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ANNEE ACADEMIQUE 2022-2023

LE DROIT
COMMUNAUTAIRE
Semestre III : Harmattan

KESSOUGBO Koffi
Maître Assistant FDD /UL

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PLAN DU COURS

Introduction
Chapitre 1 : Les traités constitutifs des communautés
Section 1 : Le contenu des communautés
Section 2 : La révision des traités
Chapitre 2 : Les actes unilatéraux de l’autorité communautaire
Section 1 : Les règlements communautaires
Section 2 : Les directives communautaires
Section 3 : Les décisions communautaires
Chapitre 3 : Les organes exécutifs de la communauté /la commission et le
conseil
Section 1 : La commission des communautés
Section 2 : Le conseil
Chapitre 4 : Le parlement des communautés
Section 1 : La composition et le fonctionnement du parlement
Section 2 : Les compétences du parlement
Chapitre 5 : La cour de justice des communautés

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INTRODUCTION

Le droit communautaire est formé de l’ensemble des règles qui régissent la


structure, les compétences et l’activité des communautés Européennes ou
Africaines. Hiérarchisé et coordonnées dans un corps de droit systématisé, ces
règles du Droit communautaire constituent ce que l’on appelle l’ordre juridique
communautaire.

Le droit communautaire se caractérise par trois traits essentiels :

- C’est un droit autonome,


- bien qu’autonome , le droit communautaire est largement intégré dans
l’ordre juridique interne des Etats membre de la communauté ;
- intégrée dans l’ordre juridique interne des Etats membres, la règle
communautaire y prime la règle nationale contraire .

§ I - Le droit communautaire est un droit autonome.

L’ordre juridique communautaire est distinct de l’ordre juridique international,


d’une part, de l’ordre juridique interne des Etats membres, d’autre part.

A- Il est distinct de l’ordre juridique international tant en raison de sa


finalité propre que de sa source.
1- Certes, le droit communautaire procède de traités internationaux mais ces
traités communautaires ont une finalité propre qui commande leur application
et leur développement.

Ils n’instituent pas, comme le fond la généralité des traités internationaux, un


ordre juridique de simple coordination conventionnelle de souverainetés
étatiques ; ils fondent une communauté autonome investie d’une autorité

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institutionnelle propre en vue de l’établissement progressif d’un ordre de
subordination des Etats membres et des intérêts communautaires.

1) L’autonomie du droit communautaire au regard du droit international résulte


également de sa source.
Si le droit communautaire comporte pour partie des règles établies par les
traités communautaires eux-mêmes et donc par accord conventionnel des Etats
membres, il est aussi constitué, pour une large part, de la législation au sens
matériel du terme que doit, en exécution des traités et selon les règles
« constitutionnelles », établir, dans son autonomie, l’Autorité communautaire.
L’autonomie de l’ordre juridique communautaire, au regard de l’ordre juridique
international, résulte encore du fait que l’interprétation, la systématisation et la
hiérarchisation des normes de cet ordre communautaire relèvent principalement
de la compétence et de l’appréciation d’une juridiction autonome : la Cour de
Justice des Communautés.

B- L’ordre juridique communautaire est distinct de l’ordre juridique interne


des Etats membres.

Certes, les règles de l’ordre juridique communautaire ont pour objet, pour
domaine matériel des activités, des opérations, des affaires économiques (libre
circulation, libre établissement, libre concurrence, agriculture, établissement de
l’union douanière, harmonisation des politiques économiques etc.), qui se
déroulent sur le territoire des Etats membres et relevaient antérieurement de leur
souveraineté et des règles de leur droit interne établies dans le seul intérêt national.

Mais, aujourd’hui, dans la mesure même où ces affaires ont été transférées par les
traités communautaires de la compétence des Etats à celle de la communauté, elles
sont devenues l’objet d’un droit autonome mis en œuvre ou élaboré, dans l’intérêt
commun, par une Autorité distincte de l’Autorité étatique : l’Autorité

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Communautaire, sous le contrôle d’une juridiction autonome : la Cour de Justice
des Communautés.

§ II – Bien qu’autonome, le droit communautaire est un droit largement


intégré dans l’ordre juridique interne des pays membres.

L’ordre juridique interne des Etats est un ordre juridique complexe, il n’est pas
simplement composé des normes établies par le législateur national.

Il est également composé, dans les pays « monistes », des règles du droit
international puisque dans ces pays ces règles sont, en tant que telles, applicables
dans l’ordre interne par les juges nationaux. Mais aussi il est composé, dans tous
les pays, de normes émanant d’autres sources que le législateur :

- de normes établies, dans les limites de leur compétence, par les collectivités
territoriales et personnes de droit public décentralisées de ces pays ;
- de normes établies, dans les limites de leur compétence, par les institutions
de droit privé habilitées à élaborer des règles de droit pour les besoins de
leur fonctionnement et de leur activité ( statuts, délibérations, décisions des
sociétés, des syndicats , des associations, etc .) ;
- de normes établies par voie de conventions collectives ou de contrats
individuels ( les contrats légalement faits « font la loi » des parties).
Toutes ces normes subsidiaires sont intégrées dans le droit interne des Etats
pour constituer avec la loi, à leur place dans la hiérarchie interne des règles
juridiques, l’ordre juridique interne de l’Etat.

De même, une grande partie des normes communautaires, bien qu’elles émanent
d’une source autonome, sont, en tant que telles, intégrées dans l’ordre juridique
interne des Etats membres et y sont immédiatement applicables par les juges
nationaux.

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§ III- Intégrée dans l’ordre juridique interne des Etats membres, la règle
communautaire y prime la règle nationale contraire.

C’est du moins ce qu’affirme, dans le silence des traités communautaires mais


dans une interprétation de leurs dispositions conforme à leur esprit et à leur
finalité, la Cour de Justice des Communautés, en dépit des résistances ( en voie
de régression) de certaines juridictions nationales.

C’est en tête de la hiérarchie des règles de droit qui composent l’ordre juridique
interne des Etats membres que doit être situé la norme communautaire intégrée
dans cet ordre juridique.

Il est des domaines dans lesquels les traités communautaires eux-mêmes, donnent
concurremment compétence pour la mise en œuvre de leurs prescriptions à
l’Autorité communautaire et à l’Autorité étatique. Du fait de cette concurrence,
de délicates questions d’harmonisation de la règle communautaire et de la règle
nationale se trouvent posées.

Parlant de l’essentiel (autonomie du droit communautaire-intégration du droit


communautaire dans l’ordre juridique interne des Etats membres, primauté de la
règle communautaire sur la règle nationale contraire), nous étudierons
successivement :

- les traités constitutifs des communautés,


- les actes unilatéraux des actes communautaires,
- les organes exécutifs de la communauté : le conseil et la commission,
- le parlement européen ;
- la cour de justice des communautés

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CHAPITRE I : LES TRAITES CONSTITUTIFS DES COMMUNAUTES

Les traités constitutifs des communautés sont en la forme des traités


internationaux de type classique : ils ont été conclus et ratifiés par les États
membres, selon les procédures traditionnelles.

Section 1- La signification et le contenu des traités constitutifs des


communautés

§ 1. La signification des traités constitutifs des communautés

Que faut-il entendre plus précisément par les traités constitutifs de la communauté
économique Européenne, de l’UEMOA, de la CEDEAO ou de l’UA ?

