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Département Administration Economique et Sociale

Licence 3 AES- Parcours Commerce et Affaires Internationales


2022-2023

Droit de l’Union
européenne TE64AEC

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
stephane.bolle@univ-montp3.fr

Partie 1
Les piliers de l’Union européenne
Le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1 er décembre 2009, a
entièrement réécrit les traités européens. En vertu de ce traité, l’Union européenne « se
substitue et succède à la Communauté européenne » (TUE, article premier) et « a la
personnalité juridique » (TUE, article 47)1.

1
La Communauté européenne a succédé à la Communauté économique européenne, depuis le traité de
Maastricht du 7 février 1992, entré en vigueur le 1 er novembre 1993. Ce traité ne donnait pas
formellement la personnalité juridique à l’Union européenne.
L’Union européenne a pour statut ou « constitution » (Leçon 1) des traités constitutifs,
principalement le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne sur lesquels elle est « fondée » (TUE, article premier). Sa première source de
légitimité et ses composantes sont ses Etats membres (Leçon 2) qui ont convenu de sa
« constitution », donc de leurs règles de vie commune. L’Union européenne, qui « marque
une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre
les peuples de l'Europe » (TUE, article premier), a aussi ses citoyens (Leçon 3).

Leçon 1 La « constitution » de l’Union


L’Union européenne n’a pas de Constitution, au sens formel, car elle n’est pas un Etat et ne
repose donc pas sur la volonté d’un peuple souverain. Cependant, l’Union européenne a une
« constitution » qui ressemble à celle d’une organisation internationale : comme l’écrit
ANTONIO TRUYOL Y SERRA, « Le traité qui fonde l’organisation internationale, établissant
ses organes, définissant ses compétences et lui conférant la personnalité juridique, est pour
elle sa constitution […] le traité […] sert à la fois de base et de limite à son activité. […] En
tant que constitution, il définit le cadre de l’action de ses organes et des Etats membres ».
« Plus qu’une organisation internationale sans être un Etat, l’Union européenne est fondée
formellement sur des traités qui contiennent matériellement sa constitution », précise
FRANCESCO MARTUCCI.
L’Union européenne est une confédération très poussée ; elle n’a pas atteint le stade d’une
fédération maîtresse de sa Constitution. Les Etats ont été et demeurent collectivement les
« maîtres des traités » de l’Union, suivant la formule de la Cour constitutionnelle
fédérale allemande dans son arrêt du 12 octobre 1993 sur la ratification du traité de
Maastricht :
- en tant que « HAUTES PARTIES CONTRACTANTES » du traité de Lisbonne
(TUE, article premier), les Etats membres de l’Union ont convenu de leur actuelle
« constitution » commune (I.) ;
- et il appartient à eux seuls de s’accorder sur la révision de la « constitution » de
l’Union qui est toujours en chantier (II.).

I. LE TRAITÉ DE LISBONNE

Après l’échec de la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe en 20052 -
qui malgré sa dénomination n’aurait pas engendré une Constitution3, les 27 Etats membres de
2
Au moment de l’organisation du référendum en France (29 mai 2005) et de la consultation populaire
aux Pays-Bas (1er juin 2005), la procédure de ratification parlementaire était terminée dans neuf Etats :
la Lituanie, la Hongrie, la Slovénie, l’Italie, la Grèce, l’Espagne l’Autriche, la Slovaquie et
l’Allemagne. Prenant acte du rejet populaire du traité établissant une Constitution pour l’Europe dans
deux Etats fondateurs des communautés européennes, en France (par 54,67% des suffrages, avec
69,37% de participation) et aux Pays-Bas (par 61,6% des suffrages avec 62,8% de participation), le
Conseil européen, les 16 et 17 juin 2005, a préconisé la voie « d’une réflexion commune » à l’égard
des « préoccupations et des inquiétudes » exprimées par les citoyens (français et néerlandais). Cette «
période de réflexion » devrait « être mise à profit pour permettre un large débat dans chacun de nos
pays associant tant les citoyens, la société civile, les partenaires sociaux, les parlements nationaux, que
les partis politiques ».
3
Le traité établissant une Constitution pour l’Europe n’aurait pas transformé l’Union européenne en
un « super-Etat ». Par ailleurs, les actes constitutifs de certaines organisations internationales ont des
dénominations qui ne changent pas leur nature : l’Organisation internationale du travail (OIT) est régie
par sa Constitution qui était la partie XIII du traité de Versailles signé le 28 juin 1919  ; l’Organisation
l’Union européenne ont conclu le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union
européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13
décembre 20074 (A). Entré en vigueur le 1er décembre 2009 après sa ratification par tous les
Etats signataires, ce traité a « reconstitué » l’Union européenne (B).

