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La comitologie : solution ou problème ?

04/04/2019
Tangi GAUTIER - Groupe 1

1
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

I. LA COMITOLOGIE COMME SOUTIEN À LA PROCÉDURE EXÉCUTIVE.

A) Pourquoi une telle comitologie ?

B) Le fonctionnement de la comitologie dans le cadre des actes d’exécution.

II. LA REMISE EN QUESTION DE LA PROCÉDURE COMITOLOGIQUE AVEC


L’EXEMPLE DU GLYPHOSATE.

A) L’exemple du glyphosate : révélateur de dysfonctionnements au sein du processus


démocratique.

B) Vers une réforme de la comitologie ?

CONCLUSION

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

2
INTRODUCTION

Le terme comitologie aurait été utilisé la première fois par C. Northcote Parkinson, la science de la
comitologie étant pour lui l’étude des comités et de la façon dont ils fonctionnent. Néanmoins, dans le cadre
de l’Union européenne et selon une étude de l’OCDE publiée en 2002, la comitologie représente les
différentes « procédures qui font intervenir des comités composés de représentants des États membres et
présidés par la Commission, via lesquelles les États membres peuvent exercer un certain droit de regard sur
les pouvoirs d’exécution délégués à la Commission par le Conseil » 1. En effet, selon l’article 202 du Traité
instituant la Communauté Européenne [voir annexe 1], le Conseil « confère à la Commission, dans les actes
qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il établit » 2. La Commission peut donc adopter des
mesures d’exécution, à savoir des actes délégués et des actes d’exécution. D’un point de vue historique, ce
mécanisme de délégation a beaucoup évolué. C’est avec l’Acte unique de 1987 [voir annexe 2] et l’article
202 du Traité du fonctionnement de l’Union européenne qu’ils ont acquis une base juridique formelle.
Depuis, leur mode de fonctionnement a été modifié à plusieurs reprises, la dernière fois et de manière notable
par le traité de Lisbonne mis en œuvre par un règlement en 2011. Ce sont dans ces comités que sont produits
l’essentiel des normes : « en 2016, s’il y a eu 65 directives et règlements adoptés par le Parlement et le
Conseil, les Comités, eux, ont produit 137 actes délégués et 1494 actes d’exécution » 3. Nous allons nous
pencher surtout sur les actes d’exécution qui interviennent si une application d’un texte législatif est
nécessaire dans l’Union Européenne et ne peut être laissée à l’appréciation de chaque État membre, en
application du principe de subsidiarité, c’est-à-dire le principe selon lequel la responsabilité d'une action
publique revient à l'entité centrale compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par
cette action. Ces derniers répondent à toute une procédure comitologique spécifique. Ce sujet a un écho
particulier dans l’actualité, notamment avec l’affaire du glyphosate en 2017 qui continue à faire parler d’elle.
C’est d’ailleurs avec ce cas précis que nous mettrons en résonance notre seconde partie.

Ainsi, nous nous demanderons pourquoi la procédure de comitologie pensée à la base comme un
moyen de faciliter le processus exécutif est-elle remise en question aujourd’hui ? Et quels sont les enjeux de
la comitologie dans une Union Européenne bouleversée institutionnellement ? Pour cela, nous aborderons
dans un premier temps la comitologie dans ses origines et dans son fonctionnement pour montrer que cette
procédure est d’abord pensée comme un soutien à la procédure exécutive. Puis nous étudierons le cas du
glyphosate, affaire qui a fait coulé beaucoup d’encre ces dernières années à propos du système comitologique
européen, allant jusqu’à questionner ses fondements démocratiques.

1 OCDE, Études économiques de l'OCDE : Zone Euro 2002, Service des publications de l’OCDE, Paris (2002).p. 165
2 Article 202 du Traité instituant la Communauté Européenne (1992).
3 QUATREMER Jean, « La comitologie, là où est le vrai pouvoir européen », Libération (2017).