Pour la communauté Européenne du charbon et de l'acier, cette expression vise


non seulement le Traité C.E.C.A. lui-même, mais aussi ses protocoles, ses
annexes et la convention relative aux dispositions transitoires jointe au traité, cet
ensemble de textes ayant été signé le 18 Avril 1951 à Paris et étant entré en
vigueur le 23 Juillet 1952.

La communauté Économique Européenne, quant à elle, a été instituée par le


premier Traité de Rome complété par des protocoles et annexes également signés
le 25 mars et le 17 avril 1957 et entré en vigueur le 14 janvier 1958.

À quoi s'ajoutent :

- la convention « relative à certaines institutions communes », signée et ratifiée en


même temps que le traité de Rome, et entrée en vigueur à la même date ;

- le traité « instituant un conseil et une commission des communautés


Européennes » et ses annexes, signé à Bruxelles le 8 Avril 1965 et entré en vigueur
le 1er juillet 1967 ;

- le traité « portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités


instituant les communautés Européennes et du traité instituant un conseil et une

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commission de la communauté Européenne », signé à Luxembourg le 22 Avril
1970.

- Le traité de Bruxelles du 22 janvier 1972, relatif à l'adhésion à la communauté


Européenne de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et du Danemark.

Cet ensemble important de textes constitue ce que l'on a coutume d'appeler le droit
communautaire originaire par opposition au droit communautaire dérivé, ce
dernier étant constitué par les règles établies, soit en application des Traités, soit,
plus rarement, par accord des États membres.

S’agissant du contexte communautaire africain, on peut citer dans le cadre du


présent cours en exemple des traités constitutifs des communautés, le traité de
l’UEMOA du 10 janvier 1994 révisé en 2003 et les protocoles additionnels
(notamment les protocoles additionnels n° 1 et n° 2). Le premier protocole
additionnel est relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, alors que le 2 ème
protocole additionnel est relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA.

Pour la CEDEAO, les traités constitutifs sont composés du traité du 25 mai 1975
signé entre les 16 Etats membres, du traité révisé à Cotonou en juillet 1993 par
les Etats membres de la CEDEAO (désormais composée de 15 Etats membres,
après le départ de la Mauritanie) et des protocoles et de nombreux textes
additionnels, dont le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 sur la
démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif sur le
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la
paix et de la sécurité signé à Dakar.

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§ 2. Le contenu des traités constitutifs

Les traités constitutifs des communautés contiennent :

- des dispositions fondamentales qui déterminent les objectifs assignés à la


communauté qu'ils organisent ;

- des principes très généraux qui commandent l'application du traité : principes de


« coopération », principe de « non-discrimination » (art. 5 et 7 du traité C.E.E.) ;
ou le principe de respect des droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples de 1981 ;

- des dispositions qu'on peut appeler de droit institutionnel ou même


constitutionnel communautaire : les règles qui ont pour objet l’organisation des
institutions communautaires, la détermination de leurs compétences et de leurs
rapports ;

- des dispositions de droit financier communautaire : celle qui régissent les


ressources et les dépenses des communautés ainsi que les règles d'établissement
et exécution de leurs budgets ;

- des règles de droit administratif communautaire : ce sont celles qui concernent,


par exemple, les relations des communautés avec leur personnel, les contrats et la
responsabilité administrative ;

- des dispositions constituant (pour une part, car une « législation » émanant de
l'autorité communautaire) le droit économique, commercial et social des
communautés : ce sont celles qui règlent l'activité opérationnelle de ladite
communauté, les modalités de fonctionnement de l'Union économique.

Mais ici, une observation très importante doit être faite.

Le traité C.E.C.A., et dans une certaine mesure le traité Euratom, peuvent être
considérés comme des traités-lois : en effet, le Traité C.E.C.A., tout spécialement,

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détermine lui-même, pour l'essentiel, les règles selon lesquelles devra fonctionner
le Marché commun du Charbon et de l’Acier. C'est le « code » de ce Marché
Commun.

Il en va tout autrement du Traité C.E.E. : il constitue ce que l'on a coutume


d’appeler un traité-cadre, sinon dans sa partie consacrée à l'établissement de
l'Union douanière, du moins dans celle qui concerne l'établissement de l'Union
économique générale.

Traité-cadre ? Que faut-il entendre par cette expression ? Cela signifie que le
traité s'en tient, pour le domaine dont il s'agit, à fixer les objectifs généraux que
devra atteindre la communauté et, ces objectifs une fois fixés, à déterminer les
compétences et les pouvoirs attribués aux institutions communautaires pour les
atteindre.

Section 2- Les rapports des Traités communautaires avec les engagements


internationaux souscrits par les Etats membres.

Ce problème relève des règles du Droit international public général relatives au


conflit de Traités. Afin d'être précis, il faut distinguer deux cas particuliers.

- les traités conclus entre eux par des États membres ;

- les traités conclus par des États membres avec les pays tiers.

§ 1. Les traités conclus entre eux-mêmes par des États membres

La règle est très simple : ces traités demeurent valables dans la mesure où ils sont
compatibles avec les traités communautaires. C'est ainsi que l'article 233 du Traité
C.E.E. déclaré :

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« Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle à l'existence et à
l'accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg ainsi
qu’entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, dans la mesure où les
objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application du présent
traité ».

Par contre, les Conventions qui ont été conclues antérieurement aux traités
instituant les Communautés Européennes par des États membres entre eux,
cessent d'être applicables s'ils sont contraires aux dispositions des Traités
communautaires. La ratification de ces derniers traités par les États membres en
cause vaut abrogation implicite de leurs accords antérieurs contraires.

En application de ce principe, les articles 87 et 219 du Traité C.E.E. obligent les


États membres à ne pas se prévaloir de traités ou conventions existant entre eux
pour soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application des traités
communautaires à un mode de règlement autre que ceux prévus dans ces traités.

C'est la Cour de Justice des communautés européennes, devenue Cour de justice


de l’union européenne, qui est seule compétente pour juger des litiges survenus
entre les Etats membres en cette matière. Ainsi toute convention qui aurait prévu
des procédures particulières pour régler les différends entre certains États
membres serait ipso facto inapplicable dans les domaines réservés à la
compétence communautaire.

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§ 2. Les traités conclus par des États membres avec des pays tiers.

Il faut distinguer suivant la date de conclusion de ces accords.

1- Traités conclus avec les Etats tiers antérieurement aux traités


communautaires

En application du Droit international public les Etats membres doivent exécuter


les obligations que leur imposent ces traités, même si certaines de leurs clauses
sont contraires à celles des traités communautaires. Voir en ce sens l'article 234
du Traité C.E.E.

Ainsi l'article 234 C.E.E. déclare :

<< Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à


l'entrée en vigueur du présent traité, entre un ou plusieurs États membres d'une
part et un ou plusieurs États tiers d'autre part, ne sont pas affectés par les
dispositions du présent traité>>.

