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Introduction
Sommaire
Introduction
Le traité instituant la Communauté économique européenne
Une nouvelle organisation internationale
L'adhésion au traité
Les révisions du traité
La disparition de la Communauté européenne
Institutions communautaires
Le Parlement européen
Le Conseil
La Commission
La Cour de justice
La Cour des comptes
La Banque centrale européenne
Le pouvoir normatif
Les procédures décisionnelles
Les actes juridiques communautaires
Les fondements de la construction européenne
Le principe de subsidiarité
La libre circulation des personnes
La libre circulation des marchandises
La politique de concurrence
Le rapprochement des politiques économiques
L'union monétaire
Bibliographie
L'histoire de la Communauté européenne (C.E.), appelée Communauté économique européenne (C.E.E.) jusqu'au traité de Maastricht en
1992, ne se confond formellement avec celle de l'Union européenne (U.E.) que depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du
traité de Lisbonne. Elle est même appelée sans doute à disparaître au profit de cette dernière.
Réunis à Messine les 1er et 2 juin 1955, moins d'un an après l'échec de la Communauté européenne de défense (C.E.D.), les six ministres
des Affaires étrangères (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) fondateurs de la Communauté européenne du
charbon et de l'acier (C.E.C.A.) en 1951, décidaient de « poursuivre l'établissement d'une Europe unie » en chargeant un comité
intergouvernemental dirigé par le ministre des Affaires étrangères de Belgique, Paul-Henri Spaak, de préparer un rapport d'ensemble sur la
constitution d'un marché commun général, ainsi que sur celle d'une organisation commune de l'énergie atomique. Saisis, le 21 avril 1956, du
rapport du comité, les ministres décidaient, le 30 mai, à Venise, d'ouvrir des négociations sur cette base. La Conférence
intergouvernementale pour le Marché commun et l'Euratom aboutit à la signature à Rome, le 25 mars 1957, des traités instituant la
Communauté économique européenne (C.E.E.) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (C.E.E.A., dite Euratom). Approuvés
la même année à de larges majorités par les Parlements des six pays, ces deux traités entraient en vigueur le 1er janvier 1958.
Les institutions et les procédures décisionnelles prévues par le traité de Rome ont permis à la C.E.E. de mettre en œuvre les objectifs que
lui ont assignés les six États fondateurs. Le premier de ces objectifs – la réalisation d'un marché commun – est, dès la fin de 1968,
largement atteint. Les droits de douane et les restrictions quantitatives ont été entièrement abolis pour tous les produits industriels et pour
la quasi-totalité des produits agricoles, tandis que la libre circulation des travailleurs est effective. Quant à l'autre objectif de la
Communauté, la réalisation d'une union économique, des résultats importants ont été obtenus, mais la progression a été retardée par les
effets de la crise économique mondiale qui a frappé de plein fouet les économies européennes à partir de 1973. Les États-membres ont
repris l'initiative en décidant d'approfondir l'union douanière et d'achever la réalisation d'un marché intérieur unifié pour 1992. L'union
économique et monétaire fut effective à partir de 2001 pour une majorité d'États membres.
La finalité économique de la Communauté européenne, ne doit pas pour autant masquer les ambitions politiques de ce projet. Pour ses
promoteurs, elle est un des moyens pour assurer une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, l'objectif étant à terme de
constituer une véritable citoyenneté européenne. En cela, le progrès opéré en 1992 par le traité de Maastricht est décisif, car il institue
précisément cette citoyenneté et renforce les mécanismes démocratiques au sein de l'Union et de la Communauté. Dans son intention
initiale comme au regard de ses adaptations successives, l'intégration européenne lancée en 1957 est un projet qui n'en finit pas de se
réaliser...
