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PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

Quelques éléments de comparaison internationale


Anne-Catherine Guio et al.

De Boeck Supérieur | Reflets et perspectives de la vie économique

2011/4 - Tome L
pages 13 à 29

ISSN 0034-2971
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http://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2011-4-page-13.htm
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Pour citer cet article :


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Guio Anne-Catherine et al., « Pauvreté et inégalités en Belgique » Quelques éléments de comparaison internationale,
Reflets et perspectives de la vie économique, 2011/4 Tome L, p. 13-29. DOI : 10.3917/rpve.504.0013
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Pauvreté et inégalités en Belgique
Quelques éléments de comparaison
internationale
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Anne-Catherine Guio, Alessio Fusco et Éric Marlier 1

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Résumé – Dans cet article, nous mobilisons les indicateurs sociaux agréés au niveau
de l’Union européenne (UE), qui nous semblent les plus pertinents pour, d’une part,
décrire de façon synthétique les performances de la Belgique en matière de lutte con-
tre la pauvreté et diverses inégalités, et, d’autre part, comparer ces performances
avec celles des autres États de l’UE. Afin d’affiner le portrait que nous dressons de
ces performances belges, nous complétons cette analyse par l’examen de divers
indicateurs nationaux portant sur des domaines importants non couverts par les indi-
cateurs UE actuellement disponibles. Un portrait social des régions belges est égale-
ment fourni dans les limites permises par les données disponibles.
Mots clés – pauvreté, déprivation matérielle, inégalité, droits fondamentaux.

Abstract – In this paper, the most relevant social indicators agreed upon at European
Union (EU) level are used to briefly describe the performances of Belgium in fighting
poverty and inequalities, and also to compare these performances with those of the
other EU Member States. To fine-tune the description made of these Belgian perfor-
mances, we bring into our analysis some national indicators which address important
areas currently not covered by the EU set of indicators. Finally, we also portray the
social situation in Belgium at a regional level within the limits allowed by the available
data.
Keywords – Poverty, material deprivation, inequality, fundamental rights.
JEL: I32

1. Anne-Catherine Guio est attachée scientifique à l’Institut Wallon de l‘Évaluation, de la Prospective


et de la Statistique (IWEPS). Alessio Fusco et Éric Marlier sont chercheurs auprès de l’institut de
recherche luxembourgeois CEPS/INSTEAD.

DOI: 10.3917/rpve.504.0013 Reflets et Perspectives, L, 2011/4 — 13


ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

1 INTRODUCTION

Depuis mars 2000 (Conseil européen de Lisbonne 2), les États membres de l’Union
européenne (UE) et la Commission européenne coopèrent dans le domaine de la
protection sociale et de l’inclusion sociale. Dans ce cadre, ils ont développé une
« Méthode Ouverte de Coordination » (MOC), qui peut être définie comme un pro-
cessus d’apprentissage mutuel visant à évaluer, planifier, comparer et ajuster leurs
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politiques sociales (mises en place aux niveaux national, régional et éventuellement
local) ; ce, sur la base d’objectifs communs définis au niveau de l’Union. Cette coopé-
ration européenne s’est considérablement développée avec le temps et couvre
maintenant les domaines de l’inclusion sociale (depuis 2000), des pensions (depuis
2001) et des soins de santé (depuis 2004).
La définition d’indicateurs communs constitue un élément central de cette
coopération. Les premiers indicateurs européens portaient sur la pauvreté et l’exclu-
sion sociale et ont été adoptés par le Conseil européen de Laeken en décembre
2001. Depuis, le développement d’indicateurs communs s’est poursuivi de façon
régulière et ceux-ci couvrent à présent les trois grands domaines de la coopération
européenne dans le domaine social 3.
L’importance de disposer d’un ensemble d’indicateurs sociaux agréés au niveau
de l’UE dans son ensemble a fortement été exacerbée par la nouvelle Stratégie
européenne « Europe 2020 » qui, en juin 2010, a succédé à la Stratégie euro-
péenne de Lisbonne en place durant la période 2000-2010. En effet, dans le cadre
de la nouvelle Stratégie, cinq objectifs quantifiés à atteindre d’ici à 2020 ont été
adoptés par le Conseil européen. L’un d’entre eux concerne la pauvreté et l’exclu-
sion sociale et est défini sur la base de trois indicateurs : réduire de 20 millions le
nombre de personnes qui, dans l’UE, vivent dans des ménages situés sous le seuil
de pauvreté et/ou sévèrement déprivés et/ou sans emploi ou pratiquement sans
emploi (nous revenons sur ces concepts ci-dessous). Dans les Plans Nationaux de
Réformes (PNR) qu’ils ont remis à la Commission européenne en avril 2011, les
États membres ont défini un ou plusieurs objectifs quantifiés devant permettre de
remplir cet objectif européen en matière d’inclusion sociale. À présent, tant pour
les États membres que pour la Commission, il s’agira d’organiser un suivi rigou-
reux des progrès réalisés vers la cible européenne et les cibles nationales. Comme
souligné par le président de la Commission, J. M. Barroso (2010, traduction des
auteurs) : « L’agenda de la Stratégie Europe 2020, en définissant un objectif chiffré

2. Le Conseil européen réunit les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union
européenne ainsi que son président et le président de la Commission européenne.
3. La liste complète des indicateurs sociaux communs actuellement agréés pour chacun des trois
domaines couverts par la coopération européenne en matière sociale est disponible sur le site de
la Commission européenne : http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=756&langId=en. La défini-
tion de ces indicateurs communs est la responsabilité du Comité européen de la Protection Sociale
et de son Groupe Indicateurs (http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=758&langId=en). Le cadre
méthodologique dans lequel ces indicateurs communs sont développés a été établi sur la base des
propositions présentées par Atkinson et al. (2002). Pour une discussion approfondie de l’utilisation
potentielle des indicateurs sociaux communs (en particulier : monitoring, evidence-based policies
et benchmarking), voir aussi Marlier et al. (2007 et à paraître).

