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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE FERHAT ABBAS - SETIF


INSTITUT DES SCIENCES ECONOMIQUES

THESE
POUR L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR D’ETAT ES SCIENCES ECONOMIQUES

SUJET : REFORMES ECONOMIQUES ET


AGRICULTURE EN ALGERIE
présentée et soutenue publiquement
par DJENANE Abdel-Madjid

devant le jury composé de :

Président : M. OUKIL Mohand Said, Professeur ISE d'Alger


Assesseurs : M. KHARBACHI Hamid, Professeur ISE Béjaia
M. BOUKELLA Mourad, Maître de Conférences ISE Alger

Rapporteur : - M. BEDRANI Slimane, Professeur INA El Harrach.

-1997-

1
REMERCIEMENTS

Il m’est difficile d’affirmer que ce travail de recherche est le fruit de mon seul effort .
Les spécialistes, chercheurs, collègues et amis envers lesquels je suis particulièrement
redevable sont nombreux.

♦ Le Professeur Slimane Bédrani, mon Directeur de thèse, m’a toujours encouragé et


manifesté sa confiance dans l’élaboration de tous mes travaux de recherche. Je
voudrais précisé à son sujet que, même continuellement absorbé par ses propres
travaux, il a su, grâce à sa modestie et à son humanisme, à la clarté de ses idées et à
l’intérêt scientifique qu’il a toujours accordé au travail d’autrui, au travail de ceux-là
mêmes qui sont venus apprendre de lui, guider nos pas de jeunes chercheurs. J’ai eu
pour ma part le privilège de bénéficier depuis plus de quinze ans déjà de ses précieux
conseils et aspire toujours à entreprendre sous son autorité de nouveaux travaux de
recherche. Ses conseils me permettront sans aucun doute de faire l’économie de faux
pas dans le domaine complexe de la formulation de la question agraire de notre pays.

♦ Mes remerciements vont aussi au Prof. Oukil Mohand Said, au Prof. Kharbachi
Hamid et au Dr. Boukella Mourad qui m’ont fait l’honneur d’évaluer ce travail et de
m’avoir ouvert, grâce à leurs critiques objectives, de nouvelles pistes de recherche.
Attentif à toutes les remarques qu’ils ont formulées à l’adresse de mon travail, j’ai
déjà entrepris de nouvelles recherches qui me permettront certainement
d’approfondir mes connaissances dans les domaines spécifiques de l’économie
théorique et de l’économie algérienne.

♦ Je voudrais aussi exprimer mes remerciements particuliers à l’ensemble des


collègues chercheurs de Solagral-Paris, qui ont bien voulu premièrement
m’accueillir au sein de leur organisme pour mes recherches bibliographiques et
m’aider ensuite, chacun à sa manière, dans la réalisation de mon travail. Je les
remercie pour l’aide que chacun d’entre eux m’a apportée aussi bien pendant ce court
séjour de documentation que durant la phase critique de rédaction de mon travail.
Ainsi, je ne peux m’empêcher de citer les noms de Roger Blein, de Yannick Jadot,
de Jean-Pierre Rolland, de Christophe Delsaux, de Benoît Vergriette et surtout de
Laure de Cénival qui a bien voulu, malgré la surcharge de son calendrier de
travail, lire et critiquer mon manuscrit. C’est une redondance de noter qu’avec
Solagral, solidarité n’est pas un vain mot.

♦ Mes remerciements vont aussi à mes amis Foued Chehat de l’Ecole Nationale
Supérieure d’Agronomie d’El Harrach, Zoubir Sahli et Hamid Bencharif de l’INES
d’Agronomie de Blida et à Mme Anne-Marie Jouve du Ciheam-Iam qui, au sein du
réseau Sefca, m’ont stimulé et poussé à découvrir les vertus de l’approche empirique.
Grâce à leur franchise, à leur dévouement indéfectible à la recherche, à leur
endurance et à leurs encouragements chaleureux, j’ai pu sillonner les vastes plaines
sétifiennes à un moment où cela n’était pas toujours recommandé et apprendre ainsi
auprès des paysans du sétifois ce que ma formation académique ne m’a pas permis
d’acquérir. Ils m’ont entraîné dans leur sillage et cultiver en moi l’irrésistible désir de
toujours élargir mon champ d’investigation empirique.

2
♦ C’est faire preuve d’égoïsme que de ne pas mentionner l’évolution éminemment
positive que j’ai subie au sein du réseau Rafac. Grâce à la méthodologie -le
comparatisme- mise en place et développée par cette Equipe de distingués
enseignants-chercheurs méditerranéens auprès desquels je me suis toujours
ressourcé, grâce à la diversité des thèmes étudiés, à la richesse des débats et des
orientations de recherche qui s’en sont suivis, j’ai dû prendre conscience du rôle
éminemment positif que peut jouer le chercheur dans le développement de
l’agriculture de son pays. En pensant au Prof. Pierre Campagne et à Tahani Abdel-
Hakim du Ciheam-Iam, au Prof. Fernando Oliveira Baptista de l’Université
Agronomique de Lisbonne, au Prof. Félisa Cena-Delgado et à Fernando Ramos-
Real de l’Université Agronomique de Cordoue, à Paola Bertolini de l’Université de
Modène, à Adrian Civici de l’Université Agronomique de Tirana, à Napoléon
Maraveyas de l’Université Agronomique d’Athènes, au Prof. Branco Krstic de
l’Université de Belgrade, au Prof. Oguz Yurdakul et à Sinasi Akdemir de
l’Université Agronomique d’Adana, au Dr. Mahmoud Mansour et à Ahmed
Ghanima du Centre de recherche agronomique du Caire, à Mohamed Elloumi et à
Ali Abaab de l’INRA de Tunis, au Prof. Najib Akesbi, à Larbi Zagdouni, à Farouk
Alioua et à Driss Benatya de l’IAV de Rabat, je ne peux m’empêcher aussi de
penser que je dois toujours persévérer et redoubler d’effort dans mes recherches
quotidiennes, afin de parvenir, peut-être, un jour à expliquer pourquoi l’agriculture
de mon pays est la plus « écologique » de la Méditerranée. Qu’ils soient tous
amicalement remerciés pour avoir su s’imposer à moi comme modèle et chercheurs
de référence.

♦ Comment à ce dernier propos ne pas évoquer les noms de MM. Yahia Hamlaoui et
de Abdeslam Hedadj du Bneder qui ont cultivé et développé en moi le sens de
l’analyse méso et micro-économique. Grâce à eux, je ne peux ou ne dois plus ignorer
que le développement rural intégré est une notion amplement plus large que le
développement agricole et qu’il ne peut y avoir un modèle de développement rural
standard. Merci à eux de m’avoir toujours poussé au renouvellement de mes outils
d’analyse.

♦ Les cadres du secteur agricole de la Wilaya de Sétif m’ont chacun aidé à sa façon.
Messaoud Reggad et Benallègue m’ont fourni les données relatives aux
remembrements et démembrements successifs des exploitations du secteur agricole
public, Hacène Kharchi et Nait m’ont poussé à ne pas me contenter des analyses
stéréotypées, Belambri et El Mekki ont toujours stimulé mes recherches en mettant
à ma disposition leurs propres documents de travail, Messaoud Boucetta et son
équipe m’ont toujours permis de compléter mes séries statistiques et de m’éviter
ainsi des vides, etc... Qu’ils soient tous chaleureusement remerciés aussi bien pour
l’aide dont ils m’ont gratifiée que pour m’avoir fait bénéficier de leurs pertinentes
analyses formulées au terme de plusieurs années, sinon de plusieurs décennies de
gestion du secteur agricole.

♦ Je ne saurais ne point exprimer ici ma reconnaissance à MM. Lahlou et


Abdelmadjid Kessai qui ont accepté de lire et de corriger mon document : sans leur
labeur, j’aurai été infiniment plus difficile à lire.

3
♦ Plus proches de moi, mes collègues enseignants ainsi que tout le personnel
administratif et de soutien de l’Institut des Sciences Economiques et du Campus
Mohamed Seddik Benyahia et en particulier Melle Regad Salima, Aoumeur Akki-
Allouani, Ammar Ammari et Mokhtar Allem, m’ont beaucoup aidé à m’acquitter,
tant bien que mal, des charges attenantes à ma fonction et à continuer à faire mes
recherches.

♦ Mes remerciements vont aussi au Professeur Djaafer Benachour, notre Recteur,


ainsi que MM. Nacereddine Hadaoui, Mustapha Benkhedimallah et Abdelmalek
Tacherift qui m’ont poussé à allier la gestion, l’enseignement et la recherche.

♦ Je voudrais rendre également un hommage particulier à Abdallah Boukeram, mon


ami d’enfance dont l’immuable clarté des idées et l’esprit critique m’ont stimulé à
adopter une démarche synthétique dans mon travail.

♦ Dans le même sillage, je voudrais exprimer également ma reconnaissance à Foudil


Hassani, un autre ami d’enfance, à Hamou, mon frère et à mon cousin Essaid de
Paris ainsi qu’aux Rahmani de Mandeurre qui m’ont tant aidé.

♦ Nourredine Messahel, Belkacem Amokrane, Lazher Othmani, Madjid Merdaci,


Djamal Meslem, Said Djaout, Abdelmalek Benhemadi, Djamal Belmihoub,
Maamar Oumaamar et Rabah Lahmer ont été très proches de moi ces dernières
années et m’ont encouragé à mener à terme mon travail. Ils m’ont aidé, chacun à sa
manière, pris en charge mes peines et soucis quotidiens alors qu’ils ne m’ont associé
qu’à leurs joies. Qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus
sincères.

♦ Zoubida a accepté de faire la frappe du texte, de prendre en charge l’exploitation des


nombreux questionnaires soutenant les études de terrain, de gérer notre foyer et de
veiller à la bonne scolarité de Lydia et Aida que nous chérissons. Elle m’a
réellement secondé tout en n’étant pas épargnée des sautes d’humeur et des crises de
nerfs de l’être compliqué que je fus pendant cette traversée du désert. Grâce à sa
patience et surtout à sa tendresse, ce travail est aussi le sien.

Malgré les précieuses aides et les conseils dont j’ai bénéficié, ce modeste travail
présente encore des imperfections et insuffisances que j’assume entièrement. Sans désir
de les justifier, je dois toutefois mentionner qu’il m’a a été parfois difficile d’allier, si ce
n’étaient l’appel du devoir et mon amour pour la vie, gestion, enseignement et
recherche.

Sétif, le 15/07/1997.

A-M. DJENANE.

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I - Introduction et problématique :

L'économie algérienne, considérée dans ses divers secteurs, est en


"crise". La crise a, à son tour, impulsé la réforme de l'économie sans que
des résultats probants ne soient obtenus.
Le taux de croissance économique continue en effet à être négatif,
le chômage à se développer, les revenus par tête à baisser, l'inflation à
croître, le taux de dépendance alimentaire à augmenter, etc. Ce sont là, les
signes d'une économie qui ne parvient pas à assurer la relance mais aussi
les indicateurs d'une économie en récession.
Dès lors, se pose la question de savoir quelle est ou quelles sont les
causes de cette crise et quels sont aussi les moyens mis en oeuvre pour la
résorber.
Les causes de la crise de l'économie nationale sont, telles
qu'identifiées par les chercheurs et analystes, multiples et peuvent faire
l'objet d'un classement par origine et par nature.
Il existe en effet des causes d'origine interne et qui s'apparentent le
plus souvent à la gestion non rationnelle des ressources par ceux qui en ont
la charge. Mais bien que recensées dans les années soixante-dix et quatre-
vingt déjà, ces causes continuent à exercer leurs effets néfastes sur
l'ensemble de l'économie et ouvrent le champ à de nouvelles recherches sur
"la crise du système productif algérien"1.
Il existe d’un autre côté des causes d'origine extérieure. Dans ce
sens, notre travail de recherche est bâti sur l'idée selon laquelle la récession
de l'économie nationale, qui a commencé à se manifester dès le début des
années quatre-vingts, ainsi que la faiblesse des résultats enregistrés depuis
le lancement des réformes, qui sont supposées être la solution à cette crise,
est due au fardeau de la contrainte extérieure et à l'absence de
rationalisation des moyens utilisés pour sortir de la crise.
La contrainte extérieure est synonyme, dans le cas de cette
économie, de baisse des revenus pétroliers, de détérioration des termes de
l'échange et d'accroissement de la dette extérieure.
Cependant la baisse des revenus extérieurs n'est pas un phénomène
spécifique au cas algérien. Il concerne l'ensemble des pays périphériques
ou pays du Tiers-Monde et résulte de la restructuration du système
1
- Parmi les nombreux travaux consacrés à la crise de l'économie algérienne, nous citerons en particulier et pour
mémoire :
- le document du MPAT : Synthèse du bilan économique et social de la décennie 1967-1978, MPAT, Alger, 1980;
- le travail de recherche de P.S THIERY : " La crise du système productif algérien", thèse de doctorat d'Etat, Paris
VIII, 1982.

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économique mondial, qui s'est faite en deux temps. Durant la première
phase (phase qui succède à l'amélioration globale des économies des pays
en voie de développement), la priorité était à la sortie de la crise des pays
du centre. Ceci s'est traduit pour les pays de la périphérie par la mise sous
ajustement structurel progressive de leurs économies respectives.
Durant la seconde phase, phase de relance pour les pays du centre et
démarrant approximativement au début des années quatre-vingt-dix, le ton
est donné à l'accélération des réformes par l'intégration des pays
périphériques et c'est ainsi que commencent à se dessiner de nouveaux
espaces de reproduction du capital à l'échelle mondiale.
L'Algérie, ayant mis, dans le cadre des réformes lancées en 1987-
1988, son économie sous ajustement structurel, sans réaliser toutefois des
résultats conséquents, s'apprête à s'intégrer dans l'un des plus grands
espaces économiques régionaux : l'Euro Méditerranée, espace qui met en
compétition des économies inégalement développées, c'est-à-dire les pays
de la rive nord, particulièrement ceux du Marché Commun et les pays tiers
méditerranéens dont ceux de la rive sud.
L'Euro Méditerranée, qui se présente en effet comme le cadre de
relance de l'économie de l'ensemble des pays de cette région et par surcroît,
de résolution du phénomène de sous-développement des économies des
pays du sud, se donne comme horizon la construction d'une "zone de libre
échange" et de "prospérité partagée".
Cet objectif signifie implicitement que l'ensemble des pays,
particulièrement ceux ayant adopté, dans un passé récent, des "modèles de
développement" reposant sur un secteur étatique important, doivent
désormais se soumettre au développement par le marché.
Dès lors, il apparaît que les Programmes d'Ajustement Structurel
(PAS), mis en application dans les pays du sud, sont la condition sine qua
non à leur future intégration à l'espace euro méditerranéen.
C'est ce qui nous amène alors à nous interroger dans le chapitre I
sur les causes qui sont à l'origine de cette évolution et sur les types de PAS
proposés aux pays sous-développés.
La première constatation est que l'Ajustement Structurel en tant que
"nouvelle" doctrine de développement, c'est-à-dire de solution apportée au
phénomène de sous-développement, a connu deux phases d'évolution. Il
existe des PAS lancés dans les années cinquante et soixante que l'on peut
qualifier de "première génération" car impulsés par la division du Monde
en deux blocs, le "bloc capitaliste" et le "bloc socialiste" : leurs résultats
sont jugés peu satisfaisants.

6
Les PAS de "seconde génération", nés de la suprématie et de la
victoire du bloc capitaliste sur le camp socialiste, semblent s'inscrire dans
la logique d'une compétition entre les grands espaces économiques
mondiaux en formation, c'est-à-dire de la compétition que se livrent entre
elles les grandes puissances économiques .
C'est donc par rapport à cette nouvelle restructuration du système
économique mondial que sont lancés des plans d'intégration régionale
mettant côte à côte ou face à face pays développés et pays sous
développés2 : l'Europe occidentale intègre simultanément les anciens pays
socialistes de l'Est (les PECO : pays de l'Europe centrale et orientale) et les
pays en développement de la Méditerranée (les PTM : pays Tiers
méditerranéens).
A l’issue de cette première réflexion, il est logique de s'interroger
sur le degré de liberté et d'autonomie qu'ont les pays du Sud à concevoir et
à mettre en place un modèle de développement qui leur soit "spécifique".
Autrement dit, la thèse de la "contrainte extérieure" est-elle une simple vue
de l'esprit qu'on développe, ici, dans les pays périphériques ou doit-elle être
considérée comme une réalité à laquelle font face ces derniers3 depuis le
milieu des années quatre-vingts?
Cette question nous amène à présenter dans le chapitre II les
principales caractéristiques de l'économie algérienne de 1984 à nos jours.
C'est une économie en "crise" qui se caractérise par la récession. Celle-ci a
pour autre cause essentielle, la baisse des revenus extérieurs, elle-même,
provoquée par la détérioration des termes de l'échange (Chapitre III).

2
- Bien que le système économique mondial ait connu des changements notables durant les quinze à vingt dernières
années (émergence des NPI d'Asie et de l'Amérique latine, chute du bloc de l'Est et du mur de Berlin, etc.),
changements qui ont contribué à déplacer la "frontière Nord-Sud", le phénomène de la mondialisation et de la
libéralisation des échanges qui devraient s'accompagner par la libre circulation des facteurs et des marchandises n'est
qu'à ses débuts. La mondialisation comme élargissement de la sphère de reproduction du capital se fait pour l'instant
au profit des économies capitalistes avancées et ne permet nullement, du moins pour l'instant, de réduire le fossé
économique qui sépare les pays du centre de ceux de la périphérie du SME. L'éloignement des uns des autres est
confirmé dans le dernier rapport du PNUD (1996).

Ainsi, changer une terminologie par une autre résout-il réellement le problème des écarts de développement et
rapproche-t-il les uns des autres?
3
- En réalité les pays du Sud ou PVD ne sont pas les seuls à être soumis à un ajustement structurel : les politiques de
rigueur budgétaire mises en place en Europe et aux Etats-Unis en vue de la résorption des déficits publics témoignent
des changements structurels opérés par ces économies.

Mais les changements structurels et les politiques de restriction budgétaires ont-ils la même signification et la même
portée selon que l'on soit au Nord ou au Sud? Doit-on mettre sur le même pied d'égalité une économie expansionniste
et fortement intégrée et une économie désarticulée, entre une économie industrielle et une économie dépendant de
l'exportation des ressources naturelles, entre une économie qui protège certains de ses secteurs de la concurrence
internationale et une économie qui n'a même plus le droit de subventionner ses activités de base? En fait, n'y a-t-il
point de différence entre une économie qui conçoit un programme d'ajustement et une économie qui subit ce
programme d'ajustement? a titre d'exemple, les conclusions de l'Accord GATT en matière de libéralisation
économique et d'ouverture commerciale auront-elles les mêmes effets sur toutes les "parties contractantes", qu'elles
fassent partie du centre ou de la périphérie du système économique mondial?

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Dans cette situation, des mesures de résolution de la crise sont
envisagées au plan institutionnel et organisationnel par les pouvoirs
publics. Elles se matérialisent, comme l'attestent les chapitres IV et V, par
une tentative d'interruption des réformes, lancées en 1987-1988, et de
redéfinition d'une "stratégie de développement appropriée". Cette tentative
est vite mise en échec à cause de l'absence de capitaux extérieurs
nécessaires aux approvisionnements vitaux de l'économie.
C'est pourquoi, à l'opposé de cette proposition, c'est la solution
d'une plus grande ouverture sur le marché extérieur, qui est prônée et mise
en application. L'économie nationale est mise sous ajustement structurel
dont nous exposons la méthodologie et le contenu dans les chapitres
successifs IV et V. Cette solution est complétée par la proposition d' une
"ouverture illimitée" de l'économie nationale aux capitaux étrangers
(chapitre VI).
Ce sont donc ici les éléments qui ont servi à l'élaboration de la
première partie de notre travail, intitulée : " L'économie algérienne sous
ajustement structurel : contenu et objectifs".
La seconde partie, quant à elle, se veut une analyse des principaux
effets induits par la réforme de l'économie sur un secteur spécifique
d'accumulation du capital, en l'occurrence le secteur agricole. Elle a pour
titre : "Effets des réformes sur le développement de l'agriculture : les
premiers résultats".
L'idée développée, tout au long de cette seconde partie, est que la
politique de désengagement mise en en oeuvre par l'Etat dans le secteur
agricole à la fin de l'année 1987, même si elle s’est soldée quelque peu par
la relance de l'activité agricole, ne laisse pas espérer la réalisation à moyen
terme de l'objectif qu'elle s'était fixée à son lancement, à savoir l'autonomie
alimentaire, du moins, l'autonomie en produits alimentaires stratégiques,
dont les céréales.
Pourquoi la réorganisation ? C'est la question implicite qui nous
conduit à présenter dans le chapitre VII les arguments qui ont motivé le
lancement de l'opération. La réforme du secteur agricole public se justifie
au moment de son lancement par sa faible performance technique et
économique. Mais comparés à ceux du secteur privé, les rendements
obtenus par le secteur public durant les quinze dernières années qui
précédent sa privatisation, paraissent nettement meilleurs, du moins en ce
qui concerne les cultures céréalières. La performance du secteur privé
s'explique alors par la liberté des choix culturaux dont il avait bénéficié et
qui était interdite au secteur public, soumis à un "plan de culture et de
production" rigoureux.

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Ceci nous conduit à présenter dans le chapitre VIII, ce qui est
considéré comme étant les performances du secteur agricole réorganisé,
autrement dit la généralisation à toutes les exploitations agricoles,
indépendamment de leur statut juridique de type privatif, des choix
culturaux faits auparavant par les exploitations privées. Une brève lecture
des données récentes permet de constater que les performances du secteur
agricole réorganisé se résument dans le développement des cultures à "forte
valeur ajoutée". Les cultures dites stratégiques, celles-là même que les
pouvoirs publics ont toujours tenté de développer, y compris au prix de
déficits financiers importants, ne connaissent aucun changement notable :
les insuffisances et faiblesses traditionnelles du secteur agricole persistent.
Dans cet ordre d'idée, le chapitre IX a pour objet de recenser les
principales causes explicatives des insuffisances du secteur agricole
réorganisé. Celles-ci se subdivisent en deux groupes. La première série de
causes ou causes techniques est relative, non à l'insuffisante consommation
des crédits alloués comme c’était le cas avant la réforme, mais à
l'insuffisance de ces derniers, à une politique des prix désavantageuse pour
les cultures céréalières, à la faible technicité des agriculteurs, etc. La
seconde série de causes est liée à la spécificité même du secteur agricole,
spécificité se caractérisant par la "lourdeur" de ce dernier : les changements
sont lents et les résultats de longue période, quasiment stables. C'est du
moins ce que l'on constate, pour y revenir encore une fois, en matière de
céréaliculture.
La détérioration des conditions de production agricole n'épargne, à
la suite de la mise en application de la politique de désengagement de
l'Etat, aucun niveau d'organisation de l'activité agricole. C'est ce que nous
tentons de montrer dans le chapitre X, en axant l'analyse sur "les effets de
la politique de désengagement sur l'agriculture locale" que nous illustrons
par le cas particulier des Hautes plaines sétifiennes. Le choix de cette zone
agricole n'est, naturellement, pas neutre. En effet, le but recherché consiste
à témoigner, en l'absence d'un bilan officiel global de l'opération de
réorganisation, des effets néfastes subis par le secteur agricole
premièrement et ensuite à appliquer l'analyse sur une zone agricole,
considérée autrefois par les pouvoirs publics comme stratégique en matière
d'objectif d'indépendance alimentaire. Les effets négatifs induits par le
désengagement de l'Etat du secteur agricole sont multiples et touchent aussi
bien au foncier, au changement des systèmes de cultures qu’aux résultats
acquis dans le cadre des expériences d'intensification.
Et c'est ce qui nous conduit inévitablement à poser, dans le onzième
et dernier chapitre, la question de savoir s'il existe des agricultures
performantes sans le soutien de l'Etat.