Ces derniers, parce qu'ils ont des intérêts communs partageables et qu'ils souhaitent agir collectivement dans des domaines qui ne peuvent
plus être régulés et normés efficacement par leur seule action individuelle, vont alors décider de confier à l'association qu'ils ont créé –
l'organisation internationale – des compétences dans les domaines en question. S'agissant de la C.E.E., le traité de 1957 lui a attribué des
compétences essentiellement économiques et dans des domaines très variés : marché intérieur, politique agricole, concurrence, monnaie
unique, citoyenneté européenne, environnement... Par ailleurs, autre et décisive différence avec les organisations internationales classiques,
fondées sur la coopération interétatique (Conseil de l'Europe, U.N.E.S.C.O., etc.), les règles contenues dans le traité de Rome créées des
droits directement au profit des personnes physiques et morales qui peuvent les invoquer en justice à l'encontre de la législation des États
membres. Autrement dit, la Communauté européenne ne lie pas uniquement et ne concerne pas seulement les États membres, certaines de
ses normes ont un effet direct sur les ressortissants de ces États, sans avoir besoin d'être reprises par une norme nationale pour être
effectives.
L'adhésion au traité
Regroupant initialement six États, la Communauté européenne atteignait vingt-huit membres en 2012. Les vagues d'adhésion se sont
effectuées selon des périodes et des rythmes différents. La première période date des années 1970 et 1980 : Royaume-Uni, Irlande,
Danemark (1973), Grèce (1981) et Espagne, Portugal (1986). La deuxième vague date de 1995 avec l'adhésion à l'Union européenne, et
partant à la Communauté, de la Suède, la Finlande et de l'Autriche. À partir de 2004, la Communauté est passée de 15 à 28 États : Estonie,
Lettonie, Lituanie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Malte et Chypre (2004) ; Roumanie et Bulgarie (2007) ; Croatie (2013).
C'est sans conteste le traité de Maastricht de 1992, entrée en vigueur un an plus tard, qui a profondément et définitivement modifié la
manière de penser l'Europe communautaire. En effet, les trois communautés existantes (C.E.C.A. – qui arrivera à son terme en 2002
cinquante ans après sa création, C.E.E.A. et C.E.) vont alors devenir de « simples » composantes d'un ensemble plus vaste, pourtant
dépourvu de la capacité juridique : l'Union européenne. Celle-ci repose en effet sur trois « piliers » symboliques. Le premier est constitué
par les politiques intégrées des Communautés existantes ; le deuxième, intergouvernemental, jette les bases d'une politique étrangère et de
sécurité commune (P.E.S.C.) ; le troisième, également intergouvernemental, instaure une coopération policière et judiciaire en matière
pénale (C.P.J.P.). Dans cette structure passablement déroutante pour le non-initié, mais qui correspond pourtant à des modes de
collaboration interétatique bien distincts, le traité de Rome instituant la Communauté européenne (dit T.C.E.) occupe désormais une place
paradoxale. En effet, le traité sur l'Union européenne, qui définit les trois piliers, renvoie au traité de Rome pour la partie communautaire.
Ainsi, apparemment en retrait dans ce nouveau montage institutionnel, le T.C.E. réunit toujours l'essentiel des dispositifs qui font
l'originalité de la construction européenne.
En 1999 entrait en vigueur le traité d'Amsterdam, qui parachève le processus de passage à la monnaie unique lancé en 1992. Mais la
structure de l'Union restait inchangée. Ce premier traité modificatif du traité sur l'Union européenne et du T.C.E. n'est pas parvenu à
adapter le fonctionnement des institutions pour répondre aux difficultés posées par l'élargissement aux nouveaux États, pour la plupart
issus de l'ancien bloc communiste, qui ont sollicité et obtenu leur adhésion aux Communautés à partir du début des années 1990. Ce n'est
qu'avec le traité de Nice, entré en vigueur en 2003, qu'une première et timide adaptation du cadre institutionnel communautaire est enfin
réalisée.
