavorable des dispositions
légales.
6. Un individu devient criminel lorsque les interprétations défa-
vorables au respect de la loi l’emportent sur les interprétations
favorables.
7. Les associations différentielles peuvent varier quant à la fréquence,
la durée, l’antériorité et l’intensité.
8. La formation criminelle par association avec des modèles crimi-
nels ou anticriminels met en jeu les mêmes mécanismes que ceux
impliqués dans toute autre formation.
9. Tandis que le comportement criminel est l’expression d’un
ensemble de besoins et de valeurs, il ne s’explique pas par ces
besoins et ces valeurs puisque le comportement non criminel est
l’expression des mêmes besoins et des mêmes valeurs.

Il est clair que selon cette théorie des associations différentielles,


tout individu assimile le milieu dans lequel il vit, sauf à ce qu’il soit
contrecarré par un autre modèle.

En complément de cette approche, Louis Wirth (dans un article


intitulé « Le phénomène urbain comme mode de vie ») a indiqué que
le jeune délinquant était placé dans un conflit de culture lorsqu’il
voyait sa culture méprisée par les autres et ne pouvait plus dès lors
la reconnaître comme sienne.

S’intéressant au milieu du travail, Sutherland a mis en évidence la


protection dont certains délinquants bénéficiaient en quelque sorte
du fait de leur statut social. C’est le cas de certaines formes de crimi-
nalité comme la délinquance des milieux d’affaires, dite délinquance
en col blanc. Sutherland s’est demandé pourquoi un individu faisait

74
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

son entrée dans la délinquance et y demeurait ou, au contraire, pour-


quoi il n’y entrait ou n’y demeurait pas. On n’est pas loin de l’analyse
psychologique du comportement criminel.

Pour Robert Merton (1938), la déviance surgit quand, au lieu


d’accepter les objectifs et les moyens institutionnalisés, une
personne cherche de nouvelles modalités d’adaptation. Il s’est
également intéressé à l’association différentielle. Il a recensé cinq
grands types d’adaptation dépendant de l’attitude du jeune vis-à-vis
des valeurs de la société. Le jeune qui se montre conformiste admet
les valeurs de la société et y adapte sa conduite. Celui qui est inno-
vateur développe des objectifs reconnus et socialement valorisés,
y compris parfois en ayant recours à des moyens condamnables.
Le jeune qui favorise le ritualisme respecte les normes sociales
mais les isole des valeurs ; il pourra mettre en avant son obéis-
sance à l’autorité. Celui qui devient marginal se retire du milieu
social, tandis que le rebelle ou le révolutionnaire refusent valeurs
et normes et luttent contre des règles édictées. Il ne faut donc
pas négliger, selon Merton, l’importance des facteurs sociaux qui
poussent à la déviance.

Cependant, à elle seule, la théorie des associations différentielles


ne suffit pas à expliquer toute la délinquance. Considérée en lien avec
la théorie du contrôle social (Hirschi), elle apparaît plus complète.

3.1.3 Les conflits de culture (Sellin)

Thorsten Sellin, en 1938, se situe dans la même perspective cultu-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

raliste que Sutherland. Il estime que plus grand est l’écart entre la
culture de naissance et la culture du lieu de vie, plus fort est le risque
de délinquance. Il repère deux types de conflits :
1. lorsque la culture de l’immigrant s’oppose à la culture du pays
d’accueil ;
2. ou lorsque des éléments de l’ancienne culture continuent à être
transmis par les parents aux enfants nés sur le sol de la terre
d’accueil.

75
Introduction à la psychocriminologie

L’idée sous-jacente est qu’un groupe familial fort peut contreba-


lancer une culture délinquante d’un groupe de pairs.

Dans cette perspective, Ronald Akers, à travers la théorie de l’ap-


prentissage social, et Robert Clark, à travers la théorie des groupes
de référence, ont cherché à développer l’idée d’un comportement
déviant appris. Le modèle est le conditionnement opérant, qui fait
intervenir pour un meilleur apprentissage l’administration d’une
récompense ou l’annulation d’une punition. Un comportement est
d’autant mieux acquis :
– qu’il permet un renforcement différentiel, c’est-à-dire qu’il
procure plus de bénéfice et moins de punitions par rapport à
un comportement inverse ;
– qu’il suit l’influence des groupes sociaux affiliatifs (copains,
famille, école, etc.).

Le comportement déviant s’acquiert suivant deux conditions : un


renforcement différentiel par rapport à un comportement confor-
miste (ou autrement déviant) et la reconnaissance de l’entourage,
le comportement déviant étant valorisé ou au moins perçu comme
une nécessité.

Jeffery (1965) estime que la théorie de Sutherland ne fait pas assez


de place à des états organiques, émotionnels, à des raisons sociales qui
conduisent au crime. Il pense que le délinquant n’est pas parvenu à
se construire à partir de modèles identificatoires parentaux, culturels
et sociaux dont certains étaient défaillants et que, de ce fait, il est
comme un aliéné social n’ayant pas adopté les valeurs de la société.
Sutherland n’intègre pas le fait que les produits du crime renforcent
celui-ci, tout comme l’absence de punition. Plutôt qu’une absence
de punition, il souligne l’idée de ne pas être pris, ce qui rapproche la
conception de Jeffery d’une théorie du contrôle social.

76
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

3.1.4 Les théories de sous-culture


(Cloward et Ohlin ; Cohen)

En combinant les associations différentielles de Sutherland et


Merton, la désorganisation sociale de Shaw et McKay et l’anomie
durkheimienne, des chercheurs se sont situés conceptuellement
au-delà des culturalistes, en étant proches des théoriciens de la tension.
Ces chercheurs, Cloward et Ohlin (1960), ont réuni dans une théorie
l’anomie, les associations différentielles de Sutherland et Merton et
la désorganisation sociale de Shaw et McKay. Leur idée est que la
position dans la structure sociale des individus a peu de probabilité
d’être modifiée et que ces individus cherchent une réponse à la tension
générée (on retrouve la théorie de Merton). Selon Shaw et McKay,
certains jeunes répondent à cette tension par la délinquance. Dans
ce cas, les pairs peuvent constituer des modèles pour l’acquisition de
biens (on retrouve l’association différentielle). D’autres répondent
à cette tension par la délinquance mais sans véritable structuration
ni modèle. Dans ce cas, la délinquance se réalise tous azimuts et est
plus aisément réprimée. Aucune intégration ne se fait à la société.
D’autres encore, n’ayant choisi ni la délinquance par affiliation ni la
délinquance désordonnée, privilégient la consommation de drogue
pour répondre à la tension et se rallient à d’autres toxicomanes.

Cohen (1955, 1967) explique la délinquance juvénile par l’opposi-


tion au modèle valorisé par le système scolaire (l’ambition, les valeurs
autres que celles de la classe ouvrière). L’adolescent délinquant se
situe en dehors du modèle de l’école et se trouve rejeté par l’institu-
tion ; il abandonne peu à peu l’effort de conformisme et adopte une
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sous-culture délinquante. Cette idée de sous-culture délinquante


n’est pas présente chez Matza (1964), car elle repose sur la considéra-
tion de valeurs délinquantes différentes des valeurs non délinquantes
et suppose que le délinquant conforme ses actes à ses valeurs. En
d’autres termes, le délinquant est baigné dans la même culture que
tous : il connaît les lois, la valeur de la punition, les valeurs morales.
La référence des délinquants n’est donc pas une sous-culture mais
bien la culture dominante.

77
Introduction à la psychocriminologie

3.2 Les théories de la tension

Toute société crée des dysfonctionnements susceptibles de générer


de la délinquance. Dans une société donnée, les individus tendent à
s’accorder sur des normes, des interdits, des valeurs, qui fondent les
liens et qui favorisent le développement d’une certaine conscience
commune. Les problèmes liés à l’accès difficile au modèle existant
de réussite sociale et de bien-être entraînent une frustration chez
certains individus qui n’espèrent plus en la société. L’absence de soli-
darité, la désagrégation des liens sociaux marquent la perte de ces
valeurs communes.

On rattache couramment à ces théories les travaux de Durkheim


sur l’anomie. Une société anomique est une société malade, qui se
dégrade par manque de règles morales et juridiques. Le passage à
l’acte n’est plus le point de mire. La réaction sociale devient l’objet
d’étude. Le crime devient partie intégrante de la société et, ce, de
façon quasi inéluctable. La théorie de l’anomie a eu un retentissement
très fort, en insistant sur le fait que les individus se sentant poussés
vers un objectif qu’ils ne peuvent atteindre se trouvent frustrés. Ces
avancées n’ont été reprises que bien plus tard en sociologie criminelle.

Les défenseurs de ces théories de la tension (strain theories) sont


principalement Merton et Cohen. Merton considère que la struc-
ture sociale est plus responsable d’anomie que la pauvreté. La preuve
en est selon lui que dans les pays pauvres, la délinquance se déve-
loppe moins que dans les pays riches. Les individus qui se sentent
exclus de la société et de ses valeurs considèrent qu’ils n’ont pas eu la
même chance que les autres. L’anomie est invoquée pour expliquer
l’écart entre le souhait d’intégration dans une société et l’impossibi-
lité ressentie de sa réalisation, qui conduit à la délinquance certains
individus issus de milieux défavorisés. Merton (1938) souligne l’im-
portance d’une tension entre les buts du groupe social poussant à
l’acquisition de biens et le travail nécessaire pour les obtenir léga-
lement. De ce fait, le recours à des moyens illégaux est le moyen
pour l’adolescent ou l’adulte de résoudre cette tension. Les différents

78
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

modes de réponse à la tension vont, selon Merton, de la conformité


au groupe à l’innovation (l’innovation en s’efforçant par de nouveaux
moyens illicites d’obtenir ce que les autres ont obtenu de façon licite),
à la rébellion ou au retrait dans la marginalisation. Ces moyens
peuvent constituer un substrat pour la délinquance. Les théories de
la tension considèrent que la plupart des individus sont honnêtes et
ne sont pas portés à la délinquance, sauf en cas de soumission à une
forte tension. Elles mettent en avant le conflit intérieur dans lequel
se trouve l’individu, conflit généré par le milieu social (généralement
pauvre), l’association avec des pairs (généralement des garçons) et
l’âge (adolescent ou jeune adulte).

Cohen estime également que la théorie de l’anomie rend surtout


compte de la délinquance économique des milieux défavorisés et peu
des jeunes qui répondent par la délinquance à une tension liée à leur
recherche identitaire ou à un sentiment d’injustice subie. La théorie
de la tension est donc assez partielle.

3.3 Les théories rationalistes

Ces théories cherchent à montrer que les causes du comportement


délinquant ne se trouvent pas uniquement dans tel ou tel facteur
précis ou dans leur combinaison car l’individu a une part non négli-
geable de responsabilité dans son entrée dans la délinquance. Sykes
et Matza (1957), notamment, considèrent qu’il faut une certaine
rationalité des délinquants pour adopter cette conduite, car il leur
faut acquérir certaines techniques. Selon eux, les délinquants ne
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sont pas totalement délinquants ; ils adoptent des comportements


déviants mais aussi des comportements conventionnels. La théorie
de la « neutralisation » de Sykes et Matza pose que les délinquants
cherchent à échapper à la demande qui leur est faite de présenter des
comportements conventionnels. Les auteurs listent des techniques
de neutralisation : déni de responsabilité, déni du mal fait à autrui,
déni de la victime ou de son attitude, condamnation de tous ceux qui
commettent les mêmes actes. Ces techniques annihilent, neutralisent

79
Introduction à la psychocriminologie

les effets jusque-là inhibiteurs liés à l’engagement et représentent des


justifications à violer la loi pénale.

Des enquêtes de délinquance autorévélée en France ont prouvé que


les faits de délinquance étaient commis par des personnes de toutes
les classes sociales. Cela suffit pour démentir le lien trop souvent
opéré entre pauvreté et délinquance. L’augmentation sérieuse de la
délinquance à partir des années soixante dans les pays occidentaux a
continué à entamer les théories culturalistes, qui ne pouvaient expli-
quer une telle croissance et qui ont dû abandonner la thèse de la
pauvreté comme responsable de la délinquance.

La théorie du contrôle social avec Hirschi affirme que chaque


individu est un délinquant potentiel : en fonction des circonstances,
quelqu’un peut commettre différents actes délinquants. Dès lors, il
ne s’agit plus de chercher à comprendre pourquoi certains sont délin-
quants, mais pourquoi les autres ne le sont pas. Pour Gottfredson et
Hirschi (1990), toute personne qui ne s’engage pas dans la délinquance
possède des facultés de contrôle personnel. Selon Hirschi, c’est la force
du lien de l’individu à la société qui garantit des conduites sociales
conformes à la loi tandis qu’une faiblesse de ce lien est corrélée à
la commission d’actes délinquants. Chez l’adolescent, le lien social
s’exprime préférentiellement à travers l’école, la famille et les pairs.

La théorie du contrôle social souligne l’importance des liens


sociaux, qui participent de ce contrôle sous quatre formes : l’atta-
chement, l’engagement, l’implication et la conviction.

Quand les liens aux membres de la société ou du groupe social


sont distendus, l’individu ne bénéficie plus de leur effet inhibant le
comportement délinquant. Il se trouve seul face à la loi, avec ses
motivations propres pour la respecter. L’attachement des délinquants
à la société constitue donc un élément important, on ne peut pas
considérer que l’existence ou l’inexistence de ce lien leur soit égale.
La capacité d’attachement correspond aussi à la possibilité de tenir
compte de l’avis d’autrui.

80
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Cette théorie insiste aussi sur la notion d’engagement, qui recouvre


la participation : un individu qui est engagé dans une vie sociale
(famille, travail, etc.) respecte les lois pour éviter des conséquences
néfastes sur le système qu’il a mis en place pour sa vie. Les personnes
qui s’engagent dans la délinquance ont un faible contrôle d’elles-
mêmes. Elles ont également beaucoup de difficultés à garder un
travail et des relations affectives. Elles sont plus promptes à déve-
lopper des conduites délinquantes, probablement parce que le coût
induit par ces conduites leur apparaît moindre que celui de conduites
conventionnelles. Nous reviendrons sur cette notion de contrôle de
soi et d’apprentissage des règles sociales, qui renvoie au processus
développemental de l’enfance.

La troisième forme est l’implication, qui représente un autre facteur


protecteur vis-à-vis de la délinquance. Si un jeune est impliqué dans
une activité éloignée de la délinquance, et en fonction de son degré
d’implication, il est protégé par cette implication. C’est le cas de beau-
coup de jeunes qui s’investissent dans le sport ou la musique et qui
sont moins sujets à des sollicitations délinquantes.

La dernière forme est la conviction en l’intérêt des normes sociales,


car le comportement adopté est fonction de la croyance ou de la
certitude de la fiabilité de cet investissement.

Les théories dites du choix rationnel insistent sur le fait que le


délinquant réalise des choix en pesant le pour et le contre. En quelque
sorte, il fait un calcul au moment de ses choix. Le life style model
entre dans ce cadre, car les personnes fréquentant des délinquants
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ou les mêmes lieux que des délinquants sont plus vulnérables à la


délinquance. On associe souvent ces théories du choix rationnel à
trois autres théories (Gassin, 2003) : celle des opportunités de Cohen
et Felson, celle de l’analyse stratégique de Cusson et celle de l’analyse
géographique de la criminologie de Brantingham.

81
Introduction à la psychocriminologie

3.4 La théorie des opportunités

Ce que la théorie des opportunités apporte de nouveau consiste à


dire que la criminologie augmente proportionnellement aux oppor-
tunités criminelles, c’est-à-dire aux situations qui se présentent aux
délinquants potentiels. Cohen et Felson (1979) ne s’intéressaient pas
aux raisons individuelles qui poussent au crime mais aux facteurs
sociaux qui créent des opportunités. Ils choisissent d’analyser le
crime à partir des caractéristiques du criminel plutôt que de celles
du contrevenant.

Les opportunités sont repérables à travers trois éléments conver-


gents : un délinquant motivé, une cible intéressante et l’absence de
gardien. Si l’un des trois éléments manque, le risque est moindre,
mais lorsque tous sont réunis, il est maximal. On peut ainsi remar-
quer une augmentation des situations cibles depuis que nombre
d’hommes et de femmes travaillent : les lieux d’habitation sont laissés
sans surveillance plus longtemps. En outre, il existe si peu de gardiens
d’immeubles que leur présence dans un endroit donné est ponctuelle.
Les délinquants peuvent d’autant plus aisément répondre à la tension
que leur projet se trouve en phase avec certaines opportunités créées
par la société, facilitations involontaires de la part des victimes. Si
les opportunités se multiplient, les vols, cambriolages et crimes sont
plus nombreux.

Cette théorie met l’accent sur les facteurs situationnels provoquant


l’occasion criminelle. En ce sens, elle opère un certain rééquilibrage
avec les théories fondées sur les caractéristiques biologiques ou
psychologiques, ou encore sur les conditions socioéconomiques.
En outre, elle prépare le domaine de la prévention situationnelle,
que nous avons évoquée par ailleurs dans son fonctionnement en
Europe (Blatier et Robin, 2000), qui consiste à mettre hors d’atteinte
les cibles potentielles, par divers systèmes de vidéosurveillance,
d’alarme et de protection. Il reste qu’il est plus difficile pour des
personnes de se prémunir d’une victimisation potentielle en matière
de crime.

82
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

3.5 L’analyse stratégique

L’expression « analyse stratégique » recouvre différentes appel-


lations antérieures : la théorie des choix rationnels, la théorie des
opportunités et la criminologie de l’acte (Tremblay, Cusson et
Clermont, 1992). L’analyse stratégique insiste sur les rapports dialec-
tiques entre délinquants et victimes, transgresseurs et forces de
l’ordre. La criminalité est conçue comme la résultante des réactions
des délinquants face à l’ensemble des contrôles sociaux qui font pres-
sion sur eux. Cette théorie étudie autant les décisions qui conduisent
au crime que celles qui mènent à l’abandon d’une conduite criminelle.
Elle s’intéresse aux situations précriminelles, vise à cerner l’impact
d’une sanction éventuelle dans la décision, analyse l’attitude des
victimes et de la police sur le choix décisionnel des délinquants. En
effet, on peut dire qu’il existe des stratégies des délinquants pour
atteindre leur but comme des stratégies des victimes pour affaiblir
l’impact de la victimisation. Il faut reconnaître avec Cohen que les
opportunités favorisent la délinquance : par exemple, le téléphone
portable, devenu un objet répandu et d’utilisation quotidienne, est
de ce fait facile à revendre.

Pour connaître les buts du délinquant dans le passage à l’acte,


Cusson (1985) distingue quatre finalités : l’action (le jeu ou l’excitation
attirent le délinquant), l’appropriation (par convoitise, désir d’utilisa-
tion, de possession, à titre d’expédient, de supplément ou pour faire
la fête), l’agression (en guise de vengeance ou pour se défendre), la
domination (par recherche de puissance, de cruauté, ou encore de
prestige). La rationalité n’est pas très grande dans le passage à l’acte
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

délinquant : les finalités sont simples et tant que le passage à l’acte


peut y répondre, le délinquant n’a pas lieu de les changer.

En effet, le criminel évalue le bénéfice escompté et le coût probable


d’une telle opération, ce qui relève d’une analyse stratégique, que
connaissent bien les économistes (Fontanel, 2000). L’analyse
stratégique intègre les facteurs liés à l’économie de l’acte. Tout
comportement humain repose sur une motivation, un moyen, un

83
Introduction à la psychocriminologie

résultat. Les actes peuvent être considérés comme cohérents ou


comme aléatoires. Les actes cohérents constituent une réponse posi-
tive à la question suivante : l’utilité de cet acte est-elle jugée par son
auteur comme supérieure à son coût ? On parle de coût généralisé de
l’acte (G), qui inclut son coût financier (P), son coût temporel (T), son
coût énergétique, soit l’énergie qui a été nécessaire pour le réaliser
(W), le coût psychologique (C), qui représente le franchissement des
barrages dans le champ des valeurs, selon l’expression de Kurt Lewin.
Le coût généralisé peut se traduire dans l’équation : G = a1P + a2T
+ a3W + a4C, où a1, a2, a3 et a4 sont des coefficients de pondération
et d’homogénéisation des unités P, W, T et C.

L’autre dynamique d’explication de l’acte est la notion d’uti-


lité. Outre les actes reconnus comme cohérents, il existe des actes
aléatoires qui sont déterminés par des logiques différentes. La tradi-
tionnelle évaluation coût/bénéfice ne fonde pas les actes de la même
façon. L’utilité psychologique est plus importante. Deux types de
comportements peuvent être identifiés : des comportements d’incer-
titude, motivés par un fait retenu de façon spontanée et non élaborée,
et des comportements de prise de risque, dans lesquels l’individu fait
en quelque sorte un pari.