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PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

en matière d’inclusion sociale, a mis en évidence trois dimensions de la pauvreté et


de l’exclusion sociale. Il reste cependant essentiel que les États membres – et l’UE
dans son ensemble – continuent à évaluer leur performance sur la base de
l’ensemble de la liste des indicateurs sociaux communs qui sous-tendent la coopé-
ration et la coordination européennes dans le domaine social. » Il est crucial de dis-
poser d’une batterie d’indicateurs communs couvrant l’ensemble des dimensions
les plus importantes de l’inclusion sociale et de la protection sociale pour être en
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mesure d’évaluer de façon régulière la façon dont la dimension sociale est prise en
compte dans la Stratégie Europe 2020 4.
L’objectif de cet article est double : décrire de façon synthétique les perfor-
mances de la Belgique en matière de pauvreté et d’inégalités, et comparer ces
performances avec celles des autres États de l’UE. Pour ce faire, nous mettons en
perspective les indicateurs sociaux européens qui nous semblent les plus perti-
nents ainsi que divers indicateurs nationaux développés au niveau belge dans le
cadre des Plans d’action nationaux sur l’inclusion sociale régulièrement soumis à
la Commission européenne 5. Nous dressons également un portrait social som-
maire des régions dans les limites – hélas très étroites – permises par les données
disponibles 6. Même si cette contribution est avant tout descriptive, nous espérons
qu’elle permettra de mettre en évidence le fait que l’analyse de tels indicateurs et
leur mise en perspective, complétées par des analyses plus approfondies, permet-
tent une meilleure compréhension de la pauvreté et de diverses inégalités ainsi
qu’un meilleur éclairage des politiques publiques à mettre en œuvre.
Sauf mention contraire, les indicateurs commentés ici sont calculés pour la
dernière année disponible (2009) de la source statistique européenne de référence
en ce domaine : les « Statistiques européennes sur le revenu et les conditions de
vie » (EU-SILC) 7.

2 LA PAUVRETÉ : UNE NOTION RELATIVE


L’indicateur européen de « risque de pauvreté » est un indicateur strictement
monétaire, défini de manière relative et par pays. Pour définir si une personne est
« pauvre », son revenu est comparé à celui des autres habitants du pays où elle vit.

4. Pour plus de précisions relatives aux différents défis (politiques, statistiques et méthodologiques)
liés à la nouvelle Stratégie, voir la contribution de Guio et Goedemé dans le présent volume, ainsi
qu’Atkinson et Marlier (2010, chapitres 1 et 5), Guio (2010) et Marlier, Natali et Van Dam (2010).
Voir aussi Social Protection Committee (2011).
5. Pour plus d’informations, voir :
http://www.socialsecurity.fgov.be/docs/fr/publicaties/strat_lissabon/PANIncl_fr.pdf.
6. Voir également pour une analyse au niveau régional belge IWEPS (2007), Guio et Liégeois (2007),
Atta et al. (2009), Guio et al. (2010), Observatoire de la Santé et du Social (2010) et Studiedienst
van de Vlaamse Regering (2011).
7. Les chiffres disponibles sur le site d’Eurostat (http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/
microdata/eu_silc) sont mis à jour de façon continue ; ceux que nous commentons ici ont été télé-
chargés en février 2011.

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ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

L’accent est donc mis sur la pauvreté relative plutôt qu’absolue et sur un référent
national plutôt qu’européen.
Le taux de risque de pauvreté est ainsi défini comme le pourcentage de la
population (personnes) disposant d’un revenu équivalent (voir annexe 1) inférieur à
un seuil placé à 60 % du revenu équivalent médian 8 national. C’est pour insister
sur la nature conventionnelle du seuil retenu et sur le fait qu’un revenu inférieur à ce
seuil n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour être en
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situation de pauvreté que l’UE a choisi de parler de « risque de pauvreté ». Dans la
suite de notre analyse, lorsque nous parlons simplement de « pauvreté », il s’agit
toujours de l’indicateur européen de risque de pauvreté.
En Belgique, en 2009, le seuil de pauvreté pour un isolé équivaut à un revenu
mensuel de 966 euros/mois. Pour un ménage de deux adultes et de deux enfants,
ce seuil est de 2.029 euros/mois (soit 966 euros/mois multiplié par la « taille
équivalente » de ce ménage (2,1)). Pour la suite de l’analyse, quand celle-ci est
réalisée au niveau régional, c’est ce même seuil national (calculé donc sur base de
la population totale de la Belgique), et non un seuil spécifique à chaque région, qui
a été retenu, dans une optique de comparaison des niveaux de bien-être à un réfé-
rent national unique.
Quand on compare la valeur monétaire du seuil de pauvreté dans un contexte
international, l’usage est de convertir le seuil en « standards de pouvoir d’achat »
(SPA) afin de tenir compte des différences de prix à la consommation entre pays.
Le tableau 1 présente, pour chaque pays UE, les seuils nationaux en SPA et les
taux de pauvreté en pourcentage. On y voit que la Belgique a un seuil de pauvreté
(et donc un revenu médian) assez élevé, comparable à celui du Danemark, de la
France, de la Finlande, de l’Irlande et de l’Allemagne, et légèrement inférieur à celui
des Pays-Bas, de l’Autriche, de la Suède et de Chypre. C’est au Luxembourg que
le seuil de pauvreté est de loin le plus élevé ; et dans la plupart des anciens pays de
l’Est ainsi qu’au Portugal qu’il est le plus faible.
Sur la base du seuil de pauvreté ainsi défini, le taux de pauvreté en Belgique
est de 14,6 % 9. Ce chiffre place la Belgique en onzième position (en ordre crois-
sant). Les pays qui ont les taux les plus bas (9-11 %) sont la République tchèque,
la Slovaquie, les Pays-Bas et la Slovénie ; ceux qui occupent la situation la moins
enviable sont la Lettonie, la Roumanie, la Bulgarie et la Lituanie (qui cumulent à la
fois un seuil de pauvreté très faible et un taux de pauvreté supérieur à 20 %). Au
niveau régional belge, le taux de pauvreté est de 10,1 % en Flandre, 18,4 % en
Wallonie et 28,0 % à Bruxelles.