Pour sortir de cette impasse, les chefs d'État et de gouvernement ont signé, le 13 décembre 2007, à Lisbonne, un nouveau projet de traité,
dit modificatif ou simplificateur, censé assurer une solution de repli. Reprenant en très grande partie les innovations du projet précédent, le
nouveau texte de 152 pages contenant plus de 350 dispositions, 13 protocoles et 59 déclarations, modifie de manière assez substantielle le
cadre institutionnel et prévoit la création de nouveaux organes. Le traité instituant la Communauté européenne devient le traité sur « le
fonctionnement de l'Union européenne ». Juridiquement, cela signifie que la Communauté disparaît au profit de l'Union européenne qui lui
succède et se substitue à elle. Ainsi dotée de la personnalité juridique qui lui faisait défaut, l'Union européenne peut conclure tout accord
international dans des domaines de compétence plus précisément définis. Les trois piliers du traité de Maastricht sont regroupés parmi les
politiques publiques, au titre des compétences relevant de l'Union. La Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice le 7 décembre
2000 doit quant à elle acquérir une force juridique contraignante pour vingt-six États membres, le Royaume-Uni et la Pologne bénéficiant
d'une dérogation. Les symboles tels que le drapeau, l'hymne et la devise de l'Union ne sont en revanche plus mentionnés par le nouveau
projet.
Avant d’entrée finalement en vigueur le 1er décembre 2009, le traité de Lisbonne a vu lui aussi sa dynamique enrayée par le vote de rejet
résultant de l'unique référendum organisé cette fois par un État membre, en République d'Irlande, le 12 juin 2008 (opposition surmontée
par un second référendum le 2 octobre 2009). Mais, lors d’un nouveau référendum organisé dans le même pays le 2 octobre 2009, les
électeurs approuvent le traité, qui a été entre-temps assorti de garanties spéciales pour l’Irlande. Le traité de Lisbonne peut dès lors entrer
en vigueur, le 1er décembre 2009. L'Union européenne traverse ainsi pendant la décennie de 2000 une crise à la fois politique et
institutionnelle. Forte de 28 membres en 2013, ses règles de fonctionnement n'avaient pas fondamentalement changé depuis leur adoption,
dans les années 1950, pour une « Europe des Six ».
Institutions communautaires
La Communauté européenne fonctionne grâce au concours de cinq institutions, sans compter le Conseil européen et la Banque centrale
européenne. Ces institutions collaborent entre elles sur le fondement de procédures décisionnelles leur permettant ainsi d'adopter de la
« législation » afin de mettre en œuvre les politiques communautaires.
Le Parlement européen
S'il fallait résumer d'un trait l'évolution de l'histoire institutionnelle de la Communauté européenne, il pourrait être valablement soutenu
qu'elle se confond avec celle du Parlement européen. En effet, cette institution, qui ne fut dotée au départ que de pouvoirs consultatifs,
occupe aujourd'hui une place déterminante dans le jeu institutionnel. Tous les traités successifs à celui de 1957 ont contribué à renforcer
sans cesse les prérogatives de cette institution.
Le Parlement européen est composé de 751 membres, tous élus au suffrage universel direct. L'élection directe n'a été effective qu'à partir de
1979. Les députés européens sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable selon un mode de scrutin à la proportionnelle (en France)
dans le cadre de huit circonscriptions interrégionales. Le Parlement se réunit en session plénière à Strasbourg une semaine par mois, sauf en
août. Ses commissions parlementaires se tiennent en général à Bruxelles les trois autres semaines.
Le Parlement européen, en sa qualité incontestable d'institution démocratique représentative des peuples des États membres, contrôle
l'action de la Commission. Ce contrôle s'effectue d'abord au moment de la formation de celle-ci. C'est en effet le Parlement qui doit
approuver, par une résolution, et le choix du futur président désigné par le Conseil et la Commission dans son ensemble en tant que collège
exécutif. Mais le contrôle parlementaire sur la Commission peut aussi être activé par un vote de censure qui peut provoquer la démission
immédiate de l'exécutif de Bruxelles. S'il n'y a jamais eu recours jusqu'à présent, il fait, par contre, un large usage de toutes les autres
procédures parlementaires (réunions des commissions parlementaires, débats publics, questions écrites et questions orales, etc.), ce qui lui
permet d'influer effectivement sur l'action de la Commission, qui doit garder sa confiance. Ce contrôle suivi est aussi le garant de
l'indépendance de la Commission. La démission, à la suite d'une enquête parlementaire, de la commission Santer en mars 1999, tout comme
les difficultés rencontrées à la fin d'octobre 2004 par la commission Barroso pour obtenir son investiture ont montré la réalité du pouvoir
du Parlement.