9
L'utilité d'une réponse à cette question ne réside pas dans la
nécessité de démontrer que les agricultures les plus performantes sont
celles qui bénéficient, de façon quasi-inconditionnelle, du soutien de leurs
Etats respectifs (la nature du secteur même impose ce soutien). Elle réside
dans la nécessité de démontrer le peu de crédit qu'il faut accorder aux
tenants d'un désengagement total de l'Etat du secteur agricole,
désengagement sensé s'accompagner d'un développement du secteur agro
exportateur et autoriser la concurrence des agricultures qui sont à la base
des changements de la politique agricole mondiale...

II - Méthodologie :

Comment procéder alors pour la vérification de nos hypothèses de


travail ?
La démarche entreprise dans l’élaboration de ce travail tente de
satisfaire à plusieurs soucis méthodologiques.
Premièrement, elle est inductive. Partant en effet des résultats
actuels de l’économie nationale, résultats présentés dans le chapitre II, nous
avons tenté, en nous appuyant sur les données relatives à une décennie de
« croissance » (1984-1993/95), d’en chercher les causes les plus
explicatives. Bien que ces résultats soient le produit direct des décisions de
réforme prises durant la décennie quatre-vingts, il apparaît clairement que
celles-ci (décisions de réforme) sont, à leur tour, induites par la
restructuration du système économique mondial (chapitre I) dont
l’économie algérienne est fortement dépendante en tant que pays intégré à
l’amont (pétrole et gaz) et à l’aval (approvisionnement de l’économie
nationale en biens d’équipement, produits alimentaires, etc.). Les revenus
pétroliers représentent en effet plus des neuf dixièmes, sinon la totalité des
revenus extérieurs.
Or, si l’on s'intéresse de près aux causes économiques qui sont à
l’origine des principales transformations du système économique mondial
des vingt à trente dernières années, on remarque qu’un conflit autour de la
valorisation des matières premières, dont les ressources énergétiques,
oppose durant toute cette période les anciens pays périphériques à ceux du
Centre.
La « contrainte extérieure » n’est plus alors seulement une « piste
de recherche » mais une réalité à laquelle font face les pays du Tiers-
monde, que nous illustrons pour le besoin, par le cas de l’Algérie (chapitre
III).

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La démarche entreprise est ensuite déductive en ce sens qu’elle
tente de recenser les effets impulsés par la restructuration du système
économique mondial sur l’économie nationale. En Algérie, cela s’est
traduit (l’idéologie libérale étant devenue la référence théorique de la
relance économique) par la libéralisation progressive puis par la mise sous
ajustement structurel de l’économie nationale.
C’est ce qui nous amène à exposer dans les chapitres IV et V, les
méthodes et moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour ajuster
l’économie nationale aux nouvelles lois de fonctionnement de l’économie
mondiale.
Ces moyens, bien que nécessaires pour la relance de l’économie,
sont considérés insuffisants, au vu des exigences de la « nouvelle économie
mondiale » qui tend de plus en plus vers la « globalisation ». C’est
pourquoi, nous présentons alors dans le chapitre VI les « moyens
généraux » de la relance.
En effet, la crise des économies nationales, que ce soit les
économies en développement ou les économies développées, est-elle aussi
générée par les dérégulations du marché mondial. L’effort de sortie de la
crise n’est plus alors individuel mais, comme il se dégage de la tendance
actuelle, collectif et associe des pays occupant des places et assumant des
rôles différents dans le système économique mondial. L’expérience de co-
développement est d’autant attrayante et différente des précédentes qu’elle
semble accorder d’une part, un intérêt particulier à la mise à niveau des
économies les moins développées et considérer d’autre part, le facteur
"proximité" comme une donnée importante dans les nouvelles relations
entre le Nord et le Sud.
Les effets induits par la réforme de l’économie nationale ne sont
pas seulement d’ordre macro-économique. Ils s’expriment aussi au niveau
des secteurs et au niveau des unités de production de base.
Dans ce sens, notre effort de recherche tente de rendre compte
également, quoique de façon implicite, des effets exercés aux deux autres
niveaux retenus habituellement par l’analyse économique. C’est ainsi que
succède à la présentation macro-économique des tendances globales de
l’économie nationale et faisant l’objet des chapitres II, IV et V, l’approche
sectorielle et micro-économique des effets de la réforme.
Cela est particulièrement entrepris dans la seconde partie du travail
dans laquelle sont simultanément présentés les effets induits au niveau
sectoriel (le secteur agricole) et au niveau régional (l’agriculture locale que
nous avons illustrée par le cas des HPS).

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En plus de ces deux niveaux de l’analyse, notre souci est de rendre
compte également des transformations opérées au niveau de l’unité de
production que nous avons illustrée par le cas de l’exploitation agricole. La
démarche adoptée se veut alors empirique en ce sens qu’elle cherche à
rendre compte des principales transformations enregistrées au plus bas
étage de l’organisation de l’activité économique et sociale. Les moyens
utilisés pour la réalisation de cet objectif de recherche consistent dans la
réalisation de trois enquêtes auprès de trois échantillons d’exploitations
agricoles du sétifois.
La première enquête, réalisée en 1990-1991, auprès d’un
échantillon de 40 exploitations du Bassin versant de l’Ighil Emda, a pour
objet d’expliquer l’évolution des systèmes de cultures du sétifois. L’étude
des coûts de production des spéculations pratiquées par les agriculteurs du
sétifois, du moins ceux de la zone retenue par l’enquête, a pour but de
vérifier que les stratégies de production qui animent et agissent sur les
choix productifs des agriculteurs ne convergent pas vers le choix
d'autosuffisance alimentaire prôné par les pouvoirs publics.
C’est ce qui nous amène alors à participer, en 1992-93, à la
réalisation d’une autre enquête auprès d’un échantillon de 90 exploitations
de la zone céréalière du sétifois, c’est-à-dire de la zone dite des HPS.
L’enquête, supervisée par l’Entreprise nationale des industries
alimentaires et Agropolis a été réalisée par une équipe de trois chercheurs
dont la tâche était d’identifier et d’analyser les « stratégies de mise en
marché des céréales par les agriculteurs de la région de Sétif ». Cette
étude nous a permis de rendre compte, pour la région précitée, des
conditions de production des céréales, résultats consignés dans un
document auquel il sera fait référence dans le présent travail.
La troisième enquête enfin a été réalisée en 1994 et s’attache à la
question de savoir quels sont les effets induits par la « politique des prix,
des subventions et de la fiscalité » sur le développement des exploitations
agricoles, thème développé au sein d’un réseau de recherche méditerranéen
(RAFAC). L’enquête a été réalisée en même temps qu’une autre,
supervisée par le BNEDER et consacrée au développement intégré de la
partie orientale des HPS. L’échantillon des exploitations se compose de
180 unités statistiques.
Compte tenu de cet effort de recherche empirique, individuel et/ou
collectif, qui s’est soldé durant les cinq dernières années par la publication
de plusieurs articles et travaux de recherche (Cahiers du CREAD, Options
Méditerranéennes, Correspondances de l’IRMC, Etude SEFCA, etc.), nous
nous limiterons à donner, lorsque cela est nécessaire, les résumés de ces
travaux.

12
Nous ne pouvons clore enfin cette introduction sans évoquer nos
sources d’information. La fiabilité des données chiffrées relatives à
l’économie algérienne est, si l'on se réfère aux débats qu'animent les
décideurs à l’occasion de la présentation des bilans de leurs programmes,
préoccupante. La même source d’information peut, à des intervalles de
temps relativement courts, fournir des données contradictoires quoique
portant sur le même objet.
Ce travail de recherche n’échappe pas à ces insuffisances.
Néanmoins et pour parer au mieux à l’erreur véhiculée par les données,
nous avons tenté de diversifier les sources d’information, du moins de ne
retenir que celles qui sont considérées comme fiables par la Banque
Mondiale et le FMI. Ces données, quoique de source algérienne, ont été
recueillies dans différents documents de la première institution citée,
documents que nous avons consultés dans différents centres de recherche
nationaux et étrangers.
La seconde série d’informations, celles relatives au secteur agricole
au plan local, provient également de sources officielles (DSA, DRA,
Coopératives, etc.). Mais il faut relever que nous avons eu là aussi le
privilège d’accéder à des informations de première main que nous avons
synthétisées et présentées sous forme de tableaux. Nous faisons ici allusion
à plusieurs enquêtes réalisées par les autorités agricoles de la wilaya de
Sétif mais n’ayant pas été suffisamment exploitées. Ceci est le cas du
dossier « remembrement des DAS de la Wilaya de Sétif », du dossier « Prix
et approvisionnements » ou encore du dossier « Litiges nés de la
réorganisation » auxquels nous avons consacré des temps de travail
considérables.
La troisième source d’information porte sur les données recueillies
auprès des exploitations agricoles. On peut se demander dans quelle mesure
une unité de production agricole ne disposant pas de la comptabilité écrite
et ne se distinguant pas du ménage auquel elle appartient est capable de
produire une information fiable ?
La question reste entière et les influences négatives qu’elle peut
générer sur la compréhension du fonctionnement de l’exploitation agricole
sont nombreuses. Pour réduire l’effet de cette influence négative, nous
avons été amenés à concevoir une méthode de travail appropriée à chacun
des nombreux agriculteurs que nous avions rencontrés depuis le lancement
de notre recherche. Ces enquêtes ayant bénéficié d’un appui des
organismes ci dessus évoqués, ont pu être réalisées grâce à :
- la conception de fiches techniques par exploitation et par culture dans
le cas du calcul des coûts de production : les informations recueillies ont
été, dans le cas des EAC, soumises à des critiques de groupe ;

13
- la réalisation lors de la seconde enquête, de trois questionnaires par
exploitation : chaque nouveau questionnaire, réalisé à un intervalle de
quatre mois du précédent, est une reprise partielle de ce dernier. Les écarts
constatés sont soumis à la correction et à l’ajustement (la donnée prise en
considération est la moyenne arithmétique des deux) ;
- l’aide, dans le cas de la troisième enquête, que nous ont apportée les
ingénieurs subdivisionnaires qui avaient auparavant réalisé l’enquête
BNEDER : leur connaissance du terrain et surtout des agriculteurs a
probablement agi en faveur de l’obtention d’une information tout de même
fiable.

Ces informations et les hypothèses de recherche auxquelles elles


ont donné lieu, seront présentées selon le plan de rédaction qui suit.

14
15
PREMIERE PARTIE

L’économie algérienne sous ajustement structurel :


contenu et objectifs.

16
Chapitre I - L'Ajustement Structurel : quelques aspects
empiriques et théoriques.

L'Algérie, bien qu'ayant affiché une volonté de libéralisation


de son économie dès le début des années quatre-vingt, volonté
accompagnée par la restructuration des principaux secteurs publics de
production (industrie et agriculture) et par la relative libéralisation de
son activité économique à laquelle prend désormais part le secteur
privé, a cependant longtemps hésité à mettre son économie sous
ajustement structurel. Les causes de ces hésitations sont multiples.

Il y a celles qui se réfèrent à l'évolution des relations


économiques internationales des cinquante dernières années et qui
symbolisent la crainte d'un retournement de l'évolution historique. Il y
a ensuite celles qui se réfèrent au contenu des programmes
d'ajustement structurel proprement dits, c’est-à-dire à l'obligation de
restreindre le rôle de l'Etat dans l'activité économique.

C'est ainsi qu'il y a lieu de relever que l'ajustement structurel


en tant que "doctrine"4 contemporaine de développement économique
des pays de la périphérie du système économique mondial renvoie à
deux champs d'analyse. Le premier est d'ordre empirique et relatif au
cadre d'évolution des premiers pays à avoir mis leurs économies sous
ajustement structurel. La notion d'ajustement structurel bien qu’ayant
pour signification première la mise en application d'un certain nombre
de mesures économiques, financières, et institutionnelles pour le
rétablissement des équilibres globaux d'une économie donnée, suscite,
à cause de la gestion de la "contrainte extérieure", quelques
interrogations relatives à l' "autonomie politique" et à la "souveraineté
nationale" même du pays éligible à cet ajustement. Dans cet esprit, les
hésitations des classes politiques des pays en développement à opter
pour la mise en application des PAS, s'avèrent fondées d'autant que les
résultats obtenus par une grande partie d'entre eux sont peu
satisfaisants.

4
Le terme doctrine est mis ici entre guillemets à cause du fait que "en matière
d'ajustement structurel, bien qu'elle n'ait jamais été officielle, repose sur un certain
nombre de mesures qui se retrouvent toutes, à quelques nuances prés, dans les
recommandations faites par cette institution aux pays qui ont sollicité son aide", S.
BEDRANI : L'Algérie, un cas d'ajustement volontaire? In Ajustement et développement,
Etudes coordonnées par Driss GUERRAOUI, Editions Toukbal-L'harmattan,
Casablanca-Paris, 1993.

17
Le second champ d'analyse est d'ordre théorique et porte sur
les mesures économiques préconisées par les différents partenaires et
institutions financières internationales en vue du développement des
pays qui sollicitent leur aide.

Dans ce sens, l'objet de ce premier chapitre est de tenter de


clarifier la notion d'ajustement structurel prise sous les deux angles de
vue évoqués ci dessus.

I- Cadre empirique et historique de l'Ajustement Structurel :

La notion d'"ajustement structurel" est née à LOME (Togo)


en 1975 à l'occasion de la première Conférence qui avait réuni les pays
de la Communauté Economique Européenne (CEE) et les pays du sud
de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP).

Cependant, il faut relever que la Convention dite de LOME est


l'émanation d'un long processus d'échanges économiques, culturels et
politiques qui avaient lié dans le passé , de façon isolée ou dans le cadre
de groupes restreints, les pays de l'Europe occidentale à plusieurs de
leurs anciennes colonies et/ou Départements et Territoires d'Outre
Mer (DOM-TOM). L'ajustement structurel est, avant d'être une
coopération entre les pays de la CEE et les pays ACP, la conséquence
d'un besoin d'expansion des pays industriels de l'Europe occidentale.

11- Origine de l'Ajustement Structurel : la coopération intense


entre les pays européens.

On peut relever en effet, qu'avant d'initier la Conférence de


Lomé, soit avant de mettre en place une politique commune
d'"entrainement" de quelques pays du Sud qui n'avaient pas
développé des politiques subversives à leur égard, certains pays
occidentaux, particulièrement ceux de la CEE se sont, à leur sortie de
la Seconde Guerre mondiale, dès juillet 1947 déjà, organisés dans
plusieurs associations régionales. Sous l'influence et les
encouragements de l'Amérique, c'est-à-dire des USA, ils ont créé la
Conférence de Coopération Economique Européenne (CCEE).

Depuis, se sont multipliés les échanges entre les pays européens


occidentaux mus par une volonté commune de construire ensemble,
volonté dictée par une nouvelle philosophie et donnant naissance à

18
plusieurs associations ou Conférences. Mais la véritable coopération
entre les différents partenaires européens ne va s'exprimer réellement
qu'à partir du 16 avril 1951, date de création de la Communauté
européenne du charbon et de l'acier (CECA), qui engageait alors six
pays à savoir : la France, l'Italie, l'Allemagne fédérale, la Belgique, le
Luxembourg et les Pays Bas. La CECA entre en vigueur le 25 juillet
1952.

Très vite, les avantages tirés de cette union conduisent à


l'approfondissement et à la densification des relations économiques
entre les six partenaires de la CECA, qui, réunis dans la capitale
italienne le 25 mars 1957, conviennent de créer la Communauté
Economique Européenne (CEE) et la Communauté européenne de
l'énergie atomique (EURATOM). Ainsi par le Traité de Rome qui entre
en vigueur le 1er Janvier 1958, la CEE est créée et l'espace
économique européen ne cesse de s'élargir. "Le Traité de Rome, note P.
CLAVAL, met en route une dynamique remarquable : l'intégration des
économies nationales progresse dans un climat de développement rapide
qui facilite la résolution des conflits"5 .

Dans le même esprit, c'est-à-dire dans l'objectif


d'élargissement de la zone de libre échange, est créée le 04/01/1960
l'Association européenne de libre échange entre la Grande Bretagne,
l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède, la Suisse,
l'Autriche et la Grèce. Douze ans plus tard, soit en janvier 1972, la
Grande Bretagne, l'Irlande et le Danemark adhèrent à la CEE et la
Communauté à neuf entre en vigueur le 1/1/1973. Moins de dix ans
plus tard, soit le 1/1/1981, c'est autour de la Grèce, admise en 1979,
d'élargir le cadre communautaire. On parle alors de la Communauté
des dix. Le 1/1/1986, l'Espagne et le Portugal sont intégrés à la CEE et
la Communauté des douze est créée.

Enfin, depuis la signature du Traité de Maastricht le 7/2/1992,


le Marché Unique entre en vigueur le 1/1/1993 et la Communauté
Economique Européenne cède la place à l'Union Européenne (UE) le
1/1/1994.

C'est ainsi que l'expérience européenne en matière de


développement et de coopération entre Etats nationaux va être vite
copiée et même donner naissance à des groupements régionaux, rivaux

5
P. CLAVAL : Géopolitique et géostratégie. La pensée politique, l'espace et le territoire
au XXe siècle, p 145, Editions Nathan, Paris, 1994.

19
Dans ce sens, les pays socialistes de l'Est, ayant à leur avant-
garde l'URSS, mettent en place dès 1949, soit deux années seulement
après la naissance de la CECA, une organisation économique
commune appelée le Conseil d'assistance économique mutuelle
(CAEM). L'objectif affiché du CAEM est d'intégrer les pays de l'Est.

Réunissant la quasi-totalité des pays de l'Europe de l'Est


(URSS, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, République Démocratique
Allemande, Roumanie, et l'Albanie jusqu'en 1961) et deux pays extra
européens (le Viêt-nam à partir de 1978 et Cuba à partir de 1972), ce
système ne va pas cependant amplement bénéficier aux différents
partenaires à cause de la spécialisation qu'impose l'URSS à ses
partenaires et à cause du système de planification centralisé ne tenant
pas compte dans tous les cas des contraintes locales de développement.

Le CAEM, vaste espace économique dominé par l'URSS,


quoique contesté par quelques partenaires, n'est dissous qu'en 1990
avec l'implosion du Bloc de l'Est. Il a largement contribué à la division
du monde en blocs.

12 - Les pays du Sud : entre l'Ajustement Structurel et le


Non-Alignement :

La division du monde entre les puissances militaires issues de


la Seconde Guerre a vite conduit à un climat de guerre froide entre le
bloc occidental ayant à sa tête les Etats Unis d'Amérique et le bloc de
l'est conduit par l'URSS.

"L'émergence des deux grands à la faveur de la Seconde Guerre


mondiale, mentionne P. Claval, et leur affrontement à travers le grand
jeu de la dissuasion nucléaire simplifient la scène internationale. Les
puissances qui ne disposent pas de l'arme atomique n'ont qu'une marge
d'autonomie limitée. Celle-ci est cependant variable : là où
l'affrontement Est-Ouest est le plus direct, en Europe, au Moyen Orient
et en Extrême-Orient, les gouvernements doivent choisir clairement leur
camp. Les positions neutralistes sont exclues, et ceux qui les adoptent
sont tôt ou tard happés par la logique des blocs..."6

Ainsi, malgré le mouvement de Non Alignement, lancé dans les


années cinquante (Conférence de Bandoeng en 1956) qui se voulait une

6
Idem que note 2.

20
alternative à la division du monde entre les deux blocs, les pays du
Tiers-Monde, dont les économies sont généralement, sinon toujours
fragiles car dépendantes des anciens pays métropolitains, n'avaient
d'autre choix que de rallier le bloc occidental lorsque leur accession à
l'indépendance politique n’avait pas été jugée subversive ou de tenter
de profiter des divergences opposant les deux blocs pour pouvoir
lancer un processus d'industrialisation.

C'est dans ce cadre simplifié qu'est né l'"Ajustement


Structurel" connu également sous l'appellation du Traité de Lomé.

121- Le Traité de LOME ou l'Ajustement structurel préférentiel.

Les mouvements d'indépendance nationale, lancés dés la fin de


la Seconde Guerre à travers le monde c'est-à-dire dans la partie Sud de
la planète, ont conduit les anciens pays colonisés à accéder à leur
indépendance politique. Ainsi, si l'indépendance politique devient un
fait qu'il n'y a plus lieu de négliger, il en est autrement de
l'indépendance économique qui, elle, est plus complexe et semble même
nécessiter à chaque fois un plus grand nombre de pays, c'est à dire un
espace plus vaste pour le contrôle des ressources naturelles donc pour
la reproduction du capital.

"Les nations qui viennent d'accéder à l'indépendance nationale,


note encore P.CLAVAL, sont donc soumises à des sollicitations
nombreuses de la part des pays européens et des Etats-Unis, ou de
l'URSS ou de la Chine. Tous ces pays cherchent à asseoir leur influence
en proposant des programmes de coopération. Ils essaient d'aller au delà
et offrent des alliances qui assurent la sécurité extérieure, un appui sous
forme d'armement, de formation de cadres ou d'intervention directe
contre les actions subversives intérieures, et des programmes d'aide
importants"7.

Dans ce cadre, plusieurs pays de la CEE, liés, au moment de la


création de cette organisation, aux TOM, consacrent une large place à
leurs colonies d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Ces pays, c'est-à-dire les pays ACP, ont été, de 1958 à 1975,
associés par le Traité de LOME et par des conventions particulières :
les conventions de YAOUNDE I en 1963 et YAOUNDE II en 1969.

7
P. CLAVAL, op cité, pp. 123-124.

21
Depuis 1975, date de la tenue de la première Conférence entre
les pays de la Communauté Economique et les pays ACP, plusieurs
autres conférences ont réuni les deux parties. Aujourd'hui, leur
nombre s'élève à quatre soit LOME I (1975), LOME II (1980), LOME
III (1985) et LOME IV (1990) et la sphère des pays concernés par les
politiques d'ajustement structurel conformément aux premières
relations historiques, économiques et culturelles les liant aux pays de la
CEE n'a pas cessé de s'élargir. En effet, le nombre de signataires de la
première Convention de Lomé était de 46, celle de la seconde de 57,
celle de la troisième de 64 et celle de la quatrième de 69. Aujourd’hui,
les pays ACP sont au nombre de soixante-dix8
En dépit de son accroissement, l'effectif des pays signataires
des PAS dans l'esprit de LOME a peu ou pas évolué étant donné que
l'objectif fondamental qui semble être recherché par ces accords n'est
pas seulement le développement économique de ces pays mais aussi et
surtout le maintien de l'influence culturelle et politique qu'exercent les
pays de la CEE sur les pays bénéficiant de l'aide bilatérale et
multilatérale.

Le type d'ajustement structurel prôné dans ces pays dépasse


souvent, sinon toujours le champ économique. Il s'agit d'un
ajustement structurel se faisant par l'octroi de quelques "faveurs" et à
l'ombre de quelques grandes puissances économiques et financières
occidentales qui tentent de réunir ces pays dans des zones de libre
échange locales (la zone franc est un bon exemple d'illustration en
Afrique sub-saharienne) avec l'objectif d'impulsion d'une dynamique
interne de développement.

Néanmoins, les résultats, souvent médiocres, obtenus par ce


type de "coopération" et d'intégration entre pays développés et pays
sous-développés ainsi que les événements économiques et politiques

8
Ce sont, dans l'ordre alphabétique, les suivants : Angola, Antigua et Barbuda,
Bahamas, Barbade, Belize, Bénin, Bostwana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-
Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Dominique, Erythrée,
Ethiopie, Fidji, Gabon, Gambie, Ghana, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée
Equatoriale, Guyane, Haïti, Jamaïque, Kenya, Kiribati, Lesotho, Liberia, Madagascar,
Malawi, Mali, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda,
Papouasie-Nelle-Guinée, République Dominicaine, Rwanda, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte
Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Salomon, Samoa Occidentales, Sao Tomé et
Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Suriname, Swaziland,
Tanzanie, Tchad, Togo, Tonga, Trinité et Tobago, Tuvala, Vanuata, Zaïre, Zambie et
Zimbabwe.

