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PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE

RESTRUCTURATION ? QUATRE CAS VISITÉS À L'AUNE DE LA


SOCIOLOGIE DE LA JUSTIFICATION

Florent Noël et Delphine Wannenmacher

De Boeck Supérieur | @GRH

2012/1 - n°2
pages 63 à 91
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ISSN 2034-9130

Article disponible en ligne à l'adresse:


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http://www.cairn.info/revue-@grh-2012-1-page-63.htm
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Pour citer cet article :


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Noël Florent et Wannenmacher Delphine, « Peut-on dépasser la discorde dans les situations de restructuration ?
Quatre cas visités à l'aune de la sociologie de la justification »,
@GRH, 2012/1 n°2, p. 63-91.
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PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 63

Peut-on dépasser la discorde dans


les situations de restructuration ?
Quatre cas visités à l’aune de
la sociologie de la justification
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Florent Noël
Université de Lorraine, CEREFIGE, chercheur associé à la chaire MAI de l’IAE de Paris
Florent.Noel@univ-nancy2.fr

Delphine Wannenmacher 1
Université de Lorraine, CEREFIGE
delphine.wannenmacher@univ-nancy2.fr

Résumé FR

Les situations de restructuration entendue comme « mutation entraînant une rupture de


ou dans la relation d’emploi » donnent lieu à des controverses souvent vives. Si la conflic-
tualité de ces controverses est souvent mise en avant, notamment dans les médias, pour
autant, la violence est souvent évitée par le biais de la justification. C’est le cas des quatre
monographies que l’on analysera ici à partir du cadre de la sociologie de la justification
proposé par Boltanski et Thévenot (1991). Notre papier a plusieurs objectifs. Tout d’abord,
il met en exergue la pluralité des mondes en présence dans les cas de restructuration
(marchand, industriel, domestique, civique) comme facteur explicatif de la conflictualité,
mais aussi des formes d’accord rencontrées dans les entreprises, comme si la façon de
coordonner l’action collective impliquait une façon donnée de penser l’accord. En outre,
ce papier montre la possibilité de bâtir des accords plus ou moins solides selon l’étendue
du réseau mobilisé, d’où l’importance de prendre en compte l’ensemble des parties pre-
nantes, des salariés aux actionnaires de l’entreprise, en tentant de « traduire » du mieux
possible les représentations des uns et des autres. En définitive, s’il semble possible de
dépasser la discorde dans les situations de restructurations, les moyens utilisés seront
toutefois différents selon l’objet de cette discorde et les mondes qui se disputent, et l’ac-
cord sera plus ou moins stable et durable en fonction de l’effort de traduction réalisé.

[1]  Nous adressons nos plus vifs remerciements aux deux relecteurs anonymes pour la qualité de leurs remarques qui
ont permis d’améliorer ce texte ainsi qu’à Géraldine Schmidt, Pierre Garaudel (IAE de Paris, GREGOR), Maxime Petro-
vski (Syndex), Christophe Teissier (Astrées) et Maxime Koromyslov (ICN Business School, CEREFIGE) avec lesquels les
études de cas exploitées dans cet article ont été construites.
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Mots clés
Restructurations, conflits sociaux, relations sociales, théorie des conventions, sociologie
de la justification, études de cas.
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Les restructurations constituent probablement une des facettes de la gestion des res-
sources humaines qui prêtent le plus à controverse et dont le potentiel de conflictualité
est le plus important. Que les entreprises soient amenées à prendre les mesures
qu’elles jugent nécessaires pour restaurer ou améliorer leurs performances commercia-
les, industrielles ou financières ne pose pas de problème en soi. En revanche ces muta-
tions deviennent problématiques lorsqu’elles ont pour conséquence une remise en cause
de la relation qui unit l’entreprise à ses employés : soit que cette relation soit rompue,
c’est le cas des licenciements, soit que les conditions de travail soient substantiellement
modifiées sous l’une ou l’autre de leurs dimensions (rémunération, organisation, nature
des tâches…). Ainsi définies comme « mutation entraînant une rupture de ou dans la
relation d’emploi » (Noël et al., 2010), les restructurations mettent en balance les béné-
fices attendus de la mutation et le coût humain supporté par les salariés.
Cette tension se retrouve au cœur de la gestion des restructurations. Les performances
décevantes attribuées aux restructurations (Allouche et al., 2008; Abowd et al., 1990;
Barker & Mone, 1994; De Meuse et al., 2004) peuvent s’expliquer par les errements stra-
tégiques qui y conduisent (W. McKinley et al., 2000; W. McKinley et al., 1995; Budros,
1997; Beaujolin, 1999), mais aussi par les difficultés que soulèvent à court terme la
conflictualité et à long terme la préservation du contrat psychologique et la remobi-
lisation des « survivants » (Brockner et al., 2004; Mone, 1994; Kathleen G Rust et al.
2005). La façon de dénouer les relations d’emploi aurait ainsi une incidence forte sur
la réussite économique des mutations. La littérature normative sur ce sujet invite à
replacer les restructurations dans le cadre d’accords entre parties prenantes articulant
projets industriels et trajectoires professionnelles des salariés de façon à améliorer la
performance de ces opérations (Fabre, 1997; Cameron et al., 1991; Cascio, 2002) ou tout
au moins à en réduire les risques (Garaudel et al., 2008). C’est d’ailleurs l’esprit des
lois françaises relatives à l’encadrement des Plans de suppressions d’emplois que de
promouvoir l’atteinte d’un compromis, même si le fait de négocier l’emploi reste difficile
(Colin & Rouyer, 1996) y compris dans le cas de procédures de gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences (Aubert & Beaujolin-Bellet, 2004).
Pour autant, les restructurations semblent dominées par le rapport de force et la vio-
lence qui font courir les plus grands risques à l’ensemble des parties. C’est pourquoi
cette recherche a pour ambition d’explorer la façon dont les acteurs parviennent parfois
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à se coordonner pour parvenir à un accord au sujet des restructurations, sur la base de


l’analyse de quatre cas de restructuration, qui tous se sont conclus par un accord entre
les parties, ce qui en constitue la commune originalité.
Cette exploration sera étayée par la mobilisation du cadre théorique des conventions et
des économies de la grandeur développé par Boltanski et Thévenot (1991) qui porte sur
la relation entre accord et discorde et qui permet « d’analyser avec les mêmes instru-
ments théoriques et en mettant en œuvre les mêmes méthodes, les opérations critiques
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auxquelles se livrent les acteurs lorsqu’ils veulent manifester leur désaccord sans recourir
à la violence, et les opérations au moyen desquelles ils parviennent à construire, à mani-
fester et à sceller des accords plus ou moins durables » (Boltanski et Thévenot, 1991,
p. 39). Pour reprendre les termes de ces auteurs, il s’agira de voir comment dépasser la
violence, en se plaçant dans un régime d’action fondé sur la justesse ou sur la justice.
Pour cela, nous présenterons dans un premier temps les fondements du cadre théorique
et le matériau empirique sur lequel nous nous appuyons pour mettre en exergue les
controverses qui naissent de la confrontation des différents mondes à partir desquels
l’opération de restructuration est évaluée (1). Nous montrerons ensuite que des accords,
aux formes multiples, peuvent être construits au terme de processus de justification qui
permettent de dépasser ces controverses (2).

Les restructurations :
des controverses entre mondes
Les restructurations entraînent, nous l’avons dit, des tensions, des ruptures, des contro-
verses qu’il convient de surmonter du mieux possible. L’enjeu est à la fois instrumental
mais aussi démocratique en cela que l’on peut postuler la supériorité de l’accord sur le
rapport de force et la domination. Ces controverses sont le fait de la rencontre des diffé-
rentes logiques qui animent les différents acteurs qui composent l’entreprise. Nous nous
proposons de revenir sur ces controverses grâce à l’étude de quatre cas, dont la confron-
tation permet d’étayer la thèse d’une pluralité des conventions à l’origine de la discorde.

›› Présentation du terrain et méthodologie


Cette recherche s’appuie sur quatre études de cas d’opérations de restructuration, à
partir desquelles il est possible d’instruire un aller-retour entre observations et théorie
afin de monter en généralité. Pour cela nous avons adopté une démarche de synthèse
d’études de cas telle que préconisée par Eisenhardt et Graebner (2007) 2. Le recours à

[2]  En effet, notre recherche a pour objectif de développer une théorie, et non de la tester. La méthode des cas se
justifie donc selon Eisenhardt et Graebner (2007, p. 27) : “ (…) the purpose of the research is to develop theory, not to test
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l’étude de cas se justifie en l’absence d’une théorie satisfaisante permettant d’expliquer


les conditions d’atteinte d’un compromis en situation de restructuration. La démarche
est donc inductive, mais sera toutefois guidée par le cadre d’analyse conventionnaliste
qui permet de rendre compte des activités de justification menées par des acteurs sou-
mis à la critique qu’ils soient en situation de la conduire ou d’y répondre.

Choix des cas


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Le matériau empirique exploité ici est constitué de quatre monographies rédigées après
un travail de terrain et validées par les acteurs. Ces études ont été construites dans le
cadre de programmes de recherche différents qui visaient à identifier et à évaluer des
innovations en matière de gestion des restructurations. Ces cas innovants ont été choi-
sis en amont parce que les partenaires sociaux semblaient avoir su dépasser la conflic-
tualité inhérente aux restructurations et construire des accords intéressants. Cela ne
signifie pas, comme on le verra plus tard, que les rapports de force aient été évacués ni
que les intérêts aient spontanément convergé. Mais, d’une part, les parties prenantes
ont fait l’économie de conflits majeurs et, d’autre part, le lien social a pu être préservé.
Nous en voulons pour preuve que les protagonistes, membres de la direction, mais aussi
syndicalistes ou salariés concernés par l’opération, étaient en mesure d’en parler rétros-
pectivement ensemble, sereinement, en exprimant une certaine fierté collective à l’égard
du travail effectué. Enfin, toutes ces opérations ont fait l’objet d’accords d’entreprises
formalisés, ce qui reste rare lorsque l’emploi est en jeu (Kerbouc’h & Willmann, 2001).