En outre, le Parlement participe à l'élaboration des décisions du Conseil par les avis qu'il est appelé à donner sur les principales
propositions de la Commission. Le Parlement dispose de pouvoirs budgétaires importants qu'il partage avec le Conseil en tant que co-
autorité budgétaire. Il peut augmenter certaines dépenses, et rejeter l'ensemble du budget à la majorité qualifiée.
Le Conseil
Le Conseil, appelé également Conseil de l'Union ou encore Conseil des ministres, a son siège à Bruxelles. Il est formé des ministres des
gouvernements des États membres. Il connaît neuf formations distinctes qui réunissent les ministres correspondant aux matières traitées en
fonction de l'ordre du jour : Affaires générales et relations extérieures ; Affaires économiques et financières ; Coopération dans le domaine
de la justice et des affaires intérieures ; Emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; Compétitivité ; Transports, télécommunications
et énergie ; Agriculture et pêche ; Environnement ; Éducation, jeunesse et culture. La Commission participe à toutes ses délibérations. Les
travaux du Conseil sont pour la plupart préparés par une instance peu connue mais déterminante par les arbitrages à la fois diplomatiques
et communautaires qu'elle prend, le Comité des représentants permanents des États membres, ou Coreper, créé dès 1958 et formé par les
ambassadeurs – ou leurs adjoints – de ces États, en poste à Bruxelles. Les délibérations du Conseil peuvent être prises soit à l'unanimité,
soit, dans des cas de plus en plus nombreux, à la majorité qualifiée (255 voix sur 345). Le nombre de voix des États est affecté d'une
pondération (la France ou l'Allemagne ont ainsi 29 voix, alors que Malte en dispose de 6). En tout état de cause, c'est le Conseil qui est
l'institution décisionnelle fondamentale de la Communauté. C'est l'organe normatif par excellence, équivalent du pouvoir législatif des
États. Pas une politique n'échappe à son pouvoir de décision.
Le Conseil de l'Union ne doit pas être confondu avec le Conseil européen, dont le siège est également à Bruxelles depuis 2003. Ce Conseil
réunit deux fois par an les chefs d'État ou de gouvernement pour un sommet dans une métropole de l'Union. Mis en place en 1974, il est
l'instance politique suprême de la Communauté. C'est en effet lors de ces Conseils européens qu'ont été prises des décisions capitales telles
le passage à la monnaie unique, la convocation d'une convention chargé d'élaborer une « Constitution » pour l'Europe, etc. En dépit de ce
rôle politique clé, le Conseil européen n'a jamais été intégré formellement aux instances communautaires. C'est pourquoi le traité de
Lisbonne consacre son insertion parmi les institutions de l'Union. Son président est élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen pour
une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Cette nouvelle fonction présidentielle permet d'identifier physiquement l'Union
européenne par une personnalité dont on espère qu'elle sera politiquement visible. Ce qui reste en suspens est la question de son réel
pouvoir institutionnel.
Le traité de Lisbonne prévoit également qu'un Haut représentant de la politique étrangère européenne, nommé par le Conseil européen à la
majorité qualifiée, sera membre du Conseil de l'Union. Il conduit la politique étrangère et de sécurité commune (P.E.S.C.) de l'Union et
préside à ce titre le Conseil des affaires étrangères. Il est en plus l'un des vice-présidents de la Commission, chargé de l'action extérieure. Sur
le plan de la logique institutionnelle, le Haut représentant renforce ainsi la présence des États au sein de l'institution la plus indépendante, la
Commission.
La Commission
La Commission européenne est composée de vingt-sept commissaires. Elle a son siège à Bruxelles. Les membres de la Commission sont
nommés pour exercer un mandat de cinq ans renouvelable. Le traité de Lisbonne prévoit qu'à partir du 1er novembre 2014 la Commission
sera composée d'un nombre de commissaires correspondant aux deux tiers du nombre d'États membres. Ses membres seront choisis selon
un système de rotation égale entre États membres fondé sur le principe de stricte égalité de traitement entre pays pour l'ordre de passage et
le temps de présence.