22
ayant marqué la décennie 80-90, sont à l'origine de la redéfinition de
nouveaux programmes d'ajustement structurel. La nouveauté réside
dans le fait que ces programmes, quoique mettant en compétition
directe des pays ayant des places différentes dans le système
économique mondial, sont de plus en plus mis en oeuvre par les
institutions financières et monétaires internationales.

122 - L'Ajustement structurel , conséquence de la crise des années


quatre-vingts :

Au cours des années soixante-dix, alors que la crise


caractérisait l'ensemble des pays capitalistes avancés, la grande partie
des pays du Tiers Monde a été relativement préservée des effets de
celle-ci. Certains d'entre eux ont même, à l'image de l'Algérie et des
autres pays de l'OPEP ainsi que des pays exportateurs de ressources
naturelles tel que le Maroc, connu des taux de croissance
particulièrement satisfaisants. Les raisons de cette croissance sont
l'amélioration des termes de l'échange (augmentation des prix du baril
de pétrole à partir de 1973) et l'apport de ressources financières de
l'extérieur à des taux d'intérêt réels avantageux.

Mais au début des années quatre-vingts, la riposte des pays


industriels à l'augmentation des prix du pétrole a vite conduit à un
renversement de tendance se caractérisant à nouveau par la
détérioration des termes de l'échange (augmentation des prix des
produits finis et semi-finis) et par la rareté des disponibilités
financières (dévaluation du cours du dollar, augmentation du taux
d'intérêt, etc...).

Ainsi les stratégies de sortie de crise adoptées par les pays


industriels ont vite généré des effets négatifs sur l'ensemble des pays du
Tiers Monde qui doivent faire désormais face à des besoins de
financement importants : le résultat est alors l'apparition d'un
déséquilibre des balances des paiements de ces pays. Le Fonds
Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) font leur
entrée sur la scène et deviennent des acteurs prépondérants de la
gestion de la dette extérieure des pays du Tiers Monde, si bien que la
possibilité d'obtenir de nouveaux crédits passe désormais par la
définition de politiques d'ajustement structurel ayant reçu l'aval de ces
deux institutions.

C'est donc dans ce cadre que sont nés les programmes


d'ajustement structurel "autonomes" ou encore de "seconde génération»

23
désignant par là l'ensemble des pays du Tiers Monde, essentiellement
latino-américains et africains, auxquels ont été appliquées les mesures
du Sommet des Chefs d'Etat en 1981 à Cancun. Plus tard, l'Ajustement
Structurel tel que préconisé par le FMI et la BM a été appliqué aux
anciennes économies planifiées à la suite de l’effondrement du bloc de
l'Est ainsi qu'à plusieurs pays du mouvement de Non Alignement. Puis
l'effectif des pays éligibles au nouvel Ajustement Structurel tend à se
développer...

Aussi, ce groupe de pays tend-il à se différencier des Pays ACP


par la nature même de leurs partenaires respectifs. Alors que dans le
premier cas, il est créé un type de "société écran" (le FMI et la Banque
Mondiale) entre les pays du centre et ceux de la périphérie dans le
second cas, les relations entre les deux groupes de pays continuent à
être influencées par les Etats pris individuellement. Cela est
probablement dû au niveau de développement différent atteint par
chacun des groupes. Les pays du sud ne sont-ils pas classés en pays de
la périphérie centrale et en pays de la périphérie périphérique ou pour
reprendre la terminologie dominante en pays en voie de développement
et en pays les plus démunis?

Dans cet esprit, il est légitime de s'interroger sur les projets de


partenariat économique entre l'Union Européenne et les pays de l'Est
(PECO) et entre la première et ceux de la rive sud de la Méditerranée
(PTM). Ces accords ne risquent-ils pas d'être un prolongement des
politiques appliquées aux Pays ACP ou inaugurent-ils, au contraire, de
nouvelles relations entre Etats politiquement indépendants quoique
économiquement différents? La distinction dans le groupe des pays
soumis aux PAS entre ceux dont l'ajustement est déjà appuyé
(financièrement ou non) par les principaux donateurs multilatéraux
(pays ACP) et ceux qui mettent en oeuvre un processus d'ajustement
"autonome" (Maroc, Tunisie, Egypte, Algérie, etc.) n'aurait-elle pas
pour signification une plus grande spécialisation internationale des
économies locales et une plus grande hiérarchisation au sein du
système économique mondial entre les économies nationales? La
nouvelle politique de partenariat qui semble avantager le facteur
"proximité géographique" ne risque-t-elle pas de se faire au
désavantage des pays "lointains"? Cette politique n'est-elle pas un
nouveau moyen d'hiérarchisation des relations entre les différents
groupes de pays du système économique mondial? La politique de
l'ajustement structurel est-elle seulement économique ou a-t-elle un
contenu stratégique qui tend à stratifier davantage les pays de la
périphérie?

24
Toutefois, on doit retenir que l'objectif de ces accords, qu'ils
concernent les pays ACP ou les pays dits à ajustement "autonome" ou
encore ceux de la zone de libre échange liant les USA à d'autres pays
américains depuis 1994 (Mexique,...), demeure le même à savoir la
création de zones de libre échange c'est-à-dire l'élargissement de
l'espace de reproduction du capital. Mais l'élargissement de l'espace de
reproduction du capital, la zone de libre échange, profitent-ils
réellement aux pays du Tiers-monde?

13 - Résultats des PAS dans les pays ACP :

Aussi pour revenir à l'ajustement structurel sous sa première


forme, relèvera-t-on que l'effectif des pays ayant signé en 1994 les
accords de LOME IV s'est élevé à 69 dont 46 du continent africain, 15
des Caraïbes et 8 du Pacifique contre 46 pays signataires en 1975. Mais
on peut également noter qu'en matière d'évolution de la sphère des
pays soumis à l'Ajustement structurel depuis 1975, une Conférence ne
se distingue d'une autre que par l'effectif des pays qu'elle enrôle de
nouveau.

En effet le bilan de l'Ajustement structurel des pays ACP est


loin d'être satisfaisant. C'est du moins ce qu'ont pu constaté plusieurs
chercheurs qui, au milieu de l'année 1994, ont relevé que l'ajustement
structurel quoiqu'il fût "inéluctable" s'est finalement soldé par des
"résultats décevants".

Dans une étude récente, Philippe HUGON9 montre en effet


pour les pays de l'Afrique sub-saharienne que :
-le PIB par habitant est passé de 854 $ US en 1978 à 565 $ US
en 1989 soit une diminution de 33 % environ;
- la chute des revenus s'est accompagnée d'une baisse de
l'épargne intérieure passant de 17 % du PIB en 1980 à 10 % en 1987;
- le taux de croissance de la production agricole, sur la longue
période, reste inférieur à celui de la population;
- la part de l'Afrique subsaharienne dans le commerce mondial
est passée de 2,5 % en 1980 à 1,2 % en 1987;

9
Philippe HUGON : La problèmatique de l'ajustement, l'expérience de l'Afrique sub-
saharienne, ouvrage collectif "Ajustement et développement", réalisé sous la
coordination de Driss GUERRAOUI, op cité.

25
- la dette à long terme n'a pas cessé d'augmenter en passant de
11 milliards de $ en 1970 à près de 200 milliards à la fin des années 80,
etc...

Mais à côté de la détérioration de la situation économique des


pays africains ayant mis leurs économies sous ajustement structurel
dans les années quatre-vingt, de graves déséquilibres politiques et
sociaux sont générés et font même l'objet de préoccupations des
experts internationaux dans l'élaboration des nouveaux PAS. 10"

Les raisons de cet échec sont, au moins, au nombre de trois que


P & S. GUILLAUMONT résument comme suit :

- Les programmes d'ajustement structurel, au lieu d’entraîner


le développement du secteur d'exportation, se sont soldés par le
"développement de l'économie informelle" qui reste difficile à mesurer
donc difficile à contrôler. "Jusqu'en 1981, soulignent A. BEN
ZAKOUR et F. KRIA à propos du secteur informel tunisien, les petits
métiers et l'artisanat étaient totalement ignorés comme secteurs
économiques spécifiques. L'absence de législation, probablement justifiée
par la conviction chez les décideurs que le secteur moderne finira par
absorber totalement le secteur informel, est en contradiction flagrante
avec le poids de plus en plus important de ce dernier..."11;

- La seconde cause de l'échec des PAS est, pour revenir à P &


S. Guillaumont, la spécialisation internationale et le développement du
secteur d'exportation préconisés comme moyen de mobilisation des
ressources extérieures qui n'ont pu fonctionner à cause de la
détérioration des termes de l'échange;

- Les programmes d'ajustement structurel reposent sur des


objectifs de rentabilité de moyen et long terme. Or dans les pays
10
- "En Afrique notamment, relève un groupe d'auteurs, la détérioration de la situation économique au
cours des années 80 est allée de pair avec des violences politiques accrues et l'exacerbation des conflits
intérieurs. Cette détérioration a eu un impact d'autant plus fort que l'Afrique déjà très instable
politiquement, au point d'être considérée comme la région "par excellence" des coups d'Etat.
Dans toutes les régions, et pas seulement en Afrique, on a pu également observer des réactions
violentes à certaines mesures de stabilisation, qu'il s'agisse de programmes d'ajustement indépendants
ou appliqués dans le cadre d'un accord avec le FMI", tiré de :
C. MORRISSON, J.D. LAFAY et S. DESSUS : "La faisabilité politique de l'ajustement dans les pays
africains", 99 pages, Centre de Développement de l'OCDE, Paris Nov. 1993, p13.

11
- Abderrahman BEN ZAKOUR et Farouk KRIA : Le secteur informel en Tunisie :
cadre réglementaire et pratique courante, p15, C.D.- OCDE, Paris, Nov. 1992, 95
pages.

26
soumis à l'ajustement structurel, les niveaux de vie des populations
sont faibles à cause précisément de la faible productivité du travail,
elle-même conditionnée par le niveau de l'investissement qui est faible.
Autrement dit, la politique de l'Ajustement structurel telle qu'elle a été
conçue durant les vingt dernières années n'est pas parvenu à casser "la
chaîne des cercles vicieux du sous développement". Enfin, on
conviendra avec les deux auteurs précités que : "Plus le niveau du
produit par tête est faible, plus il est difficile de faire baisser la
rémunération réelle du travail pour accroître la compétitivité, sans risque
de réduire simultanément la productivité des travailleurs : en effet la
baisse de leurs revenus est susceptible d’entraîner une dégradation de
l'alimentation et de la santé, si bien qu'au total la réduction des coûts
sera compromise et l'accroissement de compétitivité attendu de la baisse
des salaires ne sera pas obtenu"12

Ainsi on comprend que la réussite des politiques d'ajustement


structurel est conditionnée par plusieurs mesures dont un niveau
d'investissement additionnel élevé qui permette d'améliorer le niveau
de productivité du travail dans le "secteur d'exportation" notamment,
lequel secteur doit servir de base à l'accumulation du capital et à la
croissance de l'économie nationale.

Cette variable semble être désormais prise en charge par les


nouveaux traités de coopération qui prévoient, citons le cas du projet
de création à l'horizon 2010 de la ZLE euro méditerranéenne, des
aides financières pour le développement des pays à intégrer.
Néanmoins, l'investissement extérieur quoique représentant dans la
pratique la solution espérée par les pays appliquant les PAS n'est,
comme nous le verrons plus loin, qu'un moyen parmi d'autres qui doit
stimuler le développement du secteur exportateur. Les P.A.S, signifiant
aussi une limitation de l'action de l'Etat dans l'activité économique,
reposent sur le dynamisme des agents économiques nationaux et
étrangers qui doivent mobiliser les ressources nécessaires au
développement. C'est du moins ce qui se dégage des théories récentes
du commerce international qui sont le fondement des politiques
d'ajustement.

II - Contenu et objectifs de l'Ajustement Structurel


12
P. Et S. GUILLAUMONT : Ajustement et développement, l'expérience des pays ACP
(Afrique, Caraïbes, Pacifique), Editions Economica, 1994, 393p. P73.

27
21-Définitions de l'ajustement structurel :

La notion d'ajustement structurel a connu plusieurs


définitions13 . L’Ajustement structurel est assimilé par moment à la
recherche du seul équilibre de la balance des paiements et par ailleurs,
il est défini comme l'ensemble des mesures visant à introduire des
normes de gestion rationnelle des ressources monétaires et financières
publiques. D'autres économistes enfin, le présentent comme la caution
qu'apportent les institutions financières internationales à un pays
donné pour ajuster son économie aux lois du marché.

L'ajustement structurel peut être également défini par rapport


aux multiples objectifs qu'il tente de réaliser simultanément. Considéré
sous cet angle, l'ajustement structurel est perçu comme l'ensemble des
mesures économiques et institutionnelles que doivent mettre en
application des pays donnés pour pouvoir rétablir leurs équilibres
économiques globaux. Ce sont des mesures qui s'appliquent aux pays
en situation de crise économique et financière, c'est-à-dire
particulièrement aux pays de la périphérie du système économique
mondial.

Mais comme ce dernier est évolutif et se caractérise par


l'hégémonisme des pays capitalistes avancés sur le reste du monde et
que la tendance globale est à l'homogénéisation des modes de
production économique, qui tendent à être remplacés, de plus en plus,
par le mode de production capitaliste, ces mesures, qu'elles
s'appliquent aux pays de l'ancien bloc socialiste, à ceux du groupe dit
de non alignement ou aux autres pays du Tiers monde, sont quasiment
les mêmes. Elles ont pour objectif commun l'adoption par toutes les
économies soumises à l'ajustement des lois du marché et du
capitalisme.

13
P. HUGON en recense au moins trois qu'il attribue à :
GUILLAUMONT(1985) : "L’A.S. peut être défini stricto sensu comme l'ajustement
durable de la balance des paiements obtenu au moyen d'une adaptation des structures
économiques (principalement des structures de production), c'est-à-dire autrement que
par une réduction de la croissance économique ou par un recours accru ou excessif aux
capitaux extérieurs"

28
22 - Objectifs des Programmes d'Ajustement Structurel.

Gérard GRELLET14 dont les travaux de recherche sont


consacrés, en partie, aux fondements théoriques des PAS recense les
cinq objectifs suivants :

221 : l'ajustement des parités entre les monnaies.

L'ajustement des parités entre la monnaie nationale et les


monnaies étrangères communément appelées les devises est l'un des
objectifs assignés aux PAS. Deux sous objectifs sont recherchés à ce
niveau.

Le premier concerne l'accroissement du stock des devises pour


le secteur privé et les réserves officielles. Aussi, le secteur privé doit-il
bénéficier, au même titre que les entreprises du secteur public, du libre
accès aux devises moyennant dépôt en monnaie locale.

Le second sous objectif est la recherche de la vérité des prix et


l'établissement d'un taux de change unique au sein de la même
économie nationale. L'ajustement de la parité de la monnaie nationale
s'avère nécessaire d'autant que les pays sous-développés se
caractérisent globalement par l'existence d'un secteur informel qui
tend à développer de plus en plus ses propres lois de fonctionnement
mais qui sert aussi de référence aux institutions monétaires et
financières internationales pour la fixation du taux de change officiel.

Les actions préconisées au titre de ce chapitre sont la


dévaluation de la monnaie nationale et la création d'un marché
interbancaire.

-au FMI : "il vise à rétablir la balance extérieure courante et un niveau de dépenses
viables de façon à réduire les baisses de production à court terme et à préserver la
capacité de l'économie à poursuivre sa croissance",

-SEVERINI, SERVANT (1990) :L'A.S est "un processus institutionnel qui se traduit par
l'adoption d'accords économiques et financiers par des pays en développement avec les
Institutions de Bretton Woods dans lesquels ces derniers cautionnent un programme de
réformes en échange de concours financiers accordés pour l'essentiel par les bailleurs
bilatéraux".
Se conférer à P. HUGON, op cité.
14
G.GRELLET : "Les politiques d'ajustement orthodoxes : un point de vue critique" in
RTM, n°109, janv-mars 1987.

29
222 - L'encadrement des crédits :

Le crédit dans les pays périphériques, notamment dans les


pays où le secteur public représente l'essentiel des infrastructures
économiques, est généralement tourné en direction de ce seul secteur.
Aussi l'objectif visé consiste-t-il dans la suppression de la sélectivité des
bénéficiaires du crédit et dans la limitation de l'endettement des
entreprises auprès du Trésor : la Banque Centrale doit intervenir
directement sur le marché financier et monétaire (mise en place d'un
marché monétaire interbancaire, application de taux d'intérêt réels,
etc.). A ce propos, il est reproché aux pays périphériques d'appliquer
des taux d'intérêt très en dé ça du cours international (taux d'intérêt
réel négatif);

223 - La réduction du déficit budgétaire.

Celui-ci est impulsé, comme nous le verrons plus loin pour le


cas de l'Algérie (chap III), par la baisse des revenus extérieurs et par la
détérioration des termes de l'échange de ces pays qui ont continué à
appliquer la même politique d’intérêt général.

Vivant en deçà de leurs moyens réels, ces pays sont-ils donc


appelés à réduire les effectifs des travailleurs (chômage déguisé), à
rechercher un équilibre durable des entreprises publiques, à baisser le
niveau des salaires réels et à réduire les dépenses de fonctionnement?

Réduire le déficit budgétaire et lutter contre l'inflation, c'est


s'attaquer également à l'accroissement incontrôlé de la masse
monétaire, à la forte consommation publique, en un mot à la réduction
de l’excès de la demande sur l'offre

224 - La libéralisation du marché.

Cet objectif semble concerner en particulier les pays qui


avaient opté par le passé pour un système d'économie étatique. On sait
que dans ce système, les prix, généralement bas, sont administrés et
que l'activité économique est organisée sous forme de monopoles. Les
effets de cette politique sont la faible croissance de l'économie,
l'accroissement des déficits des entreprises et leur faible performance
économique, ce qui en dernier ressort conduit à l'accroissement de
l'endettement public (voir ci-dessus). C'est pourquoi il apparaît que la
libéralisation du marché ne peut se faire sans la réhabilitation, la

30
liquidation ou la privatisation des entreprises du secteur public et sans
la recherche de la vérité des prix.

225 - l'ouverture de l'économie sur l'extérieur.

La justification essentielle évoquée au titre de ce chapitre est


que les entreprises nationales (étatiques et privées) bénéficiant d'une
protection qui leur permet de s'accaparer des rentes de situation, n'ont
pu devenir performantes à cause précisément du manque de
concurrence et de compétition avec les entreprises étrangères.

En outre, l'ouverture de l'économie sur l'extérieur repose sur


l'hypothèse selon laquelle les entreprises étrangères seraient tentées
d'investir dans les secteurs où les taux de profit sont plus élevés que
dans le pays d'origine. Les bienfaits de cette ouverture sur l'extérieur
sont l'innovation technologique, l'apport de capitaux supplémentaires
à l'économie nationale, etc.

Néanmoins, on doit retenir avec Moïses IKONICOFF, que les


objectifs généraux ou politiques du FMI varient avec "la logique
dominante du système capitaliste, à différentes époques et avec la
stratégie des principaux acteurs, à l'échelle internationale".

Dans ce sens, l'auteur précité recense trois principales étapes


dans la démarche du FMI.

" La première étape, note-t-il, correspond à la période


d'expansion du capital multinational dans l'activité productive. Cette
période, qui couvre les années 50 et 60, est caractérisée par une emprise
croissante des grandes firmes étrangères sur les systèmes économiques
des pays du Tiers Monde. L'objectif prioritaire du Fonds est alors de
rééquilibrer les balances d'opérations courantes, le moyen privilégié pour
y parvenir étant la dévaluation systématique des monnaies nationales ".
La deuxième étape (décennie 70) correspond à l'expansion du capital
financier. L'objectif du Fonds n'est plus tant l'équilibre de la balance des
opérations courantes que la mise en place de mécanismes permettent de
compenser le déficit par des soldes favorables de la balance des
capitaux... Au cours de la période qui démarre vers le début des années
quatre-vingts, la logique qui présidait au comportement du Fonds, lors de
la précédente phase, ne change pas, l'équilibre de la balance des
paiements devant rester lié au fonctionnement du marché de capitaux.
Toutefois, comme on se trouve en période de pénurie de ressources

31
financières, il devient nécessaire de réduire le niveau de l'activité
économique par les moyens indiqués dans les programmes d'ajustement
structurel"15.

Il ressort de cette citation une interaction et une évolution


logique dans la démarche du FMI qui tend, selon les étapes historiques,
à apporter des solutions à la crise du capitalisme des pays du Centre.
On doit rappeler à cet effet, que la résolution de la crise du MPC est
conditionnée par la recherche de débouchés c'est-à-dire d'un "marché
extérieur", de préférence de plus en plus large. On doit rappeler
également que la recherche de "marchés extérieurs» est synonyme,
comme l'a montré notamment A. Emmanuel dans son ouvrage "Le
profit et les crises", d'une distribution à priori de revenus pour
pouvoir continuer à assurer le processus d'accumulation du capital.

Pris dans cet engrenage, les pays du Tiers Monde ont bénéficié
dans les années soixante-dix, c'est-à-dire durant la phase de récession
des économies développées, de crédits leurs ayant permis de lancer,
pour certains d'entre eux, des processus d'industrialisation. Ils ont de
ce fait participé activement à la relance de l'activité économique des
pays dominants en leurs offrant des débouchés. Les processus
d'industrialisation mis en place dans les pays du Tiers monde n'ont pu
malheureusement, pour diverses raisons d'ailleurs, fonctionner; d'où
l'inévitable problème de l'endettement qui a donc conduit à la mise en
place de politiques d'ajustement structurel dans ces mêmes pays.

Il devient alors intéressant de savoir en quoi, l’application des


nouvelles propositions d'ouverture en direction de ces mêmes pays
n'est pas la reproduction à l'identique de la situation antérieure c'est-
à-dire en quoi l'octroi de nouveaux crédits aux pays en développement
ne favoriserait-elle pas leur endettement croissant.

Dans ce sens, on soulignera avec Ann VOURC' H que :" Sur


les 157 accords (de rééchelonnement) signés de 1980 à juin 1991 pour 53
pays, le Club de Paris a rééchelonné un montant de 144 milliards de
dollars de 1990. Pour mettre cette somme en perspective, poursuit
l'auteur, on peut la comparer à celle calculée par la même méthode,
c'est-à-dire en prix de 1990, des nouveaux prêts accordés par les pays du

15
Moises IKONICOFF : Une politique économique alternative pour le Tiers Monde?
Les leçons du Plan "Austral" et du Plan "Cruzado" in RTM, n°109, janv-mars 1987, pp.
31-32.

32
Comité d'Aide au Développement de l'OCDE à ces mêmes pays de 1980 à
1991. ... cette somme se monte à 80 milliards de dollars environ.
"Il est intéressant de constater que sur les 144 milliards de
dollars, conclut-elle enfin, 64 (soit 44 %) sont attribuables aux seuls
accords de la Pologne et de l'Egypte. Les pays du programme spécial
d'assistance de la Banque mondiale ne représentent quant à eux que 10
% de ce montant"16.

L'endettement croissant et son corollaire, le rééchelonnement,


permettent-ils dans le cas spécifique de l'Algérie de relancer l'économie
ou augurent-ils d'un processus d'endettement illimité?

Conclusion

L'analyse du système économique mondial contemporain


montre que la contradiction qui a divisé le monde en deux blocs depuis
la seconde guerre mondiale tend à laisser place depuis la fin des années
quatre-vingt, c'est-à-dire depuis l'implosion du "bloc socialiste" à la
formation d'espaces économiques régionaux intégrant à la fois les pays
du centre et ceux de la périphérie du système économique mondial.
Malgré les difficultés rencontrées par les pays en voie de
développement dans le domaine d'une intégration bénéfique au
marché mondial, c'est pourtant une nouvelle ère qui s'ouvre devant
eux, ère les mettant sur la même ligne de compétition avec les pays
développés : la mondialisation de l'économie se met en place et les
frontières s'effacent désormais devant la nécessité d'une meilleure
rationalité économique internationale ...

