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Faculté de Droit, Economie, Gestion et AES

Année universitaire 2023-2024


CM : Pr. Gaëlle GUEGUEN-HALLOUET
TD : Yaovi Jean-Pierre ADJIKPO,
Catherine DUVAL, Péran PLOUHINEC

Droit de l’Union européenne – Licence 2


Séances n°6 : Le droit dérivé de l’Union européenne
Les actes du droit de l’Union européenne

A gauche : Le Parlement Européen en session à Strasbourg ; à droite : la salle de réunion du Conseil (et du Conseil
européen), dans le bâtiment Europa, à Bruxelles. Ces deux institutions sont les organes « co-législateurs » de l’Union
européenne.
Liste des documents :
1. Articles 288 à 291 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
2. Laëtitia GUILLOUD-COLLIAT, « La nouvelle nomenclature des actes dans le Traité de Lisbonne »,
Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2011, n°66, p. 85
3. CJCE, 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes, aff. 16/62 et
17/62 (extraits)
4. CJCE, 7 février 1973, Commission européenne c/ Italie, aff. 39/72 (extraits)
5. CJCE, 18 mai 1994, Codorniu c/ Conseil, C-309/89 (extraits)
6. CJCE, 23 novembre 1977, Enka BV, aff. 38/77 (extraits)
7. CJCE, 18 décembre 1997, Inter-environnement Wallonie, C-129/96 (extraits)
8. CJUE, 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami et autres c/ Parlement et Conseil, C-583/11 P.
(extraits)
9. CJUE, 16 juillet 2015, Commission c/ Parlement et Conseil, C-88/14
10. Jean QUATREMER, « La comitologie : là où est vraiment le pouvoir européen », Libération, 28 février
2017 (extraits)
11. Statistiques sur les actes adoptés par l’Union européenne pour l’année 2023

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Travail à effectuer pour la séance n°6 :

A l’aide de la lecture des documents, de votre cours et de recherches complémentaires (voir notamment la bibliographie
donnée en début de semestre), vous répondrez aux questions suivantes :
1. Définissez les notions-clés suivantes : droit primaire, droit dérivé, acte législatif, acte non-législatif,
règlement, directive, décision, acte d’exécution, acte délégué (identifiez notamment les différences entre ces
types d’actes).
2. En vous aidant notamment du document n°2, présentez sous forme de pyramide la hiérarchie des
normes en droit de l’UE.
3. Qu’a permis le Traité de Lisbonne au regard de la classification des actes du droit de l’UE ?
4. En complément des définitions données à la question n°1, identifiez, pour le règlement, la directive et
la décision :
a. Le destinataire de chacun de ces actes
b. Leur portée obligatoire
c. S’ils sont directement applicables ou non, et, dans l’hypothèse négative, les mesures à prendre
pour qu’ils soient applicables.
5. Identifiez la portée des décisions présentées quant à la définition, à la délimitation ou au régime
juridique des différents actes du droit de l’Union européenne.
Sujet de commentaire de texte :

« Au regard de cette indistinction prégnante [concernant les actes de droit de l’UE], comment apprécier le changement opéré
par le traité de Lisbonne ? L'essentiel, de ce point de vue, est que le texte, sur les traces du traité constitutionnel, distingue
clairement entre trois types d’actes : les actes législatifs, les actes délégués et les actes d’exécution. Si on laisse de côté les
actes délégués […], le traité distingue donc ici les actes législatifs, définis à l’article 289 TFUE, adoptés par la procédure
législative européenne, qu’elle soit ordinaire ou spéciale, des actes d’exécution qui fixent les modalités de leur mise en œuvre
définis à l’article 291 TFUE. Par là-même, le nouveau traité permet donc, pour la première fois, un « affermissement » de
la hiérarchie des normes et du même coup une certaine mise en ordre des fonctions normatives. Quoique louable, cet effort
marque-t-il cependant véritablement « la fin de la confusion ? ». La réponse n’est pas assurée. »