Construction des monographies


L’essentiel des informations utilisées pour bâtir ces monographies proviennent d’entre-
tiens semi-directifs menés avec les acteurs de la négociation et de la mise en œuvre
des restructurations (dirigeants, responsables RH, responsables syndicaux élus ou non,
salariés concernés, experts ayant participé à l’opération pour le compte de la direction
ou des Instances représentatives du personnel, représentants des pouvoirs publics…).
Une série d’entretiens d’une durée d’environ 1h30 a été réalisée pour chaque cas. La
grille d’entretien a été adaptée en fonction des responsabilités de chacun en veillant à
explorer les thèmes suivants : contexte stratégique de l’opération, processus de négo-
ciation, dispositifs d’accompagnement prévus, déroulement du plan de restructuration,
évaluation des différentes phases de l’opération. Afin de ne pas laisser de côté des
interprétations importantes, nous avons veillé à rencontrer « en cascade » les individus
qui étaient mentionnés lors des entretiens précédents. Eu égard au caractère sensible

it, and so theoretical (not random or stratified) sampling is appropriate. Theoretical sampling simply means that cases are
selected because they are particularly suitable for illuminating and extending relationships and logic among constructs. ”
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des sujets abordés, les entretiens n’ont pas été enregistrés, mais ont toujours été menés
par au moins deux chercheurs et les notes prises ont été croisées immédiatement après
chacune des rencontres3.
Ces informations ont été complétées par des documents relatifs aux opérations (comptes
rendus de CE, comptes rendus des groupes paritaires de pilotage, rapports des experts
sollicités le cas échéant), et par la documentation officielle des plans de restructuration
(textes des accords, livre IV, livre III).
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Sur la base de ces informations, des monographies ont été rédigées puis soumises aux
acteurs rencontrés pour validation. Dans le cas Equipauto et Costlux, des séances de
restitution collective et multipartites ont été organisées et la monographie soumise à
débat avant d’être ajustée. Dans le cas Assurancia, la direction et les syndicats ont
validé la monographie écrite en faisant part de leurs remarques de façon isolée. Enfin,
dans le cas Cristalor, la validation de la monographie s’est faite au fil des interactions
avec les acteurs rencontrés4.
Le tableau 1 présente les quatre cas que nous avons utilisés. Dans la mesure où le
matériau est constitué de monographies et non des entretiens bruts étant donné que
ces derniers n’ont pas été enregistrés, l’information sera par la suite présentée de façon
synthétique sans recourir à une mise en scène du terrain sous forme de verbatim.
Ce qui frappe à première vue est l’hétérogénéité des contextes dans lesquels les res-
tructurations sont décidées ainsi que la variété du contenu des accords implicites ou
explicites auxquels sont parvenus les acteurs. Pour rendre compte des arguments mobi-
lisés, le recours à la théorie des conventions et à la sociologie de la justification s’est
avéré structurant à nos yeux et permet de faire le lien avec le peu de littérature dispo-
nible sur la justification des restructurations. Avant de mobiliser ce cadre d’analyse, un
rappel théorique est proposé.

›› Rappels sur la théorie des conventions


Développée dans les années 1980 par un groupe d’économistes français hétérodoxes, la
théorie des conventions se donne pour objet l’analyse des mécanismes de coordination,
en particulier en situation de travail (Salais, 1989) mais également sur le marché des
biens et services (Eymard-Duvernay, 1989) afin de dépasser l’irréalisme et le caractère
inopérant des approches classiques fondées sur le calcul économique.

[3]  Dans l’un des cas, qui ne remettait pas directement en cause l’emploi, les entretiens ont pu être enregistrés et
donc retranscrits.
[4]  Contrairement aux autres cas, la monographie ne portait pas directement sur la situation de restructuration de
Cristalorr mais l’a révélée.
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Tableau 1. Présentation des cas étudiés
Secteur, taille
@GRH • 2

Contrats et programmes Entretiens réalisés Contexte de la Termes généraux


(unité restructurée)
de recherche pour construire le cas restructuration de l’accord
et période
Assurancia Programme de recherche 16 entretiens Recherche de gains de Sécurité de l’emploi, mise
Assurance MIRE, Cas réalisé en (6 membres de la direction des RH, productivité et réallocation en place d’un programme
15000 personnes collaboration avec 4 managers intermédiaires, de la main-d’œuvre des volontaire de mobilité
périmètre France P. Garaudel et G. Schmidt 2 collaborateurs, 2 Représentants fonctions administratives interne.
2003-2007 (IAE de Paris) du personnel, 2 consultants) vers le contact client.
Equipauto Contrat de recherche 22 entretiens Délocalisation de la filière Recherche d’un repreneur,
Equipementier automobile avec la DDTEFP du Val (4 membres de la direction, 2 membres automobile à l’EST. prime de 45 000 euros en
450 personnes, une usine d’Oise, Cas réalisé en de l’équipe RH locale, 3 managers, cas de licenciement ou
en Ile de France collaboration avec 5 salariés, 3 syndicats, 5 consultants) de départ volontaire de
2003-2007 C. Teissier (ASTREES) l’entreprise.
Costlux Programme de Recherche 19 entretiens Perte imminente de deux Accord de méthode
Prêt à porter haut de MIRE, Cas réalisé en (2 membres de la direction, 6 RP, contrats représentant plus stipulant qu’aucun
gamme collaboration avec 1 médiateur, 5 experts, 3 consultants, de 75 % de l’activité. licenciement n’aurait
400 personnes, unique P. Garaudel (IAE de Paris) 2 institutionnels) lieu avant exploration en
usine France Nord et M. Petrovski (Syndex) commun des alternatives
2002-2005 stratégiques.
Cristalor Contrat de recherche sur 11 entretiens Concurrence vive, baisse et Acceptation d’un nouveau
Cristallerie « l’industrie du verre » (3 DRH à différents moments, changement de la demande mode de fonctionnement
300 personnes, site avec le Conseil Général 2 salariés, 3 cadres fonctionnels, (petites séries, produits en contrepartie de la
unique, Lorraine 54, mené en collaboration 3 institutionnels) plus personnalisés). pérennité de l’entreprise.
2001-2005 avec G. Schmidt et + 10 autres cristalleries dont
M. Koromyslov. 4 similaires à Cristalor.

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Les conventions comme mécanisme de coordination


En situation d’incertitude, la régulation des comportements devient une question de
conventions qui permettent de coordonner les actions individuelles et par suite de
constituer une logique collective susceptible de se stabiliser (Orléan, 1994). Ces conven-
tions, pour le dire rapidement, déterminent « ce qui se fait et ce qui ne se fait pas » et
permettent d’inscrire la coordination dans le cadre de routines.
Gomez (2006, p.222) définit une convention comme « le système de règles dans lequel se
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situent les acteurs lorsqu’ils ont à effectuer un choix. Elle permet de rendre raisonnable,
c’est-à-dire de donner une raison, un sens, aux choix individuels. Ce sens est commun :
c’est parce que tout le monde est censé rationaliser d’une certaine façon que chacun agit
de la sorte, ce qui confirme que tout le monde agit de la sorte ». La convention permet
ainsi d’assurer la régulation des comportements par un repérage et une action sur les
règles de références communes. L’auteur poursuit en concevant l’organisation comme
une « convention d’effort », une représentation commune au sujet du partage des rôles
dans l’organisation qui permet à chacun de limiter son incertitude quant à sa participa-
tion. « Ainsi, le salarié peut s’impliquer dans son travail dans la mesure où il suppose que
l’actionnaire poursuivra son investissement et que le gestionnaire décidera de la meilleure
stratégie… » (Gomez, 2006, p.232).
Un des intérêts majeurs de la théorie des conventions est d’offrir la possibilité, à l’aide
du même cadre théorique, de concevoir la multitude des formes de coordination que
l’on observe empiriquement. Toutes les conventions possèdent en effet une morphologie
commune composée de deux sous-systèmes. Le premier est un énoncé qui précise ce qui
doit être considéré comme « bien », comme « positif », qui précise la place relative des
différents adopteurs de la convention et qui sanctionne les individus en posant la limite
entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Le second est un ensemble de dispositifs
matériels qui soutiennent la convention et permettent sa diffusion, en précisant la nature
des relations et contacts entre les adopteurs, le rôle des technologies qui peuvent se
substituer à l’homme dans l’interprétation et l’application des règles et enfin le degré
possible de négociation qui permet d’interpréter les règles sans pour autant remettre en
cause la convention (Gomez, 2006).
Si toutes les conventions ont la même morphologie, les énoncés et les dispositifs
matériels varient d’une organisation à une autre si bien qu’un repérage des conven-
tions s’impose afin de différencier les situations. Cette entreprise de différenciation des
conventions est apparue très tôt dans l’histoire de ce courant théorique et a conduit à
l’identification de « mondes » cohérents au regard des conventions qui les régissent.
Malgré des points de départs différents, les travaux menés parallèlement lors de la
phase de construction du programme de recherche conventionnaliste, parviennent à
l’identification de configurations proches. Salais et Storper (1993) partent des contrain-
tes de la production selon qu’elle est générique ou dédiée aux attentes spécifiques du
70 @GRH • 2