Très décriée, car indépendante des États et des peuples, la Commission européenne n'en demeure pas moins une institution dont le mode
de désignation n'est pas sans entretenir des liens étroits avec les mécanismes fondamentaux de la démocratie représentative. En effet, c'est
le Conseil européen qui, en accord avec le Parlement européen, désigne le futur président de la commission pressenti. Ce dernier se
présente ensuite avec toute son équipe pour un vote d'investiture par le Parlement européen qui lui accorde ainsi sa confiance. La
composition de la Commission est donc le fruit de l'accord à la fois des plus hauts représentants des États membres et des représentants
des peuples de ces États. En cours de mandat, le Parlement peut voter une motion de censure si l'action politique de la Commission ne
correspond plus à ses engagements initiaux.
La Commission est souvent, et à juste titre, présentée comme la « gardienne du traité ». Cela signifie qu'elle peut, de sa propre initiative ou à
la suite d'une plainte d'un gouvernement ou d'un simple particulier, engager une procédure d'infraction contre un État membre qui ne
respecterait pas le traité de Rome.
La Commission a en charge l'intérêt général communautaire. Cette expression, souvent mal comprise, signifie qu'elle n'a pas pour fonction
de défendre les intérêts étatiques ou ceux des peuples des États. Il lui incombe de déterminer ce qui lui paraît relever, au regard des
objectifs définis dans le traité, de l'intérêt commun(autaire). Juridiquement, cela se traduira par la mise en œuvre de son pouvoir d'initiative.
C'est elle qui déposera ainsi des projets de règlement ou de directive.
La Commission est aussi l'agent d'exécution de la Communauté. Elle a une responsabilité quasi exclusive pour l'adoption des mesures
dérogatoires au traité, notamment pour l'application de clauses de sauvegarde en cas de difficultés graves d'ordre économique ou social et
pour l'adoption de mesures de caractère individuel à l'égard d'un État membre ou d'une entreprise (autorisation d'une aide ou d'une entente,
par exemple). La Commission doit en outre gérer les politiques communes (agricole, régionale, sociale, etc.) et répondre des fonds qui y
sont affectés.
La Cour de justice
La Cour de justice, dont le siège est à Luxembourg, est composée de vingt-sept juges désignés d'un commun accord par les États membres
pour un mandat de six ans renouvelable. Pour lui permettre d'exercer plus efficacement ses missions, un tribunal de première instance lui a
été adjoint en 1989. Les compétences de la Cour sont nombreuses et lui permettent d'assurer le respect du droit dans l'interprétation et
l'application du traité de Rome.
Elle est tout d'abord juge des États membres lorsque ces derniers ne respectent pas le droit communautaire. Elle peut ainsi leur adresser
des arrêts dits de constatation de manquement, leur enjoignant de mettre leur législation en conformité avec le droit communautaire. Elle
est ensuite juge des institutions lorsqu'elle annule les actes illégaux adoptés par ces dernières dans le cadre du recours en annulation. Dans
un autre registre, la Cour peut condamner les institutions pour carence, c'est-à-dire pour inaction au regard d'une obligation de prendre une
décision. La cour est également juge des dommages causés par la C.E. Elle peut en effet condamner celle-ci dans le cadre d'un recours en
responsabilité lorsque ses actions légales ou illégales ont été préjudiciables à des personnes physiques ou morales. Par ailleurs, la Cour de
justice entretient des liens très étroits avec les juridictions nationales qui peuvent l'interroger sur le sens à donner au droit communautaire
(renvoi préjudiciel en interprétation) ou sur la validité de ce droit (renvoi préjudiciel en appréciation de validité). La Cour peut être saisie par
les États, les institutions mais aussi les personnes physiques et morales. Pour ces dernières, les recours en annulation contre les actes de
portée générale (règlements et directives) sont rendus difficiles, pour ne pas dire impossible. Leur action se cantonne, dans le cadre de ce
recours, à l'annulation des actes individuels, c'est-à-dire ceux dont ces personnes sont les destinataires.
Le tribunal de première instance exerce depuis 2003 une véritable fonction de juge de première instance pour tous les recours directs
(annulation, responsabilité et carence). Les États, les institutions et les personnes physiques et morales peuvent le saisir. Un pourvoi peut
être exercé contre ses décisions devant la Cour de justice.
