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Jean-Claude
L’essentiel
Zarka
des
I nstitutions
Union
de l’
Européenne
Cette collection de livres présente de manière synthétique,
rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que l’étudiant
doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
– le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.
Ainsi conçue, cette présentation synthétique et pratique du Droit des institutions de l’Union
européenne s’adresse à un vaste public : étudiants en Licence et Master Droit, étudiants des
Instituts d’études politiques, étudiants des autres filières (Histoire, AES, IUP, IAE, IPAG, École
de commerce...), candidats aux concours de la Fonction publique nationale, territoriale et
communautaire, candidats aux concours d’entrée à l’ENM et au CRFPA, et plus largement
tout citoyen intéressé par la construction européenne et désireux de mieux comprendre les
enjeux relatifs à l’avenir de l’Union européenne.
SOMMAIRE
Présentation 3
Chapitre 1 – Les Traités européens et la construction
européenne 13
1 – L’Acte unique européen 14
2 – Le Traité de Maastricht 16
■ L’élargissement du champ de compétence de l’Europe communautaire 18
■ L’accroissement des compétences du Parlement européen 18
■ La coopération des États membres en matière de justice et d’affaires
intérieures (JAI) 18
■ La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) 19
■ La citoyenneté européenne 20
■ L’Union économique et monétaire (UEM) 21
3 – Le Traité d’Amsterdam 22
4 – Le Traité de Nice 23
■ L’extension limitée des votes à la majorité qualifiée 24
■ La composition de la Commission européenne 24
■ La repondération des voix au Conseil de l’Union européenne 24
■ Les « coopérations renforcées » 25
5 – Le Traité de Lisbonne 26
6 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
1
Les acteurs institutionnels de l’Union
européenne
Chapitre 2 – Le Conseil européen 39
1 – La présidence du Conseil européen 40
2 – La composition du Conseil européen 41
3 – Les réunions du Conseil européen 41
4 – Les modalités de vote au sein du Conseil européen 42
5 – Les compétences du Conseil européen 43
■ Les compétences concernant l’euro 43
■ Les compétences concernant la politique étrangère et de sécurité
commune 43
■ Les compétences en matière de politique générale 43
■ Les compétences en matière institutionnelle 44
Chapitre 3 – Le Conseil 45
1 – La composition du Conseil 45
2 – L’organisation du Conseil 46
■ Le Conseil des affaires étrangères 46
■ Le Conseil des affaires générales 46
3 – Les compétences du Conseil 47
■ Les compétences en matière budgétaire 47
■ Les compétences en matière monétaire et financière 48
SOMMAIRE 7
3 – L’Eurogroupe 115
■ La composition de l’eurogroupe 115
■ Le rôle de l’Eurogroupe 116
■ Les réunions de l’Eurogroupe 117
4 – Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) 117
5 – Vers un gouvernement économique de l’Union européenne 118
2
Les actes juridiques de l’Union européenne
Chapitre 10 – Les différentes sources du droit de l’Union
européenne 133
1 – Les sources non-écrites 133
■ La jurisprudence 133
■ Les principes généraux du droit 134
a) Les principes de droit international 134
b) Les principes généraux du droit déduits de tous les systèmes juridiques
nationaux 135
c) Les principes du droit communautaire 135
d) Les droits fondamentaux 136
SOMMAIRE 11
« Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions (...). Les institutions
peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations succes-
sives » (Jean Monnet, Mémoires, 1976).
L’Union européenne apparaît comme la dernière avancée dans l’effort de construction euro-
péenne engagé en mai 1950 avec la célèbre Déclaration Schuman qui allait conduire à la création
de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. L’Union européenne est entrée en
vigueur le 1er novembre 1993, après la difficile ratification, par les douze États membres, du
Traité sur l’Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992.
C’est effectivement le Traité de Maastricht qui a créé « l’Union européenne ». Il a été précédé de
l’adoption de l’Acte Unique européen, étape fondamentale sur la voie de l’Union européenne.
Jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’Union européenne regroupait notamment
deux Communautés européennes : la Communauté européenne de l’énergie atomique
(EURATOM) instituée par le Traité de Rome du 25 mars 1957 et la Communauté européenne
(CE), nom donné à l’ancienne Communauté économique européenne (CEE) mise en place par le
Traité de Rome.
Avec le Traité de Lisbonne de 2007, la Communauté européenne disparaît et l’Union européenne,
qui s’y substitue intégralement, est dotée de la personnalité juridique. Cela permettra à l’Union
européenne de conclure des traités internationaux en tant que telle et de renforcer son rôle sur
14 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
la scène mondiale. Les précédents traités communautaires avaient toujours refusé d’accorder expli-
citement à l’Union européenne la personnalité juridique. L’Union européenne, qui comptait 15
États membres (Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Danemark,
Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Portugal, Royaume-Uni et Suède) depuis le 1er janvier 1995, a
franchi, le 1er mai 2004, une étape historique en accueillant dix nouveaux membres issus pour la
plupart de l’ex-Europe communiste. Elle est ensuite passée de 25 à 27 États membres, en
janvier 2007, avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Les institutions de l’Union euro-
péenne demeurent un « objet politique non identifié » selon la formule de Jacques Delors. En
effet, l’Union européenne est une organisation politique d’un type totalement inédit. Le système
décisionnel de l’Union européenne se caractérise notamment par l’absence de séparation véritable
des pouvoirs exécutifs et législatifs. L’Union européenne, qui se présente comme une commu-
nauté de droit, est dépourvue de Constitution formelle (le projet de Constitution européenne
ayant été abandonné). Cette Union ne constitue pas un État, même si les ressortissants des États
membres bénéficient d’une citoyenneté européenne. Elle n’est pas non plus un État fédéral ou
une confédération.
Comme nous le verrons par la suite, l’Union européenne a incontestablement un niveau d’intégra-
tion nettement supérieur à celui d’une confédération, mais inférieur toutefois à celui d’un État
fédéral.
Pour la Cour constitutionnelle allemande, l’Union issue du traité de Lisbonne demeure un simple
« regroupement d’États » (arrêt du 30 juin 2009) ou encore une « association d’États souverains ».
L’Acte unique européen, qui a constitué la première modification importante des traités fonda-
teurs de la Communauté européenne, est venu apporter des améliorations institutionnelles non
négligeables. Il a institutionnalisé l’existence du Conseil européen, qui est un vecteur efficace de
la construction européenne. Il a étendu le champ d’application du vote à la majorité qualifiée au
sein du Conseil des ministres. Il a instauré une procédure de « coopération » entre le Parlement
européen et le Conseil, procédure destinée à associer plus étroitement l’Assemblée européenne
au processus normatif. Il a attribué également à l’Assemblée un pouvoir de codécision dans
certaines hypothèses. Il généralise le principe de la délégation des compétences d’exécution par
le Conseil à la Commission européenne. Il prévoit l’instauration d’une juridiction de première
instance adjointe à la Cour de justice.
L’Acte unique européen a cherché à relancer l’activité communautaire en prévoyant notamment la
réalisation effective d’un grand marché intérieur pour le 31 décembre 1992. Ce marché intérieur
est défini comme « un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des
marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du
Traité ». Dans le but de permettre une nouvelle impulsion politique et économique de la construc-
tion de l’Europe, la Commission européenne avait rédigé, en 1985, un Livre Blanc contenant les
279 propositions de directives nécessaires à l’achèvement du marché unique.
L’Acte unique procède aussi à une extension du champ d’action communautaire. Il élargit les
compétences de la Communauté aux domaines de la recherche, de l’environnement, du dévelop-
pement technologique, de la politique régionale et de la politique sociale.
D’autre part, l’Acte unique présente des dispositions nouvelles relatives à la coopération euro-
péenne en matière de politique étrangère.
Enfin, cet « instrument institutionnel » qu’est l’Acte unique européen comporte des dispositions
concernant la capacité monétaire de la Communauté, c’est-à-dire la coopération dans le domaine
de la politique économique et monétaire. À cet égard, il annonce l’Union économique et moné-
taire du Traité de Maastricht, Traité qui institue une politique économique et monétaire commune.
La création d’un espace de libre circulation des personnes a été décidée par un groupe pionnier
d’États de l’Union européenne. L’Accord de Schengen, signé en 1985 par la France, l’Allemagne
et les trois pays du Benelux, puis étendu aux autres États membres, à l’exception de la
Grande-Bretagne et de l’Irlande, est entré progressivement en application depuis 1995.
Il assure le libre franchissement des frontières intérieures. En contrepartie, les États doivent remplir
une série d’obligations portant sur le renforcement des frontières extérieures, l’amélioration de la
coopération judiciaire et policière, ainsi que la création d’une base de données informatique,
appelée Système d’information Schengen (SIS), laquelle recense notamment les personnes
recherchées.
16 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Depuis le 21 décembre 2007, l’Espace Schengen sans contrôles aux frontières s’est élargi à huit
États d’Europe centrale (les États Baltes, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la
Hongrie, la Slovénie) ainsi qu’à Malte. Depuis le 12 décembre 2008, la Suisse, qui n’est pas
membre de l’Union européenne, fait également partie de l’Espace Schengen.
La plupart des « Quinze » ont souhaité limiter l’immigration des ressortissants des nouveaux États
membres. Les pays riches d’Europe occidentale, qui redoutent un afflux d’immigrés, ont imposé
dans les négociations d’adhésion une période transitoire de 7 ans maximum avant la mise en
œuvre de la « libre circulation des personnes » dans l’Union européenne.
Seuls trois des États membres (Royaume-Uni, Irlande, Suède) ont ouvert sans limite leur marché du
travail dès le 1er mai 2004. En mai 2006, trois autres États (Espagne, Portugal, Finlande) ont pris la
décision de les rejoindre. La France, la Belgique, le Luxembourg et le Danemark ont décidé, quant
à eux, d’ouvrir partiellement et progressivement leur marché du travail aux ressortissants de la
Pologne, de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Slovénie, de la Lituanie,
de l’Estonie et de la Lettonie.
En décembre 2010, la France et l’Allemagne ont décidé de bloquer pour des raisons de sécurité
l’entrée à court terme de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen sans frontières,
marquant ainsi une volonté de mieux maîtriser désormais l’élargissement de l’Union européenne.
2 Le Traité de Maastricht
Le Traité de Maastricht sur l’Union européenne, qui est un texte long comportant 17 protocoles et
33 déclarations, est venu modifier et compléter les traités antérieurs, notamment le Traité
de Rome de 1957 et l’Acte unique européen. Le Traité avait lui-même prévu dans son titre VII
(article 48) qu’une conférence intergouvernementale (CIG) devait intervenir afin d’examiner un
certain nombre de questions. Cette CIG qui avait vocation à compléter et à aménager le Traité
de Maastricht en fonction de l’expérience acquise depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier
1993, a abouti à un échec quasi-complet.
La structure du Traité de Maastricht, qui constitue une nouvelle phase dans le processus d’unifica-
tion, est complexe. Elle est révélatrice de l’hostilité de plusieurs États à accepter des abandons de
souveraineté dans les domaines régaliens.
Le Traité de Maastricht, qui marque la fin de la « méthode communautaire » suivie depuis les
années 1950, repose sur trois piliers d’importance inégale :
– la révision des trois traités communautaires : les Traités CEE, CECA et EURATOM (Titres II, III et
IV) ;
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 17
cherche à centraliser toutes les informations relatives au terrorisme afin de permettre l’échange de
données entre pays.
Eurojust est, quant à lui, l’organe européen chargé de renforcer la coopération judiciaire. Basé à
La Haye comme Europol, il regroupe policiers et magistrats nationaux.
général du Conseil des ministres de l’Union européenne le Haut représentant pour la PESC. Ce
« Monsieur PESC », qui était chargé de personnifier la diplomatie européenne, était assisté dans
sa tâche par « une unité de planification de la politique et d’alerte rapide ». Lors du sommet
de Cologne de juin 1999, les chefs d’État et de gouvernement des Quinze ont, pour la première
fois, affirmé clairement leur volonté de bâtir ensemble une défense commune.
La PESC a essuyé un camouflet à l’occasion de la crise irakienne, laquelle a souligné les divisions
de l’Europe en opposant le couple franco-allemand (la « vieille Europe » selon l’expression du
secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld), hostile à la démarche américaine face à
l’Irak, à huit dirigeants de pays de l’Union européenne (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Portugal,
Danemark) et de pays candidats (République Tchèque, Hongrie, Pologne) qui ont rendu public, le
30 janvier 2003, un appel pour réaffirmer l’importance de la relation transatlantique avec les
États-Unis.
La Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie, la Roumanie, qui ont été
invitées à entrer dans l’Union européenne, se sont également rangées derrière Washington dans
la crise irakienne en signant, en février 2003, une lettre en faveur de la campagne des États-Unis
contre Bagdad.
Pour sa première mission militaire, l’Union européenne a pris le relais de l’OTAN, le 31 mars 2003,
en Macédoine avec une force de maintien de la paix de 350 soldats.
En juin 2003, l’opération « Artémis » dans la région de Bunia en République démocratique du
Congo a été la première opération militaire de l’Union européenne menée hors de l’Europe.
Contrairement à la mission européenne de maintien de la paix en Macédoine (opération
Concordia), Artémis n’a pas eu recours au soutien logistique de l’OTAN. En septembre 2003, les
casques bleus de la mission des Nations Unies pour le Congo (MONUC) ont pris la suite des
1 850 militaires d’Artémis.
■ La citoyenneté européenne
Elle comporte le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes pour les
citoyens de l’Union résidant dans un pays membre dont ils ne sont pas les ressortissants. Ces
derniers bénéficient également de la protection diplomatique et consulaire de n’importe lequel
des États de l’Union européenne dans un État tiers où leur propre pays ne serait pas représenté.
Ils ont le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Ils disposent
par ailleurs d’un droit de pétition devant le Parlement européen et de la faculté d’adresser des
plaintes à un médiateur nommé par le Parlement européen. La mise en place d’une citoyenneté
européenne va dans le sens du fédéralisme. Cette citoyenneté de l’Union, qui vient concurrencer
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 21
Le net rejet par la Suède, le 14 septembre 2003, de l’euro a montré que la devise européenne
n’avait pas encore réussi son examen de passage dans tous les États membres de l’Union
européenne.
Les nouveaux pays membres de l’Union européenne n’adopteront l’euro que lorsqu’ils auront fait
la preuve de leur capacité à respecter les « critères de Maastricht ». Avant de rejoindre la zone
euro, ils devront également intégrer le « mécanisme de change européen II (MCE II) » qui
constitue en quelque sorte la salle d’attente de l’adhésion à la monnaie européenne.
En avril 2006, les ministres des finances de la zone euro ont indiqué vouloir appliquer strictement
les critères d’adhésion à l’euro et renoncer à toute interprétation « politique » des conditions
d’adoption de la devise européenne. La Slovénie est entrée dans la zone euro le 1er janvier 2007.
En janvier 2008, Chypre et Malte ont intégré à leur tour la zone euro. En janvier 2009, ils ont été
rejoints par la Slovaquie qui est entrée comme eux dans l’Union européenne en 2004. Enfin,
l’Estonie a adopté l’euro le 1er janvier 2011, l’ancienne république soviétique devenant le
dix-septième État membre de la zone euro.
Le Traité de Maastricht n’a pas envisagé la possibilité pour un pays de sortir de la zone euro et n’a
donc pas organisé de procédure de retrait volontaire de la zone euro. « L’euro est une autoroute
sans voie de sortie » pour reprendre la formule d’Yves Thibault de Silguy, ancien commissaire
européen aux affaires économiques et monétaires.
De nombreux experts mettent en évidence le gigantesque coût que pourrait représenter, pour un
État, la décision de se retirer de la zone euro.
3 Le Traité d’Amsterdam
Adopté en juin 1997 par les chefs d’État et de gouvernement des Quinze puis signé le 2 octobre
1997, le Traité d’Amsterdam est entré en vigueur le 1er mai 1999. Ce Traité, qui est l’aboutisse-
ment de deux années de négociation, représente une nouvelle étape dans la construction euro-
péenne après le Traité de Maastricht. Toutefois, lors du Conseil européen d’Amsterdam, en
juin 1997, les Quinze ne sont pas arrivés à s’entendre sur la réforme des institutions européennes.
Jacques Delors a parlé de « fiasco ». Aucun résultat n’a été obtenu sur la réduction du nombre des
commissaires européens et sur la réforme de la pondération des voix au Conseil des ministres,
deux questions qui dominaient la CIG.
Quelques progrès ont été toutefois enregistrés :
– la communautarisation d’un certain nombre de politiques – qui relevaient jusque-là de la coopé-
ration intergouvernementale – en matière de sécurité intérieure et de justice (politique d’asile,
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 23
visas, immigration...). Notons que le Traité révisé ne communautarise pas la coopération poli-
cière et la coopération judiciaire en matière pénale ;
– les « coopérations renforcées » : le Traité révisé permet aux États membres qui le veulent d’aller
de l’avant sans attendre les retardataires, sous certaines conditions très strictes ;
– la simplification de la procédure de codécision et l’élargissement du domaine de la codécision ;
– le Traité d’Amsterdam, qui modifie le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la
Communauté européenne, prévoit également le renforcement de la politique sociale et la créa-
tion d’une politique de l’emploi. Le Traité d’Amsterdam consacre la promotion d’un niveau
d’emploi élevé comme un des objectifs de l’Union européenne. Il intègre le Protocole social
auquel tous les États membres de l’Union ont désormais souscrit ;
– le Traité d’Amsterdam vient aussi renforcer les droits du citoyen européen. Aux termes du Traité,
« l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont
communs aux États membres ». En cas de violation de ces principes par un État membre, ce
dernier peut faire l’objet de sanctions. L’Union européenne peut prendre les mesures nécessaires
pour combattre « toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la reli-
gion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». Le Traité d’Amsterdam
favorise l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans le
domaine de l’emploi ;
– le Traité d’Amsterdam comporte des dispositions qui ont pour objectif de rendre la PESC plus
efficace (création d’un « Haut représentant pour la PESC », définition de « Stratégies
communes ») ;
– enfin, le Traité d’Amsterdam procède à une renumérotation des articles du Traité sur l’Union
européenne et du Traité instituant la Communauté européenne.
On soulignera que les pays membres de l’Union reconnaissent les faiblesses du Traité d’Ams-
terdam qui compromet les progrès de l’Europe politique. La France, la Belgique et l’Italie ont d’ail-
leurs obtenu l’annexion au Traité d’une « déclaration » dénonçant ses insuffisances. En juin 1998,
au Conseil européen de Cardiff, l’Allemagne s’est ralliée à la position de ces trois États, position
selon laquelle il ne peut pas y avoir d’élargissement de l’Union sans une réforme préalable des
Institutions européennes.
4 Le Traité de Nice
Le 11 décembre 2000, à Nice, les Quinze ont obtenu, à l’arraché, un accord minimal sur la
réforme des institutions européennes.
24 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Cet accord définit le cadre institutionnel nécessaire pour rendre possible l’entrée dans l’Union des
pays candidats à l’adhésion. De l’avis général, cet accord inachevé est insuffisant pour garantir que
l’Union européenne puisse prendre efficacement des décisions à 27 membres. Le Traité de Nice a
été signé par les ministres des Affaires étrangères des quinze États membres de l’Union euro-
péenne le 26 février 2001 et est entré en vigueur le 1er février 2003.
Voix au Députés au
Conseil Parlement
de l’Union européen
Allemagne 29 99
France 29 72
Italie 29 72
Royaume-Uni 29 72
Espagne 27 50
Pologne 27 50
Roumanie 14 33
Pays-Bas 13 25
Belgique 12 22
Grèce 12 22
Hongrie 12 22
Portugal 12 22
République tchèque 12 22
Autriche 10 17
——————————————————————————————
------------------------------------------------------------------------------------------
26 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
——————————————————————————————————————
------------------------------------------------------------------------------------------
Bulgarie 10 17
Suède 10 18
Danemark 7 13
Finlande 7 13
Irlande 7 12
Slovaquie 7 13
Lituanie 7 12
Chypre 4 6
Estonie 4 6
Lettonie 4 8
Luxembourg 4 6
Slovénie 4 7
Malte 3 5
Total 345 736
Majorité qualifiée 255
Minorité de blocage 91
5 Le Traité de Lisbonne
Premier traité à avoir été négocié depuis que l’Europe, élargie en 2004 et 2007 aux pays d’Europe
centrale, aux pays Baltes, à Malte et à Chypre, a atteint sa nouvelle dimension continentale, le
Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009 après avoir été ratifié par tous les
États membres de l’Union.
Moins ambitieux que la Constitution européenne adoptée le 18 juin 2004 par le Conseil européen
de Bruxelles, ce nouveau traité européen maintient néanmoins ses grandes avancées institution-
nelles destinées à faciliter les décisions dans l’Union européenne, comme l’extension du champ
d’application de la majorité qualifiée.
Ce texte signé à Lisbonne, le 13 décembre 2007, comporte en effet la reprise d’une très grande
partie de la substance de la Constitution européenne. Ainsi, l’attribution d’une « personnalité
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 27
La France a également obtenu que le « Traité simplifié » précise que « l’Union contribue à la
protection de ses citoyens », une idée qui n’apparaissait ni dans le Traité de Nice, ni dans la
Constitution européenne.
Autre changement, la Charte des droits fondamentaux adoptée au Conseil européen de Nice
en décembre 2000, qui constituait la seconde partie de la défunte Constitution européenne,
n’est pas reprise in extenso dans le traité. Toutefois, l’article 6 du TUE précise que « l’Union recon-
naît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte (...), laquelle a la même valeur
juridique que les traités ».