client et selon que l’avantage comparatif mis en avant repose sur la réalisation d’éco-
nomies d’échelle ou sur la diversification de l’offre. Eymard-Duvernay (1989) part de la
façon dont les produits sont évalués (par le marché, au travers des dispositifs techni-
ques conduisant à leur production, ou dans le cadre de relations interpersonnelles telles
qu’instrumentées par la réputation ou la marque). Le point de départ de Boltanski et
Thévenot (1991), enfin, sort du domaine de l’organisation productive pour se pencher
sur les formes de justification, d’évaluation de la grandeur des personnes et de leurs
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arguments, issues des catégories de la philosophie morale et politique.
Comme le souligne Salais dès 1989, trois conventions forment le dénominateur commun
de ces travaux de repérage : la convention industrielle, la convention marchande et la
convention domestique ou interpersonnelle. La convention industrielle met en avant le
poids des techniques dans la coordination des individus, ce sont les contraintes physi-
ques de la production qui priment et qui imposent une formalisation de la division du
travail, des standards de productivité, la mise en place de mécanismes de planification,
etc. La convention marchande à l’opposé se défait des contraintes de la production, ce
sont les attentes du client qui définissent la production et les aléas conjoncturels qui
dictent les volumes de production. Ce sont les lois du marché et la mise en concurrence
des individus qui fondent la coordination. Dans la convention domestique (ou interper-
sonnelle), les individus ont besoin pour se coordonner de se connaître, un poids impor-
tant est laissé à la construction de référence et d’une culture commune qui permet une
intercompréhension scellée dans les usages, la tradition et des relations de loyauté ou au
moins de confiance. Selon les situations, l’une ou l’autre de ces trois conventions prime
sur les autres et les soumet à son propre prisme d’évaluation5.

›› Les conventions comme soubassement à la critique


Cette pluralité des conventions est porteuse d’une ambiguïté. On peut y faire référence
pour caractériser des mondes au sein desquels les acteurs adopteraient une convention
unique. Dans ce cas, ce cadre théorique permet alors de comprendre pourquoi ce qui est
valable dans telle organisation ne l’est pas dans telle autre. Cependant, on peut aussi
y faire référence pour explorer la pluralité des jugements de valeurs à l’intérieur d’une
même organisation et instruire la question de l’activité critique et de la conflictualité
inhérente au fait organisationnel.
Les écrits de Salais, Eymard-Duvernay ou encore Gomez participent de la première
approche des conventions. La réflexion de Boltanski se situe plutôt dans le second cas

[5]  Boltanski et Thévenot (1991) font émerger d’autres conventions à partir desquelles il est possible de bâtir des
jugements de valeur. Parmi elles, le monde du renom ou le monde de l’inspiration ne font pas référence à des situations
de production organisée et peuvent être laissés de côté pour l’analyse des configurations de production en général et
des situations de restructuration en particulier.
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 71

de figure dans la mesure où elle porte précisément sur l’activité critique dont les acteurs
révoltés sont capables (Boltanski, 2009), ce qui le situe en rupture avec une sociologie
bourdieusienne qui insiste sur les structures de domination pesant sur les individus et
renvoie au sociologue le soin de porter la critique.
Dans la terminologie de Boltanski (1990), la coordination par les conventions peut se réaliser
selon une pluralité de régimes d’action : justesse lorsque l’action se déroule dans un cadre
conventionnel commun aux parties et qu’il n’est donc pas nécessaire de se justifier, justice
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lorsque la justification est nécessaire et qu’un accord est recherché, violence lorsqu’aucune
partie ne recherche d’autre justification que la démonstration de sa force6.
C’est lorsque le choix est fait de privilégier l’accord sur le rapport de force, la justice sur
la violence, qu’intervient le monde civique. Le monde civique décrit par Boltanski et Thé-
venot (1991) en s’appuyant sur le Contrat Social de Rousseau, met en avant la recherche
de l’intérêt général comme mécanisme de coordination. En cela il ne s’agit pas à propre-
ment parler d’un monde dans lequel des arguments peuvent être forgés, mais plutôt d’un
monde dans lequel les accords peuvent être évalués en vertu de leur capacité à dépasser
les enjeux individuels ou locaux pour monter en généralité autour de la poursuite d’un
bien commun. La convention civique constitue en ce sens une logique inclusive, celle de
l’accord et du compromis entre les différents mondes (Nachi, 2006).
La question centrale de cette recherche peut, sur ces soubassements théoriques, être
reprécisée : il s’agit de montrer comment les partenaires sociaux, à l’occasion d’une res-
tructuration, peuvent dépasser la violence pour s’inscrire dans un régime de justice.
L’intérêt de la question ainsi formulée est double. Il repose d’abord sur l’idée évoquée
en introduction selon laquelle la violence est préjudiciable au moins d’un point de vue
managérial car elle peut obérer les chances de mise en place d’une nouvelle structure. Il
consiste par ailleurs, sur la base du cadre d’analyse conventionnaliste, en la possibilité
de mettre en évidence la variété des arguments avancés par les partenaires sociaux,
pour explorer les formes d’accords rencontrés.

›› Conventions et restructuration
Le plus souvent, les adaptations structurelles recherchées par l’employeur à l’occasion
des restructurations et la remise en cause de la relation d’emploi viennent heurter les
conventions en place et susciter une controverse, qu’elle soit violente ou fondée sur un
dialogue, de telle sorte que les acteurs se donnent les moyens soit de réaffirmer les

[6]  Nous laisserons dans le cadre de cette réflexion le régime d’action qualifié d’amour (Agapè) par Boltanski qui
caractérise le désintéressement pur, la recherche de la paix par l’abandon de soi et le rejet de toute nécessité de
justification. Au-delà de quelques situations organisationnelles caractérisées par des relations affectives fortes et
inconditionnelles entre employeurs et employés, elles nous semblent suffisamment rares dans l’univers des entreprises
en restructuration pour pouvoir être négligées.
72 @GRH • 2

conventions établies, soit d’en inventer de nouvelles. Cette controverse est alors l’occa-
sion pour les acteurs de faire état de leurs justifications et de légitimer leurs positions.
Les dispositifs légaux dont le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) ou la Gestion Prévi-
sionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), ont pour ambition d’éviter la violence
en proposant des modes d’interaction institutionnalisés favorisant les activités de jus-
tification menant à la justice. Le législateur, on ne s’en étonnera pas, marque ainsi son
positionnement dans le monde civique et par suite sa préférence pour le compromis. Pour
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autant, nous le verrons, le recours à ces procédures ne constitue pas la seule façon de se
mettre d’accord, d’une part, et peut échouer à faire retomber la violence, d’autre part.
Dans chaque « monde », la question des restructurations se pose dans des termes diffé-
rents. En s’appuyant sur des enquêtes statistiques menées à l’échelle sectorielle, Bessy
(1993) montre que le monde industriel se caractérise par des investissements lourds
supposant la planification des activités et une gestion de la main-d’œuvre sur le long
terme. La GPEC ou la planification des départs en retraite en sont les formes privilé-
giées. Dans le monde marchand, les formes d’investissements spécifiques sont moins
fréquentes et la coordination des activités repose davantage sur la flexibilité des prix.
La main-d’œuvre est moins stable, ces entreprises faisant jouer à plein les logiques de
marché. On recourra alors plus volontiers à la main-d’œuvre précaire ou aux ruptures
transactionnelles pour ajuster l’emploi. Dans le monde domestique, enfin, il faut compo-
ser avec les liens sociaux. La main-d’œuvre y est souvent peu qualifiée, professionna-
lisée « sur le tas » et plutôt payée en-dessous de la moyenne. Les liens s’y établissent
dans la durée sur la base d’usages forgés par la répétition. Les mobilités sont rendues
compliquées et seule la pratique des départs en retraite peut faire consensus. Les res-
tructurations y sont donc les plus conflictuelles. Chaque restructuration marque la fin
d’une époque et la dilution d’un collectif antérieurement stable.
On le voit, à chaque monde de production correspondent des formes d’ajustement des
effectifs selon des modalités préférentielles (planification et raisonnement sur les compé-
tences et les postes ; formes d’ajustement flexibles ; départs naturels) et pour des motifs
légitimes différents (mauvaises performances industrielles  ; mauvaises performances
commerciales ; dilution des liens interpersonnels avec les clients). Les termes du débat
sont ainsi précisés. La légitimité d’une restructuration peut se bâtir en justesse à l’inté-
rieur d’une même convention, d’un même monde, dans ce que Thévenot (1989) appelle
une « incertitude naturelle ». Mais elle peut également faire l’objet d’une « incertitude
critique » lorsque plusieurs conventions différentes se trouvent en présence et potentiel-
lement en contradiction. Elle doit alors se bâtir en justice à travers la justification.
Boyer (2005) montre que les arguments mis en avant par les directions lorsqu’il s’agit
de justifier des plans de licenciements collectifs, articulent systématiquement les regis-
tres de justification issus de plusieurs mondes pour converger vers le monde civique.
Il s’agit de mettre en évidence une contrainte externe à l’entreprise qui se présente
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 73

comme un durcissement des forces du marché (monde marchand). Ce changement des


conditions économiques impose un réajustement des conditions de la production et de
l’organisation de sorte que la compétitivité de l’entreprise puisse être restaurée (monde
industriel). Il est ensuite généralement montré que cet effort est nécessaire pour sauver
à terme les emplois restants et éviter que l’entreprise, bien commun aux parties, ne
disparaisse. Ce dernier argument relève du monde civique qui place l’intérêt collectif au
centre des justifications. Ce jeu de justifications identifié par Boyer intervient dans le
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cadre juridique bien précis du licenciement économique collectif. Les arguments donnés
visent donc davantage à sécuriser l’entreprise qu’à faire état des raisons véritables de
l’opération. Cette sécurisation passe alors par l’adoption d’une rhétorique éprouvée qui
reprend les attendus juridiques du PSE.