8. Le revenu médian est le revenu qui partage exactement en deux la population : la moitié de la pop-
ulation dispose donc d’un revenu plus élevé que le revenu médian, l’autre moitié d’un revenu moins
élevé.
9. Comme dans toute enquête, les valeurs obtenues pour les différents indicateurs sur la base d’un
échantillon ne sont qu’une approximation des valeurs réelles, relatives à la population totale (voir
contribution de Guio et Goedemé dans le présent volume). La précision des estimations dépend
en particulier de la taille de l’échantillon. Dans l’enquête EU-SILC belge, la taille d’échantillon est
satisfaisante au niveau national mais pas toujours au niveau régional. En particulier, les résultats
relatifs à la région de Bruxelles-Capitale ne sont pas suffisamment précis pour être commentés ex-
tensivement dans cette analyse.

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PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

Tableau 1. Seuil de pauvreté pour un isolé (en SPA/an)


et taux de pauvreté (en %), États membres de l’UE, 2009
Seuil de pauvreté Taux de pauvreté
République tchèque 6064 8,6
Slovaquie 4713 11,0
Pays-Bas 11539 11,1
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Slovénie 8648 11,3
Autriche 11318 12,0
Hongrie 4103 12,4
France 10594 12,9
Danemark 10712 13,1
Suède 11261 13,3
Finlande 10369 13,8
Belgique 10497 14,6
Luxembourg 16226 14,9
Irlande 10560 15,0
Malte 7713 15,1
Allemagne 10775 15,5
Chypre 11785 16,2
Pologne 4427 17,1
Royaume-Uni 10251 17,3
Portugal 5646 17,9
Italie 9122 18,4
Espagne 8387 19,5
Estonie 4795 19,7
Grèce 7578 19,7
Lituanie 4383 20,6
Bulgarie 3452 21,8
Roumanie 2066 22,4
Lettonie 4395 25,7

Source : EU-SILC (2009). Les pays sont classés par ordre croissant selon leur taux de pauvreté.

S’il est très important de calculer le taux de pauvreté et la valeur du seuil, il est éga-
lement très utile d’en évaluer l’intensité ; c’est-à-dire, en d’autres termes, de
mesurer le « degré de pauvreté des pauvres ». C’est ce que fait l’indicateur euro-
péen intitulé « écart médian relatif de pauvreté » qui calcule la différence entre le
seuil de pauvreté et le revenu médian des personnes pauvres et l’exprime en pour-
centage du seuil. En Belgique, cet écart est de 18,1 %, ce qui signifie que la moitié
des pauvres en Belgique disposent d’un revenu inférieur à 100 – 18,1 = 81,9 %
du seuil de pauvreté. À titre de comparaison, au niveau de l’UE l’écart médian
relatif de pauvreté varie entre 15,1 % en Finlande et 32,0 % en Roumanie.

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ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

3 LA DÉPRIVATION MATÉRIELLE :
UNE NOTION PLUS ABSOLUE
Il est essentiel que ces indicateurs de pauvreté monétaire soient suivis et analysés de
façon régulière. Ils ne révèlent cependant qu’une partie de la situation car si certains
« nouveaux » et « anciens » États membres de l’UE affichent des résultats très simi-
laires au regard de l’exposition au risque de pauvreté, les conditions de vie peuvent
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être très différentes entre ces pays. Il convient donc de compléter l’approche relative
par des indicateurs qui illustrent les différences de niveaux de vie au sein de l’UE.
C’est pour cette raison que, depuis 2009, la liste d’indicateurs communs inclut des
mesures de « déprivation matérielle », cette dernière étant définie comme l’incapa-
cité de posséder les biens et services et/ou de se livrer à des activités considérées
comme ordinaires dans la société où l’on vit et/ou perçues comme des nécessités
(voir Guio, 2009 ; et l’article de Guio et Goedemé dans ce numéro).
Le graphique 1 présente les taux de déprivation matérielle et de pauvreté pour
chaque pays de l’UE. On y voit que la dispersion des taux de déprivation (de 4,0 %
au Luxembourg à pratiquement 50 % en Roumanie et davantage encore en Bul-
garie) est nettement plus grande que celle des taux de pauvreté (de 8,6 % à
25,7 %). Cela est dû au fait que les différences de standards de vie entre pays sont
prises en compte dans la mesure de déprivation, en plus de leur distribution au
sein des pays, contrairement à l’approche monétaire relative (voir Marlier et al. (à
paraître) et Fusco et al. (2010)). Une illustration claire de ceci est donnée par la
situation de la Hongrie et de la Slovaquie (taux de pauvreté très bas mais niveau de
déprivation élevé) et, à l’autre extrémité, par celle de l’Espagne (qui combine un
taux de pauvreté assez élevé avec un taux de déprivation inférieur à la moyenne
européenne 10). En Belgique, les taux de pauvreté (14,6 %) et de déprivation
(11,4 %) sont tous deux inférieurs à la moyenne européenne.