Chez la plupart des personnes, les actes cohérents représenteraient


90 % de l’activité, et les actes aléatoires, 10 %. À partir de ce constat
assez général, les actes délinquants ont été examinés. On suppose,
au vu d’un certain nombre d’entretiens avec des délinquants, que les
actes aléatoires dépassent les 10 % et que leurs comportements de
prise de risque motivent un grand nombre d’actes. L’évaluation des
utilités et des coûts des actes cohérents ne seraient pas les mêmes
chez les délinquants et chez les non-délinquants. Plus précisément,
les coefficients de pondération dans l’équation du coût généralisé
seraient différents dans les deux populations. Ainsi le vol et l’es-
croquerie, qui correspondent à l’acquisition d’un bien sans coût
financier, sont associés à un coût psychologique bien moindre que
pour un non-délinquant cherchant à s’approprier un bien en le
payant. De même l’appréciation de l’utilité matérielle et l’impact

84
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

psychologique ne sont pas les mêmes pour le délinquant que pour


le non-délinquant.

Le choix suppose qu’il n’y ait pas de différence initiale entre un


délinquant et un non-délinquant. Les uns et les autres poursuivent
les mêmes buts. Toutefois, certains ont une plus forte propension à la
délinquance. Ils ont peut-être aussi plus d’opportunités, ou bien font
un calcul coût-bénéfice en faveur de l’acte délinquant. C’est toute la
question de la réponse pénale qui est posée ici. Un vol d’autoradio est
rarement pénalisé, à tel point que les jeunes eux-mêmes finissent par
penser que le risque d’être appréhendé par la police est très faible.
L’enquête de Roché (2003) montre que la propension au passage à l’acte
chez les jeunes, y compris chez ceux qui n’ont pas affaire à la justice,
est significativement liée au jugement normatif porté sur la gravité de
l’acte et que la tendance au comportement délinquant s’accroît avec la
propension à penser ces actes délictueux comme peu graves. Le juge-
ment porté sur la gravité des actes tend à être associé à la perception
des risques qui y sont liés : ainsi, les actes jugés les plus sérieux sont
aussi ceux pour lesquels est perçu un plus fort degré de risque.

La délinquance peut s’expliquer par l’analyse des décisions


humaines dont la rationalité est limitée. On a longtemps pensé que les
causes du crime se trouvaient dans la personnalité de leur auteur. Les
travaux que nous venons d’examiner montrent qu’il faut également
s’interroger sur le comportement et sur le bénéfice escompté de l’acte
délinquant. L’analyse stratégique repose pour le délinquant sur une
certaine logique qui le conduit à adapter sa démarche aux difficultés
en conservant l’objectif visé. Il ne faut pas oublier que le délinquant
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est souvent marqué par l’attitude de la société ou de la justice, des


forces de police, à l’égard des contrevenants et que sa démarche est
empreinte de leur réaction supposée. L’analyse stratégique intègre
l’idée que le délinquant évalue l’intérêt et le coût de l’opération, que
la délinquance soit occasionnelle ou habituelle.

85
Introduction à la psychocriminologie

3.6 La criminologie spatiale

Cette approche découle de la connaissance que l’on a de zones


ou de quartiers susceptibles d’héberger des personnes recherchées
pour délinquance, viol, meurtre, etc. En effet, les criminels ont le plus
souvent recours à des circuits habituels : ils ont plus de probabilité
de fréquenter les mêmes magasins (Brantingham et Brantingham,
1981). L’environnement est intégré dans l’analyse des tendances
criminogènes de certains quartiers et peut servir de repérage, pour
une activité qui pourrait s’appeler le profilage cartographique. Cette
approche peut surtout être utilisée dans le cadre de la prévention,
car elle suppose une connaissance des environnements crimino-
gènes et devrait impliquer des mesures d’intervention et d’assistance
appropriées. Elle ne constitue pas une théorie globale d’examen du
crime mais vient plutôt compléter les approches sociales qui ont
été décrites, en indiquant la nécessité de tenir compte du milieu
dans lequel évolue le délinquant. Le crime mapping représente une
analyse géo-criminelle permettant de repérer des secteurs potentiels
d’agression et des zones dans lesquelles les criminels ont plus de
probabilité de se trouver, à partir de l’examen de leurs précédents
méfaits (Kasprzyk et al., 2012 ; Ouimet, 2012).

Les systèmes d’information géographique en ligne permettent une


investigation plus fine de la criminalité et notamment un repérage fin
des probabilités d’apparition de crimes et de criminels dans certains
secteurs géographiques.

3.7 Les théories de la réaction sociale

Les théories dites de la réaction sociale considèrent une absence


de différence sur le fond entre délinquants et non-délinquants. Dès
lors, la stigmatisation des délinquants entraîne ceux-ci à adopter un
véritable statut de délinquants. Il existe différents courants dans ces
théories. Nous évoquerons les principaux : la tendance interaction-
niste et la criminologie critique.

86
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

3.7.1 La tendance interactionniste

L’analyse des objectifs de l’action délinquante a été le but de la


théorie interactionniste, qui est apparue à la suite de la théorie du
contrôle social. Elle repose sur une conception psychosociologique
de l’acte déviant qui dépend d’interactions et qui aboutit à un repé-
rage de certains comme déviants ou comme délinquants. Toutefois
il faut dire que cela ne fonctionne pas ainsi car premièrement, les
étiquettes sont multiples et deuxièmement, le devenir des personnes
ne peut coller à l’ensemble de ces étiquettes. Cette tendance a eu
des appellations variées : « théorie de l’étiquetage », « théorie de la
stigmatisation », social reaction approach, interactionist theory. On
est donc passé de l’étude de la motivation des délinquants à celle de
l’impact de la réaction sociale sur les délinquants et son rôle dans
la production des phénomènes délinquants. L’interactionnisme
insiste sur la propagation de la délinquance du fait de l’organisation
sociale. Les sociologues américains représentant ce qu’on a appelé la
« seconde école de Chicago », avec parmi eux Becker (1963), Lemert
(1967) et Goffman (1968), ont montré qu’une déviance supposait un
processus de stigmatisation. Ces auteurs ont considéré que les théo-
ries précédentes ne tenaient pas suffisamment compte du rôle de la
société et des institutions dans l’approche du phénomène criminel
que contribuent à définir le Code pénal et les réponses judiciaires.

Selon eux, la désignation de l’acte de transgression en fait un


acte de déviance. Lemert parle alors de « déviance primaire » pour
évoquer la transgression elle-même et de « déviance secondaire »
pour évoquer cette désignation. La dénomination d’une personne
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

comme déviante à partir de quelques éléments comportementaux


stigmatise celle-ci : « Les groupes sociaux créent la déviance en inven-
tant des règles dont l’infraction constitue la déviance » (Becker, 1973).
La personne en question renforce les tendances ainsi désignées et
recherche un certain conformisme avec l’image qui est donnée d’elle.
Ainsi des carrières de déviants se créent-elles par l’effet de cette stig-
matisation initiale. Becker s’appuie sur la notion d’engagement et
évoque la « carrière criminelle ». Si la cause de la déviance se situe

87
Introduction à la psychocriminologie

principalement dans la société, l’étude du déviant comme celle de


ses motivations devient inutile.

Lemert développe l’idée de self-fulfilling prophecy, une prophétie


qui se réalise par elle-même, pour caractériser l’effet d’une stigma-
tisation : identifier quelqu’un comme déviant, même s’il ne l’est pas
beaucoup, l’ancre dans un comportement, renforcé par le regard
d’autrui et par les effets des interventions institutionnelles (augmen-
tation des vérifications d’identité, etc.). En d’autres termes, une fois
l’étiquette posée, la personne finit par devenir ce qui est prédit.

L’intérêt de cette théorie porte surtout sur la prévention de la


récidive, puisque tous, fort heureusement, ne récidivent pas. Becker
souligne que les délinquants ont les mêmes pensées que les non-
délinquants. Il s’agit dès lors de comprendre pourquoi les premiers
commettent des actes délinquants et pas les seconds.

3.7.2 La criminologie critique

Ce courant d’idées lancé en Angleterre par Denis Chapman (1968)


a trouvé un écho aux États-Unis, puis en France à la suite des événe-
ments de mai 1968. Pour les tenants de cette option idéologique,
il ne faut pas se contenter d’étudier le monde, il faut chercher à le
changer. Le crime est une création de la bourgeoisie pour maintenir
sa domination dans la lutte des classes. Le mode d’action principal est
l’opposition, la dénonciation des procédures jugées inacceptables. La
criminologie critique n’a pas toujours force de proposition, notam-
ment lorsqu’elle considère que tout crime est un acte politique, mais
elle constitue encore une source d’inspiration pour certains écrits
criminologiques. Ces idées ont permis le développement d’une crimi-
nologie de la réaction sociale, qui se décentre de l’auteur et des faits
pour se pencher de façon privilégiée sur la réaction sociale suscitée
par les faits, et sur la victime.

Nous avons vu que les théories culturalistes s’intéressaient à la


délinquance comme étant le reflet d’une culture et d’un système de

88
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

valeurs. Les théories de l’action insistent sur les situations et l’en-


vironnement qui favorisent un passage à l’acte, les théories de la
réaction sociale situent la délinquance comme réponse à des phéno-
mènes de stigmatisation. La criminologie a donc évolué, passant
d’une approche centrée sur l’individu criminel à celle des facteurs de
la criminologie, puis à celle des processus, pour aboutir à une crimi-
nologie de la réaction sociale, selon laquelle c’est le contrôle social
qui produit la déviance et non l’inverse. Ce n’est plus tant l’acte qui
importe mais la façon dont la société y répond, et c’est cette réponse
qui contribue à créer la délinquance. Dès lors, l’analyse sociologique
de la réaction sociale porte sur l’application des peines, le fonction-
nement des tribunaux, de la police, les réactions des victimes et de
la société.

L’approche sociologique a donc le mérite de compléter l’approche


biologique dans la compréhension du phénomène criminel. Cette
analyse prend son sens avec l’approche psychologique où, dès le
jeune âge, des facteurs sont susceptibles d’expliquer l’apparition de
la délinquance.

3.8 Quelques conceptions psychologiques


du passage à l’acte

La grande avancée réalisée par De  Greef a été de considérer


le processus criminogène à partir du point de vue du criminel. Il
recueille des informations auprès des criminels sur leur motivation
au passage à l’acte. Il examine l’origine du processus criminel en inté-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

grant des variables personnelles et situationnelles. L’émergence de la


pensée criminelle apparaît suivant trois étapes. La première, appelée
« acquiescement mitigé », marque l’apparition consciente ou incons-
ciente de l’idée criminelle et son acceptation par le futur criminel.
La deuxième étape, appelée « assentiment formulé » constitue un
moment de crise, au cours de laquelle l’auteur commence à passer à
l’acte par des menaces, parfois par des tentatives de passage à l’acte
qui n’aboutissent pas. L’état de tension du futur criminel est très

89
Introduction à la psychocriminologie

important. La troisième phase est celle du passage à l’acte, à la faveur


d’une réflexion perçue comme provocante ou d’un détail anodin mais
appelant une réponse de la part du criminel. Le sentiment d’injustice
subi par le criminel est fort : le crime se justifie par la nécessité de
se faire justice. Un tel sentiment, s’il reste accidentel, ne génère pas
d’attitude criminogène. Cette explication représente une compréhen-
sion d’une succession d’étapes plutôt que l’intervention simultanée
de divers facteurs.

Au-delà de l’Agieren freudien, généralement traduit par « mise en


acte », l’agir a pour Balier (1996) le même sens qu’acting et « passage
à l’acte », à savoir une substitution de la pensée par l’acte. La réali-
sation de l’acte remplace alors le travail de mentalisation. Parmi les
agirs, Balier distingue néanmoins les passages à l’acte, associés à une
certaine forme de mentalisation, des recours à l’acte, manifestations
de toute-puissance face à un objet externe susceptible de réveiller le
traumatisme irreprésentable et constituant une menace d’anéantis-
sement (ex : viol). En dehors de l’acte, le sujet serait protégé par le
clivage et par le déni de la réalité.

La compréhension psychocriminologique du passage à l’acte


consiste en une démarche intégrative, d’un savoir pluri-référencé
s’organisant autour de trois axes : la position subjective (histoire,
dimensions psychique et psychopathologique éventuelle), la scène
de l’acte (période précédant l’acte, mode opératoire, période posté-
rieure à l’acte) et le contexte global. La psychocriminologie prend en
compte différents niveaux de lecture de l’acte : sa trace, sa visibilité,
sa matérialité et les dimensions subjectives et historiques. Il s’agit de
prendre en considération plusieurs éléments pouvant expliquer le
lien entre l’auteur et l’acte. La théorie de la personnalité criminelle
de Pinatel explique l’acte par la mise en œuvre des différents traits
de personnalité. De Greef insiste sur la prise en compte du vécu
subjectif de l’auteur pour comprendre et analyser le développement
de son acte (appréhension de l’environnement et réaction face à
celui-ci). L’éducation et l’environnement familial semblent avoir
une part dans le développement des traits antisociaux. Ainsi, selon

90
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Farrington et ses collaborateurs, le fait d’avoir été élevé dans une


famille dysfonctionnelle à l’âge de 10 ans est associé à une proba-
bilité élevée de développer des traits de personnalité antisociaux
à l’âge de 32 ans, et d’avoir un score élevé à la PCL-R (facteur 2 ;
Farrington, 2003 ; Farrington et al., 2006 ; Farrington, Ullrich et
Salekin, 2010). De plus, le fait que des parents présentent des carac-
téristiques antisociales augmente la probabilité de s’ancrer dans
une carrière criminelle. Le processus criminel intervient chez des
personnes au fonctionnement psychologique normal comme chez
d’autres au fonctionnement pathologique. En examinant des détenus
d’un établissement psychiatrique de haute sécurité, il a été montré
que l’abus d’alcool, la négligence des parents, l’antisocialité, la crimi-
nalité étaient particulièrement associés à des niveaux plus élevés de
psychopathie (Forth et Mailloux, 2000 ; Harris, Rice et Lalumière,
2001 ; Farrington, Ullrich et Salekin, 2010).

On a longtemps associé à un faible statut socioéconomique le


développement de comportements antisociaux, ce qui se confirme
(Farrington, Ullrich et Salekin, 2010). Il faut y joindre la pauvreté
des liens sociaux en bas âge (Freidenfelt et Klinteberg, 2003), qui
renforce le développement des traits antisociaux, particulièrement
chez les plus faibles ou chez les individus aux traits psychopathiques
(Docherty, Huesmann, O’Brien et Bushman, 2015).

Les comportements criminels sont aussi présents dans d’autres


entités nosographiques.

On retrouve ainsi les mêmes étapes du développement de l’acte


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

chez des schizophrènes ayant commis des homicides que chez des
sujets ne présentant pas de pathologie psychiatrique (Lorettu et al.,
1998). Selon Lorettu, plus le sujet avance dans le processus, plus
l’influence de la pathologie est importante. Celle-ci ne serait pas la
cause du passage à l’acte mais elle jouerait un grand rôle dans son
déroulement en amplifiant et en accentuant les distorsions percep-
tives de la réalité (Moulin, 2008).

91
Introduction à la psychocriminologie

3.8.1 Complexes familiaux et identifications

L’importance des carences du milieu familial dans le développe-


ment des comportements délictueux et criminels a été mise en avant
depuis longtemps. Aichhorn a distingué trois constellations familiales
susceptibles de favoriser l’apparition de conduites criminelles.
• La première est celle du délinquant par excès d’amour : l’atta-
chement de la mère à son enfant a un caractère égocentrique et
narcissique tel que l’enfant répond davantage aux désirs et aux
besoins de la mère. Celle-ci a tendance à ne rien refuser à son
enfant, lequel reste fixé dans une réalité où domine le principe
de plaisir. Le père est le plus souvent absent ou très effacé. Le
garçon n’est pas prêt à affronter les exigences de la réalité. Il y
répond avec impulsivité, rage et violence.
• Le second type de constellation familiale est celui du délinquant
par excès de sévérité. L’enfant, rarement unique, fait l’objet d’un
excès de sévérité et de mauvais traitements (violence verbale,
physique). Il ressent alors une frustration grandissante avec le
temps et nourrit une rage impuissante au sein de sa famille.
Déçu, meurtri, trompé, il devient méfiant et récalcitrant face à
toute forme d’autorité qu’il conçoit comme injuste. Faute d’un
modèle identificatoire valable, l’enfant s’identifie à la sévérité et
à cette façon violente de traiter les autres.
• Le troisième type de constellation familiale est celui du délin-
quant par excès d’amour et de sévérité : l’enfant est confronté
à l’effet combiné des deux types d’interactions parentales. Il en
découle une rébellion vis-à-vis de ses parents. Cette violence
prend le pas sur le développement d’habiletés sociales.

Selon Winnicott, la présence d’une tendance antisociale chez


l’enfant est à l’origine des comportements criminels et délinquants.
La tendance antisociale fait suite à une déprivation, c’est-à-dire à la
perte d’une personne ou d’une expérience positive pour l’enfant. La
criminalité résulte d’un conflit psychique animé par une angoisse liée
à l’envie de détruire dirigée contre une personne que le sujet aime
et dont il a besoin.

92
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Différents auteurs d’orientation psychodynamique ont avancé des


hypothèses pour expliquer le comportement délinquant. Lagache
reprend l’idée d’un acte criminel découlant de l’échec des identi-
fications moralisatrices. Il avance deux hypothèses : soit le futur
criminel est élevé dans un milieu de délinquants, s’identifiant à
eux et reproduisant leur code de valeurs déviantes, soit il a souffert
de carences affectives au cours de son enfance et n’a pu former un
surmoi « normal » respectant l’autorité. Finalement, le criminel se
caractérise par la persistance d’un égocentrisme infantile lié à des
anomalies de l’identification et par conséquent de la socialisation.

C’est à Friedlander que l’on doit le concept de délinquance latente,


marquant la formation d’un caractère antisocial. La formation d’un
tel caractère peut être évitée par le développement de trois capacités
spécifiques : l’aptitude à tolérer le délai dans la satisfaction des désirs,
l’acceptation de gratifications substitutives et la capacité de maintenir
un désir refoulé en lui opposant une attitude contraire.

Le travail avec des détenus a permis à Balier (2000) de repérer


chez des criminels une prédominance des pulsions agressives en lien
avec une désintrication pulsionnelle. Celle-ci donne à l’agressivité
une tendance incontrôlable à la décharge. L’acte se substitue entiè-
rement à la pensée, dont les contenus sont très pauvres. La difficulté
d’élaboration à partir de leurs rêves indique selon Balier un défaut de
symbolisation et de représentation chez ces détenus. Le moi débordé
par des pulsions agressives désintriquées se tourne vers l’utilisation
et la possession d’objets comme solution économique à ce déborde-
ment (passage à l’acte).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’approche psychodynamique distingue les délinquants commet-


tant quelques actes transitoires de ceux commettant un crime à
caractère symbolique reposant, par exemple, sur un sentiment de
culpabilité et ceux dont les actes délinquants ou criminels constituent
une forme prédominante et stable de décharge pulsionnelle. Casoni
et Brunet (2003) montrent certaines caractéristiques dans l’histoire
de ces derniers. Les parents des criminels échouent souvent à exercer

93
Introduction à la psychocriminologie

une fonction de pare-excitation essentielle au développement. De ce


fait, l’enfant ou l’adolescent en viennent à considérer leurs tensions
internes comme dangereuses et devant être rejetées. La voie de l’agir
est alors privilégiée comme solution psychique, même temporaire, à
l’excès de tensions internes. Le moi s’allie au moi idéal, favorisant les
fantaisies de grandeur et de puissance de ce dernier. Le surmoi peut
être excessif et cruel, projeté sur l’extérieur, à travers les parents, les
figures d’autorité et la société en général. L’interprétation de l’ap-
proche psychodynamique ne s’arrête pas au passage à l’acte mais
s’étale sur la période post-délictuelle.

3.8.2 Le crime par sentiment de culpabilité

La contribution majeure de Freud en criminologie repose sur le


repérage d’un sentiment de culpabilité précédant l’acte. Ce senti-
ment inconscient aurait une fonction d’apaisement en procurant une
cause extérieure définie. Le sujet resterait incapable d’expliquer les
raisons de son crime. En effet, si le criminel parvient à nommer sa
culpabilité, par exemple à travers le meurtre, il ne peut en donner
les raisons. Pour Freud le crime provient de la conscience de la
culpabilité. Face à ce sentiment de culpabilité démesuré, le sujet est
envahi par un besoin de punition qui le pousse au crime. Ce schéma
ne convient pas à tous les criminels, c’est pourquoi Freud y adjoint
deux autres figures de criminels : le criminel sans culpabilité, narcis-
sique, profondément inscrit dans la transgression et ayant atteint un
haut degré d’agressivité et le criminel idéaliste, dont l’acte vient au
titre de dédommagement des préjudices précoces subis, de nature
traumatique.