3
I. LA COMITOLOGIE COMME SOUTIEN À LA PROCÉDURE EXÉCUTIVE.

Dans cette première partie, il s’agira de traiter des origines de la comitologie et d’observer son
évolution au fil des réformes institutionnelles de l’Union européenne. Puis nous verrons son fonctionnement
plus en détails, notamment face à l’adoption d’actes d’exécution, qu’il nous faut comprendre pour mettre en
avant les enjeux qui se cachent derrière la comitologie.

A) Pourquoi une telle comitologie ?

Pour les États, il ne s’agissait pas de mettre un pouvoir réglementaire autonome dans les mains de la
Commission. Au contraire, ils désiraient conserver le pouvoir de bloquer une décision de la Commission qui
applique la législation européenne avec les actes d’exécution. Pour illustrer cette idée, on peut imaginer son
équivalence si elle existait en France : cela reviendrait à ce que le Gouvernement soumette au Parlement ses
décrets et ses arrêtés avant application, ce que la V ème Constitution exclut évidemment. La Commission n’est
donc pas vraiment un exécutif au sens national du terme : elle reste étroitement contrôlée par les
Gouvernements. Ainsi, le rôle des comités est d’apporter à la Commission l’expertise des administrations
nationales tout en permettant au Conseil de garder un certain contrôle. Les comités sont en principe
composés d’un représentant de chaque pays membre de l’Union Européenne et sont présidés par un
fonctionnaire de la Commission. Toutefois, nombreux sont les cas où assistent deux ou trois représentants
par État membre. Par exemple, ce fut le cas de la France pendant la 118 ème réunion du Committee for the
Common Organisation of the Agricultural Markets à Bruxelles le 29 Septembre 2015, qui envoya trois
membres du ministère de l’agriculture et un membre de FranceAgriMer 4. A l’inverse, le Danemark ne
détacha qu’un membre de l’Agence danoise de l’agriculture. Cette illustration met en avant l’absence de
modèle commun en ce qui concerne le nombre et les institutions d’origine de chaque représentant national.
Chaque État membre décide de la composition de sa délégation auprès des comités. Cela témoigne de
l’extrême complexité du système comitologique. Enfin, quand intervient la comitologie ? Elle s’applique
lorsque des compétences d’exécution sont conférées à la Commission dans le texte d'un acte législatif. Pour
mettre en œuvre cette législation, il faut en général adopter soit des mesures précisant (et non modifiant) tel
ou tel aspect de la loi européenne (actes délégués contrôlés par le Parlement européen), soit des actes
d’exécution purs, comme l’autorisation ou non d’un OGM, d’un produit chimique, d’un médicament… Par
ailleurs, la comitologie n’est pas obligatoire pour tous les actes d’exécution : la Commission dispose de
domaines de compétences exclusifs et n’est pas sommée de faire appel à cette procédure dans certains cas
(accorder des subventions ne dépassant pas un certain plafond par exemple).

Processus méconnu de la coordination nationale des affaires européennes, pour comprendre les
origines de la comitologie et son fonctionnement actuel, il est nécessaire revenir brièvement sur le
4 Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer créé en 2009 ayant pour mission d'appliquer, en France, certaines mesures
prévues par la Politique agricole commune.

4
changement majeur institué en 2009 avec le Traité de Lisbonne. En effet, à la base, la comitologie est à
prendre comme un « compromis »5 entre les différentes instances européennes face à la délégation de pouvoir
exécutif à la Commission. En effet, si les États ne voulaient pas donner trop d’influence à la Commission, le
Parlement européen se sentait quant à lui mis de côté, d’autant plus que ses compétences initiales étaient
limitées. Les procédures de comitologie résultent de la nécessité pratique d'adapter et de modifier des
règlements techniques, en particulier dans le domaine des règles du marché unique. Autant d’actes dont le
Conseil n’aurait pas le temps de s’occuper. Toutefois, les États membres voulaient en garder un certain droit
de regard. Il a donc été décidé que la Commission, quand elle exercerait les compétences d'exécution qui lui
sont déléguées, serait tenue de travailler avec des comités composés en pratique de fonctionnaires nationaux.
L’Acte unique européen de 1987 et l’article 202 du Traité instituant la Communauté européenne ont alors
introduit trois types de procédures avec les comités qui leurs sont liés (comités consultatifs, de gestion et
réglementaires).