L'intégration des pays de la périphérie à ces ensembles n'est


pas nouvelle. En effet, l'Europe occidentale a déjà tenté cette
expérience avec plusieurs pays sous-développés, c'est-à-dire avec les
pays ACP dans le cadre d'un ajustement spécifique des économies de
ces derniers. Les résultats de cette expérience de développement riche
d'une vingtaine d'années sont jugés par la plupart des spécialistes
comme étant catastrophiques : le niveau de vie des populations, au lieu
de s'élever, s'est érodé, la participation des économies dans le
commerce mondial s'est effondrée, etc.

Dès lors, un autre type d'ajustement structurel, l'"ajustement


structurel autonome", est envisagé et une autre expérience de co-

16
- Ann VOURC'H : L'allégement de la dette au Club de Paris : les évolutions récentes
en perspective, p22, CD-OCDE, Paris, Juin 1992, 57 pages.

33
développement entre pays du centre et ceux de la périphérie
est mise en application.

Cette seconde expérience diffère de la première par le fait que


les auteurs des programmes d'ajustement structurel tendent à devenir
de plus en plus "impersonnels", en ce sens que la confection et le suivi
de la mise en application sur terrain de ces programmes sont
désormais confiés aux institutions financières internationales, le FMI et
la BM, dont l'appui aux économies éligibles au PAS est conditionné par
la volonté du pays éligible à privatiser le secteur public, à ouvrir
l'économie nationale sur l'extérieur, à promouvoir la concurrence et la
compétition internationales, etc., en un mot à contribuer à
l'élargissement de l'espace de reproduction du capital.

C'est à cette condition que plusieurs économies de pays


périphériques ont pu bénéficier de l'appui financier du FMI et de la
Banque Mondiale d'une part et que, les pays de l'Union Européenne
acceptent de promouvoir un développement en commun avec les pays
du sud de la Méditerranée d'autre part.

Ceci nous amène à nous intéresser de près au cas de l'économie


algérienne et à nous interroger, même de façon indirecte, sur sa
capacité à s'intégrer dans le nouvel espace économique.

34
Chapitre II - La "crise" de l'économie algérienne :
de la croissance à la récession.

L'économie algérienne est en crise, en dépit des mesures de


restructuration des entreprises mises en application au début des
années quatre-vingts et des réformes mises en place depuis 1987.

La crise affecte les équilibres globaux de l'économie mais


aussi la structure des entreprises ainsi que leur environnement c'est-à-
dire les branches et secteurs économiques. Il s'agit d'une crise
économique structurelle qui affecte la reproduction du système
économique et social.

Dans ce sens, l'objet de ce chapitre est de tenter de


caractériser la crise qui affecte l'économie algérienne c'est-à-dire
d'identifier d'une part ses manifestations et d'autre part de la dater
donc de tenter d'identifier ses causes historiques les plus immédiates.

Contrairement à la crise antérieure aux années quatre-vingts,


crise affectant, il est vrai, le système productif 17mais accompagnée, la
conjoncture mondiale aidant, par des taux de croissance macro-
économiques positifs et même très satisfaisants au vu du reste du
monde, la crise actuelle c'est-à-dire postérieure à 1980 est une crise
de récession.

En effet en plus des manifestations traditionnelles


caractérisant la crise du système productif algérien, l'économie
enregistre depuis une dizaine d'années déjà des taux de croissance
négatifs.

La crise n'épargne aucun secteur d'activité et se manifeste à


tous les niveaux de l'organisation de l'activité économique : au niveau
macro-économique, comme au niveau sectoriel et au niveau de
l'entreprise, la crise de récession est omniprésente.

17
- Se conférer en particulier aux travaux de:

- A.BENACHENHOU: Planification et développement économique en Algérie, Imp.


Commerciale, Alger, 1980.

-P.S THIERRY: La crise du système productif algérien, thèse de doctorat d'Etat, Paris
VIIIe, 1982.

35
I : La rupture des équilibres macro-économiques:

L'analyse des agrégats macro-économiques des dix dernières


années, du moins leurs taux de croissance, montre que l'économie
algérienne est soumise depuis le milieu de la décennie 80-90, plus
précisément depuis 1986, à une reproduction rétrécie. Sa croissance est
négative.

Que l'on considère en effet, le Produit Intérieur Brut (PIB),


la Production intérieure Brute (PiB), le Produit National Brut (PNB)
ou encore la Consommation Intérieure par tête (Cp.c), on ne relève, à
de rares exceptions, que des taux de croissance négatifs.

Le taux de croissance du PNB, qui s'était élevé à 5,6 %


consécutivement en 1984 et 1985, est négatif entre 1986 et 1988
(respectivement -0,2 et -1,9 %) positif en 1989 (+4,9 %) négatif en 1990
(-1,3 %) et également négatif en 1993 (-1,9 %) et en 1994 (-0,2 %).

Ceci est également le cas de la PiB qui passe d'un taux de 8,6
% en 1985 à -17,2 % en 1986, -5,1 % en 1988, -1,6 % en 1992 et -5 %
en 1993.

Le taux de croissance du PNB par tête, après avoir atteint la


côte de 2,4 % en 1985 (1,9 % en 1984), n'a pas cessé d'être négatif
depuis cette date, sauf cependant pour l'année 1989 (2,2 %). Il est de -
3,5 % en 1986, de -5,8 % en 1988, de -4 % en 1991 et de -3,5 % en
1993.

Le PIB, le PNB et la PiB ayant baissé, cela a également influé


négativement sur la consommation. En effet le taux de croissance de la
consommation par tête passe de 2,1 % en 1985 à -2,4 % en 1986, -9,8
% en 1988, -0,6 % en 1991 et à -6,2 % en 1993.

L'évolution des taux de croissance des différents agrégats est


donnée par le tableau suivant (page suivante)

Aussi pour contrer la croissance négative de l'économie, les


autorités ont-elles dû faire recours dans une situation de détérioration
des termes de l'échange, à un endettement extérieur de plus en plus
croissant.

36
Tab 1: Evolution des taux de croissance des principaux
agrégats de l'économie algérienne (1984-1993) .

Année PIB PiB PNB/tête Cons./tête


1984 5,6 4,9 1,9 2,0
1985 5,6 8,6 2,4 2,1
1986 -0,2 -17,2 -3,5 -2,4
1987 -0,7 -1,6 -2,3 -6,0
1988 -1,9 -5,1 -5,8 -9,8
1989 4,9 7,0 2,2 4,2
1990 -1,3 -7,4 -3,8 -4,9
1991 0,1 2,5 -4,0 -0,6
1992 2,2 -1,6 0,0 -0,7
1993 -1,9 -5 -3,5 -6,2
Sources: CNP et BM - Extrait p. 3

L'approvisionnement de l'économie nationale en biens


intermédiaires et celui de la population en produits alimentaires, a été
en effet réalisé grâce à un endettement extérieur massif. La dette
extérieure qui s'élevait à 14 918 millions de $ US en 1984 passe à 27 919
millions $ en 1991 et près de 32 000 millions de $ en 1995 et à 36
milliards de dollars à nous fier aux résultats d'une étude spécialisée
récente.

L'endettement extérieur, au lieu de se traduire par


l'amélioration du système productif notamment par le renouvellement
des équipements et par l'amélioration du niveau de vie de la
population, s'est au contraire accompagné par la baisse du niveau
d'investissement, une érosion du pouvoir d'achat ainsi que, comme
nous l'avons déjà souligné, par une baisse du taux de croissance de la
consommation par tête.

S'agissant en effet de l'investissement, il faut noter que le


taux de l'investissement rapporté au PIB a connu lui aussi une
diminution inquiétante depuis 1984. D'une valeur de 35,1 % en 1984, il
passe à 29 % en 1991 et à 27,6 % seulement en 1993 soit une
diminution moyenne annuelle de 1 % environ de 1984 à 1993.

Le taux d'inflation qui n'était, quant à lui, que de 8,2 % en


1984 s'élève à 16,6 % en 1990, 22,8 % en 1991, 31,8 % en 1992 et à 21
% en 1993.

Dans ce climat de récession généralisée et d'un endettement


important, on assiste à une réduction graduelle du déficit budgétaire

37
quoique plusieurs secteurs continuent à bénéficier d'une subvention
substantielle.

En matière donc de l'effort de gestion du déficit budgétaire,


le montant de ce dernier, rapporté au PIB, a connu des diminutions
importantes entre 1984 et 1988 (respectivement -9 % et -12,8 %), un
relâchement entre 1989 et 1991 (respectivement -2 %, +1 % et +3,2%
en 1990) et une reprise rigoureuse à partir de 1992 : -6,8% à cette
dernière date et -15,9% en 1993.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, année par année,


des quatre indicateurs économiques précédemment évoqués.

Tab2 : Evolution des indicateurs macro-économiques de l'économie


algérienne de 1984 à 1993 (suite).

Année Dette extér Def budget / Inv brut / Inflation


millions $ PIB en % PIB en % (+) en %
1984 14 918 -9,0 35,1 8,2
1985 17 126 -9,8 33,2 10,4
1986 20 482 -11,8 33,5 12,4
1987 24 395 -7,5 30,0 7,4
1988 26 038 -12,8 27,2 5,9
1989 27 000 -2,0 29,0 9,3
1990 27 637 3,2 28,1 16,6
1991 27 919 1,0 29,0 22,8
1992 26 350 -6,8 28,2 31,8
1993 24 716 -15,9 27,6 21
1995 32 000 - - -
Sources: CNP et BM: Extrait p 3.

Ainsi, au terme de ces premières données, on peut souligner


que les équilibres macro-économiques de l'économie algérienne ont été
entièrement rompus depuis 1986 et que cette même économie
s'identifie à une économie récessive. La récession touche également et
comme souligné plus haut les principaux secteurs économiques c'est-à-
dire l'industrie, le commerce et les services et, quoique de façon
moindre, le secteur agricole. Nous illustrerons la crise du système
productif algérien par le cas du secteur industriel.

38
II - La "crise" du système productif : cas du secteur industriel et
manufacturier .

La crise du système productif ne semble pas avoir changé de


nature depuis la mise en place, au début des années soixante dix, du
secteur industriel.
Elle continue à se caractériser par une faible utilisation des
capacités de production des différentes industries et par un
endettement croissant envers le Trésor Public.

21: La faible utilisation des capacités de production

L'utilisation des capacités de production du secteur


industriel, toutes branches confondues, se situe, de 1984 à 1991,
sensiblement au dessus de la moyenne des capacités théoriques.

Exceptée l'année 1985 durant laquelle l'index général


d'utilisation des capacités de production s'est élevé à 70,5 %, durant les
autres années, ce taux est en perpétuelle baisse. Il passe de 69,7 % en
1986 à 65,9 % en 1988 et à 56,1 % seulement en 1991.

La tendance à la sous utilisation des capacités de production,


loin d'être un phénomène qui touche quelques industries seulement, est
générale à l'ensemble des branches.

Dans la branche "Mines et carrières", pour commencer par


cet exemple assez significatif dans un pays en quête de revenus
extérieurs, de construction de nouvelles infrastructures routières,
aéroportuaires et portuaires, de nouveaux logements et autres
infrastructures sociales et socio-économiques, l'utilisation des capacités
de production existantes n'a pas connu d'amélioration significative
durant la décennie 80-90.

Le taux d'utilisation des capacités de production, qui était de


66,6 % en 1984, atteint la côte maximale de 79,2 % en 1986 et diminue
ensuite pour atteindre la valeur de 65,2 % en 1991.

Une tendance quasi-identique caractérise la branche des


"Matériaux de construction et verrerie". Le taux d'utilisation des
capacités de production installées passe de 62,2 % en 1984 à 67,4 % en
1988 et s'abaisse à 61,2 % en 1991.

39
Mais comme on peut le constater ci dessous, les deux types
d’industries précitées ne sont pas les moins dynamiques.

En effet, la branche "chimie et plastiques" voit le taux


d'utilisation de ses capacités, passer de 58,2 % en 1984 à 45,4 % en
1988 et à 41,6 % en 1991. La branche des textiles connaît, elle aussi,
une forte baisse puisque le taux passe de 69,5 % en 1985 à 50,6 % en
1991. Mais l'atrophie la plus importante est enregistrée dans la
branche "cuirs et chaussures" dont le taux d'utilisation des capacités
de production passe de 88,1 % en 1985 à 48,4 % en 1991.

Enfin, on n'omettra pas de souligner que le taux d'utilisation


des capacités de production de la branche "Bois et papier" n'a jamais
atteint les 45 % de 1984 à 1991.

Tab 3 : Evolution du taux d'utilisation des capacités de production du


secteur industriel algérien de 1984 à 1991.

Année A B C D E F G H I
1984 69,5 66,6 70,0 62,2 58,2 80,9 67,4 83,3 43,5
1985 70,5 70,7 71,6 65,5 53,8 81,0 69,5 88,1 43,6
1986 69,7 79,2 72,3 65,3 51,1 83,2 66,2 75,4 37,2
1987 66,2 74,2 68,8 66,4 47,4 80,6 57,9 70,7 33,7
1988 65,9 70,8 67,0 67,4 45,4 81,9 56,8 58,6 33,6
1989 59,2 69,8 54,7 62,8 47,9 72,0 54,9 59,6 32,0
1990 59,1 71,5 53,5 61,8 46,2 72,6 54,9 64,5 42,0
1991 56,1 65,2 52,2 61,2 41,6 73,1 50,6 48,4 32,2
Sources : ONS, BM Extrait p 29.
Lexique:
A = Index général (toutes branches confondues).
B = Mines et carrières
C = Métaux, machines électriques et industrielles.
D = Matériaux de construction et verrerie
E = Chimie et plastiques
F = Agro-industrie
G = Textiles
H = Cuirs et chaussures
I = Bois et papier.

Nous avons fait remarquer ci dessus, sans le souligner


suffisamment, que le taux d'utilisation des capacités de production des
principales branches industrielles est en constante baisse. C'est ce que
montre de façon synthétique le tableau suivant qui retrace l'évolution
indiciaire du taux d'utilisation des capacités de production des diverses
branches.

40
Tab 4 : Evolution indiciaire du taux d'utilisation des capacités de
production des principales industries algériennes. (1984 = 100)
Désignation 1984 1987 1989 1991
Index général 100 95 85 80
Mines et carrières 100 111 105 98
Métaux, mach. Ind. et 100 98 78 75
électrique
Matériaux de const. et verrerie 100 105 101 98
Chimie et plastiques 100 81 82 71
Agro-industrie 100 99 89 90
Textiles 100 86 81 75
Cuirs et chaussures 100 85 71 58
Bois et papier 100 77 87 74
Source : Tiré du tableau précédent.

On remarque donc qu'à l'exception de deux branches "Mines


et carrières" et "Matériaux de construction et verrerie", branches
dans lesquelles le taux d'utilisation des capacités de production en 1991
demeure quasi-identique à celui de 1984, pour toutes les autres
branches, la récession est importante.

On enregistre une baisse de :


25 points pour les métaux, machines industrielles et
électriques ainsi que pour la branche des textiles,
26 points pour le "Bois et papier"
29 points pour la "chimie et plastiques", et enfin
44 points pour les "cuirs et chaussures" .

Prenons à titre d'illustration l'évolution de la production


physique des industries mécaniques et métalliques de 1987 à 1991.
Celle-ci a subi, à l'exception de quelques produits, une régression de
plus en plus continue.

Tab5 : Principales productions des industries mécaniques et


métalliques de 1987 à 1991

Désignation 1987 1988 1989 1990 1991


Camions, autocars, bus 6 410 3 824 4 523 4 175 3 793
Tracteurs 3 513 3 404 2 965 3 305 3 203
Moissonneuses-batteuses 280 661 314 531 510
Grues et pelles 580 386 368 365 370
Wagons 503 350 379 253 130
Cycles 46 000 46 000 46 000 39 000 19 600
Cyclomoteurs 44 000 34 000 36 000 21 000 13 400
Pompes à liquide 26 855 32 000 37 000 39 000 38 780
Machines outils 1 220 724 492 780 908
Source : Ministère de l'Industrie et des Mines-ONS, Ext MIE p37.

41
L'effectif des camions, autocars et bus produits en 1991 ne
représente plus que 59 % de celui réalisé en 1987, celui des machines-
outils 74 %, des cycles 43 %, des cyclomoteurs 30 % et des wagons 26
%.

La diminution de la production physique ne concerne pas


seulement les produits finis de l'industrie mais aussi les ressources
naturelles. Les données fournies par le Ministère des Industries et des
Mines montrent en effet que la production de minerais est passée de
3,4 millions de tonnes en 1987 à 2,5 millions de tonnes en 1992 pour le
fer, de 17 000 tonnes à 6 000 tonnes pour le zinc, etc.18

Ainsi la diminution de la production physique et la baisse du


taux d'utilisation des capacités de production est synonyme de
récession industrielle.

C'est ce que révèle en effet le tableau suivant dans lequel


sont indiqués de 1984 à 1993, les taux de croissance du secteur
industriel et des principaux sous secteurs qui le composent.

Ainsi la tendance à la baisse du taux de croissance


industrielle est enregistrée depuis 1984, année durant laquelle il avait
atteint 4,7 %. Une croissance négative est réalisée en 1987 (-0,7 %) et
s'aggrave en 1988 (-4,1 %) mais des efforts de reprise sont déployés en
1989 (+3,3 %) et en 1990 (+0,2 %).

Ces efforts s'annihilent en 1991 (-0,7 %) et en 1993 (-1,3 %),


et on retombe de nouveau dans le cycle de la récession qui se poursuit
en 1994 (-2 %).

18
- Données tirées du "Mémorandum d'Information Economique", publié par la Banque
d'Algérie, Maison Lazard, Lehman Brothers, S.G. Warburg, Avril 1993.

42
Tab 6 : Evolution des taux de croissance industriels en Algérie de 1984
à 1993.

Désigna- Ensemble du Dont


tion secteur
industriel
Manufactures Hydroc et mines Autres
industries
1984 4,7 10,2 2,7 5,0
1985 3,6 1,9 5,7 0,4
1986 1,8 4,6 1,3 0,8
1987 -0,7 -12,6 6,9 -7,8
1988 -4,1 -7,7 -1,9 -6,7
1989 3,3 -11,3 7,9 1,8
1990 0,2 -14,1 4,3 -2,0
1991 -0,7 -1,9 1,3 -5,9
1992 1,4 -7,8 2,6 2,8
1993 -1,3 -2,9 -0,6 -2,7
Sources : CNP- BM, Extrait p 14.

A l'intérieur du secteur industriel, c'est le sous-secteur


manufacturier qui est le plus affecté par la récession. En effet d'un
taux de croissance de 10,2 % en 1984, on passe à une croissance
négative depuis 1987: - 12,6 % en 1987, - 14,1 % en 1990 et - 2,9 % en
1993.

Dans le secteur "Autres industries", la situation est quasi-


identique quoique la tendance à la récession soit parfois perturbée
(+1,8 % en 1989 et +2,8 % en 1992). Mais en dehors de ces deux
années, le taux de croissance est toujours négatif : -7,8 % en 1987, - 5,9
% en 1991 et - 2,7 % en 1993.

Le secteur des "hydrocarbures et mines", quoique ayant une


croissance positive oscillante (6,9 % en 1987, 1,3 % en 1991), enregistre
une croissance négative en 1993 (- 0,6 %).

Ainsi pour faire face à cette récession sans précédent du


secteur industriel et pour continuer à assurer au moins le paiement des
salaires, les autorités ont-elles dû recourir à un endettement interne,
c'est-à-dire au système des subventions. C'est ici un autre aspect de la
crise du système productif algérien.

43
22 : L'endettement interne.

L'économie algérienne vit de subventions et le Trésor public


joue le rôle d'agent de liaison entre les bailleurs de fonds étrangers
(voir tab 1) et les agents économiques internes dont les entreprises.

L'économie nationale toute entière vit, ainsi qu'il ressort de


l'évolution du solde du budget du Trésor public, de subventions.

En effet d'un solde positif en 1984 (2 090 millions de DA) et


en 1985 (9 753 millions de DA), l'économie nationale enregistre,
exception faite des années 1990 et 1991 durant lesquelles les revenus
sont largement supérieurs aux dépenses, déficit budgétaire sur déficit
budgétaire. Ce dernier s'élève à 12 852 millions de DA en 1986, à 26
201 millions de DA en 1988 et à 84 700 millions de DA en 1993.

Cumulé de 1984 à 1993, le déficit budgétaire s'est élevé à la


somme de 95 951 millions de DA soit l'équivalent du PIB du secteur
manufacturier en 1992 (94 400 millions de DA) ou encore
l'équivalent des dépenses budgétaires durant la même année.

La crise qui frappe l'économie et les entreprises industrielles


c'est-à-dire la diminution du taux d'utilisation de leurs capacités de
production, a donc été largement compensée par le recours aux
subventions du Trésor.

Tab 7 : Evolution du solde du budget du Trésor public entre 1984 et 1993


.

Désignation Revenus Dépenses Déficit


(en millions
de DA)
1984 99 076 96 986 + 2090
1985 108 590 99 017 + 9573
1986 92 384 105 236 - 12 852
1987 92 687 103 748 -11 061
1988 93 453 119 654 -26 201
1989 116 413 124 521 - 8108
1990 152 500 136 500 + 16 000
1991 248 900 212 100 + 36 800
1992 307 300 332 900 - 25 600
1993 311 900 396 600 - 84 700
Sources : CNP- BM, Extrait p 5

44
Entre 1992 et 1995, pour nous limiter à cette phase
d'assainissement des comptes des entreprises dans le cadre du passage
à l'autonomie, les subventions accordées par le Trésor aux seules
entreprises publiques, se seraient élevées à quelques 700 milliards de
DA soit 550 milliards de DA entre 1992 et 1994 et 150 milliards de DA
en 1995.

L'endettement interne croissant de l'économie auprès du


Trésor public ainsi que les subventions importantes octroyées par ce
dernier ou secteur industriel notamment public, au lieu de mener à la
résolution d'au moins des principaux problèmes affectant
l'accumulation au sein du secteur productif, se sont soldés par une
baisse quasi-générale de la productivité du travail au sein des
différentes branches industrielles.

2.3: La baisse de la productivité du travail.

La crise du système productif industriel est également


synonyme de baisse de sa productivité du travail dans un grand
nombre de branches industrielles.

D'une façon générale, la productivité du travail au sein du


secteur industriel, toutes branches confondues, a baissé en moyenne de
4,4 % entre 1984 et 1991.
Certaines branches sont plus affectées que d'autres. C'est
ainsi que si la productivité du travail a baissé de 4,5 % seulement
durant la période de référence dans la branche "Mines et carrières",
elle s'est élevée jusqu'à - 21,2 % dans les "Textiles", - 22,7 % dans la
branche "Bois et papier" et - 34 % dans "Cuirs et chaussures".
Inversement, la hausse de la productivité du travail a
caractérisé les branches industrielles suivantes : Matériaux de
construction (+ 2,8 %), chimie et plastiques (+ 17,2 %) et Agro-
industries (+ 29,2 %).

C'est ce qu'indique le tableau suivant dont les données sont


empruntées à la Banque Mondiale (nous supposons, en l'absence
d'indication sur la méthode de calcul de la productivité que celle-ci a
été obtenue en rapportant la valeur ajoutée de la branche au nombre
total de travailleurs de la même branche). Ce tableau, consacré à
l'évolution, en valeur de la productivité du travail de 1984 à 1991 dans
les principales branches industrielles, indique en :

45
- dernière colonne, l'évolution (positive ou négative) de la
productivité moyenne du travail entre 1984 et 1991, comparativement
à l'année 1984 et,

- avant dernière colonne, la productivité moyenne en valeur


réalisée entre 1984 et 1991.