›› Retour sur les cas : la multiplicité des conventions en présence


à l’origine de la discorde
La justification des restructurations est confrontée à une double contrainte. À la justi-
fication de la nécessité de changer l’organisation (le projet économique ou industriel),
s’ajoute la nécessité de justifier la rupture de la relation d’emploi nouée avec les salariés
concernés. Cette double contrainte multiplie les occasions de dispute. Avant même de
voir comment un accord peut se construire, il est nécessaire d’explorer les termes du
débat. Le potentiel de violence existe en effet dans les quatre situations du fait de la
variété des conventions mobilisées. En particulier, il semble que dans les quatre cas, la
logique sous-jacente aux restructurations se heurte à la structuration sociale de l’entité
restructurée autour de grandeurs domestiques.

Variété des logiques présidant à la décision de restructuration


Les entretiens menés avec les représentants de la direction des quatre entreprises étu-
diées, croisés avec les interprétations qu’en font les partenaires sociaux et les obser-
vateurs extérieurs, mettent en évidence les rationalisations des décideurs au-delà des
discours institutionnalisées et convenus (Boyer, 2005). En partant du problème à résou-
dre à l’origine de la restructuration, avant même que les modalités de gestion des effec-
tifs ou même que les détails du projet de transformation de l’organisation soient fixés,
il est possible de mettre en évidence la pluralité des représentations à l’œuvre, et par
suite de mieux comprendre la dynamique des relations sociales jusqu’à la stabilisation
sous forme d’un accord établissant l’équilibre entre les différentes rationalités en pré-
sence. Cela est par ailleurs important car, comme nous le verrons, toutes ces opérations
ne se sont pas soldées par un PSE en bonne et due forme et la justification publique n’a
pas systématiquement été nécessaire sur l’ensemble des dimensions de l’opération.
74 @GRH • 2

Assurancia et la logique industrielle


Chez Assurancia, un des leaders mondiaux de l’assurance, l’approche du problème est
clairement industrielle. Après plusieurs décennies de croissance externe, la direction
d’Assurancia souhaite tirer parti des synergies potentielles issues des fusions-acquisi-
tions. Parallèlement, une réorientation stratégique est décidée : il s’agit de faire d’As-
surancia une entreprise commerciale, résolument orientée vers le service au client,
rompant ainsi avec une culture d’excellence administrative. Un plan important d’investis-
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sement en technologie de l’information est entrepris et un rapprochement des fonctions
administratives et des fonctions commerciales est effectué, les salariés étant appelés
à devenir plus polyvalents (les salariés doivent développer conjointement leur contact
client et la capacité à gérer les aspects administratifs des contrats d’assurance). Ce
projet est outillé par une analyse de la productivité site par site et service par service,
conduisant à identifier « les bosses » et « les creux », et à réorienter la main-d’œuvre
des unes vers les autres.

Equipauto et la logique marchande


Chez Equipauto, équipementier automobile appartenant à une multinationale améri-
caine, l’argument qui revient régulièrement pour expliquer le recours aux allègements
d’effectifs fait référence au contraire à la perte des marchés, plaçant la démarche dans
une logique plutôt marchande. De façon étonnante, la plupart des interlocuteurs rencon-
trés brandissent le même jeu de courbes qui fait le point sur les projections de volumes
de ventes (sur la base des contrats restant à honorer) et les effectifs nécessaires à la
production de ces volumes. Le rôle des donneurs d’ordre est mis en avant, mais éga-
lement les jeux internes au groupe lors de l’attribution des nouvelles productions aux
usines : « quand il y a un chiffrage à faire, on n’est même plus dans la boucle ». Certes
des problèmes d’organisation sont évoqués, mais ce sont surtout les coûts salariaux
français qui se révèlent handicapants, ainsi que le déplacement du secteur automobile
« à l’est ». L’opération consiste à tenir compte du déclin des marchés, ce qui amène la
direction de la division à laquelle est rattachée l’usine en question à rechercher d’autres
marchés. Toutefois, ne pouvant raisonnablement pas espérer décrocher de nouvelles
commandes dans le secteur automobile, on recherche « une solution industrielle », c’est-
à-dire l’identification d’un repreneur pour les actifs et les hommes, sur un secteur moins
sujet à délocalisations.

Costlux et Cristalor : quand la contrainte marchande heurte le monde domestique


Chez Costlux, comme chez Cristalor, les difficultés à l’origine des restructurations sont
perçues par leurs équipes dirigeantes, mais aussi par les salariés comme relevant de la
fin d’une « époque ». C’est l’industrie du luxe qui est pointée du doigt, faisant passer la
rentabilité devant les belles choses (Costlux) ou les gens du marketing qui préfèrent le
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 75

design éphémère et les petites séries à la répétition des gestes ancestraux (Cristalor).
Ce qui est commun aux deux entreprises est que direction et salariés semblent partager
la même conception traditionnelle des métiers de l’entreprise, mais se trouvent soumis
à la pression de clients ou donneurs d’ordres extérieurs imposant de nouveaux stan-
dards. La logique sous-jacente aux restructurations est donc très nettement importée
de l’extérieur dans des entreprises qui découvrent les contraintes du marché.
Chez Costlux, PME du nord de la France confectionnant et distribuant sous licence des
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costumes pour hommes conçus par de grandes maisons de couture parisiennes, la direc-
tion envisage la fermeture de l’usine sous l’effet de plusieurs ruptures de contrats de
licence représentant 75 % de son activité. La trahison est palpable : malgré la qualité du
travail réalisé par « les filles », force est de constater que le « made in France » ne séduit
plus les consommateurs et que les dirigeants du secteur du luxe se montrent dorénavant
plus intéressés par la rentabilité que par la création et la qualité. Un fatalisme s’installe
chez tous : on cesse de croire à l’unicité du savoir-faire de l’entreprise qui se sent d’autant
plus trahie qu’elle avait pu s’imaginer, après plusieurs années de dépendance à l’égard
d’un nombre réduit de maisons de coutures, faire partie de leur réseau, de la grande
famille du luxe. Pour la direction, « l’affaire est pliée », c’est la fin du luxe en France et il
faut fermer l’usine. On voit alors poindre un clivage au sein des équipes dirigeantes. En
particulier, l’actionnaire semble souhaiter se dégager à terme de l’activité de production
trop peu rentable pour focaliser le groupe sur des activités de négoce. En revanche, l’en-
cadrement en charge de l’usine est certes résigné mais ne s’opposerait aucunement à ce
que l’usine retrouve une activité en cohérence avec son histoire.
Chez Cristalor, cristallerie lorraine qui a plus de quatre siècles d’histoire, on retrouve
cette difficulté à maintenir une activité traditionnelle, mais l’entreprise qui crée, fabri-
que et distribue ses propres produits, est confrontée depuis plusieurs décennies à un
lent mais constant déclin. La concurrence est vive, tant au niveau national qu’internatio-
nal, la demande diminue sur les produits classiques de l’entreprise (services en cristal)
et s’oriente vers des objets plus purs, moins travaillés, plus colorés, plus personnalisés,
ce qui oblige l’entreprise à produire des petites séries et non plus en masse comme
elle le faisait auparavant. La mécanisation de la fabrication prônée par une direction
qui cherche à minimiser ses coûts, remet en cause l’emploi. Par ailleurs, la volonté de
renouveler plus régulièrement les modèles pour stimuler les ventes bouscule les tours
de main ancestraux des ouvriers devenus avec le temps experts du geste nécessaire à
la fabrication d’un même et unique modèle reproduit à l’infini. La restructuration dont il
est question ici concerne donc la modernisation d’une entreprise qui se doit d’industria-
liser sa production et de faire monter en compétence sa main-d’œuvre pour asseoir une
flexibilité et une qualité de production qui seules pourraient enrayer le déclin. Ici encore
le management apparaît divisé quant à la ligne à tenir, entre respect des traditions et
modernisation de l’outil comme des gammes de produits.
76 @GRH • 2

Des relations d’emploi empreintes de domesticité


Si les mondes depuis lesquels sont pensées les difficultés économiques sont divers,
il est à noter que dans chacune de ces entreprises émerge une critique de l’ordre du
domestique à l’égard des projets de restructuration. C’est très probablement cet ancrage
des relations d’emploi dans des relations de dépendance longues qui crée une tension
dramatique à l’idée de vivre une restructuration.
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Dans ces quatre entreprises, on trouve des salariés et des modes de gestion des effectifs