C'est en application de ce principe qu'un important arrêt de la Cour des


Communautés du 12 décembre 1972 (aff.21 à 24/72, Rec. 1972, p. 1219) affirme
que la Commission et le conseil des Communautés doivent dans leurs décisions
respecter les prescriptions des accords du GATT parce que, liant tous les États
membres, elles lient la communauté.

Toutefois, cela dit, et conformément encore au Droit international public, les


États membres ne peuvent pas opposer à la communauté, pour se soustraire à leurs
obligations communautaires, des Droits qui leur ont été reconnus par des États
tiers dans des Traités antérieurs. En signant les traités communautaires, ils ont
ipso facto renoncé à ces droits, contraires à leurs nouveaux engagements. Ainsi,
si les Etats membres ne peuvent se soustraire à leurs obligations qui découlent des
traités antérieurs, ils ne peuvent se prévaloir à l'encontre des Communautés de
droits qu'ils tireraient de ces mêmes conventions. (Voir en ce sens l'Arrêt de la
Cour de Justice du 27 février 1962, aff. 10/61, Rec. Vol. VIII, p.22).
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Cependant, après avoir consacré la validité des traités antérieurs, les traités
communautaires ajoutent que les États membres doivent s’efforcer de se délier de
leurs engagements antérieurs contraires aux règles communautaires par
négociations appropriées et au besoin avec l’aide de la communauté et des autres
États membres.

Ainsi l’article 234, al. 2, du Traité C.E.E dispose :

« Dans la mesure où ces conventions ne sont pas compatibles avec le présent


traité, le ou les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés
pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres
se prêtent une assistance mutuelle en vue d’arriver à cette fin, et adoptent le cas
échéant une attitude commune ».

2) Accords conclus par les Etats membres avec des pays tiers
postérieurement aux traités communautaires

En application du Droit international public, les Etats membres ne peuvent


valablement souscrire, dans les pareils accords, des obligations contraires à leurs
obligations communautaires. Ces traités, s’ils étaient cependant signés, seraient
inopposables à la communauté.

Pour éviter de tels errements, les traités européens ont prévu un certain nombre
de dispositions.

La formule de l’article 103 du traité C.E.E.A. est particulièrement nette à cet


égard. Aux termes de cet article :

Les Etats membres sont tenus de communiquer à la commission leurs projets


d’accord ou de conventions intéressant le domaine d’application du présent Traité.

Si la Communauté estime qu’il y a incompatibilité entre le contenu d’une


convention qu’un État membre s’apprête à signer avec un État tiers et les

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obligations qui découlent pour cet État des Traités communautaires, elle fait
connaître à l'État en cause ses observations ; il ne peut dès lors signer cet accord
qu’après avoir levé les objections de la Communauté, ou avoir obtenu de la Cour
de Justice qu’elle reconnaisse sa comptabilité avec les dispositions
communautaires.

C’est en application de ces dispositions que le Conseil, sur proposition de la


Commission, a pris, au départ, des mesures pour réserver les chances de la
politique commerciale commune prévue à l’article 113 du Traité C.E.E.

Aux termes de cet article, les Etats membres de la communauté perdaient, à


l’expiration de la période transitoire (1er Janvier 1970), compétence pour conclure
avec des pays tiers des accords commerciaux bilatéraux.

Dès lors, il fallait craindre qu’avant l’expiration de la période transitoire nos États
se hâtent de signer des accords de longue durée qu’ils proposeraient ensuite à la
Communauté. Pour éviter cette manœuvre, le Conseil a pris deux décisions, l’une
du 20 juillet 1960, l’autre du 9 octobre 1961.

Section 3. La révision des traités communautaires

§ 1. La solution de principe

C’est celle qu’énonce l’article 236 du traité CEE qui déclare :

« Le gouvernement de tout État membre ou la commission peut soumettre au


Conseil des projets tendant à la révision du présent Traité.

« Si le Conseil, après avoir consulté l’Assemblée et le cas échéant la


Commission, émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des
représentants des gouvernements des États membres, celle-ci est convoquée
par le Président du Conseil en vue d’arrêter d’un Commun accord les
modifications à apporter au présent Traité.

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« Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les
États membres en conformité de de leurs règles constitutionnelles
respectives. »

Il ne s’agit pas ici de la procédure classique du Droit international public. Il s’agit


d’une procédure qui associe la Communauté à la révision des Traités à la manière
plutôt de la révision des Chartes fédérales.

Ces principes posés, il faut se demander si la procédure prévue par les Traités est
obligatoire ou si nos États restent en droit de réviser ces Traités selon la méthode
diplomatique traditionnelle, celle de l’acte contraire. La question doit être
envisagée sous un double aspect.

Elle se pose tout d’abord sur un plan théorique de philosophie du Droit.

Faut-il considérer les Communautés comme des « choses » dont les États
membres peuvent à l’unanimité disposer librement et dont ils peuvent modifier le
statut selon leur plaisir ? Ou bien nos communautés sont-elles des « personnes »
de droit international dont il convient de respecter la « personnalité » en les
associant à la révision de leur statut ?

On incline à penser que la nature institutionnelle des communautés implique la


seconde solution. Toutefois force est de reconnaître qu’aucune règle du droit
positif ne l’impose en termes indiscutables.

Au niveau, en effet, de la technique, les Etats membres peuvent soutenir qu’étant


les auteurs du traité, ils peuvent le réviser selon la règle de l’acte contraire, et
notamment réviser les articles visant les procédures de révision.

En pratique que s’est-il passé ?

Les Etats membres ont modifié, par le traité du 27 octobre 1956, le traité
C.E.C.A., non pas selon les dispositions prévues à l’article 96 du traité, mais par

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la méthode de l'acte contraire. Il ne s’agissait pas en l’espèce, d’une modification
d’importance, et tous les Etats membres étaient d’accord.

Tout le monde était d’accord sur le fond, mais la procédure utilisée, celle de l’acte
contraire, a soulevé de très vives protestations, non seulement dans la doctrine,
mais au sein du parlement européen.

Ces critiques ont peut-être été entendues, car lorsqu’il s’est agi d'instituer un
Conseil et une Commission uniques des communautés, les procédures prévues
aux traités communautaires ont été respectées : en effet, le Traité du 8 avril 1965
a été négocié avec une participation active des autorités communautaires. Il a été
de même pour le Traité de Luxembourg du 22 avril 1970.

§ 2. Des procédures de révision simplifiées ont été prévues par les Traités

Elles ne font plus appel qu’aux organes communautaires.

1 - Telle est la solution établie pour la C.E.C.A. dans l’article 95, § 2 de son
Traité

C’est ce que l’on appelle la petite révision C.E.C.A.

Aux termes de cet article, si à l’expiration de la période transitoire, des difficultés


imprévues ou un changement profond de conditions économiques ou techniques
apparaissent dans le domaine du charbon et de l’Acier, la Haute Autorité peut
adapter le traité à la situation nouvelle si elle obtient l’accord du Conseil statuant
à la majorité des 5/6 de ses membres, l’avis favorable de la Cour de Justice et
l’approbation de l’Assemblée statuant à la majorité des ¾ des voix exprimées et
des 2/3 des membres qui la composent.