Graphique 1 : Taux de pauvreté et taux de déprivation matérielle, en %,


États membres de l’UE et moyenne UE-27, 2009

Source : EU-SILC (2009).


Note : Les lignes en gras représentent la moyenne européenne.

10. La moyenne européenne est une moyenne pondérée dans laquelle les chiffres nationaux sont
pondérés par la taille de la population du pays auquel ils se rapportent.

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PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

Au niveau régional belge, le tableau 2 montre que tant la proportion de personnes


souffrant de déprivation matérielle que de celles souffrant de pauvreté monétaire
sont plus élevées en Wallonie qu’en Flandre. L’écart régional est toutefois plus
marqué en ce qui concerne la déprivation matérielle : en Wallonie, les taux de
déprivation et de pauvreté sont assez proches (18,4 % et 16,1 %), alors qu’en
Flandre le taux de déprivation (5,9 %) est sensiblement moins élevé que le taux de
pauvreté (10,1 %).
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On voit également que les personnes qui souffrent de pauvreté monétaire sont
plus nombreuses à également souffrir de déprivation matérielle en Wallonie qu’en
Flandre (48,0 % contre 28,0 %). Ces résultats peuvent être interprétés comme
une indication selon laquelle la pauvreté monétaire se traduirait par des difficultés
quotidiennes plus importantes en Wallonie qu’en Flandre, soit du fait qu’elle dure
depuis plus longtemps, soit parce qu’elle concerne des personnes qui souffrent
davantage d’autres problèmes (absence prolongée du marché du travail, dettes,
problèmes de santé, d’addiction ou autres précarités 11). Au sein d’un même pays,
le fait que pauvreté et déprivation ne se recoupent qu’imparfaitement peut s’expli-
quer par différents facteurs. La notion de revenu ne prend pas nécessairement en
compte toutes les ressources disponibles du ménage (épargne/dettes), les erreurs
et difficultés de mesure (revenu des indépendants, transferts en nature, etc.) et les
besoins variant entre les ménages (coûts de santé, du logement, du rembourse-
ment de dettes, d’addiction, de formation, de transport, de garde d’enfants, etc.).
Ainsi, pour un revenu identique, deux ménages peuvent avoir un niveau de vie très
différent, selon les ressources à leur disposition ou les coûts auxquels ils doivent
faire face (voir Guio et al., 2010).

Tableau 2 : Pauvreté monétaire et déprivation matérielle, en %,


Belgique (BE), Wallonie (WA), Flandre (VL), 2009
BE WA VL

Taux de pauvreté 14,6 18,4 10,1


Taux de déprivation 11,4 16,1 5,9

Taux de déprivation parmi les pauvres 42 48 28

Source : EU-SILC. Calculs IWEPS. Les chiffres relatifs à Bruxelles ne sont pas présentés vu la trop
faible taille de l’échantillon bruxellois.

Voyons à présent quelles sont les caractéristiques des individus qui ne disposent
pas d’un revenu équivalent au moins égal au seuil de pauvreté.

11. Voir IWEPS (2007).

19
ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

4 QUELS SONT LES GROUPES


LES PLUS FRAGILISÉS ?
Afin d’identifier non seulement les différences régionales mais également les éven-
tuels facteurs de risques qui seraient plus importants en Belgique qu’en moyenne
dans l’UE, le tableau 3 présente le taux de pauvreté pour les différentes catégories
de personnes pour lesquelles le risque de pauvreté est le plus élevé et compare ce
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chiffre entre l’Union européenne, la Belgique, la Flandre et la Wallonie. Il s’agit de
tableaux croisés. La définition exacte des catégories est présentée en annexe 2 12.

Tableau 3 : Taux de pauvreté pour différentes catégories de personnes


à haut risque, en %, moyenne UE-27, Belgique (BE),
Wallonie (WA), Flandre (VL), 2009
UE-27 BE WA VL
Age

0-17 ans 19,9 16,6 21,7 9,8

65 ans et + 17,8 21,6 23,2 20,2


Statut d’activité

Chômeur 45,3 33,4 40,0 19,0

Autre inactif 26,9 26,7 29,5 18,2

Type de ménage

Famille monoparentale 34,0 36,9 51,4 22,3

Niveau d’intensité en travail (IT) du ménage


IT=0, avec enfant(s) 56,7 75,4 74,8 68,2

0<IT<0,5, avec enfant(s) 45,2 46,9 45,3 42,7

IT=0, sans enfant 30,6 29,9 35,0 21,2

Niveau d’études

Maximum secondaire inférieur 23,2 23,8 27,6 18,0

Total de la population
Total 16,3 14,6 18,4 10,1

Source : EU-SILC 2009. Calculs IWEPS. Les chiffres relatifs à Bruxelles ne sont pas présentés vu
la trop faible taille de l’échantillon bruxellois. Les catégories sont classées par ordre croissant
selon leur niveau de pauvreté.
Note : Statut d’activité, intensité de travail et niveau d’études : voir annexe 2.