La baisse de la productivité du travail au sein du secteur


industriel ne fait que confirmer le peu de performance de celui-ci,
comparativement à celles réalisées dans les pays limitrophes et
lointains.

Tab 8 : Evolution de la productivité du travail des principales branches


industrielles entre 1984 et 1991. (En 1000 DA).

Désignation 1984 1986 1987 1989 1990 1991 Moy 84-91/84


84-91 ( %)
Ensble des branches 75,6 65,0 65,7 75,4 71,5 80,7 72,3 - 4,4
Mines et carrières 65,5 72,9 62,0 77,2 56,9 69,7 67,4 + 0,2
Métaux, ind. Elect et méca 96,7 80,3 85,3 128,5 90,9 73,7 92,6 - 4,5
Matér. Constr et verrerie 62,7 48,2 69,8 49,8 77,1 80,3 64,5 + 2,8
Chimie et plastiques 78,7 66,2 62,2 89,6 110,5 146,3 92,3 + 17,2
Agro-industrie 70,2 62,5 76,4 91,6 105,0 138,4 90,7 + 29,2
Textiles 65,8 61,4 51,4 51,5 38,6 42,2 51,8 - 21,2
Cuirs et chaussures 59,2 48,5 37,4 43,0 21,3 25,2 39,1 - 34,0
Bois et papier 58,3 48,1 39,4 38,6 35,7 50,5 45,0 - 22,7
Source : Données BM .

En effet les performances atteintes en matière de productivité


de travail à la fin de la décennie 1980-90 par l'économie coréenne ou
encore par l'économie marocaine sont sans commune mesure avec la
productivité du travail réalisée en Algérie. Il est utile de souligner, à
titre de comparaison, que le niveau de la productivité du travail
atteint en Corée du Sud se caractérise par ce qui suit : pour un gain de
productivité de 1 $ en Algérie, on en produit 9 fois plus dans la
branche des textiles et vêtements, 36 fois plus dans les mines et
carrières et 59 fois plus dans l'agro-industrie coréenne.

Mais en supposant que l'Algérie et la Corée du Sud qui avait


lancé son processus d'industrialisation durant la décennie soixante,
n'ont pas les mêmes statuts économiques et que par conséquent aucune
comparaison utile n'est permise, qu'en est-il du cas marocain, pays du
tiers-monde et limitrophe?

46
Comparativement au Maroc, le secteur industriel algérien est
également peu performant. On relèvera que comme pour le cas
précédent, on est au Maroc 9 fois plus productif dans la branche
"Mines et carrières", 13 fois plus dans la branche "Métaux, industrie
électrique et mécanique", 6 fois plus dans la "Chimie et plastiques"
ainsi que dans "l'Agro-industrie", 2 fois plus dans "les textiles et
vêtements", 7 fois plus dans la branche "Bois et papier" et enfin 3 fois
plus dans les "Autres industries".

La baisse de la productivité du travail du secteur productif


industriel ainsi que le peu de performance de ce dernier sont aggravés
par la situation du secteur public qui est, comme nous le verrons ci-
dessous, en net recul et peu performant comparativement au secteur
privé.

Tab9 : Productivité du travail réalisée en Algérie en 1990: comparaison


avec le Maroc et la Corée du Sud. (En 1000 $ US)

Désignation Algérie Maroc Corée ( 1989)


Mines et carrières 1,25
Production de minerais 11,56 44,5
Métaux, électricité et mécanique 3,12
Métaux de base 41,18 70,07
Production de métaux 8,36 29,35
Machines et équipement 8,62 33,48
Chimie et plastiques 2,71
Chimie 15,66 80,13
Caoutchouc et plastique 10,43 16,83
Agro-industrie 1,33
Production de vivres 8,37 34,03
Boissons et tabacs 63,34 78,71
Textiles et vêtements 2,17
Coton et lainage 4,74 19,58
Vêtements 2,65 14,69
Cuirs et chaussures 1,20 4,35 20,75
Bois et papiers 0,95
Papier et imprimerie 6,47 21,58
Autres industries 1,75 5,71 19,48
Source : Données BM, Extrait p 21 .

Remarques sur le tableau précédent :

1) La productivité du travail a été calculée sur la base de 1 $ US = 45


DA.
2) La productivité du travail est définie par rapport à la VA par
travailleur ( base 1984).

47
2.4: La faible performance du secteur public .

Evoquer le cas du secteur économique public comme champ


de manifestation de la crise du système productif algérien, c'est
montrer le peu de performance de celui-ci alors qu'il semble
monopoliser l'essentiel des moyens financiers octroyés par l'Etat au
secteur productif. En dépit de cela (subventions accrues, rentes de
situation), la part du secteur public dans la production totale de
richesses accuse un recul qui le classe à la fin de la décennie 80-90
derrière le secteur privé.

Après avoir participé en effet à la réalisation de plus des 2/3


de la production totale de 1980 à 1985 contre 55 % en 1974, le secteur
public voit sa part baisser dans la production brute industrielle totale
du pays. Elle passe de 68 % en 1985 à 46 % seulement en 1989.
Tab 10 : Evolution de la part du secteur public dans la production brute
industrielle du pays
( 1974-1989)

Désignation Production totale en Dont en %


106 DA courants Secteur public Secteur privé
1974 74 427 55 45
1977 112 285 64 36
1980 207 112 67 33
1981 245 602 72 28
1982 254 517 71 29
1983 294 824 72 28
1984 326 100 71 29
1985 354 200 68 32
1986 360 816 63 37
1987 385 196 69 31
1988 413 107 60 40
1989 502 091 46 54
Source : Données de l'ONS - BM
Synthèse pp 34-35

Il est évident que le recul de la performance du secteur public


n'est pas due, comme nous l'avons vu plus haut, au manque de moyens
financiers (subventions) et physiques (capacités de production
inutilisées) mais vraisemblablement à sa gestion interne qui se
caractérise par un mouvement ascendant du déficit financier.

A ce propos, on doit relever que sur les neuf principales


branches industrielles recensées en 1989, cinq d'entre-elles avaient
réalisé des déficits financiers, contre quatre en 1986 et en 1974.

48
Inversement, aucune des branches industrielles d'activité des
entreprises privées n'avait réalisé aux mêmes dates des déficits; bien
au contraire toutes les branches ont dégagé des soldes financiers
positifs.

Tab 11 : Evolution de la performance du secteur industriel public


(profits bruts / production) en % .

Désignation 1974 1980 1986 1989


Mines et carrières 23,6 9,1 4,4 - 4,0
Ind. Electrique. et mécaniques -12,9 - 6,5 10,0 - 3,4
Mat de construction et -7,4 - 11,0 5,7 - 1,2
verrerie 6,9 - 10,6 - 4,9 - 6,8
Chimie et plastiques 3,1 - 3,0 - 1,1 1,7
Agro-industrie -21,3 7,1 - 2,2 4,6
Textiles - 3,3 10,3 9,1 7,6
Cuirs et chaussures 5,2 - 4,6 - 6,5 - 8,7
Bois et papier 12,5 - 23,5 8,0 0,4
Autres industries
Sources : ONS - BM
Extrait p 32

Dans le secteur privé, le rapport Profits bruts / Production a


varié de 4,2 % (agro-industrie) à 24,2 % (industries électriques et
mécaniques) en 1974 et de 10,5 % (Textiles) à 18,5 % (industries
électriques et mécaniques) en 1989. Ainsi le taux de profit moyen brut
dans ce secteur est passé de 10 % environ en 1974 à 15 % en 1989.

Au sein du secteur industriel public, les taux respectifs sont


de - 0,05 % et - 1,08 % . Autrement dit, ce premier s'est caractérisé
durant cette période de quinze années par une véritable détérioration
de sa situation financière : l'indice du rapport " Profits bruts /
Production " est passé de la valeur 100 en 1974 à la valeur 2160 en
1989.

La tendance à la détérioration de la situation financière des


entreprises publiques, par opposition à l'amélioration permanente de
celles des entreprises privées, est également confirmée par l'évolution
du profit net et des investissements réalisés entre 1988 et 1990.

A taille égale, les entreprises du secteur public (les EPL)


employant vingt ouvriers et plus, sont dans une situation opposée à
celles du secteur privé.

Dans le secteur privé industriel, on peut constater que chaque


dinar nouvellement investi a pu générer durant la même année un

49
profit net de sept centimes en 1989 et de huit centimes en 1990 alors
que dans le secteur public, il a procuré une perte nette de 0,66 centimes
en 1988, de 4 centimes en 1989 et de 5 centimes en 1990.

Ainsi, la règle qui semble s'établir à ce niveau est que le


facteur temps joue en faveur du secteur privé (profit, investissement et
temps évoluent tous dans le même sens) et au détriment du secteur
public (l'accroissement de l'investissement dans le temps entraîne
l'accroissement des déficits).

Du tableau suivant, il ressort qu'un accroissement de


l'investissement de 34 % entre 1988 et 1990 provoque un
accroissement de profit net de 74 % dans le secteur privé. Durant le
même laps de temps et dans le secteur public, un accroissement de
l'investissement de 29 % se solde par l'augmentation d'une perte nette
de 865 %.

Tab 12: Evolution des profits et de l'investissement dans les EPL et


dans les entreprises privées de plus de 20 travailleurs .

Profits nets 106 DA Investissements 106


DA
1988 1989 1990 1988 1989 1990
A- Entreprises publiques
locales -6 2 -2 232 192 195
1- Mines et carrières -4 - 56 - 63 763 767 838
2- Ind. Electriques et - 68 74 - 146 2007 2025 2655
mécaniques 25 12 18 156 162 194
3- Mat de construction et -6 -3 -6 80 103 110
verrerie 3 -5 11 128 136 114
4- Chimie et plastiques 0 0 0 1 1 0
5- Agro-industrie 18 - 61 - 64 458 881 928
6- Textiles 12 4 1 78 30 8
7- Cuirs et chaussures
8- Bois et papier
9- Autres industries
Total en valeur - 26 - 181 - 251 3903 4297 5042
Indice 100 696 965 100 110 129
B- Entreprises privées
1- Mines et carrières 11 1 0 135 23 24
2- Ind. Electriques et 37 45 60 555 683 885
mécaniques 30 17 37 410 463 751
3- Mat de construction et 54 65 197 514 612 812
verrerie 36 35 33 929 865 976
4- Chimie et plastiques 29 -17 21 759 752 942
5- Agro-industrie 16 29 28 285 351 427
6- Textiles 35 37 55 348 396 491
7- Cuirs et chaussures 27 48 47 294 303 356
8- Bois et papier
9- Autres industries
Total en valeur 275 260 478 4229 4448 5664
Indice 100 94,5 174 100 105 134

50
Source : ONS - BM
Extrait p 33

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l'investissement aux


effets contradictoires en matière de résultats financiers des entreprises
du secteur public et du secteur privé n'a pas eu d'effets, du moins
positifs, en matière de création d'emplois.

III - La crise de l'emploi :

31- Situation globale de l'emploi

Le chômage en Algérie touche depuis 1984 des proportions,


de plus en plus importantes, de la population active. C'est ce que relève
A. BENACHENHOU qui, évoquant la situation de l'emploi en Algérie
de 1954 à 1992, souligne: " A partir de 1984, tous les signaux se mettent
au rouge : la création nette d'emplois diminue, l'inflation s'accélère du
fait des pénuries, puis de la politique d'ajustement et de la vérité des prix,
les diplômés ne trouvent plus automatiquement des emplois, les cadres se
sentent mal à l'aise et les inégalités de revenus tendent à s'accroître >>19.

Les statistiques fournies par le CNP et l'ONS montrent en


effet que le taux de chômage ne touchant que 10 % environ de la
population active en 1985, concerne 20 % environ de la même
population en 1991 et près de 25 % en 1995 20.

La création de l'emploi est faible et est même en diminution


constante de 1984 à 1990. A titre de comparaison, il n'a été crée que
689 000 emplois (chiffres du CNP) de 1984 à 1993 contre, à nous fier à
A. BENACHENHOU, " un million d'emplois nouveaux entre 1967 et
1977, un autre million entre 1978 et 1984 ". Cela est à souligner dans la
mesure où la création annuelle moyenne de l'emploi passe de 117
600 postes entre 1967 et 1984 à 68 900 postes par an entre 1984 et 1993,
soit une diminution relative de plus de 40 % entre les deux périodes.

19
- A. BENACHENHOU: Inflation et chômage en Algérie. Les aléas de la démocratie et
des réformes économiques in Revue Monde Arabe: Maghreb-Machnek, n° 139, janvier-
mars 1993, pp 28-41.
20
- Information empruntée, pour l'année 1995, au journal El Watan.

51
Par ailleurs, on remarque qu'avec un indice égal à 100 en
1985, la création de l'emploi devient de plus en plus difficile jusqu'en
1992, date à laquelle le niveau de création de l'emploi est inférieur de
moitié à celui atteint en 1985. Toutefois, la reprise de l'emploi semble
être engagée à partir de 1993 (111 000 nouveaux emplois) pour
atteindre les 685 000 emplois entre 1994 et 1995 21. Cependant en dépit
de cette création massive de l'emploi durant les deux dernières années,
le taux de chômage demeure relativement élevé puisqu'il touche 25 %
environ de la population active.

Tab13 : Evolution de l'emploi total et de la création d'emplois de 1984


à 1993 .

Désignation Emploi Création de l'emploi


Nombre de Indice 1984= 100 Nombre de Indice 1985 = 100
postes en postes en
milliers milliers
1984 3 718 100 - -
1985 3 840 103 122 100
1986 3 914 105 74 61
1987 3 979 107 65 53
1988 4 039 109 60 49
1989 4 095 110 56 46
1990 4 144 111 49 40
1991 4 236 114 92 75
1992 4 296 116 60 49
1993 4 407 119 111 91
Total - - 689 -
Sources : Données CNP - BM p 72

C'est du moins ce que font ressortir les statistiques établies par


l'ONS et qui indiquent un taux de chômage global de 9,7 % en 1985, de
18,1 % en 1989 et de 21 % en 1991.

Tab14 : Evolution des principaux indicateurs de l'emploi en Algérie :


1985-1991 ( en milliers ) .

Désignation 1985 1987 1989 1990 1991


Total emplois 4 058 4 200 4 574 4 694 4 739
Population active 4 494 5 341 5 585 5 851 6 000
Population sans emploi 436 1 141 1 011 1 157 1 261
Taux de chômage % 9,7 21,4 18,1 9,8 21,0
Source : ONS- BM
Extrait p 71

21
- Il s'agit du chiffre avancé par le chef du Gouvernement, SIFI, devant le CNT à
l'occasion du bilan présenté devant le CNT en déc 1995: voir le journal EL WATAN du
28/12/95.

52
32: Création d'emplois et chômage

Par secteur d'activité, l'agriculture occupe 25 % environ de


la population totale employée entre 1984 et 1993. Elle a créé durant ce
laps de temps quelques 120 000 nouveaux emplois représentant 17 %
de l'emploi total créé durant cette phase.

Dans le secteur non agricole, c'est incontestablement


l'Administration dont la part dans l'emploi total est quasiment égale à
celle du secteur agricole (respectivement 23 et 26 % en 1984 et 1993),
qui a participé à la création massive de l'emploi.

En effet, l'Administration a créé 320 000 nouveaux emplois


entre 1984 et 1993 soit 47 % de l'emploi total créé entre ces deux dates.

Le second rang en matière de création d'emplois non


agricoles revient au secteur du Commerce et des Services qui, avec une
masse totale de 140 000 nouveaux emplois créés entre les deux dates
pré-citées, représentent 20 % de l'emploi total créé.

L'Industrie dont l'effectif total des employés s'est élevé à 498


000 en 1984 et à 547 000 en 1993 est le secteur qui a le plus faiblement
participé à la création de nouveaux emplois (7 % du volume global
d'emplois créés entre 1984 et 1993 contre 9 % pour le secteur du
BTP).

Tab 15 : Evolution de l'emploi par secteur d'activité

Désignation 1984 1993 Ecart 93 / 84


Effectif % Effectif % Effectif %
Agriculture 960 25,8 1080 24,5 120 17,4
Secteur non agricole 2 758 74,2 3 327 75,5 569 82,6
dont industrie 498 13,4 547 12,4 49 7,1
Construction 655 17,6 715 16,2 60 8,7
Commerce et Services 760 20,4 900 20,4 140 20,3
Administration 845 22,8 1 165 26,5 320 46,5
Emploi total 3 718 100 4 407 100 689 100
Source : Données CNP - BM
Extrait p 72

En sus, il ressort de ce tableau un léger recul de la part de


l'agriculture, de l'industrie et du secteur du BTP dans l'emploi total en
1993 par rapport à 1984 (- 1% à - 1,3% pour chacun des secteurs
indiqués). Inversement, l'Administration a vu sa quote-part augmenter

53
dans l'emploi total de 3,7 % en 1993 (26,5 %) par rapport à 1984 (22,8
%). Mais le caractère général de l'information ne permet pas de savoir
pour l'instant quelle est la nature des emplois administratifs créés.
Cependant on peut penser que l'emploi administratif global a dû
augmenter à la suite du re-découpage administratif de 1991 (nouvelles
APC, nouvelles daïrates, etc.).

IV - La dépendance vis à vis de l'extérieur.

La dépendance de l'économie algérienne de l'extérieur


s'établit à plusieurs niveaux que l'on peut caractériser par la faible
présence, sinon par l'absence d'intégration de cette économie en aval
du marché mondial auquel elle est intégrée, en amont, par un seul
produit (les hydrocarbures). Loin de vouloir rappeler ici quelles sont
les différentes formes de dépendance de l'Algérie de l'extérieur, on
veut souligner seulement que la contrainte extérieure continue, de l'avis
même des responsables de l'économie nationale, à exercer toute son
influence sur la croissance et que le secteur des hydrocarbures
continuera dans les années à venir à être la principale, sinon l'unique
source d'accumulation.

"L'émergence de la contrainte financière est, en particulier, lit-


on dans un document soumis au débat lors de la Conférence de
l'entente nationale, la conséquence de l'étroitesse des sources
d'accumulation et de financement de l'économie nationale. Celle-ci
demeure, en effet, fortement dépendante des recettes d'exportation de gaz
et de pétrole qui contribuent à hauteur de 97 % des recettes en devises et
pour près des 2/3 des ressources budgétaires. Cette dépendance a rendu
notre économie fortement vulnérable aux chocs exogènes, et notamment
aux évolutions des prix des hydrocarbures et à celles plus erratiques du
dollar...Devant l'ampleur des besoins financiers du pays aussi bien en
termes de moyens de paiements extérieurs qu'en termes de ressources
budgétaires, le réalisme impose encore pour une période le secteur des
hydrocarbures comme vecteur et soutien privilégié du développement
économique national"22.

22
- Extrait du Rapport "Economie algérienne. Les enjeux et les choix à moyen terme
(1996-2000), 1996, pp 4-5.

54
Conclusion :

L'économie algérienne est, comme nous avons tenté de le


montrer, en crise. Il s'agit, contrairement à la période antérieure à
1980, d'une crise de récession qui se caractérise depuis 1984
particulièrement par:
- des taux de croissance macro-économiques (PIB, PNB par
tête, production industrielle) négatifs

- la baisse continuelle du taux d'investissement global et par


conséquent par une faible création de l'emploi ou ce qui revient, au
même, par l'augmentation du taux de chômage touchant plus de 20 %
de la population active

- la crise du système productif notamment industriel, crise se


caractérisant par la faible utilisation des capacités de production, la
baisse du taux d'utilisation de ces capacités, la baisse de la
performance du secteur industriel public ou, ce qui revient au même,
l'augmentation des déficits financiers des entreprises du secteur public.

En peu de mots, l'économie algérienne s'achemine, à moins


de trouver des solutions miracles, vers une aggravation de la crise,
c'est-à-dire une situation chaotique.

Quelles sont les causes qui ont engendré cette situation telle
est la question à laquelle ont tenté de répondre de nombreux auteurs et
que nous abordons à notre tour dans le chapitre suivant.

55
Chapitre III - Causes et explications de la récession
de l'économie algérienne .

L'économie algérienne est en situation de récession depuis le


milieu de la décennie 80. Les taux de croissance macro-économiques
passent au négatif dès 1986 : leur valeur s'élève à - 0,2 % pour le PIB,
à -17,2% pour le Revenu National , à - 3,5 % pour le PNB par tête
ou encore à -2,4 % pour la consommation par tête .

La croissance négative, loin d'être un phénomène


conjoncturel, perdure et couvre toute la phase postérieure à 1985.
C'est donc une crise structurelle qui touche à l'ensemble des secteurs
d'activité économique et sociale.

Les causes de cette crise, qualifiée de multidimensionnelle car


se manifestant aussi dans d'autres sphères de l'activité sociale, sont
multiples. Elles ont été différemment interprétées par les analystes et
peuvent faire l'objet d'une classification en deux groupes. Les causes
générales liées au fonctionnement global des institutions et au choix
politique de la stratégie de développement et d'autre part les causes
spécifiques liées au fonctionnement économique de l'appareil de
production.

C'est à la présentation et à l'interprétation de ces deux séries


de causes que sera consacré ce chapitre.

I - Causes institutionnelles de la "crise".

Les explications données des causes de la crise de l'économie


algérienne attachent une importance particulière au fonctionnement
des institutions et à la réglementation économique des entreprises. Ces
explications s'apparentent à ce qui est habituellement désigné dans la
littérature économique consacrée à l'Algérie sous le nom de courant
des réformateurs, désignant par là les premières mesures de réforme
du secteur public entreprises entre 1986 et 1988.

Mais les réformes, toujours guidées par le même principe de


libéralisation et de privatisation de l'ancien secteur public, ont donné
lieu à plusieurs interprétations et approches qui, de plus en plus,
s'attachent de près au fonctionnement des institutions.

56
Aujourd'hui, le courant institutionnaliste semble bien se
scinder en deux tendances : la tendance institutionnaliste orthodoxe
s'appuyant sur les théories monétaristes mises en application à travers
un grand nombre de pays par les institutions de Bretton Woods et la
tendance institutionnaliste populiste ou encore indépendantiste en ce
sens que les idées qui y sont développées s'apparentent beaucoup à
celles des ONG, particulièrement des pays du Nord. Pour les partisans
de cette tendance, la crise dans les pays du Sud serait due à un déficit
démocratique qu'il y a lieu de combler pour pouvoir renouer avec la
prospérité économique d'antan.

Dans ce sens, ce chapitre qui n'a pas la prétention de faire


une présentation exhaustive des causes institutionnelles de la crise de
l'économie algérienne et des explications qui les sous-tendent a pour
objet de présenter quelques unes d'entre-elles, du moins les plus
récentes.

Cependant, préalablement à cela nous devons faire un bref


rappel de ce qui nous parait être le point de départ des différentes
approches institutionnalistes.

11: Une réglementation inadaptée ou les causes de la crise selon


les réformateurs:

La réforme de l'économie algérienne a été lancée dès 1988


M. HAMROUCHE qui, avant de devenir Chef du Gouvernement, avait
occupé la fonction de Secrétaire Général de la Présidence de la République
de 1986 à 1988, phase pendant laquelle il avait préparé en collaboration de
plusieurs autres personnalités qui sont devenues des membres influents au
niveau de l'appareil de l'Etat, le dossier sur la réforme.

Cette réforme dont le dossier aurait été préparé entre 1986 et


1988 par une équipe dite de réformateurs et dont l'essentiel de la
réflexion se trouve être consigné dans les cinq "Cahiers de la
Réforme"23 développe, comme le mentionne Georges CORM 24 quatre
axes fondamentaux. Ces axes sont :

23
Les Cahiers de la Réforme, Collection dirigée par HADJ NACER Abderrahmane
Roustoumi :

- Cahier n° 1 : Rapports sur l'autonomie des entreprises, ENAG/ Ed. 1989

57
111- Mise en place d'un arsenal juridique
( lois, décrets, arrêtés relatifs à l'autonomie des entreprises
publiques).