Cette petite révision ne peut pas toutefois porter sur les règles fondamentales qui
sont inscrites en tête du Traité (les articles 2, 3 et 4), non plus que modifier les
rapports respectifs des Institutions de la communauté. Par deux fois la Haute
Autorité a utilisé cette procédure : d’abord pour élargir le domaine d’application

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de l’article 56 du traité C.E.C.A. (Avis de la Cour n°1/60 du 4 février 1960, Rec.
Vol. VI, p. 97. Voir cet avis). Et puis la Haute Autorité a tenté d’user de cette
procédure une seconde fois lorsqu’elle a voulu modifier l’article 65 du Traité.
Mais la Cour cette fois n’a pas donné un avis favorable. (Avis de la Cour du 13
décembre 1961, n° 1/61, Rec. Vol. VII, p. 506, Voir cet avis).

2- Aux termes des trois traités, certains de leurs articles ou même de leurs
chapitres peuvent être révisés par les seuls organes de la communauté. Voyez, par
exemple, l’article 81 du Traité C.E.C.A., les articles 14 et 33 du Traité C.E.E., les
articles 76, 85, 90, 197 et 215 du traité C.E.E.A.

§ 3. Des procédures purement communautaires permettent de compléter les


traités.

Ces procédures sont instituées par l’article du traité C.E.E.

Les termes de l’article 235 du traité C.E.E. se présentent comme suit :

« Si une action de la communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le


fonctionnement du Marché commun, l’un des objets de la communauté, sans que
le présent traité ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil,
statuant à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation de
l’Assemblée, prend les dispositions appropriées ».

Mais compléter un Traité, n’est-ce pas d’une certaine manière le réviser ? Ces
dispositions appellent une observation préalable.

Ils excluent, semble-t-il, l’appel en droit communautaire à la théorie du Droit


international dite des pouvoirs implicites des organisations internationales. Selon
cette théorie, consacrée par la Jurisprudence de la Cour internationale de Justice,
les compétences des organisations internationales s’étendent de plein droit à tous
les actes indispensables à l’exercice de leurs fonctions.

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En raison des textes que nous examinons, il n’en est pas de même des
communautés européennes ; elles ne peuvent prétendre posséder de plein droit
dans le silence des textes – en vertu de la théorie des pouvoirs implicites – tous
les pouvoirs indispensables à l’accomplissement de leur mission puisque les
dispositions des textes communautaires prévoient cette hypothèse et imposent
pour elle la procédure qu’ils instituent. En cas de besoin, c’est à cette procédure
et non à la théorie des pouvoirs implicites – que doit recouvrir l’Autorité
communautaire.

Cette solution a été consacrée par la Cour de Justice des communautés


européennes, notamment dans deux arrêts du 15 juillet 1960 (affaires jointes, 20
et 25/59, Rec. Vol. p.690).

Ces précisions données, il convient encore de noter que le Conseil et les États
membres hésitent à faire usage des procédures instituées par l’article 235 du Traité
de Rome et par les textes analogues des deux autres Traités Communautaires.

C’est qu’en effet, maniés sans prudence, ces textes permettraient en réalité
d’étendre très largement les compétences des communautés, puisqu’ils permettent
au Conseil de s’attribuer tous les pouvoirs d’action qui lui paraissent nécessaires
pour atteindre l’un des « objets » de la communauté et que ce terme « objet »
pourrait être interprété très largement sur la base de l’article 2 du traité C.E.E. Il
s’agirait donc, dans la réalité des choses, d’une révision des traités à laquelle les
États membres ne participeraient que très indirectement, puisque la décision doit
être prise par le Conseil dans le cadre d’une procédure Communautaire, et non par
la Conférence intergouvernementale qui réunirait les représentants des États
membres.

Vous me direz que la différence entre ces deux procédures est purement formelle
et de peu d’intérêt pratique, puisque, dans les deux cas, l’unanimité est requise
pour la prise de décision. Cette opinion n’est pas exacte. En effet dans la procédure
de l’article 235 du Traité C.E.E., il s’agit d’une décision du Conseil qui est un acte
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communautaire non soumis à la ratification des États membres et insusceptible de
réserves (cf. Arrêt de la Cour des Communautés, 18 fév. 1970. Aff. 36/69, Rec.
Vol. XVI, p. 47). Par contre, lorsque la révision s’opère par la voie d’une
conférence intergouvernementale, la procédure aboutit à un accord sujet à
ratifications internationales.

On comprend dès lors les hésitations des Etats membres du Conseil à l’égard de
la procédure de l’article 235 du Traité C.E.E.

C’est, par exemple, sur la base de cet article que le Conseil a adopté, le 3 avril
1973, le règlement instituant le fonds européen de soutien monétaire, le 18 mars
1975 le fonds européen de développement régional, le 3 mars 1975 la décision
portant conclusion de la convention pour la prévention de la pollution maritime.

CHAPITRE II : LES ACTES UNILATÉRAUX DE L’AUTORITÉ


COMMUNAUTAIRE

L’article 189 du Traité C.E.E. déclare :

« Pour accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues au présent


Traité, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des directives,
prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis.

Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il
est directement applicable dans tout État membre.

La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en
laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.

La décision est obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu’elle
désigne.

Les recommandations et les avis ne lient pas ».

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Il nous faudra d’abord étudier les actes prévus par ces dispositions (1 à 4)

Cependant, les actes unilatéraux de l’Autorité communautaire (Commission-


Conseil) que définissent ces articles ne sont pas les seuls qu’elle puisse utiliser.
D’autres formes d’actes sont aussi en usage dans les Communautés, comme les
règlements intérieurs des institutions communautaires par exemple.

Les actes de l’Autorité communautaire (Commission-Conseil) constituent du


Droit communautaire dit « dérivé » parce que, pris dans l’exercice des
compétences instituées par les Traités et pour assurer l’application de leurs
dispositions, ils dérivent des traités, source « originaire » du Droit
communautaire.

L’une des questions capitales que pose la distinction faite par les traités :

- du règlement,
- de la directive,
- de la décision,

est celle de savoir quelle est la portée juridique respective, dans le droit interne
des pays membres, de ces actes.

C’est pratiquement la question de savoir quels sont ceux d’entre eux qui
engendrent directement, dans l’ordre juridique interne des États membres, des
droits individuels au bénéfice des personnes privées, droits individuels que les
tribunaux nationaux de ces États membres sont tenus de sauvegarder et de
sanctionner.

Selon les termes mêmes de l’article189 du Traité C.E.E., on affirmait que le


règlement dont cet article nous dit qu’il est « directement applicable dans tout
État membre » est, de ce fait, susceptible d’engendrer par lui-même,
directement, dans l’ordre national interne des droits individuels au bénéfice
des personnes privées.

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S’agissant des directives et des décisions adressées aux Etats membres par
l’Autorité Communautaire, on affirmait au contraire que ces actes, dont l’objet
est de prescrire aux Etats destinataires d’établir telles ou telles règles dans leur
droit national, sont insusceptibles d’engendrer par eux-mêmes, directement,
dans l’ordre juridique interne des droits individuels au bénéfice des
ressortissants des États en cause.

L’article 189, disait-on, se garde d’attacher pareille portée juridique aux


directives et décisions adressées aux États.