Plus tard, Reik identifiera le « besoin d’avouer » et évoquera


la compulsion d’aveu où le sujet indiquerait quelque chose qu’il
n’avait pas l’intention consciente de communiquer et qu’il avoue-
rait à son insu, en se trahissant. Pour Reik, l’acte criminel repose
sur un désir de s’infliger une peine : la compulsion d’aveu reflète
la culpabilité à l’origine de l’acte, qui prend racine très tôt dans
la vie du sujet. C’est aussi ce que défend Mélanie Klein, qui situe

94
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

l’origine de la problématique délinquante ou criminelle au cours de


la première année de vie, plus précisément au stade oral du dévelop-
pement. Affirmant dans un premier temps, à l’instar de Freud, que
le criminel agit sous l’influence d’un sentiment de culpabilité, elle
avance ensuite que le criminel souffre plutôt d’un important senti-
ment d’angoisse déterminé par un surmoi primitif très sévère. Une
personne présentant des tendances criminelles possède un surmoi
fixé à un niveau très précoce du développement. Selon Mélanie
Klein, un tel type de surmoi, construit au cours de la première
année de vie, est presque entièrement dominé par la loi du talion.
De même, le criminel présente des difficultés relationnelles impor-
tantes liées à la grande méfiance qu’il ressent envers autrui. Il se
sent notamment persécuté, ce qui le pousse à détruire les choses
et les personnes autour de lui. De ce fait, on pourrait reconnaître
que les racines psychologiques de la paranoïa et de la criminalité
sont semblables. Puisque l’objet persécuteur détesté est en même
temps l’objet d’amour, le criminel resté fixé à cette problématique
primitive où le clivage joue un rôle déterminant, il se sent contraint
de détester et de persécuter cet objet d’amour. Les actes criminels
apparaissent ainsi sous l’aspect paradoxal d’être essentiellement
défensifs, à l’encontre d’un entourage projectivement construit
par le sujet comme menaçant et destructeur. L’attitude criminelle
résulterait d’une fixation aux angoisses primitives et donc aux
mécanismes de défense associés (déni, projection, clivage). Dans
cette perspective, les conduites criminelles sont envisagées comme
de véritables productions défensives sous-tendues par des conflits
intrapsychiques primitifs.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La question du sentiment de culpabilité a longuement été évoquée


dans les travaux sur la délinquance. Dans les procédures de traite-
ment judiciaire, on attend toujours que le délinquant reconnaisse
les faits et exprime un sentiment de culpabilité, des excuses, de telle
façon que le tribunal et les victimes puissent exercer leur pardon.
Bien souvent au contraire, les délinquants nient les faits, ou ne les
reconnaissent pas à leur importance, se trouvent des excuses, ou
encore élaborent des justifications surprenantes.

95
Introduction à la psychocriminologie

L’étude du sentiment de culpabilité doit être précédée par celle de


la reconnaissance des faits et de l’attribution de responsabilité par
leur auteur. Si le délinquant se reconnaît responsable des faits qui lui
sont reprochés, on peut considérer qu’il s’agit d’un premier pas vers
une possible modification ultérieure du comportement. L’aptitude
à reconnaître les faits peut être identifiée à travers la notion de lieu
de contrôle et d’attribution, deux dimensions pouvant refléter des
processus d’internalité. On sait depuis les études de McNamee et de
Kohlberg (1966) que le comportement est fortement lié au niveau
de jugement moral.

3.8.3 Les délinquants et le jugement moral

Le développement moral a été décrit par Piaget à partir du stade


individuel (jusqu’à 3 ans), puis du stade de l’égocentrisme (de 3 à
5-6 ans), celui de la coopération naissante (7 à 11 ans) avec une
recherche des règles, et celui de la coopération mutuelle (11 ou
12 ans à 13-14 ans), qui marque un accord au sujet des règles. La
conception de la règle en général suit trois stades : subie (venant de
l’autorité), hétéronome (construite par un autrui reconnu), consen-
suelle (construite en collaboration). De son côté, Kohlberg considère
six stades du jugement moral avec trois niveaux principaux. Le
pré-conventionnel, essentiellement centré sur l’individu, le conven-
tionnel, qui s’appuie sur la notion d’ordre, et le post-conventionnel,
fondé sur des principes abstraits de justice et d’équité.

On se demande régulièrement si une personne qui a fait un séjour


en prison, dont on peut estimer qu’elle a transgressé les normes
sociales et dans certains cas sociomorales, conserve un certain juge-
ment moral. Songeons à ces détenus qui invectivent les délinquants
sexuels, notamment les pédophiles : « Ça ne se fait pas de toucher
les petits garçons », « Quand je pense que “ça” s’attaque aux petites
filles ! », etc. Il serait faux de considérer que ces détenus n’ont pas
de jugement moral, puisqu’ils en font état dans ces réflexions. Dès
lors, pourquoi des normes morales sont-elles reconnues tandis que
d’autres, le plus souvent des normes sociales, ne le sont pas ?

96
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

On pourrait penser qu’il existe une différence de degré, que les


normes les plus fortes seraient les normes morales et des normes
reconnues par une société qui les instituerait dans des textes juri-
diques. Les frontières des catégories ne sont pas si nettement définies.
Ainsi, certaines normes sociales, par exemple le fait de voler le bien
d’autrui, sont plutôt des normes sociomorales. Le fait de martyriser
des enfants, avant de constituer une norme sociale, représente une
norme morale. Il faut ici entendre le terme de norme « morale »
comme une norme communément admise, qui fonde les normes
sociales et éventuellement les lois. Du fait de ce recoupement des
catégories, on préférera le terme plus général de normes sociomo-
rales. Si donc les détenus mettent au ban de la prison les délinquants
sexuels, les qualifiant de « pointeurs », c’est que leur jugement moral
est au moins partiellement opérant. Pourquoi dès lors n’a-t-il pas
été efficace dans l’affaire qui les a conduits en prison ? Pour aborder
cette vaste question nous avons comparé les niveaux de jugement
moral de détenus avec ceux d’une population contrôle, des personnes
connues pour n’avoir jamais été condamnées ni avoir commis des
actes susceptibles d’entraîner une condamnation.

Pour savoir si les délinquants s’estiment généralement responsables de


leurs actes, deux populations masculines, l’une composée de 80 détenus
et l’autre de 92 personnes n’ayant pas eu affaire avec la justice, ont été
comparées essentiellement sur leur jugement moral et leur lieu de contrôle
(locus of control ; Rotter, 1966), qui représente l’anticipation faite par un
individu du lien entre un comportement et un renforcement. Les individus
dont le lieu de contrôle est interne estiment pouvoir agir directement sur
les événements ; ceux dont le lieu de contrôle est externe ont tendance à
penser que les événements ne dépendent pas de leur intervention, mais
plutôt de la chance, du hasard, ou du pouvoir d’autrui. Le LOC peut ainsi
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

être considéré comme une attribution de causalité interne, mais certaines


personnes peuvent, tout en faisant une attribution interne, ne pas percevoir
une relation de causalité entre le comportement et le renforcement. Par
exemple, un détenu peut reconnaître les faits qui lui sont imputés : « C’est
bien moi qui ai commis ce vol à main armée », et l’annoncer au tribunal.
Pourtant, si on lui demande s’il se considère responsable de ce vol, il dira
qu’il a été pris sur le fait par des vigiles intervenus à une heure où ils ne
devaient pas faire de ronde. Pour considérer qu’une personne est proche
d’un sentiment de responsabilité, il faut qu’elle associe un LOC interne et
une attribution personnelle de responsabilité.
’
97
Introduction à la psychocriminologie

’
C’est pourquoi nous avons choisi d’explorer la situation sociocognitive parti-
culière des prisonniers, en étudiant leurs attributions en plus du lieu de
contrôle (LOC).
Les personnes du groupe n’ayant pas eu affaire à la justice ont attesté
n’avoir jamais commis de délit grave. Les détenus étaient des condamnés
purgeant une peine en centre de détention. Les attributions en matière de
stabilité et de contrôlabilité du comportement ont été évaluées par le ques-
tionnaire d’attribution sur l’acte délinquant (McKay, traduction et validation
Blatier, 1999c), le lieu de contrôle par l’échelle de LOC-Prison (Abdellaoui et
Blatier, 1998). Les personnes qui n’ont pas eu affaire à la justice, qui consti-
tuaient le groupe témoin, se sont montrées plutôt internes. Les détenus ont
présenté un fort degré de contrôlabilité et se sont montrés plutôt internes
(c’est plus vrai encore pour les plus âgés), ce qui pourrait être considéré
comme une aptitude à s’estimer responsables de leurs actes. La stabilité
est moindre que dans le groupe témoin ; elle est d’autant plus élevée que
le détenu a passé du temps en prison, soit au cours de la condamnation
actuelle, soit cumulée avec une condamnation antérieure. McKay et ses colla-
borateurs (1996) ont montré nécessaire que les détenus puissent concevoir
les causes de leurs comportements comme internes, contrôlables et sujettes
à modification (c’est-à-dire instables) pour envisager raisonnablement d’avoir
recours à certains programmes de traitement du comportement destinés aux
délinquants. Les résultats de notre étude montrent que plus les détenus ont
passé de temps en prison, plus ils ont des jugements socionormatifs stables
sur des comportements déviants et délinquants. Ce résultat mérite réflexion,
quant à l’évolution du jugement moral des détenus en prison (Blatier, 2000b).

D’autres auteurs ont discuté la théorie de Kohlberg en estimant


qu’elle décrivait bien le développement du jugement moral, mais
qu’elle n’intégrait pas suffisamment le fait que les individus marquent
souvent une distance entre leur jugement et leur conduite : l’intention
n’est pas nécessairement suivie par l’action (Tsujimoto et Emmons,
1983). De multiples facteurs, notamment situationnels, peuvent
rompre le lien entre le jugement moral et l’action.

Nous avions déjà réalisé une étude auprès de personnes n’ayant


pas eu affaire à la justice, afin de déterminer dans quelle mesure
les individus reconnaissaient une règle comme valable, disaient la
suivre souvent, mais s’autorisaient dans certains cas à la transgresser.
L’échelle de jugement moral, que nous avons construite dans la lignée
des travaux de Kohlberg (Blatier, Berthoin et Pénicault, 1998), inter-
roge sur trois types de situations, individuelles, conventionnelles et

98
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

morales, mettant en jeu des comportements normatifs. Elle repose


sur les stades de Kohlberg mais institue une réponse additionnelle
permettant de préciser lorsque la décision comportementale de
transgression est prise du fait d’une circonstance jugée exception-
nelle. Nous avions déjà repéré ce phénomène en utilisant le même
outil auprès d’étudiants. Ils avaient montré qu’on peut avoir recours à
un stade antérieur, même lorsqu’on en est à un stade avancé et qu’on
est capable, dans des circonstances jugées spéciales, de transgresser
des règles dont on reconnaît par ailleurs l’utilité.

Nous avons repris l’expérience avec des détenus, afin de les comparer
à d’autres personnes. Il s’agissait de connaître les caractéristiques du
recours des détenus à des réponses qualifiées d’aménagées (lorsque la
décision comportementale de transgression est liée à une circonstance
jugée exceptionnelle ; par exemple, habituellement la personne ne lit pas le
courrier destiné à une autre personne mais cette fois-là elle a jugé opportun
de le faire, à titre exceptionnel). Une population contrôle a été créée, de
personnes de même âge, condition sociale et niveau scolaire que les détenus
et n’ayant jamais commis d’actes de délinquance susceptibles d’entraîner
une condamnation. Il était probable que les détenus utiliseraient au moins
aussi fréquemment les réponses aménagées que les personnes n’ayant
jamais eu affaire à la justice.

Résultats
Les détenus se situent en moyenne au stade 4 de Kohlberg, stade de l’orien-
tation vers la loi et l’ordre. La moyenne aux situations conventionnelles est
plus faible que la moyenne aux situations individuelles, laquelle est infé-
rieure à celle des situations morales. Les personnes n’ayant pas eu affaire
à la justice ont des résultats similaires, mais en moyenne moins élevés.
Ces résultats donnent deux indications importantes. La première est que
les situations individuelles sont plus fortement investies que les situations
conventionnelles ; on peut se demander si c’est un reflet de l’individualisme
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui prévaut dans la société. La seconde indication porte sur le jugement


moral, globalement plus élevé chez les détenus : ils présentent les mêmes
types de réponse que les personnes n’ayant pas eu affaire à la justice mais
répondent peut-être en termes de désirabilité sociale en renforçant leur
jugement sur les normes sociomorales.
En ce qui concerne la réponse aménagée, les détenus l’utilisent plus souvent
que les personnes n’ayant pas eu affaire à la justice. L’internalisation corres-
pond au passage d’une requête externe à une exigence posée par l’individu
pour lui-même.
’

99
Introduction à la psychocriminologie

’
Le concept d’internalisation fait appel à des processus motivationnels, cogni-
tifs et sociocognitifs dont on peut constater qu’ils ne sont pas indépendants
de l’âge : plus la première incarcération est intervenue tôt dans la vie, plus
le score de jugement moral est bas. Les détenus de moins de 30 ans et de
niveau scolaire inférieur au baccalauréat ont un jugement moral moindre et
choisissent plus souvent la réponse aménagée. Ce jugement n’est pas non plus
indépendant du vécu : le fait d’être condamné à une longue peine augmente le
jugement sur les situations conventionnelles, sauf pour les non-récidivistes
qui ont passé plus de 36 mois en détention et dont le jugement moral est
plus faible. Enfin, les récidivistes font plus de réponses aménagées que les
non-récidivistes et, ce, particulièrement pour les situations conventionnelles.

Ces études donnent des informations plus précises sur le jugement


moral. Il apparaît que les jugements aux situations conventionnelles
sont réalisés à partir de critères correspondant à des stades moins
avancés que les jugements opérés aux situations individuelles ou
morales. Ces jugements aux situations conventionnelles sont plutôt
fondés sur des stades faisant appel à l’évitement de la sanction. Les
détenus font plus souvent le choix de la réponse aménagée, ce qui
montre qu’ils connaissent effectivement les normes, sans que cela
entraîne pour autant le comportement correspondant. Ils exercent leur
jugement moral en renforçant les données individuelles et intègrent
peu d’éléments qui pourraient avoir des conséquences sur l’ensemble
de la société. On constate que l’âge, le niveau d’études, le statut pénal
et le temps passé en prison ont un impact différentiel. L’augmentation
du jugement moral peut constituer un préalable à l’amélioration du
comportement. On gagnera toujours à développer chez les délinquants,
notamment les plus jeunes, les capacités de réflexion et de résolution
de problèmes, ce qui va au-delà du développement intellectuel. On
pourra également initier de nouveaux modes de peine permettant que
la prison ne conforte pas les tendances antisociales. Enfin, on pourra
susciter la prise en compte de l’intérêt collectif au-delà de l’intérêt
individuel par des réponses diverses ou des sanctions qui aient une
efficacité démontrée.

Bien entendu, on pourra regretter que ce type d’études ne modifie


pas les comportements et vise essentiellement à décrire, évaluer des
situations ou déterminer les bonnes pratiques. Toutefois, avec Anne

100
Les théories explicatives du crime et le modèle biopsychosocial ■ Chapitre 2

Wyvekens (2004), on pourra aussi poser la question suivante : « Le


souci d’évaluation, la notion de bonne pratique et ses usages sont-ils
définitivement des curiosités anglo-saxonnes, incompréhensibles aux
mentalités hexagonales ? ».

Les entretiens que nous avons réalisés avec des détenus à diffé-
rentes occasions (expertises, entretiens de recherche) confirment
qu’ils connaissent généralement les lois et les règles sociomorales. Ils
sont particulièrement sensibles à tout ce qui concerne un sentiment
d’injustice subie. Leur jugement moral tient peu compte des effets
cumulatifs de certains actes antisociaux et s’appuie principalement
sur une appréciation ponctuelle. Quant aux mineurs, ils se font très
dépendants de l’appréciation de leurs parents. Ces derniers restent
pour eux une référence : ils ne souhaitent pas les décevoir. C’est
pourquoi il est fondamental de travailler avec les parents pour encou-
rager une évolution positive du jugement moral. Pour les adultes,
on constate que le jugement moral est susceptible d’évoluer et d’en-
traîner un comportement plus adapté à la société.

En comparant des adolescents non délinquants à des jeunes délin-


quants (score à la Psychopathy CheckList, ou PCL, inférieur à 27)
et des jeunes psychopathes (score à la PCL supérieur ou égal à 29),
Trevethan et Walker (1989) ont montré, tant pour des situations
morales hypothétiques que réelles, qu’il existait des différences entre
délinquants et non-délinquants. Mais le niveau de jugement moral
des jeunes psychopathes est proche de celui des délinquants. Ces
résultats sont confirmés dans d’autres études, qui montrent des diffé-
rences nettes concernant le jugement moral entre délinquants (dont
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

le jugement moral est plus développé) et non-délinquants, mais pas


entre délinquants et psychopathes (Chandler et Moran, 1990).

Après avoir discuté d’éléments fondamentaux de la problématique


délinquante et criminelle, et de la considération des délinquants
vis-à-vis des normes sociales et morales, nous allons poursuivre en
examinant différents types de criminalité. Nous commencerons par
la criminalité routière.

101
Chapitre 3
Les criminalités spécifiques
Sommaire
1. La criminalité routière ............................................................... 107
2. Les hooligans et la violence dans les stades.............................. 112
3. Les homicides............................................................................ 116
4. Les parricides ........................................................................... 124
5. Les mineurs délinquants ............................................................ 128
6. La délinquance des seniors........................................................ 135
7. Les crimes en col blanc.............................................................. 136
8. La criminalité organisée et le terrorisme .................................. 139
9. La cybercriminalité ................................................................... 147
10. Les tueurs et tueuses en série ................................................. 150
11. Le profiling ............................................................................... 158
1. La criminalité routière
Le volume des infractions routières relevées chaque année par
les services de police et de gendarmerie connaît une progression
régulière. L’adoption de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a contribué
à cette inflation. Cette loi a créé de nouveaux délits et transformé
en délits des contraventions de cinquième classe. Un tiers des délits
représentent des infractions relatives à l’alcoolémie au volant. Les
délits liés à l’usage de stupéfiants sont en augmentation. Si l’on
examine les données chiffrées de la Sécurité routière, on constate que
les délits liés au permis de conduire (conduite sans permis, conduite
malgré la suspension ou l’annulation, refus de restituer son permis
malgré sa notification de retrait, etc.) comme les délits d’usage de
fausses plaques ou de plaques portant un numéro d’immatricula-
tion attribué à un autre véhicule sont également en progression. En
matière contraventionnelle, le nombre de défauts de port de la cein-
ture de sécurité a tendance à diminuer.

Près d’un accident mortel sur trois1 (29,6 %) implique au moins


un conducteur ayant un taux d’alcool dépassant le taux légal. Cette
proportion est trois fois plus élevée que celle constatée dans les acci-
dents corporels.

En 2009, la part des accidents avec un taux d’alcool positif était de


10,6 % pour les accidents corporels et de 29,6 % pour les accidents
mortels.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’alcool au volant concerne toutes les générations et particuliè-


rement les 25-34 ans ; 92 % des conducteurs alcoolisés impliqués
dans un accident mortel sont des hommes, contre 79 % pour les
conducteurs non alcoolisés. Le permis à points semble jouer un rôle

1. Observatoire National interministériel de sécurité routière, 2018. Un conducteur


est dit « alcoolisé » s’il a une alcoolémie illégale, c’est-à-dire un taux supérieur ou égal
à 0,5 g/l de sang (le seuil de 0,2 g/l du permis probatoire n’est pas renseigné dans les
données).

105
Introduction à la psychocriminologie

important de modération des comportements selon l’Observatoire


national interministériel de Sécurité routière (ONISR). Si les hommes
sont majoritairement représentés dans les dossiers de retrait de points
(70 %), la tendance est à une augmentation de la part des femmes. Le
nombre de permis invalidés pour défaut de points connaît une légère
baisse pour la 5e année consécutive (2,3 %1). Même si le nombre de
conducteurs n’ayant plus de points pourrait sembler relativement
marginal pour certains (moins de 2 pour 1 000 des conducteurs
titulaires du permis de conduire en France), son évolution mérite
une attention particulière. Au cours d’une année, on compte près
de 70 000 dossiers de permis de conduire invalidés (dont le solde de
points est nul) ; 94 % de ces permis sont détenus par des hommes.

