Vous êtes sur la page 1sur 6

L’élargissement, frein ou moteur de la construction européenne 

?
Introduction : Daniel Cohn-Bendit, député européen (1994-2014), disait en  2012 « L’Union
européenne n’est pas un paillasson sur lequel on s’essuie les pieds, mais c’est une maison
commune que l’on construit ensemble. »
En effet, l’Union européenne (UE) est l’association volontaire d’États européens, dans les
domaines économique et politique et on désigne par élargissement le processus par lequel de
nouveaux États adhèrent à l’Union européenne. Sa construction se décompose en plusieurs
étapes dont l’élargissement semble être le stimulateur depuis la CECA de 1951 et semble
construire de nombreuses réussites. D'un point de vue politique, l'UE a été en mesure de créer
un espace de paix et de stabilité entre des pays qui ont connu des siècles de guerre et qui ont
subi des régimes autoritaires durant des décennies. D'un point de vue économique, le PIB de
l’UE représente en 2014 23% du PIB mondial [1] et dans son ensemble constitue l'un des plus
grandes puissances économiques mondiales, à laquelle les élargissements ont contribué à
augmenter le poids économique. De nos jours, on constate néanmoins une certaine méfiance
vis-à-vis de l’Union Européenne et des doutes émergent à propos du projet de cette « maison
commune » et de sa politique d’élargissement.

La politique d’élargissement favorise-t-elle la solidification du projet européen  ?

I) La politique historique de l’élargissement a permis d’échafauder le projet européen

A) Les élargissements successifs rythment les étapes de la construction européenne

-Elargissements successifs : Si l'Europe s'est créée autour de 6 Etats membres (France,


Allemagne, Italie, Belgique, Hollande, Luxembourg), il s'en est suivi toute une
série d'élargissements successifs: 1972: le Danemark, la Grande-Bretagne et l'Irlande ; 1981:
la Grèce; 1986: l'Espagne et le Portugal; 1995: l'Autriche, la Finlande et la Suède; 2004: la
Slovaquie, Malte, la Pologne, la République Tchèque, la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, la
Hongrie, Chypre et la Slovénie; 2007: la Bulgarie et la Roumanie; 2013: la Croatie.
- Forte évolution du cadre dans lequel l’Europe se construit élargissements amènent à le
modifier, moderniser pour faire face aux nouveaux enjeux
Traité de Maastricht (1992)  volonté de réunir  UE (avant 3 communautés européennes
=> UE conçue comme une sorte de cadre non dotée par le Traité de Maastricht de la
personnalité juridique => en outre, les 3 communautés (CECA, CE, CEEA) n’ont pas disparu
et ont été maintenues avec leur personnalité juridique => UE comportait 3 « piliers de
l’UE » : 1er= communautaire, régit la Communauté européenne, selon un fonctionnement
largement supranational./ 2ème et 3ème= Politique étrangère et de sécurité commune – PESC et
coopération policière et judiciaire en matière pénale obéissaient, quant à eux, à des
procédures plus intergouvernementales/Approfondissement par l’établissement d’une
citoyenneté de l’UE inscrite dans les Traités, aujourd’hui à l’article 20 du TFUE ( donne
différents droits à la qualité de citoyens : le droit de vote et le droit d’être éligible dans tout
Etat membre aux élections municipales et au Parlement européen ; le droit de la libre
circulation ; etc. )  Traité d’Amsterdam (1997) : perspectives des futurs élargissements,
répondre aux enjeux institutionnels de l’élargissement et de permettre à terme de fonctionner
avec un nombre d’Etats avoisinant bientôt 25 Réformes institutionnelles : renforcement des
pouvoirs du Parlement européen/ renforcement de l’efficacité des modes de vote au sein du
Conseil/ nouvelle disposition qui permet les coopérations renforcées : l’institutionnalisation
de la différenciation => cela permet à certains Etats membres de créer de nouvelles politiques
malgré l’opposition d’autres Etats => coopérations renforcées conçues aussi pour conserver le
lien européen entre les Etats  Traité de Nice (2001) =prendre aussi en considération les
enjeux institutionnels des élargissements Composition des institutions : réduction des
membres de certaines institutions et notamment le Parlement, pour permettre un
fonctionnement efficace/ Pouvoirs du Parlement renforcé  Traité de Lisbonne (2007)
amende les traités existants (295 amendements) mais ne les rassemble pas en un texte unique/
Le traité de Lisbonne comporte seulement sept articles. Les traités européens modifiés par lui
se présentent désormais ainsi : - le traité sur l’Union européenne (TUE) (55 articles) mis en
place par le traité signé à Maastricht en 1992 et modifié ensuite par les traités d’Amsterdam
(1997) et de Nice (2001) ; / le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)
(358 articles) : anciennement traité instituant la Communauté européenne (TCE), établi par le
traité de Rome de 1957 et modifié plusieurs fois par l’Acte unique européen (1986), et les
traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice.
Plusieurs modifications importantes introduites par le traité de Lisbonne= disparition de la
structure en piliers issue du traité de Maastricht/ rénovation du cadre institutionnel : le Conseil
européen devient une institution à part entière, son président est élu pour deux ans et demi
renouvelables une fois, le Parlement voit ses pouvoirs renforcés/ reconnaissance explicite de
la personnalité juridique de l’UE (art. 47 TUE), ce qui lui permet de conclure des traités ou
d’adhérer à des conventions. Certes, dans les faits, la doctrine la reconnaissait généralement
déjà à l’UE/ extension de la possibilité d’engager des coopérations renforcées, à condition
qu’y participent au moins neuf des États membres/ obtention de nouveaux droits pour les
citoyens et les Parlements nationaux.