Le pouvoir normatif
Les procédures décisionnelles
Les institutions communautaires collaborent entre elles selon des modalités définies dans le traité. Cette collaboration permet l'adoption
d'actes juridiques unilatéraux contraignants, tels les règlements et les directives, qui s'adressent aux États membres et/ou aux personnes
physiques et morales afin de mettre en œuvre les politiques publiques (compétences) attribuées à la Communauté.
Les procédures décisionnelles impliquent de manière plus ou moins grande les différentes institutions. Le schéma « législatif » de base
repose sur le couple Commission-Conseil : la première « propose » (initiative des actes), le second « dispose » (adoption de l'acte). Des
variations procédurales apparaissent, selon que le Conseil vote à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, et selon que le Parlement européen
intervient. S'agissant de ce dernier, soit il sera consulté, et son avis ne sera pas alors contraignant pour le Conseil qui maîtrise alors le
pouvoir d'adoption finale de l'acte ; soit il « codécidera ». Dans ce cas, le Conseil ne peut pas passer outre les amendements du Parlement,
voire son opposition. La procédure de codécision se généralise depuis son institutionnalisation en 1992 et concerne déjà, dans le cadre du
traité de Nice, plus de trente domaines différents (environnement, transport, interdiction des discriminations...).
À ce schéma ternaire (Commission, Parlement et Conseil), il convient d'ajouter que deux organes complémentaires, aux fonctions
simplement consultatives, sont sollicités obligatoirement ou facultativement en cours de procédure. Il s'agit du Comité des régions et du
Comité économique et social dont les sièges sont à Bruxelles.
La directive est un acte qui fixe des objectifs à atteindre par les États. Ces derniers, dans un délai déterminé, se doivent de transposer ces
directives, c'est-à-dire assurer la réalisation des objectifs communautaires par le truchement de leur propre législation. Le règlement est un
acte de législation direct, alors que la directive est un acte de législation indirecte adapté à l'objectif d'harmonisation des lois nationales. La
législation par directive a fait l'objet de critiques réitérées de la part des milieux souverainistes et eurosceptiques, qui ont dénoncé en elle un
procédé de communautarisation rampante des législations nationales. Mais à vrai dire les directives préparées par la Commission au nom
d'un objectif communautaire sont bien discutées et arrêtées par le Conseil des ministres – représentant des États –, après consultation du
Parlement européen.
La grande singularité de la Communauté est d'avoir adopté depuis sa création près de 10 000 normes de caractère législatif directement
dérivées des traités. La Commission, dont l'une des fonctions est d'assurer l'exécution du droit communautaire, prend les règlements,
directives et autres décisions nécessaires à la bonne mise en œuvre de ces actes législatifs communautaires dont la particularité est de fixer
les principes généraux d'une matière à réglementer.
Le principe de subsidiarité
Ce principe juridique a été défini dans le traité de Rome lors de la révision de 1992. Très discuté et surtout contesté à la fois en raison de sa
prétendue complexité et en ce qu'il emprunterait à une logique institutionnelle et normative de type fédéral, le principe de subsidiarité est
pourtant indispensable au bon fonctionnement de la Communauté. Il permet de définir qui, des États ou de la Communauté, doit
intervenir dans un domaine (une politique) où les compétences sont partagées entre les États et la Communauté, en s'interrogeant sur le
niveau d'action juridique et politique le plus pertinent. Soit ce sont les États individuellement qui estiment être les mieux à même d'assumer
une politique déterminée (l'environnement par exemple), soit c'est la Communauté qui estime que son intervention est à la fois
indispensable et plus efficace.