Cependant, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, la procédure de comitologie va


largement être transformé. Désormais, la Commission a la possibilité de prendre des mesures d’exécution,
c'est-à-dire des règlements d’application, en étant assistée de groupes d’experts. On distingue dès lors les
actes délégués (fruit d’une autorisation écrite dans les textes législatifs adoptés par le Parlement et le
Conseil) et les actes d’exécution (application uniforme d’un texte législatif qui ne peut être laissée à
l’appréciation de chaque État membre). Ces deux nouveaux actes sont définis respectivement à l’article 290
et 291 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [voir annexe 3]. Cette nouvelle procédure est
justifiée par ses auteurs pour donner une plus grande place aux États membres, via leur représentant au
Comité. C’est dans le cadre des actes d’exécution que vont s’appliquer les procédures de comitologie qui
nous intéresse.

B) Le fonctionnement de la comitologie dans le cadre des actes d’exécution.

Malgré le fait qu’elle soit peu connue du grand public et apparaisse au mieux comme une partie
obscure de l’organisation européenne, l’enjeu de la comitologie est, cependant, loin d’être mineur. Il s’agit
d’un engrenage central de la prise de décision administrative européenne et, en ce sens, d’une pièce clé de la
mise en œuvre des politiques européennes au niveau national. Nous allons donc ici nous intéresser au
fonctionnement purement pratique de la comitologie. Lorsque la Commission doit adopter des actes
d’exécution, elle propose à un comité la décision qu’elle souhaite prendre. Alors, l’une des procédures
suivantes s’applique : consultative, d’examen ou d’urgence. Dans tous les cas, un comité composé de
représentants de tous les pays de l’Union doit émettre un avis formel, généralement par un vote, sur les
mesures proposées par la Commission. Le choix entre ces procédures est consigné dans le règlement de
l’Union européenne n°182/2011 [voir annexe 4] :
5 FEVRIER Jean-Marc & TERPAN Fabien, Les mots de l’Union européenne : droit, institutions, politique, Presses universitaires mirail, coll. « Les
mots de », 2004.

5
1. La procédure consultative (consignée à l’article 5) : La Commission est libre d'adopter ou non l'acte
proposé mais doit « tenir le plus grand compte » de l'avis du comité avant de prendre sa décision ;
2. La procédure d’examen (consignée à l’article 4) : Il y a trois cas envisageables qui sont régis par un
vote à la majorité qualifiée du comité. C’est un vote des États membres qui est pondéré sur la base
de la densité de leur population. L’utilisation de cette majorité au lieu d’une majorité simple (la
moitié des États plus un) est prévue dans les textes. Pour la procédure comitologique, elle est définie
par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne 6. À compter du 1er Novembre 2014, la
majorité qualifiée a été établie à 55% des voix pondérées de minimum 15 États membres
représentants ainsi 65% de la population totale de l’Union. Si une majorité qualifiée est favorable à
la proposition, alors la Commission l’adopte. A l’inverse, si une majorité qualifiée est défavorable à
la proposition, alors la Commission ne l’adopte pas. Enfin, le troisième cas se manifeste lorsque
aucune majorité qualifiée ne se dégage et qu’il n’y a donc pas d’avis spécifique. Alors la
Commission peut agir comme elle l’entend, sauf si le projet porte sur certains domaines (fiscalité,
protection de la santé, des animaux ou des plantes), si une majorité simple des membres du comité
est défavorable au projet, ou encore si le législateur a prévu dans l’acte de base l’interdiction pour la
Commission d’adopter l’acte en cas d’absence d’avis ;
3. Les procédures d’urgence (consignées à l’article 7 et 8) : Enfin, deux procédures dite d’urgence
peuvent être déclenchées.
a) La première est due à des « circonstances exceptionnelles » : la Commission adopte un acte
d’exécution alors que le comité à rejeter le texte ou n’a pas rendu d’avis dès lors que son
adoption sans délai est nécessaire pour empêcher une importante perturbation des marchés dans
le domaine de l’agriculture ou un risque pour les intérêts financiers de l’Union.
b) La seconde procédure d’urgence est autorisée « pour des raisons d’urgence impérieuses dûment
justifiées » : la Commission adopte un acte d’exécution sans saisine d’un comité pour une
période maximum de 6 mois.