Parmi les principaux textes relatifs à la législation de la


réforme économique élaborés par les réformateurs, entre 1988 et 1990,
on retiendra:

- la loi d'orientation sur les entreprises publiques


économiques (loi no 88-01 du 12/01/1988);
- la loi relative à la planification (loi no 88-02 du 12/01/1988);
- la loi relative aux fonds de participation (loi no 88-03 du
12/01/1988);
- la loi modifiant et complétant le code de commerce et fixant
les règles particulières applicables aux entreprises publiques
économiques (loi no 88-04 du 12/01/1988);
- la loi d'orientation du secteur privé (loi no 88-25 du
12/07/1988);
- la loi relative à l'abolition du monopole sur le commerce
extérieur (loi no 88-29 du 19/07/1988);
- la loi relative à la libéralisation des prix (loi n0 89-12 du
05/07/1989) et enfin,
- la loi relative à la monnaie et au crédit (loi n0 90-10 du
14/04/1990) 25.

Ainsi et comme il ressort de cette longue liste des lois, la


croyance des réformateurs en ce qui concerne la résolution de la crise
de l'économie algérienne, consiste bien dans les changements
institutionnels.

- Cahier n° 2 : Secteur agricole, ENAG/ Ed. 1990


- Cahier n° 3 : Administration Centrale, ENAG/Ed. 1990
- Cahier n° 4 : Institutions financières, ENAG/Ed. 1988
- Cahier n° 5 : Monnaie et finances, ENAG/Ed.1990.
24
G. CORM : "La réforme économique algérienne: une réforme mal aimée" in
Maghreb-Machrek, Documentation française, n° 139, janv-mars 1993.
25
- Une grande partie de ces lois a fait l'objet d'une publication spécifique par le SGG
de la RADP "législation de la réforme économique, Direction des J.O, Imprimerie
officielle, avril 1990. Les autres lois, à savoir les lois 88-25, 88-29, 89-12, ont été
publiées dans le JORA nos 28 et 29 de l'année 88 et no 29 de l'année 89.

58
Autrement dit, ils pensaient sans doute, en faisant voter une
loi sur le crédit et la monnaie ou en révisant le code de commerce qui
s'inspire foncièrement de la législation française, que les investisseurs
notamment étrangers allaient être attirés et la crise résolue. C'est ce
qui justifie, en effet, la promulgation de ces deux lois qui s'inscrivent
dans l'optique de:

112- La réhabilitation des instruments monétaires


et financiers :

L'objectif recherché à ce niveau est l'insertion du secteur


public - et non son démantèlement - dans l'économie du marché. La
primauté est donnée à la régulation monétaire et financière, principe
mis de l'avant dans les PAS par les institutions financières
internationales.

113- Séparation des missions et fonctions au sein du secteur


public industriel :

Ce principe a donné lieu à la restructuration des entreprises


industrielles et à leur éclatement en entreprises plus petites.

En plus de la restructuration physique, la réforme introduit


le principe de séparation entre l'entreprise publique et l'Etat. Ce
dernier est propriétaire actionnaire du capital de l'entreprise publique
mais il ne le gère plus. L'Etat est représenté au sein de l'entreprise par
les Fonds de Participation qui n'est pas cependant la tutelle: aucun des
Fonds de Participation ne doit avoir la majorité au sein de l'entreprise
publique.

114- L'attribution des droits fonciers réels aux travailleurs de


l'agriculture

Comme pour prouver que les changements institutionnels


peuvent conduire à la résolution de la crise mais aussi pour assurer
l'irréversibilité de leur politique, les décideurs prennent, à la fin des
années quatre-vingts, pour champ d'application de leur réflexion le
secteur agricole public qui, au moyen d'une loi (la loi 87-12 relative à
l'exploitation des terres du domaine national), livré au remembrement
et à la privatisation (voir chapitre 7).

59
Les raisons avancées par les réformateurs pour la
privatisation du secteur agricole public sont au moins au nombre de
quatre et sont en relation avec les facilités accordées alors jusque-là à
ce secteur, à savoir:

- l'otroi automatique des avances sur revenu sans référence à


la production escomptée;
- l'attribution de crédits sans examen de la situation
financière de l'exploitation;
- l'intervention automatique du Trésor Public pour prendre
en charge les impayés bancaires et enfin;
- l'intervention systématique des ministères de l'agriculture et
du commerce sur la gestion des exploitations.

D'une pierre deux coups; c'est ainsi que la réforme pouvait,


pensait-on à cette époque, solutionner les problèmes financiers et de
gestion du secteur agricole en promouvant sa privatisation.

Les conséquences engendrées par ces premières mesures


d'ouverture au capital privé sont nombreuses 26et ont été l'occasion de
l'ouverture d'un débat sur les causes de la crise de l'économie
algérienne. Parmi les différentes explications, nous retiendrons en
particulier les explications données par les institutionnalistes libéraux
orthodoxes.

12 - La planification socialiste comme principale cause


de la "crise"

Le néo-libéralisme en tant que philosophie de développement


économique et social dénie à l'Etat toute intervention dans le domaine
économique et social : celui-ci doit se contenter de sa fonction de
"gendarme" assurant l'ordre.

"Bien que ses adeptes, note Marcel Marloie,


affirment être fidèles à la pensée des fondateurs du
libéralisme (le libéralisme "classique"), cet ultra-
libéralisme trouverait en fait son origine chez des auteurs
du milieu du XIXesiècle tels que Frédéric Bastiat en
France et Herbert Spencer en Angleterre. Il est développé
au XXe siècle par des auteurs tels que Ludwig Von Mises,

26
- Se conférer aux chapitres relatifs au PAS dans l'économie algérienne.

60
Friedrich Hayek et Milton Fridman. Théorie dogmatique
qui s'oppose à toute intervention de l'Etat (et des autres
pouvoirs publics) dans l'économie, il débouche au cours
de décennie 1980 sur les politiques de Ronald Reagan et
de Margaret Thatcher, qui prennent prétexte des excès
étatistes de pays de l'Est et du Sud pour se rallier à l'Etat
minimum.
L'Etat devrait selon eux déserter les fonctions de
protection sociale pour se limiter à l'administration de
l'armée et de la justice, au prélèvement des impôts, à
l'animation du débat social >>27.

Cette philosophie, bien que lointaine dans le temps et dans


l'espace, semble présider aujourd'hui aux destinées de l'économie
algérienne. Nous recensons au moins trois approches.

121: L'approche de la Banque Mondiale :

Pour les gestionnaires de la Banque mondiale, bien que


l'économie algérienne soit confrontée à plusieurs contraintes
(financement, approvisionnements en inputs, etc.), la crise aurait pour
cause essentielle le système de planification comme mode de régulation
économique et sociale et la présence d'un secteur public bénéficiant de
rentes de situation c'est-à-dire de monopole qui est synonyme
d'utilisation non rationnelle des ressources, d'absence d'efficience et de
performance des entreprises, etc.

C'est ce que qui ressort du moins des analyses de la Banque


Mondiale consacrées à l'économie algérienne.

"Pendant vingt-cinq ans, depuis son accès à


l'indépendance nationale en 1962, lit-on dans l'un des
rapports 28, l'Algérie a opté pour la voie socialiste de
développement se caractérisant par un système de
planification centralisé et une industrialisation lourde...

27
- Marcel Marloie: " un projet de pacte social mondial: les défits du Sommet de
Copenhague" in coopération internationale pour la démocratie, no4, Février 1995, p12.
Solagral.
28
- Banque Mondiale.

61
<<
A la fin des années soixante-dix, cependant, les
inconvénients du système de planification centralisé
commencent à apparaître, particulièrement dans le secteur
agricole public qui représente la plus grande part des
potentialités agricoles du pays. En dépit de gros
investissements publics dans le secteur d'Etat, la
production demeure faible et le pays fait de plus en plus
recours aux importations qui n'ont cessé d'augmenter. Les
effets des investissements publics dans le secteur agricole
sont lents, particulièrement dans le secteur domestique
dans lequel le capital mobilisé durant cette longue période
n'a donné aucun effet. En sus, les réalisations
industrielles tournent en deçà de leurs capacités >>29

Ainsi, il apparaît clairement à travers ce passage que la crise


de l'économie s'explique avant tout par le choix du système de
planification comme mode de régulation de l'économie, et par la mise
en place d'un secteur public peu performant. En peu de mots, <<ceci
(la crise) est attribué au modèle de développement socialiste adopté par
le passé et qui avait orienté toute la production vers la satisfaction des
besoins du marché intérieur en omettant la compétition et les sanctions
du marché...>>30

Dans cet état d'esprit, le gestionnaire de la Banque Mondiale,


soucieux de l'efficacité des entreprises et surtout de la sortie de la crise,
fixe désormais quatre objectifs essentiels à la réforme. Ces objectifs,
liés à l'organisation des entreprises en particulier et de l'économie en
général dans le cadre du marché, redéfinissent les nouveaux principes
de développement économique et social.

Ainsi les nouveaux objectifs, ceux fixés à la réforme, sont:

1- la promotion et l'accélération du développement de


l'entreprenariat (c'est-à-dire abolition de la rente de position) dans le
secteur privé;
2- la poursuite du processus de suppression de la subvention
directe accordée par l'Etat aux secteurs de l'activité économique et la
consolidation des mesures de régulation de l'économie de marché;

29
- Le texte a été traduit par nous, AMD, et les mots également soulignés par nous.
30
- Idem que précédemment

62
3- l'encouragement du développement de la concurrence
entre les entreprises, et enfin
4- l'accélération du processus de privatisation par l'ouverture
notamment du capital des EPE aux investisseurs nationaux et
étrangers.

Des propositions similaires, du moins une analyse de la crise


s'apparentant au même cadre théorique sont développées par l'un des
anciens gestionnaires de l'économie nationale.

122- La "crise" comme ouverture insuffisante


de l'économie au capital privé.

Cette approche est minutieusement développée dans une


étude récente du PNUD. L'étude a été réalisée par le Pr H. BENISSAD.

Dans cette étude, l'auteur souligne que


<<
le fonctionnement de l'économie algérienne
reste en fait caractérisé par deux logiques
contradictoires:
a) celle de l'administration basée sur le côté
procédurier et formaliste,
b) celle des gestionnaires basée sur des
impératifs économiques d'efficacité >>31

De même, l'auteur se propose d' <<analyser


les blocages d'ordre institutionnel que rencontre la
PME algérienne au cours des différentes étapes de son
existence (création, investissement, exploitation)>>32.

Les contraintes recensées sont de trois ordres, celles liées au:


- cadre législatif et administratif,
- au système bancaire et au financement
- aux approvisionnements et exportation.

Dans ce sens, l'auteur de l'étude dresse un tableau et


énumère, par type, les contraintes et obstacles rencontrés, l'origine de

31
- H. BENISSAD: la PME privée en Algérie: environnement administratif et
contribution à une politique de promotion, PNUD, Alger, 16/06/1993. P III.
32
- Idem que note 10 précédente

63
ces derniers et les effets néfastes qu'ils exercent sur le développement
de l'entreprise privée depuis le lancement en 1988, de la réforme de
l'économie algérienne.

Ainsi, il est décelé une soixantaine de contraintes issues de


neuf dizaines de sources et exerçant une centaine d'effets néfastes sur
la création et la promotion de l'entreprise privée.

Les types de contraintes et leur nombre, le nombre d'origines


possibles de ces contraintes ainsi que celui des effets qu'elles exercent
sont résumés dans le tableau suivant.

Tab15 : Contraintes et obstacles au développement de la PME


en Algérie

Nature de la contrainte Nbre d'obstacles Nbre de sources Nbre d'effets


rencontrés des obstacles néfastes exercés
I- Création de société 33 44 49
1) registre de commerce 4 4 6
2) Infrastructure 6 8 14
3) Douanes 4 6 8
4) Fiscalité 12 16 12
5) Relations commerciales avec les
administrations publiques: cas du 7 10 9
BTP
18 34 32
II- Système bancaire et financement 5 13 9
1- Capacités bancaires 4 10 8
2- Financement 3 3 3
3- Garanties 5 6 7
4- Comité ad-hoc 1 5 5
5- Perte et risque de change

III- Appro-auprès du secteur public 7 13 15


et sur les marché extérieur 2 5 4
1) Auprès du secteur public 5 8 11
2) Sur les marchés extérieurs
Total 58 91 96
Source : BENISSAD - PNUD, op cité -Synthèse des tableaux II 1 A à II 1 E, II 2 A à II
2D et II 3 A à II 3 B . pp 29-50 .

Soucieux de la résolution de la crise, le Pr BENISSAD dresse


également un autre tableau dans lequel il fait une centaine de
recommandations classées selon les organismes auxquels elles sont
destinées, le degré de difficulté du problème à résoudre et la priorité de
la recommandation.

Les recommandations s'adressent à une quinzaine


d'institutions d'envergure nationale (ministères de l'Intérieur, du
commerce, de l'Economie, du commerce Extérieur, de la PME, le

64
Centre National du Registre de commerce, l'Administration fiscale, le
Trésor, le Conseil de la Monnaie et du crédit, etc.)

S'agissant du degré de difficulté des obstacles rencontrés, le


décompte fait sur les tableaux cités montre, selon l'auteur, que les 2/3
sont faciles à résoudre et le reste nécessite des efforts importants.

Enfin et en matière d'urgence de résolution des obstacles qui


s'opposent au développement de la PME, il est proposé une échelle des
priorités à neuf degrés. Si on estime qu'il est urgent de résoudre les
problèmes classés dans les priorités 1,2 et 3, alors il devient aussi
urgent de lancer une reforme administrative puisque près de 60 % des
problèmes rencontrés sont classés dans les trois priorités précitées.

En définitive, il est utile de faire remarquer que, selon H.


BENISSAD "les lourdeurs administratives", " l'esprit de clientélisme",
"la suspicion de discrimination", "la mauvaise allocation des
ressources", "la marginalisation des détenteurs de compétences", "les
décisions arbitraires", etc., se sont pratiquement soldés, au fil du temps,
par l'amenuisement, voire par l'absence de création d'entreprises
privées durant la décennie 80.
<<
Dans ce sens, relève encore cet auteur,
c'est-à-dire dans le sens de contrôler le développement
du secteur privé il est créé à partir de 1983 un office
pour l'orientation, le suivi et la coordination de
l'Investissement privé (OSCIP). Il est placé sous la
tutelle du MPAT. Ainsi sur les 2500 demandes
d'agrément déposées entre 1983 et 1987, seuls 363
projets ont été agrées >> 33.

Enfin, on doit également retenir avec ce


même auteur et à titre de comparaison, que <<durant
la période 1962-1982 le rythme moyen de création
d'entreprises privées a été de 600 unités environ par an
ce qui est dérisoire par rapport aux investissements
massifs engagés par l'Etat. C'est ainsi que la part du
privé dans la FBCF algérienne est passée de 40 % en
1967 à 13 % en 1981 >> 34.

33
- BENISSAD, opcité . p6 et suivante.
34
- BENISSAD, Idem p 6.

65
En guise de conclusion, nous devons faire remarquer, malgré
le précieux travail et la pertinence de l'approche développée par le Pr
BENISSAD, que:

1) la situation semble bien avoir évoluer ces dernières années


en faveur des entreprises du secteur privé en dépit des obstacles au
développement de la PME. Dans le contexte de régression économique
généralisée, le secteur privé industriel qui participait à concurrence de
45% à la production totale en 1974 et à concurrence de 28% seulement
en 1983, réalise 54% de la production totale en 1989. (Voir chapitre
précédent).

Bien au contraire, les données disponibles montrent qu'au


début de la décennie 90, le secteur privé est plus performant que le
secteur public. Ceci constitue l'objet de la seconde remarque.

2) en se focalisant sur le secteur privé, les travaux du Pr


BENISSAD peuvent laisser supposer une plus grande efficacité du
secteur public et une meilleure maîtrise des obstacles qui se posent au
devant de ce dernier secteur. Or c'est le contraire qui semble se
produire.

13- La "crise" comme absence d'autonomie de gestion du secteur


public .

Beaucoup d'auteurs continuent à penser, malgré la


restructuration des entreprises publiques réalisée en 1981-82 et malgré
aussi les réformes entamées en 1987-88 que la crise de l'économie
algérienne s'explique en grande partie par l'absence d'autonomie de
gestion des entreprises et du secteur publics et par l'absence de
l'entreprise privée autonome.

Dans ce sens, le Pr Abdelatif BENACHENHOU dont


l'engagement en faveur d'un secteur public, performant ne prête pas à
confusion 35relève récemment encore la nécessité de réunir le
maximum de " conditions" ( dont certaines seront présentées ici) pour
la réussite de la " désétatisation" 36.

35
- Se conférer A. BENACHENHOU: planification et développement en Algérie, op cité.

66
Il existe deux séries de conditions: " les conditions internes
qui sont les présupposés de la réussite de la désétatisation " et " les
conditions externes " .
Nous ne présenterons ici que les conditions en relation avec
l'objet de ce paragraphe, à savoir les causes institutionnelles de la crise.

Parmi les causes ou conditions internes, il y a lieu de retenir


selon A. BENACHENHOU:

1) Les acteurs doivent être de véritables entrepreneurs, c'est-


à-dire des preneurs de risque et des cadres compétents.
<<
S'agissant de l'entreprise privée, souligne
l'auteur, celle-ci est relativement jeune (1954-1984).
Elle s'est constituée à l'ombre du secteur public qui l'a
toujours protégée d'où la fragilité de la bourgeoisie
locale qui méconnaît les réalités du terrain national et
international.

D'autres acteurs, poursuit-il , sont absents


pour la désétatisation: les gestionnaires du secteur
public ne veulent pas prendre le risque lié à la gestion
autonome de leurs entreprises (licenciements,
négociation avec les banques, etc. >>37.

S'agissant du désengagement des gestionnaires du secteur


public, A. BENACHENHOU fait le lien direct avec la baisse de
leur niveau de vie et leur relative paupérisation. Dans ce sens, il
relevait en 1992 ce qui suit:
<<
Alors que le chômage des diplômés limite
les perspectives professionnelles de leurs enfants, les
cadres voient leur niveau de vie baisser du fait de
l'inflation, tandis que les réformes économiques les
mettent au front sans leur donner les moyens de la
bataille >>38.

36
- A. BENACHENHOU: l'aventure de la désétatisation en Algérie, Revue du Monde
musulman et de la Méditerranée, no65, Année 1992, pp 175-185.
37
- A. BENACHENHOU; op cité, p 179.

67
2) Toujours en matière de l'échec des
réformes et de la persistance de la crise économique,
"la seconde condition de réussite de la désétatisation,
note encore A. BENACHENHOU, est l'existence d'une
culture favorable. Or en Algérie, poursuit-il, la culture
étatiste et islamiste s'opposent à ceci. La première est
synonyme d'assistance et la seconde est plus favorable
au mercantilisme qu'à l'effort productif>>39.

Enfin, on comprend que soucieux des issues de la crise, A


BENACHENHOU s'interroge, lui aussi, sur les perspectives de la
désétatisation en Algérie qui doit se faire en :

- définissant le statut de l'Algérie au sein de l'économie


mondiale c'est-à-dire en répondant à la question de savoir s'il faut
s'inscrire dans une optique d'internationalisation ou de régionalisation,
- en recherchant un pacte social interne
étant donné que:
" L’ajustement est un vaste processus de
redistribution de la propriété, de la décision
économique, des bénéfices, d'accès aux services publics,
de lutte contre l'inflation et de gestion à court et moyen
terme du chômage".
- en cherchant à attirer l'investissement extérieur et
à alléger la dette, et enfin
- en consolidant l'Etat qui pourrait d'une part, définir
le Code des investissements et le mettre à l'abri des influences et,
d'autre part, autonomiser la gestion des entreprises publiques et régler
les modes d'intervention de l'Etat en leur sein en qualité de simple
actionnaire.

Ces recommandations, quand bien même utiles, ne se


prononcent pas sur ce que doit être l'Etat c'est-à-dire sur sa nature et
sur la construction d’un Etat fort.

38
- A. BENACHENHOU: Inflation et chômage en Algérie. Les aléas de la démocratie et
des réformes économiques, Revue Monde arabe Maghreb-Machrek, no139, Janvier-
Mars 1993, p 34.
39
- A. BENACHENHOU, 1992, op cité..

68
La crise de récession, la crise qu'on dit multidimensionnelle,
parce que touchant à l'Economique, au Politique, au Social et à toutes
les sphères d'activité, ne résulte-t-elle pas de la faiblesse de l'Etat et de
ses institutions?

La consolidation de l'Etat et de ses institutions, la recherche


du pacte social interne ne présupposent-elles pas l'existence préalable
d'un pacte politique autour de ces questions? Ce pacte existe-t-il en
Algérie où les populismes se succèdent et se chassent mutuellement,
non sans créer des dommages fort importants aux structures
économiques 40?

Par ailleurs et en supposant qu'un pacte social interne soit


réalisé autour d'un projet de société donné, l'Algérie, pays
périphérique et dépendant, a-t-elle les moyens nécessaires de mise en
oeuvre de ce projet? La contrainte extérieure ne serait-elle pas la
contrainte majeure au développement économique et social?

A ce dernier effet, quel est donc le poids des causes


économiques en général et de la contrainte extérieure en particulier
dans la crise de l'économie algérienne?

40
" Des actes de sabotage multiples constituent, parallèlement à la liste des victimes de
ce conflit, souligne Luis Martinez, l'actualité tragique de l'Algérie:destructions de
ponts, incendies de wagons, d'hotels, de véhicules, d'entreprises publiques, d'écoles, de
mairies etc. Le compte rendu, décontextualisé, de ces événements par les médias, laisse
une impression d'anarchie, de chaos où la finalité des actions des principaux
protagonistes, tant l'armée que les deux principales factions islamistes, le GIA et l'AIS,
se perd dans une violence nihiliste... Depuis avril 1994, poursuit le même auteur, les
accords passés avec le FMI, en libérant les ressources financières issues de la rente et
en permettant de contracter de nouveaux crédits, ont alimenté ces circuits
commerciaux, sur lesquels se greffe "l'économie de guerre" des islamistes et qui ne sont
pas sans effet sur la structuration de la guérilla... Enfin, il faut relever toujours avec le
même auteur, qu' "Entre 1993 et 1995, 2700 actes de sabotage ont été enregistrés,
causant des pertes évaluées à 12 milliards de francs". Luis Martinez : Les groupes
islamistes entre guérilla et négoce. Vers une consolidation du régime algérien? Les
études du CERI, n° 3, Août 1995.

69
II - Causes économiques de la "crise" :
la contrainte extérieure.

Parmi les multiples causes41 économiques qui sont à l'origine


de la récession de l'économie algérienne, la contrainte extérieure
semble exercer plus d'effets négatifs sur l'appareil de production.

"L'environnement international, souligne Smail


GOUMEZIANE, a toujours joué un rôle majeur dans
l'évolution de l'Algérie, même si l'origine de la crise
qu'elle traverse depuis de nombreuses années est d'abord
interne et liée à l'émergence du système monopoliste et
rentier au lendemain de l'indépendance. Les éléments qui
influent sur cette évolution mêlent en permanence le
pétrole, l'argent et la politique, et marquent
fondamentalement les relations de l'Algérie avec les
grandes puissances"42

La contrainte extérieure, semblable à une spirale, exerce des


effets excentriques sur tout le reste de l'économie. La sous utilisation
des capacités de production, la baisse de leur taux d'utilisation, la
diminution du taux de croissance, le sous-emploi, etc., sont tous
intimement liés aux exportations des hydrocarbures, c'est-à-dire aux
revenus qu'on en tire.