Présenté autrement, le principe en question permet d'arbitrer entre ce qui relève de l'intérêt communautaire, donc à légiférer par la
Communauté, ou de l'intérêt individuel des États et par conséquent de leur seule souveraineté. Une fois cet intérêt commun défini et
reconnu, ce qui implique une intervention institutionnelle et normative de la Communauté européenne, les États acceptent alors, et
définitivement, que ce soit cette dernière qui devienne compétente dans le domaine en question. C'est la Commission européenne qui doit
justifier dans ses projets de règlement et de directive l'action communautaire au regard du principe de subsidiarité. Le Conseil, donc les
États, en adoptant l'acte, avalise cette intervention communautaire. Ils peuvent évidemment la contester. Le Protocole no 2 attaché au traité
de Lisbonne prévoit de plus que les parlements nationaux, disposant chacun de deux voix consultatives, pourront obtenir, s'ils réunissent
une majorité qualifiée, le réexamen des propositions qui ne respecteraient pas à leurs yeux ledit principe.
Le 1er juillet 1968 également, le tarif extérieur commun de la Communauté a été mis en place. Le commerce extracommunautaire n'a pas été
freiné par la mise en place du Marché commun : il a même plus que doublé de 1958 à 1968.
Mais l'élimination des droits de douane n'est pas suffisante pour assurer la liberté de circulation des marchandises à l'intérieur de la
Communauté. La diversité des réglementations imposées par les États, visant à protéger la santé et la sécurité des consommateurs, les
normes techniques obligatoires, les procédures douanières peuvent contribuer à freiner les échanges. La réalisation d'un marché intérieur
unique suppose une harmonisation complète des réglementations et des normes, ainsi que le rapprochement des fiscalités indirectes. Sur la
base des propositions de la Commission, présidée par Jacques Delors de janvier 1985 à janvier 1995, le Conseil européen s'était fixé pour
objectif de faire disparaître l'ensemble de ces obstacles pour le 1er janvier 1993. Cet objectif fut pleinement atteint. Le maintien de ces
entraves nationales à la libre circulation des personnes et des biens dans la C.E.E., qualifié de « coût de la non-Europe », avait été estimé à
55 milliards d'écus par an dans une résolution parlementaire de 1986. À l'heure actuelle, on considère que les trois quarts du commerce de
chaque État membre s'effectue dans l'Union.
La politique de concurrence
Le traité fait du respect de la concurrence le principe directeur du Marché commun et organise, sous la responsabilité de la Commission, un
régime destiné à garantir que la concurrence ne soit pas faussée.
En ce qui concerne les ententes entre entreprises, la Commission, à la suite de la réglementation arrêtée par le Conseil au début de 1962, a
défini, par des décisions types et des exemptions selon les catégories, celles qu'elle estime répondre aux critères posés par le traité. Elle a
tenu compte de l'évolution du marché et de la nécessité d'assurer à la Communauté une compétitivité mondiale. La Commission a fait
connaître, par exemple, que la coopération entre moyennes et petites entreprises devait être accueillie favorablement, notamment dans les
secteurs de la recherche et de la distribution. Elle a également favorisé la coopération en matière de recherche entre grandes entreprises. Par
contre, les ententes illicites et les abus de position dominante sont contraires aux articles 85 et 86 du traité de Rome.
Les aides régionales et les aides à l'environnement font l'objet d'un encadrement européen qui a pour but de favoriser en priorité les intérêts
des régions les plus défavorisées. La crise industrielle a rendu plus délicat le contrôle des aides sectorielles : un code des aides pour la
sidérurgie a été mis en place de 1981 à 1985. Un important règlement de 2003 a réaménagé le droit de la concurrence intracommunautaire.
Désormais, ce sont les États et leurs propres juridictions qui ont pleine compétence pour contrôler les ententes entre entreprises ou les
abus de position dominante, et non plus la commission en premier ressort.
L'union monétaire
Le plan Barre (12 févr. 1969), présenté par la Commission au Conseil, puis le plan Werner (oct. 1970) proposaient, à la demande des chefs
d'État ou de gouvernement, « un plan par étapes en vue de la réalisation d'une union économique et monétaire ». Le bouleversement du
système monétaire international et le flottement des monnaies à partir de 1973 n'ont pas permis de réaliser l'intégralité des propositions de
la Commission, qui se sont réduites à la mise en place du « serpent monétaire » à la suite de l'accord de Bâle du 10 avril 1972 réduisant à
2,25 p. 100 les marges de fluctuation entre les monnaies communautaires. À partir de mars 1973, les banques européennes cesseront leurs
interventions systématiques pour maintenir la parité de leurs monnaies par rapport au dollar. Le « serpent » sortira du « tunnel » et les six
monnaies européennes se mettent donc à flotter, de façon concertée, vis-à-vis de la monnaie américaine.