Par ailleurs, le nombre de tués sur les routes varie de façon assez
importante selon les pays. On constate les efforts réalisés par certains
pays pour réduire la mortalité routière. Le nombre de tués rapporté
au nombre total d’habitants permet véritablement une comparaison.
En 2017, les routes suédoises étaient les plus sûres d’Europe avec 25
décès par million d’habitants, suivies des routes britanniques (27),
en dessous des 30 décès par million d’habitants ; puis les Pays-Bas
(31), le Danemark (32), l’Irlande (33) et l’Estonie (36). La Bulgarie
(96) et la Roumanie (98) sont les pays qui comptabilisent le plus
grand nombre de tués sur les routes. La France se situe à la moyenne
européenne, avec 53 décès par million d’habitants2. Le recours au
contrôle automatisé de la vitesse et l’augmentation de la sévérité
des sanctions susceptibles d’être prononcées pour les infractions
routières ont joué dans la baisse du nombre de tués sur les routes
françaises. Toutefois, ce chiffre ne saurait suffire à établir un constat
positif car il n’intègre pas les personnes blessées. En effet, la référence
en France est à tort le nombre de décès dans les six jours qui suivent
l’accident alors que les autres pays européens considèrent les décès
survenus dans les 30 jours. En faisant ainsi le calcul, on aboutirait
alors pour la France à un nombre de tués bien plus important. Bien

1. ONISIR 2018, bilan, 2017.


2. Commission européenne 2018. Statistiques de la sécurité routière.

106
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

évidemment, les décès survenus à la suite d’un accident dans l’année


ne sont pas comptabilisés. On n’intègre pas non plus les handicaps
ni les traumatismes graves. Face à cette situation, la réponse sociale
principale est l’intervention auprès des usagers de la route. Pour la
modification des comportements, il existe des mesures légales (défi-
nition d’une aptitude à la conduite après 65 ans), des mesures de
pénalisation (multiplication des condamnations), des techniques
(abaissement du seuil de vitesse excessive, augmentation du nombre
de contrôles tels que les enregistrements radars, mise au point de
méthodes de dépistage de la conduite avec usage de stupéfiants,
de médicaments ou d’alcool) ou de prévention (multiplication des
actions de sensibilisation). Une étude réalisée par Roché, Bègue et
Astor (2004) auprès d’adolescents montre la présence de variables
identiques dans la délinquance de rue et la délinquance routière : le
fait d’être un garçon, le nombre d’amis délinquants, la gravité perçue
du comportement et l’impulsivité. Il apparaît que pour ces jeunes,
plus la sanction pénale est probable, plus la gravité perçue est impor-
tante. En revanche, la gravité n’est pas affectée par la dissuasion des
parents ni par d’éventuelles conséquences pour l’intégrité physique
personnelle. Une atteinte possible à l’intégrité physique d’autrui est
considérée comme un fait grave mais, pour autant, le comportement
n’est pas nécessairement affecté par cette perception.

Un autre aspect important de la délinquance routière est la conduite


sous l’emprise de l’alcool. La conduite sous l’emprise d’un état alcoo-
lique représente une part importante de l’activité de certains tribunaux
correctionnels. En effet, les dépistages positifs sont variables d’un
département à un autre. Dans les deux tiers des cas, la sanction est
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

une peine d’emprisonnement, souvent assortie d’un sursis. Une peine


principale ou complémentaire réside dans une mesure restrictive du
permis de conduire (suspension, annulation, etc.). L’article L. 234-1
du Code de la route dispose que même en l’absence de tout signe
d’ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l’emprise d’un
état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang
égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration
d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,50 milligramme par

107
Introduction à la psychocriminologie

litre de sang est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 4 500 euros


d’amende1. Le risque d’accident dû à l’usage d’alcool est deux fois
plus grand pour les personnes ayant atteint ce seuil d’alcoolémie que
pour les personnes n’ayant pas consommé d’alcool. En revanche, en
matière de stupéfiants, aucun seuil n’a été fixé parce que les études
sont insuffisantes pour permettre de préciser les effets de la consom-
mation de produits stupéfiants sur la capacité de conduire. Le fait de
conduire un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes
classées comme stupéfiants constitue un délit sanctionné d’une peine
de 2 ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende accompa-
gnée d’un retrait de 6 points sur le permis de conduire. Peuvent y
être ajoutées des peines complémentaires telles que l’annulation
ou la suspension du permis ou l’obligation d’effectuer, aux frais du
conducteur, un stage de sensibilisation à la sécurité routière et/ou
aux dangers liés à l’usage de produits stupéfiants.

En cas de condamnation pour conduite sous influence de produits


stupéfiants, l’automobiliste doit payer un droit fixe de procédure dont
le montant est fixé à 300 euros. Cette somme vient alors s’ajouter à
l’amende à payer par le condamné. La délinquance routière est plus
le fait de certains pays. Les Français ne se situent pas dans ceux qui
ont les meilleures attitudes au volant. Pour un même nombre de
kilomètres parcourus, le risque d’être tué pour les femmes est près
de trois fois moins élevé que pour les hommes. Les femmes font aussi
neuf fois moins que les hommes l’objet de condamnations pour délit
routier.

L’enquête de Roché et de ses collaborateurs montre qu’il existe des


liens entre la délinquance routière et la délinquance de rue chez les
adolescents, et qu’un certain nombre de facteurs sont communs aux
deux types de délits et/ou prises de risques. Elle montre également un
lien entre la performance et l’intégration scolaire des élèves et leur
délinquance routière et confirme cette relation pour la délinquance
de rue. La relation des policiers et gendarmes avec les jeunes, la

1. En 2014.

108
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

fréquence et la qualité de cette relation, sont des facteurs qui peuvent


peser sur les comportements, de même que l’importance du rôle des
copains et amis dans les perceptions de la gravité des transgressions.

Le comportement au volant est particulièrement intéressant parce


que la situation donne à certains conducteurs un sentiment de puis-
sance Des automatismes sont mis en jeu, y compris de conduite hors
normes. Un excès de vitesse, d’alcool, une absence de ceinture de
sécurité sont des comportements présentés par des personnes qui
développent une relation particulière au risque (Berdoulat, Vavassori
et Muñoz Sastre, 2012). Toutefois, dans ce domaine, il n’existe pas
de représentation dichotomique, de personnes totalement exemptes
de comportements hors des règles de sécurité et d’autres qui, par
insouciance ou par recherche du plaisir ou du risque, adopteraient
de tels comportements. Certaines personnes recherchent dans la
conduite automobile un sentiment de contrôle et de puissance qui
détermine leurs décisions au volant. C’est surtout le caractère général
du conducteur, sa prudence ou sa prise de risque habituelles, qui
sont déterminants.

Le caractère dominant des auteurs d’infractions au Code de la route


est leur manque de sentiment de responsabilité. Les réponses face
à la condamnation peuvent être extrêmes, traduisant une certaine
violence qui s’est exprimée sur la route : souvent le condamné nie
les faits ou les banalise. À l’inverse, il entre dans une culpabilité dont
il sort difficilement. La prison peut représenter un moyen de payer
sa dette. La délinquance routière se présente comme le signe d’une
problématique personnelle. La mise en danger de soi ou d’autrui sur
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

la route doit être considérée comme un symptôme et être examinée


de façon sérieuse. Ce comportement fréquent chez les adolescents
peut être banalisé ou assimilé à un comportement prétendument
« sportif ». Les auteurs de délinquance ou de criminalité routière
sont souvent des personnes en mal d’affirmation de soi. C’est pour-
quoi le travail psychothérapeutique peut s’accompagner d’une aide
socioéducative permettant une réinsertion qui intègre un nouveau
rapport à la route.

109
Introduction à la psychocriminologie

2. Les hooligans et la violence dans les stades


Les phénomènes de violence dans les stades se présentent sous
diverses formes : invasions du terrain avec attaques des joueurs ou
de l’arbitre, bagarres entre supporters, destructions matérielles aux
abords ou dans le stade, etc. Dans le sport, certains considèrent que
l’agressivité est ritualisée et qu’il ne faut donc pas grand-chose pour
qu’elle sorte du rite et entre dans la réalité. Leyens et Rimé esti-
ment que le spectacle de la violence peut éveiller ou attiser celle du
spectateur. C’est le plus souvent le cas lors de rencontres footballis-
tiques. Au début, le football était joué localement, les joueurs étant
essentiellement des ouvriers dont c’était le loisir. Les ouvriers anglais
jouaient au football, de même que les Italiens souhaitant manifester
des revendications sociales ; au contraire, les aristocrates jouaient
plutôt au rugby. À la suite des nombreux incidents qui avaient
émaillé les matches de football du début du XXe siècle, des tunnels
ont été mis en place pour l’entrée des joueurs ainsi que des grilles
pour éviter les envahissements du terrain. C’est surtout à partir des
années soixante que les supporters rivaux ont été séparés, après quoi
le conflit a eu tendance à se poursuivre hors des stades. Les skinheads,
jeunes violents au crâne rasé, ont fait preuve d’un comportement plus
extrémiste, surtout après 1968 et jusqu’en 1980. L’augmentation de
la répression s’est faite en parallèle d’une planification précise des
actes des hooligans. Certains jeunes faisaient du hooliganisme un
mode de vie. Dans les années quatre-vingt-dix, ces manifestations ont
diminué en intensité, en partie du fait d’une nouvelle loi sanctionnant
les comportements violents lors des rencontres sportives, permettant
de placer des caméras de surveillance dans et aux abords des stades,
mais aussi du fait des incitations envers les groupes de supporters à
gérer eux-mêmes leurs camarades.

Si les hooligans appartiennent le plus souvent aux classes sociales


les plus faibles, la possibilité leur est donnée par l’agressivité de se
réunir, d’être reconnus et d’avoir le sentiment d’un certain pouvoir.
La violence est alors l’expression de leur refus de la société ou des
difficultés qu’ils y rencontrent. Pour certains, il s’agirait, selon

110
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Ehrenberg, d’une quête de reconnaissance sociale et d’une « rage de


paraître ». Assister à un spectacle violent n’aurait pas forcément un
effet libératoire de l’agressivité. Le niveau d’excitation des spectateurs
est augmenté à la fois par le jeu, par sa technique, par les points
marqués par son équipe et, de façon négative, par les buts adverses,
par le jeu agressif des joueurs et par les décisions de l’arbitre (Young,
2012). Les fondateurs de certains groupes de supporters sont origi-
naires des classes supérieures. Dans tous les cas, l’identification à
l’équipe qu’ils encouragent et la recherche d’excitation entrent dans
la violence dont ils font preuve. Les comportements violents appa-
raissent le plus souvent lors de la deuxième mi-temps, encore plus
si la défaite se profile. La tension monte alors en même temps que
les antagonismes.

Le drame du Heysel a modifié l’approche du hooliganisme, qui était


présent dans des pays tels que l’Allemagne, la Belgique, la France et
les Pays-Bas. Les événements tragiques lors de la finale de la coupe
d’Europe des clubs champions ont relancé de nombreuses recherches
et justifié le développement d’une législation et d’une réglementation
internationales. À partir de ce moment, les travaux de recherche
ont porté essentiellement sur les processus d’apprentissage de la
violence : mimétisme, conformité aux normes du groupe, concur-
rence intergroupes, carrière déviante, etc. L’aspect contagieux du
comportement violent a été souligné, car un simple incident peut
générer une rixe. L’individu est identifié au groupe auquel il appar-
tient, les écharpes et vêtements de même couleur y contribuent. C’est
pourquoi certains auteurs ont souhaité rattacher ces mouvements à
la crise identitaire adolescente et post-adolescente et à une logique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

intergroupes. Au contraire, la théorie de la vulnérabilité sociétale,


dans les années quatre-vingt-dix, considérait que les expériences
psychologiques négatives des jeunes s’estimant en échec par rapport
à la société leur permettaient de compenser ces difficultés en investis-
sant leur équipe et leur groupe de supporters. Cette opportunité leur
permettait également de susciter l’intérêt des médias et la méfiance
de la police et des supporters des équipes adverses. Certains mouve-
ments d’extrême droite ont même infiltré des groupes de supporters.

111
Introduction à la psychocriminologie

Selon Bodin (1999b), si ces violences semblent moins s’exercer en


France, c’est que le contrôle policier y est très renforcé, d’où le dépla-
cement de la violence plus loin des stades.

La plupart des faits de violence en lien avec le sport se produisent


avec le football (56 %) : sentiments hostiles et belliqueux reposant
sur des stéréotypes et stigmatisant les groupes adverses, loyauté
et solidarité au sein de chacun des groupes. Les échanges donnent
lieu à compétition et sont prétextes à différenciation (Bodin, 2002 :
enquête auprès de 2 393 spectateurs et supporters de basket-ball,
football, rugby et volley-ball). Les supporters du football sont
également presque les seuls avec ceux du basket-ball à se déplacer
pour tous les matchs. Le noyau dur des clubs de supporters est
composé des plus anciens et des plus assidus. L’analyse des groupes
de supporters allemands, anglo-saxons, belges et français montre
qu’ils se décomposent en deux entités essentielles : le noyau dur,
comprenant les leaders, qui comporte de 10 à 200 membres selon
l’importance du groupe, et les « suiveurs », qui composent le reste
du groupe, de 50 à 2 500 membres en France. Les suiveurs parti-
cipent ponctuellement aux actions du groupe qu’ils recherchent
pour des raisons d’amitié et d’ambiance. Les membres des noyaux
durs sont plus souvent impliqués dans les événements hooligans
(Direction des Affaires criminelles et des Grâces ; Malatesta et
Jaccoud, 2002).

Certains ont identifié un groupe à risque représentant une menace


pour la sécurité et dont les actes sont planifiés et organisés (Comeron,
2003). Ce groupe appelé side se compose de deux ou trois meneurs
chargés de la gestion des activités du groupe et des stratégies globales
ou ponctuelles (actions à mener). Il s’appuie sur un noyau dur de
spectateurs fidèles présents à tous les matchs et qui se considèrent
comme des hooligans professionnels. Ce noyau se subdivise en
sous-groupes. Tout d’abord, les desperados, jeunes marginalisés et
défavorisés économiquement, souvent impliqués dans la délinquance
urbaine et ayant parfois déjà connu la prison. Viennent ensuite les
durs, qui présentent des comportements délinquants uniquement lors

112
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

des matchs, mais dont l’insertion socioprofessionnelle est correcte.


Enfin, les individualistes ne sont présents que lors des matchs et ne
fréquentent pas le groupe pendant la semaine. Un autre groupe est
appelé kop, terme issu de l’histoire militaire anglaise en référence à
une colline d’Afrique du Sud du nom de Spion Kop qui, dans la guerre
des Boers, vit tomber 900 soldats anglais. Son nom fut donné à une
tribune de Liverpool en mémoire des victimes. Il s’agissait de places
debout, dont le billet était peu onéreux, et qui accueillaient des spec-
tateurs déchaînés. Le kop est composé des plus fervents supporters
revêtus des couleurs du club, encourageant les joueurs de leur fanfare
et de leurs chants. À la différence du side qui fonctionne selon une
logique d’affrontement avec les sides adverses, le kop ne représente
pas, en principe, le groupe le plus à risque.

Au niveau répressif, la lutte contre la violence dans les stades a été


intensifiée. La violence et le hooliganisme ne sont pas aisés à prendre
en charge hors d’un programme de prévention et des mesures
d’accompagnement. Des programmes de prévention intègrent la
nécessité que chaque pays fixe des seuils de tolérance, assure un
accompagnement des supporters, contribue au maintien de l’ordre
et à la mise en place d’un système permanent de coopération s’ap-
puyant sur des officiers de liaison et des observateurs ; exerçant des
mesures de contrôle de supporters à risque identifiés et ciblés ; enga-
geant une responsabilisation de l’organisateur au minimum dans les
domaines de l’infrastructure, de la billetterie, du contrôle d’accès et
de la répartition des supporters dans le stade ; incitant à une politique
de sanctions dans le cadre d’un partenariat avec tous les acteurs de
terrain (Comeron et Vanbellingen, 2003). Par ailleurs, en prévention
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

situationnelle, les techniques comme la vidéosurveillance ont une


fonction de dissuasion mais ont assez peu d’effet en termes d’intimi-
dation réelle. Enfin, notons qu’il existe encore trop peu d’études sur
les hooligans et leurs carrières déviantes (Bodin et al., 2013).

La violence dans les stades concerne également la violence entre


joueurs (coéquipiers ou adversaires), la violence de la part d’une
personne ayant autorité vis-à-vis des sportifs (entraîneurs, parents,

113
Introduction à la psychocriminologie

administrateurs sportifs, équipe médicale et paramédicale). La


violence peut être de différentes natures. Il peut s’agir d’agressions
verbales, physiques ou sexuelles (Parent et al., 2011), de harcèlement
ou d’intimidation directs ou via les réseaux sociaux (Adler, 2014), de
rumeurs, de dégradations de matériel. Il existe peu d’études sur les
contacts sexuels consentants ou non entre athlètes et entraîneurs,
mais les données de certains pays laissent à penser qu’ils doivent être
pris en compte sérieusement (Parent et al., 2015). Les garçons sont
plus à risque de violence physique et psychologique, les filles sont
plus à risque de violence sexuelle, et les risques globaux sont plus
importants dans les niveaux de compétition plus élevés.

Un certain nombre de recommandations ont été faites afin de


protéger les jeunes athlètes (Mountjoy et al., 2015 ; Vertommen et
al., 2015).

3. Les homicides
La criminalité violente a augmenté en France de façon significative
au cours des dernières années. Cet état de fait suscite de nombreuses
questions : est-ce un phénomène repéré dans différents pays ou bien
circonscrit à quelques États ? Quelle est la part des mineurs dans ces
crimes ? Du point de vue de la recherche, l’homicide est probable-
ment le crime qui se prête le mieux à une comparaison internationale,
car les pays s’accordent au sujet de la définition de cette catégorie.
L’homicide est également un indicateur intéressant, car il s’associe
fréquemment à des vols qualifiés, à des voies de fait ou à des agres-
sions sexuelles. Du fait de cette association, il peut rendre compte du
niveau de violence d’une société. L’homicide reflète donc en partie
l’état de la criminalité d’un pays donné.

On ne peut considérer la question des homicides uniquement en


France. C’est pourquoi nous avons réalisé une analyse comparée des
homicides en France et aux États-Unis (Blatier et al., 2010).

114
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

3.1 La situation internationale en matière d’homicide

La comparaison des taux d’homicides pour 100 000 habitants est


intéressante à faire sur différents pays, car elle permet de porter un
regard plus éclairé sur l’évolution de la criminalité et sur sa percep-
tion. En effet, du fait d’une large médiatisation des homicides, la
perception de leur importance est rendue assez sujette à caution,
En 2016, l’information la plus récente indiquait que le taux d’homi-
cides pour 100 000 habitants était (par ordre décroissant) de 25,5
en Colombie, de 10,82 en Russie, de 5,35 aux États-Unis, de 1,68 au
Canada, de 1,35 en France, de 1,2 en Angleterre et au Pays de Galles, et
de 0,63 en Espagne. Il ne faut pas oublier que cette catégorie reste, du
point de vue de la comparaison internationale, très sujette à fluctua-
tions en raison du caractère collectif de certains homicides, du fait du
terrorisme (en Irak ou en Israël par exemple) ou de coups de force et
d’assassinats collectifs (voir les massacres au Rwanda, par exemple, dans
une école en Ossétie en 2004, ou encore dans une école de Newtown,
Connecticut, en décembre 2012, où 20 enfants et six adultes avaient été
tués par un jeune homme lourdement armé, etc.). De telles disparités
ne peuvent laisser sans réaction des gouvernements qui s’interrogent
sur la stabilité interne de leur pays. Elles questionnent également les
médecins et les psychologues qui espèrent assurer des équilibres plus
robustes dans certaines sociétés. Nous poserons quelques jalons pour
expliquer pourquoi certains pays ont un taux d’homicides moindre.
Mais avant cela, examinons la situation française.

3.2 La situation en France


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Depuis de nombreuses années, les statistiques indiquent une


forte croissance de la délinquance et de la criminalité en France.
Cette hausse s’inscrit dans une tendance observée depuis plus de
quarante ans. Elle ne provient pas des homicides puisque cette caté-
gorie est à la baisse depuis des années1, de même que les tentatives

1. 1,3 pour 100 000 habitants en 2017.

115
Introduction à la psychocriminologie

d’homicide. La hausse tient essentiellement aux coups et blessures


volontaires et aux menaces et chantages.

Les femmes sont moins impliquées que les hommes dans les homi-
cides comme dans les tentatives d’homicide (de l’ordre de 10 %).
Les femmes tuent moins que les hommes et font moins partie des
victimes. De même, les personnes plus âgées sont moins violentes et
se font moins tuer. La catégorie des homicides concerne essentiel-
lement des hommes jeunes (85 % ; voir les travaux de Mucchielli),
qu’ils soient auteurs ou victimes. Les villes et les banlieues sont les
lieux les plus fréquents des homicides. La plupart des homicides sont
commis par des personnes majeures. Toutefois, il est utile de consi-
dérer l’évolution des faits de violence des adolescents.

3.2.1 Des adolescents délinquants, rarement homicides

Les homicides commis par les mineurs restent actuellement peu


nombreux en France. Il s’agit essentiellement de garçons. Chez ces
adolescents, le crime n’était généralement pas prémédité et se révèle
le plus souvent être une conséquence fâcheuse d’une altercation qui
tourne mal.

Le taux d’homicides des 15-24 ans aux États-Unis est bien plus


élevé que celui d’autres pays. Pour cette tranche d’âge, l’homicide
est la deuxième cause de mortalité aux États-Unis. Comment expli-
quer le faible taux d’homicides en France relativement à d’autres
pays ? Les législations sont-elles très différentes entre les États-Unis
et l’Europe ? La façon de considérer l’acte homicide varie-t-elle d’un
pays à l’autre ? Trois facteurs principaux peuvent être évoqués : la
faible présence des armes à feu, l’amélioration des conditions de vie,
la réponse pénale apportée aux homicides.