Le Royaume-Uni et la Pologne ont cependant obtenu une dispense d’application de la Charte qui
fait l’objet d’un protocole additionnel. Le 29 octobre 2009, la République tchèque a également
obtenu cette même dispense d’application de la Charte qu’elle demandait pour ratifier le Traité
de Lisbonne, levant ainsi un obstacle majeur à son entrée en vigueur.
Le fait que la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas dans tous les États membres est
loin d’être un simple détail car il empêche désormais de parler de valeurs communes au sein de
l’Union européenne. Il s’agit donc là d’un recul manifeste de l’esprit européen que l’on peut
juger regrettable.
Un protocole sur les services d’intérêt économique général, demandé par les Pays-Bas avec le
soutien des Français, souligne « l’importance des services d’intérêt général » et met l’accent sur les
« valeurs communes » de l’Union en ce domaine.
En matière de défense, le Traité de Lisbonne a prévu la création d’une Agence européenne de
défense qui, en réalité, a été mise place de façon anticipée depuis janvier 2005, et introduit le
mécanisme de coopérations structurées, permettant à des États qui le veulent d’aller plus loin
en matière de défense commune.
Par ailleurs, même si les quatre « critères de Copenhague » (identité européenne, statut démo-
cratique, respect de l’acquis communautaire, économie de marché viable et « capacité d’absorp-
tion » de l’Union européenne) adoptés en juin 1993 et imposés aux pays candidats à l’adhésion à
l’Union européenne ne sont pas mentionnés explicitement dans le Traité de Lisbonne, une réfé-
rence aux critères d’entrée dans l’Union a été ajoutée. Le nouveau texte indique que « les critères
d’éligibilité approuvés par le Conseil européen sont pris en compte ».
Le nouveau système de vote à la double majorité (55 % des États membres représentant 65 %
de la population) introduit par la Constitution européenne pour l’adoption des textes au Conseil
de l’Union européenne est maintenu. Il remplacera en 2014 le mécanisme complexe de pondéra-
tion des voix en vigueur depuis le Traité de Nice du 26 février 2001. C’est pour permettre un
accord avec la Pologne que l’entrée en vigueur du vote à la double majorité au sein du Conseil a
été reportée de 2009 au 1er novembre 2014.
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 29
Autre concession faite à Varsovie, il a été décidé que, jusqu’au 31 mars 2017, un État-membre
aura la possibilité d’invoquer le compromis de Ioannina. Ce compromis, qui tire son nom d’une
réunion informelle des ministres des Affaires étrangères à Ioannina, en Grèce, en 1994, permet à
un groupe d’États proches de la minorité de blocage, sans toutefois l’atteindre, de demander le
réexamen d’une décision adoptée à la majorité qualifiée au Conseil.
La présidence du Conseil européen : le Conseil européen doit élire à la majorité qualifiée un
Président pour une durée de deux ans et demie. Ce Président du Conseil européen, dont le
mandat sera renouvelable une seule fois, ne peut pas exercer en même temps un mandat
national. Il est chargé de préparer et d’animer les sommets européens.
L’élargissement du champ d’application de la majorité qualifiée : la majorité qualifiée
devient la règle pour une quarantaine de nouvelles matières, dont la coopération judiciaire et poli-
cière, l’éducation ou la politique économique. L’unanimité reste la règle pour la défense, la poli-
tique sociale, la fiscalité ou la révision des traités.
Le Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité : il doit remplir
les fonctions exercées jusque-là par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité
commune et par le Commissaire européen aux relations extérieures. Cette dénomination de
« Haut représentant » a été préférée à celle, plus ambitieuse, de « ministre des Affaires étran-
gères » qui figurait dans la Constitution européenne.
Mais ce Haut représentant a les mêmes prérogatives que celles prévues dans le Traité constitu-
tionnel européen.
Désigné pour cinq ans, ce responsable chargé d’incarner la politique européenne, qui dispose d’un
service diplomatique propre (« service européen pour l’action extérieure »), a vocation à donner
davantage de visibilité à l’action extérieure des 27.
Il dirige le Conseil des ministres des Affaires étrangères et est également vice-président de la
Commission européenne.
Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et des Parlements nationaux :
comme dans la Constitution européenne, le Parlement de Strasbourg se voit reconnaître un
pouvoir de codécision dans de nombreux domaines comme la justice et les affaires intérieures. Il
devient le véritable co-législateur de l’Union aux côtés du Conseil des ministres. La codécision
devient la « procédure législative ordinaire ».
Par ailleurs, les pouvoirs du Parlement européen sont étendus en matière de révision des traités. Il
obtient le droit d’initier une procédure de révision des traités et son accord est nécessaire pour ne
pas réunir une Convention.
30 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Le contrôle exercé par les Parlements nationaux de l’application du principe de subsidiarité est plus
poussé que dans la Constitution européenne. Les Parlements nationaux bénéficient d’un méca-
nisme d’alerte précoce renforcé pour contester des projets de législation européenne. La période
qui leur est accordée pour examiner un texte passe de six à huit semaines.
Les Parlements nationaux, qui deviennent partie prenante du processus institutionnel européen,
doivent désormais être informés de toute demande d’adhésion à l’Union européenne.
Enfin, le droit matériel de l’Union européenne se trouve enrichi puisque de nouvelles politiques
et actions de l’Union européenne apparaissent : l’aide humanitaire (art. 214 du TFUE), le tourisme
(art. 195 du TFUE), l’énergie (art. 194 du TFUE), la protection civile (art. 196 du TFUE). D’autre part,
certains domaines sont élargis avec par exemple l’espace qui est ajouté à la recherche et au déve-
loppement technologique (art. 179 du TFUE) ou encore la dimension territoriale qui vient
compléter la cohésion économique et sociale (art. 174 du TFUE).
– 17 février 1986 : signature de l’Acte unique européen, entré en vigueur le 1er janvier 1987, qui
élargit les compétences de la CEE en vue de la réalisation d’un marché unique à l’horizon 1993 ;
– 7 février 1992 : signature du Traité de Maastricht sur l’Union européenne qui prévoit le passage
à la monnaie unique au plus tard le 1er janvier 1999 ;
– 1er janvier 1993 : entrée en vigueur du Marché unique ;
– 1er novembre 1993 : entrée en vigueur du Traité de Maastricht. La CEE devient l’Union euro-
péenne (UE) ;
– 1er janvier 1995 : les Douze deviennent Quinze avec l’adhésion de l’Autriche, la Finlande et la
Suède ;
– 26 mars 1995 : entrée en vigueur de la Convention de Schengen, instaurant la levée des
contrôles des personnes aux frontières des États membres de l’Espace Schengen ainsi qu’une
coopération renforcée entre justices et polices ;
– 2 octobre 1997 : signature du Traité d’Amsterdam qui devait renforcer l’intégration
européenne ;
– 1er janvier 1999 : l’euro devient la monnaie officielle des pays participants à l’Union écono-
mique et monétaire (UEM) ;
– 11 décembre 2000 : signature du Traité de Nice ouvrant la voie à l’élargissement ;
– 1er janvier 2002 : mise en circulation des pièces et des billets en euros ;
– 1er mai 2004 : élargissement historique de l’Union européenne, qui passe de 15 à 25 membres
avec l’adhésion de la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, les
trois Républiques baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie), Chypre et Malte ;
– 29 octobre 2004 : signature à Rome du Traité établissant une Constitution pour l’Europe qui
sera ratifié par 18 pays membres de l’Union (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre,
l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxem-
bourg, Malte, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie) ;
– 20 février 2005 : l’Espagne est le premier des « 25 » à ratifier par référendum la Constitution
européenne, qui sera rejetée par la France (le 29 mai 2005) et par les Pays-Bas (le 1er juin 2005) ;
– 3 octobre 2005 : début des négociations d’adhésion de la Turquie, définies comme « un
processus ouvert, dont le résultat ne peut être garanti à l’avance » ;
– 1er janvier 2007 : la Roumanie et la Bulgarie entrent dans l’Union européenne. L’UE compte
désormais 27 États membres et a étendu ses frontières jusqu’à la Mer noire. Avec près de
487 millions d’habitants, l’Union constitue le troisième ensemble de population au monde,
derrière la Chine et l’Inde ;
32 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
– 13 décembre 2007 : signature du Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’Union européenne
et le Traité instituant la Communauté européenne ;
– 14 décembre 2007 : création du « comité des sages ». Ce groupe de réflexion a pour mandat
« d’anticiper et de faire face aux difficultés à long terme de l’Union » à l’horizon 2020-2030 ;
– 21 décembre 2007 : l’Espace Schengen s’élargit à 9 nouveaux États membres (l’Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et
Malte). Cet élargissement à l’Est étend la libre circulation des personnes à un espace de
3,6 millions de km2 en Europe ;
– 1er janvier 2008 : Chypre et Malte deviennent les 14e et 15e membres de la zone euro, laquelle
représente plus de 70 % du PIB de l’Union européenne. Par ailleurs, la Slovénie est le premier
État issu de l’élargissement à l’Est à accéder à la présidence de l’UE et cela pour six mois ;
– 12 juin 2008 : l’Irlande rejette par référendum la ratification du Traité de Lisbonne ;
– 20 juin 2008 : le Conseil européen appelle à la poursuite du processus de ratification du Traité
de Lisbonne ;
– 9 septembre 2008 : l’Union européenne propose à l’Ukraine d’élaborer un accord d’association
à l’horizon 2009 ;
– 12 octobre 2008 : réunion à Paris d’un sommet extraordinaire de l’Eurogroupe, avec la partici-
pation du Premier ministre britannique, pour sauver les banques européennes ;
– 7 mai 2009 : lancement à Prague par l’Union européenne du « partenariat oriental » qui vise à
resserrer ses liens politiques et économiques avec six ex-Républiques soviétiques (Géorgie, Biélo-
russie, Ukraine, Moldavie, Azerbaïdjan et Arménie) ;
– 18-19 juin 2009 : le Conseil européen de Bruxelles décide que les garanties données à l’Irlande
sur le Traité de Lisbonne seront inscrites dans un protocole additionnel au prochain Traité euro-
péen, lequel sera en principe le traité d’adhésion de la Croatie ou de l’Islande. En
décembre 2008, l’Irlande s’était engagée à organiser un nouveau référendum sur le Traité
de Lisbonne et avait en échange obtenu des Vingt-Sept des garanties sur sa souveraineté, en
particulier en matière de fiscalité et de politique étrangère ;
– 2 octobre 2009 : deuxième référendum irlandais, cette fois-ci positif, sur le Traité de Lisbonne ;
– 29 octobre 2009 : le Conseil européen a accepté d’accorder au président tchèque Vaclav Klaus
la dérogation qu’il demandait pour son pays à la Charte européenne des droits fondamentaux.
C’était la condition qu’il avait posée pour signer l’instrument de ratification du Traité
de Lisbonne ;
– 1er décembre 2009 : entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ;
CHAPITRE 1 – Les Traités européens et la construction européenne 33
– 2 mai 2010 : les dirigeants européens ont mis en œuvre un plan d’aide à la Grèce financé par la
zone euro et le FMI ; un mécanisme inédit depuis le lancement de l’euro. Le dispositif a été
alimenté par des prêts de partenaires de la Grèce au sein de la zone euro et du FMI, selon une
proportion de deux tiers, un tiers ;
– 7 juin 2010 : lancement du Fonds européen de stabilisation financière (FESF ou EFSF en anglais)
qui instaure une solidarité financière entre les États membres. Il a été créé pour trois ans et doté
de 450 milliards d’euros ;
– 17 juin 2010 : les dirigeants de l’Union européenne ont accepté de faire examiner au niveau
européen à partir de 2011 leurs projets de budgets nationaux au printemps de chaque année,
avant qu’ils ne soient adoptés par leurs Parlements. Ils ont aussi décidé de rendre public les
résultats des tests de solidité des grandes banques européennes ;
– 28-29 octobre 2010 : les dirigeants de l’Union européenne ont donné leur accord à un change-
ment « limité » du traité de Lisbonne, réclamé par la France et l’Allemagne, visant à créer un
filet de sécurité permanent pour les pays de l’Union monétaire qui seraient en grande difficulté,
comme la Grèce au printemps 2010. « Les chefs d’État et de gouvernement sont d’accord sur la
nécessité d’établir un mécanisme permanent de gestion des crises pour sauvegarder la stabilité
de la zone euro », a déclaré le président du Conseil européen ;
– 17-18 décembre 2010 : les dirigeants de l’Union européenne ont confirmé la création d’un
« mécanisme européen de stabilité » (MES) qui entrera en vigueur en 2013. Ils ont effectivement
approuvé les modalités d’une réforme des traités destinée à pérenniser le Fonds européen de
stabilisation financière (FESF) qui avait été lancé en mai 2010 afin d’éviter une contagion de la
crise grecque à l’ensemble de la zone euro ;
– 1er janvier 2011 : l’Estonie a obtenu, en juin 2010, l’accord des ministres européens des
finances pour adopter la devise européenne à compter du 1er janvier 2011. L’Estonie, qui a
adhéré à l’Union européenne en 2004 après sa séparation de l’URSS en 1991, est devenue le
17e pays à adopter l’euro, et le premier État balte à entrer dans la zone euro.
PARTIE 1
Les acteurs institutionnels
de l’Union européenne
Il convient dans cette première partie de présenter le système institutionnel de l’Union euro-
péenne. Nous étudierons l’ensemble des institutions et des organes de l’Union, laquelle Union
dispose d’un nouveau « cadre institutionnel » avec le Traité de Lisbonne. Ce traité est venu trans-
former le fameux « triangle institutionnel » (Commission, Conseil, Parlement) en « un quadrangle
du fait de l’institutionnalisation du Conseil européen » (Jean-Claude Gautron).
Le Conseil européen est « l’organe d’impulsion politique ».
Le Conseil est l’institution représentant les États membres.
La Commission européenne est l’organe moteur de l’intégration européenne. Elle est l’institution
supranationale.
Le Parlement européen est la voix des peuples des États membres.
La Cour de justice est la gardienne du droit de l’Union européenne. Elle a joué un rôle capital en
matière d’extension des compétences des Communautés.
La Cour des comptes est la gardienne de l’orthodoxie financière.
La Banque centrale européenne est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. Elle constitue
avec les banques centrales nationales des États membres de la zone l’euro « l’Eurosystème ».
Le Comité économique et social est l’Assemblée consultative des partenaires économiques
et sociaux de l’Union.
Le Comité des régions a vocation à garantir la représentation des collectivités infra étatiques au
niveau communautaire et à les faire participer à l’élaboration des politiques communautaires.
La Banque européenne d’investissement a pour rôle de soutenir le développement équilibré de
l’Union européenne.
PARTIE 1 – Les acteurs institutionnels de l’Union européenne 37
Le Conseil européen, qui est une structure intergouvernementale, a été créé lors du sommet
de Paris des 9 et 10 décembre 1974. Depuis cette date, le rôle de cette institution n’a cessé de
croître dans le fonctionnement des Communautés. C’est sur une proposition du président Valéry
Giscard d’Estaing qu’il a été décidé de tenir régulièrement des « sommets » rassemblant les chefs
d’État (France) ou de gouvernement. Les chefs d’État ou de gouvernement de la Communauté
« ont (...) décidé de se réunir, accompagnés des ministres des Affaires étrangères, trois fois par
an et chaque fois que nécessaire, en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération poli-
tique » (point 3 du communiqué final du sommet de Paris de 1974). Cet organe, qui n’était pas
prévu par les textes fondateurs, a vu son existence consacrée par l’Acte unique européen de
1986 (article 2). Ensuite, le Traité sur l’Union européenne a fait du Conseil européen l’organe
central de l’Union, le gouvernement politique de l’Union. Avec le Traité de Lisbonne de 2007, le
Conseil européen est enfin élevé au rang d’institution.
En réalité, cet organe de l’Union européenne est vite devenu une instance investie d’une mission
d’arbitrage indispensable. En effet, on le sait, le Conseil européen a eu à se saisir de très
nombreux dossiers épineux. Ainsi, par exemple, à Fontainebleau, en 1984, le problème de la
fameuse contribution britannique au budget des communautés est venu sur la table du Conseil
européen, qui parvint à trouver une solution. De même, en 1992, à Édimbourg, les douze respon-
sables gouvernementaux de la Communauté ont eu à faire face à la crise consécutive au refus des
Danois de ratifier le Traité de Maastricht. Le Conseil européen a aussi été à l’origine de progrès
décisifs dans la construction de l’Europe comme notamment l’élection au suffrage universel direct
de l’Assemblée parlementaire et l’adoption du système monétaire européen (SME). C’est le
40 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Le président du Conseil européen ne peut pas exercer de mandat national. Par contre, le Traité
de Lisbonne n’a pas prévu d’incompatibilité entre les fonctions de président du Conseil européen
et l’exercice d’une autre fonction européenne. Cette situation pourrait peut-être permettre un jour
la désignation d’un président unique de l’Union européenne, coiffant la présidence du Conseil
européen et la présidence de la Commission de Bruxelles.
En cas d’empêchement ou de faute grave, le Conseil européen peut mettre fin au mandat du
président du Conseil européen. Cette décision est prise par le Conseil européen à la majorité
qualifiée (art. 15 du TUE).
Le Premier ministre belge Herman Van Rompuy a été choisi, le 19 novembre 2009, par les
« Vingt-sept », pour devenir le premier président fixe du Conseil européen. Il a un rôle de « prési-
dent chairman » comme disent les Anglo-Saxons. Le sommet de Bruxelles consacré à la crise
grecque du 11 février 2010 a été le premier Conseil européen convoqué par Herman Van
Rompuy.
réunions du Conseil européen se tiennent en principe à Bruxelles. Depuis juin 2002, les conclu-
sions du Conseil européen sont préparées par le Comité des représentants permanents des États
membres (COREPER), sous la supervision du Conseil des Affaires générales.
En France, les réunions du Conseil européen sont notamment préparées par le Secrétariat général
des affaires européennes (SGAE), qui est un service du Premier ministre, et le ministre des Rela-
tions extérieures, avec l’assistance de la représentation permanente de la France à Bruxelles.
Les chefs d’État de pays n’appartenant pas à l’Union européenne sont souvent invités à rencontrer
le Conseil européen en marge de ses travaux. Cela a été le cas, par exemple, du président améri-
cain Georges W. Bush qui a eu une première prise de contact avec l’ensemble des dirigeants euro-
péens lors du Conseil européen de Göteberg, en juin 2001. Par ailleurs, le secrétaire général de
l’ONU a été invité au sommet de Bruxelles du 17 février 2003 par la présidence grecque.
des États membres et de l’Union. C’est précisément sur la base de cette conclusion que le Conseil
va ensuite adopter une recommandation déterminant les grandes orientations en la matière.
Le Conseil est l’institution qui représente les États membres. Il exerce conjointe-
3
ment avec le Parlement européen les fonctions législative et budgétaire. Il est
constitué par les ministres des États membres. Il tient une centaine de sessions
par an.
Le Conseil de l’Union européenne assure la représentation et la défense des intérêts des pays
membres. Par une décision du 8 novembre 1993, le Conseil a décidé de porter le nom de
« Conseil de l’Union européenne ».
Le Conseil de l’Union européenne connu aussi sous le nom de Conseil des ministres est un organe
collégial qui dispose d’un pouvoir normatif. Il occupe une place privilégiée dans le processus déci-
sionnel de l’Union européenne. Lors de l’adoption de son nouveau règlement intérieur, le
6 décembre 1993, il s’est lui-même proclamé « législateur communautaire ». Le Conseil des minis-
tres, qui définit les politiques communes, se réunit périodiquement à Bruxelles ou à Luxembourg. Il
s’agit aussi d’une instance intergouvernementale qui présente une nature hybride ; il est à la fois
exécutif et législatif.
Après avoir examiné la composition « à géométrie variable » du Conseil, on étudiera l’organisa-
tion, les compétences et les modalités de vote au sein du Conseil.
1 La composition du Conseil
Le Conseil des ministres est formé par les représentants des États membres. Ces derniers doivent
être de niveau ministériel et habilités à engager les gouvernements des États membres. Les
membres du Conseil de l’Union n’ont pas la faculté de se faire représenter par un haut
fonctionnaire.
46 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Des États fédéraux comme l’Allemagne ont la possibilité de se faire représenter au Conseil de
l’Union européenne par un ministre appartenant à un gouvernement régional.
2 L’organisation du Conseil
La qualité des ministres varie selon les questions traitées par le Conseil. Initialement, le Conseil
était uniquement composé des ministres des relations extérieures. Mais aujourd’hui, il existe 9
formations différentes du Conseil de l’Union européenne.
Le nombre des formations du Conseil a varié suivant les époques. De 22 dans les années 1990, il
a été réduit à 9 en juin 2002 (Affaires générales et Relations extérieures ; Affaires économiques et
financières ; Justice et Affaires intérieures ; Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs ;
Compétitivité ; Transports, télécommunication et énergie ; Agriculture et pêche ; Éducation,
jeunesse et culture).
Parfois, deux formations du Conseil peuvent s’associer. Il est arrivé que les ministres des Affaires
étrangères et de l’Agriculture soient convoqués ensemble pour traiter des questions agricoles
dans les relations commerciales internationales, en particulier dans le cadre de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC).
Le Traité de Lisbonne de 2007 mentionne deux formations du Conseil.
La préparation des travaux du Conseil continue d’être assurée par le Comité des représentants
permanents des gouvernements des États membres (COREPER) ; une enceinte stratégique où
siègent les ambassadeurs des États membres auprès de l’Union européenne.