Le système monétaire européen, mis en place en mars 1979, reprendra ce flottement concret des monnaies européennes et se développera
autour de l'écu. L'écu se définit comme un « panier de monnaies » dont la valeur est égale à la somme de quantités fixes de chaque monnaie
communautaire calculées en référence à l'importance économique de chaque pays. En 1991, la pondération du mark au sein de l'écu était de
30,3 p. 100, celle du franc français de 19,3 p. 100, celle de la livre sterling de 12,6 p. 100, celle de la lire italienne de 9,8 p. 100, celle du florin
de 9,4 p. 100, celle du franc belge de 7,7 p. 100, celle de la peseta de 5,1 p. 100, etc.
Une clause prévoit que la composition de l'écu sera réexaminée tous les cinq ans, ou sur demande si le poids de l'une des monnaies a varié
de plus de 25 p. 100. L'écu est utilisé en tant que numéraire dans le mécanisme de taux de change, en tant que dénominateur pour les
opérations d'intervention et pour le mécanisme de crédit, et en tant que moyen de règlement entre les autorités monétaires de la C.E.E.
Chaque monnaie a un taux pivot rattaché à l'écu. Les taux pivots sont utilisés pour l'établissement d'une grille de taux de change bilatéraux.
Des marges de fluctuation de 2,25 p. 100 sont fixées de part et d'autre (l'Italie a opté pour une marge de fluctuation de plus ou moins 6
p. 100). Les interventions sont obligatoires dans les huit monnaies qui participent pleinement au S.M.E. lorsque les seuils d'intervention de
deux monnaies ou plus sont atteints. Les banques centrales peuvent choisir la monnaie dans laquelle elles veulent intervenir en vue de
maintenir les fluctuations de leur monnaie à l'intérieur des marges.
Le traité de Maastricht poussait plus loin encore l'union économique et monétaire puisqu'il opère un rapprochement des politiques
économiques qui permet, le 1er janvier 1999, l'adoption de l'euro comme devise officielle de l'Union et l'entrée en fonction de la Banque
centrale européenne et, le 1er janvier 2002, la substitution des devises nationales par l'euro. Le 1er janvier 1999, onze États passèrent à l'Euro
(France, Allemagne, Espagne, Portugal, Irlande, Autriche, Suède, Finlande, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Le 1er janvier 2001, c'est la
Grèce qui rejoint la zone euro, puis la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011, la Lettonie en
2014 et la Lituanie en 2015.
Pierre-Yves MONJAL
Auteur de l'article
Pierre-Yves MONJAL
Professeur de droit public, agrégé des facultés de droit.
Bibliographie
Histoire
B. BRUNETEAU & Y. CASSIS dir., L'Europe communautaire au défi de la hiérarchie, Peter Lang, Bruxelles, 2007
J.-C. DEFRAIGNE, De l'intégration nationale à l'intégration continentale. Analyse de la dynamique d'intégration supranationale européenne des origines à nos
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P. GERBET, La Construction de l'Europe, Imprimerie nationale, Paris, 1983, 4e éd. Armand Colin, coll. U Histoire contemporaine, 2007
C. BLUMANN & L. DUBOUIS, Droit institutionnel de l'Union européenne, Litec, Paris, 2004, 3e éd. 2007 ; Droit matériel de l'Union européenne,
Montchrestien, Paris, 2007
D. GEORGAKAKIS, « La Démission de la Commission européenne : scandale et tournant institutionnel (octobre 1998-mars 1999) », in Cultures
et conflits, no 38-39, 2002
J.-P. JACQUÉ, Droit institutionnel de l'Union européenne, Dalloz, Paris, 2001, 6e éd. 2010
Les Normes de droit communautaire, coll. Que sais-je ?, P.U.F., Paris, 2000
J. RIDEAU, Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, L.G.D.J., Paris, 1994, 6e éd., 2010
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