Extrait de : Estelle BROSSET, « Clartés et obscurités des actes de l’Union européenne »


in BROSSET (E.), CHEVALLIER-GOVERS (C.), EDJAHARIAN (V.) et SCHNEIDER (C.) (dir.), Le Traité de Lisbonne,
renconfiguration ou déconstitutionnalisation de l’Union européenne, Ed. Bruylant, 2009

Document n°1 : Articles 288 à 291 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Article 288 (ex-article 249 TCE). Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des
règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis.
Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable
dans tout État membre.
La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances
nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.
La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire
que pour ceux-ci.
Les recommandations et les avis ne lient pas.
Article 289. 1. La procédure législative ordinaire consiste en l'adoption d'un règlement, d'une directive ou

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d'une décision conjointement par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission.
Cette procédure est définie à l'article 294.
2. Dans les cas spécifiques prévus par les traités, l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision
par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement
européen constitue une procédure législative spéciale.
3. Les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs.
4. Dans les cas spécifiques prévus par les traités, les actes législatifs peuvent être adoptés sur initiative d'un
groupe d'États membres ou du Parlement européen, sur recommandation de la Banque centrale européenne
ou sur demande de la Cour de justice ou de la Banque européenne d'investissement.
Article 290. 1. Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs
de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif.
Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de
pouvoir. Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent donc pas faire
l'objet d'une délégation de pouvoir.
2. Les actes législatifs fixent explicitement les conditions auxquelles la délégation est soumise, qui peuvent être
les suivantes:
a) le Parlement européen ou le Conseil peut décider de révoquer la délégation;
b) l'acte délégué ne peut entrer en vigueur que si, dans le délai fixé par l'acte législatif, le Parlement européen
ou le Conseil n'exprime pas d'objections.
Aux fins des points a) et b), le Parlement européen statue à la majorité des membres qui le composent et le
Conseil statue à la majorité qualifiée.
3. L'adjectif «délégué» ou «déléguée» est inséré dans l'intitulé des actes délégués.
Article 291. 1. Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en
œuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union.
2. Lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont
nécessaires, ces actes confèrent des compétences d'exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques
dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles 24 et 26 du traité sur l'Union européenne, au Conseil.
3. Aux fins du paragraphe 2, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements
conformément à la procédure législative ordinaire, établissent au préalable les règles et principes généraux
relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l'exercice des compétences d'exécution par la
Commission.
4. Le mot «d'exécution» est inséré dans l'intitulé des actes d'exécution.

Document n°2 : Laëtitia GUILLOUD-COLLIAT, « La nouvelle nomenclature des actes dans le


Traité de Lisbonne », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2011, n°66, p. 85
La contribution du Traité de Lisbonne à la hiérarchisation des sources du droit de l’Union européenne
Les différentes catégories de sources [sont] hiérarchisées. Cette hiérarchisation a été mise en évidence par la
Cour de justice sur le fondement des dispositions des traités. Néanmoins, les réponses du juge sont «
nécessairement occasionnelles et limitées, [et] restent par leur nature inadéquates et insuffisantes » […]. Elle a
ainsi été complétée sur certains points par le Traité de Lisbonne.

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La hiérarchie entre les sources internes et externes
Les sources externes priment sur le droit dérivé. L’article 216 §2 TFUE (ex article 300 §7 TCE) prévoit en
effet que « les accords conclus par l’Union lient les institutions de l’Union et les États membres ». Elles
s’inclinent en revanche devant le droit primaire. La subordination des sources conventionnelles aux sources
primaires se manifeste dans l’article 218 §11 TFUE. Selon cet article : « un État membre, le Parlement
européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un
accord envisagé avec les traités. En cas d’avis négatif de la Cour, l’accord envisagé ne peut entrer en vigueur,
sauf modification de celui-ci ou révision des traités ». […]