B) La procédure d’élargissement et ses critères sont les synonymes d’un projet européen
commun destiné à s’étendre
- « Tout État européen […] peut demander à devenir membre de l’Union », à condition de
respecter ses valeurs » (art. 49 du traité sur l’UE).  Article 2 du traité sur l’Union
européenne L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de
démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris
des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États
membres […] Le Conseil européen de Copenhague (1993) a défini trois séries de critères,
confirmés par le traité de Lisbonne, que les pays candidats doivent satisfaire :

 critères politiques : État de droit, système démocratique stable et protection des minorités;
 critères économiques : économie de marché viable et capacité de faire face à la concurrence à
l’intérieur de l’Union ;
 assumer les obligations de l’adhésion : souscrire aux objectifs de l’union politique,
économique et monétaire, reprendre l’"acquis communautaire" (c’est-à-dire accepter et
transposer dans la législation nationale l’ensemble du droit européen en vigueur).
La première étape consiste à se voir reconnaître le statut d’État candidat. Le pays qui le
souhaite adresse sa demande au Conseil de l’Union européenne (Conseil des ministres), qui
accorde ou non ce statut, après consultation de la Commission et approbation
du Parlement (art. 49 TUE).

En cas de réponse positive, une stratégie de pré-adhésion est mise en œuvre (aides financières


pour mener les réformes institutionnelles et économiques nécessaires).

S’ouvrent ensuite les négociations d’adhésion proprement dites, sur décision du Conseil


européen, elle-même prise sur la base d’un avis de la Commission. Les négociations visent à
s’assurer que l’État candidat a repris dans sa législation l’acquis communautaire.

À l’issue de cette phase, un traité d’adhésion est signé entre les États membres et l’État
candidat qui devient alors État adhérent. Ce traité doit ensuite être ratifié par l’État adhérent et
l’ensemble des États membres, sans exception.

Ces exigences donnent à l'UE un pouvoir de transformation sur les Etats déjà intégrés, mais
également pour les pays candidats. En effet, dans le cadre des Instruments d'Aide de
Préadhésion destinés aux pays candidats et potentiellement candidats, la convergence vers les
critères constitue une voie et une condicio sine qua non pour une entrée dans l'UE.