Selon la déclaration nº 9 du Traité de Lisbonne, la présidence des formations du Conseil, à l’excep-
tion de celle des affaires étrangères, est assurée par des groupes prédéterminés de trois États
membres pour une période de 18 mois. Les groupes sont composés par rotation égale des États,
en tenant compte de leur diversité et des équilibres géographiques au sein de l’Union
européenne.
Chaque membre du groupe assure à tour de rôle, pour une période de six mois, la présidence de
toutes les formations du Conseil, avec l’assistance des autres membres du groupe, sur la base d’un
programme commun. Par conséquent, la présidence semestrielle qui disparaît au niveau du
Conseil européen n’est pas supprimée au niveau du Conseil des ministres (à l’exception, on l’a
vu, du Conseil des affaires étrangères).
Cependant, la déclaration nº 9 du Traité de Lisbonne a prévu que « les membres du groupe
peuvent convenir entre eux d’autres arrangements ».
Enfin, le Traité de Lisbonne a prévu l’obligation pour le Conseil de siéger en public lorsqu’il déli-
bère et vote ; une innovation qui va dans le sens de la démocratisation de l’Union européenne.
À cet effet, chaque session du Conseil est divisée en deux parties, consacrées respectivement aux
délibérations sur les actes législatifs de l’Union et aux activités non législatives (art. 16, TUE).
intergouvernemental mis en place en mai 2010, avec la garantie des États de la zone euro. L’Alle-
magne a fait valoir que le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe n’avait accepté ce Fonds euro-
péen de stabilisation financière (FESF) qu’à la condition qu’il soit temporaire et seulement
parce que la stabilité de l’ensemble de la zone euro était menacée. Selon Berlin, seule une modifi-
cation du traité de Lisbonne, qui interdit actuellement le sauvetage d’un pays membre en difficulté
financière, est de nature à rendre acceptable l’institutionnalisation du FESF aux yeux des juges
allemands.
travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de
fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission
ainsi que du personnel détaché des services diplomatiques nationaux.
La Britannique Catherine Ashton, commissaire au commerce international dans la première
Commission Barroso, a été désignée à ce poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, le 19 novembre 2009, par les « Vingt-sept ». Elle a en
quelque sorte succédé à l’Espagnol Javier Solana qui avait été choisi, en juin 1999, pour être le
premier « Monsieur PESC » de l’Union européenne et qui occupa cette fonction pendant dix ans.
Son action s’est surtout concentrée sur les opérations de gestion de crise : « nous avons lancé
vingt-trois missions sur tous les continents, avec plus de 70 000 personnes déployées, des mili-
taires, des civils, des policiers, des juristes et des coopérants » (entretien de Javier Solana au
journal Le Monde du 3 décembre 2009).
■ Le vote à l’unanimité
Les délibérations du Conseil sont adoptées en l’absence de vote négatif. Ce mode de votation
reste réservé à des sujets sensibles comme la fiscalité, la protection sociale, ou l’adhésion de
nouveaux États.
Le Traité de Lisbonne de 2007 introduit une « clause passerelle » permettant au Conseil européen
d’adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans un domaine ou
dans un cas où l’unanimité était initialement requise. C’est ce que prévoit l’article 48 § 7 premier
alinéa du TUE qui ne s’applique pas toutefois aux décisions ayant des implications militaires ou
dans le domaine de la défense.
informations et procéder à des vérifications. C’est aussi à la majorité simple que le Conseil va
apporter des modifications à son règlement intérieur.
Ce mécanisme de « Ioannina », qui fut en vigueur de 1995 à 2004, donne la possibilité à une
minorité d’États de geler temporairement une décision européenne, et donc de ralentir le
processus décisionnel.
■ Le compromis de Luxembourg
Les États membres conservent en fait un « droit de veto » s’ils jugent que leurs intérêts vitaux sont
en jeu. C’est du reste le principe de ce qu’il est convenu d’appeler le « compromis de Luxem-
bourg » (du 30 janvier 1966) qui est en réalité une conséquence de la souveraineté de chacun
des États membres :
« 1. Lorsque, dans le cas de décision susceptible d’être prise à la majorité sur proposition de la
Commission, des intérêts très importants d’un ou plusieurs partenaires sont en jeu, les membres
du Conseil s’efforceront, dans un délai raisonnable, d’arriver à des solutions qui pourront être
adoptées par tous les membres du Conseil dans le respect de leurs intérêts et de ceux de la
Communauté, conformément à l’article 2 du Traité.
2. En ce qui concerne le paragraphe précédent, la délégation française estime que, lorsqu’il s’agit
d’intérêts très importants, la discussion devra se poursuivre jusqu’à ce que l’on soit parvenu à un
accord unanime.
3. Les six délégations constatent qu’une divergence subsiste sur ce qui devrait être fait au cas où
la conciliation n’aboutirait pas complètement.
4. Les six délégations estiment néanmoins que cette divergence n’empêche pas la reprise normale
des travaux de la Communauté ».
Ce fameux compromis de Luxembourg imposé par le président de Gaulle en 1966 et accepté par
les partenaires de la France a profondément affecté le fonctionnement de la Communauté durant
les vingt années suivantes. De nombreux blocages dans la définition de la politique européenne
sont imputables à ce système, lequel n’a jamais été formellement remis en cause.
Un État peut dans certains cas être tenté d’invoquer ce compromis de Luxembourg qui n’est pas
mentionné dans les traités. Rappelons que la France menaça de se prévaloir du compromis
de Luxembourg, en 1993, à la fin de la négociation du cycle de l’Uruguay.
La Commission CHAPITRE
européenne
La Commission de Bruxelles est l’organe exécutif de l’Union européenne. Elle joue
4
un rôle essentiel dans la préparation et l’exécution de la politique européenne.
Elle est la gardienne de la légalité européenne.
La Commission européenne est issue de la fusion des exécutifs des trois Communautés réalisée en
1965. Elle est l’organe essentiel de l’Union, le véritable moteur de l’Union européenne. Cette insti-
tution originale a vocation à accomplir « une mission générale d’initiative » selon l’expression de la
Cour de justice. Elle mobilise les États membres et l’opinion publique européenne sur les objectifs
de l’Union européenne.
La Commission se trouve « au cœur du système institutionnel de l’Union européenne ». Elle est à
la fois l’instance chargée de l’exécution des décisions européennes et l’instance qui veille à la
bonne application du droit de l’Union européenne. Elle dispose du droit d’initiative en matière
législative. C’est à la Commission qu’il appartient de présenter au Conseil de l’Union européenne
des propositions de réglementation.
Elle adopte de très nombreuses décisions qui s’imposent aux pays membres. On a d’ailleurs l’habi-
tude de stigmatiser la « technocratie de Bruxelles », les dérives bureaucratiques de la Commission
qualifiée d’« aréopage technocratique » par le général de Gaulle. On critique également son
« irresponsabilité » politique.
La Commission européenne est un organe supranational qui a vocation à incarner « l’intérêt
général de la Communauté » pour reprendre la formule utilisée par le Traité de Maastricht. Cet
organe permanent est « le conservatoire de l’esprit européen ». La Commission a élaboré en
1985 le célèbre « Livre blanc » qui énonce les mesures à appliquer pour l’achèvement du marché
unique.
54 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Le leadership de la Commission a été toutefois remis en cause par le Traité de Maastricht sur
l’Union européenne qui ne lui a octroyé qu’un rôle secondaire dans les domaines de la PESC et
de l’UEM.
Avec le Traité d’Amsterdam de 1997, la Commission de Bruxelles a obtenu de facto une capacité
d’initiative accrue. En effet, la création de nouvelles politiques, telles que l’emploi et la santé, ainsi
que l’intégration dans le Traité des accords de Schengen élargissent ses domaines d’intervention.
Enfin, le Traité de Lisbonne a conforté la place de la Commission dont le monopole d’initiative est
confirmé. Ses pouvoirs sont renforcés dans le domaine de la gouvernance économique.
Ce chapitre a pour objet de décrire la composition de la Commission, la désignation des membres
de la Commission, le statut des membres de la Commission, l’organisation et le fonctionnement
de la Commission, et les compétences de la Commission.
commissaire de sa nationalité au sein du Collège. Cette décision a été réaffirmée par le Conseil
européen de Bruxelles de juin 2009. C’était notamment le prix à payer pour obtenir que Dublin
accepte d’organiser un deuxième référendum sur le Traité de Lisbonne.
nomination. Pour la première fois également, des critères sont introduits pour le choix des
commissaires qui doivent être choisis « en raison de leurs compétences générales et de leurs enga-
gements européens et parmi les personnalités offrant toutes garanties d’indépendance ».
– si les commissaires ont la possibilité d’accepter des fonctions honorifiques (dans des fondations,
les domaines artistique, caritatif ou l’enseignement), ils sont tenus de veiller à ce que celles-ci ne
puissent « en aucun cas entraîner le moindre risque de conflit d’intérêt » ;
– les commissaires doivent également établir une déclaration d’intérêts financiers qui « s’étend aux
participations détenues par le conjoint du commissaire ». Ils sont aussi tenus de « déclarer les
activités professionnelles de leur conjoint » ;
– d’autre part, les commissaires ne peuvent accepter de cadeau d’une valeur supérieure à
150 euros.
Dès sa première réunion, les 16 et 17 juillet 1999 à Aartselaar, dans la banlieue d’Anvers, la
Commission Prodi a d’emblée insisté sur le « code de conduite ». Afin de rompre avec les prati-
ques qui ont entraîné la chute de la Commission Santer, le code de conduite, que l’équipe
de Jacques Santer avait adopté sous la pression, a été durci. Désormais, les commissaires euro-
péens devront, dans l’année suivant la cessation de leur fonction, demander à un comité
d’éthique l’autorisation d’accepter un emploi rémunéré. Les commissaires européens devront
également assister à toutes les réunions de la Commission de Bruxelles et les possibilités de
combiner une mission avec un congé seront strictement contrôlées. Le 29 septembre 1999, le
vice-président de la Commission européenne chargé de la réforme administrative, Neil Kinnock, a
annoncé la fin des « privilèges surannés » comme l’exemption de TVA et d’accises dont bénéfi-
ciaient les commissaires européens. Ces exonérations concernaient les vins, cigarettes et carbu-
rants mais également certains autres biens. Les membres de l’exécutif bruxellois pourront bénéfi-
cier de certaines exemptions mais « dans le strict cadre de leurs fonctions officielles » a expliqué
Neil Kinnock. S’agissant des immunités diplomatiques des fonctionnaires de la Commission, elles
seront limitées aux actes accomplis dans le cadre de leurs fonctions officielles.
La première Commission Barroso a souhaité fonder elle aussi son action sur de « solides bases
éthiques ». Comme l’avait fait en 1999 la Commission Prodi, la Commission présidée par José
Manuel Barroso a adopté, lors de sa première réunion à Bruxelles, le 20 août 2004, un code de
conduite qui détermine les règles éthiques auxquelles seront soumis les commissaires européens,
en application des traités. Dans la lettre adressée à chaque commissaire au moment de la distribu-
tion des portefeuilles, le 12 août 2004, José Manuel Durao Barroso a insisté sur le respect du code
de conduite mis en œuvre par son prédécesseur, un code qui rappelle aux membres du collège
que l’intérêt de l’Union doit l’emporter sur toute autre considération nationale ou personnelle. Il
s’agit en particulier d’éviter des éventuels conflits d’intérêt, comme le cas de la commissaire à
l’agriculture, la Danoise Mariann Fischer Boel, propriétaire d’une exploitation agricole dans son
pays. En l’espèce, le service juridique de la Commission a jugé qu’il n’y avait pas de conflit
d’intérêt. En revanche, parce qu’elle a siégé au conseil de surveillance d’une dizaine de grandes
58 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
■ La Commission Barroso II
Le nouvel exécutif européen est entré en fonction le 10 février 2010, avec plusieurs mois de retard
sur le calendrier, le mandat de la première commission Barroso s’étant achevé le 1er novembre
2009. Les commissaires ont dû au préalable se soumettre à des auditions au Parlement européen,
en janvier et février 2010. Ces auditions, instaurées en 1999 par le Traité d’Amsterdam, sont
toujours l’occasion pour les députés européens d’afficher leur autorité face aux 27 capitales, qui
ont choisi les commissaires européens, et face au président de la Commission, qui a réparti les
portefeuilles. Le nouveau collège a ensuite obtenu l’investiture du Parlement européen, le
9 février 2010, à une très large majorité (488 votes pour, 137 votes contre et 72 abstentions).
La Bulgare Roumiana Jeleva, laquelle avait été pressentie pour gérer le portefeuille de l’Aide
humanitaire, a été soupçonnée d’irrégularités financières. Malmenée lors de son audition devant
le Parlement européen, Roumiana Jeleva a finalement renoncé, le 19 janvier 2010, au poste qui
lui était proposé, jetant ainsi une ombre sur les débuts de la nouvelle équipe de José Manuel
Barroso. La Bulgarie a alors proposé en remplacement la candidature de Kristalina Georgieva
pour siéger à la Commission. Cette ancienne vice-présidente du Groupe de la Banque mondiale a
su montrer devant les eurodéputés sa parfaite maîtrise des dossiers au point de s’imposer, selon
certains observateurs, comme l’une des futures têtes de proue de la Commission Barroso II. Cela
n’a pas été le cas par contre de la vice-présidente de la Commission qui occupe le nouveau poste
de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine
Asthon, dont l’audition n’a pas convaincu les parlementaires européens.
Cette Commission Barroso II, qui marque un net rééquilibrage des portefeuilles au profit des pays
d’Europe de l’Est, est nettement dominée par la droite, reflétant ainsi les rapports de force politi-
ques actuels sur l’échiquier européen. Elle compte treize conservateurs, neuf libéraux, cinq socia-
listes et deux non-inscrits. Treize commissaires sur vingt-sept ne siégeaient pas dans la commission
sortante (Michel Barnier, Günther Oettinger, Laszlo Andor, Connie Hedegaard, Dacian Ciolos,
John Dalli, Maria Damanaki, Stefan Füle, Kristalina Georgieva, Johannes Hahn, Maire
Geoghegan-Quinn, Janusz Lewandowski, Cecilia Malmström). Les commissaires reconduits chan-
gent de responsabilités. Il y a neuf femmes contre huit précédemment. M. Barroso a aussi
nommé sept vice-présidents (contre cinq dans la précédente Commission) : Catherine Asthon,
Viviane Reding, Joaquin Almunia, Siim Kallas, Neelie Kroes, Antonio Tajani et Maros Sefcovic.
CHAPITRE 4 – La Commission européenne 59
Faire sortir l’Europe de la crise économique est la principale tâche assignée par José Manuel
Barroso à sa nouvelle équipe de commissaires. M. Barroso a effectivement mis l’accent sur l’éco-
nomie tout en dosant assez subtilement la répartition des postes entre régulateurs et libéraux.
L’ancien ministre français de l’agriculture, Michel Barnier, favorable à la régulation, a obtenu le
portefeuille stratégique du marché intérieur, y compris les marchés financiers. Il a donc la haute
main sur les services financiers, qui en Europe sont concentrés dans la City de Londres. Il s’agit là
d’un succès pour la France qui n’a jamais occupé cette fonction dont l’importance a crû avec la
crise et la faillite de l’autorégulation financière. À noter toutefois que pour rassurer Londres, qui
perçoit la France comme étatiste et interventionniste, M. Barroso a décidé de nommer un Britan-
nique (Jonathan Faull) à la tête de la Direction générale du marché intérieur.
Le commissaire au marché intérieur pilote les politiques touchant à la libre circulation des biens,
des services et des capitaux en Europe. Il a vocation à jouer un rôle essentiel dans la réforme de
la régulation et de la supervision financière qui a déjà conduit à la mise en place, depuis le
1er janvier 2011, de trois nouvelles autorités européennes de supervision financière : l’Autorité
bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, et
l’Autorité européenne des marchés et valeurs mobilières. Ces nouvelles instances font désormais
partie avec le Comité européen du risque systémique, qui a été institué en décembre 2010, du
nouveau système européen de surveillance financière.
Michel Barnier doit composer avec le libéral belge Karel de Gucht, au commerce, ainsi qu’avec le
Finlandais Olli Rehn, un autre libéral, qui a hérité de l’important portefeuille des Affaires économi-
ques et monétaires. Ce fidèle du président de la commission, qui était chargé de l’élargissement
dans la première commission Barroso, doit veiller à la réduction des déficits budgétaires des États
membres de l’Union, lesquels ont explosé avec la crise financière. Lors de son audition devant les
députés européens, Olli Rehn a annoncé son intention de renforcer la coordination économique
dans l’Union européenne.
Autre fidèle de M. Barroso, le socialiste espagnol Joaquin Almunia, qui s’est imposé à Bruxelles
comme un défenseur exigeant du Pacte de stabilité et de croissance, abandonne les affaires
économiques et financières pour piloter la concurrence ; un poste très redouté par les entreprises
européennes comme par les gouvernements de l’Union. Comme on le sait, les portefeuilles écono-
miques sont toujours les plus convoités car c’est dans ce domaine que les États européens ont
délégué le plus de prérogatives à la Commission de Bruxelles.
Les autres socialistes obtiennent les postes suivants : affaires extérieures (pour la Britannique
Catherine Ashton), emploi et affaires sociales (pour le Hongrois Laszlo Andor), pêche (pour la
Grecque Maria Damanaki) et administration (pour le Slovaque Maros Sefcovic).
60 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
La Commission Barroso II confie par ailleurs à des femmes deux innovations importantes. La
ministre de l’Environnement danoise, Connie Hedegaard, qui a été largement impliquée dans la
préparation de la conférence de Copenhague sur le climat de décembre 2009, occupe le poste
inédit de commissaire européen chargé du climat. Pour son second mandat, la Néerlandaise
Neelie Kroes abandonne, quant à elle, la concurrence pour la société de l’information (économie
numérique).
Enfin, comme José Manuel Barroso l’avait promis, le portefeuille de la « justice et des affaires inté-
rieures » a été scindé en deux : la libérale suédoise Cecilia Malmström prend la direction du
« ministère de l’Intérieur européen » tandis que la Luxembourgeoise Viviane Reding est chargée
de la justice et des droits fondamentaux. Le 15 octobre 2010, la Commission a renoncé à lancer
une procédure d’infraction contre la France pour discrimination, et cela contre l’avis initial
de Viviane Reding qui avait brandi la menace de telles poursuites contre Paris en raison de sa poli-
tique à l’égard des Roms.
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- Dacian Ciolos (Roumanie, conservateur) : agriculture et développement rural.
- John Dalli (Malte, conservateur) : santé et politique des consommateurs.
- Maria Damanaki (Grèce, socialiste) : affaires maritimes et pêches.
- Stefan Füle (République tchèque, socialiste) : élargissement et politique européenne de
voisinage.
- Kristalina Georgieva (Bulgarie, conservatrice) : coopération internationale, aide humanitaire et
réaction aux crises.
- Johannes Hahn (Autriche, conservateur) : politique régionale.
- Maire Geoghegan-Quinn (Irlande, libérale) : recherche et innovation.
- Janusz Lewandowsk (Pologne, conservateur) : programmation financière et budget.
- Cecilia Malmström (Suède, libérale) : affaires intérieures.
- Andris Piebalgs (Lettonie, conservateur) : développement.
- Janez Potocnik (Slovénie, libéral) : environnement.
- Algirdas Semeta (Lituanie, conservateur) : fiscalité et union douanière, audit et lutte
antifraude.
- Androulla Vassiliou (Chypre, libérale) : éducation, culture, multilinguisme et jeunesse.
Cela étant admis, malgré cette présidentialisation manifeste de la Commission, le rôle de son
président ne saurait être assimilé à celui d’un chef de gouvernement dans un régime de type
parlementaire.
À côté de leurs fonctions administratives, certains présidents de la Commission comme Walter
Hallstein ou Jacques Delors ont joué un rôle politique essentiel.
Son successeur, José Manuel Barroso, a considéré de son côté qu’il n’y a pas de contradiction
entre intégration européenne et atlantisme : « L’idée selon laquelle on est moins pro-européen si
on est pro-américain manque de fondement ».
Face au message de défiance des citoyens européens, qui considèrent Bruxelles comme une
machine bureaucratique qui légifère de façon excessive, il a préconisé « l’autorégulation » et a
annoncé le retrait de 68 projets législatifs européens, jugés « contraires à la stratégie
de Lisbonne » ; des projets de directive qui étaient, depuis des années, sur la table du Parlement
ou du Conseil des ministres. Il a également pris l’initiative de la création d’un Fonds européen
d’ajustement à la mondialisation (FEM), susceptible d’aider les salariés touchés par les restructura-
tions et a lancé un vaste train de mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique.
José Manuel Barroso, qui a eu à affronter trois référendums négatifs pendant son mandat (le
double non franco-néerlandais de 2005 à la Constitution européenne et le non irlandais de 2008
au Traité de Lisbonne), a cependant été critiqué pour son libéralisme, sa pratique institutionnelle
effacée et pour le manque de réactivité de la Commission dans la gestion de la crise financière
de l’automne 2008. À en croire certains observateurs, il a fait de la Commission un simple secré-
tariat du Conseil des ministres et du Conseil européen.
Réunis en sommet à Bruxelles, le 18 juin 2009, les Vingt-sept ont néanmoins apporté leur soutien
à une reconduction à la tête de la Commission européenne de José Manuel Barroso, lequel a
présenté au Conseil européen son « programme » pour les cinq ans à venir. Mais M. Barroso n’a
pas été juridiquement désigné : le Conseil européen ayant décidé de laisser le Parlement européen
nouvellement élu maître du calendrier. Finalement, le 16 septembre 2009, José Manuel Barroso,
qui était le seul candidat à se présenter devant les eurodéputés, a obtenu un large soutien du
Parlement européen pour un second mandat de cinq ans (382 votes pour, 219 contre et 117
abstentions). Il convient de remarquer que ce score dépasse la majorité absolue (369) des
eurodéputés.