La hiérarchie au sein des sources internes


L’existence d’une hiérarchie entre les sources primaires et dérivées peut être aisément déduite des dispositions
des traités concernant les voies de recours. L’article 263 TFUE (ex-article 230 TCE) prévoit en effet que la
Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes de droit dérivé, lesquels peuvent,
notamment, être annulés pour « violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ». […]
L’apport du Traité de Lisbonne concerne essentiellement la hiérarchie au sein des sources dérivées. Il
distingue en effet les actes législatifs des actes non législatifs. Il s’agit cependant d’une consécration plus que
d’une innovation. En effet, même si une telle distinction n’apparaissait pas de façon explicite dans le Traité
instituant la Communauté européenne […], elle émergeait depuis de nombreuses années de la
jurisprudence […], surtout à partir de l’arrêt Köster (CJCE, 17 décembre 1970, Köster, aff. 25/70). En effet, la
Cour de justice, en s’appuyant sur la « pratique constante des institutions » et sur « les conceptions juridiques
reçues dans tous les États membres », avait œuvré dans le sens de la hiérarchisation du droit dérivé en
distinguant au sein de celui-ci « les mesures qui trouvent directement leur base dans le traité même [actes de
base] et le droit dérivé destiné à assurer leur exécution [actes d’exécution] ». C’est donc le critère de la base
juridique qui permettait de distinguer ces deux catégories d’actes au sein du droit dérivé […]. En conséquence,
les actes d’exécution étaient subordonnés aux actes de base qu’ils devaient mettre en œuvre, même si le juge
admettait dans certains cas la possibilité pour l’acte d’exécution de compléter l’acte de base, voire de « fixer des
dérogations » lorsque ce dernier le prévoyait […].
Cependant, faute de consécration conventionnelle, la hiérarchie au sein du droit dérivé restait partielle. Le
Traité de Lisbonne pouvait donc faire œuvre utile en la matière en instaurant une distinction entre les actes
législatifs et les actes non législatifs, qui ait une portée générale et qui se concrétise dans les effets attachés à
chacun de ces actes. Or, sur ce point, des incohérences persistent à l’issue de l’entrée en vigueur du traité.

Document n°3 : CJCE, 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et
légumes, aff. 16/62 et 17/62 (extraits)
2. Attendu qu’aux termes de l’article 189 du traité C.E.E., le règlement a une portée générale et est
directement applicable dans tout État membre, alors qu’une décision n’est obligatoire que pour les
destinataires qu’elle désigne ;
Que le critère de la distinction doit être recherché dans la " portée " générale ou non de l’acte en question ;
Que les traits essentiels de la décision résultent de la limitation des " destinataires " auxquels elle s’adresse,
alors que le règlement, de caractère essentiellement normatif, est applicable non à des destinataires limites,
désignés ou identifiables mais à des catégories envisagées abstraitement et dans leur ensemble ;
Que, partant, pour déterminer dans les cas douteux si on se trouve en présence d’une décision ou d’un
règlement, il faut rechercher si l’acte en question concerne individuellement des sujets déterminés ;
Que, dans ces conditions, si un acte qualifié de règlement par son auteur contient des dispositions qui sont de
nature à concerner certaines personnes physiques ou morales d’une manière non seulement directe mais aussi
individuelle, il faut admettre qu’en tout état de cause, et sans préjudice de la question de savoir si cet acte
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considéré dans son ensemble peut être qualifié à juste titre de règlement, ces dispositions n’ont pas un
caractère réglementaire, et peuvent partant être attaquées par ces personnes aux termes de l’article 173, alinéa
2.