A) Un traité modificatif

FRANCESCO MARTUCCI relève que « D’un point de vue formel, le traité de Lisbonne
constitue du droit international public. Il est le résultat de révisions successives des traités
intervenues depuis l’entrée en vigueur du traité fondateur initial à savoir le traité de Rome
[CEE] de 1957, qui peut être qualifié de traité constitutif. En effet, le traité de Lisbonne a été
adopté en vertu de la procédure de révision régie par l’ex-article 48 du traité sur l’Union
européenne [de 1992]. Il a ainsi révisé le traité sur l’Union européenne (traité UE) et le traité
instituant la Communauté européenne. Ces deux traités étaient quant à eux entrés en vigueur
après la ratification par les Etats membres du traité de Maastricht [de 1992], lequel avait été
révisé par les traités d’Amsterdam (1997) et de Nice (2000). Le traité de Maastricht [de 1992]
avait lui-même révisé le traité établissant la Communauté économique européenne issu du
traité de Rome (1957) et notamment modifié par l’Acte unique européen (1986) ».

Le processus d’élaboration du traité de Lisbonne a été le suivant :


 Le Conseil européen de Bruxelles des 21 et 22 juin 2007 « convient de convoquer
une conférence intergouvernementale (CIG) » : « après deux ans d'incertitude quant au
processus de réforme des traités de l'Union », « Le concept constitutionnel, qui
consistait à abroger tous les traités actuels pour les remplacer par un texte unique
appelé "Constitution", est abandonné » ; la CIG était « invitée à rédiger un traité
modifiant les traités actuels » ; la CIG devait achever « ses travaux le plus
rapidement possible, et en tout état de cause avant la fin de 2007, afin de laisser
suffisamment de temps pour que le traité qui en sera issu soit ratifié avant les élections
au Parlement européen de juin 2009 ».
 Investie d’un mandat très détaillé, la CIG 2007 a été « la plus rapide conférence
intergouvernementale de l'histoire de l'Union européenne s'agissant de la révision d'un
traité. Nous avons commencé le 23 juillet pour terminer le 18 octobre »5.

mondiale de la santé (OMS) est régie par sa Constitution signée le 22 juillet 1946.
4
Tel est l’intitulé officiel du texte paru au Journal officiel de l’Union européenne le 17 décembre
2007.
5
C’est ce qu’a déclaré le 23 octobre 2007 devant le Parlement européen le Premier ministre portugais
José Sócrates, assurant la présidence du Conseil de l’Union européenne.
 Lors du sommet informel de Lisbonne des 18 et 19 octobre 2007, les 27 chefs
d’Etat et de Gouvernement se sont accordés sur le texte final du traité modificatif qui
a été signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.
 La phase des ratifications nationales a été plus longue que prévu.
Dans 26 des 27 Etats membres, y compris en France et aux Pays-Bas, le traité de Lisbonne a
été ratifié avec l’autorisation du seul Parlement, à une très large majorité, parfois après
révision de la Constitution et/ou validation par la juridiction constitutionnelle.

La France a été le premier Etat fondateur des communautés européennes et de l’Union