[Voir annexe 5]7.

En plus de cela, l’article 6 du règlement n°182/2011 prévoit l’existence de comités d’appel. Si la


Commission ne peut pas adopter un acte d’exécution proposé, elle peut porter l'affaire devant le comité
d'appel. Ce comité fonctionne d’une manière similaire aux autres comités : il est composé de représentants
des pays de l’Union Européenne, mais à un niveau plus élevé, présidé par la Commission et suit les mêmes
règles de vote. Si le comité d'appel se prononce contre, la Commission doit se ranger à sa décision. Le
Comité d’appel constitue une importante innovation introduite lors de la réforme de 2011. En effet,
auparavant c’était le Conseil lui même qui était saisi lors d’un avis négatif, voire d’absence d’avis du comité.
S’il est vrai que le comité d’appel est composé de représentants des États membres, il est désormais présidé
6 Article 238 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (1958).
7 Schéma des différentes procédures du processus de comitologie en annexe 5.

6
par la Commission qui fixe donc l’ordre du jour de ses réunions et décide du texte qui sera soumis au vote.
Le recours à la procédure d’appel s’avère cependant rare et ne concerne que les cas les plus sensibles ce qui
permet de faire une transition avec la partie suivante et l’affaire du glyphosate.

II. La remise en question de la procédure comitologique avec l’exemple du glyphosate.

Dans cette seconde partie, nous allons utiliser l’exemple de l’affaire du glyphosate pour donner à
voir les problématiques qui entourent la mise en œuvre de la comitologie, à savoir un manque démocratique
et un ras-le-bol de la part de la Commission quant à la décharge de la responsabilité des États sur cette
dernière. Il faudra ensuite explorer les pistes de réflexion quant à la réforme potentielle de la comitologie.

A) L’exemple du glyphosate : révélateur de dysfonctionnements au sein du processus démocratique.

Le glyphosate et une molécule herbicide jugée en 2015 comme « probablement cancérigène »8 et


dangereux pour environnement. Comme pour tous produits phytosanitaires dans l’Union Européenne, cette
molécule doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché renouvelable tous les dix ans (Règlement
de l’Union européenne 1107/2009) [voir annexe 6]. Le 27 Novembre 2017, la Commission a autorisé le
renouvellement du glyphosate à travers l’avis du comité d’appel. Ce résultat est le fruit de toute la procédure
habituellement mise en place pour le renouvellement d’une telle molécule. D’abord, il y a eu une demande
de renouvellement d’une entreprise auprès d’un État membre. Ce dernier est alors dit « rapporteur » : il doit
mené un rapport d’expertise sur la molécule en question. Dans le cas du glyphosate, l’État rapporteur était
l’Allemagne. Par la suite, l’État rapporteur envoie son rapport d’expertise à l’Autorité Européenne de
sécurité des aliments, qui elle-même, après avoir réalisée un nouveau rapport, envoie ses recherches à la
Commission. Cette dernière instance propose alors d’adopter ou non la proposition de renouvellement via le
comité compétence (ici le ScoPAFF). Or, à l’issue du vote, aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée. Dès
lors, la Commission a mobilisé le comité d’appel. Ce dernier a finalement décidé du renouvellement du
glyphosate en 2017. Dans le cas de cette affaire, la procédure de comitologie a largement été questionnée,
notamment dans sa légitimité à prendre une pareille décision. Nous allons donc nous demander ici si la
comitologie marque l’éloignement des citoyens vis-à-vis des décisions réalisée au sein de l’Union
Européenne ?