Ainsi, nous définissons la contrainte extérieure comme étant


l'ensemble des effets négatifs exercés individuellement ou
collectivement sur le système productif par l'une ou l'ensemble des
variables suivantes : la baisse des revenus pétroliers, l'augmentation
du service de la dette et le manque d'investissement extérieur direct.

41
La "Lettre Afrique Expansion" du 07 au 20/11/1994, éditée par le CFCE, recense au
moins "sept causes (plaies) de l'économie algérienne". Ce sont : 1) le déficit de
crédibilité, 2) l'héritage industriel étatique, 3) la malédiction pétrolière, 4) la
corruption généralisée, 5) le handicap de la polarisation vers la France, 6) le climat
d'anarchie et 7) l'économie de bazar.
42
S. GOUMEZIANE : " La contrainte extérieure, pp77-85 de l'ouvrage collectif intitulé
: Demain l'Algérie, Editions du Sud, Paris, 1994.

70
21 - La baisse des revenus pétroliers :

211 - La détérioration de l'environnement international :

La baisse des revenus pétroliers , de l'Algérie notamment,


s'expliquent par les stratégies contradictoires mises en place dans les
décennies soixante-dix et quatre-vingt, respectivement par les
partisans du Nouvel Ordre Economique International et par les pays
occidentaux.

Il faut pour comprendre cette marginalisation


de la préoccupation sociale dans les institutions
internationales, écrit M. MARLOIE, remonter à la
décennie 1970 où les pays du Tiers Monde regroupés
dans le groupe dit des 77 et parfois appuyés par l'Union
soviètique avaient réussi à faire adopter à la CNUCED
un ensemble de mesures interventionnistes définies par
l'expression "Nouvel Ordre Economique International"
(NOEI). Ces mesures visaient à faire davantage le Tiers
monde des échanges internationaux, et ceci au
détriment des pays occidentaux.
Ces derniers, Etats-Unis en tête, avaient alors
réagi, poursuit l'auteur, en se désengageant à des degrés
divers de la CNUCED et d'autres instances de l'ONU,
provoquant une crise financière de ces institutions,
accroissant la paralysie de l'ONU, pour s'appuyer
davantage sur les institutions de Bretton Woods et sur le
GATT dans lesquelles elles avaient plus de poids, et dont
la puissance fût accrue"43.

Dans le cas spécifique de l'Algérie, la détérioration de son


environnement international a été provoqué par le contre choc
pétrolier de 1986 qui a réduit brutalement les recettes d'exportations
de prés de 50 %.

Depuis cette date, le marché pétrolier mondial, dominé par la


production saoudienne et celle des autres pays du Golf, se caractérise
par une offre supérieure à la demande. L'Algérie qui dispose,
contrairement à l'Arabie Saoudite, d'une population élevée et de
réserves pétrolières moins importantes, subit les effets néfastes du jeu

43
M. MARLOIE, op cité, pp 15-16.

71
du second pays cité : sa part dans les exportations de l'OPEP ne
s'élèvent qu'à 3% seulement contre 50 % pour l'Arabie Saoudite.

Dans ce sens, l'Algérie dont les recettes d'exportation sont


constituées, selon les années, de 97 à 99 % par les hydrocarbures, perd
les moyens de sa croissance. En 1994, les recettes tirées de la vente des
hydrocarbures suffisent tout juste au remboursement du service de la
dette.

A moins que les investissements additionnels en cours dans le


secteur des hydrocarbures ou qu’un quelconque événement
international ne vienne changer les données du marché pétrolier, les
revenus pétroliers algériens resteraient sans changement significatif
jusqu'à l'an 2000.

Quels sont les effets exercés par le jeu des stratégies


internationales sur l'économie algérienne?

212 : La détérioration des termes de l'échange :

La détérioration des termes de l'échange commercial est


provoquée par la crise pétrolière des années quatre-vingt. En effet,
l'analyse de l'évolution des prix du pétrole montre que ces derniers ont
connu, de 1978 à 1981, huit hausses consécutives44. Le baril du brut qui
ne s'élevait qu'à 2,9 $ en juin 1973, passe à 13 $ en 1977 et bondit à
33,5 $ en janvier 1981. Mais à la suite de la rencontre de Cancun des
Chefs d'Etats en 1981 et surtout suite aux accords de Plazza de 1985
entre Américains, Européens et Japonais, faisant de la dévaluation du
dollar, principal moyen de paiement international de l'industrie
pétrolière, l'instrument de sortie de la crise, les données du marché
mondial du pétrole se renversent.

L'Arabie Saoudite, apeurée par la montée du chiisme iranien,


l'Iran lui-même faisant face à la guerre contre l'Irak et les pays du
Golf persique cherchant à développer une sécurité à leurs frontières
par l'acquisition de nouveaux armements, abondent et inondent le
marché mondial45. Les prix du pétrole diminuent et se trouvent, en
dollars constants, au début de 1994 au niveau de 1973.

44
Se conférer à N. KORICHI :L'OPEP et le marché mondial du pétrole, Mémoire de
Magister, ISE-Alger, 1990.

72
Consécutivement à cette situation, le pouvoir d'achat de
l'Algérie dont les revenus extérieurs sont essentiellement et depuis
toujours d'origine pétrolière, s'est détérioré et amenuisé au fil du
temps.

"Le retournement, mentionne J.P SERINI,


est dramatique pour l'Algérie qui, payée en dollars, se
fournit pour l'essentiel auprès de la CEE. Le cumul de
l'effet "pétrole" et de l'effet "dollar" représente entre le
premier trimestre 1985 et le creux conjoncturel de la mi-
mai 1991 une baisse des recettes en devises de prés de
80 %"46.

C'est ce que confirment en effet les données du tableau


suivant relatives à l'évolution de quelques indicateurs du pouvoir
d'achat de l'Algérie de 1984 à 1993.

- une très forte augmentation des revenus nominaux tirés des


exportations dont plus de 95% sont des revenus pétroliers. En valeur,
les exportations totales ont été multipliées par 3,7 en 1993 par rapport
à 1984. Mais comme on peut également le constater, ces mêmes
revenus ont été subitement réduits de moitié en 1986 par rapport à
1984. Ce n'est qu'en 1989 que le niveau des exportations atteint enfin
celui de 1984.

En volume, les exportations d'hydrocarbures gardent


pratiquement le même indice entre 1984 (100) et 1990 (118) mais
connaissent un soubresaut en 1991 (indice 229), élan qu'elles garderont
jusqu'en 1993 (indice 235);

45
Même la guerre du Golf qui s'est soldée par l'élimination de l'Irak du marché
pétrolier, n'a pas influé sur les prix . Le pétrole qui fût brandi dans les années soixante
dix comme une arme stratégique et qui fût à l'origine de la guerre du Golf en 1991
échappe de plus en plus au contrôle de ceux qui le produisent dans le Tiers Monde .
L'Irak, par exemple, se voit réduit, en ce début de l'année 1996, à la formule "pétrole
contre nourriture". L'Algérie est, à quelques nuances prés, dans la même situation : son
secteur pétrolier profite plus à ses créanciers qu'à elle-même.
46
J-P. SERINI : "L'Algérie, le FMI et le FIS" in les Cahiers de l'Orient, n° 25-26, année
1992, p 225.

73
Tab 17 : Evolution du pouvoir d'achat de l'Algérie de 1984 à
1993.

Désignatio Total des Part des Prix du Indice Prix du Termes de


n exportations en hydrocarbures ds baril de brut l'échange
millions DA le total Exp en % brut en $ 1984=100 1980=100
1984 63 648 97,7 29,54 100 101
1985 65 238 98,0 28,92 97,9 96
1986 35 161 97,4 14,77 50 47
1987 42 410 97,5 18,48 62,5 66
1988 47 153 92,2 16,14 54,6 44
1989 74 612 92,7 18,45 62,4 55
1990 117 889 93,8 24,32 82,3 56
1991 232 030 95,3 20,44 69,1 65
1992 249 959 94,9 20,06 67,9 61
1993 239 713 95,0 17,68 59,8 54
Sources : CNP- BM, Extrait p 3, 89.

- une érosion des termes de l'échange, elle-même due à la


baisse des prix du brut. En effet, avec un indice 100 en 1980, il fallait
exporter depuis 1986 deux fois plus environ pour assurer le même
niveau des recettes. L'indice des termes de l'échange est de 47 en 1986,
de 44 en 1988 et de 54 en 1993.

La détérioration des termes de l'échange est due, comme déjà


signalée, à la baisse du prix du brut algérien. En 1986, le prix du brut
algérien n'est que de 14,77 $ le baril contre 28,92 $ en 1985. Il faut
également souligner que la baisse du prix du brut est gardée quasiment
au même niveau depuis 1986. De l'indice 100 en 1980, on passe à
l'indice 50 en 1986, 54,6 en 1988 et 59,8 en 1993.

Nous avons précédemment souligné l'accroissement des


revenus extérieurs nominaux de l'Algérie, qui sont passés de l'indice
100 en 1984 à l'indice 377 en 1993. Ces chiffres méritent d'être nuancés
dans la mesure où, comme nous l'avons déjà souligné, il y a eu pour
l'Algérie une véritable érosion de son pouvoir d'achat et dans la
mesure où, au plan interne, l'augmentation de la masse monétaire s'est
faite sur la base de la dévaluation du dinar.

A ce propos, il faut relever que, comparée au franc français,


la valeur du dinar a subi une très forte dépréciation entre 1988 et 1995.
Alors que le dinar s'échangeait encore dans les chancelleries étrangères
en Algérie à la parité de 1DA= 1FF en 1988, au mois d'août 1995, le
dinar ne vaut plus que le dixième du FF.

74
Tab 18 : Evolution de la parité du dinar par rapport au FF
depuis le 10/04/64 (date de création du dinar ).

Date 1DA = x 1FF= x DA


FF
10. 04. 64 1,000 1,000
01. 08. 69 1,125 0,888
06. 02. 74 1,190 0,840
01. 10. 78 1,130 0,884
21. 08. 83 1,650 0,606
01. 12. 87 1,150 0,869
16. 09. 88 1,000 1,000
16. 10. 89 0,780 1,282
01. 10. 90 0,550 1,818
05. 10. 91 0,260 3,846
01. 08. 92 0,240 4,166
01. 08. 95 0,100 10,000
Source : CFCE, Dossier Algérie

Le croisement du tableau précédent avec celui sur l'évolution


de quelques indicateurs du pouvoir d'achat de l'Algérie ( 1984-1993 )
montre que le revenu extérieur de l'Algérie s'est élevé, en FF, à 105 019
millions en 1984 ( 1DA = 1,65 FF ) et à 57 531 millions en 1993 ( 1 DA =
0,24 FF ). Autrement dit, le revenu extérieur de l'Algérie a, bel et bien,
diminué de moitié entre 1984 et 1993.

Face à la diminution des revenus extérieurs, la solution fut


dans le recours de l'endettement.

22: Le poids de la dette extérieure :

L'évolution de la dette extérieure de l'Algérie retient


l'attention par rapport à l'évolution de son volume global et par
rapport à sa structure c'est-à-dire par rapport au manque à gagner en
matière d'investissement.

221: Evolution du volume global de la dette :

La dette extérieure de l'Algérie, bien qu'impulsée par la


baisse des prix du pétrole, a pour objectifs premiers de maintenir,
d'une part le niveau des investissements au même rythme que celui des
années soixante dix et d'autre part, assurer un niveau de
consommation élevé à la population 47 au moyen de la subvention d'une

75
large gamme de produits de consommation (céréales, lait, café, sucre,
produits agricoles, etc.)

Ce sont, ici, deux objectifs contradictoires qui vont pourtant


guider la politique économique de l'Algérie durant toute la décennie
80. Les effets de cette politique se traduisent par l'accroissement de la
dette extérieure du pays dont l'évolution des montants est indiquée
dans le tableau qui suit.

Tab 19 : Evolution de la dette extérieure de l'Algérie (1970-


1996).

Année Dette totale Dette à Année Dette totale Dette à


LT LT
1970 - 0,9 1988 26,7 25,1
1980 19,4 17 1989 28,6 26,1
1982 17,6 14,9 1990 29,8 27,1
1983 16,3 14,3 1991 28,6 26,6
1984 15,9 14,2 1993 25,7 24,9
1985 18,4 16,5 1994 29,4 28,1
1986 22,9 19,8 1995 32 -
1987 25,0 23,7 1996 36* -
Sources : Banque Mondiale, citée par
1) P. COULOMB, F. JACQUET, options
méditerranéennes, 1994, n° 8 p 24. ( de 1970 à 1991)
2) Maghreb Selection n° 386 du 31/7/1995.
* estimation pour l'année indiquée.

Comme on le constate, la dette algérienne qui s'est élevée à


19,4 milliards de dollars en 1980 a connu un début de réduction
jusqu'en 1984. A cette date, elle a en effet diminué de 3,5 milliards $
par rapport à 1980.

Mais à partir de 1985, suite donc aux accords de PLAZZA et


à la suite de la diminution des prix du pétrole, cette dette reprend son
ascension: 18,4 milliards en 1985, 29,8 milliards de $ en 1990 et 32
milliards $ en 1995; ce qui donne un accroissement annuel moyen de
1985 à 1995 de 1,5 milliards de $ (8,2% par an).

A vrai dire quoique s'élevant à 32 milliards de $ à la fin de


l'année 1995, la dette extérieure de l'Algérie, rapportée au PNB, est
47
- On rappellera que le taux d'investissement / PIB s'est élevé à 35,1% en 1984 à 29%
en 1989 et à 27,6% en 1993. Au début des années quatre vingt, le changement de
politique oblige, un " programme anti-pénurie" (PAP) a été mis en place. Le revenu par
tête d'habitant passe ainsi de 1950 $ en 1980 à 2760 $ en 1987 ( mais à 1570 $
seulement en 1994). Les dépenses de consommation représentent 40 % en moyenne de
la dette extérieure.

76
moins importante que celle des deux pays voisins du Maghreb, le
Maroc et la Tunisie.

En effet, elle représente 40% du PNB algérien en 1982, 40%


en 1987 et 70% en 1991. Aux dates respectives, elle est de 85%, 116%
et 80% pour le Maroc et de 48%, 74% et 66% pour la Tunisie. Mais
contrairement à ces deux pays, c'est la structure de la dette qui pose de
graves problèmes de gestion à l'économie algérienne.

222 - Evolution de la structure de la dette

Le problème de la dette algérienne a commencé à se poser


avec acuité depuis 1988, année durant laquelle l'Algérie était parvenue
à mobiliser quelques 795 millions de $ de crédits. En 1989, elle mobilise
encore 397 millions de $ et 61 millions $ seulement en 1991. Depuis
1991, la mobilisation de capitaux devient de plus en plus difficile à
cause de l'incapacité de l'Algérie à rembourser les dettes parvenues à
maturité.

En effet, la dette à court terme ou << dette commerciale >>


passe de 794 millions de $ en 1984 à 1621 millions de $ en 1988 et à
1840 millions de $ en 1989. Or pendant ce temps, l'échéance moyenne
de l'ensemble des engagements est passée de 9,3 ans en 1986 à 3,5 ans
en 1989 et 70% de l'encours total de la dette arrive à échéance entre
1990 et 1993.

Tab 20 : Evolution de la structure de la dette totale de l'Algérie


(1987-1992)
.

(en millions de $).


Désignation 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Dette à L T 23 080 24 417 24 541 26 176 25 684 24 762
* dette publique garantie 23 080 24 417 24 541 26 176 25 684 24 762
* dette privée non garantie 0 0 0 0 0 0
Utilisation crédits FMI - - 619 670 995 795
Dette à C T 1315 1621 791 791 1239 793

Source: Maghreb Sélection n° 765 du 20/01/1994.

Par ailleurs, la structure de la dette commerciale complique


la situation puisque plus de la moitié des crédits garantis et non
garantis doivent être remboursés en deux ans.

77
A titre d'exemple, on doit retenir que le service de la dette à
long terme (principal et intérêts) passe de 5 371 millions de $ en 1987 à
8 842 millions de dollars en 1992.

Tab 21 : Evolution du service de la dette algérienne à long


terme.

Désignation 1987 1988 1989 1990 1991 1992


Principal 3 806 4 563 5 088 6 741 7 092 6 951
Intérêts 1 565 1 681 1 767 1 788 1 803 1 891
Total 5 371 6 244 6 855 8 529 8 895 8 842
Source: Maghreb Sélection n° 765 du 20/01/94

L'Algérie est prise dans le "piége de la dette", et les


remboursements qu'elle a effectués au titre du service de la dette
(principal et intérêts) s'élèvent à 44 736 millions de DA de 1987 à 1992
soit l'équivalent de 1,8 fois de la dette totale en 1992. Ceci fait dire à A.
BENACHENHOU: " au cours des six dernières années, l'Algérie a payé
en moyenne 14% de son PIB en service de la dette. Jamais dans l'histoire
moderne un pays n'a subi une saignée aussi forte. Le paiement de la dette
a correspondu annuellement à 130% de la masse salariale globale" 48.

Confrontée au problème du remboursement, et aussi à celui


des approvisionnements en biens alimentaires et intermédiaires,
l'économie algérienne subit à partir de 1994 la rigueur de gestion
imposée par les institutions de Bretton Woods dans l'espoir d'une
éventuelle relance de l'activité économique.

Désormais, la politique de réduction des importations et de


refus de restructuration de la dette extérieure, en un mot la politique
de l'" économie de guerre" prônée dans le " Programme de Travail du
Gouvernement" ABDESLAM, fait place au "Programme
d'Ajustement Structurel", officiellement adopté en avril 1994.

48
- A. BENACHENHOU: L'aventure de la désétatisation, op cité, p 181.

78
Conclusion :

Les causes de la crise qui affecte l'économie algérienne depuis


le milieu de la décennie quatre vingt sont multiples. Les explications à
cette crise sont également nombreuses et sont classées en deux groupes.

Les premières sont d'ordre institutionnel et rendent compte


de l'inadaptation des structures économiques et organisationnelles
actuelles au marché. Que l'on se range, en effet, du côté des
réformateurs qui ont été à l'origine de la déstructurations du secteur
public, certes peu performant, du côté de la Banque Mondiale qui
impute à la gestion centralisée l'ensemble des dérégulations
économiques, du côté des partisans d'un développement effréné du
secteur privé ou encore du côté des défenseurs du secteur étatique, les
explications demeurent les mêmes. L'institution économique est mise
en cause. Pour les uns, la solution réside dans la disparition, par la
privatisation du secteur économique public. Pour d'autres, c'est
l'absence d'autonomie de gestion de ce secteur public qui a conduit à sa
crise; il y a donc possibilité d'améliorer ses performances, c'est-à-dire
de résorber sa crise.

Les secondes causes de la crise sont d'ordre économique et on


les impute au fardeau de la "contrainte extérieure".

La contrainte extérieure signifie de ce point de vue que


l'économie algérienne dont les revenus extérieurs se composent
seulement de revenus pétroliers, subit les contre-chocs pétroliers,
particulièrement celui de 1986 qui est à l'origine de la détérioration des
termes de l'échange du pays, de la baisse de ses revenus mais aussi de
son endettement croissant. La dette extérieure étant parvenue à
maturité et les moyens de remboursement de cette dette devenant de
plus en plus rares, conduisent, sous la pression des bailleurs de fonds à
l'inévitable mise sous ajustement structurel de l'économie nationale.

79
Chapitre IV - L'ajustement structurel comme solution à
la "crise" : étapes et principes .

L'économie algérienne se caractérise ainsi que nous avons


tenté de le montrer dans les deux chapitres précédents, par deux séries
de déséquilibres économiques.

La première est relative au déficit de la balance des


paiements, au déficit budgétaire, à l'inflation, au chômage, à la
surévaluation de la monnaie nationale, etc. Il s'agit de déséquilibres
macro-économiques. La seconde concerne la rupture des équilibres au
niveau des secteurs et entreprises économiques : sous utilisation des
capacités de production, faible productivité du travail, accroissement
des déficits financiers des entreprises, etc.

Cette crise, dite structurelle et multidimensionnelle car


touchant l'ensemble des secteurs d'activité économique et l'ensemble
des sphères de l'activité sociale, perdure depuis le milieu de la décennie
80.

Mais aussitôt qu'elle s’est manifestée, des premières mesures


de résolution de la crise furent envisagées par les autorités. Cependant
depuis la première mise en oeuvre de ces mesures, bien des méthodes et
moyens ont été changés. Cela nous permet alors de distinguer plusieurs
étapes dans la tentative de résolution de la crise de l'économie
algérienne. Le but fondamental demeure toutefois le même à savoir
transformer les structures de l'économie nationale en les adaptant aux
réalités du marché mondial autrement dit en assurant à l'économie
nationale sa transition vers l'économie de marché.

Il y a donc en définitive abandon des anciennes structures et


adoption de nouvelles par la méthode de l'ajustement structurel
progressif. C'est pourquoi, les économistes parlent alors de
programmes d'ajustement structurel.

Le Programme d'Ajustement Structurel au sens large c'est-à-


dire l'ensemble des mesures visant à transformer les structures de
l'économie algérienne a connu un début de mise en application en 1987
dans le secteur agricole. Officiellement, celui-ci n'est rentré en vigueur
qu'au mois d'avril 1994 et a été dicté par les difficultés croissantes de
mobilisation de nouveaux capitaux pour l'approvisionnement de

80
l'économie en produits alimentaires et en biens intermédiaires que
pour le paiement des emprunts extérieurs parvenus à maturité.
Cette seconde définition, approche officielle de l'ajustement
structurel, est restrictive et semble vouloir atténuer l'échec des
réformes successives ou du moins faire endosser cet échec au seul
fonctionnement interne de l'économie algérienne.

En réalité, l'Ajustement structurel dès lors qu'il s'agit de


transformer les structures d'une économie nationale en l'orientant vers
un développement de type capitaliste, peut bénéficier d'un "appui" ou
être "autonome" des institutions monétaires et financières
internationales. Il existe, comme le relève d'ailleurs B. PETIT, deux
groupes de pays éligibles à l'Ajustement Structurel :

1 - "Ceux dont l'ajustement est déjà appuyé (financièrement ou


non) par les principaux donateurs multilatéraux. C'est le cas des pays
ACP;

2 - "Ceux qui mettent en oeuvre un processus d'ajustement


"autonome" et qui, pour devenir éligibles, doivent faire une
démonstration - à partir d'une évaluation conjointe - que les critères
prévus dans la Convention sont effectivement remplis (Maroc, Tunisie,
Algérie, etc")49

Partant donc de cette observation, nous considérons que, face


à l'exacerbation de la crise en Algérie, le passage à l'économie de
marché a été entamé, non pas au début du second trimestre 1994, mais
à la fin de l'année 1987. C'est ce que relève également le professeur H.
BENISSAD qui écrit : "Ainsi, un nouveau cadre législatif a été mis en
place et des réformes structurelles ont été engagées avec l'aval des
institutions monétaires internationales, formalisées par l'accord stand
by avec le FMI de mai 1989"50.

Ces clarifications faites, l'objet de ce chapitre est de tenter de


retracer les principales étapes du PAS en Algérie en essayant de
dégager les caractéristiques de chacune d'entre-elles. Nous en
distinguons trois. Ce sont :

49
- B. PETIT : "L'Ajustement structurel et la position de la Communauté européenne",
Revue Tiers Monde, n° 136, Oct-déc 1993, pp833-834.
50
H. BENISSAD, Etude PNUD, op cité.

81
1 - La phase des réformes économiques ou phase de
l'Ajustement structurel autonome (1988-1992);
2 - La phase d'interruption des réformes ou phase de
redynamisation du secteur public (1992-1993), et

3 - La phase d'accélération des réformes ou phase de


l'Ajustement structurel conditionnel (1994-1998).

I -Objectifs de la réforme et tentatives de restructuration


(1988 - 1991) :

11 - Les objectifs

Les réformes économiques lancées en 1988 peuvent être


interprétées comme l'achèvement logique de la restructuration des
entreprises entamée en 1981-82. Cette restructuration a pour objectif
affiché de doter les entreprises du secteur public d'une plus grande
autonomie de gestion mais en réduisant cependant leur taille et en les
gardant sous la tutelle de leurs ministères respectifs.