Ce ne sont pas les directives ou décisions communautaires adressées aux Etats


qui peuvent, par elles-mêmes, puisqu’elles ne « sautent » pas l’échelon
étatique, modifier les situations juridiques dans l’ordre interne. Les situations
juridiques individuelles ne seront modifiées dans l’ordre interne que par la
règle qu’en exécution de la directive ou de la décision d’État ou que les États
destinataires introduiront dans leur droit.

Dès lors, concluait on, ce n’est qu’après l’intervention de la règle nationale


prise par l’État pour rassurer l’exécution, dans son ordre interne, de la directive
ou de la décision qui lui a été adressée que ses ressortissants peuvent se
prévaloir devant leurs juges nationaux d’un droit personnel, qu’ils tiennent
alors, non pas directement de la directive ou de la décision communautaire en
cause, mais de la règle nationale établie dans leur Droit en exécution de cette
directive ou de cette décision.

L’arrêt rendu par la Cour des Communautés le 6 octobre 1970 ( aff. 9/70, Rec.
Vol. XVI, p.825) paraît avoir modifié profondément cette doctrine. Il me faudra
donc, après avoir exposé les dispositions expresses de l’article 189 du Traité
C.E.E., vous présenter l’interprétation audacieuse qu’en fournit aujourd’hui la
Cour des Communautés.

21
Section 1. – Les règlements communautaires

Nous examinerons successivement :

- définition du règlement ;
- classification des règlements ;
- nature juridique du règlement ;
- conditions de forme auxquelles sont soumis les règlements
communautaires.
-

§1. Définition du règlement

Vous vous reporterez à l’article 189 du traité C.E.E. et vous lisez :

« Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et
il est directement applicable dans tout État membre ».

Les trois (3) caractères principaux du règlement apparaissent à la lecture de cette


disposition :

1- Le règlement a une portée générale

C’est, en effet, l'acte qui, comme la loi du droit interne, fixe une règle, impose
une obligation ou accorde des droits à tous ceux qui sont actuellement situés où
se situeront dans l’avenir dans la catégorie qu’il définit abstraitement selon des
critères objectifs. On dirait, en langue vulgaire, que le règlement, sans viser qui
que ce soit individuellement, oblige « à la cantonade » tous ceux qui se livreront
aux activités ou aux opérations qu’il définit.

Ainsi le règlement du Conseil n° 177/66 C.E.E. du 28 juillet 1968 établissant des


règles communes pour les transports internationaux de voyageurs par autocars
formule des règles auxquelles sont ou seront soumis tous ceux qui effectueront
des transports des voyageurs par autocars d’un pays membre à des destinations
situées dans d’autres pays membres.
22
C’est par ce premier caractère que le règlement se distingue de la décision qui,
elle, n’oblige que des destinataires limités et désignés.

C’est ce que confirme une importante jurisprudence de la Cour des Communautés


qui caractérise en les opposant le règlement et la décision.

Les arrêts du 14 décembre 1962 (affaires jointes 16 et 17/62, et affaires jointes 29


à 22/62. Rec. VIII, p. 918) affirment :

« Les traits essentiels de la décision résultent de la limitation des destinataires


auxquels elle s’adresse, alors que le règlement de caractère essentiellement
normatif est applicable non à des destinataires limités, désignés ou identifiables,
mais à des catégories envisagées abstraitement et dans l’ensemble, que portant
dans les cas douteux pour déterminer si on ne trouve en présence d’une décision
ou d’un règlement, il faut chercher si l’acte en question concerne individuellement
des sujets déterminés ».

2- Le règlement est « obligatoire dans tous ses éléments »

C’est par ce second caractère que le règlement se distingue de la directive qui ne


peut imposer qu’un résultat à atteindre et non pas les moyens de l’atteindre. Le
règlement, lui, peut imposer toutes les modalités d’application et d’exécution
jugées nécessaires ou utiles.

Le règlement est obligatoire en tous ses éléments en ce sens que dès son entrée
en vigueur la totalité de ses dispositions s’imposent aux États membres, à leurs
juridictions et à leurs ressortissants.

Précisons :

23
a- Le caractère obligatoire du règlement ne saurait être modifié par des réserves
ou objections que des États membres auraient formulées lors de son
élaboration ; elles seraient insusceptibles de limiter sa portée objective.
b- Si le règlement est complet en ce sens qu’il prévoit lui-même toutes les
modalités nécessaires à son application, les autorités nationales ne peuvent
rien y ajouter et moins encore dispenser de son application au nom prétendu
de l’équité.
c- Si le règlement est incomplet ceci qu’il omet de préciser certaines des
modalités de son application, les Etats membres peuvent édicter dans leur droit
les dispositions complémentaires nécessaires (arrêt du 17 décembre 1970, aff.
30/70, Rec. 1970, p. 1197). Et même, ils le doivent en application de l’article
5 du Traité C.E.E. (arrêt du 4 avril 1974, aff. 167, Commission c/ République
française, Rec. 1974, p. 359). Mais en toute hypothèse ces mesures
complémentaires ne peuvent ni déroger au règlement, ni soumettre les droits
qu’il confère à des exigences supplémentaires.
d- Il en est ainsi, que les mesures nationales à édicter pour assurer la bonne
exécution d’un règlement communautaire relèvent, selon le droit public
interne, du pouvoir central, des autorités fédérées d’un pays membre d’un État
fédéral (Landers de la R.F.A.), d’autres entités territoriales ou bien d’autorités
que le droit national leur assimile.
e- Si certaines des dispositions du règlement leur paraissent obscures, les États
membres peuvent en fournir, elles ne peuvent le faire que dans le respect des
dispositions communautaires et sans pouvoir édicter des règles
d’interprétation ayant des effets obligatoires.

3- Le règlement est directement applicable dans tout État membre


Ce caractère est d’une importance primordiale.
Publié au journal officiel des Communautés, le règlement entre en vigueur à
la date qu’il fixe, s’insère directement dans l’ordonnancement juridique
24
interne des États membres et y rend inapplicables les dispositions nationales
qui lui sont contraires.
Il bénéficie de ce que l’on appelle « l’immédiateté fédérale ».
Dès lors, le règlement communautaire, non seulement n'a pas besoin d’être
repris, pour « réception » dans l’ordre interne, par un texte national, mais il ne
doit pas l’être. La Cour condamne pareille pratique comme manquement aux
obligations du Traité (arrêt du 7 février 1973, aff. 39/72. Commission c/ Italie,
Rec. 2973, p. 201, arrêt du 10 octobre 1973, aff. 34/83 Rec. 1973, p. 981). Elle
aboutirait en effet à « nationaliser » le règlement communautaire, à le
dénaturer avec cette conséquence que ce serait les juridictions nationales qui
au lieu de la Cour des Communautés, deviendraient compétentes pour
apprécier sa validité et interpréter souverainement.
Ce principe est d’une importance capitale.
Jamais, jusqu’à l’institution de nos communautés, une organisation
internationale n’avait disposé d'un instrument normatif pourvu de cette
immédiateté dans l’ordre interne des États.
Mais aussi, en raison de son applicabilité directe dans l’ordre juridique interne
des Etats membres, le règlement communautaire engendre par lui-même des
droits personnels dans cet ordre interne au bénéfice des ressortissants de ces
Etats, droits que ces ressortissants peuvent invoquer devant leur juge national
et que celui-ci est tenu de sanctionner. (Voir arrêt de la Cour des
Communautés du 10 octobre 1973, aff. 34/73, Rec. 1973, p. 981).