D’abord, il faut souligner un manque de transparence qui entraîne un déficit de confiance citoyenne.
En effet, les votes des États sont anonymes dans la procédure de comitologie classique. Il est donc
juridiquement impossible pour les citoyens de connaître le sens du vote de chaque État Membre. Un tel

8 Étude menée par le Centre International de Recherche contre le Cancer ou IARC (2015).

7
anonymat sur un sujet aussi sensible ne peut pas renforcer la confiance des citoyens, surtout avec les études
menées auparavant qui donnait au glyphosate un caractère dangereux.

De plus, on peut se poser la question de la légitimité démocratique puisque la procédure de


comitologie n’en bénéficie pas directement. La Commission n’a pas pris en compte les vecteurs de cette
légitimité quand ils se sont exprimés concernant le glyphosate. En effet, le 24 Octobre 2017, le Parlement
avait adopté une résolution demandant essentiellement l’interdiction du glyphosate d’ici 2022. Alors certes
une résolution n’est pas contraignante. En effet, le Parlement européen n’a pas de compétence dans le cadre
du renouvellement de l’autorisation des pesticides. Toutefois, accorder aussi peu d’importance à cette
résolution pour un sujet touchant la santé publique de tous les citoyens de l’Union Européenne relativise
grandement l’importance du Parlement européen. On peut ajouter à cela un second vecteur de légitimité
démocratique qui a vu son efficacité très limitée : celui de l’initiative citoyenne « Ban Glyphosate ». Depuis
le Traité de Lisbonne, l’article 11 du Traité sur l’Union européenne permet à un million de citoyens
ressortissants de l’Union Européenne de déposer une initiative citoyenne auprès de la Commission. Or, des
pétitionnaires revendiquaient depuis le 15 Juin 2017 plus d’un million de signatures, seuil qui permet de
déposer l’initiative devant la Commission.

La Commission, en adoptant cette proposition de renouvellement, a fait couler beaucoup d’encre. En


effet, elle a de fait écarté la légitimité démocratique globale (Parlement européen et initiative citoyenne) qui
décrédibilisait et demandait l’interdiction du glyphosate. De telle sorte, cette affaire a révélé l’enjeu de la
comitologie : celui du manque démocratique.

B) Vers une réforme de la comitologie ?

Confrontée à la pratique, la comitologie ne tient pas entièrement compte de la position citoyenne.


C’est ce manque de représentativité qui a amené la Commission à proposer une réforme de la procédure
comitologique. Lassé d’être montré du doigt, Jean-Claude Juncker, le président de l’exécutif européen, avait
déclaré « Nous allons changer ces règles, car ce n’est pas cela la démocratie ». Selon ce dernier, il n’est pas
juste que face à leurs indécisions, les États se défaussent sur la Commission et la laisse décider. En effet,
l’incapacité actuelle des représentants des États membres à se mettre d’accord sur des projets de décision lors
des votes en comité, par exemple sur des autorisations d’importation d’OGM, fait peser sur la Commission
l’obligation de prendre la décision finale. L’exemple de Ségolène Royal qui dénonce des « comités d’experts
irresponsables » alors qu’elle sait très bien qu’il ne sont que la représentation des États membres témoigne
de cette tendance que la Commission ne supporte plus 9. L’idée est alors simple : forcer les États à assumer
leurs responsabilités, tout en évitant le manquement démocratique manifeste que la procédure comitologique
instaure. Sa proposition de réforme du règlement 182/2011 reposait ainsi sur quatre mesures :