II) Le projet de l’Europe élargie n’est pas encore ancré solidement


A) Des critiques contre l’UE qui révèlent ses faiblesses…
insuffisances des traités Il faut mettre en place une gouvernance efficace pour cette Europe
qui s'est élargie= C'est l'objectif des traités d'Amsterdam et de Nice. Le traité
d'Amsterdam (1997) permet quelques avancées. Cependant, l'objectif principal, qui
est l'abandon de l'unanimité dans la prise de décision, est un échec.
Le traité de Nice, signé en 2001, permet d'étendre la majorité qualifiée à 27 nouveaux
domaines et détermine le nombre de voix de chaque État afin de préciser la majorité qualifiée.
Il reste toutefois limité./
Pour permettre de pallier les insuffisances de la gouvernance européenne, une "Convention
sur l'avenir de l'Europe", présidée par Valéry Giscard d'Estaing, est constituée afin d'écrire
une Constitution européenne.
Ce projet, défendu par le président libéral de la Commission européenne, José Manuel
Barroso, comporte plusieurs dispositions pour la gouvernance européenne :
 Il dote l'Union européenne d'une personnalité juridique propre, lui permettant ainsi de
signer des traités internationaux en son nom.
 Il propose de créer un ministre des Affaires étrangères et un président européen.
 Il souhaite élargir les compétences du Parlement européen et d'augmenter le recours à la
majorité qualifiée.
Ce projet a été rejeté par référendum en 2005. En France, le non obtient 55 % des voix,
aux Pays-Bas il en obtient 61 %. Ce traité est jugé trop libéral économiquement parlant.
Le traité de Lisbonne va moins loin que ce que prévoyait le projet de traité
constitutionnel le vocabulaire évoquant une démarche constitutionnelle (lois européennes,
ministre des Affaires étrangères…) n’est pas conservé. De même, le traité ne mentionne plus
les symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise européens, journée de l’Europe) ; la Charte
des droits fondamentaux n’est plus intégrée directement dans le traité, elle est seulement
mentionnée dans l’article consacré aux droits fondamentaux (art. 6 TUE), qui lui reconnaît la
même valeur juridique que celle des traités ; la “concurrence libre et non faussée” ne figure
plus dans la liste des objectifs de l’Union. /provoque des protestations, notamment parce que
les peuples européens n'ont pas été directement consultés.
Vote ? La Commission européenne a été conçue à l’origine pour incarner l’intérêt général de
l’Union, l’intérêt général de l’Union étant considéré potentiellement comme distinct, et
parfois même opposé aux intérêts individuels de chaque Etat membre.
Originellement, la Commission européenne a été conçue pour faire contrepoids à une autre
caractéristique : le mode de vote au sein du Conseil des ministres. Il avait été prévu dès
l’origine que le Conseil prendrait ses décisions à la majorité et non à l’unanimité. Ce mode de
vote majoritaire est d’ailleurs une caractéristique fondamentale du mode d’intégration
européenne qui rejette le mode de vote à l’unanimité, synonyme de blocage. Certains Etats
membres allaient donc être mis en minorité en vertu de ce mode de vote. Cela signifie donc
que certains Etats membres vont voter contre l’adoption d’un texte, que ce texte sera voté
malgré cela. Or, une fois entré en vigueur ce texte s’impose à tous les Etats, y compris les
Etats mis en minorité. Ce mode de vote a fait naitre de nombreuses craintes chez les Etats
membres. La Commission européenne, dans ce contexte-là, a été conçue pour beaucoup pour
prendre l’initiative de ces actes, pour faire des propositions d’actes à adopter par le Conseil.
Faisant les propositions dans l’intérêt général, son intervention était destinée et l’est toujours,
à préserver les intérêts des Etats membres qui seraient mis en minorité.
débats sur les élargissements de l'Union européenneL'Union européenne est de plus en plus
critiquée. Des débats font rage concernant l'adhésion de certains pays à l'Union européenne.
Des citoyens européens et des groupes politiques mettent en effet en avant les dangers que
constituent les élargissements de l'Union pour "l'identité européenne".
De plus, le débat sur les institutions n'est toujours pas clos. La question reste de mettre en
place une gouvernance européenne efficace permettant de gérer une Europe aux frontières
élargies.
Certaines régions aidées par l'Union européenne le sont moins depuis l'intégration des PECO
et ces régions craignent que l'intégration de nouveaux membres ne réduise encore ces aides.
Enfin, les plus petits pays de l'Union européenne, comme le Luxembourg ou les Pays-Bas,
s'inquiètent de la diminution de leur poids relatif au sein des institutions européennes avec
l'arrivée de nouveaux membres.
"déficit démocratique". La Commission européenne, dont les compétences se sont élargies,
est composée de commissaires non élus. Beaucoup de citoyens considèrent que les membres
des institutions européennes sont des technocrates éloignés des réalités quotidiennes des
Européens.
B) … qui remettent en question la « vocation » de l’Union Européenne à s’élargir

- Lors de son discours au Parlement européen le 22 octobre 2014, le nouveau Président de la