Document n°4 : CJCE, 7 février 1973, Commission européenne c/ Italie, aff. 39/72 (extraits)
20. Attendu que, selon l’article 43, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité, base du règlement no 1975/69,
les règlements sont valablement arrêtés par le Conseil dès que les conditions fixées par cette disposition sont
remplies ; qu’aux termes de l’article 189, le règlement est obligatoire " dans tous ses éléments " pour les États
membres ; qu’on ne saurait, dès lors, admettre qu’un État membre applique de manière incomplète ou
sélective les dispositions d’un règlement de la communauté, de manière à faire échec à certains éléments de la
législation communautaire à l’égard desquels il aurait manifesté son opposition ou qu’il estimerait contraires à
certains intérêts nationaux ;
21. Qu’en particulier, s’agissant de la mise en oeuvre d’une mesure de politique économique destinée à
éliminer des excédents de certains produits, l’Etat membre qui omet de prendre, dans les délais requis et
simultanément avec les autres Etats membres, les dispositions dont l’application lui incombe, porte atteinte à
l’efficacité de la mesure décidé en commun tout en s’appropriant, compte tenu de la libre circulation des
marchandises, un avantage indu au détriment de ses partenaires ;
22. Attendu, en ce qui concerne la justification tirée par la partie défenderesse des travaux préparatoires du
règlement no 1975/69, que la portée objective des règles arrêtées par les institutions communes ne saurait être
modifiée par des réserves ou objections que les états membres auraient formulées lors de l’élaboration ;
Que, de même, des difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire ne
sauraient permettre à un état membre de se dispenser unilatéralement de l’observation de ses obligations ; que
le système institutionnel de la communauté aurait offert à l’État membre intéressé les moyens nécessaires pour
obtenir qu’il soit raisonnablement tenu compte de ses difficultés, dans le respect des principes du marché
commun et des intérêts légitimes des autres États membres ;
23. Qu’à cet égard, l’examen des règlements en cause et de leurs actes modificatifs révèle qu’à plusieurs égards,
le législateur communautaire a tenu compte, au moyen de clauses spéciales, de difficultés particulières à la
République Italienne ;
Que, dans ces conditions, on ne saurait admettre comme cause justificative les éventuelles difficultés
d’application invoquées par la partie défenderesse ;
24. Attendu qu’en permettant aux États membres de profiter des avantages de la communauté, le traité leur
fait aussi l’obligation d’en respecter les règles ; que le fait, pour un État, de rompre unilatéralement, selon la
conception qu’il se fait de son intérêt national, l’équilibre entre les avantages et les charges découlant de son
appartenance à la communauté, met en cause l’égalité des États membres devant le droit communautaire et
crée des discriminations a charge de leurs ressortissants et, en tout premier lieu, de ceux de l’État même qui se
place en dehors de la règle communautaire ;
25. Que ce manquement aux devoirs de solidarité acceptés par les États membres du fait de leur adhésion à la
communauté affecte jusqu’aux bases essentielles de l’ordre juridique communautaire ; qu’il apparait donc
qu’en refusant délibérément de donner exécution sur son territoire à l’un des régimes prévus par les
règlements no 1975/69 et 2195/69, la République Italienne a manqué, de manière caractérisée, aux
obligations qu’elle a assumées en vertu de son appartenance à la Communauté Économique Européenne ;

Document n°5 : CJCE, 18 mai 1994, Codorniu c/ Conseil, C-309/89 (extraits)


Par un règlement de 1989, l’Union européenne a encadré les règles relatives aux vins mousseux. Tout particulièrement, il a
limité l’appellation de « crémant » aux vins produits en France et au Luxembourg, les vins produits dans les autres Etats
membres ne pouvant plus être dénommés ainsi. La société espagnole Codorniu, productrice de la marque « Grand Crémant
de Codorniu », demande l’annulation de ce règlement. Le point important est ici de savoir si elle peut introduire un recours
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contre ce règlement, car, en principe, un tel recours n’est ouvert qu’aux personnes qui sont « directement et individuellement
visées » par la décision concernée.
17. Il convient de rappeler que l’article 173, deuxième alinéa, du traité subordonne l’introduction d’un
recours en annulation d’un règlement par une personne physique ou morale à la condition que les
dispositions du règlement visées par le recours constituent, en réalité, une décision la concernant directement
et individuellement.
18. Ainsi que l’a déjà jugé la Cour, la portée générale et, partant, la nature normative d’un acte n’est pas mise
en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des
sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application
s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en relation avec la finalité de
ce dernier (voir, en dernier lieu, arrêt du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil, C-298/89, Rec. p. I-3605, point
17).
19. S’il est vrai qu’au regard des critères de l’article 173, deuxième alinéa, du traité, la disposition litigieuse a,
par sa nature et sa portée, un caractère normatif en ce qu’elle s’applique à la généralité des opérateurs
économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant qu’elle puisse concerner individuellement certains
d’entre eux.
20. Une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si la
disposition litigieuse l'atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait
qui la caractérise par rapport à toute autre personne (voir arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission,
25/62, Rec. p. 197).
21. Or, il convient de constater que Codorniu a enregistré la marque graphique "Gran Cremant de Codorniu"
en Espagne en 1924 et qu’elle a utilisé traditionnellement cette marque tant avant qu’après cet
enregistrement. En réservant le droit d’utiliser la mention "crémant" aux seuls producteurs français et
luxembourgeois, la disposition litigieuse aboutit à empêcher Codorniu d’utiliser sa marque graphique.
22. Il s’ensuit que Codorniu a établi l’existence d’une situation qui la caractérise, au regard de la disposition
litigieuse, par rapport à tout autre opérateur économique.
23. Il en résulte que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée.