Dans une déclaration lue à l’occasion de la présentation de sa nouvelle Commission, le
27 novembre 2009, José Manuel Barroso a souligné qu’il avait pris soin de composer le collège
pour qu’il soit en mesure de mener l’Union européenne « vers une reprise durable et vers une
économie de marché plus verte et plus efficace ». « Dans cinq ans, je veux que cette Commission
ait joué un rôle clé pour faire passer l’Europe de la crise économique à une économie compétitive
qui fournisse croissance durable et prospérité à tous nos citoyens pour les nombreuses années à
venir. C’est notre tâche numéro un », a-t-il déclaré.
64 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Après avoir rejeté, dans un premier temps, le plan de sauvetage conçu en août 2003 par l’État
français, les actionnaires et les Banques, la Commission a finalement entériné le second plan de
sauvetage d’Alstom après une négociation serrée avec le gouvernement français.
La Commission européenne est compétente pour déclarer nulles certaines conventions conclues
entre deux ou plusieurs entreprises lorsque ces conventions ne respectent pas le droit de la
concurrence. Elle va agir soit de sa propre initiative, soit à la suite de plaintes. Elle a le pouvoir de
faire constater les manquements commis par les États membres.
Elle peut être amenée à saisir la Cour de justice pour faire condamner les violations par un État
membre de ses obligations conformément à la procédure du recours en manquement instituée
par l’article 258 du TFUE (ex-art. 226 du Traité CE). Cette procédure comporte deux phases : une
phase administrative et une phase contentieuse. C’est la Commission qui va ouvrir la procédure en
demandant à l’État incriminé d’apporter des précisions sur le manquement constaté. Si la Commis-
sion juge celles-ci insuffisantes, elle devra rendre un avis motivé ; avis qui déterminera le délai dans
lequel l’État en cause doit prendre les mesures nécessaires pour pallier son manquement. Lorsque
son avis motivé n’est pas suivi d’effet, la Commission européenne a le pouvoir de saisir la Cour de
justice de l’Union européenne. On notera que la Cour de justice a estimé que l’ouverture de la
procédure d’infraction relevait de l’appréciation souveraine de la Commission (Aff. 247/87, Star
Fruit Company SA c/Commission).
Cette délégation peut être retirée par le Parlement européen ou par le Conseil. D’autre part, l’acte
délégué ne pourra entrer en vigueur que si, dans le délai fixé par l’acte législatif, le Parlement
européen ou le Conseil ne formule pas d’objections.
Ce mécanisme prévu à l’article 290 du TFUE permet d’éviter au législateur de l’Union d’entrer
dans le détail de la législation pour se concentrer sur les grandes orientations.
La Commission, qui détermine les conditions et les règles applicables au financement des
dépenses relevant de la politique agricole commune (PAC), gère également le Fonds européen
agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA).
Le FEADER finance les programmes de développement rural des États membres. Le FEAGA
(ex-FEOGA section garantie) finance, quant à lui, les paiements directs aux agriculteurs et les
mesures destinées à réguler les marchés agricoles.
C’est aussi à la Commission qu’incombe la gestion du Fonds européen de développement (FED)
qui est le principal instrument financier pour la mise en œuvre de la coopération entre l’Union
européenne et les pays ACP (Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique). Le FED ne fait pas
partie du budget européen.
Par ailleurs, la Commission européenne est chargée de gérer le Fonds européen d’ajustement à la
mondialisation (FEM) ; un fonds de solidarité créé par le règlement nº 1927/2006 du Parlement
européen et du Conseil du 20 décembre 2006, lequel règlement a été modifié par le règlement
nº 546/2009 du 18 juin 2009. Le FEM apporte une aide individuelle aux salariés qui subissent les
conséquences négatives de la mondialisation par la perte de leurs emplois.
Enfin, la Commission assure directement la gestion de certains programmes de l’Union euro-
péenne comme le célèbre programme d’échanges universitaires ERASMUS qui a été lancé en
1987 ou encore le programme Leonardo Da Vinci pour l’enseignement et la formation
professionnels.
L’Europarlement, qui est élu au suffrage universel direct, est doté de pouvoirs
5
législatifs et d’un pouvoir de contrôle politique.
Il représente les peuples des États membres de l’Union européenne.
Le Parlement est la première institution mentionnée par le Traité de Rome. À l’origine, les textes
parlaient non pas du « Parlement européen » mais de « l’assemblée » et de ses « pouvoirs de déli-
bération et de contrôle ». Mais, dès 1962, l’Assemblée des Communautés a eu l’audace de
changer unilatéralement sa dénomination et a pris le nom de « Parlement européen ». Il a toute-
fois fallu attendre l’Acte unique européen de 1986 pour que cette appellation soit juridiquement
officialisée.
Le Parlement européen est l’unique institution internationale dont les membres sont élus démocra-
tiquement au suffrage universel direct. Il joue un rôle d’impulsion politique essentiel en adoptant
de sa propre initiative des résolutions. Il formule des propositions destinées à permettre le renfor-
cement de l’Union européenne. Il entretient également des rapports avec les Parlements élus
démocratiquement. Il s’exprime sur tous les grands dossiers internationaux. D’une manière géné-
rale, le Parlement européen, qui n’était au départ qu’une assemblée consultative, a connu une
trajectoire ascendante. La présence à Strasbourg de nombreux lobbies est très significative de la
montée en puissance du Parlement dans le processus décisionnel de l’Union européenne.
L’Acte unique européen puis surtout le Traité de Maastricht ont considérablement augmenté les
prérogatives de cette institution qui exerce un contrôle démocratique sur l’ensemble de l’activité
communautaire. L’Assemblée de l’Union européenne participe à l’exercice du pouvoir normatif.
Le Traité de Maastricht a conféré au Parlement européen un pouvoir de codécision dans des
secteurs importants comme celui du marché intérieur. Le Traité de l’Union européenne a indénia-
blement renforcé son rôle législatif. Mais force est de reconnaître que ce dernier restait limité. On
soulignera que le Parlement européen, qui cherche toujours à renforcer ses prérogatives, a obtenu
76 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
l’attribution des sièges qui ne doit pas être fixé au niveau national à plus de 5 % des suffrages
exprimés.
fonctions. De même, il est interdit d’apporter toute restriction aux déplacements des eurodéputés
se rendant au lieu de réunion de l’Assemblée ou en revenant. Pendant la durée des sessions du
Parlement européen, les représentants disposent d’une immunité qui correspond en fait à une
double protection : irresponsabilité et inviolabilité. L’autorisation du Parlement est requise pour
l’engagement de poursuites judiciaires. Le Parlement est compétent pour lever cette immunité qui
n’est pas susceptible d’être invoquée dans le cas de flagrant délit.
Le Traité d’Amsterdam a donné au Parlement européen le pouvoir de fixer le statut et les condi-
tions générales d’exercice des fonctions de ses membres, après avis de la Commission et avec
l’approbation du Conseil statuant à l’unanimité. Le 28 septembre 2005, le Parlement européen a
d’ailleurs pris une décision portant adoption du statut des députés au Parlement européen qui a
notamment fixé l’indemnité parlementaire à 38,5 % du traitement de base d’un juge à la Cour
de justice.
À cette indemnité (environ 7 000 euros bruts mensuels) financée par le budget européen
et soumise à l’impôt communautaire, s’ajoutent plusieurs autres indemnités versées par le bureau
de l’Europarlement qui, elles, ont vocation à financer certaines dépenses liées à l’exercice du
mandat parlementaire.
Ce nouveau régime de rémunération s’est appliqué pour la première fois au Parlement européen
élu en juin 2009. Jusqu’ici les parlementaires européens étaient rémunérés par les Parlements de
leurs États d’origine.
La conférence des présidents, qui réunit les présidents des groupes politiques et le président du
Parlement, détermine l’organisation des travaux du Parlement et l’ordre du jour des sessions.
■ Les commissions
Le Parlement européen comporte vingt commissions permanentes qui préparent les travaux en
sessions plénières (commission des affaires étrangères, commission du développement, commis-
sion des budgets...). De plus, le Parlement européen a la faculté de créer des commissions tempo-
raires qui seront chargées de problèmes spécifiques. Ces commissions ne peuvent être instituées
pour une période supérieure à 12 mois, sauf prolongation. Le système d’interception ÉCHELON
en 2000 ou encore le problème du changement climatique en 2007 ont fait l’objet de commis-
sions de ce type. Enfin, l’Europarlement a le pouvoir d’instituer des commissions d’enquête à la
demande d’un quart de ses membres.
Ces commissions d’enquête ont vocation à examiner « les allégations d’infraction ou de mauvaise
administration dans l’application du droit de l’Union, sauf si les faits allégués sont en cause devant
une juridiction et aussi longtemps que la procédure juridictionnelle n’est pas achevée » (art. 226
du TFUE).
Le Traité sur l’Union européenne ajoute que « l’existence de la Commission temporaire d’enquête
prend fin par le dépôt de son rapport ». On notera que le règlement intérieur du Parlement euro-
péen avait déjà attribué à l’Assemblée la faculté de constituer des commissions d’enquêtes.
D’autre part, le règlement du Parlement européen indique que ce dernier peut créer des commis-
sions parlementaires mixtes avec les parlements de pays associés à l’Union européenne ou de pays
avec lesquels des négociations d’adhésion sont engagées. Enfin, il est permis au Parlement euro-
péen de créer des délégations interparlementaires qui entretiennent des rapports avec les parle-
ments d’autres États et avec des organisations internationales.
Le Parlement européen fixe librement son règlement intérieur comme son ordre du jour, ce qui est
révélateur de l’autonomie évidente dont il bénéficie.
Le Traité de Maastricht sur l’Union européenne a reconnu un rôle important à ces groupes politi-
ques plurinationaux qui possèdent leur propre secrétariat. Ils sont importants en tant que « facteur
d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à
l’expression de la volonté publique des citoyens de l’Union ». Le Traité de Nice a prévu que le
Conseil de l’Union européenne déterminera à la majorité qualifiée, en codécision avec l’Europarle-
ment, le statut des partis politiques au niveau européen.
Depuis le 4 novembre 2003, les formations politiques européennes bénéficient d’une base légale
(règlement CE nº 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relatif au
statut et au financement des partis politiques au niveau européen).
sont mis d’accord pour se partager la présidence (de cinq ans) de l’Assemblée européenne ; le
président du groupe libéral, l’Irlandais Pat Cox, devant succéder à la centriste française Nicole
Fontaine pour la seconde moitié du mandat. Cet accord entre les chrétiens-démocrates et les libé-
raux a été présenté comme un « accord constitutif » pour le partage de la présidence et non pas
comme une « coalition politique ».
Toutefois, force est de reconnaître que cet accord est venu bouleverser les données traditionnelles
du jeu parlementaire européen. Le pacte conclu entre les libéraux et les conservateurs vient tran-
cher avec la logique consensuelle qui prévalait jusqu’ici pour la désignation des candidats au
perchoir.
Avec cette rupture de l’alliance historique entre le PSE et le PPE, le Parlement européen s’était,
pour la première fois de son histoire, scindé idéologiquement entre une majorité et une opposi-
tion, même si aucun des deux blocs ne disposait de la majorité absolue. Mais en pratique, de
1999 à 2004, c’est au gré des dossiers que les alliances ont pu se conclure. En effet, d’une
manière générale, les libéraux ont gardé une certaine liberté de voter sur les textes. Ils ont voté
avec les sociaux-démocrates, les Verts et les communistes sur les questions de société mais avec
le PPE et la droite souverainiste sur les questions économiques.
Par ailleurs, on soulignera que le Parlement européen est le plus grand employeur d’interprètes du
monde compte tenu de l’existence de vingt-trois langues officielles. Pour chaque réunion,
trente-trois à trente-cinq interprètes sont requis. En effet, le 3 septembre 2001, le bureau du
Parlement européen a décidé de maintenir le multilinguisme intégral après l’élargissement de
l’Union européenne.
82 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
a) La censure
L’Assemblée a le pouvoir d’adopter une motion de censure à l’encontre de la Commission euro-
péenne. La censure est le plus important des pouvoirs dont disposent les députés européens pour
assurer le contrôle démocratique de l’Union européenne. Contrairement à l’Assemblée nationale
en France, les eurodéputés ont la possibilité d’exercer ce droit sans risquer que leur Assemblée ne
fasse l’objet d’une dissolution. Pour être recevable, une motion de censure doit être déposée
auprès du président du Parlement européen par au moins un dixième des eurodéputés. Elle doit
également être motivée. En cours de mandat de la Commission, le Parlement européen peut
renverser la Commission européenne à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la
majorité des membres qui le composent. Cette procédure, qui s’inspire des techniques du parle-
mentarisme, était déjà prévue par le Traité de Rome. Jusqu’à présent, aucune motion de censure
n’a pu conduire au renversement de la Commission européenne.
Si la motion de censure est adoptée, la Commission européenne doit démissionner
collectivement. Il n’est pas possible de sanctionner un commissaire européen individuellement,
son comportement dans l’exercice de ses fonctions étant imputable à l’institution tout entière. La
Commission censurée gère les affaires courantes jusqu’à ce qu’une nouvelle Commission soit dési-
gnée. Depuis l’élection de l’Europarlement au suffrage universel direct, en 1979, plusieurs motions
de censure ont été présentées. Mais aucune n’a pu être adoptée. Les deux premières motions de
censure furent déposées le 15 février 1990 et le 11 juillet 1991 par le Groupe des droites euro-
péennes. Ces motions, qui concernaient la politique agricole commune, n’ont recueilli respective-
ment que 16 et 8 voix. Le 17 décembre 1992, une nouvelle motion fut déposée par le député vert
Paul Lannoye afin de censurer la Commission pour ses positions prises dans les négociations du
GATT. Cette motion de censure a obtenu 96 voix. Le 20 février 1997, une motion de censure
présentée par le socialiste belge José Happart, qui contestait la gestion du dossier de la « vache
folle » par Bruxelles, n’a pu obtenir que 118 voix. Enfin, le 11 janvier 1999, une motion de
censure a été déposée par le groupe des indépendants pour l’Europe des Nations (IEDN). Cette
motion, déposée à l’initiative de l’eurodéputé Hervé Fabre-Aubrespy, a été signée par
CHAPITRE 5 – Le Parlement européen 85
soixante-neuf représentants des huit groupes politiques du Parlement de Strasbourg. Ces derniers
soutenaient que l’exécutif bruxellois portait une responsabilité dans des cas de fraudes et de
mauvaise gestion du budget européen. Comme les précédentes, cette motion de censure, qui
avait obtenu le soutien d’eurodéputés de diverses nationalités et appartenances politiques, fut
repoussée. Mais la censure n’a été rejetée que par 293 voix contre 232 et 27 abstentions, soit
moins de la majorité absolue de 314 voix.
C’était la première fois qu’un texte de censure parvenait à obtenir un score aussi important. La
Commission européenne est sortie très affaiblie de cette épreuve. Les eurodéputés ont alors
décidé la création d’un comité d’experts indépendants « chargé d’examiner la façon dont la
Commission décèle et traite les cas de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme ». En
mars 1999, la Commission Santer a été amenée à démissionner collectivement à la suite de la
publication du premier rapport de ce comité qui a stigmatisé les dérives généralisées de la
gestion de l’exécutif européen.
De la même manière qu’il a contraint en 1999 la Commission à démissionner, le Parlement euro-
péen a obligé en octobre 2004 le président de la Commission José Manuel Barroso à revoir la
composition de son équipe. José Manuel Barroso, dont la Commission risquait de ne pas être
investie par le Parlement européen, a cédé aux eurodéputés et a demandé, le 27 octobre 2004,
un report du vote d’investiture par l’Assemblée européenne. La menace d’un vote négatif a effec-
tivement conduit le président de l’exécutif bruxellois à demander un délai d’un mois pour
présenter une nouvelle équipe. Cette décision a constitué incontestablement une autre grande
victoire de l’institution strasbourgeoise.
Enfin, le 8 juin 2005, le Parlement européen a nettement rejeté une motion de censure déposée le
12 mai 2005 par 66 députés eurosceptiques contre la Commission et visant plus particulièrement
le président de la Commission lui-même. Cette motion fut dénoncée par tous les groupes
politiques.
étrangères et la politique de sécurité. Il procède deux fois par an à un débat sur les progrès
réalisés dans la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la poli-
tique de sécurité et de défense commune. Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étran-
gères et la politique de sécurité informe le Parlement européen de l’évolution de la politique étran-
gère et de sécurité commune et de la politique de sécurité et de défense commune. « Il veille à ce
que les vues du Parlement européen soient dûment prises en considération » (article 36 du TUE).
D’autre part, le contrôle politique du Parlement européen intervient par l’examen des nombreux
rapports que la Commission européenne doit adresser au Parlement européen (rapport annuel
sur l’activité du Conseil de l’Union européenne, rapport sur chaque Conseil européen, rapport
annuel sur la mise en œuvre du budget).
Par ailleurs, le Parlement européen peut constituer, on l’a déjà dit, une « commission
d’enquête ». En juillet 1996, l’Assemblée de Strasbourg a mis en place une commission
d’enquête parlementaire pour rechercher les responsabilités dans la propagation du virus ESB
(l’épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine). Plus récemment, en juin 2007, la crise de la
compagnie d’assurances « Équitable Life » a donné lieu à la création par le Parlement européen
d’une commission d’enquête.
Le Parlement européen a également le droit de recevoir des pétitions. Dans son article 227, le
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule que « tout citoyen de l’Union
ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État
membre, a le droit de présenter à titre individuel ou en association avec d’autres personnes, une
pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union et qui le
ou la concerne directement ». La pétition doit porter sur un sujet relevant du droit de l’Union
européenne et faire référence à un acte juridique. Elle peut aussi porter sur un principe du droit
de l’Union européenne ou sur un des objectifs de l’Union.
Une commission parlementaire des pétitions est chargée d’instruire les requêtes envoyées à
l’Assemblée de Strasbourg. Cette commission des pétitions, qui a été mise en place en 1987,
reçoit environ 1 500 pétitions par an. La protection de l’environnement, le respect des droits de
l’homme figurent au nombre des thèmes qui font fréquemment l’objet de pétitions.
Le Parlement européen procède à la nomination d’un médiateur qui est habilité à recevoir des
plaintes. Celles-ci peuvent émaner de « tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique
ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de
mauvaise administration dans l’action des institutions, organes ou organismes de l’Union, à
l’exclusion de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’exercice de ses fonctions »
(art. 228 du TFUE).
CHAPITRE 5 – Le Parlement européen 87
parlementaires. Le Traité de Maastricht est venu constitutionnaliser en quelque sorte cette jurispru-
dence. Le Traité de Nice a ensuite conféré à l’Europarlement le pouvoir de saisir la Cour de justice
dans les mêmes conditions que la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne ou
les États membres pour qu’elle puisse se prononcer sur les recours pour incompétence, violation
des formes substantielles, violation du Traité ou du droit dérivé, ou détournement de pouvoir. Le
Traité signé à Nice le 26 février 2001 a permis également au Parlement européen de saisir la Cour
de justice de la compatibilité d’un accord international avec le Traité.
de s’opposer au vote du texte par le Conseil de l’Union européenne, à l’issue de deux lectures et
d’une tentative de conciliation.
Il appartient à la Commission de présenter une proposition au Parlement et au Conseil. Le Parle-
ment européen vote en première lecture et à la majorité simple un avis sur le texte. Le Conseil de
l’Union européenne, saisi du texte éventuellement amendé par les députés européens, va arrêter
une position commune.
Le Parlement européen doit se prononcer en seconde lecture sur cette position commune et peut
à nouveau l’amender.
La procédure de conciliation sera ouverte dans le cas où le Conseil décide de ne pas retenir les
amendements adoptés en seconde lecture par le Parlement européen. Un comité de conciliation,
qui associe les membres du Conseil ainsi qu’un nombre équivalent d’eurodéputés, a pour objectif
de trouver un compromis. En cas de désaccord persistant, la proposition d’acte est réputée non
adoptée.
Depuis le Traité de Maastricht, la procédure de codécision s’applique notamment pour la plupart
des matières concernant le marché intérieur, la santé, la culture et la protection des
consommateurs.
Le Traité d’Amsterdam a procédé à l’extension du champ d’application de la procédure de codéci-
sion (politique sociale, transports, lutte contre la fraude, citoyenneté européenne...). En faisant de
cette procédure la règle quasiment générale, le Traité d’Amsterdam a renforcé la responsabilité de
l’assemblée de Strasbourg.
Le Traité de Nice, quant à lui, est venu également étendre la procédure de codécision à de
nouvelles matières. Il a notamment prévu l’extension de cette procédure à la coopération judiciaire
civile et à la politique industrielle.
Le Traité de Lisbonne signé en décembre 2007 a encore étendu le champ d’application de la
procédure de codécision, laquelle devient la « procédure législative ordinaire » (art. 294, TFUE).
Elle s’applique aux nouveaux domaines de compétence de l’Union européenne (notamment
l’espace, le sport, la propriété intellectuelle et la protection civile).
Cette procédure entraîne l’application de la majorité qualifiée au sein du Conseil et de la codéci-
sion au sein du processus d’adoption d’un acte législatif par le Parlement européen et le Conseil.