Commission européenne, Jean-Claude Juncker, déclarait qu'il "n'y [aurait] pas
d'élargissement [durant] les cinq prochaines années" de son mandat. Il ajoutait que "L’UE
[avait] besoin de faire une pause dans son processus d’élargissement afin de consolider ce
qui a été fait à 28" nouvelle stratégie d'élargissement pour la période 2014-2020  L'UE
veut mettre l'accent sur l'approfondissement des réformes, que ces soit pour les Etats
membres, mais également pour les pays candidats ou potentiellement candidats. (Brexit 
retrait volontaire avec Art 50 TUE)
- Cinq États ont actuellement le statut d’État candidat : le Monténégro, la Serbie et la Turquie,
avec lesquels les négociations d’adhésion sont en cours ; l’Albanie et la Macédoine (ancienne
République yougoslave de Macédoine) pays pour lesquels les négociations n’ont pas encore
commencé. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo ont, quant à eux, le statut de candidats
potentiels. L’UE a déjà mis en place un processus de stabilisation et d’association dans les
Balkans. Ce processus, à la fois bilatéral et régional, vise à créer un climat de confiance entre
les Républiques de l’ex-Yougoslavie, seul à même de stabiliser la région et de leur apporter la
croissance économique. La perspective de rejoindre à terme la grande famille des démocraties
européennes constitue une source de motivation supplémentaire. La question de l’entrée de la
Turquie dans l’UE est sans conteste la plus débattue parmi les élargissements envisagés. Cela
s’explique par son poids démographique (78,7 millions d’habitants en 2015, près de 88
millions attendus en 2025), ses caractéristiques économiques et surtout politico-culturelles, sa
situation géographique. Le processus de stabilisation et d’association (PSA), qui vise à
créer un cadre général pour stabiliser la région politiquement et économiquement, fonctionne
comme étape de pré-adhésion. Il comporte une aide financière et économique, une
libéralisation du commerce entre l’UE et les pays balkaniques et la signature d’accords de
stabilisation et d’association (ASA).L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne suscite de
nombreuses controverses. La Turquie a formulé sa demande d'adhésion à la CEE en 1987. Sa
candidature a été acceptée en 1999 et les négociations sont en cours depuis 2005. Des
sondages ont estimé que la majorité des Européens seraient opposés à l'adhésion de la
Turquie. Les discussions sur l'adhésion de la Turquie sont encore en cours à ce jour. Plusieurs
éléments bloquent les discussions, tels que le respect des Droits de l'homme ou encore le fait
que certaines régions ont de faibles niveaux de développement. Certains citoyens européens
sont aussi opposés à l'idée d'intégrer un pays de 74 millions de personnes dont la majorité est
musulmane.

- Jusqu'où l'UE peut-elle ou doit-elle s'élargir ? Le Traité de Lisbonne n'apporte aucune


réponse à ce sujet et la question reste ouverte. Si seuls "les Etats européens peuvent adhérer à
l'UE", aucune définition de ce que l'on entend par "européen" n'a été apportée.

Conclusion : L’Europe s’est élargie, l’Union se construit, néanmoins un manque de cohésion


se fait ressentir entre les Etats membres, amplifié par la montée des nationalismes et de
l’euroscepticisme. La politique d’élargissement a pu fonder les bases de l’Union Européenne
mais cette dernière doit maintenant s’approfondir avant d’espérer accueillir de nouveaux
membres : approfondir, fortifier pour être capable de s’élargir
« L'Europe est la paix qui est venue après le désastre de la guerre. L'Europe est le pardon
entre Français et Allemands. L'Europe est le retour à la liberté pour la Grèce, l'Espagne et le
Portugal. L'Europe est la chute du mur de Berlin. L'Europe est la fin du communisme.
L'Europe est l'État-providence, c'est la démocratie. L’Europe c’est les droits fondamentaux.
Pourrions-nous vivre sans tout ça ? » Esteban Gonzalez Pons, député européen espagnol
depuis 2014
Bibliographie :
- La construction européenne, Guillaume Courty et Guillaume Devin. . La Découverte, 2018
- Géopolitique des frontières européennes : élargir, jusqu'où ?, Pierre Verluise (2013)
-Histoire de l'Union européenne : Fondations, élargissements, avenir, Gérard Bossuat (2009)
Sitographie :
- http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/
- https://www.europedirectpyrenees.eu/wp-content/uploads/Elargissement.pdf

Vous aimerez peut-être aussi