§ 2. Classification des règlements.

Nous distinguerons :

- les règlements du Conseil.


- les règlements de la Commission.

25
1- Les règlements du Conseil

Dans la C.E.E., c’est en principe le Conseil qui possède le pouvoir réglementaire,


mais très généralement « sur proposition de la Commission» à laquelle appartient
le pouvoir d'initiative, pouvoir dont nous exposerons par la suite l'importance.
Cependant, il est exceptionnellement des règlements que le Conseil peut prendre
de sa seule initiative (ex.: le règlement fixant le régime linguistique de la
Communauté ; art. 217 du Traité).

Deux catégories de règlements du Conseil doivent être distinguées :

a- Les règlements du Conseil généralement dits « de base »

Ce sont ceux qu'il prend en application directe d'une disposition du Traité pour en
assurer l'application.

b- Les règlements que le Conseil prend en vertu de ses règlements « de base »


pour fixer certaines de leurs modalités d'exécution lorsqu'il n'a pas à juger
opportun de les introduire dans le règlement « base » lui-même ou de déléguer à
la Commission (comme nous allons le voir ) le pouvoir d'établir ces règlements
dits « d'exécution ». Selon la jurisprudence de la Cour, cette distinction conduit à
deux règles importantes :

- Le traité soumet généralement les règlements de base du conseil à l’avis


préalable du conseil Economique et social et du Parlement Européen. Dès
lors le conseil ne pourrait réduire la portée de ces avis en limitant à quelques
banalités ses règlements de base et en renvoyant à des règlements
d’exécution qui, eux, ne seraient pas soumis aux consultations dont il s’agit,
les principales dispositions de la matière.
- Les règlements d’exécution d’un règlement de base, qu’ils soient pris par
le conseil ou pris par la Commission sur délégation du conseil, ne peuvent
modifier les dispositions dudit règlement de base (arrêt de la Cour du 10
Mars 1971, Aff. 38/70, Rec. Vol. XVI, p. 155).
26
Ainsi un principe de légalité domine le droit communautaire ; ses normes sont
hiérarchisées :

Les règlements de base sont subordonnés au traité, les règlements d’exécution aux
règlements de base, les décisions individuelles aux règlements d’exécution et aux
règlements de base en vertu desquels elles sont prises.

2. Règlements de la commission.

Ils sont de trois sortes :

a) Les règlements que la Commission peut établir seule, en vertu de


dispositions du traité qui lui confèrent en la matière un pouvoir
réglementaire autonome.
Tel est le cas des traitées C.E.E. et Euratom qui attribuent, pour ce qui les
concerne, un pouvoir réglementaire propre à la commission, dans un
certain nombre de domaines.
C’est ainsi que les articles 10,22, 91 du traité C.E.E. prévoient des
règlements de la Commission dans la C.E.E. et la C.E.E.A sont
d’importance secondaire, ou bien ont pour objet de fournir l’application
d’une règle précise posée dans les traités.
b) Les règlements que la commission peut établir sur habilitation du
conseil.
Cette catégorie de règlement très importante est celle des règlements pris
dans le cadre des articles 155 du traité C.E.E., dernier alinéa, la
commission :
« Exerce les compétences que le conseil lui confère pour l’exécution des
règles qu’il établit ».
Qu’est-ce à dire ? Que le conseil, lorsqu’il établit un règlement de base,
n’est pas obligé d’y insérer toute les mesures nécessaires à son exécution.

27
Il peut donner à la commission compétence pour prendre les
complémentaire d’application.
La délégation de compétence que le conseil peut ainsi attribuer à la
commission est régie par trois règles de principe :
• Comme nous venons de le voir, le conseil doit fixer lui-même dans son
règlement de base les règles essentielles de la matière.
• Cependant la jurisprudence de la cour des communautés interprète
largement la formule de l’article 155 du traité. Elle admet que la
compétence attribuée à la commission en vertu de cet article lui permet
de définir des notions que le conseil s’est contenté de mentionner, de
déterminer des critères, voire même d’imposer des obligations aux
opérateurs (arrêts du 15 juillet 1970, aff.41/69, Rec. 1970, p. 690 ? et
du 30 octobre 1975, Aff. 23/75, Rec. 1975, p. 1279).
• La commission doit exercer elle-même la compétence que lui délègue
le conseil ; elle ne peut la subdéléguer aux Etats membres (arrêt
précédent du 30octobre 1975), conformément au principe général que
pose l’arrêt Méroni du 13 juin 1958 que nous retrouverons par la suite
c) Les règlements que la commission peut établir sur habilitation du
Conseil mais selon le système dit des « comités de gestion » ou des
« comités de réglementation ».
Lorsqu’en une matière le pouvoir réglementaire appartient au conseil, il
n’est pas tenu de s’en tenir à fixer dans son règlement les règles de base,
puis déléguer à la commission, en vertu de l’article 155 du traité C.E.E,
compétence à la commission pour l’établissement de mesure d’application,
il s’estime en droit de l’astreindre pour l’exercice de cette compétence
déléguée aux procédure qu’il juge bon.
Dans son souci de ne pas accroître le rôle de la commission, il a dès lors
imaginé le système dit du « comité de gestion » ou du « comité de
réglementation »
28
Dans ce système, la commission, habilitée à établir les règlements
d’application de règlements de base du conseil doit, avant de les arrêter ou
du moins d’arrêter certaines de leurs dispositions, prendre l’avis d’un
comité composé de représentant, de la commission.

§ 3. La nature juridique des règlements.

Les règlements C.E.E. et Euratom pris par la commission, sur habilitation


du conseil, assurer l’exécution des règlements de base établis par le conseil
sont des règlements qu’on appellerait en droit interne « exécutifs ». Ils sont
comparables aux règlements pris, dans le droit interne, par le
gouvernement pour assurer l’exécution des lois.
Ils doivent respecter non seulement les dispositions des traités mais
aussi celles des règlements de base dont ils assurent l’application, comme
les règlements d’exécution des lois du droit interne doivent respecter non
seulement la constitution mais aussi celles des lois qu’ils complètent.
Les règlements de base C.E.E et Eratom pris par le conseil, généralement
sur proposition de la commission, sont subordonnés aux Traités dont ils
assurent la mise en œuvre. Ils doivent en respecter toutes les prescriptions,
à peine de nullité. Mais alors faut-il les considérer, eux aussi, comme des
règlements « exécutifs » au motif qu’ils sont pris par l’autorité commune
pour assurer l’exécution des règles du traité, lesquelles constitueraient la
législation de la communauté, ou peut-on considérer ces règlements de
base comme constituant eux-mêmes la législation communautaire et
comme étant de ce fait des règlements « législatifs » au sens matériel du
terme ?
En droit interne il peut être nécessaire de distinguer au regard des lois
votées par le parlement les règlements pris par le gouvernement rn
application et pour l’exécution d’une loi, d’une part, et, d’autre part, les
règlements pris par le gouvernement dans l’exercice d’un pouvoir