Lorsque la procédure législative spéciale s’applique, le Conseil se prononce soit à l’unanimité,
soit à la majorité qualifiée, après consultation ou approbation du Parlement européen.
90 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
c) La procédure d’approbation
Avec le Traité de Lisbonne, la procédure « d’avis conforme », qui confère au Parlement européen
un véritable droit de veto, est désormais appelée « procédure d’approbation » et étendue. L’Acte
unique européen de 1986 avait réservé cette procédure à deux secteurs : les accords d’association
et les accords d’adhésion.
Le Traité sur l’Union européenne signé à Maastricht en février 1992 a largement étendu l’applica-
tion de cette procédure, qui donne un réel pouvoir de blocage au Parlement européen, aux
domaines suivants :
– certaines dispositions relatives au statut du Système européen des Banques Centrales (SEBC) ;
– la création du fonds de cohésion (instrument financier mis en place en mai 1994 pour aider les
pays membres les moins favorisés à développer leurs infrastructures) ;
– l’organisation, les objectifs et les principes applicables aux fonds structurels ;
– la procédure électorale uniforme pour le Parlement européen ;
– la conclusion de certains accords internationaux (accords créant un cadre institutionnel spéci-
fique en organisant des procédures de coopération, ou ayant des implications budgétaires nota-
bles, ou impliquant une modification d’un acte adopté selon la procédure de codécision).
Le Traité de Maastricht a précisé que « l’avis conforme » est toujours rendu à la majorité des
suffrages exprimés à l’Assemblée de Strasbourg, sauf dans le cas de l’adhésion de nouveaux États
membres.
Le Traité d’Amsterdam a accordé, quant à lui, aux eurodéputés une procédure « d’avis conforme »
sur les sanctions applicables à un État membre en cas de violation grave des droits fondamentaux.
Ce même Traité a remplacé la procédure d’avis conforme par la procédure de codécision dans le
domaine des dispositions qui facilitent l’exercice du droit de séjour et de circulation des citoyens
de l’Union européenne.
Le Traité de Lisbonne a confirmé l’avis conforme préalable à l’adoption du « cadre financier
pluriannuel » des dépenses budgétaires de l’Union européenne (art. 312 du TFUE). Il accorde
également le droit d’approbation au Parlement européen pour un certain nombre d’accords inter-
nationaux. L’Europarlement doit aussi approuver l’usage par le Conseil de la « clause de flexibi-
lité », laquelle clause permet une action de l’Union en l’absence de base juridique (art. 352 du
TFUE).
La Cour de justice CHAPITRE
La Cour de justice assure le respect du droit européen. Elle a joué un rôle décisif
6
dans le développement de ce droit.
Elle est l’instance juridique suprême de l’Union européenne.
compatibilité des accords externes avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union. Elle remplit
également une fonction juridictionnelle.
En vertu de l’article 267 du TFUE (ex-234 du Traité CE), la Cour de justice interprète le droit de
l’Union européenne sur renvoi préjudiciel des juridictions nationales, auxquelles ses décisions
s’imposent. Cet article, qui est à l’origine d’une « révolution silencieuse » selon l’expression
de Renaud Dehousse, lui permet d’assurer l’uniformité de l’application du droit dans l’Union.
La Cour de justice a joué un rôle considérable dans le développement du droit européen et s’est
progressivement imposée comme « la Cour suprême d’une fédération européenne potentielle »
(Philippe Moreau Defarges). En effet, par sa jurisprudence, la Cour européenne de Justice participe
pour une part importante à l’établissement d’un « système juridique communautaire de type
fédéral ». Il convient ici d’insister sur deux grands arrêts de la Cour de justice qui datent des
années soixante : l’arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1963 (Aff. 26/62) et l’arrêt Costa c/ENEL
du 15 juillet 1964 (Aff. 6/64).
Dans l’arrêt Van Gend en Loos, le juge communautaire a estimé que « (...) le Traité CEE constitue
plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre États contractants (...) ».
D’après cette décision de 1963, la Communauté constitue « un nouvel ordre juridique de droit
international dont les sujets sont non seulement les États membres mais leurs ressortissants ».
Ensuite, dans son arrêt Costa c/ENEL, le juge communautaire a affirmé qu’« à la différence des
Traités internationaux ordinaires, le Traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré
au système juridique des États membres (...) ».
Dans ces premières grandes décisions, le juge communautaire a inauguré une méthode d’inter-
prétation dite systématique. Selon cette méthode, le juge se réfère au système global des Traités
pour préciser le sens de chaque disposition particulière. La Cour de justice pratique également
l’interprétation dite téléologique ou encore finaliste. Cela signifie que le juge communautaire
interprète les dispositions des Traités en fonction des objectifs qu’elles doivent réaliser, en fonction
de leur finalité. C’est la méthode la plus souvent utilisée par la Cour.
La Cour de justice privilégie les méthodes systématique et téléologique au détriment de l’inter-
prétation littérale. Comme on a pu l’écrire, cette juridiction internationale, qui joue un rôle fonda-
mental dans le processus d’intégration, se rapproche aussi des cours constitutionnelles
européennes.
du Conseil d’État français. Ils sont chargés de présenter publiquement, en toute impartialité et en
toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires soumises à la Cour de justice, en
vue d’assister celle-ci dans l’accomplissement de sa mission. En principe, leurs conclusions sont
publiées en même temps que l’arrêt de la Cour.
La Cour de Luxembourg n’est pas tenue de suivre les conclusions de son avocat général.
Les juges, comme les avocats généraux, sont nommés d’un commun accord pour six ans par les
gouvernements des États membres de l’Union européenne. Ils doivent être reconnus pour leurs
compétences et offrir toutes les garanties d’indépendance. Le Traité de Lisbonne a prévu qu’un
« comité des sages » (composé d’anciens membres de la Cour, du Tribunal ou des juridictions
suprêmes des États membres) sera chargé de rendre un avis en vue de la désignation des
membres de la Cour (art. 255, TFUE). Le mandat des membres de la Cour peut être reconduit. Il
est d’ailleurs très courant que les juges exercent deux mandats.
Un renouvellement partiel – qui porte sur huit juges – intervient tous les trois ans ; ce qui a le
mérite de garantir une certaine permanence dans la composition de la Cour européenne
de Justice. Les juges désignent parmi eux, pour un mandat de trois ans, le président de la Cour
de justice. Le mandat de ce dernier est renouvelable.
Avant l’entrée en vigueur du Traité de Nice, les Traités ne formulaient aucune exigence quant à
l’origine nationale des membres de la Cour de justice. Toutefois, on constatait, en pratique, que
chaque juge était ressortissant d’un État de l’Union européenne. Cette « règle non écrite » avait
l’avantage de permettre la représentation de tous les systèmes juridiques de l’Union. Le principe
de la nomination d’un juge par État membre a été clairement inscrit dans le Traité de Nice.
Avant d’entrer en fonction, les membres de la Cour de justice prêtent serment en séance publique
et prennent l’engagement d’accomplir leurs activités en pleine impartialité et en toute conscience
et de s’abstenir de divulguer le secret des délibérations.
Les textes s’efforcent de garantir l’indépendance des juges communautaires. Les fonctions de juge
ou d’avocat général sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat politique, d’une charge admi-
nistrative ou d’une activité professionnelle. Les membres de la Cour doivent s’engager à refuser
certaines nominations à l’issue de leur mandat.
Plusieurs pratiques se sont développées dans le but de favoriser l’impartialité des magistrats. Ainsi,
en principe, le président de la Cour européenne de Justice ne confiera pas à un juge une affaire
qui met en cause l’État dont il est originaire. Dans le même ordre d’idée, on s’abstiendra d’attri-
buer à un magistrat des questions préjudicielles posées par les juridictions de son pays d’origine.
Les membres de la Cour européenne de Justice jouissent de privilèges et d’immunités. Ils bénéfi-
cient d’une immunité de juridiction pour les actes accomplis durant l’exercice de leurs fonctions.
94 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Cette immunité, qui est plus large que celle des fonctionnaires et agents de l’Union, peut être
levée par la Cour européenne de Justice siégeant en séance plénière.
Les juges et avocats généraux ne peuvent être relevés de leurs fonctions ou déclarés déchus de
leur droit à pension que s’ils ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux
obligations qui découlent de leurs charges.
La Cour de justice nomme son greffier, par vote à bulletin secret, pour un mandat de six ans qui
est renouvelable. Le greffier doit prendre l’engagement d’exercer ses fonctions en pleine impartia-
lité et en toute conscience et de ne rien divulguer du secret des délibérations. Il a la responsabilité
des archives de la Cour et de la publication du Recueil des arrêts et des ordonnances. Il est chargé
d’assurer l’administration générale de la Cour sous l’autorité du président.
Les décisions de la Cour de Justice prennent la forme d’arrêts ou d’ordonnances. Les arrêts de la
Cour sont rédigés en plusieurs phrases. Ils sont l’expression de la décision de la Cour de justice. Ils
ne peuvent être assortis d’opinion dissidente.
violation » (art. 265, TFUE, ex-232 du Traité CE). On notera que le Traité de Lisbonne vient élargir
le champ d’application de l’article 232 du Traité CE puisque le recours en carence s’appliquera
désormais à la BCE, au Conseil européen ainsi qu’aux « organes et organismes de l’Union ».
L’institution dont l’inertie illégale est constatée doit avoir été préalablement invitée à agir. Le
recours en carence n’est pas recevable si l’institution défaillante n’a pas été préalablement invitée
à agir. Lorsque, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution
incriminée n’a pas pris position, le recours juridictionnel peut être intenté dans un nouveau délai
de deux mois.
D’autre part, toute personne physique ou morale peut saisir la Cour de justice pour faire grief à
l’une des institutions de l’Union d’avoir manqué de lui adresser un acte autre qu’une recomman-
dation ou un avis. L’institution, dont la défaillance a été établie, devra prendre les mesures que
comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne de Justice.
Pour la première fois de son histoire, la Cour de justice a rendu, le 4 juillet 2000, un jugement qui
contraint un État membre – en l’occurrence la Grèce – au paiement d’une astreinte financière
pour obtenir que ce pays applique le droit communautaire. Le jugement de la Cour a condamné
la Grèce à verser la somme de 20 000 euros par jour jusqu’à ce qu’elle exécute un arrêt rendu le
7 avril 1992.
Dans son arrêt du 12 juillet 2005, la Cour de Luxembourg a condamné, pour la première fois, un
État membre (la France), à la fois à une astreinte et à une amende forfaitaire compte tenu de son
manquement grave et persistant au droit communautaire.
Avec le Traité de Lisbonne, le mécanisme des sanctions pécuniaires (somme forfaitaire et/ou
astreinte) en cas de non-exécution d’un arrêt en manquement est renforcé. Notons également
que la Cour de justice pourra désormais infliger, dès le stade du premier arrêt en manquement,
des sanctions pécuniaires en cas de non-communication à la Commission des mesures nationales
de transposition d’une directive (art. 260, TFUE).
6 Le Tribunal
La Cour de justice est assistée d’une juridiction de première instance. En effet, un Tribunal (autre-
fois nommé Tribunal de première instance, TPI) a été institué par une décision prise par le Conseil,
le 24 octobre 1988 et a été installé le 1er septembre 1989. La mise en place de ce Tribunal, qui
était réclamé par la Cour de justice et qui a été créé en application de l’Acte unique européen de
1986, a eu pour objectif de réduire la charge de travail des membres de la Cour de justice.
100 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Enfin, pour terminer ce chapitre, on soulignera que le nombre d’arrêts rendus en 2009 a été l’un
des plus élevés dans l’histoire de la Cour de justice. La Cour a clôturé 543 affaires en 2009, ce qui
représente une augmentation très nette par rapport à 2008 (495 affaires clôturées en 2008). Il
convient également d’observer que le nombre d’affaires préjudicielles introduites en 2009 est le
plus élevé jamais atteint (302 affaires).
La Cour des comptes CHAPITRE
Elle vérifie la légalité et la régularité des recettes et des dépenses de diverses insti-
7
tutions européennes.
Elle est la gardienne de l’orthodoxie financière.
C’est le Traité de Bruxelles du 22 juillet 1975 qui a créé la Cour des comptes, et cela, à la
demande du Parlement européen. Ce Traité, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1977, a réformé
la procédure budgétaire ; il a renforcé les pouvoirs budgétaires de l’Assemblée de Strasbourg.
La Cour des comptes européenne est venue remplacer la Commission de contrôle CEE-CEEA et le
Commissaire aux comptes CECA. La Cour des comptes est devenue une « institution » de l’Union
européenne avec le Traité de Maastricht de 1992. Son statut a été encore renforcé avec le Traité
d’Amsterdam de 1997 qui est venu élargir sa mission de contrôle.
Enfin, le Traité de Lisbonne de 2007 lui reconnaît clairement la qualité d’institution et cela à la
différence du Traité constitutionnel européen. Elle figure désormais dans la liste générale des
institutions.
La Cour des comptes européenne a vocation à examiner les comptes de la totalité des recettes et
des dépenses de l’Union (art. 287 du TFUE). Elle est chargée d’éplucher les centaines de milliers
d’opérations financières des États membres et de leurs institutions. Elle fait état de toutes les
remarques qui lui paraissent opportunes sur la gestion des finances de l’Union dans son rapport
annuel.
La Cour des comptes, qui n’est pas une « juridiction », dispose de pouvoirs très étendus. Elle a son
siège à Luxembourg.
Après avoir examiné la composition et le fonctionnement de la Cour des comptes, nous traiterons
des pouvoirs de la Cour.
104 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
également les comptes de tout organisme créé par elle. Elle s’assure « de la bonne gestion finan-
cière ». La Cour des comptes fournit au Parlement de Strasbourg et au Conseil « une déclaration
d’assurance concernant la fiabilité des comptes ainsi que la légalité et la régularité des opérations
sous-jacentes ». Elle est consultée sur tout projet de l’Union européenne dans le domaine budgé-
taire et financier. La Cour des comptes assiste le Conseil et le Parlement européen dans leurs fonc-
tions de contrôle de l’exécution du budget. Elle est associée à la procédure de décharge à la
Commission européenne que vote l’Assemblée de Strasbourg. Mais si la Cour des comptes euro-
péenne est responsable du contrôle externe du budget général de l’Union, le contrôle interne,
quant à lui, incombe au contrôleur financier de chaque institution.
En dépit de sa dénomination, la Cour des comptes européenne n’est pas dotée de pouvoirs juri-
dictionnels. Elle n’est pas habilitée à poursuivre judiciairement les infractions qu’elle peut être
amenée à découvrir à l’occasion de ses contrôles.
Le contrôle a lieu sur pièces. Au besoin, il peut avoir lieu sur place auprès des institutions de
l’Union européenne et des États membres.
La Cour des comptes européenne établit un rapport annuel après la clôture de chaque exercice ;
rapport qui est transmis aux autres institutions européennes et dont la publication constitue, à
n’en pas douter, l’atout maître de la Cour de Luxembourg. Ce célèbre rapport, qui est publié au
Journal officiel de l’Union européenne, est toujours sérieusement analysé par le Parlement euro-
péen et le Conseil de l’Union. Il précise les domaines où des améliorations sont nécessaires.
L’Assemblée de Strasbourg tient compte de ce rapport lorsqu’elle donne à la Commission euro-
péenne décharge de l’exécution du budget. Dans son rapport annuel relatif à l’exécution du
budget européen pour l’exercice 2009, la Cour des comptes européenne a estimé que les
comptes de l’Union européenne sont « fiables », mais que l’argent dépensé en 2009 par la
Commission, en particulier pour les politiques d’aides aux régions défavorisées de l’Union euro-
péenne, ne l’a pas toujours été à bon escient.
Par ailleurs, la Cour des comptes européenne peut aussi adopter des rapports spéciaux sur toute
question particulière à son initiative ou sur demande d’une autre institution européenne.
Certains des rapports de la Cour des comptes de l’Union européenne ont contribué aux accusa-
tions de mauvaise gestion d’eurodéputés envers la Commission européenne et conduit au dépôt,
en janvier 1999, d’une motion de censure contre l’exécutif communautaire ; une motion de
censure repoussée par l’Europarlement.
Le Traité de Nice a donné la possibilité à la Cour des comptes européenne de créer en son sein
des chambres en vue d’adopter certaines catégories de rapports.
Le Traité d’Amsterdam lui a permis d’intenter des recours en annulation en vue de la sauvegarde
de ses prérogatives. La Cour devra apporter la preuve d’un intérêt à agir.
106 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Le Traité d’Amsterdam a aussi amélioré les pouvoirs d’investigation de la Cour qui peut se livrer à
des vérifications auprès de tout organisme national ou communautaire et de toute personne
physique ou morale gérant des fonds communautaires. Il s’agit de permettre à la Cour des
comptes européenne de lutter plus efficacement contre la fraude au détriment du budget de
l’Union. La Cour peut contrôler les fonds communautaires gérés par des organes externes, y
compris la BEI, qui est l’institution financière de l’Union européenne.
Les actes de la Cour des comptes européenne ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annu-
lation devant la Cour de justice.
Les institutions
de l’Union économique CHAPITRE
et monétaire
La Banque centrale européenne (BCE) est responsable de la stabilité de l’euro. Elle
8
agit de concert avec le Système européen de banques centrales (SEBC), lequel
coexiste actuellement avec l’Eurosystème qui est le système européen des
banques centrales limité à la zone euro. L’Eurogroupe réunit les ministres des
Finances des États de la zone euro.
Depuis que l’Union économique et monétaire est entrée dans sa phase finale, celle de la monnaie
unique, deux institutions ont été mises en place : le Système européen de banques centrales
(SEBC), qui n’est pas doté de la personnalité juridique, et la Banque centrale européenne (BCE).
Le statut de la Banque centrale européenne et le statut du Système européen de banques
centrales ont été adoptés à l’origine dans le cadre d’un protocole annexé au Traité de Maastricht
sur l’Union européenne (protocole nº 3).
Il importe de signaler qu’une « institution provisoire » avait été mise en place, le 1er janvier 1994,
pour préparer la dernière étape de l’UEM. Il s’agissait de l’Institut monétaire européen (IME) qui a
disparu dès la création de la Banque centrale européenne. Cette dernière a repris les fonctions de
l’IME.
Avec le Traité de Lisbonne, la BCE se voit accorder le statut d’institution et l’appellation Eurosys-
tème, qui est l’autorité monétaire de la zone euro, est consacrée. De plus, le Traité de Lisbonne
renforce le poids de l’Eurogroupe, l’instance informelle des pays membres de la zone euro.
Enfin, en 2010, l’Union européenne a mis en place le Fonds européen de stabilité financière
(FESF) pour endiguer la crise de la dette souveraine des pays de la zone euro.
108 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
de celle-ci. Des ajustements sont opérés tous les cinq ans et chaque fois qu’un nouvel État adhère
à l’Union européenne.
Le 16 décembre 2010, la BCE a décidé de lancer la plus forte augmentation de capital de son
histoire pour faire face aux difficultés de la zone euro. De 5,76 milliards d’euros, le capital de la
BCE sera porté à 10,76 milliards et cela en plusieurs étapes jusqu’à la fin de l’année 2012. Les
11 pays de l’Union européenne qui n’ont pas adopté la monnaie unique participeront à cette
augmentation de capital de grande ampleur.
Les États sont les uniques actionnaires de la BCE par le biais de leurs banques centrales nationales.
La Bundesbank, la banque centrale allemande, est le premier actionnaire de la BCE, la Banque
de France arrive en seconde position.
Banques centrales dans la mesure où les minutes (comptes rendus) des débats ne sont pas
publiées.
Le Conseil des gouverneurs arrête les orientations et prend les décisions nécessaires à l’accomplis-
sement des missions confiées au système européen de banque centrale (SEBC). Il détermine par
consensus et non par vote le niveau des taux d’intérêt directeurs. Il définit la politique monétaire
de l’Union européenne.
On remarquera que l’on a prévu une coopération entre la BCE et les autres institutions : le Prési-
dent du Conseil et un membre de la Commission peuvent participer sans voix délibératives aux
réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE. Le Président de la BCE est invité à participer aux
réunions du Conseil lorsque celui-ci délibère sur des questions relatives aux objectifs et aux
missions du SEBC. La BCE adresse un rapport annuel sur les activités du SEBC et sur la politique
monétaire de l’année précédente et de l’année en cours au Parlement européen, au Conseil et à
la Commission, ainsi qu’au Conseil européen. Le président de la BCE présente ce rapport au
Conseil et au Parlement européen.
L’ancien président de la BCE, Wim Duisenberg, qui a fait remarquer que le Traité de Maastricht
prévoyait que le président de la Banque centrale européenne soit auditionné au moins une fois
par an devant le Parlement européen, avait pris l’engagement de se rendre quatre fois dans
l’année devant les eurodéputés. En revanche, il a refusé de publier les minutes des réunions du
conseil des gouverneurs du système européen de banques centrales (SEBC).
Un troisième organe de direction de la BCE, le Conseil général de la Banque centrale euro-
péenne, a été créé de manière transitoire compte tenu du fait que tous les pays membres de
l’Union européenne ne participeront pas nécessairement en même temps à la monnaie unique. Il
regroupe le président, le vice-président du directoire de la Banque centrale européenne et les
gouverneurs des banques centrales de tous les États membres. Les autres membres du directoire
ont le droit de participer, sans droit de vote, aux réunions du Conseil général.