3.2.2 La présence des armes à feu

Des éléments de la vie sociopolitique ou socioéconomique peuvent


expliquer le taux d’homicides élevé de certains pays comme l’Afrique

116
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

du Sud ou la Colombie. C’est pourquoi la compréhension de ce


phénomène est de grande importance pour les politiques. Une des
questions souvent discutée en France est celle de l’accès des citoyens
aux armes à feu. La plupart des hommes politiques et beaucoup de
Français estiment préférable de ne pas libéraliser la législation en
matière de port d’armes, au motif que la présence des armes à feu
augmenterait le taux d’homicides dans le pays. Ils précisent qu’ils
ne souhaitent pas voir la situation française en matière d’homicide
se rapprocher de celle des États-Unis. En effet, dans de nombreux
domaines de la vie sociale des Européens et notamment des Français,
le modèle dominant, celui auquel on se réfère, pour l’imiter ou pour
s’en démarquer, est le modèle américain. Pourtant, peu de Français
savent que des travaux de recherche indiquent que la législation sur
les armes à feu n’est pas la seule responsable du taux d’homicides d’un
pays. En effet, le taux d’homicides hors arme à feu aux États-Unis
est plus élevé que ceux réunis des homicides avec et hors armes à
feu de pays européens. Cette première remarque indique une nette
différence : l’homicide est plus fréquent aux États-Unis que dans
d’autres pays comparables. Cette différence ne repose pas sur une
seule année, il s’agit d’un constat ancien.

Le taux d’homicides varie selon les régions. De même, la compa-


raison État par État en Amérique montre que certains États comme
le Dakota du Nord ou le New Hampshire ont des taux d’homicides
semblables à ceux de la France. Le taux de criminalité violente a suivi
une forte décroissance dans une vingtaine d’États américains, qui ne
s’est pas démentie avec la libéralisation du port d’arme dissimulé. La
corrélation a été établie entre le taux d’homicides et la présence des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

armes à feu dans un pays. Pourtant, une politique libérale en matière


d’armes à feu et un faible taux d’homicide peuvent être associés :
c’est le cas en Norvège. La législation sur les armes a un impact plus
important sur les citoyens qui ne commettent pas de crimes que
sur les criminels eux-mêmes : les premiers ne se fournissent plus en
armes et se trouvent démunis face à leurs agresseurs, particulière-
ment les femmes et les personnes âgées, qui luttent moins facilement
au corps à corps. Le taux d’homicide des États-Unis apparaît plutôt

117
Introduction à la psychocriminologie

comme un taux moyen, qui de ce fait ne reflète pas la situation exacte


d’un immense territoire. L’absence de libéralisation des armes à feu
en France ne peut donc pas être invoquée seule pour expliquer la
valeur du taux d’homicide. Un autre facteur de la baisse du nombre
d’homicides en France est celui de la réponse pénale aux homicides,
qui peut constituer un facteur de dissuasion.

3.3 La réponse pénale aux homicides

Au cours des années, la France a accru la durée de peine dans


les cas d’homicide. Certains homicides, considérés comme involon-
taires, constituent des délits d’imprudence (par exemple l’atteinte à
l’intégrité physique mesurée en incapacité de travail). Il s’agit alors
d’une faute d’imprudence ou de négligence, ou d’inobservation des
règlements. Certains auteurs d’homicides peuvent être exonérés
partiellement ou totalement de leur responsabilité. La légitime
défense représente un fait justificatif qui supprime le caractère délic-
tueux d’un acte accompli en riposte à une agression. La personne
n’encourt alors aucune sanction du fait de son irresponsabilité tant
pénale que civile. La loi insiste sur la nécessaire proportion entre
les moyens employés et la gravité de la menace. Ainsi ne peut-on
répondre par des coups à des menaces ou à des injures. De même, la
personne qui cherche à faire cesser une infraction contre un bien ne
peut pas invoquer la légitime défense si elle commet un homicide.

L’existence d’un lien entre incarcération et diminution du taux


d’homicides a été avancée par Spelman (2000), qui explique avec
statistiques à l’appui qu’un quart de la baisse de la criminalité globale
des années quatre-vingt-dix aux États-Unis est dû à la hausse des
incarcérations. D’autres études indiquent que ce résultat n’est pas
probant : une hausse des incarcérations aux États-Unis et une baisse
au Canada ont été toutes deux liées à une réduction des homicides.
Ces informations étaient sans doute connues des législateurs français
lorsqu’ils ont renforcé la pénalisation des homicides. Toujours est-il
que le nombre de détenus pour homicide est assez important en

118
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

France. Un élément de dissuasion peut donc être la menace d’incar-


cération. Dans une étude sur 122 homicides, Mucchielli (2008) a
montré que près des deux tiers n’avaient pas de diplôme, étaient issus
de milieux populaires, et que 59 % étaient inactifs. Plus de huit fois sur
dix, la victime et l’auteur se connaissaient. La situation des femmes
est un peu différente. Elles sont en nombre bien moins important.
Un point est à noter : les crimes de sang représentent la principale
catégorie pénale d’incarcération pour les femmes.

Les jeunes représentent une catégorie que l’on peut considérer un


peu à part : les mineurs sont en général traités de façon particulière,
dans des locaux spéciaux. Les jeunes majeurs sont détenus avec les
majeurs mais ils peuvent être assimilés au groupe des jeunes du point
de vue des actes commis. Il existe également des mesures judiciaires
d’assistance aux jeunes en difficulté qui s’étendent jusqu’à 21 ans.
Tableau 3.1 – Répartition des personnes condamnées
et détenues selon la nature de l’infraction et l’âge1
De 16 à 18 ans
De 18 à 21 ans

De 21 à 25 ans

De 25 à 30 ans

De 30 à 40 ans

De 40 à 50 ans

De 50 à 60 ans
l’infraction/

60 ans et +
Nature de

< 16 ans

Total
âge

Homicide
et atteinte
1 6 48 288 693 1 397 1 111 844 486 4 874
volontaire ayant
entraîné la mort
Viol sur mineur 0 0 14 62 82 268 402 484 392 1 704
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Viol sur majeur 0 4 30 145 311 647 659 470 349 2 615
Agression
sexuelle sur 0 2 9 24 52 99 147 158 138 629
mineur
Agression sexuelle
0 2 13 45 69 139 110 63 38 479
sur majeur
’
1. Statistiques de la population prise en charge en milieu fermé. Direction de l’Admi-
nistration pénitentiaire (1er juillet 2018).

119
Introduction à la psychocriminologie

De 16 à 18 ans
De 18 à 21 ans

De 21 à 25 ans

De 25 à 30 ans

De 30 à 40 ans

De 40 à 50 ans

De 50 à 60 ans
l’infraction/

60 ans et +
Nature de

< 16 ans

Total
âge
Violence
2 20 373 1 120 1 433 2 287 1 077 397 112 6 821
volontaire
Actes
involontaires :
accident de la
circulation, 0 0 6 40 78 126 43 25 4 322
homicide
et atteintes
involontaires
Autre atteinte à
0 2 63 206 289 586 372 203 90 1 811
la personne
TOTAL 3 36 556 1 930 3 007 5 549 3 921 2 644 1 609 19 255

La situation française n’est pas comparable à la situation américaine


en matière d’homicide. La réponse judiciaire des États-Unis s’insère
dans une ligne politique clairement définie depuis de nombreuses
années, marquée par une tradition plus répressive. Il est probable
que la législation française, comme la jurisprudence américaine,
limitent grandement les cas de légitime défense, ce qui peut ensuite
constituer un frein à la commission d’homicides. Par comparaison,
en Angleterre, la lutte contre la criminalité a été importante au cours
des dernières années et les atteintes aux biens ont suivi un particu-
lier recul. Les violences et les coups et blessures ont sensiblement
augmenté, mais pas l’homicide. La volonté répressive s’est traduite
par l’abolition de la présomption d’irresponsabilité pour les mineurs
de 14 ans, la suppression des allocations familiales des mineurs
délinquants, l’intensification du recours aux placements pour les
12-15 ans, l’instauration de couvre-feux et les tests de dépistage pour
les toxicomanes. La méthode se montre partiellement efficace.

Nous l’avons vu, le principal facteur de protection des homicides


des adolescents est encore souvent considéré comme l’absence de

120
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

légalisation du port d’armes. Les recherches montrent qu’il ne peut


s’agir du seul facteur. La baisse actuelle du nombre d’homicides peut
également être due à leur plus forte pénalisation. Il faut donc invo-
quer une combinaison de facteurs, tels que le fait que la légitime
défense soit plus rarement invoquée en France. On peut se demander
si les Français n’ont pas une certaine réticence par rapport à l’acte
homicide, estimant que c’est un acte grave, moralement peu accep-
table, qu’ils remplaceraient plus fréquemment par de la violence.

Les personnes convaincues d’homicide sont généralement des


personnes d’un milieu socioéconomique défavorisé, agissant souvent
sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue. Un peu plus de la moitié
de ces personnes n’ont pas d’antécédent judiciaire. Les autres ont
été condamnées pour des atteintes aux biens, pour divers faits de
délinquance et parfois pour des atteintes aux personnes. Elles sont
issues de familles aux relations le plus souvent conflictuelles accom-
pagnées pour certaines de violence. Leur niveau scolaire est faible,
ce qui limite leurs possibilités d’évolution sociale et économique. La
dimension impulsive des homicides a été assez peu traitée jusqu’ici.
Elle mériterait cependant un développement qui pourrait éclairer le
travail de prévention concernant les relations interindividuelles dans
certaines familles et la dynamique impulsive qui s’y déploie.

Une étude portant sur les caractéristiques sociodémographiques de


dossiers d’homicides conjugaux a montré que les hommes représen-
taient 88 % des auteurs d’homicide conjugal. Ils sont pour la plupart
impulsifs (80,4 %) et présentent des antécédents judiciaires (64,8 %) et
de violence conjugale physique (70,3 %). La moitié abuse de l’alcool.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le passage à l’acte est souvent motivé par la séparation du couple


(64,8 %) et par un désir de possession du partenaire. Il est fréquem-
ment commis avec une violence exagérée (54 %). Auparavant, environ
la moitié des auteurs avaient exprimé des menaces de mort ou des
menaces de suicide (Delbreil, 2015).

Les homicides constituent donc une catégorie à part dans les


atteintes aux personnes. L’analyse permet de sortir des clichés rapides

121
Introduction à la psychocriminologie

selon lesquels un plus faible nombre d’armes en circulation serait seul


responsable d’un taux plus faible d’homicides. Des études sérieuses
sur les variations des taux d’homicides dans 165 pays (Ouimet, 2012,
2015) montrent que deux dimensions fondamentales émergent, à
savoir les inégalités sociales et le faible développement économique.

Les homicides se déclinent suivant différentes catégories selon le


lien de parenté avec la personne victime.

4. Les parricides
Les parricides représentent différents homicides intrafamiliaux :
filicide, uxoricide, maricide, fratricide et sororicide. Le filicide désigne
le meurtre d’un enfant par le père ou la mère. L’uxoricide est le
meurtre de la conjointe, le maricide celui du conjoint. Le fratricide et
le sororicide sont définis respectivement comme le meurtre du frère
ou de la sœur. Le terme parricide, issu du latin parricidia (assassin
d’un proche), désigne :
– l’acte d’assassiner le père, la mère, le grand-père, la grand-mère ;
– l’acte d’assassiner une personne établie dans une relation compa-
rable à celle d’un père (par exemple le président d’un pays) ;
– l’auteur de cet acte.

Nous développerons ici le parricide au sens du meurtre des


ascendants.

Le parricide n’est pas une incrimination en tant que telle : on parle


de « meurtre d’un ascendant légitime ou naturel ou sur les pères ou
mères adoptifs ». L’article 221-4 du Code pénal affirme que le meurtre
parricide peut être puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

L’homicide intrafamilial en général et le parricide en particu-


lier constituent la destruction du lien de sang, lien le plus étroit
et le plus fondamental des êtres humains. Lorsque les conflits

122
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

transgénérationnels ne permettent plus de communication, ce lien


« sacré » peut être perturbé avec des distensions sévères. La majorité
des crimes parricides sont commis par des adultes chez lesquels on
note la fréquence particulière de syndromes psychotiques ; dans un
cas sur deux ce sont des mères psychotiques qui tuent leurs enfants
(Stroud, 2001). Les enfants et les adolescents parricides présentent
moins fréquemment des troubles psychotiques.

Depuis trois décennies, plusieurs auteurs tentent de comprendre


des actes parricides d’adolescents et d’adultes, et d’élaborer des
profils distincts. Selon leurs travaux, les adultes parricides présentent
souvent un trouble mental, généralement une schizophrénie, au
moment du passage à l’acte tandis que les adolescents parricides
agissent habituellement dans un contexte non psychotique. Il n’existe
pas chez eux de structure de personnalité parricide, mais des défail-
lances des processus de mentalisation (Marty, 2003). Dans d’autres
travaux, il est question de troubles ou de traits de personnalité du
groupe B, notamment des troubles ou traits narcissiques (Auclair
et al., 2006). Ces adolescents parricides présentent des défenses
psychiques contre l’échec et s’efforcent de faire face à des exigences
élevées et parfois au dénigrement des parents. D’autres adolescents
ont des troubles ou des traits limites et/ou antisociaux, associés à de
l’impulsivité. Ils entretiennent un mode relationnel instable, intense
et conflictuel avec l’un de leurs parents ou avec les deux. Les éléments
communs aux adolescents qui agressent leurs deux parents montrent
que ces derniers sont souvent exigeants et ont des attentes élevées.
Se percevant comme moins que rien, ces adolescents ont tendance
à penser que leurs parents sont la cause de leurs problèmes, à les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

identifier comme des persécuteurs et à viser leur élimination pour


en finir avec ces difficultés. Les adolescents qui tuent leur père lui
reprochent souvent des propos dénigrants et humiliants, ou bien
de la violence envers eux ou envers leur famille. La probabilité du
meurtre est plus forte si l’identité même de la personne est menacée
(le moi ; Holcomb, 2002 ; Marty, 1997 ; Auclair et al., 2006). Le
besoin de reconnaissance et d’affirmation de soi de ces adolescents
est manifeste ; l’acte violent vise à restaurer une image positive et

123
Introduction à la psychocriminologie

plus juste d’eux-mêmes (Holcomb, 2000). Le meurtre de la mère est


plus considéré comme l’élimination des obstacles à la réalisation de
leurs projets.

Près des deux tiers des femmes parricides (76 %) sont âgées de
19 ans et moins. L’âge moyen est de 17,7 ans. Si la mère est la
victime, elle représente souvent un obstacle à la formation de l’iden-
tité de sa fille, et si le père est la victime, le parricide représente
fréquemment une réponse à une menace d’abandon ou de rejet/
indifférence du père. Autre encore est le cas de l’acte parricide
visant à se protéger ou à protéger un membre de sa famille, souvent
la mère ou la sœur.

Divers facteurs individuels peuvent être associés au risque de


commettre un homicide intrafamilial1 (hors homicide conjugal),
comme on peut le voir dans le tableau 3.2.
Tableau 3.2 - Facteurs de risque individuels d’homicide intrafamilial

Perte d’emploi ou être sans emploi et éprouver des difficultés


financières
Signes dépressifs
Familicide
Fait d’avoir des idéations suicidaires ou d’avoir fait une tentative
de suicide
Troubles de la personnalité ou état limite
Perte d’emploi ou être sans emploi et éprouver des difficultés
financières
Signes dépressifs
Filicide
Fait d’avoir des idéations suicidaires ou d’avoir fait une tentative
de suicide
Troubles mentaux graves
Antécédents psychiatriques
Antécédents de violence
Consommation abusive d’alcool ou de drogue
Parricide
Déni de la maladie mentale
Non-prise de la médication
Troubles mentaux graves

1. INSPQ (2015), Centre d’expertise et de référence en santé publique, Québec.

124
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Des facteurs relationnels (tableau 3.3) peuvent aussi être identifiés :


Tableau 3.3 - Facteurs relationnels associés à l’homicide intrafamilial

Amplification de la violence conjugale dans le temps


Familicide
Contexte de séparation
Amplification de la négligence et de la maltraitance dans le temps
Amplification de la violence conjugale dans le temps
Antécédents de violence conjugale, lorsque l’auteur de l’homicide
est un homme
Fait d’avoir un enfant non désiré, lorsque l’auteur de l’homicide est
une femme
Filicide
Litiges entourant la garde des enfants
Contexte de négligence et de maltraitance
Contexte de séparation
Peu de contacts sociaux, être sans emploi, éprouver un stress
économique, lorsque l’auteur de l’homicide est une femme
Peur de perdre la garde des enfants
Conflits avec les parents et ressentiment
Exposition à la violence conjugale
Comportement violent de la part du parent tué
Parricide
Manque de confiance de la famille dans le système de santé
Minimisation de l’importance de la maladie mentale
Relation de dépendance avec le parent

Une étude réalisée par Le Bihan et Bénézech (2004) sur 42 parri-


cides admis en hospitalisation d’office en unité pour malades difficiles
est intéressante pour aborder les troubles psychologiques de ces
criminels. La pathologie la plus fréquente de ces parricides est la
psychose schizophrénique où le meurtre fait suite à un sentiment
ancien de haine ou de frustration. Entre 40 % et 60 % des parri-
cides sont schizophrènes. Les actes parricides sont souvent suivis
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de suicide. Les parricides pathologiques sont le fait d’hommes (9


hommes pour 1 femme) en majorité célibataires, sans enfant, sans
emploi régulier, ayant des antécédents judiciaires ou familiaux de
violence et/ou de maladie mentale, avec des précédents de refus de
soin et d’arrêt de prise en charge et de traitement.

Un parricide célèbre est Pierre  Rivière, jeune Normand qui,


en 1835, tua de sang-froid à coups de serpe sa mère enceinte de

125
Introduction à la psychocriminologie

sept mois, sa sœur de dix-huit ans et son frère âgé de sept ans. Une


fois arrêté, il relata dans un écrit autobiographique les circons-
tances de son geste. Son cas a longuement alimenté le débat autour
de la distinction entre criminalité et folie et a été décrit par Michel
Foucault. Dans la série des affaires ayant défrayé la chronique, citons
également les sœurs Papin. Le crime de Christine (1905-1937) et de
Léa (1911-2001) Papin, deux sœurs employées de maison, auteurs
du double meurtre de leurs patronnes en février 1933, inspira de
nombreuses discussions autour du passage à l’acte (Dupré, 1984 ;
Fleury, 1994 ; Lacan, 1933 ; Legendre, 1989 ; Racamier, 1955).

En dehors de ces affaires criminelles sordides heureusement rares,


il est beaucoup plus fréquent d’entendre parler de cas de délinquance.
Sur le chapitre de la délinquance, les mineurs sont régulièrement
cités.

5. Les mineurs délinquants


On peut considérer trois périodes récentes importantes pour
analyser l’évolution de la délinquance et de la criminalité des
mineurs des trente dernières années : 1993-1997, 1997-2001 et
après 2001. L’une des plus fortes augmentations récentes de la délin-
quance et de la criminalité des mineurs a été observée entre 1993
et 1997, puisqu’en quatre ans, le nombre de mises en cause de
mineurs a augmenté de 65 %. Pour comprendre cet accroissement, il
faut compter avec l’augmentation du taux de réitération, c’est-à-dire
du nombre de mises en cause par des mineurs au cours d’une année
donnée. Il faut intégrer aussi la réaction des institutions pénales. En
effet, de 1993 à 1997, une attention particulière a été portée par les
magistrats du Parquet à la délinquance des mineurs. Avec le renfor-
cement du recours aux mesures de réparation (qui ont pris un large
essor surtout à partir de 1993), les policiers ont été encouragés à
repérer les mineurs. Les policiers avaient en effet le sentiment que les
mineurs seraient plus nombreux à être poursuivis et qu’un nombre

126
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

moins important de dossiers serait laissé en suspens. Enfin, le nombre


de mises en cause de mineurs a augmenté plus vite que le nombre
d’affaires concernant les mineurs, sans doute parce que le nombre de
mineurs impliqués dans chaque affaire a augmenté (vol en réunion,
racket à plusieurs, voies de fait en réunion).

Il est également intéressant de se pencher sur la seconde période


récente, de 1997 à 2001, car elle montre l’évolution des faits de
violence (Mucchielli, 2002). Le nombre des mineurs mis en cause
par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 14,9 %
entre 1997 et 2001. Les mineurs représentaient à eux seuls 21 % du
total des mis en cause, mineurs et majeurs. Sur la période 1992-2001,
le pourcentage de mineurs mis en cause pour vol dans l’ensemble
des mineurs mis en cause a diminué de 69,7 % à 49,6 %. Pendant
cette même période, le pourcentage de mineurs mis en cause pour
des crimes et délits contre les personnes a pratiquement doublé,
passant de 8,7 % à 15,4 % (Warsmann, 2002). Si on examine l’évolu-
tion par tranche d’âge, on remarque que sur l’ensemble des mineurs
mis en cause, la part des jeunes âgés de 16 à 18 ans a légèrement
régressé (– 2 % en 2001), celle des 14-16 ans s’est stabilisée, tandis
que celle des moins de 13 ans a augmenté. Les faits montrent donc
différentes tendances dans cette délinquance : une évolution vers
la violence et un rajeunissement, que l’on constate depuis 2001.
La part de la délinquance des mineurs dans la délinquance globale
est passée de 21 % en 1998 à 18 % actuellement. À noter que dans
les dernières années, un peu moins de 100 000 jeunes étaient pris
en charge par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse
dans le cadre pénal.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La délinquance des mineurs ayant fait l’objet d’un livre spécifique


(Blatier, 2014), il est conseillé de se reporter à cet ouvrage.