Document n°6 : CJCE, 23 novembre 1977, Enka BV, aff. 38/77 (extraits)
8. Attendu que, par la première question, il est demandé si les termes de l’article 10, paragraphe 2, littera d),
de la directive du Conseil no 69/74 du 4 mars 1969 sont de nature si spécifique que cette disposition peut
être considérée comme directement obligatoire, en d’autres mots comme produisant un effet direct ;

9. Attendu que la Cour a déjà constaté dans l’arrêt rendu le 1er février 1977 dans l’affaire 51-76 (Verbond van
nederlandse ondernemingen/inspecteur der invoerrechten en accijnzen, recueil, p. 113) que, dans les cas où les
autorités communautaires ont, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement
déterminé, l’effet utile d’un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s’en prévaloir en
justice et les juridictions nationales empêchées de le prendre en considération en tant qu’élément du droit
communautaire ;
10. Qu’il en est notamment ainsi lorsque le justiciable invoque une disposition d’une directive devant la
juridiction nationale, dans le but de faire vérifier par celle-ci si les autorités nationales compétentes, dans
l’exercice de la faculté qui leur est réservée quant à la forme et aux moyens pour la mise en œuvre de la
directive, sont restées dans les limites d’appréciation tracées par celle-ci ;
11. Attendu qu’il ressort de l’article 189, alinéa 3, du traité que la compétence laissée aux Etats membres en ce
qui concerne la forme et les moyens des mesures à prendre par les instances nationales, est fonction du
résultat que le Conseil ou la Commission entendent voir atteindre ;

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12. Qu’en ce qui concerne le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des
États membres en matière douanière, en vue d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun, il
peut s’avérer nécessaire de réaliser une identité rigoureuse de celles qui règlent le traitement à réserver aux
marchandises importées dans la communauté, quel que soit l’État membre à travers la frontière duquel cette
importation est effectuée ;

Document n°7 : CJCE, 18 décembre 1997, Inter-environnement Wallonie, C-129/96 (extraits)


40. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l'obligation pour un État membre de prendre toutes les
mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante
imposée par l'article 189, troisième alinéa, du traité et par la directive elle-même (arrêts du 1er février 1977,
Verbond van Nederlandse Ondernemingen, 51/76, Rec. p. 113, point 22; du 26 février 1986, Marshall,
152/84, Rec. p. 723, point 48, et du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, point 55).
Cette obligation de prendre toutes mesures générales ou particulières s'impose à toutes les autorités des États
membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (arrêts du 13 novembre
1990, Marleasing, C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8, et Kraaijeveld e.a., précité, point 55).
41. Il convient ensuite de relever que, aux termes de l'article 191, deuxième alinéa, du traité CEE, applicable à
l'époque des faits au principal, «les directives et les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent
effet par cette notification». Il découle de cette disposition qu'une directive produit des effets juridiques à
l'égard de l'État membre destinataire dès le moment de sa notification.
42. En l'espèce et conformément à une pratique courante, la directive 91/156 fixe elle-même un délai à
l'expiration duquel les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s'y conformer
doivent être entrées en vigueur dans les États membres.
43. Dès lors que ce délai vise notamment à donner aux États membres le temps nécessaire pour adopter les
mesures de transposition, ces États ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir transposé la directive dans
leur ordre juridique avant que ce délai soit arrivé à expiration.
44. Il n'en demeure pas moins que c'est pendant le délai de transposition qu'il incombe aux États membres de
prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par la directive sera atteint à l'expiration de
ce délai.
45. A cet égard, si les États membres ne sont pas tenus d'adopter ces mesures avant l'expiration du délai de
transposition, il résulte de l'application combinée des articles 5, deuxième alinéa, et 189, troisième alinéa, du
traité et de la directive elle-même que, pendant ce délai, ils doivent s'abstenir de prendre des dispositions de
nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive.
46. Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si tel est le cas des dispositions nationales dont elle est
chargée d'examiner la légalité.
47. Dans cette appréciation, la juridiction nationale devra en particulier examiner si les dispositions en cause
se présentent comme une transposition complète de la directive ainsi que les effets concrets de l'application de
ces dispositions non conformes à la directive et de leur durée dans le temps.
48. Par exemple, si les dispositions en cause se présentent comme une transposition définitive et complète de
la directive, leur non-conformité avec la directive pourrait laisser présumer que le résultat prescrit par celle-ci
ne sera pas atteint dans les délais impartis si leur modification en temps utile est impossible.
49. En sens inverse, la juridiction nationale pourrait tenir compte de la faculté qu'a un État membre d'adopter
des dispositions provisoires ou de mettre en oeuvre la directive par étapes. Dans de telles hypothèses, la non-
conformité de dispositions transitoires du droit national avec la directive ou l'absence de transposition de
certaines dispositions de la directive ne compromettrait pas nécessairement le résultat prescrit par celle-ci.
50. Il convient donc de répondre à la première question que les articles 5, deuxième alinéa, et 189, troisième
alinéa, du traité CEE ainsi que la directive 91/156 imposent que, pendant le délai de transposition fixé par la

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directive pour la mettre en oeuvre, l'État membre destinataire de celle-ci s'abstienne de prendre des
dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive.

Document n°8 : CJUE, 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami et autres c/ Parlement et Conseil,
C-583/11 P. (extraits)
12. Le Tribunal en a conclu, au point 56 de l’ordonnance attaquée, «que la notion d’‘acte réglementaire’ au
sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à
l’exception des actes législatifs». Par conséquent, un acte législatif pourrait faire l’objet d’un recours en
annulation d’une personne physique ou morale uniquement s’il la concerne directement et individuellement.
13. Dans un second temps, le Tribunal, aux points 57 à 67, a examiné la question de savoir si le règlement
litigieux doit être qualifié d’acte législatif ou d’acte réglementaire. À cet égard, il a jugé, au point 61 de
l’ordonnance attaquée, que la procédure définie à l’article 294 TFUE, dénommée «procédure législative
ordinaire», reprend, en substance, celle définie à l’article 251 CE. Il en a conclu, audit point, que le règlement
litigieux, qui a été adopté selon la procédure visée à ce dernier article, doit, dans le cadre des catégories d’actes
juridiques prévues par le traité FUE, être qualifié d’acte législatif. Au point 65 de l’ordonnance attaquée, le
Tribunal a constaté que, en l’espèce, le critère pertinent pour qualifier un acte d’acte législatif ou d’acte
réglementaire est la procédure ayant mené à son adoption.
14. Eu égard à l’interprétation de la notion d’«actes réglementaires» au sens de l’article 263, quatrième alinéa,
TFUE, retenue aux points 41 à 56 de l’ordonnance attaquée, et à la conclusion que le règlement litigieux n’est
pas un acte réglementaire au sens de cet article, le Tribunal a conclu que le recours ne saurait être déclaré
recevable sur la base de la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans ces conditions, il
n’y aurait pas lieu de déterminer si ce règlement comporte des mesures d’exécution.7

Document n°9 : CJUE, 16 juillet 2015, Commission c/ Parlement et Conseil, C-88/14