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similaires. L’ancienneté y est très importante, pour beaucoup, l’entreprise est le lieu de
leur première expérience professionnelle. La mobilité externe est rare. Les organisations
du travail sont plutôt rigides, du moins celles qui préexistent à la restructuration. Chez
Cristalor, le savoir-faire est une histoire de famille, il se transmet de père en fils. Si cela
n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui, l’entreprise fait tout pour que cela y ressemble :
l’accueil et l’intégration ressemblent fortement à du paternalisme (de la visite du village
à la constitution d’une équipe de football) dont l’objectif est de fidéliser les salariés,
notamment les jeunes embauchés. Chez Equipauto et Costlux, on trouve des catégories
sociales aux parcours difficiles : femmes issues de milieu rural, travailleurs immigrés,
etc. Ayant commencé à travailler tôt, leurs niveaux de qualification sont faibles. Beau-
coup ne maîtrisent pas le français, et l’illettrisme reste fréquent. Chez Costlux et chez
Assurancia, les méthodes de travail évoluent peu et les salariés ont peu de perspectives
de mobilité interne.
La dimension domestique des relations est souvent frappante. Ainsi, chez Cristalor,
les relations sont affectives voire familiales : les « jeunes » observent et imitent les
« anciens ». De la même façon, les salariés se désignent comme « les fermières » chez
Costlux ou « la vieille garde » chez Assurancia. Chez Equipauto, les affinités entre sala-
riés s’organisent en fonction des pays d’origine, les « vietnamiens », les « marocains »
établissent des solidarités locales. Par ailleurs, les plus anciens parmi les immigrés
soulignent que c’est l’entreprise qui leur a permis de quitter la misère de leurs pays
d’origine et d’appartenir à une certaine noblesse ouvrière. Leur dette n’en est que plus
grande.
Enfin, dans ces quatre entreprises, les dirigeants se réclament de valeurs sociales for-
tes : « gaullisme social », catholicisme, ou valeurs républicaines issues de parcours anté-
rieurs dans l’éducation nationale. Ces éléments permettent aux acteurs d’attester une
profonde culture d’attachement à l’entreprise et au collectif de travail qui ne concerne
pas que les salariés ou leurs représentants. On trouve ainsi de nombreux membres de
l’encadrement qui peuvent adopter ces logiques domestiques en contrepoids des logi-
ques d’optimisation industrielle ou de réactivité marchande. Ainsi, le PDG de Cristalor
ou le DG de Costlux ou encore le Responsable RH local d’Equipauto se reconnaissant ce
rôle de « gardiens du temple ». Inversement, cette dimension peut ne pas être systéma-
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 77

tiquement partagée par tous les représentants du personnel, même si elle demeure en
façade des arguments qu’ils avancent7.
C’est bien cette dimension domestique présente dans ces quatre cas qui explique tou-
tefois le potentiel de violence qui reste présent au début de chacun de ces épisodes de
restructuration. En cela, nous rejoignons les conclusions de Bessy (1993) qui voit dans la
logique domestique le plus probable des déclencheurs de la conflictualité en cela qu’elle
freine les adaptations industrielles tout comme elle fige les relations d’emploi.
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Le tableau 2 reprend les termes de la discorde en précisant qui sont les parties prenan-
tes à la discorde et quelles sont les conventions qui fondent leurs justifications.

Tableau 3. Les termes de la controverse

Justification de la Dénonciation de la
restructuration restructuration
Porteurs de la Registre de Registre de Porteur de la
Cas
justification justification justification critique
Services internes
Salariés et IRP
en charge de
Assurancia
l’organisation de la
industriel ↔ domestique « le respect de la vieille
garde »
production
Direction de la
Salariés et IRP
Division du groupe qui
Equipauto
affecte les productions
marchand ↔ domestique Prise en compte des
liens de dépendance
aux usines
Salariés IRP et
Les maisons de
direction du site
couture et l’actionnaire
Costlux
en quête de production
marchand ↔ domestique (tenants d’une
approche traditionnelle
low cost
du « luxe »)
L’équipe marketing qui Salariés et direction
attend des productions Industriel et du site (tenants d’une
Cristalor
renouvelées en petites marchand ↔ domestique
approche traditionnelle
séries du « luxe »)

Mise en situation critique et construction de la controverse : un choix syndical


On le voit, la dimension domestique s’oppose dans ces quatre cas à des logiques indus-
trielles ou marchandes poussant au changement et à une remise en cause de l’emploi ou
des conditions de travail. Le simple constat de logiques ou d’intérêts contradictoires ne

[7]  Les représentants du personnel d’Equipauto en particulier auront tôt fait de chiffrer le préjudice moral estimé de
la trahison et d’abandonner toute référence à la grande famille de l’automobile.
78 @GRH • 2

suffit pas à créer une dispute, une controverse susceptible de conduire à des activités
critiques de justification ou à l’opposé au rapport de force sans tentative de conciliation.
Il faut pour créer une controverse que l’affaire soit portée sur la place publique ou tout
au moins dans un espace de discussion susceptible d’accueillir la confrontation. Tant
que cette opération n’est pas effectuée, les acteurs restent sans lien les uns avec les
autres et l’indifférence se substitue à la justification ou à la violence. D’ailleurs, une des
caractéristiques du capitalisme actuel est précisément de privilégier des relations de
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réseau très éphémères dans lesquelles les personnes peuvent systématiquement fuir la
critique, la rendant ainsi impossible (Boltanski & Chiapello, 1999). La rapidité des mou-
vements et l’évitement de cette critique relèvent d’ailleurs probablement d’une forme
de violence : le mépris.
Dans les quatre cas, il apparaît que la logique de la direction aurait plutôt été de mini-
miser la portée des changements à l’œuvre pour éviter de s’engager dans une situation
de justification. Cette mise en relation des acteurs pour construire l’arène dans laquelle
la controverse peut se dérouler résulte d’un choix porté plutôt par les représentants des
salariés. Ce choix s’avère finalement déterminant pour expliquer la forme d’accord qui sera
construit par la suite parce qu’il contribue à définir les parties prenantes à cet accord.
Ainsi, chez Assurancia, le choix est fait par le syndicat majoritaire, contre l’avis des autres
organisations syndicales, de ne pas provoquer de discussion publique au sujet des réor-
ganisations projetées. La posture consiste à entériner le fait que des ajustements sont
nécessaires et peuvent profiter aux salariés en place. On veillera en revanche à ce que les
salariés n’aient pas à en supporter le coût par des mobilités subies, notamment. Dans ce
cas la controverse demeure tacite pour éviter de s’inscrire dans le cadre juridique du Plan
de sauvegarde de l’emploi dont l’issue juridique et symbolique est jugée hasardeuse.
À l’opposé, l’intersyndicale de Costlux prendra les devants par l’exercice d’un droit
d’alerte dès l’annonce par les maisons de couture de la rupture des contrats de licence.
D’emblée, la médiatisation et l’interpellation des pouvoirs publics sont recherchées pour
amener la direction de l’entreprise à ne pas laisser la situation économique décliner et
ne pas être mis devant le fait accompli d’une situation de faillite.
De façon similaire, ce sont les syndicalistes d’Equipauto réunis en intersyndicale qui,
constatant l’absence d’investissements et de nouveaux produits, lancent un droit d’alerte
puis séquestrent la direction de l’usine pour exiger des éclaircissements et des garanties.
En revanche, les partenaires sociaux maintiennent ce conflit dans la sphère privée de
l’entreprise, voire de son site. La demande de justification dans ces deux cas est claire et
porte à la fois sur les intentions stratégiques de la direction relatives à ces deux sites de
production et la définition d’une ambition sociale à l’égard des salariés potentiellement
touchés.
Chez Cristalor enfin, la controverse s’installe au sein même du comité de direction. Le
nouveau responsable RH, en l’absence d’une activité syndicale structurée, se fait le
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 79

porte-parole des salariés et de leurs savoir-faire. Il s’émeut du déclin de l’entreprise qui


semble perçu comme inéluctable par ses collègues et constate l’indifférence des uns à
l’égard des logiques et contraintes des autres. Cette prise de position en faveur d’une
réaction face aux enjeux visera à sortir le management de l’entreprise d’une torpeur
défaitiste et d’une tendance au dénigrement des autres (les commerciaux contre les
producteurs, les anciens contre la mécanisation, les tenants du service en cristal tradi-
tionnel contre les promoteurs de nouveaux produits plus modernes, etc.).
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On le voit, les restructurations présentées ici ne sont pas homogènes au regard des
conventions mobilisées par les décideurs. Il existe donc plusieurs façons de justifier des
restructurations comme il existe plusieurs façons de les mettre en œuvre. On savait déjà
que le sureffectif était une construction sociale, que le nombre de personnes concernées
résultait d’un arbitrage entre rationalité économique et faisabilité sociale (Mallet, 1989).
Mais au-delà du seul rapport de force de nature distributive, cette construction sociale
concerne également les contours industriels de l’opération qui ne sont pas toujours figés
(Garaudel et al., 2008). Il convient donc maintenant d’explorer la dynamique de la construc-
tion des accords observés. Il s’agit pour cela de regarder comment s’établit la confronta-
tion entre les arguments issus des différents mondes pour parvenir à la clarification des
controverses, à des arrangements ou enfin à des compromis.

Parvenir à un accord :
des issues différenciées aux controverses
Comme le montre Nachi (2006), la sociologie de la justification initiée par Luc Boltanski
met en avant la capacité des acteurs à se justifier en montant en généralité, pour ne pas
se cantonner à la description de leurs intérêts particuliers qui pourraient paraître petits
aux yeux des autres et qui relèvent davantage de l’exercice du rapport de force. Cette
montée en généralité suppose l’invocation d’un bien commun, d’un système de conven-
tions permettant d’exposer ses vues dans un langage, selon une grammaire identifiable
par autrui et par suite, porteur de légitimité.