12. Des chiffres similaires calculés pour la déprivation matérielle sont disponibles auprès des auteurs.

20
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

Six éléments importants ressortent du tableau 3 :


1) En Belgique, les personnes âgées (de plus 65 ans) font face à un taux de pau-
vreté plus élevé (21,6 %) que la population totale (14,6 %) ; et ce, de manière
plus marquée qu’en moyenne dans l’UE (17,8 %) 13. D’autres indicateurs non
monétaires nuancent ce constat et montrent que les personnes âgées sont
proportionnellement moins nombreuses à souffrir de déprivation matérielle, de
pauvreté subjective ou ont moins souvent des difficultés à payer leurs coûts du
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logement que la population totale (voir Guio, 2010). Elles sont également plus
souvent propriétaires de leur logement.
2) Les enfants sont proportionnellement plus nombreux à être pauvres que la
population totale. Un enfant sur cinq (21,7 %) vit sous le seuil de pauvreté en
Wallonie (un sur dix en Flandre – 9,8 %). Cette situation est d’autant plus pré-
occupante que la transmission intergénérationnelle de la pauvreté est large-
ment documentée par de nombreuses études (voir notamment Social
Protection Committee, 2008 ; Frazer, Marlier et Nicaise, 2010).
3) La situation est particulièrement préoccupante pour les personnes (enfants et
adultes) qui vivent en familles monoparentales en particulier en Wallonie,
puisque près de la moitié d’entre elles (51,4 %) ne parviennent pas à échapper
à la pauvreté, ce qui est nettement supérieur aux niveaux européen (34,0 %),
belge (36,9 %) et flamand (22,3 %).
4) Le taux de pauvreté des personnes qui ont atteint comme niveau d’études au
maximum le secondaire inférieur est également plus élevé que celui de la
population totale. Si on fait le lien entre ce résultat et l’indicateur (issu de
l’enquête PISA 2009 14) relatif à l’écart de performance de lecture des élèves
(c’est-à-dire leur capacité à comprendre, mémoriser, résumer ou utiliser un
texte), ventilé selon le niveau de précarité de leurs parents, le constat est
encore plus préoccupant. En effet, cet écart est en Belgique l’un des plus
élevés de l’OCDE (voir tableau 5). Pauvreté et faible niveau d’études vont de
pair à l’âge adulte, mais également dès l’enfance, puisque les performances
scolaires sont nettement moins bonnes pour les enfants dont les parents sont
plus défavorisés. Ceci illustre l’un des modes de transmission intergénération-
nelle de la pauvreté qui semble particulièrement présent en Belgique.
5) La position sur le marché du travail est l’un des éléments les plus déterminants
pour expliquer la pauvreté. La proportion de « travailleurs pauvres », c’est-à-
dire des personnes qui ont un emploi mais qui vivent dans un ménage dont les
revenus sont situés sous le seuil de pauvreté 15, est assez limitée en Belgique
(4,6 % contre 8,4 % au niveau EU) ; elle est cependant nettement plus élevée

13. Dans leur article présent dans ce numéro, Lefebvre, Pestieau et Ponthière proposent une méthode
pour estimer les taux de pauvreté que l’on observerait chez les personnes âgées si les personnes
avec différents niveaux de revenus avaient toutes la même espérance de vie – des taux corrigés
donc dans lesquels les interférences dues à la mortalité différentielle ont été neutralisés.
14. Pour plus d’informations sur l’enquête PISA, voir :
http://www.pisa.oecd.org/pages/0,2987,en_32252351_32235731_1_1_1_1_1,00.html.
15. La notion de travailleur pauvre ne doit donc pas être confondue avec celle de bas salaire (voir, par
exemple, Bardone et Guio, 2005 ; Lelièvre, Marlier et Pétour, 2004).