29
réglementaire autonome parce que dans le premier cas le gouvernement est
lié par la loi, tandis qu’il ne l’est pas dans le second.
En droit communautaire, il n’y a pas à distinguer règlements et la lois
communautaires parce que les traités n’attribuent pas de compétence
législative au parlement européen. C’est au couple commission-conseil
qu’est donnée compétence-sur simple avis du parlement – pour établir et
spécialement sous forme de règlements, les normes nécessaires à la mise
en œuvre des traités. Les règlements dont s’agit sont de toute manière
subordonnés aux dispositions des traités. Dès lors, peu importe, semble-t-
il, qu’on les qualifie de règlement « exécutifs » au motif qu’ils sont pris
pour assurer l’exécution des règles du traité ou de règlements « législatifs »
au motif que se sont eux qui constituent, en réalité, la législation
communautaire.
Ceci dit, sur le plan communautaire, la distinction entre règlements
exécutifs et législatifs n’a d’autre signification que celle-ci : les règlements
« exécutifs » que prennent le conseil ou la commission sur habilitation du
conseil pour assurer l’exécution des règlements de base du conseil sont
subordonnés à ces règlements de base et ne peuvent les modifier.

§ 4. Les conditions de forme auxquelles doivent être soumis les règlements.

L’article 190 du traité C.E.E. déclare :


« Les règlements, les directives et les décisions du conseil et de la
commission sont motivés, et visent les propositions ou avis
obligatoirement recueillis en exécution du présent Traité ».
Ainsi le conseil ou la commission ne peuvent adopter un règlement
qu’après avoir procédé à toutes consultations préalables exigés par le
traité : par exemple, consultation du conseil économique et social,
consultation du parlement.

30
Le texte du règlement lui-même doit viser expressément ces consultations
préalables exigées par le traité : par exemple, consultation. Après quoi, le
règlement, sans exception comme d’ailleurs tous les autres actes
communautaires, doit être motivé endroit et en fait.
Les conséquences de cette règle sont importantes. La question se pose en
effet de savoir si la Cour des Communautés chargé du contrôle de la
légalité des actes communautaire pourra contrôler non seulement
l’existence des motifs, mais leur exactitude. Dans ce cas ne serait-elle pas
conduite à substituer son appréciation des faits et circonstance
économiques qui motivent l’acte à celle de l’autorité communautaire ?
On aboutirait ainsi au « gouvernement des juges ». La dernière condition
de forme est posée par l’article 191 du traité C.E.E. :
« Les règlements sont publiés dans le journal officiel de la communauté.
Ils entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à, défaut, le vingtième jour
suivant leur publication ».

Observation importante.
Au terme de ces explications concernant le règlement communautaire, il
importe de vous prier d’éviter une confusion.
Le règlement est toujours directement applicable dans l’ordre interne des
Etats membres en ce sens qu’il s’ingère de lui-même dans
l’ordonnancement juridique interne de ces Etats, qu’il n’a pas à y être
incorporé par un acte national et qu’il y engendre par lui-même des
obligations ou des droits pour les justiciables desdits Etats.
Il ne s’ensuit pas qu’il est toujours immédiatement applicable dans l’offre
interne des Etats membres car il se peut qu’il ne puisse y être concrètement
appliqué qu’après que des mesures complémentaires d’exécution auront
été prises par l’autorité communautaire ou l’autorité nationale.

31
Section 2. Les directives communautaires
La définition de ces actes est contenue dans l’article 189 du traité C.E.E.
Nous examinerons successivement :
- définition des directives C.E.E ;
- classification de cette catégorie d’actes ;
- conditions de forme.

§ 1. La définition

Selon l’article 189 du traité C.E.E. « la directive lie tout Etat membre destinataire
quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la
compétence quant à la forme et aux moyens » (5).

Ainsi donc la directive C.E.E est l’acte par lequel l’autorité communautaire
compétente doit s’en tenir à imposer un résultat à atteindre en laissant à l’obligé
le choix des moyens.

Dans la C.E.E. une directive ne peut être adressée qu’à un ou plusieurs Etats
membres ou à tous les Etats membres ; elle ne peut pas être adressée à une ou
plusieurs personnes, privées.

Ceci dit, la directive de l’article 189 du traité C.E.E. présente les caractères ci-
après :

1° Elle n’est pas de portée générale : elle n’oblige que les destinataires qu’elle
désigne.

(5) Sur le caractère obligatoire de la directive : arrêt de la cour des communautés


du 21 juin 1973, Aff. 79/72, commission c/Italie.

32
Dans la C.E.E. et dans la C.E.E.A., ces destinataires ne peuvent être que tous
les Etats, l’un d’entre eux seulement.

C’est par ce premier caractère déjà que la directive se distingue du règlement qui,
lui, est de portée générale, en ce sens qu’il ne vise pas de destinataires
individualisés mais, « à la cantonade », tous ceux qui se trouvent ou se trouveront
dans la catégorie abstraite qu’il détermine selon des critères objectifs tandis que
la directive n’oblige que les destinataires qu’elle désigne.

2° La directive ne doit fixer à ses destinataires que le résultat à atteindre en


leur laissant le choix de la forme et des moyens.

On comprend parfaitement quelles sont les raisons qui ont conduit les autres des
traités à inventer cette forme d’acte juridique original et à en imposer l’utilisation
à l’autorité communautaire dans de nombreux domaines (libre établissement –
harmonisation des législations (art. 100), etc.).

Si en effet dans toutes les matières régies par les traités l’autorité communautaire
pouvait procéder par voie de règlements ou de décisions obligatoires dans toutes
leurs dispositions, la compétence générale des Etats se trouverait intégralement
transférée des Etats à la communauté. Les Etats ne l’auraient pas admis.

C’est pourquoi a été imaginée la directive.

Mais cela dit, à distinguer objectif et moyens. Or, c’est ici qu’apparait la difficulté.

Selon les textes des traités, les Etats membres ont ici le choix de la forme et des
moyens.

Choix de la forme ?

33
Ceci signifie que pour aboutir, dans leur droit interne, au résultat qui leur est
prescrit, ils peuvent, à leur gré ou plutôt selon les règles de leur Droit public,
procéder par voie législatives ou par instructions administratives.

Exemple : Pour assurer l’exécution des directives communautaires relative au


libre établissement le gouvernement français pouvait ou bien saisir le Parlement
des projets de loi nécessaire ou bien, comme il l’a fait, se faire autoriser dans les
conditions de l’article 38 de la constitution à procéder par ordonnance (lois des
14 décembre 196444, 6 juillet 1966, 26 décembre 1969).

Choix des moyens ?

Ceci signifie deux choses :

a) La directive doit laisser aux Etats membres la liberté de choisir parmi


les diverses mesures concrètes qui sont susceptibles d’aboutir au
résultat prescrit, celles qui leur paraissent les plus appropriées ou les
moins gênantes.
Ainsi la directive du conseil de la C.E.E. du 4 mars 1969 qui concerne
l’harmonisation des règles nationales relatives au régime de
perfectionnement actif, c’est-à-dire au régime douanier des marchandises
importées des pays tiers dans la communauté pour y être transformées puis
réexportées après transformation, prescrit un résultat : l’exonération de tout
droit de douane et taxe d’effet équivalent des marchandises dont s’agit,
mais elle laisse aux Etats le choix des mesures susceptibles de réaliser cette
exonération : ou bien le placement des marchandises sous un régime
douanier suspensif des droits de douane jusqu’à leur réexportation, ou bien
la consignation des droits consignés le jour de la réexportation (Art. 3 de la
directive, J.O.C.E. du 08 mars 1969, n° L. 58, p.2).