›› Figures de la controverse et formes des accords


Les mondes sont ainsi organisés autour de descriptions différentes de ce qui est juste
et donc légitime. Ainsi, une argumentation pertinente dans l’un de ces mondes pourra
paraître illégitime, absurde, mesquine ou «  petite  » dans un autre. Comprendre dans
quel monde on se situe est alors déterminant pour comprendre comment se forgent les
accords (Boltanski & Thévenot, 1991). A l’intérieur d’un même monde, lorsque chacune
des parties prenantes à l’évaluation de la légitimité partage la même conception de ce
qui est juste, du « bien commun », les disputes peuvent être réglées en procédant à des
épreuves. Celles-ci consistent en une mesure des arguments à l’aune de ce qui est défini
80 @GRH • 2

comme grand. La justification passe par l’invocation des principes communs tels que la
conformité aux usages établis, l’efficacité technique ou encore le caractère commercia-
lisable du produit et la controverse peut s’éteindre, l’épreuve conduisant à fournir des
preuves acceptables par tous.
Le problème est rendu plus compliqué lorsque les parties prenantes à la discorde ne se
situent pas dans le même monde. Le risque est alors de ne pas trouver une dimension
commune qui permettrait de procéder à une « mesure » des arguments sur une échelle
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de grandeur légitime aux yeux de tous. Plusieurs modalités de construction d’un accord
sont néanmoins envisageables. La première, la clarification dans un monde, consiste
à amener l’ensemble des participants au débat dans un même monde dans lequel on
pourra recourir à une évaluation commune autour de grandeurs partagées. Il est éga-
lement possible de fonder l’accord non pas sur l’identification d’un principe supérieur
commun à tous, mais autour d’un arrangement, d’une transaction qui clôt la dispute
par la construction d’une solution satisfaisante pour tous sans que soit nécessaire l’ad-
hésion aux valeurs et au registre des grandeurs de l’autre. On est alors en présence
d’accords qui demeurent instables et gagnent à rester dans la discrétion de l’entre soi.
Enfin, un compromis peut être identifié autour de grandeurs qui se présentent comme
un assemblage des grandeurs propres à chacun des mondes en présence, ou qui font
intervenir un principe supérieur commun partagé par plusieurs mondes. Cela peut rendre
nécessaire l’intervention d’acteurs légitimes dans plusieurs mondes, ou la construction
pour les besoins de l’accord, d’un acteur collectif transcendant : un responsable issu de
deux mondes différents, ou encore un « groupe projet » associant des représentants des
différentes logiques (Amblard et al., 1996).
Il n’y a guère que lorsque la controverse est instruite entre personnes relevant du même
monde que les accords peuvent être stables. Peut-être même est-il abusif de parler
d’accord dans la mesure où la justesse qui prévaut dans ce régime d’action tend à rela-
tiviser le fait qu’un désaccord soit possible. Dès lors que l’on se situe dans des régimes
d’action relevant de la dispute en justice, la stabilité des compromis est plus faible car
des arguments peuvent toujours être invoqués par l’une ou l’autre des parties en pré-
sence pour en contester la validité.
Ainsi, dans le cas de compromis, il conviendra de viser un bien commun qui doit dépas-
ser les formes de grandeur en présence en les incluant toutes. Il s’agit alors de créer un
agencement composite de choses qui peuvent trouver sens dans chacun des mondes, ce
qui se concilie mal avec des situations univoques. C’est donc l’ambiguïté autour du sens
à donner à l’accord qui en détermine la stabilité. Les accords fondés sur la clarification
sont ceux pour lesquels une seule forme de justification est mobilisée, les mondes en
présence ne pouvant converger. La clarification est donc une forme instable d’accord
puisqu’il est difficile de trouver les dispositifs permettant de l’équiper contre toutes
formes de remise en cause. Enfin, les arrangements relèvent chez Boltanski et Thévenot
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 81

(1991) de formes faibles puisqu’à la recherche d’un principe de justice, fondé sur la pos-
sibilité d’une justification publique, on privilégie l’entre soi qui n’épuise pas la querelle.
Ce sont les intérêts particuliers qui convergent dans une transaction qui n’a de validité
que locale. Cette forme d’accord est alors fragile car elle ne souffre pas la publicité et
peut laisser aux protagonistes un goût d’inachevé.

›› Quatre formes de justice dans quatre cas


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Les quatre cas étudiés se rassemblent autour du fait qu’ils ont fait l’objet d’un accord
entre parties prenantes sans donner lieu à l’exercice de la violence, ou plus précisément,
sans que le rapport de force n’en ait été le principe conclusif. Toutefois, la dynamique
des relations sociales dans chacun des cas, la forme de l’accord et le contenu des moda-
lités de gestion des restructurations sont suffisamment distincts pour que l’on renonce à
en chercher le dénominateur commun, ce qui du reste amène à conclure à l’inexistence
de bonnes pratiques en matière de légitimation des restructurations. Les quatre accords
observés ont chacun pris des voies différentes : clarification chez Assurancia, arrange-
ment chez Equipauto, compromis instable chez Costlux et compromis plus stable chez
Cristalor. En revanche, nous verrons au cours de la discussion, que nous pouvons faire
émerger quelques pistes de réflexion à partir de la confrontation des situations et des
accords qui en ont découlé.

Clarification dans le monde domestique chez Assurancia


La mobilité comme moyen de « faire grandir les gens »
Afin de rester fidèle à son histoire sociale (mais aussi après avoir évalué négativement la
faisabilité juridique, sociale et économique d’un plan de sauvegarde de l’emploi), il sera
décidé d’un commun accord tacite entre les partenaires sociaux, qu’  «  Assurancia de
demain se ferait avec les gens d’Assurancia d’aujourd’hui ». La démarche consiste alors à
taire la restructuration à l’œuvre, afin de ne pas instaurer le doute au sujet des intentions
de la direction. Assurancia ne s’est donc officiellement pas restructuré même si, en 3 ans,
l’effectif a été réduit de 15 % et si près d’un tiers des salariés a changé d’affectation,
pour rejoindre le plus souvent des postes sur des plateformes d’appels téléphoniques.
Pour réaliser cela, Assurancia a mis en place un vaste programme de mobilité interne. Le
principe de l’opération consistait non pas à partir d’un plan de réorganisation industrielle
qu’il faudrait orchestrer, mais d’une démarche positive qui consiste à donner la possibi-
lité aux gens d’Assurancia de se réaliser en nourrissant un projet de mobilité volontaire
accompagné par l’entreprise. Les dispositifs d’orientation, de formation et d’intégration
dans les nouvelles équipes qui sont mis en place, consistent à prévenir tout risque de
contestation en évitant que la raison industrielle prime sur le respect des individus. L’am-
bition des partenaires sociaux scellée dans un accord d’entreprise se focalise alors sur
82 @GRH • 2

le suivi de l’opération et plus particulièrement le respect du volontariat. Au final, cette


restructuration se comprend comme la manifestation de l’attachement d’un employeur
à assurer des carrières dynamiques à son personnel. Le slogan de l’opération résume
bien l’esprit : « bougez, vous êtes accompagné ! »

La critique industrielle n’est pas éteinte pour autant


On ne saurait à proprement parler d’une restructuration qui se serait déroulée dans un
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régime de justesse, parce que cette démarche n’a pas fait spontanément l’unanimité.

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Il y a bien eu une controverse, mais celle-ci n’a pas été portée sur la place publique. En
effet, la logique industrielle, portée par les services en charge de l’organisation, mais
également par certains syndicats (la CGT, notamment) qui souhaitaient que les plans
de réorganisation soient discutés pour être mieux contestés, a dû se taire. Ce refus du
dialogue ouvert constitue un danger pour la démarche dans la mesure où un potentiel
de contestation demeure et qu’il s’agit probablement là d’une entorse au droit du travail
qui veut que soit porté à la connaissance des Instances représentatives du personnel
tout projet de réorganisation. Mais sur la période étudiée, le maintien de la discussion
dans un monde unique a pu donner l’impression d’une harmonie qu’il aurait été malvenu
de rompre. Les syndicats signataires (CFDT notamment) assument cela en gageant que
l’annonce d’un plan économique aurait crispé les parties prenantes, bloqué les mobilités
et durci les mesures prises par la direction pour parvenir à ses fins.
En l’occurrence durant les premières années du plan, la mobilité volontaire s’est mise en
place dans des proportions inespérées. Mais dès que les ajustements ont commencé à
prendre la forme de fermetures de sites géographiquement éloignés des zones de mobi-
lité possible, les choses sont devenues plus difficiles et la dynamique s’est essoufflée.
L’expérience de promotion de la mobilité a pu se prolonger mais elle n’est plus couverte
par un accord d’entreprise et les syndicats remettent plus volontiers en cause le prin-
cipe même de la rationalisation des activités.

Arrangement chez Equipauto


Les indemnités supra légales comme prix du consentement
La restructuration s’est déroulée de façon beaucoup moins sereine dans le cas de notre
équipementier automobile. La dynamique des relations sociales s’est engagée dans un
contexte de radicalisation des rapports avec séquestration par les salariés des cadres
du site concerné. Interpellée sur les perspectives de l’usine lors d’une séquestration des
cadres, la direction s’est tout d’abord murée dans un silence un peu coupable arguant du
fait qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, que des «  solutions industrielles seraient trouvées
et qu’aucun licenciement ne serait effectué à moyen terme ». Les syndicats demandent
alors pour asseoir leur « confiance » que l’entreprise s’engage à verser une indemnité de
45 000 euros à chaque personne licenciée si cette solution échouait. De façon intéres-
sante, la somme n’est pas fixée au hasard. La base de négociation est le montant qui a
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 83

été accordé chez Matra quelques mois auparavant dans un contexte similaire. Il y aurait
donc un prix de marché pour le préjudice lié à un licenciement. La signature de cet accord a
entériné, selon la direction, la mort du site. En effet, les montants négociés ont éteint toute
forme de protestation à l’idée d’une fermeture, celle-ci devenant presque désirable.