Le Conseil général de la Banque centrale européenne n’est pas doté d’un pouvoir décisionnel dans
le domaine de la politique monétaire. Il joue essentiellement un rôle consultatif. Il est chargé
d’examiner la situation des États qui ne remplissent pas les conditions économiques et financières
requises pour passer à la phase finale de l’UEM, la phase de la monnaie unique. Il doit faire
rapport au Conseil afin que ce dernier soit en mesure de décider, le cas échéant, qu’ils peuvent
participer à la troisième phase de l’UEM.
CHAPITRE 8 – Les institutions de l’Union économique et monétaire 111
■ Le fonctionnement de la BCE
La BCE émet des recommandations et des avis. Elle prend aussi des décisions et des règlements
qui sont soumis au contrôle du juge européen par la voie du recours en carence, du recours en
annulation ou du recours préjudiciel.
La Banque centrale européenne est indépendante par rapport aux gouvernements des pays
membres et aux institutions européennes. Ce principe général d’indépendance a été confirmé par
le TFUE qui rappelle que « les institutions, organes, et organismes de l’Union ainsi que les gouver-
nements des États membres respectent cette indépendance » (art. 282 TFUE). Ce traité a égale-
ment ajouté à ce principe général celui de l’indépendance financière de la BCE.
Comme les banques centrales nationales, la Banque centrale européenne est dotée de la person-
nalité juridique. Elle a vocation à mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union européenne.
Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. La BCE est compétente pour fixer les taux
d’intérêt de la zone euro. Elle met également en œuvre la politique de change et est chargée
d’en assurer la gestion quotidienne.
L’article 123-1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « interdit à la Banque
centrale européenne (BCE) et aux banques centrales des États membres (...) d’accorder des décou-
verts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux adminis-
trations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres
organismes ou entreprises publics des États membres ». « L’acquisition directe, auprès d’eux, par
la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur
dette est également interdite », indique également l’article 123-1 du TFUE.
En décembre 2010 et pour la première fois depuis l’automne 2008, la hausse des prix a dépassé le
seuil sacro-saint de 2 %. Cette accélération de l’inflation dans la zone euro a mis en position déli-
cate la BCE dont le président se félicite régulièrement du bilan « modèle » de son institution. En
effet, depuis la création en 1998 de la Banque de Francfort, l’inflation moyenne en zone euro
ressort à 1,97 %.
En mai 2010, les inquiétudes à propos de la dette grecque ont déclenché une attaque en règle
des marchés contre l’euro qui avait déjà surmonté de nombreux chocs dans sa courte histoire
(éclatement de la bulle Internet, explosion du prix du pétrole, guerre en Irak, crise des subprimes,
crise financière de l’automne 2008...). Le risque de contagion de la crise grecque a réellement mis
l’euro en danger. Jamais, depuis sa création, la devise européenne n’avait connu une telle
épreuve.
En mars 2010, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a qualifié l’idée d’une expulsion d’un
pays de la zone euro d’« hypothèse absurde ». Le Président de l’Eurogroupe s’est lui aussi dit
opposé à l’idée, évoquée par l’Allemagne, de prévoir à l’avenir un mécanisme permettant
d’exclure de la zone euro un pays jugé trop laxiste en matière budgétaire. Jean-Claude Trichet a
su dépasser l’orthodoxie monétaire dans sa gestion du dossier de la dette souveraine européenne.
Il a « convaincu le Conseil des gouverneurs de jeter par-dessus bord l’un de ses dogmes et a
obtenu de pouvoir racheter sur le marché secondaire (...) les obligations d’États de la zone euro
attaquées par les marchés afin de casser la spéculation » (Jean Quatremer). Il a appelé les
membres de la zone euro à créer une « fédération budgétaire ».
budgétaire, Grèce, Portugal et Irlande principalement. Entre le 10 mai et le 18 juin 2010, elle a
ainsi acquis pour 47 milliards d’euros d’emprunts.
Le patron de la Bundesbank, la banque centrale allemande, Axel Weber n’a pas hésité à critiquer
publiquement cette décision controversée de la BCE de racheter la dette publique des pays en
difficulté de la zone euro. C’est d’ailleurs la première fois, depuis 1999, qu’un gouverneur critique
ainsi une décision de la Banque de Francfort. Jusqu’ici chacun assumait la politique décidée en
commun, même s’il était mis en minorité. En agissant ainsi, Axel Weber a d’ailleurs transgressé
un principe imposé par Berlin lors de la négociation du traité de Maastricht, celui du secret des
délibérations de la BCE.
Le 17 octobre 2010, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a défendu la nécessité de pour-
suivre le programme de rachats d’obligations publiques et a ainsi répondu à Axel Weber qui a
contesté ce programme. Axel Weber venait de suggérer un abandon progressif de ces mesures
d’aide exceptionnelle aux banques de la zone euro adoptées au plus fort de la crise grecque. Le
2 décembre 2010, la BCE a annoncé qu’elle poursuivrait son programme de rachat de dettes
européennes, aussi longtemps que nécessaire.
Le total des achats d’obligations publiques par la BCE s’est élevé en décembre 2010 à 72 milliards
d’euros. Ce programme de rachats de titres de dettes d’État a conduit la BCE, le 16 décembre
2010, à augmenter son capital de 5 milliards d’euros.
3 L’Eurogroupe
■ La composition de l’eurogroupe
L’Eurogroupe ou Conseil de l’euro, qui a été mis en place à la demande de la France, regroupe
les ministres des Finances des pays de la zone euro. Il se réunit chaque mois avant la réunion du
Conseil des ministres de l’Économie et des finances des États membres (Écofin).
Selon un protocole (nº 3) annexé au Traité de Lisbonne, les ministres des États de la zone euro
élisent, à la majorité, un président pour deux ans et demi.
En donnant une existence légale à l’Eurogroupe, créé en 1997, et en consacrant le principe de la
présidence stable dont il s’était doté depuis septembre 2004, le Traité de Lisbonne renforce consi-
dérablement son autorité, même s’il rappelle que ses réunions sont informelles. Pour la première
fois, l’Eurogroupe est reconnu par un Traité européen.
Les pays participant à l’euro indiquent l’ordre du jour des réunions de l’Eurogroupe.
116 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Les pays « out », dûment prévenus, pourront faire savoir que tel ou tel point est une « question »
d’intérêt commun devant être traitée par le Conseil Écofin qui regroupe les ministres des Finances
des États membres.
Le président de la Banque centrale européenne est régulièrement invité à assister aux réunions de
l’Eurogroupe.
Réélu, le 18 janvier 2010, pour un quatrième mandat à la tête de l’Eurogroupe, Jean-Claude
Juncker (à la fois Premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg) a déclaré souhaiter
améliorer la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro en inventant « une
procédure d’analyse et de surveillance de ces politiques analogue à celle existant déjà pour les
politiques budgétaires ».
■ Le rôle de l’Eurogroupe
Cet organe non décisionnel, qui n’avait pas été prévu par le Traité de Maastricht, doit permettre
aux ministres de la zone euro de « se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de ques-
tions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique ».
Il s’agit de permettre aux pays de la zone euro d’ajuster la préparation de leurs budgets et d’har-
moniser leurs politiques macro-économiques.
La France a toujours préconisé la création d’un contrepoids de nature politique face à la Banque
centrale européenne, instance exclusivement technocratique.
C’est la vieille idée d’un « gouvernement économique » dont l’Eurogroupe devrait être l’embryon.
Comme l’explique Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français de l’Économie, le Conseil de
l’euro est « né du double refus d’un fédéralisme budgétaire impossible et d’une indifférence
dangereuse aux exigences de la coopération (...) » (D. Strauss-Kahn, « Longue vie au Conseil de
l’euro », La Tribune, 4 juin 1998).
Pour la France, l’Eurogroupe doit servir à élaborer un bon « policy mix », la meilleure harmonie
possible entre la politique monétaire unique conduite par la BCE et les politiques budgétaires qui
relèvent de la compétence des pays « in ». Pour l’Allemagne, l’Eurogroupe doit être un lieu
d’échanges d’idées en particulier en matière de réforme structurelle.
Le Traité de Lisbonne souligne la nécessité de « développer une coordination sans cesse plus
étroite des politiques économiques dans la zone euro » et de « prévoir des dispositions particu-
lières pour un dialogue renforcé entre les États membres dont la monnaie est l’euro, en attendant
que l’euro devienne la monnaie de tous les États membres de l’Union ».
CHAPITRE 8 – Les institutions de l’Union économique et monétaire 117
Une fois la demande officielle d’aide du FESF formulée par l’État en difficulté, une mission
conjointe, composée d’experts de la Commission européenne, de la BCE et du FMI va se rendre
sur place afin d’établir un programme d’aide adéquat. Ce dernier, baptisé « mémorandum », qui
détermine les conditions des prêts, doit ensuite être approuvé par une décision de l’Eurogroupe
prise à l’unanimité.
Le Fonds européen de stabilité financière peut prêter à plusieurs États en même temps si ces
derniers appartiennent à la zone euro. Mais il ne peut agir seul, sans l’aide de ses deux bras
armés qui sont la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI). La Commis-
sion de Bruxelles peut prêter jusqu’à 60 milliards d’euros, tandis que le FMI peut prêter jusqu’à
250 milliards d’euros, ce qui représente une capacité de prêt totale de 750 milliards d’euros.
Le FESF a été déclenché le 28 novembre 2010 pour la première fois au profit de l’Irlande. Cette
procédure du FESF n’a pas été appliquée à la Grèce car elle n’existait pas encore à l’époque de la
crise grecque.
La première émission obligataire du FESF a été un succès. Cette opération destinée à alimenter le
plan d’aide à l’Irlande est intervenue le 25 janvier 2011. Le directeur du FESF, Klaus Regling, a
parlé d’un « tournant » dans la crise des dettes souveraines.
Le « Mécanisme européen de stabilité » (MES), qui sera intégré au traité européen, succédera
en 2013 au Fonds européen de stabilisation financière. Le Conseil européen de décembre 2010,
qui s’est refusé à augmenter le volume du FESF ou à créer des obligations garanties à l’échelle de
l’Union (eurobonds), a effectivement confirmé la création d’un « mécanisme européen de stabi-
lité » (MES), version européenne du Fonds monétaire international (FMI). Ce MES sera calqué
pour l’essentiel sur le modèle du FESF.
« Les États membres de la zone euro sont autorisés à créer un mécanisme de stabilité qui sera
activé si cela s’avère indispensable pour garantir la stabilité de l’euro dans son ensemble », ont
convenu les Vingt-Sept.
5 V e r s u n go u v e r n e m e n t é c o n o m i q u e d e l ’ U nion
européenne
La crise de la dette grecque a révélé en 2010 les carences de la gouvernance économique au sein
de l’Union européenne. L’ébauche d’un gouvernement économique de l’Union européenne a
d’ailleurs été l’un des principaux thèmes du Conseil européen réuni à Bruxelles le 11 février
2010. À l’issue de ce sommet, le président Sarkozy a affirmé que les dirigeants de l’Union
avaient accepté à l’unanimité l’idée d’un gouvernement économique des 27 proposé par la
France et l’Allemagne. Mais si l’Allemagne s’est ralliée à l’idée défendue par Paris d’un
CHAPITRE 8 – Les institutions de l’Union économique et monétaire 119
Mais le Conseil européen a quasiment écarté l’idée de suspendre les droits de vote au Conseil des
ministres d’un pays en violation grave du pacte de stabilité. Cette proposition de Berlin de créer
une sanction « politique » a suscité beaucoup d’opposition.
Enfin, lors du Conseil européen du 4 février 2011, l’Allemagne et la France ont proposé un
« pacte de compétitivité » visant à renforcer la discipline et la coordination économiques au sein
de la zone euro, une initiative très influencée par Berlin qui voit dans ce projet la condition pour
renforcer le Fonds européen de stabilisation financière (FESF). Le « pacte » envisagé, qui prévoit
que les pays de la zone euro doivent suivre des objectifs communs, notamment en matière de
système de retraite, de politique salariale ou sur la dette publique, avec des plafonds contrai-
gnants, a été contesté par plusieurs pays de l’Union européenne. La Belgique, l’Autriche ou
encore l’Irlande ont considéré que leur « modèle » était menacé. Le Luxembourg, le Portugal et la
Belgique, qui ont des politiques d’indexation automatique des salaires, refusent d’y renoncer. Un
sommet spécifique à ce sujet doit réunir les dirigeants de la zone euro en mars 2011.
CHAPITRE 8 – Les institutions de l’Union économique et monétaire 121
BEI qui regroupe les États membres de l’Union européenne, est à Luxembourg. Elle est parfois
présentée comme la « Banque mondiale » de l’Union européenne par référence à la BIRD. Depuis
1990, elle a prêté plus de 21 milliards d’euros dans les pays candidats à l’adhésion. Enfin, les
agences européennes, qui sont des organismes de droit public européen possédant la personna-
lité juridique, interviennent dans pratiquement tous les domaines d’activité de l’Union
européenne.
Dans ce chapitre, nous étudierons successivement les comités consultatifs, la Banque européenne
d’investissement, et les agences européennes.
Enfin, avec le Traité de Lisbonne, le Comité des régions obtient le droit de saisir la Cour de justice
de l’Union européenne en cas de violation du principe de subsidiarité en ce qui concerne les textes
pour lesquels il est obligatoirement consulté. Il obtient aussi le droit de saisir la Cour de justice
pour défendre ses propres prérogatives.
La BEI dispose de son capital (100 milliards d’euros) qui est souscrit par les États membres selon
une clé de répartition reposant sur le PIB de chacun. Le Conseil des gouverneurs a le pouvoir, en
statuant à l’unanimité, d’augmenter ce capital.
La Banque européenne d’investissement se procure aussi une part importante de ses ressources
avec les emprunts qu’elle peut émettre sur les marchés financiers. Par ailleurs, la Banque a pu
disposer des fonds empruntés par la Commission européenne au titre du Nouvel instrument
communautaire (NIC) ou des emprunts Euratom. La BEI est le premier emprunteur mondial sur les
marchés internationaux des capitaux.
venu de rouvrir le débat sur le rôle des agences et sur leur place dans le système de gouvernance
de l’Union européenne ».
Compte tenu de la banalisation du recours aux agences comme mode de fonctionnement institu-
tionnel de l’Union européenne, certains évoquent un phénomène d’« agenciarisation » (Rapport
d’information du Sénat du 7 octobre 2009 « sur l’évaluation de l’activité des agences
européennes »).
PARTIE 2
Les actes juridiques de l’Union
européenne
Il s’agit ici de rendre compte des actes que prennent les institutions de l’Union européenne. On
s’interrogera successivement sur les diverses sources du droit de l’Union européenne, qui est un
droit largement prétorien, ainsi que sur les principes applicables aux actes juridiques de l’Union.
Les différentes sources
du droit de l’Union CHAPITRE
européenne
La jurisprudence – Les principes généraux du droit – Le droit primaire –
10
Le droit dérivé
L’ordre juridique de l’Union européenne dispose de ses propres sources de droit qui sont diverses.
Le droit de l’Union européenne résulte à la fois de sources écrites et de sources non-écrites. Les
sources du droit de l’Union européenne se caractérisent également par leur hiérarchisation. C’est
la jurisprudence et non les traités qui est venue fixer la hiérarchie des sources du droit européen.
■ La jurisprudence
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne constitue une source importante du
droit de l’Union européenne. On doit notamment à la Cour européenne de Justice les principes de
l’applicabilité directe et de la primauté du droit communautaire sur le droit national qui sont les
piliers sur lesquels repose l’ordre juridique communautaire.
Les arrêts du juge de Luxembourg ont pris une importance considérable dans la formation du droit
européen. La Cour de justice fait appel, on l’a dit, à des méthodes d’interprétation audacieuses et
utilise largement les principes généraux du droit soit pour remédier à certaines lacunes du droit
européen soit pour interpréter certaines dispositions écrites. Le juge communautaire, qui est
confronté aux lacunes des traités constitutifs qu’il est chargé d’interpréter, exerce une véritable
fonction « législative » et contribue au développement du droit communautaire. On a souvent
l’habitude d’évoquer le pouvoir quasi normatif de la Cour de Luxembourg. En raison de son rôle
134 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
– le principe de liberté. Il est étroitement lié aux principes d’égalité et d’unité : libre circulation
des marchandises (CJCE, arrêt du 1er juillet 1969, Commission/Italie, Aff. 24/68, Rec. p. 193 ;
arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral/Bundesmonopolverwaltung für Brantweinn, Aff. 120/78,
Rec. p. 649) et des personnes (CJCE, arrêt du 28 octobre 1975, Rutili/Min. de l’Intérieur, Aff. 36/
75, Rec. p. 1219) ;
– le principe de non-discrimination. Ce principe d’égalité fait l’objet de nombreuses applica-
tions. Il y a le principe de non-discrimination selon la nationalité (CJCE, arrêt du 12 juillet 1984,
Prodest/CPAM Paris, Aff. 237/83, Rec. p. 3153). Il y a aussi l’interdiction des discriminations
fondées sur le sexe (CJCE, arrêt du 15 juin 1978, Defrenne/Sabena, Aff. 149/77, Rec. p. 1365) ;
– le principe d’équilibre institutionnel (CJCE, arrêt du 13 mai 1958, Meroni c/H. A. CECA, Aff.
9/56, Rec. p. 11) ;
– le principe de préférence communautaire. Il s’applique dans le domaine de la politique agri-
cole (CJCE, arrêt du 13 mars 1968, Beus/Hauptzollamt Munich, Aff. 5/67, Rec. p. 126).
d) Les droits fondamentaux
C’est aussi et surtout dans le domaine des droits de l’homme et des droits fondamentaux que les
principes généraux du droit se sont développés. La Cour européenne de Justice a fait pour la
première fois référence aux droits fondamentaux, en 1969, dans l’affaire Stauder.
Dans cet arrêt Stauder du 12 novembre 1969, la Cour a considéré que les droits de la personne
sont intégrés dans les principes généraux du droit communautaire (arrêt Stauder/Ulm-Sozialamt,
Aff. 29/69, Rec. p. 419). Dans son arrêt du 17 décembre 1970, le juge communautaire a affirmé
que « les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour
de justice assure le respect ; que la sauvegarde de ces droits, tout en s’inspirant des traditions
constitutionnelles communes aux États membres, doit être assurée dans le cadre de la structure
et des objectifs de la Communauté » (Internationale Handelsgesellschaft/Einfuhr und Vorrattstelle
für Getreide und Futtermittel, Aff. 11/70, Rec. p. 1125).
Par la suite, le juge communautaire a précisé qu’il convenait aussi de tenir compte des « instru-
ments internationaux concernant la protection des droits de l’homme (...) auxquels les États
membres ont coopéré ou adhéré... » (arrêt du 14 mai 1974, Nold/Commission, Aff. 4/73, Rec.
p. 491). Ce faisant, la Cour de justice a été très souvent conduite à se référer expressément à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) signée le 4 novembre
1950.
La Cour s’est référée à ce texte international ratifié par tous les États membres non pour en faire
une application directe mais pour en dégager des principes généraux du droit communautaire.
Cela s’est produit pour la première fois dans l’arrêt Rutili du 28 octobre 1975, à propos du droit
de séjour d’un ressortissant de la Communauté dans un autre pays membre (Rutili/Ministre de
CHAPITRE 10 – Les différentes sources du droit de l’Union européenne 137
l’Intérieur, Aff. 36/75, Rec. p. 1219). Cela a été aussi le cas en ce qui concerne notamment le droit
de propriété (arrêt du 14 mai 1974, Nold et a/Commission, Aff. 4/73, Rec. p. 491), la discrimina-
tion religieuse (arrêt du 27 octobre 1976, Prais/Conseil, Aff. 130/75, Rec. p. 1589), la protection
de la vie privée (arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, Aff. 136/79, Rec.
p. 2033), le droit à un procès équitable (arrêt du 29 octobre 1980, Landeweyck et a/Commission,
Aff. jtes 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125), le droit au juge (arrêt du 15 mai 1985,
Johnston/Chief constable of the RUC, Aff. 222/84, Rec. p. 1651 ; arrêt du 15 octobre 1987,
UNECTEF/Heylens, Aff. 222/86, Rec. p. 4097) et le droit à la non-rétroactivité des dispositions
pénales (arrêt du 10 juillet 1984, Kent Kirk/Royaume-Uni, Aff. 63/83, Rec. p. 2689).
La Cour de justice de l’Union européenne a également admis qu’il y avait des limites au recours
aux droits fondamentaux. Dans l’affaire Demirel, le juge communautaire a souligné qu’il « ne
peut vérifier la compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme d’une régle-
mentation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire » (CJCE, arrêt du
30 septembre 1987, Demirel/Ville de Schwabisch Gmuend, Aff. 12/86, Rec. p. 3719). Cette juris-
prudence a été reprise, en 1991, dans l’affaire ERT (CJCE, arrêt du 18 juin 1991, ERT AE/Dimotiki
Étairia Plioroforissis et a, Aff. C. 260/89, Rec. p. I.2925).
Tout comme la Cour européenne de Justice, d’autres institutions de l’Union ont affirmé leur inten-
tion de tenir compte de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’applica-
tion du droit communautaire. Ainsi, dans une déclaration interinstitutionnelle du 5 avril 1977, la
Commission, le Conseil et le Parlement ont insisté sur « l’importance primordiale qu’ils attachent
au respect des droits fondamentaux tels qu’ils résultent notamment des Constitutions des États
membres ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales » (JOCE, nº C. 103 du 27 avril 1977).
D’autre part, dans son préambule, l’Acte unique européen a fait mention des droits fondamen-
taux reconnus par les Constitutions et les lois des pays membres, par la Convention européenne
des droits de l’homme (CEDH) et par la charte sociale européenne. Dès 1979, la Commission
européenne avait préconisé une adhésion de la Communauté à la Convention européenne des
droits de l’homme (CEDH).