9 QUATREMER Jean, « La comitologie, la où est le vrai pouvoir européen », Libération (2017).

8
- Tout d’abord, il est nécessaire de rendre public le vote de chaque État membre en comité d’appel afin
d’appeler à plus de transparence de la part de ces derniers, avec l’idée sous-jacente très claire de les inciter à
mieux assumer leurs choix. A noter que l’identité des représentants des États membres reste également
anonyme. La transparence deviendrait alors un moyen de pression ;
- Ensuite, il faut changer les modalités de prise en compte des abstentions jusqu’à présent considérées
comme vote contre. Avec cette réforme, l’abstention ne serait plus prise en compte dans le calcul de la
majorité qualifiée. Rappelons que l’absentéisme des États au sein des comités est significatif même s’il est à
la baisse depuis quelques années. Ainsi, en 2008, dans 40,9% des cas, tous les États membres n’étaient pas
représentés contre 26,6% en 201310. On peut alors se demander si les États ne se désintéressent pas
simplement des actes législatifs secondaires de l’Union ;
- Juncker propose également d’inventer une variante ministérielle au comité d’appel, c’est-à-dire que ce ne
seraient plus les hauts fonctionnaires qui y siégeraient mais plutôt les ministres compétents ;
- Enfin, il serait bénéfique de demander au Conseil des Ministres compétent un avis consultatif en amont, en
espérant une position commune que les États membres réunis au sein du Comité d’appel n’ont pas été
jusque-là en mesure d’attendre.

La proposition de changement du règlement de comitologie étant ouverte, certains prônent même des
mesures encore plus abouties, à l’image de la commission « agriculture ». Cette dernière propose une
avancée encore plus profonde dans la transparence avec la mise en public de « la composition des comités,
l’assiduité à ces comités et [...] les autorités des États membres qui y participent » 11. Cette même
commission propose également de rendre publique la motivation de vote des États. Il apparaît essentiel dans
le processus de décision communautaire que les États donnent des explications à leurs votes, ces derniers
pouvant très bien relevés d’un choix politique par exemple.

La proposition est actuellement en discussion au Parlement européen. Cette dernière va dans le sens
et pourrait être approfondie avec ce qu’avait déjà proposé Claude Blumann, docteur en droit à l’Université
Panthéon-Assas, plusieurs années auparavant. En effet, celui-ci avait mis en avant ce manquement
démocratique de la comitologie et l’exclusion relative du Parlement européen dans l’adoption de tels actes
d’exécution. En effet, plutôt que de permettre une initiative citoyenne, il serait envisageable de proposer
directement au Parlement européen d’intervenir dans un tel processus de décision et lui laisser son mot à
dire. De fait, la procédure comitologique en ressortirait « corrigée » et ouvrirait une fenêtre sur le
positionnement citoyen.

10 PASARIN Fernández, MAR Ana, « The state back in : la comitologie ou la délégation controlée et coordonnée du pouvoir », Revue française
d'administration publique, vol. 158, no. 2, 2016, pp. 463-475.
11 Parlement européen, Projet d’avis de la commission de l’agriculture et du développement rural à l’intention de la commission des affaires
juridiques sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (UE) n°182/2011 établissant
les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par le
Commission, 2017/0035(COD), Juillet 2017.

9
CONCLUSION

La comitologie concerne les aspects techniques des règles de droit et elle est également un enjeu
politique important pour les institutions communautaires participant au processus législatif. Elle est efficace
et permet d’adopter de nombreux actes d’exécution tous les ans. Toutefois, elle interpelle sur l’éloignement
de l’UE de ses citoyens. Le dossier du glyphosate, qui a fait la une des médias en France, en est un exemple.
L’étude de la procédure de son renouvellement permet ainsi de souligner un déficit de confiance et de
transparence. De plus, la Commission ne veut plus prendre de coups à la place des États. Tout cela à mener à
un questionnement sur la légitimité démocratique des acteurs institutionnels de l’Union européenne, plus
précisément de la Commission, avec l’idée sous-jacente d’une réforme de la comitologie.