Un accord lui-même sujet à critique d’ordre civique


Un tel accord s’avère sujet à critique. Comme tout arrangement, cet accord ne passe
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pas l’épreuve de la montée en généralité. La critique depuis le monde civique est donc

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bien latente. L’inspecteur du travail en charge de la validation de l’accord se prononcera
d’ailleurs défavorablement sans pour autant que les syndicats se saisissent de cet argu-
ment pour le récuser. On devine pourquoi.
Résurgence d’une logique de responsabilité paternaliste ou volonté de se prémunir
contre le risque d’une invalidation, un prolongement sous forme d’accord de méthode
a été signé qui replace l’indemnité dans un cadre plus large qui rappelle en tout point
les mesures classiques d’un plan de sauvegarde de l’emploi : recherche d’un repreneur,
effort de formation sous forme de remise à niveau, mise en place d’une cellule d’orien-
tation et de reclassement, incitation au départ volontaire (45000 euros également).
L’opération reste critiquable sur bien des plans. Elle est tout d’abord à la limite de la
légalité. Un tel plan d’allègement des effectifs aurait dû faire l’objet d’une consultation
sur le fond aux IRP. Or, le projet reste flou sur l’ensemble de la durée, on ne sait pas clai-
rement si le site doit fermer ni à quelle échéance. Ensuite, le jeu des incitations finan-
cières a contribué à l’émergence de stratégies individuelles qui vont très nettement à
l’encontre d’une gestion collective du problème et de l’identification de solutions pour
ce collectif. Les salariés avaient de fait intérêt à retarder leur départ pour bénéficier du
plan de formation et de salaires élevés tant que cela restait possible. Au risque de for-
cer l’interprétation, on pourrait dire que les partenaires sociaux ont accepté de brader
l’usine. Au final, ce sont les plus faibles, les plus âgés, les moins armés pour le marché
du travail qui se retrouvent coincés dans le PSE mis en place deux ans plus tard lors de
la fermeture définitive du site : ceux qui avaient intérêt à croire les propos rassurants
initialement tenus par la direction. On le voit, dans ce cas d’accord sous forme d’arran-
gement, il est possible de trouver une issue pacifiée à la restructuration, pour autant,
dès que le fond de l’opération est mis publiquement en débat, il redevient critiquable en
cela qu’il ne respecte pas l’intérêt général.

Compromis instable chez Costlux


L’entreprise comme bien commun aux parties
À l’instar de la réaction des syndicats d’Equipauto, à l’annonce de la fin prochaine des
deux plus gros contrats de l’entreprise, les syndicats de Costlux demandent que soient
explicitées les conditions de la survie de l’entreprise. Un accord est obtenu sur le fait
que toutes les opportunités stratégiques, notamment de diversification vers d’autres
84 @GRH • 2

secteurs d’activité soient explorées avant la mise en œuvre du moindre départ. Pour réa-
liser ce diagnostic, des experts indépendants sont choisis par les syndicats Pour éviter
un blocage éventuel, il est prévu de recourir, si besoin, à un médiateur. Les partenaires
sociaux sont convaincus qu’un tel diagnostic peut conduire à la révélation d’opportuni-
tés nouvelles, la direction est convaincue qu’il en sortira la preuve de l’inéluctabilité de
la fermeture. Personne n’a finalement rien à perdre dans cette exploration d’autant plus
qu’il reste deux ans à produire avant l’expiration des contrats.
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C’est donc une controverse technique et économique qui s’engage. Elle mettra en évi-
dence la possibilité d’une diversification vers d’autres productions (tailleurs pour femmes,
sportswear). Le rapport révèlera également le potentiel professionnel des ouvrières,
insoupçonné, alors que ces dernières avaient la perception d’« être restées toute leur vie
derrière la même machine à coudre », Un plan de Validation des Acquis de l’Expérience
est lancé à l’attention de tous : afin de faciliter les reclassements externes dans l’hypo-
thèse d’un Plan de sauvegarde de l’emploi, mais aussi pour doter Costlux des compéten-
ces nécessaires à ses nouvelles orientations stratégiques. Cet accord aura pour effet de
rassurer une des deux maisons de couture initialement en rupture au sujet du potentiel
industriel de Costlux qui signera un nouveau contrat de licence pour une durée quinquen-
nale, prolongeant d’autant la durée de vie de l’usine.

Un réseau insuffisamment étendu


L’accord qui se profile est donc caractéristique d’un compromis mettant en avant l’entre-
prise elle-même comme bien commun à l’ensemble des parties. Ce goût pour l’intérêt
général tendrait à situer l’accord dans une convention civique. La stabilité de ce com-
promis repose sur la mobilisation de ressources clairement associées à des mondes dis-
tincts. On parle technologies, savoir-faire, débouchés, mais en s’entourant d’experts qui
sont des « gens de confiance » : ils appartiennent aux réseaux syndicaux mais sont des
experts industriels reconnus. Les acteurs de la négociation se connaissent et se respec-
tent. Ce réseau constitue ainsi un dispositif permettant d’associer de façon composite
une dimension domestique, mais également une logique industrielle et marchande. La
réflexion menée autour des compétences individuelles et collectives relève également
d’un tel assemblage entre mondes en présence : les tours de main deviennent qualifica-
tion grâce à la VAE, le dévouement devient capacité d’auto-organisation, etc.
Toutefois, ce compromis qui vise à placer la pérennité de l’entreprise en position de bien
commun se révélera fragile. En effet, d’une part, les dispositifs contractuels qui le scellent
ne sont pas pérennes et le réseau d’acteurs finira par se dissoudre (les experts repartent
sur d’autres missions, la secrétaire générale du CE prend sa retraite) et, d’autre part, dans
cet exercice de traduction qui permet d’intéresser les parties prenantes (Callon 1986), un
acteur de poids est laissé de côté : l’actionnaire. Ce dernier refusera de donner suite aux
implications financières des plans de diversification envisagés, en raison de sa volonté de
recentrage sur le négoce. À la fin du contrat quinquennal évoqué précédemment, lorsque
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 85

la dernière maison de couture majeure se retirera du portefeuille de Costlux, l’usine fer-


mera dans un contexte très conflictuel.
Compromis stable chez Cristalor
Tous les acteurs chez Cristalor s’accordent sur le fait que l’entreprise décline. La contro-
verse surgit toutefois quant aux solutions à adopter. Certains évoquent la mécanisation,
la sous-traitance ou la délocalisation d’une partie de la production pour obtenir des prix
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compétitifs (monde marchand). D’autres, les ouvriers notamment, pensent qu’il faut à tout

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prix, rester sur le métier traditionnel qui fait leur fierté et leur passion (monde domestique).
D’autres encore pensent que l’on peut rester dans la tradition du « fait main » en moderni-
sant les équipements et en améliorant les méthodes de travail pour gagner en productivité
(monde industriel).
La décision de continuer à travailler de manière traditionnelle, sur la base de savoir-faire
développés et transmis de génération en génération, est finalement prise, ou plutôt,
émerge dans l’entreprise8, notamment grâce à l’aide du groupe de luxe qui détient l’entre-
prise et lui maintient sa confiance. Toutefois l’équilibre demeure fragile et conduit à pas-
ser d’une juxtaposition des mondes à l’émergence d’un compromis. Pour cela la notion de
savoir-faire a été revisitée. Elle devient synonyme de productivité, de rentabilité et surtout
de qualité au sein du monde industriel. Elle garantit, à travers la polyvalence et la qualité,
la pérennité d’une image de marque forte auprès des clients dans le monde marchand.

Un compromis stabilisé par des dispositifs pérennes


Ce compromis est rendu possible par l’urgence d’une réponse au déclin, mais aussi
par un renouvellement de l’équipe de direction. Le nouveau Directeur des Ressources
Humaines, aux côtés de la responsable logistique nouvellement recrutée elle aussi, va
pointer certains goulets d’étranglement dans le processus de production, ainsi que les
compétences critiques à sauvegarder. Par ailleurs, la nouvelle communication commer-
ciale remet le « fait main » en avant. Enfin, la nouvelle focalisation sur la qualité orientée
client favorise la transversalité et la transparence entre les services autrefois cloison-
nés. Ce mouvement est appuyé par plusieurs dispositifs9  : management participatif,
projets transversaux, formation managériale, portes ouvertes internes et externes. Ces
dispositifs vont faire évoluer les mentalités au sein de la cristallerie qui était jusqu’alors
engagée dans des processus très traditionnels et informels de gestion du personnel et
de la production. L’entreprise semble maintenant redressée et stabilisée.
On le voit, les quatre cas se rassemblent sur le fait qu’ils mettent en confrontation la
logique marchande ou industrielle d’un côté et la logique domestique de l’autre. Ils se
différencient en revanche dans la façon dont les acteurs ont pu dépasser la situation de

[8]  Pour plus de détails sur l’émergence de l’accord, voir Wannenmacher (2008).
[9]  Voir Wannenmacher (2008).
86 @GRH • 2

discorde, la controverse ayant eu quatre issues différentes. Ces quatre processus sont
comparés et résumés dans le tableau de synthèse 2.