De son côté, le Parlement de Strasbourg a adopté, le 12 avril 1989, une déclaration des droits et
libertés fondamentaux. Mais il n’est pas parvenu à obtenir l’inscription du principe d’une adhésion
à la Convention européenne des droits de l’homme dans le Traité de Maastricht. Il n’a pas non
plus réussi à faire mentionner sa déclaration des droits et libertés fondamentaux de 1989 dans ce
texte.
On notera que le Traité de Maastricht est venu simplement consacrer la jurisprudence de la Cour
de justice en indiquant que « l’Union respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (...) et tels qu’ils résultent des
138 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
traditions constitutionnelles communes aux États membres en tant que principes du droit commu-
nautaire ». Le Traité d’Amsterdam de 1997 a ensuite rappelé l’importance de la Convention euro-
péenne des droits de l’homme (CEDH).
Le Traité de Lisbonne de 2007 a prévu, quant à lui, l’adhésion de l’Union européenne à cette
Convention (CEDH). L’article 6 du Traité sur l’Union européenne (TUE) précise que cette adhésion
ne modifiera pas « les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités ».
L’adhésion de l’Union européenne à la CEDH, qui renforcera la cohérence du système européen
de protection des droits fondamentaux, est également prévue par l’article 59 de la CEDH telle
qu’amendée par le Protocole nº 14.
Le 17 mars 2010, la Commission a proposé des directives de négociation en vue de l’adhésion de
l’Union à la CEDH. Le 4 juin 2010, les ministres de la Justice de l’Union ont mandaté la Commis-
sion pour conduire les négociations en leur nom. Les pourparlers officiels sur l’adhésion de l’Union
à la CEDH ont commencé le 7 juillet 2010 avec la réunion de Thorbjørn Jagland, le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, et de Viviane Reding, vice-présidente de la Commission
européenne.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a été proclamée lors du
Conseil européen de Nice en décembre 2000, apparaît comme le socle de référence des valeurs
communes des pays membres de l’Union qui cherchent à développer leur intégration. Elle va plus
loin que la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe avec l’affirma-
tion de droits sociaux, constitutifs d’un certain modèle social européen. Elle innove aussi avec
l’introduction de droits dits de la « troisième génération » (protection de l’environnement, protec-
tion de la propriété intellectuelle...) et répond ainsi aux préoccupations actuelles de la société. La
Charte des droits fondamentaux, qui a été proclamée pour la seconde fois, le 12 décembre 2007
à Strasbourg, par trois institutions de l’Union européenne (le Premier ministre portugais, José
Socrates, pour le Conseil, le président de la Commission, José Manuel Barroso, et celui du Parle-
ment, Hans-Gert Pöttering) n’est pas reprise in extenso dans le Traité de Lisbonne de 2007. Elle
fait toutefois l’objet d’une référence lui donnant une force juridique contraignante. Le
Royaume-Uni qui la juge trop contraignante en matière notamment de droit social, a obtenu une
clause dite d’opting out. La Pologne comme la République tchèque est également exemptée de
l’application de la Charte.
■ Le droit primaire
Le droit primaire (ou originaire) est constitué par les trois traités instituant les Communautés, y
compris les protocoles et déclarations qui leur sont joints, tel que modifiés ou adaptés en fonction
de l’évolution de la construction européenne.
Le Traité de Paris du 18 avril 1951, qui est entré en vigueur le 23 juillet 1952, a créé la Commu-
nauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), une idée lancée en 1950 par Robert Schuman
et Jean Monnet qui apparaissent comme les pères fondateurs de l’Europe. Les deux Traités
de Rome du 25 mars 1957 sont à l’origine de la Communauté économique européenne (CEE) et
de la Communauté européenne de l’énergie atomique (EURATOM).
De nombreux actes sont venus par la suite enrichir ou modifier les trois traités de base (CECA,
CEE, EURATOM) qui ont institué trois communautés distinctes :
– la convention relative à certaines institutions communes (Parlement européen, Cour de justice),
signée et entrée en vigueur en même temps que les deux traités de Rome ;
– le protocole de Bruxelles du 11 avril 1957 sur la Cour de justice des Communautés
européennes ;
– le Traité de Bruxelles signé le 8 avril 1965 et le protocole unique sur les privilèges et immunités
des Communautés européennes, entré en vigueur en août 1967. Ce traité, appelé aussi Traité
de « fusion des exécutifs », est entré en vigueur le 1er janvier 1967 : il a institué une Commission
et un Conseil uniques ;
– deux traités budgétaires : le Traité de Luxembourg du 22 avril 1970 qui est entré en vigueur le
1er janvier 1971 et le Traité de Bruxelles du 22 juillet 1975 qui est entré en vigueur le 1er juin
1977. Ces deux traités, qui ont apporté des modifications aux traités constitutifs, sont venus
accroître les compétences budgétaires de l’Assemblée des Communautés européennes. Le
Traité de Bruxelles de 1975 a permis la création de la Cour des comptes des communautés
européennes ;
– les décisions « ressources propres » : la décision du Conseil du 21 avril 1970 portant création de
ressources propres de la Communauté a été remplacée par la décision du 7 mai 1985 puis par
celles du 24 juin 1988 et du 31 octobre 1994 ;
– la décision du Conseil du 20 septembre 1976 relative à l’élection au suffrage universel direct des
représentants à l’Assemblée européenne ;
– les Traités d’adhésion de 1972 (Danemark, Irlande, Angleterre), de 1979 (Grèce), de 1985
(Portugal, Espagne), de 1994 (Autriche, Finlande, Suède), de 2003 (Pologne, Hongrie, Répu-
blique tchèque, Lituanie, Estonie, Slovaquie, Slovénie, Lettonie, Malte, Chypre) et de 2005
140 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
(Bulgarie et la Roumanie). Ces accords d’adhésion successifs sont assimilables aux traités
fondateurs ;
– le Traité de Bruxelles sur le Groenland signé le 13 mars 1984. Il est entré en vigueur le 1er février
1985 ;
– l’Acte unique européen signé les 17 et 18 février 1986 à Luxembourg et à La Haye est entré en
vigueur le 1er juillet 1987. Ce texte, qui est venu relancer l’activité communautaire, modifie sur
de nombreux points le Traité de Rome ;
– le Traité de Maastricht sur l’Union européenne signé le 7 février 1992 dont les titres II, III et IV
apportent des modifications aux traités instituant les Communautés européennes. Il a constitué
une étape cruciale de la construction européenne ;
– le Traité d’Amsterdam, qui a été adopté en juin 1997 au sommet d’Amsterdam et signé le
2 octobre 1997 par les chefs d’État et de gouvernements des Quinze, est entré en vigueur le
1er mai 1999. La France est le dernier État à avoir ratifié ce Traité européen et les instruments
de ratification ont été transmis au gouvernement Italien dépositaire du Traité de Rome du
25 mars 1957. Il était prévu que le Traité d’Amsterdam entrerait en vigueur deux mois après la
dernière ratification nationale. Le Traité d’Amsterdam étend la règle de la majorité qualifiée au
Conseil des ministres. Il vient également rééquilibrer les pouvoirs des institutions en faveur de
l’Europarlement. Il consacre aussi un espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce traité ne
comporte aucune modification des procédures prévues par le Traité de Maastricht dans le
domaine de l’UEM ;
– le Traité de Nice, qui a été négocié lors d’un sommet-marathon de cinq jours en décembre 2000,
est entré en vigueur le 1er février 2003. Le texte précise qu’il « entrera en vigueur le premier jour
du deuxième mois suivant le dépôt de l’instrument de ratification de l’état signataire qui procé-
dera le dernier à cette formalité ». L’Irlande a été le dernier des Quinze États de l’Union euro-
péenne à ratifier le Traité de Nice, à l’occasion d’un second référendum sur la question organisé
en octobre 2002. Les autorités irlandaises ont déposé en décembre 2002 les instruments de rati-
fication auprès du gouvernement italien, qui est dépositaire des traités européens ;
– le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 met fin à plusieurs années de négociations à
propos des questions institutionnelles. Il modifie les traités en vigueur, mais ne les remplace
pas. Il renoue donc avec la méthode consistant à modifier les traités existants, une méthode
utilisée notamment pour compléter et adapter les Traités de Maastricht, d’Amsterdam et
de Nice. Ce texte, qui a vocation à améliorer le fonctionnement de l’Union européenne et sa
visibilité dans le monde, est le premier traité européen signé par les pays membres de l’Union
dont la pleine mise en œuvre va demander une dizaine d’années. Il est entré en vigueur le
1er décembre 2009 à la suite de la ratification de la République tchèque.
CHAPITRE 10 – Les différentes sources du droit de l’Union européenne 141
Les protocoles et déclarations annexés aux traités constitutifs appartiennent également au droit
communautaire originaire. Notons que le Traité de Maastricht comporte 17 protocoles et 33
déclarations.
Le Traité de Lisbonne compte lui aussi de nombreux protocoles ainsi que quarante et une déclara-
tions auxquelles il faut ajouter des déclarations qui sont propres à certains États.
Les protocoles ont la même valeur juridique contraignante que les traités et en font partie inté-
grante. Ils abordent souvent des questions importantes. S’agissant du Traité de Lisbonne, on peut
citer par exemple le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité
ou celui sur l’application de la Charte des droits fondamentaux à la Pologne et au Royaume-Uni.
En revanche, les déclarations se distinguent des protocoles par leur absence de valeur juridique
contraignante. Mais elles permettent de mieux cerner ce que les États membres entendent par
telle ou telle disposition des traités.
Les traités déterminent le champ d’application du droit européen dans le temps et dans l’espace.
Le Traité CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) a été conclu pour une
période de cinquante ans. Par contre, les deux Traités de Rome ont été conclus pour une durée
illimitée. Le Traité de Maastricht, quant à lui, fait référence à une conférence intergouvernemen-
tale de révision (CIG). Le champ d’application dans l’espace est fixé d’une manière différente par
chaque Traité fondateur.
Les traités d’origine sont des traités internationaux et non la « Constitution » de l’Union euro-
péenne même s’ils jouent en fait le rôle d’une Constitution. Toutefois, il arrive que le juge commu-
nautaire utilise la formule de « charte constitutionnelle de base » pour qualifier les traités constitu-
tifs (CJCE, 23 avril 1996, Parti écologiste Les Verts/Parlement européen, Aff. 294/83, Rec. p. 1339 ;
avis C. 1/91 du 14 décembre 1991, EEE, Rec. p. 16079).
Le droit primaire prévaut à la fois sur le droit dérivé et sur les accords que l’Union conclut avec des
pays-tiers, seule ou conjointement avec les États membres (accords externes). Les traités, qui sont
au sommet de la « pyramide » des normes européennes, prévalent également sur les accords entre
États membres et sur les accords conclus par les pays membres avec des États tiers, après l’entrée
en vigueur des traités constitutifs.
■ Le droit dérivé
Le Traité de Rome donne aux organes de l’Union un important pouvoir décisionnel pour sa mise
en œuvre. Le droit dérivé ou « secondaire » est constitué par l’ensemble des actes juridiques,
unilatéraux ou conventionnels adoptés par les institutions. C’est l’article 288 du TFUE (ex-art. 249,
CE) qui énumère les actes de droit dérivé : « Pour exercer les compétences de l’Union, les
142 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des
avis ». Le Traité de Lisbonne distingue donc 5 instruments juridiques qui s’appliquent de manière
indifférenciée à l’ensemble des politiques de l’Union.
La pratique institutionnelle a ajouté aux actes unilatéraux visés par l’article 288 du TFUE
(ex-article 249, CE) des actes dits « innomés ». Ces actes non prévus par les traités, qui ont proli-
féré sous des formes diverses, peuvent être source de droit communautaire dans certaines circons-
tances. À l’évidence, le droit dérivé constitue une masse de textes bien plus importante que le
droit originaire. Il représente la source essentielle du droit de l’Union européenne.
Il importe ici d’exposer les différentes catégories d’actes de droit dérivé.
a) Le règlement
L’article 288 du TFUE (ex-249 CE) définit le règlement comme un acte de portée générale, obliga-
toire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les États membres. Le règlement,
qui correspond à la loi ou au règlement général dans l’ordre interne, s’applique à « des situations
déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes
envisagées de manière générale et abstraite » (CJCE, 11 juillet 1968, Zuckerfabrick Watenstedt,
Aff. 6/68, Rec. p. 596). Le règlement est par définition un acte normatif. Le règlement est obliga-
toire dans tous ses éléments. Cet acte juridique de l’Union ne peut donc pas faire l’objet d’une
application sélective ou partielle. Le règlement est directement applicable « dans » tous les États
membres, ce qui signifie qu’il a une validité automatique dans l’Union et qu’il est apte à créer,
sans aucune interposition normative nationale, des droits et/ou des obligations aux États
membres, à leurs organes et aux particuliers.
Le juge communautaire attribue un effet direct à chacune des dispositions du règlement :
« (...) En raison de sa nature même et de sa fonction dans le système des sources de droit commu-
nautaire, il (le règlement) produit des effets immédiats et est, comme tel, apte à conférer aux
particuliers des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger (...) » (CJCE, arrêt
du 14 décembre 1971, Politi, Aff. 43/71, Rec. p. 1039).
On signalera que le règlement est la seule catégorie d’acte pour laquelle les traités prévoient
expressément l’effet direct.
Le juge communautaire veille au respect du principe de l’applicabilité directe du règlement. Il a
condamné, d’une manière constante, toute pratique de reproduction des règlements par des
actes nationaux. Ainsi, dans un arrêt de 1975, la Cour européenne de Justice a estimé que
« l’applicabilité directe d’un règlement exige que son entrée en vigueur et son application en
faveur ou à la charge des sujets de droit se réalisent sans aucune mesure portant réception dans
CHAPITRE 10 – Les différentes sources du droit de l’Union européenne 143
le droit national » (CJCE, 10 octobre 1975, Variola c/Administration des finances italiennes, Aff.
34/73, Rec. p. 981).
Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne peut accepter exceptionnellement des
mesures nationales de transposition du règlement lorsque « le règlement en cause laisse le soin
aux États membres de prendre eux-mêmes les mesures législatives, réglementaires, administratives
et financières nécessaires pour que les dispositions dudit règlement puissent être effectivement
appliquées » (CJCE, 30 novembre 1978, Bussonne c/Ministère Italien de l’Agriculture, Aff. 31/78,
Rec. p. 2429). De plus, dans le cadre de ces mesures, les pays membres ne peuvent « prendre
des mesures ayant pour objet de modifier la portée du règlement ou d’ajouter à ses dispositions »
(CJCE, 18 février 1970, Bollmann, Aff. 40/69, Rec. p. 81).
Le règlement doit obligatoirement être publié au Journal officiel de l’Union européenne. Il entre
en vigueur « à la date qu’il fixe ou, à défaut, vingt jours après sa publication au Journal officiel
de l’Union européenne ».
Le règlement ne doit pas être publié dans les publications officielles des États membres. Cela serait
contraire au principe de l’applicabilité directe du règlement.
b) La directive
L’article 288 du TFUE (ex-249 CE) dispose que « la directive lie tout État membre destinataire
quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la
forme et aux moyens ». La directive, comme le règlement, peuvent avoir pour auteur la Commis-
sion européenne ou le Conseil de l’Union européenne. La directive est une « méthode de législa-
tion à deux étages » (Pierre Pescatore) qui s’apparente à la technique de la loi-cadre.
« Au niveau communautaire sont arrêtés la ligne politique et le modèle législatif ; ensuite, il appar-
tient aux États membres de traduire ce modèle dans leurs catégories nationales » (Pierre Pesca-
tore). Ce type d’instrument juridique a été utilisé de préférence au règlement pour assurer la
mise en œuvre du marché intérieur européen.
La directive n’a pas de portée générale et cela à la différence du règlement qui comporte des pres-
criptions générales, impersonnelles et abstraites. La directive ne s’adresse pas aux particuliers. Elle
a pour destinataires des États membres. Elle ne lie que le ou les États membres à qui elle est noti-
fiée. En général, elle s’adresse à tous les États membres.
Les États ont l’obligation de procéder à la transcription de la directive dans leurs droits nationaux
dans les délais impartis par la directive elle-même. Il s’agit d’une obligation quant aux résultats à
atteindre. Les autorités nationales disposent en principe d’une totale liberté quant aux formes et
aux moyens à mettre en œuvre pour parvenir à ce résultat. Elles vont choisir les actes internes
contraignants qui leur semblent les plus adaptés aux exigences de la transposition. Le juge
144 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
communautaire exige que l’on recoure à des actes juridiques contraignants pour transposer les
directives en droit interne. Il condamne l’utilisation de « simples pratiques administratives, par
nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate » (CJCE,
15 mars 1983, Commission c/Italie, Aff. 145/82, Rec. p. 718).
On remarquera que le recours à des directives très précises, très détaillées, a fait l’objet de criti-
ques de la part des États membres et cela depuis très longtemps. Les États membres ont réitéré
leur condamnation de cette pratique à l’occasion du Conseil européen d’Édimbourg, en
décembre 1992 : « La Communauté ne doit légiférer que dans la mesure nécessaire. Toutes
choses égales par ailleurs, il convient de donner la préférence aux directives par rapport aux règle-
ments, et aux directives cadres par rapport aux mesures plus détaillées ». Force est de reconnaître
que des directives trop précises obligent les États destinataires à reprendre purement et simplement
les dispositions des directives dans les mesures de transposition. Il convient de signaler que la
Commission européenne s’est efforcée, à partir de 1987, d’adopter une « nouvelle approche »
favorisant les directives-cadres ; cette « nouvelle approche » reposant sur le principe de la recon-
naissance mutuelle des législations des États membres après harmonisation des seules règles indis-
pensables a eu quelques résultats positifs.
Le juge communautaire estime que « si l’article 189 réserve l’applicabilité directe aux règlements :
il n’en résulte pas que d’autres catégories d’actes visés par cet article ne puissent jamais produire
d’effet analogue ». Il convient « d’examiner, dans chaque cas, si la nature, l’économie et les
termes de la disposition en cause (sont) susceptibles de produire des effets directs dans les rela-
tions entre les États membres et les particuliers » (CJCE, arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn,
Aff. 41/74, Rec. p. 1337).
La Cour de Luxembourg estime que les dispositions des directives sont susceptibles d’effet direct,
si elles sont « inconditionnelles » et « suffisamment précises » (voir CJCE, arrêt du 5 avril 1979,
Ratti, Aff. 148/78, Rec. p. 1269, et arrêt du 1er juillet 1993, Van Cant, Aff.157/92).
Le juge communautaire a aussi précisé qu’une disposition d’une directive est privée d’effet direct si
elle confère une grande marge d’appréciation à l’autorité nationale pour sa mise en œuvre (CJCE,
arrêt du 2 août 1993, Marshall, Aff. C. 271/91, Rec. p. 4367). De plus, la directive n’est invocable
qu’après expiration du délai de transposition.
La Cour de justice a renforcé les effets des directives en permettant au justiciable de demander au
juge national d’engager la responsabilité de l’État pour défaut de transposition de directive (CJCE,
arrêt du 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, Aff. jtes C. 6/90 et C. 9/90, Rec. p. 5357).
Les directives adressées à tous les États membres sont obligatoirement publiées au Journal officiel
de l’Union européenne (JOUE). Cette publication au JOUE est une condition de leur validité. Les
CHAPITRE 10 – Les différentes sources du droit de l’Union européenne 145
directives entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur
publication. La Commission européenne surveille l’application des directives.
Dans sa décision du 10 juin 2004 relative à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, le
Conseil constitutionnel indique qu’il s’interdit de censurer une loi qui ne ferait que transposer une
directive en droit interne. Une telle transposition « résulte d’une exigence constitutionnelle à
laquelle il ne pourrait faire obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire à la
Constitution ».
Dans sa décision nº 2006-540 DC du 27 juillet 2006 concernant la loi relative au droit d’auteur et
aux droits voisins dans la société de l’information, le Conseil a précisé que « la transposition d’une
directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitution-
nelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ».
Enfin, dans son important arrêt d’assemblée du 30 octobre 2009 (Mme Perreux), le Conseil d’État a
reconnu la possibilité pour tout justiciable de se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un
acte administratif même non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une
directive lorsque l’État n’a pas pris, dans les délais impartis par elle, les mesures de transposition
nécessaires.
En application de la jurisprudence Cohn-Bendit (CE, ass., 22 déc. 1978, Min. int. c/Cohn-Bendit), il
était considéré, jusqu’ici, qu’un justiciable ne pouvait, à l’appui d’un recours contre une décision
administrative individuelle, invoquer directement une disposition d’une directive, même si l’État
avait été défaillant dans son obligation de transposition.
Notons que, depuis 2004, la situation de la France en matière de transposition des directives s’est
nettement améliorée, en raison notamment d’une meilleure programmation de l’activité des
services des ministères en charge des questions européennes. On rappellera que pour rattraper le
retard dans la transposition des directives, le gouvernement français avait souhaité, en 2004,
recourir à la procédure des ordonnances. Cette procédure expéditive avait déjà été utilisée en
2001 pour faire adopter une cinquantaine de textes d’origine communautaire.
c) La décision
« La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires, elle
n’est obligatoire que pour ceux-ci » (art. 288 alinéa 4 du TFUE). Avec le Traité de Lisbonne, la déci-
sion perd son caractère exclusivement individuel. Ce même Traité de Lisbonne reconnaît indirecte-
ment que la décision puisse avoir un caractère législatif dans la mesure où les décisions peuvent
être adoptées par le Conseil et le Parlement européen suivant une procédure législative ordinaire
ou spéciale (art. 289, TFUE).