10
ANNEXES

• ANNEXE 1 : Article 202 du Traité instituant la communauté européenne :


« En vue d'assurer la réalisation des objets fixés par le présent traité et dans les conditions prévues par
celui-ci, le Conseil:
- assure la coordination des politiques économiques générales des États membres,
- dispose d'un pouvoir de décision,
- confère à la Commission, dans les actes qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il établit.
Le Conseil peut soumettre l'exercice de ces compétences à certaines modalités. Il peut également se réserver,
dans des cas spécifiques, d'exercer directement des compétences d'exécution. Les modalités visées ci-dessus
doivent répondre aux principes et règles que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après avis du Parlement européen, aura préalablement établis. »

• ANNEXE 2 : Acte unique de 1987 :


Il a clarifié certaines règles concernant les compétences d’exécution. L’article 10 habilite le Conseil, comme
règle générale, à conférer à la Commission les compétences d’exécution des règles qu’il établit :
« L'article 145 du traité CEE est complété par les dispositions suivantes :
«— confère à la Commission , dans les actes qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il
établit. Le Conseil peut soumettre l'exercice de ces compétences à certaines modalités. Il peut également se
réserver, dans des cas spécifiques, d'exercer directement des compétences d'exécution . Les modalités visées
ci-dessus doivent répondre aux principes et règles que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de
la Commission et après avis du Parlement européen, aura préalablement établis. » ».

• ANNEXE 3 : Traité de Lisbonne de 2009 : Article 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne relatifs aux actes délégués et exécution :
Article 290 : « 1. Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non
législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte
législatif. Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la
délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent
donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir […] »
Article 291 : « 1. Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en
œuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union. 2. Lorsque des conditions uniformes d'exécution
des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences
d'exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles
24 et 26 du traité sur l'Union européenne, au Conseil. »

11
ANNEXE 4 : Règlement 187/2011 : établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de
contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission.

ANNEXE 5 : Le fonctionnement de la comitologie face à l’adoption d’un acte d’exécution.

Exemple d’une proposition de mesure pour autoriser un OGM à la culture.

ANNEXE 6 : Règlement 1107/2009 : établissant les règles et principes généraux relatifs à la mise sur le
marché des produits phytopharmaceutiques.

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BIBLIOGRAPHIE

Manuels spécialisés :
- FEVRIER Jean-Marc & TERPAN Fabien, Les mots de l’Union européenne : droit,
institutions, politique, Presses universitaires mirail, coll. « Les mots de », 2004.
- JACQUE Jean-Paul, Droit institutionnel de l'Union européenne, Dalloz, coll. « Cours droit
public », 2015.

Revues spécialisées :
- MAISCOQ Olivier, « La comitologie ou les mesures d'exécution dans la Communauté
européenne », Courrier hebdomadaire du CRISP, CRISP, vol. n° 2066, no 21, 2010, p. 5-38.
- PASARIN Fernández, MAR Ana, « The state back in : la comitologie ou la délégation
controlée et coordonnée du pouvoir », Revue française d'administration publique, vol. 158,
no. 2, 2016, pp. 463-475.
- OCDE, Études économiques de l'OCDE : Zone Euro 2002, Service des publications de
l’OCDE, Paris, 2002, p. 165.

Sitographie :
- Portail de l'Union européenne sur ec.europa.eu.
- « Registre de comitologie » sur ec.europa.eu.
- Site de la Commission européenne sur ec.europa.eu.
- Site du droit de l’Union européenne sur eur-lex.europa.eu.

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