Tableau 2. Pluralité des formes d’accord

Cas et Nature du Description de Stabilité de l’accord


mondes en compromis l’accord
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présence

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Assurancia Clarification La fidélité de La clarification ne tient que tant
dans le monde l’entreprise est que le rythme des adhésions au
Industriel vs
domestique réaffirmée : pas de programme de mobilité permet
Domestique
mobilités subies. de respecter le plan industriel.
Dans le cas contraire, il y a
réaffirmation d’une critique
industrielle.
Equipauto Arrangement Incitations financières L’arrangement ne peut monter en
et appui à la mobilité généralité et ne permet pas une
Marchand vs
externe : l’indemnisation justification publique. Si la nature
Domestique
financière éteint la de l’accord est dévoilée, alors
réflexion sur l’avenir ce dernier devient hautement
du site. critiquable.
Costlux Compromis Il n’y aura pas de Le compromis reste instable car
entre mondes licenciement tant il n’y a pas de dispositif pérenne
Marchand vs
marchand, qu’il n’y aura pas de capable de le soutenir : parties
Domestique
industriel et certitude partagée prenantes absentes (actionnaire,
domestique au sujet de leur le dispositif juridique est caduc,
inéluctabilité. les financements absents.
Cristalor Compromis Refonte de la stratégie Le compromis est stable. Le est
associant de l’entreprise autour stable et très largement enrôlé
Marchand vs
les mondes de petites séries (marketing, atelier, actionnaire).
industriel vs
marchand, permettant de stimuler L’organisation nouvelle est
domestique
industriel et la demande et de pérennisée autour d’un principe
domestique valoriser les savoir-faire supérieur commun clair :
ancestraux. la valorisation des savoir-faire.

Conclusion : résultats et apports


L’ambition de cet article est de montrer comment il est possible de dépasser la discorde
en situation de restructuration. Pour cela quatre cas d’opérations de restructuration qui
ont donné lieu à la conclusion d’un accord ont été étudiés. Ils mettent en scène quatre
entreprises confrontées à une évolution des règles du jeu concurrentiel qui les met en
situation de revoir la composition quantitative et qualitative de leurs effectifs.
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 87

La réponse institutionnelle uniforme proposée dans le contexte français prend les traits
du plan de sauvegarde de l’emploi ou de la gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences qui exhorte les parties prenantes à se concerter pour prévenir les réduc-
tions d’effectifs. Une lecture issue de la sociologie de la justification de ces dispositifs
les présenterait comme un exercice de justification imposé par le législateur soucieux
de justice et désireux d’éviter la violence.
Cependant, ces dispositifs ne suffisent pas à éteindre la conflictualité. Il semblerait
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davantage qu’ils la canalisent : on ouvre la procédure, on s’y justifie selon des formes
ritualisées (Boyer, 2005), on se contente de compromis qui prennent généralement la
forme de constats de désaccord puis on referme l’épisode (Colin & Rouyer, 1996; Mallet
et al., 1997; Aubert & Beaujolin-Bellet, 2004). Seule une entreprise parmi les quatre qui
ont été étudiées, s’est inscrite dans une telle démarche (Costlux). Les autres auraient
plutôt cherché à l’éviter. Il y a probablement là le résultat d’un biais d’échantillonnage.
Pour autant, l’examen des interactions sociales conduit à plusieurs constats.
Tout d’abord, dans tous les cas, la dénonciation de la restructuration et la conflictualité
potentielle sont dérivées d’arguments domestiques. On peut y voir une critique des modes
de raisonnements économiques classiques (l’adaptation au marché, l’optimisation de la
production) exprimés par les tenants du lien social des relations interpersonnelles, des
traditions. C’est donc dans une perspective encastrée dans le social que l’on comprend
ce qui pose problème : la restructuration ne se légitime pas d’elle-même. Ces projets
de restructuration sont soumis à la double incertitude identifiée par Thévenot (1989) :
en ce qui concerne la justification sur la cause, ils font face à une incertitude naturelle
en cela que la désaffection de l’environnement, la perte inéluctable des marchés ou la
réorganisation des processus sont susceptibles d’être discutés sur leur propre terrain
dans le monde marchand ou le monde industriel. Mais il y a également une incertitude
critique car d’autres logiques, d’autres arguments issus d’autres mondes, peuvent être
convoqués pour contester la légitimité de la cause. En particulier, l’ensemble de ces
restructurations sont soumises à la critique domestique. On peut dénoncer depuis le
monde domestique la rupture des liens sociaux établis et étayer la démonstration d’une
trahison ou a minima d’un manque de « savoir-vivre ». Sur ce registre, la référence à
l’ancienneté des salariés semble fréquente pour mesurer l’attachement à l’entreprise
et le respect qu’en contrepartie elle devrait avoir à leur égard. Plus largement, au-delà
de la dimension industrielle ou des problèmes marchands, la dimension identitaire se
pose comme un élément incontournable des restructurations (Linhart, 2002). Mais cette
dimension domestique ne porte pas que sur le risque d’exclusion sociale. Les projets
de transformation de l’organisation, la modification des collectifs de travail, le choix
des produits ou des technologies peuvent également être contestés. En un mot, toute
innovation doit passer sous les fourches caudines de l’évaluation domestique (Boisard &
Letablier, 1989). Si ce constat peut apparaître trivial, il invite cependant à rappeler que
88 @GRH • 2

la relation d’emploi peut être teintée de grandeurs autres que domestiques. Dans ces
cas, la restructuration peut se construire en justesse, mais alors elle ne donne pas lieu
à débat et peut se révéler inobservable. Ce serait le cas hypothétique du technicien qui
réfléchit à la façon d’automatiser son propre travail ou encore du commercial qui décide
de lui-même de quitter une entreprise dont les produits ne se vendent plus. On confirme
alors ici sur la base de travaux qualitatifs de terrain les premiers résultats de Bessy
(1993) sur les conventions présidant à la gestion de la main-d’œuvre.
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Dans la continuité de ce premier constat, on peut se demander si un type de convention
n’engendre pas un type d’accord spécifique, comme si la façon de coordonner l’action
collective impliquait une façon donnée de penser l’accord. En effet, le cas Equipauto
se trouve dans une logique marchande et donne lieu à un arrangement. Cette logique
marchande qui anime la prise de décision d’ajustement des effectifs se retrouve ainsi
dans la façon de concevoir la rupture des relations d’emploi  : on en cherche le prix
juste pour en construire la légitimité. La logique industrielle du cas Assurancia amène
une clarification. L’évitement de la dispute est lui-même justifié par des considérations
d’efficacité et de coût. Par pragmatisme on tente l’expérience pour voir si cela marche.
Or, cela a marché, au moins un temps. Et enfin, les cas Costlux et Cristalor dans lesquels
management et salariés sont animés par la logique domestique, trouvent une issue dans
le compromis. Dans ces deux cas, l’entreprise a pu être portée comme bien commun
aux parties en présence. Elle est le support des traditions et des attachements collec-
tifs dont il convient d’assurer la pérennité, par principe. Cela a toutefois donné lieu à
un rééquilibrage des rapports d’autorité, le management devant apprendre à composer
avec des salariés qui se revendiquent eux aussi garants de cette continuité. Une inter-
prétation possible de ce résultat qui lie convention dominante et forme d’accord serait
qu’il est tout simplement impensable de penser la rupture de la relation d’emploi depuis
la convention domestique, ce qui expliquerait la mise en débat dans le monde civique,
celui du compromis. Pour filer la métaphore paternaliste, les restructurations de Costlux
et Cristalor ne sont pas sans évoquer la réunion d’un conseil de famille destiné à pallier
l’incapacité du patriarche à opérer des choix qui le déstabilisent.
Enfin, on voit bien dans ces quatre cas que les représentants des salariés sont à l’ini-
tiative du lancement d’une controverse. Dans aucun de ces cas on ne voit une direction
qui prendrait les devants d’une mise en discussion des difficultés de l’entreprise ou de
ses projets de réorganisation. Par ailleurs, ce sont ces mêmes acteurs qui déterminent le
choix des parties prenantes à la discussion. L’accord peut ainsi rester tacite (Assurancia)
ou au contraire faire l’objet d’une discussion explicite mais restreinte aux acteurs de
l’unité concernée (Equipauto, Costlux) ou étendue à l’ensemble de l’entreprise et à son
actionnaire (Cristalor). On note par ailleurs, ce qui permet de rejoindre les conclusions
de la sociologie de la traduction ou de la théorie de l’acteur réseau (Callon, 1986), que
l’étendue du réseau est une condition nécessaire à la légitimation de l’accord et à sa
PEUT-ON DÉPASSER LA DISCORDE DANS LES SITUATIONS DE RESTRUCTURATION ? 89

stabilité. On peut se demander, au-delà du fait que plusieurs accords « justes » (sans vio-
lence) sont possibles, si un type d’accord n’est pas préférable aux autres, n’est pas plus
durable. En effet, au regard de nos cas, seul le compromis stable semble correspondre
à une situation acceptable et efficace sur le long terme.
Cela constitue selon nous un apport au cadre emprunté. « Dans un compromis on se
met d’accord pour composer, c’est-à-dire pour suspendre le différend, sans qu’il ait été
réglé par le recours à une épreuve dans un seul monde. La situation de compromis
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demeure composite mais le différend est évité  » (Boltanski et Thévenot, p. 337). Or,
l’intérêt du recours à l’épreuve semble résider dans l’explicitation dans la mesure où il a
« pour conséquence de rendre la justification plus exigeante et de favoriser une explici-
tation du sacrifice consenti qui, sans l’aiguillon de la critique, pourrait être présupposé
de façon tacite » (id., p. 273). Ainsi, pour remédier à l’instabilité du compromis, il est
nécessaire selon nous de passer par un processus de traduction, afin que les principes
de l’accord soient rendus explicites, discutés et validés par les parties prenantes. Il
faut que ces parties prenantes soient associées à la construction de l’accord dans leur
grande majorité.

Bibliographie
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