127
Introduction à la psychocriminologie

Tableau 3.4 – Part des mineurs dans l’ensemble des personnes


condamnées par âge et pour différents types d’infraction

Part Part Part des


Part des
des des mineurs dans
mineurs
13- 16- la délinquance
< 13 ans
16 ans 18 ans globale
Homicides volontaires 0 0,8 4,0 4,8
Coups et violences
0 2,7 6,5 9,2
volontaires
Viols et attentats
Crimes

2,8 19,4 6,2 28,4


à la pudeur
Vols, recels,
0,2 3,7 11,7 15,6
destructions
Atteinte à la sûreté
0 0 0 0
publique
Vols, recels 0,6 10,1 13,0 23,7
Escroquerie,
0,3 4,6 5,6 10,4
abus de confiance
Coups et violences
0,6 6,6 7,4 14,6
volontaires
Destructions,
1,7 14,4 14,7 30,8
Délits

dégradations
Circulation routière 0 0,2 0,8 1,0
Chèques 0 0,8 2,8 3,6
Atteinte aux mœurs 2,9 9,9 3,3 16,2
Stupéfiants 0 2,2 5,1 7,3
IPDAP* 0,2 3,7 7,0 10,8

* IPDAP = infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique ; outrages,


rébellions et violences.

(source : ministère de la Justice, 2012)

Environ 700 mineurs sont incarcérés en France, le plus souvent


pour vol et pour différents types de violence. Il existe différentes
peines, outre la prison, parmi lesquelles on peut citer l’ajournement

128
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

de peine, la dispense de mesure ou de peine, l’admonestation, la


remise à parents, la mesure de réparation, la liberté surveillée, la sanc-
tion éducative, le contrôle judiciaire, le sursis avec mise à l’épreuve,
le travail d’intérêt général. Ces mesures peuvent être assorties d’un
placement en centre éducatif fermé (CEF) ou renforcé (CER). Ces
centres éducatifs fermés sont des établissements publics ou des
établissements privés habilités. Ils peuvent accueillir entre 10 et
12 mineurs de 13 à 18 ans ayant commis des crimes ou des délits,
placés sous contrôle judiciaire et condamnés à une peine assortie d’un
sursis avec mise à l’épreuve, ou des jeunes en libération condition-
nelle, c’est notamment ce qui les distingue des foyers classiques. La
plupart sont reçus dans le cadre d’un contrôle judiciaire et y restent
après leur condamnation avec sursis avec mise à l’épreuve. Au sein
de ces centres, les mineurs font l’objet de mesures de surveillance et
de contrôle assurées par la Protection judiciaire de la jeunesse. Un
suivi sociojudiciaire (SSJ) est une peine qui contraint le condamné
auteur d’une ou de plusieurs infractions sexuelles à se soumettre à
des mesures de surveillance et d’assistance sous le contrôle du juge
des enfants faisant fonction de juge d’application des peines. Cette
disposition visant à prévenir la récidive peut comporter plusieurs obli-
gations : interdiction de se rendre dans certains lieux, de fréquenter
certaines personnes, d’exercer une activité professionnelle ou sociale
impliquant des contacts réguliers avec les mineurs, injonction de
soins. En cas de non-respect par le mineur de ces obligations, le juge
peut mettre à exécution la peine d’emprisonnement fixée lors du
prononcé du SSJ (suivi sociojudiciaire). L’emprisonnement peut être
remplacé par un stage de citoyenneté d’un mois maximum, mis en
œuvre par la Protection judiciaire de la jeunesse avec le concours des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

collectivités territoriales, des établissements publics, des personnes


morales de droit privé ou des personnes physiques participant à des
missions d’intérêt général, notamment d’accès au droit. Les centres
éducatifs cherchent à maintenir le lien familial et à accompagner les
mineurs dans leur insertion avec des partenariats locaux.

Les aménagements de peine peuvent être proposés aux mineurs,


parmi lesquels on peut citer  : la semi-liberté, qui permet à un

129
Introduction à la psychocriminologie

condamné d’exercer des activités à l’extérieur de jour, le placement


à l’extérieur pour la réalisation d’activités contrôlées par l’adminis-
tration ou pour suivre une formation, la libération conditionnelle, qui
permet la libération anticipée d’un condamné manifestant des efforts
sérieux de réadaptation sociale, dans le cadre d’un régime d’assis-
tance et de contrôle et, enfin, le placement électronique, qui peut
être associé au contrôle judiciaire (la loi d’orientation et de program-
mation pour la justice, dite « loi Perben I », a largement remanié
l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante). Elle a distingué des
établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), premières prisons
spécialisées. La loi a permis aussi la création de dizaines de centres
éducatifs fermés (CEF). Cette loi a été suivie par la loi Perben II (2004)
portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et
qui pose les principes généraux en matière de justice des mineurs.
Depuis, de nombreux décrets ont paru, renforçant la prévention
(2007), instituant un tribunal correctionnel pour mineurs, compétent
pour les mineurs de plus de 16 ans en état de récidive pour certains
délits (2011). À travers de nombreux textes de loi, l’ordonnance du
2 février 1945, référence pour le jugement des mineurs délinquants, a
déjà été remaniée et le sera encore. Les magistrats peuvent ordonner
des peines et des mesures pénales, détaillées dans le tableau 3.4.

La refonte progressive de l’ordonnance de 1945 n’a réduit que très


partiellement les chiffres de la délinquance des mineurs. En effet, la
pénalisation semble avoir actuellement auprès des jeunes un effet de
stimulation pour éviter d’être appréhendé plutôt que pour éviter la
commission d’actes délictueux. Les prises en charge éducatives peuvent
s’inspirer de celles réalisées en Belgique, en Suisse ou au Canada de
façon à mieux prévenir le développement de ces conduites délin-
quantes dans le cadre de la prévention secondaire (voir Blatier, 2006).
Les enquêtes de délinquance autodéclarée (à ce jour très peu ont été
réalisées en France) montrent un écart certain entre la réalité de la
délinquance commise par les mineurs et l’identification effectuée par
les services de police et de gendarmerie ou par l’activité des tribunaux.

130
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Tableau 3.5 - Décisions des juges concernant les mineurs,


selon l’âge, en pourcentage (certaines mesures peuvent se cumuler)

Mineurs < 13 ans 13-16 ans 16-18 ans


Prison 0,8 32,9 38,4
Amendes 0 3,2 6,3
Peines de substitution 0 4,4 6,9
Mesures éducatives 90 54,3 44,2
Sanctions éducatives 4,7 2 0,9
Dispenses de peine 4,5 3,3 3,4
Toutes peines 0,3 3,9 5,3

Tableau 3.6 – Détail des mesures et peines ordonnées


par les juges (nombre et pourcentage pour une année donnée)

Total des peines et mesures 47 057 Pourcentage

Peines 22 185 47,14

Emprisonnement avec au moins une partie ferme 4 789 10,18

Emprisonnement avec sursis total simple 8 263 17,56

Emprisonnement avec sursis total et mise à


3 379 7,18
l’épreuve

Amende ferme ou avec sursis 1 474 3,13

TIG, sursis-TIG 3 451 7,33


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Autre peine 829 1,76

Sanction éducative 1 973 4,19

Mesure ou activité d’aide ou de réparation 617 1,31

Autre sanction éducative 1 356 2,88

Mesure éducative 21 639 48,66

Admonestation, remise à parent 16 860 35,83


’
131
Introduction à la psychocriminologie

’ Mise sous protection judiciaire 4 511 9,59

Placement, liberté surveillée, activité de jour 268 0,57

Dispense de mesure ou de peine 1 260 2,68

Source : ministère de la Justice / SG / SEM / SDSE / Fichier statistique


du Casier judiciaire national (2017).

Les catégories d’âge repérées par le droit (mineurs délinquants,


jeunes majeurs) soulignent la particularité de la personnalité en
formation à l’adolescence. Des mineurs vivent un débordement
temporaire de délinquance, d’autres ont commencé très tôt une
carrière délinquante, passant d’une délinquance acquisitive, diver-
sifiée, à un véritable comportement antisocial. Si l’adolescence est
propice aux transgressions des normes, la question se pose pour les
mineurs qui vont largement au-delà (Coslin, 1999). Certains auteurs
considèrent avec Walgrave ces manifestations comme le reflet d’une
vulnérabilité sociétale. De ce fait, les jeunes se montrent très sensibles
dans leurs rapports avec les institutions sociales.

L’influence des pairs est déterminante dans l’ampleur que peut


prendre le comportement délinquant, d’autant que les pairs délin-
quants ont plus d’influence que les pairs d’influence positive, ce qui
amène certains jeunes à participer à des bandes ou à des gangs. Ce
dernier facteur est en réalité celui qui pèse le plus dans l’adoption des
conduites délinquantes, suivi de la réaction sociale négative et des
effets de l’école. Ces questions sont largement développées dans notre
ouvrage sur la prévention de la délinquance dès la petite enfance
(Blatier, 2006 ; Giampino, 2017).

Des facteurs de prédiction ont été répertoriés et analysés comme


tels dans des recherches portant sur de nombreuses années.
L’identification de ces facteurs de prédiction pourrait servir de base
théorique à un programme de prévention auprès des enfants agressifs,
qui présentent des difficultés de relation aux autres, des troubles de la
personnalité ou qui, très jeunes, commettent des actes délinquants,

132
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

d’autant plus si ces actes sont graves eu égard au jeune âge de leur
auteur. Ceci renforce l’idée que nous défendons selon laquelle les
interventions doivent être précédées de recherches visant à établir
une meilleure connaissance des phénomènes.

Il est évident que la délinquance des mineurs est aussi un reflet du


lien des jeunes à leurs parents, à l’école, au monde actif dans lequel
ils s’efforcent d’entrer. Les difficultés occasionnées par cette période
de leur vie sont aussi rencontrées par des jeunes majeurs sur lesquels
des professionnels de la justice veillent. En effet, dans l’exercice de
leur liberté, ces jeunes majeurs souhaitent être accompagnés par un
éducateur et poursuivre leur insertion avec plus d’assurance. S’ils
avaient été jusque-là aidés par un éducateur de la Protection judi-
ciaire de la jeunesse, il est fréquent qu’ils demandent à poursuivre
cette action jusqu’à leurs 21 ans, afin d’assurer un ancrage dans la
société sans plus avoir recours au crime ou à la délinquance. Pour
ceux qui avaient été aidés au titre de l’assistance éducative, le suivi est
destiné à donner de l’assurance à ces jeunes devenus majeurs pour
commencer leur vie autonome et assurer les démarches de leur vie
socioprofessionnelle.

La délinquance a constamment été l’objet d’une attention spéciale


au moment des élections en France. Elle représente non seulement
un enjeu, les jeunes étant l’avenir de la société, mais également un
souci constant pour la société française, attentive à la transmission
des codes et valeurs qu’elle estime porter.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

6. La délinquance des seniors


La délinquance des «  vieux  » est un objet d’étude émergent
depuis quelques années (Ferrey, 2005). En effet, si la représenta-
tion que l’on se fait de la vieillesse est souvent celle d’un temps
paisible, on découvre que certaines personnes âgées peuvent être
considérées comme délinquantes. Il s’agit pour l’essentiel d’hommes.

133
Introduction à la psychocriminologie

Comparativement à la majorité de la population délinquante, carac-


térisée par un âge situé entre 20 et 35 ans, les délinquants âgés de
60 ans sont considérés comme de « vieux délinquants ». On sait
combien cette tranche d’âge conserve de possibilités physiques et
intellectuelles. Le ministère de l’Intérieur a travaillé sur le contexte
stratégique de la sécurité intérieure à l’horizon 2025 en intégrant
cette criminalité senior. Les délits sexuels constituent près de 50 %
des inculpations chez les plus de 60 ans. Viennent en second les délits
pour coups et blessures volontaires (CBV) et les crimes par homi-
cide. Ces faits concernent surtout la sphère familiale et l’entourage
proche. Certains auteurs sont atteints de troubles caractériels ou de
délires psychiatriques. Si cette délinquance concerne beaucoup plus
les États-Unis ou le Japon, elle est malgré tout présente en France. En
2018, les délinquants âgés de plus de 60 ans représentaient 3,9 % de
la population carcérale française selon les statistiques du ministère
de la Justice, par rapport à 3,6 % en 2008. Le suivi sociojudiciaire est
destiné pour 21 % à des personnes de plus de 60 ans. On s’attendrait
à ce que cette délinquance « grise » concerne les vols, les escroque-
ries financières ou encore les homicides. Pourtant, l’augmentation
de la criminalité des seniors est liée à une précarité et à un isolement
importants. De même, le vol à l’étalage est un des principaux délits
des Japonais âgés. Le Japon a vu tripler la délinquance des seniors
de plus de 70 ans au cours des dernières années. Dénommée délin-
quance des seniors, délinquance des vieux, délinquance sénile ou
encore délinquance grise, elle commence à alerter sérieusement les
pouvoirs publics. Elle intéressera certainement plus de chercheurs
dans les années à venir.

7. Les crimes en col blanc


La criminalité en col blanc (white collar criminality) a été définie
comme telle par Sutherland lors de l’assemblée de l’American
Sociological Society de 1937. Dans sa définition, les crimes en col
blanc concernaient surtout des personnes de statut social élevé

134
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

qui, au cours de leurs activités professionnelles, commettaient des


actes économiquement dommageables pour la société et en viola-
tion des lois. Sutherland regrettait que cette forme de crime suscite
peu d’intérêt. Il a souligné son peu de visibilité et son traitement
particulier par des procédures judiciaires et des sanctions différentes
(cours spéciales et arbitrage, notamment). Aujourd’hui, ces crimes en
col blanc peuvent relever de la corruption active ou passive suivant
les articles 433-1 et 433-11 du Code pénal, de l’abus de confiance
(art. 314-1 du Code pénal). L’abus de confiance est le fait par une
personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs
ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés,
à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage
déterminé. Autre crime en col blanc, l’escroquerie est le fait, soit
par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus
d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de
tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi,
à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des
valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir
un acte opérant obligation ou décharge (art. 313-1 du Code pénal).
L’abus de biens sociaux représente le fait pour un gérant de faire,
de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’il
sait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé
directement ou indirectement (art. 241-3-4 et 242-6-3 du Code de
commerce). La banqueroute représente, en cas d’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, un
acte visant à retarder la procédure en la dissimulant (fausse comp-
tabilité) ou en aggravant la situation par des achats excessifs (art. L.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

654-2 du Code de commerce).

Dans le cadre de sa conception des associations différentielles,


Sutherland considère le délinquant en col blanc ainsi que le voleur à
la tire comme des délinquants cherchant à reproduire les modes de
rationalisation de leur environnement social leur permettant de justi-
fier leur comportement délictueux à partir de pensées communes,
même si elles sont arbitraires.

135
Introduction à la psychocriminologie

La criminalité en col blanc ou criminalité d’affaires, ou encore


criminalité astucieuse, constitue une catégorie à part entière depuis
certaines affaires fortement médiatisées, dont les auteurs ont
longtemps été considérés comme des délinquants à part, inscrits
ponctuellement dans la délinquance. La réalité a montré que ces
cols blancs pouvaient ressembler à des délinquants de carrière. Ils
sont identifiés comme tels par leurs crimes commis dans le domaine
professionnel et le monde des affaires. La définition a été élargie aux
crimes contre les biens commis sans violence mais réalisés par trom-
perie, ruse ou abus. Cependant, des vols ou des détournements de
fonds dans les entreprises par exemple ne sont pas toujours signalés
lorsqu’ils sont commis par un employé, car ils constitueraient une
contre-publicité pour l’entreprise. Les crimes en col blanc résultent
aussi de marchés obtenus dans le cadre d’accords entre différents pays
ne reposant pas sur des lois identiques, dans lesquels les délinquants
estiment pouvoir utiliser le flou existant pour gagner de l’argent.

Enfin, on constate un rapprochement de la criminalité d’affaires et


de la criminalité organisée, parce que des faits de criminalité écono-
mique sont commis par des organisations criminelles, ou encore
parce que des entreprises se mettent en lien avec des organisations
criminelles pour diversifier leur marché (Queloz, 2002). La crimina-
lité en col blanc est la plus coûteuse financièrement et pourtant la
plus rarement pénalisée. Toutefois, on peut noter que les difficultés
rencontrées par certaines banques ont conduit à un fort resserrement
de la réponse judiciaire.

8. La criminalité organisée et le terrorisme

8.1 La criminalité organisée

La criminalité organisée préoccupe les gouvernements en ce


qu’elle porte atteinte à la légalité nationale et internationale et parce

136
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

qu’elle a le plus souvent des implications sur la sécurité des États. Elle
concerne la corruption, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue,
le trafic d’êtres humains, et peut voisiner le terrorisme. Les organi-
sations criminelles s’appuient sur des différences existant entre les
lois des États pour prospérer, d’où la nécessité pour eux de renforcer
leur coopération.

L’étude du crime organisé au sens large du terme pose un problème


de fond. Il ne s’agit pas d’un événement ponctuel ; il s’organise comme
un processus complexe mettant en relation une pluralité d’éléments.
Il faut donc développer des méthodes qui permettraient de saisir ce
processus.

Le fonctionnement du groupe dans la criminalité organisée est


semblable à celui de bandes organisées ou de mafias. Dans les faits,
il est parfois difficile d’exclure la catégorie du terrorisme de la crimi-
nalité organisée tant cette dernière emprunte au terrorisme.

Le terrorisme international a concerné la France et sa menace


implique encore la mise en œuvre de mesures importantes, renfor-
cées depuis l’attentat du 7 janvier 2015 contre l’hebdomadaire Charlie
Hebdo, les attentats du 13 novembre 2015 en Ile-de-France. Les actes
de terrorisme sont considérés comme des infractions autonomes
punies de peines aggravées, soit en association avec un crime ou un
délit, soit en tant qu’actes de terrorisme écologique, association de
malfaiteurs terroristes ou participation au financement du terrorisme.
Comme pour la criminalité organisée, la lutte antiterroriste concerne
de nombreux services en France et s’appuie sur une coopération inter-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nationale. Pour l’ensemble du territoire national, une seule juridiction


composée de magistrats spécialisés est compétente et centralise les
poursuites, mène l’instruction et procède au jugement.

Les différents Conseils de l’Union européenne ont établi des


objectifs pour prévenir et contrôler le terrorisme et la criminalité
organisée : renforcement de la collecte et de l’analyse de données
relatives à la criminalité organisée grâce à un groupe composé des

137
Introduction à la psychocriminologie

représentants des institutions, administrations publiques, autorités


locales, associations ; interdiction de l’infiltration du secteur public et
du secteur privé licite par la criminalité organisée, renforcement de
la prévention de la criminalité organisée et des partenariats entre le
système de justice pénale et la société civile, amélioration de la légis-
lation, du contrôle et des cadres réglementaires aux niveaux national
et communautaire, renforcement des enquêtes dans le domaine de la
criminalité organisée, renforcement d’Europol, dépistage, gel, saisie et
confiscation des produits du crime, renforcement de la coopération
entre les autorités répressives et les autorités judiciaires au niveau
national et au niveau de l’Union européenne, renforcement de la
coopération avec les pays candidats à l’adhésion, renforcement de
la coopération avec les pays tiers et d’autres organisations interna-
tionales. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la coopération
internationale contre le terrorisme a été renforcée notamment par
des résolutions des Nations unies et par le rapprochement vers des
sanctions pénales reconnues dans l’Union avec des magistrats ayant
des compétences équivalentes et une forte coopération policière.
Actuellement, le groupe Europol est compétent en matière de lutte
contre le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes, de produits nucléaires,
de voitures volées, la traite des êtres humains, le blanchiment d’argent
et la criminalité liée aux réseaux d’immigration clandestine. Il peut
avoir recours à une base de données ADN européenne. Il existe de
nombreux programmes intervenant dans la prévention et la lutte
contre la criminalité organisée, qui intègrent jusqu’à la prévention
de l’exploitation sexuelle des enfants.

La loi de 2004 portant sur « l’adaptation de la justice aux évolu-


tions de la criminalité organisée » a doté la criminalité organisée d’un
véritable statut juridique. Avant, le droit pénal français réprimait
indirectement la participation à une organisation criminelle sans lui
donner de véritable définition juridique. De manière générale, les
formes les plus graves de la criminalité organisée et de la délinquance
organisée regroupent essentiellement des atteintes à la personne,
telles que l’assassinat, les tortures et actes de barbarie, l’enlèvement
et la séquestration, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les

138
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

trafics de stupéfiants, le proxénétisme, la traite des êtres humains, les


actes de terrorisme, ainsi que certaines infractions contre les biens
ou l’État, comme le vol aggravé, le blanchiment, les délits en matière
d’armes ou d’entrée irrégulière des étrangers, ainsi que les associa-
tions de malfaiteurs en vue de commettre ces infractions.