146 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
La décision est un acte dépourvu de portée générale. La décision peut s’adresser à un individu,
une entreprise ou un État membre et lui attribuer des droits ou des obligations. Lorsque la déci-
sion est adressée à un État auquel elle fixe un objectif à atteindre, elle n’est pas sans rappeler la
directive.
Comme le règlement, la décision est obligatoire dans tous ses éléments.
La décision est d’effet direct. Aucune mesure nationale de réception n’est nécessaire. Il en va ainsi
même si l’applicabilité directe de la décision n’est pas expressément mentionnée dans l’article 288
alinéa 4 du TFUE.
Le juge communautaire estime « qu’il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 189
du Traité reconnaît à la décision d’exclure en principe que l’obligation qu’elle prévoit puisse être
invoquée par les personnes concernées » (CJCE, 10 novembre 1992, Hansa Fleisch, Aff.156/91,
Rec. p. 5589).
d) La recommandation et l’avis
L’article 288 du TFUE (ex- 249, CE) dispose que « les recommandations et les avis ne lient pas ».
Ces actes ne font pas grief et ne sont pas susceptibles de recours devant la Cour de justice de
l’Union européenne.
Les avis donnent la possibilité aux institutions d’exprimer une opinion. Il importe de distinguer ces
avis, qui ne sont pas susceptibles de créer des droits ou des obligations, des avis conformes que le
Parlement européen est habilité à rendre. Les recommandations, quant à elles, incitent les États à
adopter une ligne de conduite.
Les avis et les recommandations sont dépourvus de toute force obligatoire. À la différence des
autres normes, ils ne lient pas leur destinataire. Cela étant admis, le juge communautaire estime
que les juges nationaux « sont tenus de prendre les recommandations en considération en vue
de la solution des litiges qui leur sont soumis, notamment quand elles sont de nature à éclairer
l’interprétation d’autres dispositions nationales ou communautaires » (CJCE, 13 décembre 1989,
Grimaldi, Aff. C. 322/88, Rec. p. 4407).
Enfin, on remarquera que les États membres considèrent que « les mesures non contraignantes,
telles que les recommandations, doivent être privilégiées lorsqu’elles sont appropriées » (voir les
conclusions du Conseil européen d’Édimbourg des 11 et 12 décembre 1992).
nombreux. Ces actes hors nomenclature sont l’expression d’une soft law au sein de l’Union. Seuls
ceux de ces actes qui produisent des effets de droit tombent sous le contrôle du juge communau-
taire et cela conformément à la célèbre jurisprudence « AETR » (CJCE, arrêt du 31 mars 1971,
Commission c/Conseil (AETR), Aff. 22/70, Rec. p. 263).
Il y a les actes internes qui concernent le fonctionnement comme l’organisation des institutions
européennes. Les règlements intérieurs, par exemple, entrent dans cette catégorie d’actes
innomés. Ces actes ne sont pas dépourvus de toute force contraignante. Ainsi, le juge commu-
nautaire a prononcé l’annulation d’une directive du Conseil de l’Union qui méconnaissait le règle-
ment intérieur du Conseil (CJCE, arrêt du 23 janvier 1988, Royaume-Uni c/Conseil, Aff. 68/86, Rec.
p. 890).
Il faut citer également les résolutions, codes de conduite, communications ou programmes
d’action qui appartiennent aussi à la catégorie des actes innomés. Ces actes non prévus par les
traités ont pour but essentiel d’exprimer les intentions d’une institution. Notons que les communi-
cations de la Commission ont connu un développement exceptionnel. Certaines communications
de la Commission européenne tendent à acquérir un caractère normatif.
C’est le cas, par exemple, de la communication relative à la coopération entre la Commission
européenne et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 du Traité
CE. Enfin, il y a aussi les déclarations communes ou accords inter-institutionnels du Conseil de
l’Union européenne, de la Commission européenne et du Parlement européen.
Les actes de droit dérivé doivent respecter le droit primaire. Ils doivent également respecter les
principes généraux du droit ainsi que les accords externes.
Certains actes législatifs peuvent être adoptés sur initiative d’un groupe d’États membres ou du
Parlement européen, sur recommandation de la Banque centrale européenne ou sur demande de
la Cour de justice ou de la Banque européenne d’investissement.
On notera que dans le domaine de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), l’adop-
tion d’actes législatifs est exclue. Le Traité de Lisbonne a prévu des instruments juridiques spécifi-
ques pour la PESC (décisions PESC) comme pour la Politique extérieure de sécurité et de défense
(décisions PESD), avec à l’origine de ces actes, soit un pays membre, soit le Haut représentant de
l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité seul, soit le Haut représentant de
l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité avec le soutien de la Commission
européenne.
2) Les actes délégués (art. 290, TFUE)
Un acte législatif peut déléguer à la Commission européenne le pouvoir d’adopter des actes non
législatifs de portée générale (sous la forme de règlement, de directives et de décision) qui
complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif.
Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la
délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d’un domaine sont réservés à l’acte législatif et ne
peuvent donc pas faire l’objet d’une délégation de pouvoir.
Les actes législatifs fixent explicitement les conditions auxquelles la délégation est soumise.
L’adjectif « délégué » ou « déléguée » est inséré dans l’intitulé des actes délégués.
3) Les actes d’exécution (art. 291, TFUE)
Lorsque des conditions uniformes d’exécution des actes juridiquement contraignants de l’Union
européenne sont nécessaires, ces actes confèrent, sous la forme de règlement, des compétences
d’exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus
aux articles 24 et 26 du TUE, au Conseil. Le mot « d’exécution » est inséré dans l’intitulé des
actes d’exécution.
Les principes
applicables aux actes CHAPITRE
juridiques de l’Union
Le principe d’immédiateté – Le principe d’applicabilité directe – Le principe de
11
primauté – Le principe de subsidiarité
L’ordre juridique communautaire repose sur plusieurs grands principes que l’on étudiera
successivement. Il y a tout d’abord le principe d’immédiateté du droit de l’Union européenne qui
a été formalisé dès 1964 par le juge communautaire. Le principe de l’applicabilité directe est
également un autre principe cardinal de l’ordre communautaire. Il est l’une des « caractéristiques
essentielles de l’ordre juridique communautaire » (CJCE, 14 décembre 1991, avis 1-91, I. 6079,
point 21). L’applicabilité directe du droit de l’Union européenne est une conséquence du caractère
autonome de ce droit. Le principe de primauté est, lui aussi, un grand pilier juridique de l’ordre
communautaire. Il apparaît comme le vecteur « d’une force de pénétration irrésistible dans l’ordre
juridique des États membres » (Guy Isaac).
Enfin, nous étudierons le principe de subsidiarité qui tend à limiter le domaine du droit commu-
nautaire. Ce principe controversé s’applique à l’ensemble de l’Union et fait l’objet d’un contrôle
juridictionnel a posteriori par la Cour de justice de l’Union européenne. Cette notion inhérente à
l’unification européenne a été introduite dans le Traité de Maastricht pour « compenser l’élimina-
tion des mots "vocation fédérale" qui étaient insupportables aux Britanniques » (Jean Charpentier).
On remarquera que ce principe, qui a été l’un des fondements de la doctrine sociale de l’Église,
est présent dans le système fédéral de l’Allemagne ou encore dans celui de la Suisse.
1 Le principe d’immédiateté
Ce principe signifie que le droit de l’Union européenne est de nature à produire des effets dans le
droit interne des États membres sans être préalablement transposé dans une loi ou un règlement
interne à l’état membre. Les actes juridiques de l’Union sont intégrés de plein droit dans l’ordre
150 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
interne des États, sans nécessiter une quelconque procédure de transformation (en droit interne)
ou de réception. Ce principe d’immédiateté est l’expression d’une conception moniste et non
dualiste des relations entre le droit communautaire et le droit interne des États membres. Il a été
clairement affirmé par la Cour de justice de l’Union européenne dans son fameux arrêt Costa
contre ENEL du 15 juillet 1964 : « À la différence des traités internationaux ordinaires, le Traité de
la CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres lors de
l’entrée en vigueur du Traité et qui s’impose à leurs juridictions ».
directement applicables ont pour effet, dans leurs rapports avec le droit interne des États
membres, non seulement de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en
vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale existante, mais encore – en tant
que ces dispositions et actes font partie intégrante, avec rang de priorité, de l’ordre juridique
applicable sur le territoire de chacun des États membres – d’empêcher la formation valable de
nouveaux actes législatifs nationaux dans la mesure où ils seraient incompatibles avec des normes
communautaires » (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Administration des Finances c/Simmenthal, Aff.
106/77, Rec. p. 629).
Le principe d’applicabilité directe est dépourvu de portée générale. Seules les normes euro-
péennes, qui remplissent certaines conditions (précision, clarté, inconditionnalité) peuvent produire
des effets directs. C’est la Cour de justice qui est parvenue à déterminer les critères communau-
taires de l’effet direct. D’autre part, l’effet direct a une intensité variable. Il existe ce que l’on
appelle l’« effet direct vertical » et l’« effet direct horizontal ». L’effet direct est dit vertical lorsque
la norme de droit communautaire ne peut être invoquée que par un particulier à l’encontre d’un
État membre. L’effet direct est dit horizontal lorsque la norme communautaire pourra être invo-
quée non seulement à l’égard de l’autorité nationale mais aussi dans les relations entre
particuliers.
Il se révèle nécessaire de préciser l’applicabilité directe des différentes normes communautaires.
On distinguera l’effet direct du droit communautaire originaire de l’effet direct du droit commu-
nautaire dérivé.
3 Le principe de primauté
Aucune disposition des traités fondateurs n’affirme de façon explicite la primauté du droit
communautaire qui est, selon l’expression du juge Pescatore, « une condition existentielle » de ce
droit. C’est la Cour de justice qui a pris clairement position en faveur de la supériorité du droit
communautaire sur les droits nationaux. L’ordre juridique communautaire prime l’ordre juridique
des pays membres, et cela sans qu’il soit possible à un État de faire valoir la réserve de réciprocité.
À cet égard, la jurisprudence de la Cour européenne de Justice est constante.
C’est tout d’abord dans le célèbre arrêt Costa c/ENEL du 15 juillet 1964 que le juge communau-
taire a consacré le principe de la primauté du droit communautaire :
« Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’issu d’une source autonome, le droit né
du Traité ne pourrait donc en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement
opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que
soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ; que le transfert opéré par les
États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et
obligations correspondant aux dispositions du Traité entraîne donc une limitation définitive de
leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible
avec la notion de Communauté (...) ».
La jurisprudence de la Cour européenne de Justice est venue confirmer cette décision fondatrice
de 1964. Ainsi, dans l’arrêt Simmenthal du 9 mars 1978, le juge communautaire a estimé que
« le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit
communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappli-
quée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même
154 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie
législative ou par tout autre procédé constitutionnel ».
Selon la formule de Robert Kovar, le principe de primauté signifie que « le droit communautaire
l’emporte dans sa totalité sur l’ensemble des règles nationales ». La primauté du droit communau-
taire s’impose à toutes les normes de droit interne, quel que soit leur rang : Constitution, loi,
textes administratifs... Dans un arrêt de 1970, la Cour de justice a affirmé avec force que « le
droit né du Traité, issu d’une source autonome, ne pourrait, en raison de sa nature, se voir judi-
ciairement opposer des règles de droit national quelles qu’elles soient, sans perdre son caractère
communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même »
(CJCE, arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft Gmbh/Einfuhr-und
Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, Aff. 11/70, Rec. p. 1125).
La primauté du droit de l’Union européenne joue également aussi bien vis-à-vis du droit interne
antérieur que du droit national postérieur. Cette primauté, qui englobe l’intégralité des sources
du droit de l’Union européenne – les traités constitutifs, le droit dérivé – s’impose à tous les
organes de l’État membre.
L’article 55 de la Constitution de la Ve République offre incontestablement un fondement juridique
au principe de la primauté du droit de l’Union européenne sur la législation nationale. Selon cette
disposition constitutionnelle, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou
Traité, de son application par l’autre partie ».
C’est du reste en application de l’article 55 de la Constitution française, que le juge judiciaire a tiré
toutes les conséquences du principe de primauté du droit communautaire. Dans son arrêt Jacques
Vabre du 24 mai 1975, la Cour de cassation a fait prévaloir le Traité CEE sur une loi postérieure. Il
s’agissait en l’espèce d’un texte de valeur législative du Code des Douanes postérieur au Traité
CEE. Par la suite, le juge judiciaire a étendu cette jurisprudence au droit dérivé.
À la différence du juge judiciaire, le juge administratif a été hostile pendant longtemps à la
primauté du droit communautaire sur le droit interne. Il a fallu attendre l’arrêt Nicolo du
20 octobre 1989 pour que le juge administratif français revienne sur sa jurisprudence Syndicat
des fabricants de semoule du 1er mars 1968 et accepte de faire prévaloir le Traité de Rome sur
une loi postérieure.
En effet, dans cet arrêt de principe de 1989, qui opère un revirement jurisprudentiel attendu, le
Conseil d’État vient reconnaître, après la Cour de cassation, la supériorité des traités régulièrement
ratifiés ou approuvés sur une loi postérieure. C’est en faisant référence au texte constitutionnel de
1958 et non à la thèse de la spécificité de l’ordre juridique communautaire, que le Conseil d’État a
accepté la primauté du droit européen sur le droit français. Cette jurisprudence a ensuite été
CHAPITRE 11 – Les principes applicables aux actes juridiques de l’Union 155
élargie au bénéfice d’actes de droit dérivé. Dans l’arrêt Boisdet du 24 septembre 1990, le Conseil
d’État a fait prévaloir un règlement sur un texte législatif.
Dans l’arrêt du 28 février 1992 SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, le
juge administratif a admis la primauté d’une directive. On remarquera que la France a été le
dernier État à avoir reconnu la supériorité du droit européen sur le droit national.
Enfin, dans son importante décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel affirme quant à lui
la primauté et l’autonomie du droit communautaire dérivé.
À la demande du Royaume-Uni, la primauté du droit européen sur le droit national n’est pas
affirmée dans un article spécifique du Traité de Lisbonne. Mais ce principe, qui était expressément
énoncé dans l’un des premiers articles de la Constitution européenne, a fait l’objet d’une déclara-
tion annexe (nº 27) renvoyant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Un
avis du Service juridique du Conseil est également annexé qui indique que « le fait que le principe
de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni
la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice ».
4 Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité a été introduit parmi les éléments institutionnels de l’Union européenne
par le Traité de Maastricht. Selon ce principe, qui est au cœur du Traité de Maastricht, l’Union
européenne n’intervient que dans la mesure où elle est susceptible d’agir plus efficacement que
les États membres. Plus précisément, dans les secteurs qui échappent à la compétence exclusive
de l’Union européenne, la Communauté n’interviendra que lorsque l’objectif de l’action envisagée
ne pourra être réalisé de manière suffisante par les États membres.
Lors de la négociation du Traité de Maastricht, le Royaume-Uni a préconisé l’adoption du principe
de subsidiarité afin de contenir l’expansionnisme communautaire, afin de réduire le développe-
ment des compétences communautaires. Ce principe a été aussi revendiqué par l’Allemagne qui
souhaitait par ce biais assurer la protection des compétences de ses Länders.
On a souvent présenté l’introduction du principe de subsidiarité comme le moyen de remédier au
« déficit démocratique » du système communautaire. Dans cette perspective, le Traité de Maas-
tricht mentionne dans son préambule la volonté des États membres de « poursuivre le processus
créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions
sont prises le plus près possible des citoyens, conformément au principe de subsidiarité ».
Force est de reconnaître que le principe de subsidiarité ne constitue pas une grande nouveauté en
matière communautaire. Notons que l’article 235 du Traité de Rome se référait déjà de façon
implicite à cette idée de subsidiarité : « Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour
156 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l’un des objets de la Communauté, sans que
le présent Traité ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité
sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les disposi-
tions appropriées ». On a dit que ce texte mettait en place une « subsidiarité positive ».
On retrouve encore implicitement ce principe de subsidiarité dans le premier alinéa de l’article 5
du Traité CECA qui dispose que « la Communauté accomplit sa mission, dans les conditions
prévues au présent Traité, avec des interventions limitées. Les institutions de la Communauté exer-
cent ces activités avec un appareil administratif réduit, en coopération étroite avec les intéressés ».
Le principe de subsidiarité a été aussi affirmé expressément dans le préambule du « projet
Spinelli » de Traité d’Union européenne – d’inspiration fédéraliste – adopté par le Parlement euro-
péen le 14 février 1984 : les États membres vont « confier à des institutions communes, conformé-
ment au principe de subsidiarité, les seules compétences nécessaires pour mener à bien les tâches
qu’elles pourront réaliser de manière plus satisfaisante que les États pris isolément ». Il a été égale-
ment posé par l’Acte unique européen en ce qui concerne d’une part l’environnement et d’autre
part la recherche et le développement technologique. Cela est incontestable, même si le vocable
« subsidiarité » n’apparaît nulle part dans l’Acte unique européen.
Le Traité de Maastricht, qui a officialisé ce principe de subsidiarité, l’évoque dans l’une de ses
dispositions. Effectivement, il a précisé que « les objectifs de l’Union sont atteints conformément
aux dispositions du présent Traité (...), dans le respect du principe de subsidiarité ». Plus générale-
ment, la notion de subsidiarité inscrite dans le Traité de Maastricht présente un caractère réver-
sible. Elle peut fonder aussi bien une extension qu’une limitation des compétences de la Commu-
nauté. Le Conseil européen d’Édimbourg de décembre 1992 a, du reste, reconnu que : « la
subsidiarité est un concept dynamique (qui) permet d’élargir l’action de la Communauté lorsque
les circonstances l’exigent et, inversement, de la restreindre lorsqu’elle n’est plus justifiée ».
À l’occasion du Conseil européen d’Édimbourg des 11 et 12 décembre 1992, la Commission euro-
péenne a pris trois catégories d’engagements pour la mise en œuvre du principe de subsidiarité :
d’une part, une motivation de toutes ses propositions législatives, d’autre part le retrait ou la révi-
sion de certaines propositions et enfin une révision de la législation en vigueur. La Commission
européenne a pris l’initiative de retirer plusieurs propositions « qui n’étaient pas suffisamment
justifiées en terme de plus-value communautaire, ou d’efficacité comparée aux possibilités
d’actions nationales ou internationales ».
Le 29 octobre 1993, la Commission européenne, le Conseil de l’Union et le Parlement européen
ont adopté un accord interinstitutionnel sur les procédures pour la mise en œuvre du principe de
subsidiarité. Cet accord indique que toute proposition de la Commission devra comporter une
justification du respect du principe de subsidiarité. Il ajoute qu’il en ira de même pour tout
CHAPITRE 11 – Les principes applicables aux actes juridiques de l’Union 157
Sites Internet
– Site de l’Union européenne : http://europa.eu/index_fr.htm
160 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Du même auteur
– QCM-LMD – Institutions de l’Union européenne, Gualino éditeur, 10e édition, 2010.
– QCM – Institutions politiques et administratives de la France, Gualino éditeur, 2e édition,
2003.
– QCM – Histoire constitutionnelle et politique de la France de 1789 à nos jours, Gualino
éditeur, 2003.
– QCM – L’Euro en 188 questions, Gualino éditeur, 1998.
– L’essentiel de l’histoire constitutionnelle et politique de la France (de 1789 à nos jours),
Gualino éditeur, 5e édition, 2011.
– Les députés européens, Gualino éditeur, 1999.
– Fonction présidentielle et problématique majorité présidentielle/majorité parlementaire sous
la Ve République, LGDJ, 1993.
162 L’ESSENTIEL DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE
Imprimé en France
13e édition L’essentiel des LES CARRÉS
À jour du Fonds européen
de stabilisation financière (FESF)
I nstitutions de l’Union européenne
et des nouveautés institutionnelles 2011
Droit
Science Politique
Sciences
Le contenu du livre Le sommaire économiques
Sciences
Ce livre présente en 11 chapitres – les traités européens et de gestion
l’ensemble des connaissances nécessaires la construction européenne Concours
à la compréhension du rôle et des de la Fonction
mécanismes d’action des différents s Les acteurs institutionnels publique
acteurs institutionnels de l’Union de l’Union européenne
européenne ainsi que le régime qui – le Conseil européen
s’applique aux actes juridiques de l’Union. – le Conseil
Il tient compte des évolutions les plus – la Commission européenne
récentes avec notamment la création du
– le Parlement européen
Fonds européen de stabilisation financière.
Au total, une présentation synthétique, – la Cour de Justice
rigoureuse et pratique du Droit des – la Cour des comptes
Institutions de l’UE. – les institutions de l’Union
économique et monétaire
Le public – les autres organes de l’Union
– Étudiants des filières universitaires en Droit, européenne
Sciences économiques, AES et Sciences politiques
(Licence et Master)
s Les actes juridiques de
– Étudiants de l’enseignement supérieur de l’Union européenne
gestion – les différentes sources du droit
– Candidats aux concours de la Fonction publique de l’Union européenne
et aux concours des communautés européennes – les principes applicables aux
– Tout lecteur qui souhaite disposer d’une actes juridiques de l’Union
présentation synthétique et à jour de la matière
L’auteur
Jean-Claude Zarka, docteur en droit, est Maître de conférences à l’Université
Toulouse 1 Capitole. Il est l’auteur de nombreux livres et articles sur les institu-
tions européennes.
Prix : 13 %
ISBN 978-2-297-01892-0