34
b) Tandis que l’autorité communautaire peut confier à ses services
administratifs les opérations de gestion et de contrôle nécessaire à
L'application pratique de ses règlements et décisions, ce sont
obligatoirement les administrations nationales qui gardent compétences
pour tout ce qui concerne sur leur territoire l'exécution des mesures prises
pour y assurer l’application d'une directive.
L'expérience révèle en effet qu'il n'existe souvent qu'un moyen concret d'atteindre
un résultat déterminé. En pareil cas il n'est pas possible de prescrire le résultat
sans imposer en même temps le moyen.
Exemple : La directive du Conseil du 5 novembre 1963 tend à harmoniser, sur la
base de l'article 100 du Traité C.E.E., les légalisations des États membres
concernant les agents conservateurs pouvant être employés dans les denrées
alimentaires. Or, bien entendu, l'harmonisation en question ne peut être obtenue
qu'en fixant la liste limitative des agents conservateurs dont l'emploi devra être
autorisé dans tous les États membres. C'est ce que fait la directive du 5 novembre
1963 (J.O.C.E. 1963, p. 161) complétée par celle du 26 janvier 1965 (J.O.C.E.
1965, p. 373) et par des directives complémentaires postérieures.
Plus, généralement, c'est par directives selon l'article 100 du traité C.E.E. que doit
être assurée l'harmonisation des législations nationales nécessaires au bon
fonctionnement du marché commun. Or, bien souvent ce bon fonctionnement ne
peut être assuré que si tous les États membres adoptent en la matière les mêmes
règles ; la directive doit alors leur imposer comme résultat obligatoire l'adoption
en parallèle d'une même légalisation en leur laissant seulement, à quelques
variantes près, le choix de sa forme juridique ( législative ou réglementaire).Telles
sont, par exemple, les directives du 14 avril 1967 et celle du 17 mai 1977 qui
imposent aux États membres l'adoption du même système de taxe à la valeur
ajoutée.
Tout en reconnaissant qu'objectivement des directives imposent l'adoption d'une
réglementation détaillée, force est d'admettre que cette situation est inévitable
dans les hypothèses où le résultat ne peut être atteint qu'à cette condition.
Reste néanmoins la règle de principe : la directive doit s'en tenir à imposer un
résultat mais non les moyens de l’atteindre ; elle se distingue par là encore du
règlement, mais aussi de la décision, puisque règlement et décisions peuvent
prescrire les fins et les moyens et sont « obligatoires dans toutes leurs dispositions
».

35
3°. Troisième caractère spécifique de la directive.
La directive est- elle ou n'est-elle pas susceptible d'engendrer par elle- même des
droits individuels au bénéfice, dans leur ordre juridique interne, des ressortissants
des États auxquels elle est adressée ?
Jusqu'à l'arrêt susvisé rendu le 6 octobre 1970 par la Cour de Justice des
Communautés, on donnait à cette question une réponse negative.
Contrairement aux règlements, disait-on dans une interprétation littérale de
l'article 189 du Traité C.E.E., la directive adressée aux Etats membres ne « saute
» pas la frontière, l’échelon étatique : elle n'est pas applicable, comme le
règlement, dans tout Etat membre, mais par l'État ou les États destinataires. Elle
s'en tient à prescrire à ces États destinataires de modifier leur droit national pour
que tel résultat y soit obtenu. Dès lors, disait-on, elle ne modifie pas, par elle-
même, le droit national et les situations juridiques qu'il définit : c'est la nouvelle
règle qu'à la suite de la directive et pour s'y conformer, les États destinataires
introduiront dans leur règlementation (selon les formes et moyens de leur choix)
qui modifiera les situations juridiques de leur ordre interne et qui, seule, par
conséquent, engendra de nouveaux droits ou de nouvelles opportunités
obligations Pour leurs ressortissants.
On en concluait que les directives adressées aux États membres n'ont pas d'effet
juridique direct et immédiat dans l'ordre interne de ces États.
Par là, la directive se distinguait encore du règlement.
L'arrêt de la Cour de Justice des Communautés du 6 octobre 1970 est plus encore
l'arrêt qu'elle a rendu le 4 décembre 1974 dans l'affaire 41/74, Van Duyn
(Rec.1974, p.1348) ont atténué à tout le moins, la rigueur de cette réponse
Dans quelle mesure et pourquoi?
Dans l'affaire 9/70 du 6 octobre 1970, Rec.Vol. XVI, p.825, la cour de justice des
communautés européennes se trouve saisie d'une question préjudicielle
d'interprétation de la décision du Conseil n° 65/271 du 13 mai 1965, décision
adressée à tous les États membres.
Cette décision interdit aux États membres de soumettre les transports des
marchandises à des taxes spécifiques à compter du jour où ces transports auront
été soumis à la T.V.A. commune définie par deux directives du Conseil du 11
Avril 1967 et par une troisième directive du 9 décembre 1967.

36
Aux termes de cette troisième directive, la T.V.A. commune devait être mise en
application dans tous les États membres, qui ne l'avaient pas encore adoptée, à la
date du 1er janvier 1972.
l'Allemagne qui avait déjà substitué la T.V.A. commune à sa taxe cumulative sur
les chiffres d'affaires avait cependant maintenu en application dans son droit
national une taxe spécifique sur les transports de marchandises.
En 1969, un transporteur qui avait dû acquitter cette taxe en demande le
remboursement sur la base de décision communautaire du 13 mai 1965, devant le
tribunal fiscal de Munich.
Ce dernier avait alors saisi la Cour de la question préjudicielle de savoir si le
transporteur de l'espèce pouvait être considéré comme tenant de la décision du
Conseil un droit individuel à la suppression de la taxe litigieuse et donc au
remboursement qu'il demandait.
Dans son arrêt du 6 octobre 1970, la cour a répondu que la décision du Conseil
adressée aux États membres ouvrait directement à leurs justiciables droit à la
suppression des taxes spécifiques qu'elle interdit.
Cette jurisprudence, la cour l'a confirmée, pour ce qui est de l'effet direct éventuel
de la directive, dans son arrêt du 4 décembre 1974, affaire 41/74, Van Duyn,
Rec.,1974, p.,1348.
Ainsi donc, selon la Cour, règlements d'une part, et d'autre part, décisions et
directives adressées aux États membres ne s'opposent plus en termes absolus pour
ce qui concerne leur effet juridique dans l'ordre interne des États membres.
Certes, toutes les dispositions des règlements sont, par nature et définition, d'effet
direct dans l'ordre interne, mais aussi le sont aussi celles des décisions et des
directives adressées aux États qui imposent à ces États une obligation
conditionnelle de ne pas faire, ou même de faire, en termes d'une précision telle
que l’obligation se trouve entièrement définie par la directive elle-même, en sorte
que les dispositions nationales complémentaires ne sont pas nécessaires pour en
déterminer le contenu.

37

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