La loi du 30 octobre 2017 renforce la sécurité intérieure et la lutte


contre le terrorisme. Une mission sénatoriale est en charge de l’évalua-
tion des mesures de cette loi inspirées de l’état d’urgence : périmètres
de protection, fermeture des lieux de culte, mesures individuelles de
contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires (équiva-
lents des perquisitions administratives de l’état d’urgence) et saisies,
mesures qui sont expérimentées jusqu’au 31 décembre 2020.

Du point de vue criminologique, la criminalité organisée se carac-


térise par l’ensemble des activités illicites (criminelles et délictuelles)
préparées ou commises par une pluralité d’individus, dans le but
d’obtenir des profits d’ordre économique, caractérisées par une
organisation méthodique des opérations, sans considération des
frontières nationales.

La criminalité organisée est définie par le Conseil de l’Union


européenne comme une « association structurée de plus de deux
personnes, établie dans le temps et agissant de façon concertée en
vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative
de liberté, que ces infractions constituent une fin en soi ou un moyen
pour obtenir des avantages patrimoniaux et, le cas échéant, influencer
indûment le fonctionnement d’autorités publiques » (art. 1.1 du
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3 décembre 1998).

Le crime organisé serait donc le fait d’organisations possédant les


traits suivants :
1. une collaboration entre plus de deux personnes ;
2. (impliquant) des tâches spécifiques attribuées à chacune d’entre
elles ;
3. sur une période de temps assez longue ou indéterminée ;

139
Introduction à la psychocriminologie

4. avec une forme de discipline et de contrôle ;


5. par des personnes suspectées d’avoir commis des infractions
pénales graves ;
6. agissant au niveau international ;
7. recourant à la violence ou à d’autres moyens d’intimidation ;
8. utilisant des structures commerciales ou de type commercial ;
9. se livrant au blanchiment d’argent ;
10. exerçant une influence sur les milieux politiques, les médias,
l’administration publique, le pouvoir judiciaire ou l’économie ;
11. agissant pour le profit et/ou pour le pouvoir.

Pour être qualifiée comme un agent du crime organisé, une orga-


nisation doit posséder au moins six critères, avec obligatoirement
les critères 1, 5 et 11. Ces trois seuls critères définissent la bande
criminelle structurée. L’ensemble de tous les critères réunis définit le
niveau le plus structuré de la criminalité organisée, à savoir la mafia.
La destination de l’argent dérobé par la criminalité organisée vise à
financer l’organisation, ses membres, la corruption afférente au fonc-
tionnement de l’organisation, et l’investissement après blanchiment,
notamment dans l’immobilier.

Selon Brodeur, le crime organisé constitue une délinquance


d’approvisionnement, de produits revendus avec un profit énorme,
comme c’est le cas des grands réseaux de vente de drogues ou d’armes,
de vol et de recel de véhicules automobiles ou d’œuvres d’art. Une
grande partie du crime organisé consiste en de telles activités illé-
gales d’approvisionnement en biens et en services partiellement ou
totalement prohibés et dans le recyclage illicite du profit de ces
trafics. Les principaux marchés échangent des personnes (prostitu-
tion, esclavage), des organes, des animaux vivants ou chassés pour
une partie de leur corps (peau, ivoire, corne), et des produits bruts
ou manufacturés (drogue, alcool, cigarettes, armes et diverses subs-
tances dont la circulation est prohibée ou entravée). Les services
proposés par les organisations criminelles sont historiquement la
protection et la médiation, et concernent davantage aujourd’hui le
passage clandestin des immigrants et la fabrication de faux papiers.

140
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

La criminalité organisée est difficile à étudier, car on connaît peu


ses soubassements dont la plupart restent secrets. Cusson choisit de
considérer la mafia comme un archétype d’organisation criminelle.
Parmi de nombreuses organisations mafieuses, il s’est intéressé à
la mafia sicilienne (Cosa Nostra), connue de l’intérieur grâce aux
« repentis » mais aussi grâce aux études de magistrats, sociologues,
historiens et journalistes (Arlacchi et Calderone, 1992 ; Falcone et
Padovani, 1991 ; Matard-Bonucci, 1994 ; Padovani, 1995). Il estime
que la mafia sicilienne reste la seule grande organisation criminelle
connue grâce à des données sûres issues de l’observation et des entre-
vues avec des repentis.

La mafia se caractérise par son fonctionnement interne et ses


rapports particuliers avec l’État et la société. Ce fonctionnement
interne présente trois caractéristiques : des familles autonomes
contrôlant un territoire, un réseau lâche de familles ayant des rites
communs, s’échangeant des services et maintenant entre elles une
paix précaire, et des membres recrutés pour leur capacité à tuer
et pour leur supériorité criminelle sur des délinquants ordinaires.
Dans ses relations extérieures, la mafia instaure trois éléments essen-
tiels à sa survie : une connivence avec la population locale facilitée
par la culture antiétatique (comme c’est le cas en Sicile) et par les
services rendus, l’immunité contre les poursuites pénales assurée
par la corruption, le contrôle des votes et l’intimidation, un système
d’extorsion-protection érigeant la mafia en police privée criminelle.

8.2 Le terrorisme
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Pour l’Onu, le terrorisme regroupe « les actes criminels qui, à des


fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur
dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers »,
« injustifiables en toutes circonstances et quels que soient les motifs
de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique,
religieuse ou autre que l’on puisse invoquer pour les justifier ». Le
terrorisme est un crime contre la société, il repose sur la violence

141
Introduction à la psychocriminologie

et l’intimidation des populations civiles. Au niveau du droit pénal,


« l’infraction doit être en relation avec une entreprise individuelle
ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par
l’intimidation et la terreur ». Par l’extrême violence qu’ils déploient,
les actes terroristes visent à faire céder le gouvernement en place
en créant une peur collective au sein de la population. Les discours
des hommes politiques aux prises avec des actes terroristes ont été
étudiés dans le but d’appréhender les mécanismes psychologiques
à l’œuvre tant chez les terroristes que chez les victimes. Hormis
les conditions économiques, politiques, sociales, géostratégiques,
religieuses, etc., invoquées pour soutenir et motiver des individus
à l’action terroriste, Casoni et Brunet (2003) dégagent du discours
des terroristes un fonctionnement psychologique particulier. Ce
discours, qu’il soit de nature religieuse ou politique, répond toujours
à une logique d’exclusion hostile. Les mécanismes psychologiques
utilisés sont principalement le recours au clivage, l’idéalisation du
groupe d’appartenance comme celle d’une idéologie ou d’un dogme,
la projection sur l’autre d’une partie inacceptable de soi, permettant
de conserver et d’accentuer l’auto-idéalisation et l’illusion de pureté
ou de vérité absolue, le désir de se protéger de ce qui a été projeté
sur l’autre, soit en s’en isolant, soit en l’attaquant.

Les cibles des terroristes sont souvent des citoyens étrangers au


conflit, notamment des femmes et des enfants. Ce choix de cible
entraîne un mouvement identificatoire chez les victimes pouvant
aller jusqu’à l’identification à l’agresseur (syndrome de Stockholm).
On connaît surtout ce processus (initialement décrit par Anna Freud)
chez les victimes de prises d’otages. Le drame qui s’est joué entre
agresseur et victime est alors transposé dans la réalité interne du
sujet, provoquant une série d’émotions conflictuelles. Ainsi, une
partie du psychisme, identifiée aux victimes, ressent des affects de
peur, de terreur, de tristesse, mais l’autre partie, dans une identifica-
tion inconsciente aux terroristes, ressent de la colère ou de la haine.
Le moi assailli cède soit à l’identification aux victimes, soit à l’iden-
tification à l’agresseur. Dans certains cas, cette dernière solution
semble plus économique : elle permet de se libérer rapidement des

142
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

affects de tristesse et de désespoir. Pour ne pas se sentir impuissant,


la personne opte (souvent inconsciemment) pour l’utilisation des
ressources de son agressivité. Elle associe alors clivage et projec-
tion pour manifester cette agressivité et son désir de vengeance.
L’agressivité peut constituer une défense contre la dépression et
le désir de vengeance permet de projeter sur autrui une partie de
soi considérée comme mauvaise ou trop hostile. Certains témoins
adoptent le discours du terroriste. Ce mécanisme de défense a pour
but de calmer l’angoisse en ayant recours à la vengeance, voie la plus
spontanée. L’illusion qui consiste à croire qu’en tuant un persécu-
teur externe on pourrait être libéré de ses propres démons peut
constituer une motivation puissante chez tout individu angoissé,
en situation de crise ou de deuil (Casoni et Brunet, 2003). Selon ces
auteurs, si l’angoisse est très massive, le désir de destruction peut
s’étendre au-delà des individus terroristes à des groupes entiers,
alors considérés comme des persécuteurs. Ce fonctionnement
psychologique aurait pu être identifié lors de guerres religieuses,
de l’extermination de Juifs par les nazis, ou encore lors des luttes
entre Tutsis et Hutus, etc. Il se caractérise en termes de clivage et
de projection et est aisément utilisé par les leaders pour concentrer
l’attention de la population sur une cible extérieure plutôt que sur
des questions intérieures à un État ou à une situation donnée.

D’autres chercheurs préfèrent souligner la construction d’un cercle


vicieux entre terroristes et victimes, qui lie les uns aux autres en
renforçant leur opposition. Il ne faut pas minimiser l’intelligence des
terroristes et leur revendication, notamment l’idéologie politique qui
fonde un grand nombre d’actions terroristes. La force pour conduire
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

leurs actions est puisée dans une vengeance plus que dans un mouve-
ment de folie.

L’objectif du terroriste est de détruire un sentiment de sécu-


rité psychologique individuel et collectif en suscitant un désespoir
profond par l’identification de la population aux victimes innocentes
ou en favorisant le recours à un fonctionnement régressé face à une
agressivité dominante. C’est ce que dénonçait Searles, repérant dans

143
Introduction à la psychocriminologie

le terrorisme un effort pour rendre l’autre fou, de désespoir et de


rage. Enfin, la recherche sur le terrorisme montre une composante
essentielle de la psychologie des terroristes (Bencheikh) : la tendance
suicidaire, comme composante refoulée qui se ranime au moment
où la personne décide de rejoindre le groupe terroriste. Risquer ainsi
sa vie permet d’exercer sa pulsion de mort dans la violence, quitte
à en périr. L’idée de martyr vient rapidement ensuite : à la douleur
de la pensée de mourir se greffe, selon cet auteur, un plaisir ambiva-
lent sadomasochiste qui consiste à infliger de la douleur aux autres,
tout en la subissant par identification à la victime ou en attendant sa
propre mort ou sa mise hors d’état de nuire.

Par ailleurs, si une idéologie justifie pour les terroristes l’usage de


la peur et de la violence meurtrière, on peut considérer que pour
certains terroristes, mourir est une gloire et que l’idée même de
défendre une cause vaut tous les sacrifices.

L’étude du crime organisé et du terrorisme pose un problème de


fond, car il s’agit de processus complexes pour lesquels des méthodes
spécifiques peuvent encore être approfondies. Le peu de recherches
sur la criminalité organisée et le terrorisme, comparativement à la
criminalité et à la délinquance, est un indice de ce manque.

9. La cybercriminalité
Le terme « cybercriminalité » est un vocable générique définissant
l’ensemble des infractions pénales susceptibles d’être commises sur
les réseaux de télécommunication en général et plus particulièrement
le réseau Internet. La cybercriminalité recouvre deux types d’infrac-
tions pénales : les infractions directement liées aux technologies de
l’information et de la communication dans lesquelles l’informatique
est l’objet même du délit, et les infractions dont la commission est
liée ou facilitée par ces technologies et pour lesquelles l’informatique
n’est qu’un moyen.

144
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Du fait de l’accès de plus en plus aisé à Internet de par le monde


entier, la cybercriminalité est en hausse. Les crimes commis par
le recours à la technologie informatique concernent des fraudes
bancaires, des annonces frauduleuses (annonces d’objets volés, de
gains mirifiques), des vols d’informations (à titre individuel par le vol
d’identité, pour l’industrie ou encore pour la recherche), des propo-
sitions illicites (pédophilie ou corruption de mineurs, pornographie
d’enfants, incitation à la haine raciale ou provocation à la discrimi-
nation de personnes en raison de leur origine, de leur sexe, de leur
orientation sexuelle ou de leur handicap), menaces ou incitations à
la violence ou à commettre des infractions, injure ou diffamation,
escroquerie (information pour la production de drogues, d’explosifs,
copies illégales de musique, de vidéos, de jeux, etc.). Ajoutons à cette
liste non exhaustive la diffusion de virus informatiques par esprit
ludique ou avec une mauvaise intention.

La cybercriminalité de type escroquerie est une activité jugée très


lucrative, comme en témoigne le dernier rapport sur les menaces à
la sécurité Internet. En France, les escroqueries, abus de confiance et
fraudes aux cartes bancaires représentent 84 % des cyberinfractions
constatées par les services de police et de gendarmerie. Les pirates
et autres organisations criminelles cherchent à tirer toujours plus de
profit de leurs attaques en ligne. Les dernières observations montrent
que le cybercriminel est extrêmement compétent et intelligent. Le
nombre de sites d’enchères au marché noir ne cesse d’augmenter :
il s’agirait d’un marché illégal de plusieurs milliards de dollars. Un
éditeur allemand de solutions antivirus a réalisé une étude sur les
tarifs de la cybercriminalité. L’envoi d’e-mails indésirables (spams) y
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est décrit comme peu cher, de même que l’achat d’une liste de quatre-
vingts millions d’adresses e-mail, à spammer soi-même, ou encore
le lancement d’une attaque par procuration, via un réseau d’ordina-
teurs infectés, ne coûte qu’une dizaine d’euros par heure, avec dix
minutes d’essai généralement offertes. L’évolution de la cybercrimi-
nalité concerne également les diverses infractions qui sont commises
et qui se renouvellent à vive allure, rendant tout type de classification
dépassée à peine publiée.

145
Introduction à la psychocriminologie

Il est difficile de présenter les profils de personnalité pouvant être


associés à la catégorie des individus cybercriminels qui cherchent
à mettre en péril ou à utiliser à leurs fins la sécurité de l’infor-
mation. Ces profils de personnalité peuvent être associés, selon
Marc Ouimet, professeur à l’université de Montréal, consultant
clinique auprès d’organismes publics et privés, à des troubles
mentaux de type délirant (mégalomanie, persécution), à des
troubles sexuels (exhibitionnisme, voyeurisme, fétichisme, pédo-
philie, sadisme, masochisme) ou à des troubles de la personnalité de
type paranoïaque, schizoïde, schizotypique, limite, narcissique, ou
antisocial. Du point de vue de la prévention, il est nécessaire de
parvenir à décrire le développement de ces états psychopatholo-
giques, afin de relever les problématiques éducatives et familiales
des enfants et des adolescents qui peuvent conduire à des compor-
tements juvéniles cybercriminels.

Beaucoup de contacts sont opérés sur Internet pour diffé-


rentes activités illicites. Les signalements peuvent être adressés à
la Sous-direction de la Lutte contre la cybercriminalité (SDLC) via
la plateforme Pharos. La SDLC comprend notamment un bureau
de coordination stratégique, un bureau de l’Internet, un bureau de
la formation à la lutte contre la cybercriminalité, une division de
l’anticipation et de l’analyse et l’Office central de lutte contre la crimi-
nalité liée aux technologies de l’information et de la communication
(OCLCTIC). Les mineurs sont une cible privilégiée, notamment
concernant les sites d’images pédopornographiques qui représentent
des infractions importantes ainsi que la diffusion pédopornogra-
phique peer to peer. La pornographie et la recherche de partenaires
mineurs sont particulièrement développées sur Internet (voir le
grooming, action de manipuler des enfants à des fins sexuelles sur
Internet). Dès lors, les moyens de prévention tant auprès des mineurs
que des annonceurs doivent être eux aussi très importants. La figure
suivante rend également compte de signalements réalisés par le biais
d’Internet relatifs à des injures ou à des incitations à la haine ou à la
discrimination.

146
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Les signalements reçus se répartissent principalement dans les


catégories suivantes1 :
• escroqueries et extorsions : 51 % des signalements ;
• atteintes aux mineurs (pédopornographie, prédation sexuelle,
etc.) : 13 % des signalements ;
• apologie et provocation au terrorisme : 4 % des signalements ;
• discriminations  : 13  277 des signalements, soit 8,6  % des
signalements.

Les critères de qualification de la plateforme Pharos en matière de


discriminations se fondent principalement sur la loi sur la presse :
provocation publique à la haine, à la discrimination ou à la violence,
apologie de crimes de guerre ou contre l’humanité, contestation de
crimes de guerre ou contre l’humanité, diffamations et injures raciales.
Les signalements les plus nombreux en matière de discrimination
présentés dans la figure des signalements adressés à l’OCLCTIC
concernent la provocation publique à la haine et la discrimination
raciale, ethnique ou religieuse : discours antisémites, anti-musul-
mans, anti-Arabes, anti-chrétiens, anti-Blancs2, etc.

« Happy slapping » xénophobe (vidéos de violences…) 7

Contestation de crime contre l’humanité 121

Provocation publique à la haine et la discrimination à… 45

417
Apologie de crime de guerre et contre l’humanité

Injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires 4755

Provocation publique à la haine et la discrimination à… 664

7248
Provocation publique à la haine et la discrimination…
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0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000

Figure 3.1 – Signalements adressés à l’OCLCTIC3

1. Ministère de l’Intérieur, 2018.


2. Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2017 – contri-
bution du ministère de l’Intérieur – Bilan statistique 2018, p. 19.
3. Données OCLCTIC 2017.

147
Introduction à la psychocriminologie

10. Les tueurs et tueuses en série


L’histoire a révélé l’existence de tueurs en série dont certains
sont bien connus, comme Gilles de Rais ou Marie de Brinvilliers.
On connaissait aussi des femmes empoisonneuses (telle Gessina
Gottfried) et des meurtriers (tels Jack l’Éventreur ou encore
Joseph Vacher, qui l’imita).

À la fin du XXe siècle est apparue la dénomination de « tueur en


série ». Le FBI, via Robert Ressler (1988), a introduit celui de serial
killer, une expression devenue fréquente au cinéma. Le meurtrier
en série prémédite des crimes souvent fantasmés et planifiés dans
le détail. Hickey (1997) désigne par tueur en série tout agresseur
homme ou femme qui commet avec préméditation au moins trois
meurtres séparés dans le temps. L’intervalle entre les actes meurtriers
va de quelques jours à quelques années. Holmes et De Burger (1988)
estiment que le meurtre en série concerne au moins trois victimes
sur une période de plus de 30 jours, avec une période d’accalmie
significative entre deux crimes. Bénézech (1992) qualifie de tueur en
série un criminel « à partir de trois homicides sans mobile apparent
et de sang-froid ». Le meurtre de bordée (spree murder) définit deux
meurtres ou plus commis en des lieux différents, mais sans période
de latence entre les crimes, par exemple lorsque un détenu s’échappe
de prison et commet des meurtres successifs. Les tueurs en série ne
sont pas assimilables aux tueurs lors de massacres. Le meurtre de
masse (mass murder) désigne le massacre d’un groupe de personnes
en une seule fois (même si cela peut durer des heures) dans une zone
géographique proche1. Au contraire, le tueur en série peut assassiner
dans des villes ou dans des pays différents. Il peut échapper longtemps
à la police ou encore se trouver incarcéré pour d’autres motifs (Dieu,
2012 ; Hirschelmann, 2012).

1. C’est le cas d’Anders Behring Breivik qui, en 2011, tua 69 personnes (principalement
des adolescents) sur l’île d’Utøya en Norvège, ou de Nordine Amrani, auteur de la tuerie
de Liège en 2011, qui fit 7 morts et 122 blessés. Les tueurs de masse sont généralement
des personnes isolées, psychotiques pour certaines, qui peuvent avoir une revendication
à adresser à la société.

148
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Les tueurs en série sont essentiellement des hommes, bien que


les femmes ne soient pas totalement étrangères à ce type de crime.
Hickey (1997) a recensé 62 femmes parmi 399 tueurs en série améri-
cains entre 1800 et 1995. Parmi ces femmes, les deux tiers ont agi
seules (Senninger, 2004, 2005). Les criminels multirécidivistes
sévissent majoritairement aux États-Unis : 75 % des 200 tueurs
en série recensés ces 30 dernières années vivaient aux États-Unis
(Vézard, 2002). Ils agissent généralement seuls, mais peuvent avoir
un complice. Le crime est souvent commis près de leur domicile. 60 %
d’entre eux signent leur premier crime avant l’âge de 30 ans ; les deux
tiers des crimes sont reconnus comme organisés (Senninger, 2005).
Les victimes sont majoritairement des inconnus, principalement
des femmes seules, jeunes adultes ou d’âge moyen, correspondant
aux fantasmes sexuels du tueur ou à ses souhaits de contrôle ou de
gain financier. Les victimes sont principalement attaquées à l’arme
blanche. Les tueurs en série ne sont pas forcément issus des catégo-
ries socioéconomiques les plus faibles : en France, 9 % sont de classe
supérieure, 66 % de classe moyenne et 25 % de milieu défavorisé.
Un sur trois est un enfant adopté, contre 12 % des tueurs en série
américains (Bourgoin, 2003).