européenne à exprimer son consentement définitif :
- suite à la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 20076, la Constitution
du 4 octobre 1958 a été révisée par la loi constitutionnelle du 4 février 2008
modifiant le titre XV de la Constitution qu’avait adoptée le Parlement réuni en
Congrès, conformément à l’article 89 de la Constitution ;
- sur cette base, le Parlement a adopté la loi du 13 février 2008 autorisant la
ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le
traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes ;
- le jour où les 27 ratifications nationales ont été acquises, le Président de la République
a pris le décret du 1er décembre 2009 portant publication de ce traité.
La ratification du traité de Lisbonne par l’Irlande qui devait se faire par référendum7 a été
plus compliquée : le NON l’a emporté au référendum du 12 juin 2008 ; après la prise en
compte par le Conseil européen « des préoccupations du peuple irlandais »8, le OUI l’a
emporté au référendum du 2 octobre 2009.
La République Tchèque a été le dernier Etat à ratifier le traité de Lisbonne : le Président
eurosceptique Vaclav Klaus a retardé le processus de ratification, acquis au niveau
parlementaire dès le 6 mai 2009 ; après avoir obtenu l’extension à la République Tchèque du
Protocole n°30 sur l’application de la Charte des droits fondamentaux à la Pologne et au
Royaume-Uni – en réalité une exemption…-9 et au vu d’un arrêt du 3 novembre 2009 de la
Cour constitutionnelle rejetant un recours en inconstitutionnalité, le Président a ratifié le traité
de Lisbonne … tout en marquant publiquement sa désapprobation10.

→ Le traité de Lisbonne, « conclu pour une durée illimitée » (article 3), est entré en
vigueur le 1er décembre 2009, soit le « le premier jour du mois suivant le dépôt de
6
« L'autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la
Communauté européenne ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ».
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007560DC.htm
7
Depuis un arrêt de la Cour suprême du 9 avril 1987, la ratification par l’Irlande de tout traité de
révision modifiant fondamentalement la nature juridique des Communautés européennes, ses
compétences ou encore ses objectifs originaires et présents doit être soumise à référendum, comme
tout amendement à la Constitution.
8
A l’issue du Conseil européen de Bruxelles des 11 et 12 décembre 2008 et des 18 et 19 juin 2009
a pris « bonne note des préoccupations du peuple irlandais telles qu’exposées par le Premier ministre
irlandais ». Il a convenu que chaque Etat membre conserverait un poste à la Commission européenne
et que seraient notamment garantis à l’Irlande le maintien de la neutralité militaire et le maintien des
dispositions de la Constitution irlandaise sur le droit à la vie.
9

https://www.cvce.eu/obj/arret_de_la_cour_constitutionnelle_tcheque_sur_le_traite_de_lisbonne_3_novembr
e_2009-fr-c746a974-58eb-4907-b022-c9f486b6c3d2.html
10
Vaclav Klaus a déclaré à la télévision : « Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la
République tchèque cesse d'être un État souverain ».
l'instrument de ratification de l'État signataire qui procède le dernier à cette
formalité » (article 6).
 
B) Un traité reconstitutif

Le traité de Lisbonne a reconstitué l’Union européenne et ses institutions, en tirant les leçons
du rejet du traité établissant une Constitution pour l’Europe signé à Rome le 29 octobre 2004,
qui avait été préparé par la Convention sur l’avenir de l’Europe 11 (janvier-juillet 2003) et
finalisé par une conférence intergouvernementale (octobre 2003 – juin 2004).
L’économie générale de ce traité reconstitutif avait été fixée par le Conseil européen de
Bruxelles des 21 et 22 juin 2007 :

La « constitution » de l’Union européenne issue du traité de Lisbonne n’est pas un texte


unique ; c’est un ensemble composite de textes.
 La « constitution » actuelle de l’Union européenne comprend d’abord deux traités de
base : selon l’article premier du traité sur l’Union européenne, « L'Union est fondée sur
le présent traité et sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-
après dénommés « les traités »). Ces deux traités ont la même valeur juridique ».
 La « constitution » actuelle de l’Union européenne incorpore aussi, aux termes de
l’article 6.1 du traité sur l’Union européenne, un autre texte fondamental :
« L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre
2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même
valeur juridique que les traités ».
11
https://www.cvce.eu/obj/la_convention_europeenne-fr-5c02a3f5-1f1c-4399-8c9b-5c4bc97b23fa.html
 La « constitution » actuelle de l’Union européenne s’étend encore
- à 37 protocoles annexés aux traités, comme, à titre d’exemples, le protocole n°3 sur le
statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le protocole n°4 sur les statuts du
système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne ou encore
le protocole n°25 sur l’exercice des compétences partagées ;
- et à 65 déclarations annexées à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui
a adopté le traité de Lisbonne, parmi lesquelles la Déclaration relative à la primauté12.

II. TOUJOURS EN CHANTIER

12
« La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de
l'Union européenne, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le
droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ».

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