21
ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

en Wallonie (6,3 %) qu’en Flandre (3,2 %). Toutefois, la situation des tra-
vailleurs mérite d’être nuancée en différenciant les types de travailleurs (sala-
riés à temps plein, salariés à temps partiel et indépendants), et en prenant en
compte le risque de déprivation matérielle en plus du risque de pauvreté.
Guio et al. (2010) et Fusco et al. (2010) montrent en effet que la situation des
travailleurs salariés à temps partiel est plus préoccupante que celle des tra-
vailleurs à temps plein (ils ont davantage de risque d’être en situation de pau-
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vreté monétaire, de déprivation ou de souffrir des deux problèmes cumulés).
En revanche, la situation des indépendants l’est moins, puisqu’ils ont moins
de risque de déprivation matérielle (combinée ou non avec la pauvreté moné-
taire) même s’ils ont plus de risque d’être « uniquement » pauvres monétaire-
ment (ce qui est lié en partie aux difficultés de mesure du revenu des
indépendants). Par ailleurs, même si le taux de pauvreté reste nettement
moins élevé pour les travailleurs salariés que pour les autres statuts d’activité,
la proportion importante de travailleurs dans la population conduit à ce qu’une
part non négligeable des personnes pauvres ont en fait un emploi, ce qui
témoigne du fait qu’un emploi ne suffit pas toujours pour éviter la pauvreté,
que ce soit pour des raisons de qualité d’emploi (bas salaire, temps partiel,
contrat précaire et/ou faibles qualifications) ou de charges de famille (la pau-
vreté étant mesurée au niveau du ménage, le risque est accru en l’absence
d’autres adultes contributeurs et/ou en présence d’enfants).
6) Les chômeurs et les « autres inactifs » font face à un taux de pauvreté plus de
deux fois plus élevé que le reste de la population en Belgique. En Wallonie,
40 % des chômeurs et 30 % des inactifs vivent dans un ménage pauvre,
contre environ 20 % en Flandre pour ces deux catégories. Le risque aug-
mente d’autant plus que la personne sans emploi vit avec d’autres personnes
également sans emploi, c’est-à-dire que le degré de « polarisation » du travail
au sein des ménages est élevé. En effet, les ménages dont l’intensité en travail
(IT) est nulle font face à un risque de deux fois (s’ils n’ont pas d’enfants) à cinq
fois plus élevé (s’ils en ont) que la population totale. En comparaison euro-
péenne, la Belgique est mal placée de ce point de vue à un double titre,
puisqu’elle est à la fois :
– parmi les pays dont la proportion de la population âgée entre 0 et 59 ans
vivant dans des ménages sans emploi est la plus élevée (12,0 % contre
9,0 % pour la moyenne UE ; 8,0 % en Flandre et 17,0 % en Wallonie),
avec l’Irlande (19,8 %) et le Royaume-Uni (12,6 %) ;
– parmi les pays où le risque de pauvreté pour les ménages sans emploi
avec enfant(s) est le plus élevé (75,0 % pour la Belgique et la Wallonie et
68,0 % en Flandre contre 57,0 % au niveau UE).

Afin d’éclairer certains de ces constats, le tableau 4 compare le niveau des princi-
paux minima sociaux belges avec celui du seuil de pauvreté. Ceci permet d’appré-
cier leur adéquation.

22
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

Tableau 4 : Montant de divers minima sociaux, en pourcent du seuil


de pauvreté, pour différents ménages-types, Belgique, 2009
Revenu
Salaire
d’intégration Invalidité Chômage Pension
minimum
sociale

Isolé 74 101 86 95 130


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Couple 65 84 68 84 100

Couple avec deux enfants 71 87 71 : 91

Isolé avec deux enfants 93 109 90 : 109

Source : IWEPS.

On constate que la plupart des montants minima versés aux allocataires-types


repris en exemple au tableau 4 se situent sous le seuil de pauvreté (chiffres infé-
rieurs à 100 %). C’est le cas pour toutes les configurations de ménages envisa-
gées et, en particulier, pour les couples et les couples avec enfants. On constate
également que le fait d’avoir un travail à temps plein, rémunéré au salaire minimum,
ne permet pas nécessairement de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, ceci
dépendant de la configuration familiale du travailleur. Ces résultats sont confirmés
si on compare le montant des transferts non plus au seuil de pauvreté calculé dans
l’enquête EU-SILC, mais au montant d’un budget minimal pour vivre une vie digne,
qui a été récemment calculé pour la Belgique 16. Dans cette approche, le seuil de
pauvreté est calculé non pas sur la base de la médiane des revenus mais sur celle
du coût d’un panier de biens et services très précis (tant en quantité qu’en qualité),
considérés comme nécessaires pour mener une vie digne en Belgique. Ce panier
dépend de critères objectifs (par exemple, la présence ou pas d’enfants scola-
risés) et aussi d’appréciations normatives. Il a été défini pour un grand nombre de
ménages-types (propriétaires ou non de leur logement, personnes ayant ou non
des enfants, étant ou non en bonne santé, résidant en Wallonie ou en Flandre).
Cette étude montre que, dans la grande majorité des situations, les ménages qui
doivent se contenter des allocations sociales minimales ne disposent pas d’un
revenu suffisant pour rencontrer les dépenses nécessaires pour pouvoir mener
une vie digne ; c’est en particulier le cas pour les locataires dans le secteur privé et
les propriétaires qui sont encore engagés dans un crédit hypothécaire.

5 INÉGALITÉS DE REVENU ET D’ACCÈS


AUX DROITS FONDAMENTAUX

Les mesures de pauvreté monétaires discutées plus haut apportent des informa-
tions intéressantes sur le bas de la distribution des revenus, mais elles sont
muettes au sujet de la répartition des revenus sur l’ensemble de la population. Il est