Dans la majorité des cas, selon le FBI, les tueurs en série ont
eu une enfance difficile, avec des carences affectives. Il s’agit d’un
maternage et/ou d’un paternage insuffisamment bons (père absent,
parents alcooliques, etc.), d’une carence ou d’un isolement affectif,
d’un traumatisme physique, psychique ou sexuel dans la petite
enfance, de multiples changements rendant difficile un enracine-
ment social, ou encore d’un climat de violence ou d’inadaptation
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sociale. C’est aussi le cas de Guy Georges, orphelin placé de maisons


d’accueil en foyers ou en maisons de correction. L’enfant métis a
été abandonné à sa naissance par sa mère et n’a découvert l’iden-
tité de son père qu’au moment de son arrestation, en 1998. Dans
sa famille d’accueil, les démonstrations d’affection étaient rares,
l’autorité et l’ordre régnaient et la sexualité y était un sujet tabou.
Comme beaucoup de tueurs en série, il en est venu progressivement
à l’idée du meurtre. Adolescent, il a commencé par voler dans le

149
Introduction à la psychocriminologie

porte-monnaie de sa mère adoptive, puis il a accumulé les petits


délits : vol à l’étalage, vol de moto, vol à la roulotte… Lorsqu’il était
arrêté, il portait toujours sur lui un poignard, une paire de ciseaux
ou un tournevis. À 14 ans, il a tenté d’étrangler ses deux sœurs
adoptives ; à 17 ans, il agressait des femmes en les violant puis en
les tuant.

Dietz distingue cinq catégories de tueurs en série : le meurtrier


psychopathe sadique sexuel, le meurtrier de bordée, les membres
d’entreprises ou d’organisations criminelles, les empoisonneurs en
série (veuves noires qui assassinent leurs maris les uns après les
autres, anges de la mort qui tuent ceux qu’ils sont censés protéger,
garde-malades, baby-sitters, etc.) qui mènent à la mort des victimes
affaiblies par l’âge ou par la maladie, et enfin les psychotiques.

Les tueurs en série ont été classés par Holmes et Holmes selon le
mobile de leurs actes :
– le tueur en série qui présente des visions : ses actes répondent à
des ordres hallucinatoires (c’est le cas des psychotiques) ;
– le tueur en série qui se pense investi de la mission de rétablir la
justice à travers ses actes meurtriers ;
– le tueur en série hédoniste, avec trois sous-types : le meurtrier
par plaisir ou par avidité sexuelle (intéressé autant par le corps
des victimes vivantes que mortes), le meurtrier motivé par la
frayeur qu’il peut susciter chez sa victime, qui utilise fréquem-
ment la torture et se montre très intéressé à déjouer les plans
de la police qui s’efforce de le retrouver ;
– le meurtrier par recherche du gain (argent, assurance, béné-
fices divers), dont le but est de vivre dans le confort après avoir
soutiré l’argent de son conjoint, d’une personne dépendante ou
d’un inconnu ;
– le meurtrier qui recherche le pouvoir et le contrôle sur ses
victimes : cette recherche de domination et d’humiliation s’ex-
prime souvent par la sexualité, mais aussi par le sadisme et par
le cannibalisme, s’appuyant là encore sur la terreur occasionnée
chez la victime.

150
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Il est fréquent que le meurtre en série soit commis avec des actes
de torture et de barbarie, y compris sur la victime après sa mort
(Aiken, 2001). Le scénario criminel peut être conçu de longue date,
avec minutie, et utiliser tous les moyens pour se souvenir de la
cruauté avec laquelle il a été mis en œuvre (enregistrement vidéo,
conservation d’objets ayant appartenu à la victime, etc.). Le meur-
trier utilise souvent une arme blanche ou ses mains et recherche
un contact physique avec la victime. De sordides affaires ont été
révélées depuis celles de Jack l’éventreur ou de l’étrangleur de
Boston. Régulièrement le projecteur est focalisé sur un tueur en
série qui s’attaque à des personnes vulnérables (le plus souvent des
femmes, des prostituées, des SDF, des enfants, des personnes âgées)
puis disparaît avant de laisser un nouveau cadavre. Bien des cas
avaient laissé penser que les tueurs en série ne s’attaquaient qu’à des
personnes de même race qu’eux, généralement moins âgés qu’eux,
jusqu’à l’arrestation d’Arthur Shawcross, qui assassina entre 1988
et 1990 treize femmes (des femmes blanches comme des femmes
noires). Les profilers s’attachent à connaître le mode opératoire
des tueurs en série qui ont recours à la même méthode ou fondent
leur acte criminel sur un même mobile. Il peut exister un point
commun entre les victimes, qui permet de trouver des indices sur
l’identité du tueur en série. La recherche du contrôle sur la victime,
du pouvoir, de l’argent, ou encore d’une relation sexuelle suffisent
comme mobiles du meurtre.

Les tueurs en série ont généralement autour de 30 ans, font le plus


souvent partie des catégories socioprofessionnelles ouvrières ou des
classes moyennes. Selon Stéphane Bourgoin (2003), l’âge moyen des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

serial killers au moment de leur premier crime est de 27,2 ans, et de


31,4 lors de leur dernier meurtre. Beaucoup ont souffert émotionnel-
lement ou ont été abusés par leurs parents. Leur enfance a souvent
été marquée par les trois caractéristiques suivantes : énurésie, torture
d’animaux, expériences de type pyromaniaque. Plusieurs tueurs en
série ont révélé dans les entretiens réalisés pendant leur détention
une admiration pour les forces de police et pour l’autorité en général.
L’arrestation qui met fin à leurs actes meurtriers met un terme à un

151
Introduction à la psychocriminologie

processus qu’ils n’arrivaient pas à stopper. En termes psychopatholo-


giques, les tueurs en série sont plutôt des personnalités pathologiques
borderline, antisociales ou narcissiques. Si le comportement anti-
social est manifeste et s’ils montrent une absence de remords et de
culpabilité, la psychopathie n’est pourtant pas toujours avérée. En
revanche, un sadisme principalement sexuel est fréquent ainsi qu’une
dimension d’emprise. La transformation de la menace interne en
jubilation contribue au retournement actif-passif, défini comme un
acte lié à une angoisse de passivation et d’anéantissement (Villerbu,
2008). Le crime est souvent considéré comme une sorte de rituel
par l’assassin. Ce dernier présente une certaine peur de la sexualité
et ne peut faire l’amour qu’avec une victime réduite à l’impuissance,
évanouie ou morte (Bourgoin, 2003). La sérialité repose sur le retour
dans le réel d’une situation traumatique qui se rappelle à l’auteur
(Harrati, Vavassori, Villerbu, 2003).

Certains tueurs en série auraient eu une relation étrange à leur


mère, dominatrice et castratrice. De cette interaction maternelle
pathogène résulteraient des difficultés à nouer des relations avec
une femme : le seul moyen de s’en libérer serait de la tuer ou de
supprimer toute personne qui la représente symboliquement. Ainsi
l’individu établirait-il une sorte de thérapie individuelle dont l’ob-
jectif serait de se libérer psychologiquement de l’emprise de sa mère.
Edmund Kemper illustre bien ce cas : tueur en série aux États-Unis, il
a connu une enfance difficile avec une mère tyrannique, le rabaissant
constamment et allant jusqu’à l’enfermer dans une cave. À l’âge de
14 ans, il commettait ses premiers meurtres. Il tua essentiellement
des femmes, principalement des étudiantes, par identification à sa
mère, qui travaillait à l’université, puis finit par la tuer elle-même,
avant de se rendre à la police. En tuant celle-ci, il a retrouvé l’origine
de ses actes si violents, dont le but était, selon Zagury, « d’effacer en
acte toute trace en lui-même de cette mère omnipotente, destructrice
et vampirisante ». Bien que cette hypothèse soit intéressante, elle
n’est valable que pour une partie des tueurs en série, d’une part parce
qu’ils n’ont pas tous été abusés ou castrés symboliquement par leur
mère et, d’autre part, parce que cette explication vaudrait pour les

152
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

tueurs en série qui abusent des femmes, or certains agressent aussi


des enfants et des homosexuels.

D’autres auteurs supposent que le tueur en série chercherait à


renaître à travers le meurtre. Bénézech estime que le tueur « se soigne
en tuant les autres ». Le meurtre en série ne serait pas si immotivé
qu’on le pense et, selon Zagury, il serait un moyen de préserver « une
économie psychique en perdition, menacée par la pulsion de mort,
s’accordant un sursis par la mise à mort de la victime ». À travers
l’acte meurtrier, le sujet chercherait donc à lutter contre une angoisse
de mort prédominante chez lui, à repousser et à agir sur autrui la
dévitalisation qu’il sent à l’œuvre en lui-même, une dévitalisation
due à un traumatisme antérieur et qui expliquerait son aptitude à
nier les émotions et les affects de sa victime. Son passage à l’acte lui
permettrait d’éprouver un « sentiment d’omnipotence, un triomphe »
(Senninger, 2006).

Pour d’autres auteurs, bien que d’accord pour attribuer l’origine du


comportement destructeur et répétitif à un traumatisme passé, il s’agi-
rait plutôt d’un désir de vengeance à la suite de blessures narcissiques
engendrées par ce traumatisme. L’individu chercherait à réparer ce qui
lui a été fait, à infliger aux autres ce qu’il avait dû subir. L’agressivité
serait alors employée au service d’un moi mégalomaniaque et se
déploierait dans le cadre d’une perception archaïque de la réalité.
L’individu ne ressentirait alors aucune empathie pour ses victimes et
se croirait tout-puissant. Le fait qu’il ait eu à subir dans le passé une
injustice lui donnerait l’impression d’avoir tous les droits : « J’ai le
droit d’être une exception et de passer par-dessus les scrupules qui
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

arrêtent les autres gens. Je puis commettre des injustices parce qu’une
injustice a été commise à mon égard » (Senninger, 2004).

La plupart des tueurs en série étudiés par Allely et par ses colla-
borateurs (2014) montrent la présence d’une interaction de facteurs
biologiques, psychologiques et sociologiques et une proportion
importante de tueurs en série comme de tueurs de masse qui présen-
teraient des troubles neurodéveloppementaux.

153
Introduction à la psychocriminologie

Le FBI distingue deux catégories de tueurs en série : les organisés


et les psychotiques qui, du fait de leur pathologie, sont désorganisés
(voir tableau 3.7).
Tableau 3.7 – Les tueurs en série (FBI)

Tueurs en série Tueurs en série


organisés désorganisés

Quotient intellectuel Élevé Moyen


Socialement
Compétence sociale Correcte
immature
Peu qualifié/grande
Emploi Souvent qualifié
instabilité
Sexualité Compétent Incompétent
Père absent,
Caractéristiques familiales délinquant ou Mère pathogène
violent

Discipline durant l’enfance Inconsistante Sévère

Socialement
Relations sociales Solitaire
superficiel

Comportement durant le crime Dans le contrôle Disposition anxieuse

Alcool durant le crime Oui Non

Réaction face aux médias Suit le crime Peu d’intérêt

Type de crime Planifié Spontané


Suivant un type
Victime choisie Inconnue
spécifique
La personnalise La dépersonnalise
Conversation
Peu de conversation
maîtrisée
Attitude face à la victime Exige une victime Violence envers la
soumise victime
Victime non
Victime attachée
attachée

Actes agressifs avant Actes sexuels post-


Actes commis
de donner la mort mortem
’

154
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

Tueurs en série Tueurs en série


organisés désorganisés
’ Possible Non

Sadisme sexuel Corps laissé sur


Cache le corps, ne
place avec les
laisse pas de preuves
preuves

Le modèle motivationnel de l’homicide sexuel de Groth et


Burgess suit un processus en cinq phases, qui expliquent l’évo-
lution d’un individu devenant tueur en série. Le premier facteur
concerne un environnement social négligent ou rejetant (absence
de lien, abus, négligence), associé au deuxième facteur représenté
par des événements déstructurants précoces (abus physiques et
sexuels guidant la motivation et la vie sociale). Ces enfants battus
ou abusés se montrent distants et inadaptés à une vie sociale et
affective. Le troisième facteur est constitué de fantasmes de contrôle
et de domination intervenant en compensation du traumatisme.
Le quatrième associe des comportements auto et hétéroagressifs
qui s’aggravent avec l’adolescence, se manifestant par de la cruauté
envers les animaux, de la pyromanie, des interventions dégradantes
avec des fantasmes importants. Enfin, le cinquième facteur consiste
en une répétition des comportements violents avec le besoin d’une
augmentation des fantasmes agressifs pour calmer une tension
toujours plus forte.

Les femmes serial killer sont peu nombreuses, moins sadiques que
les tueurs en série masculins. Elles utilisent généralement des moyens
discrets pour tuer leur victime, ce qui leur permet d’agir durant des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

années sans se faire remarquer. Kelleher et Kelleher expliquent que


les femmes serial killer sont plus prudentes, précises, méthodiques
et discrètes que les hommes lorsqu’elles commettent leurs crimes.
Ils ont examiné une centaine d’affaires depuis 1900 et ont décou-
vert une durée moyenne de 8 ans avant qu’une femme tueuse en
série ne soit arrêtée, alors que pour un homme, la moyenne est de
4 ans. Leur principal motif serait le sentiment de toute-puissance
procuré par les crimes. Cette définition n’intègre pas les terroristes,

155
Introduction à la psychocriminologie

les criminelles de guerre ou les tueuses à gages. Leurs motivations


concernent le contrôle ou le pouvoir, l’argent, l’excitation, le sexe ou
la drogue, alors que celles des hommes sont dans l’ordre le contrôle,
le sexe, l’excitation, l’argent (venant bien après). De nombreuses
études s’accordent donc pour dire que les femmes et les hommes
tueurs en série n’utilisent pas les mêmes méthodes et n’ont pas les
mêmes motivations.

11. Le profiling
La technique du profiling ou profilage a été développée au XXe siècle
afin de multiplier les possibilités d’arrestation des meurtriers. Le
profilage a pour objectif l’établissement d’un profil probable de la
personne de l’auteur à partir des éléments du dossier criminel et, si
possible, de sa personnalité : mode opératoire, choix de la victime,
antécédents, style de vie, lieux, armes, sévices, mise en scène, ainsi
que toute information susceptible de révéler des informations sur
le fonctionnement psychologique de l’auteur. Si certaines nuances
sont apportées lorsqu’il est question de profilage psychologique, de
profilage comportemental ou de profilage médico-légal, la réalité de
chaque rapport de profilage balaie un champ assez large qui atténue
ces distinctions initiales.

Le profilage est demandé dans des affaires complexes telles que des
homicides, des agressions sur enfants, des viols, des prises d’otages,
des incendies criminels, des cambriolages, des enlèvements. Il se
différencie du travail criminalistique en ce qu’il va essentiellement
porter sur les caractéristiques psychologiques de l’auteur. Dans des
cas difficiles comme les prises d’otages, son rôle d’évaluation des
risques est crucial.

À la différence des États-Unis où les profilers sont des officiers


enquêteurs pouvant se faire aider par des psychologues, les profi-
lers (ou profileurs dans la version francisée) européens sont pour la

156
Les criminalités spécifiques ■ Chapitre 3

plupart des psychologues ou des psychiatres experts spécialisés en


criminologie. Ils peuvent rapprocher les caractéristiques observées
chez le criminel de celles présentées dans des cas similaires ou bien
partir des faits et des éléments objectifs pour tracer les grands traits
du comportement d’un criminel précis.

Le profilage repose sur l’examen du dossier, sur les dépositions,


sur les éléments de l’enquête, sur les photos, sur les différents
rapports, sur le dossier médico-légal. Il s’intéresse aux circonstances
de la commission du crime, aux relations de l’auteur ou de la (des)
victime(s) et aux motivations du choix de celle-ci, et examine les
fantasmes associés, ainsi que d’éventuels troubles psychopatholo-
giques ou psychopathiques.

Il existe des logiciels d’aide au profilage, essentiellement pour


l’évaluation diagnostique d’une éventuelle maladie mentale ; mais
ils n’expliquent en rien les données du passage à l’acte. On reproche
d’ailleurs parfois aux profileurs l’absence de fiabilité d’une procédure
qui apparaît plus instinctive que standardisée. Cette technique est
particulièrement complexe.

Il existe des techniques d’investigation complémentaires mises en


place par la police scientifique et technique, notamment le fichier
national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et le fichier
automatisé des empreintes digitales (FAED).

Le profilage reste un moyen fort utile pour déterminer les prin-


cipales caractéristiques de criminels ou de preneurs d’otages, qui
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

contribue de façon intéressante à la résolution de certaines affaires.

157
En guise de conclusion
Nous avons développé ici quelques éléments essentiels pour décrire
le phénomène criminel dans une perspective psychocriminologique.
La connaissance du crime ne peut se passer des aspects objectifs et
statistiques. Ils permettent une meilleure approche des théories expli-
catives du crime dont le modèle biopsychosocial peut rendre compte
de façon assez complète. Les théories sociales et psychologiques
contemporaines ont été analysées. Elles constituent un support pour
l’approche clinique permettant de donner une explication du crime.
Des criminalités spécifiques ont également été étudiées, comme la
criminalité routière, les homicides, la délinquance des mineurs, la
cybercriminalité, la délinquance en col blanc et les tueurs en série.

Ces fondements sont nécessaires pour aborder les aspects plus


cliniques de la criminalité. La compréhension du crime reste souvent
délicate pour l’observateur. Si la fonction du crime réside bien dans
ce que Zagury (2002) qualifie comme la transformation de la menace
en triomphe, de la passivité en activité, de la détresse en toute-puis-
sance, du traumatisme subi en traumatisme infligé, alors le travail
des psychologues est vaste. L’acte délinquant ou criminel ne peut
recevoir une seule explication d’ordre biologique ou social, car la
dynamique psychologique de chaque individu est également à saisir
dans sa complexité. C’est pourquoi la psychocriminologie dont nous
venons de présenter quelques bases se présente comme une discipline
en plein essor, qui associe un ancrage juridique à une application
clinique, et qui donne lieu à de nombreux travaux scientifiques.

Nous espérons que le lecteur aura ainsi pu mieux envisager le


travail du psychocriminologue, qui cherche à saisir la dynamique
criminelle en s’efforçant d’aider à la modification de trajectoires
délinquantes ou criminelles par une meilleure compréhension des
motivations des actes et de leurs auteurs.

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174
Index des notions

A I
agressivité 60, 70 implication 83
attachement 82 intelligence 62
internalisation 101
B
biologie 60, 65 J
jugement moral 98
C
contrôle social 77, 78 M
conviction 83 mineurs 50, 128
crimes 12, 24
P
en col blanc 137
pairs 14, 134
criminalité 60
parricides 124
organisée 139
passage à l’acte 91
routière 107
personnalité 158
culpabilité 96
profiler 16
cybercriminalité 147
profiling 158
D psychopathie 70
déviance 12
R
E récidive 7, 131
engagement 83
S
établissements pénitentiaires 32
seniors 136
H stigmatisation 11
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

homicides 116 suivi socio-judiciaire 131


hooligans 112
T
hormones 64
terrorisme 139
tueurs
en série 150

175
Index des auteurs
Abdellaoui (S.) 100 Jeffery (C. R.) 64, 66, 78
Allain (H.) 65 Karli (P.) 65
Allely (C.) 156 Kohlberg (L.) 100
Astor (S.) 109 LeBlanc (M.) 52
Aubusson de Carvalay (B.) 46 Leman-Langlois (S.) 67
Balier (C.) 92 Matza (D.) 81
Becker (H.) 11, 89 McKay (H.) 73, 79
Bègue (L.) 109 McKay (M. M.) 100
Born (M.) 51 Merton (R.) 77, 79, 80
Bourgoin (S.) 151, 154 Moulin (V.) 93
Brantingham (P. J.) 73, 83, 88 Mucchielli (L.) 118, 121, 129
Brantingham (P. L.) 73, 88 Ohlin (L.) 79
Brunet (L.) 95, 144 Pinatel (J.) 52, 92
Casoni (D.) 95, 144 Queloz (N.) 138
Cloward (R.) 79 Raine (A.) 60
Cohen (A. K.) 79, 81 Roché (S.) 51, 87, 109, 110
Cohen (L. E.) 73 Seguin (J.) 70
Coslin 134 Sellin (T.) 77
Cusson (M.) 83 Senninger (J. L.) 156
Damasio (A.) 65 Shaw (C.) 72, 79
De Greef (E.) 52, 91 Sutherland (E.) 137
Dieu (E.) 151 Sutherland (E. H.) 74, 79
Faget (J.) 14 Sykes (G.) 81
Gottfredson (M. R.) 50, 82 Vavassori (S.) 154
Gottman (E.) 89 Villerbu (L. M.) 154
Harrati (S.) 154 Wyvekens (A.) 103
Hindelang (M. J.) 51 Zagury (D.) 155
Hirschelmann (A.) 151 Zimbardo (L.) 73
Hirschi (T.) 50, 77, 82

79308 – I – OSB 90 – SOF – GCR


Dépôt légal : juillet 2019

Imprimé en France

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