28. Il ressort de la jurisprudence que le législateur de l’Union dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’il
décide d’attribuer à la Commission un pouvoir délégué en vertu de l’article 290, paragraphe 1, TFUE ou un
pouvoir d’exécution en vertu de l’article 291, paragraphe 2, TFUE (arrêt Commission/Parlement et Conseil,
C‑427/12, EU:C:2014:170, point 40). Cependant, ce pouvoir d’appréciation doit être exercé dans le respect
des conditions prévues aux articles 290 TFUE et 291 TFUE.
29. S’agissant de l’octroi d’un pouvoir délégué, il ressort de l’article 290, paragraphe 1, TFUE qu’un acte
législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui
complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif. Conformément au second alinéa
de cette disposition, les objectifs, le contenu, la portée ainsi que la durée de la délégation de pouvoir doivent
être explicitement délimités par l’acte législatif conférant une telle délégation. Cette exigence implique que
l’attribution d’un pouvoir délégué vise l’adoption de règles qui s’insèrent dans le cadre réglementaire tel que
défini par l’acte législatif de base (arrêt Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point
38).
30. S’agissant de l’octroi d’un pouvoir d’exécution, l’article 291, paragraphe 2, TFUE énonce que des actes
juridiquement contraignants de l’Union confèrent un tel pouvoir à la Commission ou, dans des cas
spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles 24 TUE et 26 TUE, au Conseil, lorsque des
conditions uniformes d’exécution de ces actes sont nécessaires. Dans le cadre de l’exercice du pouvoir
d’exécution qui lui est conféré, l’institution concernée est appelée à préciser le contenu d’un acte législatif,
afin d’assurer sa mise en œuvre dans des conditions uniformes dans tous les États membres (voir arrêt
Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 39).
31. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que la Commission, en exerçant un pouvoir d’exécution,
ne peut modifier ni compléter l’acte législatif, même dans ses éléments non essentiels (arrêt
Parlement/Commission, C-65/13, EU:C:2014:2289, point 45).
TD de Droit de l’UE – L2 Droit – 2023-2024 – Séance n°6 : Le droit dérivé de l’UE Page 8 sur 10
32. Contrairement à ce que soutient la Commission, ni l’existence ni l’étendue du pouvoir d’appréciation
conféré à celle‑ci par l’acte législatif ne sont pertinentes aux fins de déterminer si l’acte à adopter par la
Commission relève de l’article 290 TFUE ou de l’article 291 TFUE. En effet, il ressort du libellé de l’article
290, paragraphe 1, TFUE que la légalité du choix opéré par le législateur de l’Union d’octroyer un pouvoir
délégué à la Commission dépend des seuls points de savoir si les actes que cette institution est appelée à
adopter sur le fondement de cet octroi sont de portée générale et s’ils complètent ou modifient des éléments
non essentiels de l’acte législatif.

Document n°10 : Jean QUATREMER, « La comitologie : là où est vraiment le pouvoir européen »,


Libération, 28 février 2017 (extraits)

La « comitologie » fait partie des charmes discrets de l’Union, celui des expressions mystérieuses qui n’ont de
sens que pour quelques initiés appartenant à la bulle européenne. Pourtant, c’est dans ces « comités » qui
décident selon des procédures complexes, dans un entre soi opaque, que s’exerce une bonne partie du pouvoir
à Bruxelles. Ainsi, alors que la plupart des médias passent leur temps à affirmer que la Commission va décider
de la définition des perturbateurs endocriniens, en application d’une législation européenne déjà adoptée,
c’est en réalité les États qui sont à la manœuvre. Visite guidée.

La Comitologie, c'est quoi ?