16. Voir http://www.ecosocdoc.be/static/module/bibliographyDocument/document/002/1389.pdf.

23
ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

dès lors intéressant de les compléter par deux indicateurs européens d’inégalité
qui permettent de prendre en compte l’ensemble de la distribution des revenus. En
Belgique, ces indicateurs témoignent d’une inégalité de revenu très modérée com-
parativement à la moyenne européenne. Le premier indicateur est le « rapport
interquintile » (S80/S20), qui rapporte la somme des revenus (équivalents) perçue
par les 20 % les plus riches de la population à celle perçue par les 20 % les plus
pauvres. (Il importe de souligner que ce qui est comparé ici ce sont bien les
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revenus totaux perçus par chacun de ces deux groupes et non la richesse totale
qu’ils détiennent.) En 2009, le rapport interquintile avoisinait 3,9 en Belgique, 3,8
en Wallonie et 3,5 en Flandre (et 4,9 pour l’EU). Cela signifie qu’en Belgique les
20 % les plus aisés de la population ont perçu pratiquement quatre fois plus de
revenu que les 20 % les plus pauvres (40 % du revenu total contre 11 %).
Cet indicateur est assez fortement influencé par des valeurs aberrantes
(exceptionnellement élevées ou basses) aux extrémités de la distribution et est
insensible aux changements de revenu des personnes situées dans des quintiles
intermédiaires. À l’inverse, l’indice de Gini s’appuie sur l’ensemble de la distribu-
tion des revenus. Il est basé sur la différence entre la distribution réelle des revenus
(la courbe de Lorenz) et une distribution parfaitement égalitaire ; il varie entre 0
(égalité parfaite ; tout le monde a le même revenu) et 1 (inégalité parfaite ; une seule
personne détient la totalité du revenu). En 2009, l’indice de Gini valait 26,4 % en
Belgique, 25,9 % en Wallonie et 24,4 % en Flandre (contre 30,4 % pour la
moyenne UE).
Si l’inégalité de revenu reste modérée en Belgique, l’exercice des droits fonda-
mentaux 17 (comme l’accès à la santé, à la culture, à un logement décent, à l’éduca-
tion) est par contre très inégal et fortement influencé par le niveau de revenu, comme
en témoigne le tableau 5 18. Ce tableau montre que les inégalités de revenus vont
de pair avec des inégalités en termes d’accès aux droits fondamentaux. Ainsi, le
rapport entre les risques encourus par les personnes situées dans le premier quin-
tile et ceux encourus par les personnes du cinquième quintile est de :
– 5 en ce qui concerne l’état de santé : les personnes du premier quintile ont un
risque 5 fois plus élevé d’être en mauvaise santé physique que les personnes
du cinquième quintile (3 pour la santé psychique), ce qu’ils cumulent avec 14
fois plus de difficultés à pouvoir se permettre financièrement de se soigner ;
– 3 en ce qui concerne l’état du logement (des problèmes de confort et de qua-
lité), en dépit du fait qu’ils dépensent une part bien plus importante de leur
revenu à ce poste (un tiers d’entre eux dépensent plus de 40 % du revenu en

17. Selon l’article 23 de la Constitution belge, « ces droits comprennent notamment : le droit au travail
et au libre choix d’une activité professionnelle (…) ; le droit à la sécurité sociale, à la protection de
la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique ; le droit à un logement décent ; le droit à un en-
vironnement sain ; le droit à l’épanouissement culturel et social ».
18. Le rapport interquintile est présenté de manière à ce que toute valeur supérieure à 1 soit interprétée
comme le signe d’une situation plus défavorable des personnes du premier quintile (Q1) par rap-
port à celle des personnes du cinquième quintile (Q5). Il s’agit donc du rapport Q1/Q5 pour les
problèmes de santé, de logement, d’accès à la culture et au lien social, mais du rapport Q5/Q1
pour ce qui concerne le revenu disponible et les performances scolaires. IMC = Indice de masse
corporelle. Pour un tableau similaire et d’autres éléments d’analyse, voir Defeyt et Guio (2010).

24
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

coût du logement alors que personne n’est dans ce cas dans le cinquième
quintile19) ;
– 2 à 3 fois moins d’accès à des activités récréatives et culturelles, ou au soutien
de proches.

De plus, comme discuté en section 4, les enfants qui vivent dans le quartile de mé-
nages les plus défavorisés présentent des résultats scolaires nettement moins satisfai-
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sants que ceux des ménages les plus favorisés (le degré de (dé)favorisation est, pour
cet indicateur, mesuré à l’aide d’un indice du statut socioprofessionnel des parents).
Cet écart est l’un des plus importants des pays de l’OCDE (voir Baye et al., 2010).

6 CONCLUSIONS
En guise de conclusions, nous souhaiterions nous tourner vers le futur et souligner
deux défis qu’il conviendrait de relever. Le premier défi est de nature statistique.
Dans cet article, nous avons été confrontés aux limites statistiques de l’analyse
régionale des données de l’enquête belge d’EU-SILC. Les chiffres relatifs à la
région de Bruxelles-Capitale ont souvent dus être exclus de notre analyse pour
des raisons de faible robustesse statistique (échantillon insuffisant). Il est essentiel,
tant pour les décideurs politiques que pour les chercheurs, que les trois régions
soient couvertes de façon satisfaisante dans cette enquête de premier plan.
Le second défi revêt un caractère à la fois politique, statistique et analytique.
Dans son Plan National de Réforme remis à la Commission européenne en avril
2011, la Belgique a présenté les objectifs quantifiés qu’elle a adoptés dans le
cadre de sa contribution au nouvel objectif européen de réduction de 20 millions
du nombre de pauvres et d’exclus dans l’UE. Il s’agit maintenant qu’elle mette en
œuvre les politiques fédérales et régionales/communautaires les plus susceptibles
d’atteindre ces objectifs. Il s’agit également qu’elle suive de près la progression
vers ces objectifs et qu’elle continue à évaluer ses autres performances sociales,
non couvertes par les objectifs quantifiés retenus, au départ d’une batterie d’indi-
cateurs couvrant l’ensemble des dimensions les plus importantes non seulement
de l’inclusion sociale mais aussi de la protection sociale.