Dans tous les Etats démocratiques, la séparation est claire entre, d’un côté, le pouvoir législatif exercé par le
Parlement, et, de l’autre, le pouvoir réglementaire relevant de l’exécutif. Ainsi, en France, on distingue la loi
des décrets et arrêtés, ces derniers étant adoptés par le gouvernement sans aucun contrôle parlementaire. Dans
l’Union, c’est, a priori, la même chose : la Commission propose des directives et des règlements qui sont
ensuite adoptés par le Conseil des ministres (où siègent les États) et le Parlement européen. Mais, pour mettre
en œuvre cette législation, il faut en général adopter soit des mesures précisant (et non modifiant) tel ou tel
aspect de la loi européenne (actes délégués contrôlés par le Parlement européen), soit des actes d’exécution
purs, comme l’autorisation ou non d’un OGM, d’un médicament, d’un produit chimique comme le
glyphosate, de vins rosés fabriqués en mélangeant du vin blanc à du vin rouge, etc.
Pour ce faire, la Commission n’est pas libre de faire ce qu’elle veut, sauf dans les domaines de sa compétence
exclusive (il y en a quatre, dont la politique de concurrence) : elle doit proposer à un « Comité » composé d’un
représentant par État membre (généralement un expert dans le domaine en question) la décision qu’elle
souhaite prendre. Si une majorité qualifiée (55 % des États représentant 65 % de la population européenne)
l’adopte, pas de problème. Même chose si une majorité qualifiée la rejette. En revanche, s’il n’y a aucune
majorité dans un sens ou dans l’autre, la Commission décide seule. Dans quelques domaines (fiscalité, services
financiers, santé, sécurité des personnes, des animaux ou des plantes) ou si une majorité simple d’États
s’opposent à l’acte, un « comité d’appel », lui aussi composé des représentants des États, est saisi et les mêmes
règles de majorité s’appliquent.
Il existe des centaines de ces comités (un par domaine) qui ont été créés ex nihilo en 1962 pour mettre en
œuvre la Politique agricole commune (les fameux « comités de gestion »). Ce n’est qu’avec l’Acte unique de
1987 qu’ils ont acquis une existence légale. Depuis, leur mode de fonctionnement a été modifié à plusieurs
reprises, la dernière fois par le traité de Lisbonne entrée en vigueur en 2009 (mis en œuvre par un règlement
de 2011). Ce sont dans ces comités, qui siègent loin des regards, que sont produits l’essentiel des normes: en
2016, s’il y a eu 65 directives et règlements adoptés par le Parlement et le Conseil, les Comités, eux, ont
pondu 137 actes délégués et 1494 actes d’exécution…

TD de Droit de l’UE – L2 Droit – 2023-2024 – Séance n°6 : Le droit dérivé de l’UE Page 9 sur 10
Pourquoi une telle usine à gaz ?

Pour les Etats, il est hors de question de donner un pouvoir réglementaire autonome à la Commission : ils
veulent rester maitres jusqu’au bout du processus législatif (actes délégués), mais aussi pouvoir bloquer une
décision de la Commission appliquant la législation européenne (comme les glyphosates). C’est comme si en
France, le gouvernement devait soumettre au Parlement tous ses décrets et arrêtés d’application, ce que la
Constitution de la Ve République exclut. Certes, dans d’autres pays, comme en Grande-Bretagne et en
Allemagne, les élus continuent à exercer un contrôle sur les actes d’exécution des lois qu’ils ont adoptées, mais
il s’agit juste d’un droit de véto en cas de dérives. […]
La plupart du temps, ce contrôle se passe très bien. Ainsi, selon la Commission, sur 1726 avis émis par les
comités en 2015, 2 ont été défavorables et il y a eu 36 absences d’avis, soit 2 % du total. Mais voilà :
l’incapacité des Etats à trancher touche des questions « très sensibles », comme le reconnaît avec componction
la Commission : en réalité, tout ce qui est lié à la santé humaine (OGM, produits chimiques, etc.), c’est-à-dire
là où les intérêts industriels sont en jeu. La Commission doit donc prendre seule la décision, même si rien ne
l’y oblige. […]

Document n°11 : Statistiques sur les actes adoptés par l’Union européenne pour l’année 2023
Actes adoptés
Actes « de Actes
base » modificatifs
Actes législatifs – Procédure législative ordinaire 42 35
dont Règlements du Parlement et du Conseil 35 20
dont Directives du Parlement et du Conseil 5 10
dont Décisions du Parlement et du Conseil 2 5
Autres actes législatifs (y compris Procédure législative spéciale) 325 164
dont Règlements du Conseil 11 37
dont Directives du Conseil 0 1
dont Décisions du Conseil 314 126
Actes délégués 49 79
Actes d’exécution 658 391
Source : Statistiques sur les actes juridiques – Base EUR-Lex.eu
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