19. Cet indicateur se focalise sur les personnes vivant dans un ménage pour lequel le coût total du
logement (net des allocations liées à l’habitat) représente 40 % ou plus du revenu disponible total
du ménage (net des allocations liées à l’habitat). Il rapporte le pourcentage de personnes qui sont
dans cette situation au sein du 1er quintile de revenus (c’est-à-dire les 20 % les plus pauvres) à celui
des personnes qui sont dans cette situation au sein du 5e quintile. Au sein de l’UE, c’est en Bel-
gique que ce quotient est le plus élevé. Nous n’avons pas d’informations comparables pour les
autres indicateurs du tableau (sauf pour le niveau de lecture, voir section 4).

25
ANNE-CATHERINE GUIO, ALESSIO FUSCO ET ÉRIC MARLIER

Tableau 5 : Divers indicateurs d’inégalité d’accès aux droits fondamentaux,


selon le quintile de revenu, Belgique 20
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EU-SILC 2009, PISA 2009, Enquête Nationale de santé 2008 21.


Note : Le rapport interquintile est chaque fois présenté de manière à ce que toute valeur supé-
rieure à 1 soit interprétée comme le signe d’une situation plus défavorable des personnes du pre-
mier quintile par rapport à celle des personnes du cinquième quintile. Il s’agit donc du rapport Q1/
Q5 pour les problèmes de santé, de logement, d’accès à la culture et au lien social, mais du rap-
port Q5/Q1 pour ce qui concerne le revenu disponible et les performances scolaires. IMC = Indice
de masse corporelle.

20 Ces chiffres sont présentés pour le premier et le dernier quintile de revenu, sauf le score moyen en
lecture qui est présenté pour les 25 % de l’ensemble des élèves les plus favorisés (4e quartile) et
celui des 25 % les plus défavorisés (1er quartile). Le degré de (dé)favorisation est mesuré à l‘aide
d’un indice du statut socioprofessionnel des parents (voir Baye et al., 2010).
21. Pour plus d’informations sur l’enquête nationale de santé, voir :
http://www.iph.fgov.be/epidemio/epifr/index4.htm.

26
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

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ANNEXE 1. LES CONCEPTS DE REVENU


DISPONIBLE ET REVENU ÉQUIVALENT
Dans les analyses liées au revenu qui sont présentées ici, ce sont les individus qui
sont considérés comme unités d’analyse, et non les ménages auxquels ils appar-
tiennent. Pour situer un individu sur l’échelle de la pauvreté, on lui attribue le revenu
disponible de son ménage (1) auquel on applique une échelle d’équivalence qui
permet de comparer le revenu de ménages de tailles et compositions différentes (2).
(1) Le revenu disponible d’un ménage s’entend comme l’ensemble des
revenus monétaires nets perçus au cours de l’année précédant l’enquête (2008
dans le cas de l’enquête 2009 analysée ici) par ce ménage et les membres qui le
composent au moment de l’enquête. Il comprend le revenu du travail (salaires et
revenus d’activité indépendante), les revenus du capital et de la propriété, les
transferts entre ménages, ainsi que les pensions et les autres transferts sociaux
perçus directement. Ne sont pas pris en compte : les transferts sociaux indirects,

28
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS EN BELGIQUE

les revenus en nature (sauf la voiture de fonction), les revenus perçus en « noir » et
les loyers imputés des logements occupés par leur propriétaire 22.
(2) Le revenu du ménage est divisé par le nombre d’« équivalents adultes »
vivant dans le ménage. Ce nombre est obtenu au départ d’une échelle d’équiva-
lence qui, sur la base de la taille du ménage et de l’âge de ses membres, convertit
la taille réelle du ménage en nombre d’« équivalents adultes ». L’échelle utilisée au
niveau de l’UE (échelle dite « OCDE modifiée ») attribue un poids de 1 pour le
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premier adulte du ménage, de 0,5 pour les autres adultes (de 14 ans ou plus) et
de 0,3 pour les personnes de moins de 14 ans. Cela signifie que le revenu d’un
couple avec deux enfants (de moins de 14 ans) est divisé par un coefficient de
2,1 (= 1 + 0,5 + 0,3 + 0,3) pour être comparé avec le revenu d’un isolé.

ANNEXE 2. DÉFINITION DES CATÉGORIES


UTILISÉES AU TABLEAU 3
Deux catégories d’âge sont présentées : les enfants (0-17ans) et les personnes
âgées (de plus de 65 ans).
Le statut d’activité présenté est celui que le répondant (de plus de 16 ans) a
déclaré le plus fréquemment durant l’année de référence du revenu (l’année pré-
cédant l’enquête). Il a été calculé sur la base du calendrier d’activités fourni mois
par mois. Les « autres inactifs » reprennent les personnes qui ne sont ni en emploi,
ni au chômage, ni retraitées.
La notion d’intensité en travail (IT) du ménage prend en compte la proportion
de temps travaillé dans le total du temps qui pourrait être théoriquement presté par
les personnes d’âge actif (18-59 ans) du ménage ; elle varie entre 0 et 1.
Les personnes dont le niveau d’études atteint au maximum le secondaire infé-
rieur (ISCED 0, 1 et 2) sont regroupées.

22. Le loyer imputé est un revenu fictif basé sur l’estimation du loyer que les propriétaires (ou locataires
à prix réduit) devraient payer s’ils devaient louer leur habitation aux prix du marché. Étant donné la
nature spécifique (non liquide) de ce revenu et la difficulté de l’estimer, son inclusion pose divers
problèmes conceptuels et méthodologiques qui sont évoqués dans Sauli, H. & Toermaelehto, V.-M.
(2010).

29

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