Cette première restructuration, vite contrée par la


conjoncture internationale peu favorable, n'a pas donné les résultats
escomptés. C'est pourquoi, afin d'atténuer les effets négatifs de la
baisse des revenus extérieurs, a-t-il été envisagé en 1986 déjà au niveau
des structures centrales de l'Etat une stratégie de sortie de la crise
(voir chapitre 3) en définissant les principaux axes d'action. Le
programme initial de sortie de la crise comprend, rappelons-le, les axes
suivants :

- la mise en place d'une réglementation juridique et


institutionnelle,
- la réhabilitation des instruments monétaires et financiers, et
- la procédure de séparation des missions et des fonctions au
sein du secteur public et industriel.

Le programme ou réformes de 1988 poursuivent, comme le


résume H. BENISSAD, cinq objectifs généraux. Ce sont :

1 - la substitution d'une économie de marché à une économie


gérée administrativement;

82
2 - la recherche d'une plus grande autonomie des entreprises
publiques devant être régies par des règles de commercialité;
3 - une plus grande participation du secteur privé à l'oeuvre
de développement; secteur garant des performances économiques;

4 - la libéralisation des prix par la suppression graduelle des


subventions, du commerce extérieur et des changes, et enfin

5 - l'autonomie des banques commerciales et de la Banque


d'Algérie vis à vis du Trésor51.

La libéralisation du système économique, question demeurée


jusque là tabou, apparaît d'autant possible que la fin des années
quatre-vingt et le début de la décennie quatre-vingt-dix s'avèrent être
riches en événements sociaux et politiques52.

51
H. BENISSAD, Etude PNUD, op citée.
52
En effet, aprés les événements d'octobre 1988, qui avaient duré du 05 au 10, le
Président de la République, réélu pour un troisième mandat consécutif de cinq ans, fait
voter par voie de référendum, le 23/02/1989, une nouvelle Constitution dans laquelle la
référence au socialisme est abandonnée et la voie ouverte au multipartisme.

L'une des conséquences immédiates de la nouvelle Constitution de 1989 est la


promulgation en juillet 1989 de la loi autorisant le multipartisme. En septembre 1989,
plusieurs partis, même ceux en principe interdits par la loi, sont légalisés. Le
gouvernement des "réformateurs" est mis en place.

Moins d'une année aprés, le 12/06/1990, le gouvernement des réformateurs, dirigé par
Mouloud HAMROUCHE, organise les éléctions communales et locales (Conseil de
Wilaya) : le FIS, le parti islamiste le plus virulent, s'accapare de plus de la moitié (853)
des communes sur les 1541 et 32 assemblées de wilaya sur les 48. En juin 1991,
revendiquant les éléctions présidentielles anticipées, cette formation politique ordonne
une grève générale qui conduit successivement à l'intervention de l'Armée et au
limogeage, le 05/06/1991, du gouvernement des réformateurs : Sid Ahmed GHOZALI
succéde à HAMROUCHE.

A la fin de la même année 1991, le 26/12, les éléctions législatives initialement prévues
pour le 26/06/1991 sont finalement organisées. Ces éléctions sont à leur tour annulées,
l'Assemblée Nationale est dissoute et le Président de la République est démissionné : la
direction de la Présidence de l'Etat est confiée à une structure collégiale, le Haut
Comité d'Etat (HCE), lui-même présidé par Mohamed BOUDIAF qui sera assassiné le
29/06/1992.

Le HCE est alors présidé par l'un de ses membres (Ali KAFI) alors que Sid Ahmed
GHOZALI est remplacé par Belaid ABDESLAM, l'ancien ministre de l'Industrie du

83
La phase dite des réformes se distingue particulièrement par
l'élaboration de plusieurs lois devenues essentielles en matière de
fonctionnement de l'économie algérienne. Les plus importantes sont
celles relatives aux Entreprises Publiques Economiques (EPE), aux
Fonds de Participation (FP), à la monnaie et au crédit (LMC) et à
l'abolition du monopole sur le commerce extérieur.

La mise en application de ces lois est intervenue, comme nous


l'avons déjà vu dans le chapitre relatif aux "manifestations de la
crise", dans un contexte économique fortement dégradé. Et l'arsenal
juridique mis en place entre 1988 et 1991, quoique nécessaire pour le
lancement des fondements de l'économie de marché, reste sans attrait
particulier sur les partenaires étrangers. Les changements structurels
entamés dans l' économie ne constituent pas une garantie suffisante
pour la mobilisation de nouveaux capitaux.

12 -Les premières résistances : la solution pétrolière

Quoique ayant accepté le principe des réformes de


l'Ajustement Structurel, les autorités algériennes semblent vouloir
différer les accords techniques émanant du FMI et de la Banque
Mondiale.

A cette époque, c'est-à-dire au début de l'année 1991,


l'Algérie ne parvenant plus à mobiliser de nouveaux capitaux, se
tourne vers la CEE et met en action ses programmes de coopération et
d'aide multilatérale qui la lient depuis 1976 à cette organisation
régionale.

temps de BOUMEDIENE. B. ABDESLAM occupera la fonction de chef du


gouvernement jusqu'en août 1993, date à laquelle il sera remplacé par Rédha MALEK.

A la même époque, le ministre de la Défense nationale, le Général - Major Khaled


NEZAR démissionne de son poste qui sera occupé par le Général Liamine ZEROUAL
qui sera porté par la Conférence nationale des Partis à la présidence du HCE. Le
11/04/1994, Mokdad SIFI est désigné Chef du Gouvernement, poste qu'il occupera
jusqu'à fin décembre 1995.

Mokdad SIFI qui a le mérite d'avoir accélérer le processus des réformes a également
organisé les éléctions présidentielles du 16/11/1995 qui consacreront Liamine
ZEROUAL, Président de la République. Au début du mois de janvier 1996, un
"gouvernement de transition" est mis en place et est dirigé par Ahmed OUYAHIA. Il a à
charge de mener à leur terme les réformes économiques engagées en 1988 et appuyées
depuis mars 1995 par le FMI et la Banque Mondiale.

84
Cette solution trouve vite ses limites par la décision de
création, le 15/06/1991, d'une société de capital-risque, filiale de la BEI
(Banque Européenne d'Investissement) et qui se présente comme la
garante du risque couru par les bailleurs de fonds européens.

A cette société de capital-risque, est venue s'ajouter à la


même époque une "Société Financière Algéro-Européenne de
Participation" (FINALEP) qui est destinée à favoriser le
développement du partenariat industriel entre opérateurs algériens et
européens 53.

Ce n'est donc qu' après la mise en place d'une réglementation


stricte que l'Algérie va bénéficier de la signature du IVè protocole
financier lié à l'Accord de Coopération de 1976 entre la CEE et
l'Algérie. Ce protocole financier d'un montant de 350 millions d'Ecus
54
est soumis à un certain nombre de conditions émanant de la CEE
elle-même ou de certains de ses membres. En effet, la libération de
l'aide est soumise, à, nous fier aux informations rapportées par
Europolitique, à :

- l'acceptation par l'Algérie d'entreprendre des programmes


de réformes agréés par les institutions de Bretton Woods ou mettre en
oeuvre des programmes reconnus comme analogues, en concertation
avec celles-ci, en fonction de l'ampleur et de l'efficacité des réformes au
plan macro-économique, mais pas nécessairement soutenus
financièrement par elles,

- l'étude de la situation économique du pays, et en particulier


au niveau de l'endettement et charges du service de la dette, situation
de la balance des paiements et disponibilités de devises, situation
budgétaire, situation monétaire, niveau du PIB par habitant, situation
sociale notamment niveau du chômage et enfin,

- le prêt ne doit pas servir au remboursement de la dette


privée contractée auprès des banques françaises et japonaises
(condition posée par la Grande Bretagne et l'Allemagne).

Donc compte tenu de ce rétrécissement de plus en plus


important du marché étranger des capitaux, <<la réponse apportée en

53
- Europolitique, n° 1708 du 02/10/91.
54
- 1 écu équivaut à 6 FF environ.

85
1991-92, à cette interpellation consiste, souligne H. BENISSAD, à rejeter
le rééchelonnement et à cibler (mais en vain) l'accroissement à moyen
terme, des recettes d'exportation d'hydrocarbures...>>55.
C'est dans ce cadre que l'Algérie met donc en place une
nouvelle politique énergétique en permettant, à compter de décembre
1991 (loi n° 91-21 56 sur les hydrocarbures) aux investisseurs étrangers
de s'installer en Algérie sur la base d'un partenariat avec
SONATRACH.

C'est également par ce biais qu'elle espérait éviter, du moins


différer, le rééchelonnement de sa dette, considéré par une partie de la
classe politique comme une atteinte à la souveraineté nationale.

II - L'interruption des réformes et la définition de nouveaux


instruments de résolution de la "crise" (1992-1993)

L'idée qui semble sous tendre l'interruption des réformes


entamées en 1987-88, est que l'Algérie peut selon les auteurs de cette
décision, faire face à la contrainte extérieure en inscrivant sa stratégie
de développement dans deux axes essentiels à savoir:

- l'utilisation maximale des capacités nationales pour


produire plus et importer moins,
- libérer le pays de la charge écrasante de la dette extérieure.

Dans cette optique, le "programme de travail du


gouvernement" (le PTG) 57 a été essentiellement axé sur les quatre
points suivants:

21 - Programme d'austérité et compression des importations.

Désormais seuls les biens strictement nécessaires au


fonctionnement de l'économie (biens vitaux pour la population, à
savoir l'alimentation, la santé, l'éducation, la formation et les biens

55
- H. BENISSAD: " Algérie: restructurations et réformes économiques (1979-1993),
OPU, Alger, 1994, 225 p. P 164.
56
- Loi n° 91-21 du 4/12/91 (JORA n° 63, année 1991).
57
- Il a été rendu public le 20/09/1992.

86
intermédiaires pour l'industrie, l'agriculture et le bâtiment) seront
importés.

Le programme d'austérité dont la durée a été fixée entre un


et deux ans, est aussitôt mis en application. En effet, les importations
des biens et services, après avoir connu une augmentation de quelques
510 millions de dollars en 1992 baissent de 600 millions de dollars en
1993 par rapport à 1992. Cependant, durant la même année 1993, les
exportations de marchandises et de services diminuent de 1210 millions
de dollars; ce qui a aggravé en quelque sorte la situation de la balance
des paiements.

22 - Priorité à l'investissement dans le secteur des


hydrocarbures :58

Ce programme a pour objectif d'accroître les capacités


d'exploitation et de permettre à l'Algérie de devenir le principal
fournisseur en énergie de la communauté européenne en ayant pour
visée de tripler, à moyen terme, les exportations de gaz vers cette
région. Il est prévu d'exporter en l'an 2000 quelques 100 milliards de
m3 de gaz contre 30-35 milliards de m3 en 1992 et 60 milliards environ
en 1995.

Dans le domaine des hydrocarbures, secteur assurant plus


des 9/10 des recettes d'exportation du pays, les espoirs sont placés dans
les réserves inexploitées et qui s'élevaient au 1/1/1992 à quelques 14
milliards de TEP (tonnes équivalent pétrole). Ceci correspond
globalement à 25 années de production au rythme de 1992 pour les
réserves de pétrole brut et condensat et à 35 ans de production chacun
pour le gaz naturel et le G.P.L.

58
- La politique énergétique a fait l'objet d'un débat houleux au début des années quatre
vingts entre les partisans du développement accru de ce secteur (B. Abdeslam : le
pétrole algérien) et ceux s'attachant à l'idée de préservation de cette ressource non
renouvelable et qui ont mis au point un programme appelé le plan VALHYD (
valorisation des hydrocarbures). Ils avaient comme chef de file, NABI, ministre de
l'énergie durant la phase de restructuration de l'économie en 1981-82.

87
Tab 22 : Etat des réserves pétrolières et gazières de l'Algérie
en 1992.

Réserves
Désignation en place récupérables
restantes
prouvées probables possibles initiales développé non Total
es dévelop.
Huile 106 t 8 240 163 123 2 038 844 25 869
Condensat106 861 43 28 606 353 48 401
t
Gaz 109 m3 4 496 892 565 3 401 2 357 423 2 780
G.P.L. 106 t 432 29 14 222 148 37 185
Tot 106 TEP 14 029 1 127 730 6 267 3 702 533 4 235
Source : Sonatrach, Extrait MIE p13

L'économie nationale rencontrant des difficultés en matière


financière malgré le niveau élevé de la production (33,4 millions de
tonnes par an en moyenne de 1981 à 1992) et d'exportation pétrolière
(27,2 millions de tonnes par an durant la même période), a dû miser
sur une production additionnelle, de plus en plus tournée sur le
condensat et le G.P.L. qu'elle tente de développer dans le cadre du
partenariat avec les sociétés pétrolières étrangères. Dans ce cadre, la
SONATRACH a dû signer de 1987 à 1992 quelque 29 contrats de
recherche et de prospection avec 18 sociétés étrangères : ces contrats
couvrent une superficie de 211 000 km² dont 55 800 km² de
prospection.

Nous avons noté plus haut que les contrats ont été signés de
1987 à 1992, car avant cette première date, la recherche, la prospection
et le transport terrestre étaient confiés à la SONATRACH qui, la
contrainte financière pesant de plus en plus sur l'économie du pays, se
voit désormais obligée d'associer les partenaires étrangers dans chacun
des domaines évoqués plus haut.

Aussi, les premiers partenaires qui bénéficient de la levée du


monopole sur les hydrocarbures sont-ils aussi les principaux bailleurs
de fonds du pays (voir le paragraphe III du présent chapitre).

88
Tab 23 : Etendue des périmètres pétroliers concédés aux
sociétés étrangères de 1987 à 1992 (répartition par pays)..

Pays Nbre de Nbre de Sup. totale des


sociétés périmètres périmètres
km² %
Etats-Unis 06 11 86 502 40,5
Japon 01 01 33 752 16,0
Italie 01 03 23 365 11,0
France 02 05 19 850 9,4
Canada 02 02 19 782 9.3
Algérie-Libye 01 01 8 735 4,1
Australie 01 02 7 540 3,6
Espagne 02 02 6 180 2,9
Finlande 01 01 4 822 2.3
Argentine 01 01 925 0,7
Total 18 29 211 453 100
Source : SONATRACH, Extrait MIE, p20.

La priorité accordée au développement du secteur des


hydrocarbures fut envisagée par les décideurs comme une possibilité
d'éviter, du moins de différer la mise en application accélérée des
réformes. "Le Gouvernement, lit -on dans son programme d'action de
1992 à 1996, réitère sa volonté d'éviter tout rééchelonnement. Il ne
s'interdit pas de recourir à de nouvelles opérations de "reprofilage" avec
certains de ses partenaires si les conditions peuvent en être convenables
pour les différentes parties"59

23 - Le ralentissement de l'application des réformes ou l'attente


d'une conjoncture favorable.

Cette pause permet aux responsables de faire d'une part le


bilan des réformes antérieures et d'autre part de "réhabiliter" le
secteur public en définissant une nomenclature des secteurs et
entreprises stratégiques.

Aussi la décision de ralentir l'application des réformes fût-


elle accompagnée par des changements en matière de commerce
extérieur où de nouveaux contrôles administratifs sont introduits et le
Comité interministériel ad hoc60 institué. Ce dernier a pour mission
l'arbitrage en matière de commerce extérieur et de crédit.
59
- Document de la Banque d'Algérie : "Algérie : Mémorandum d'Information
Economique, 81 pages, avril 1993.
60
- Depuis son indépendance nationale, l'Algérie a vécu sous un régime de
réglementation des changes qui a connu plusieurs étapes.

89
24 - La lutte contre l'inflation :

La quatrième mesure importante envisagée dans le cadre du


redressement de l'économie nationale est la lutte contre l'inflation. La
lutte contre l'inflation est synonyme ici de contrôle de la masse
monétaire qui doit se faire au moyen de:

- la stabilisation du taux de change extérieur (à la place du


taux de change flottant adopté antérieurement)
- la fixation de la limite supérieure du taux d'intérêt qui ne
doit pas dépasser les 20 %,
- l'augmentation contrôlée des salaires dans les
administrations et les entreprises publiques,

- l'augmentation de la productivité nationale pour stimuler


l'épargne des ménages, et enfin au moyen

- de l'augmentation des taxes (impôt sur le patrimoine, IRG,


etc...).

La politique de ralentissement de l'application des réformes


quoique n'ayant pas eu d'effets positifs immédiats sur l'économie ou
plutôt n'ayant pas échappé à la logique de la régression économique

-La première (1962-1990) se caractérise par un système de licences d'importation ou


d'exportation, qui distinguait, pour les importations : les produits libres, les produits
contingentés et les produits prohibés. Les autorisations étaient délivrées par le
Ministère du Commerce.
- La seconde a duré prés de vingt ans (1970-1988) et se caractérise par l'instauration,
en 1970,du programme général d'importation et des Autorisations Globales
d'Importation (AGI). L'obtention de l'AGi dépendait de l'accord de l'entreprise de
tutelle ou de celui du Ministère du Plan : les importations du secteur privé étant
toujours soumises au régime des licences.
- La troisième phase démarre en 1988 avec l'adoption des budgets devises et des plans
de financement : l'allocation de devises se faisant sur la base d'un programme général
du commerce extérieur et les autorisations d'importation au profit du secteur privé
relevaient désormais de la Chambre de Commerce.
- La quatrième phase, demarrant en 1990, abolit en matière de réglementation, la
distinction entre secteur public et secteur privé. Cependant, le programme de travail du
gouvernement de 1992 (B. Abdeslam) a intoduit un système de taux de change
multiples, système devant privilégier l'allocation de devises en faveur des catégories
d'importation jugées prioritaires et ce, dans l'objectif de modifier progressivement la
structure de l'endettement du pays et de contribuer à l'amélioration des équilibres
financiers extérieurs.

90
déclenchée en 1986, a, quand même, contribué, comme nous le verrons
plus loin, à la définition dans une situation de confusion générale du
rôle et de la place du secteur public dans l'économie nationale.

En effet c'est grâce en partie au frein mis aux réformes donc


à l'idée d'une privatisation sans limite du secteur public qu'une
méthodologie et un consensus entre les opérateurs nationaux et les
bailleurs de fonds étrangers semblent être trouvés et approuvés durant
la période ultime du programme d'ajustement structurel.

Ainsi, quoique fortement critiquée à cette époque, la politique


d'interruption momentanée des réformes a permis de donner un
nouveau tournant à ces mêmes réformes qui, au début de l'année 1994,
vont subir une accélération dans le cadre du troisième accord stand by.

III- L'accord Stand by et la reprise des réformes


(1994-1995):

Comme pour les deux accords "Stand by61 " précédents (30-
5-89 et 3-6-91), l'accord stand by du 14/4/94, avait pour objectif "de
procurer des ressources financières à l'Algérie et de remédier à la
position, inconfortable, du pays sur le marché international des capitaux
" 62. Il est considéré comme "le rééchelonnement de la dernière chance"
63
.

Les accords " Stand by" sont, pour les caractériser, un appui
du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes structurelles et au
programme de la stabilisation de l'économie algérienne. D'une façon
générale, ces accords consistent dans l'apport de "capitaux de
sauvetage", de liquidités, au profit des économies en situation
d'extrêmes difficultés de financement et de rupture de paiement
international. C'est, pour les caractériser encore, une opération de
sauvetage financier international parrainée par la Banque Mondiale et
le FMI qui tentent de regrouper quelques fonds mais aussi les bailleurs
de fonds eux-mêmes qui doivent décider d'un plan de financement à

61
- Le groupe de mots stand by voudrait dire "attendre", "observer"
62
- H. BENISSAD: Restructurations et réformes, op cité, p 140.
63
- C'est le titre même de la "Lettre Afrique Expansion", n° 414-415 du 31/7 au 7/8/95.

91
moyen terme négocié mais aussi des grands axes de la politique
économique du pays en faillite.

Dans ce sens, l'objet de ce paragraphe est de tenter de


présenter le contenu des accords de rééchelonnement qui lient l’Algérie
aux institutions de Bretton Woods et aux bailleurs de fonds.

31- L'appui du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes


(accords stand by de 1989 et de 1992) :

Le programme algérien de stabilisation économique et des


réformes structurelles bénéficie de l'appui financier du FMI et de la
Banque Mondiale 64.

En termes financiers, le premier accord Stand by dit " Plan


de Facilités" accordé par le FMI s'est élevé à un montant de 417
millions de DTS (environ 600 millions de dollars). Il fut approuvé en
1989.

Le second accord, d'un montant de 300 millions de DTS, a


démarré en mars 1992 mais approuvé en juin 1991. A cause des
mauvaises performances réalisées en 1993, le second accord fût
accompagné d'un programme supplémentaire de 75 millions de DTS.
En termes physiques, l'appui de la Banque Mondiale et du
FMI aux réformes algériennes consiste d'une part dans le financement
des " projets d'investissement" et d'autre part dans l'ajustement des
emprunts".

Les emprunts à l'investissement portent essentiellement sur le


développement des "infrastructures économiques", de l'agriculture et
des " secteurs sociaux". Dans ce cadre, quelques 26 projets
d'investissement d'un montant global de 1,9 milliards de dollars ont été
approuvés entre février 1987 et février 1993.

Ces projets sont co-financés par EXIMBANK des Etats-Unis


pour un montant de 200 millions de $ et par la BIE (Banque
d'Investissement Européenne) pour un montant de 100 millions de $.

64
- Les informations contenues dans ce paragraphe ont été recueillies, en grande partie,
dans le dossier 1.2.4 " Situation monétaire et financière de l'Algérie, CFCE ( Centre
Français du Commerce Extérieur).

92
D'un autre côté et en matière de soutien aux réformes,
l'EXIMBANK avait mis à la disposition de l'économie algérienne un
prêt de 300 millions de $ dénommé "Prêt pour l'Appui à la Réforme
Economique", approuvé en août 1989 et clos en septembre 1992.

Ce prêt fût suivi d'un autre et dénommé " prêt pour la


réforme des Entreprises et du Secteur Financier": son montant est de
350 millions de $. Il a été approuvé en juin 1991 et co-financé à
concurrence de 300 millions de $ par l'EXIMBANK.

En somme l'Algérie a pu mobiliser, grâce à l'appui du FMI et


de la Banque Mondiale aux réformes économiques, plus de quatre
milliards de dollars de 1989 à 1994, soit 780 millions de $ en moyenne
par année.

Tab 24: Montant des crédits accordés à l'Algérie dans le cadre


de l'appui du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes (1989 à 1994).

Année 1989 1990 1991 1992 1993 1994 Total


Mt 106 $ 619 670 995 795 471 1 159 4 709
Source : BM, Extrait de WBB, 1996, p6.

Ces deux premiers accords stand by devaient déboucher selon


les négociations mêmes entre le FMI et la Banque Mondiale d'une part
et l'Algérie d'autre part, au rééchelonnement de la dette publique
algérienne et ensuite à l'approfondissement des réformes.

Mais comme nous l'avons vu plus haut, les réformes


structurelles ont été momentanément interrompues entre 1992 et 1993
et la reprise des négociations entre les deux entités précitées lient
l’Algérie en 1993 pour déboucher en 1994 sur un troisième accord
stand by.

D'une durée de douze mois, le dernier accord stand by -signé


le 14/4/1994, couvrant la période allant du mois d'avril 1994 au mois de
mars 1995 et impulsé par les mêmes causes que celles des deux
précédents, à savoir la situation de quasi-cessation de paiements
extérieurs de l'Algérie- soumet l'économie nationale à des règles de
gestion rigoureuses qui semblent être une réponse directe à la politique
d'interruption des réformes.

En quoi consiste donc l'accord stand by de 1994?

93
C'est, pour le qualifier, le premier accord de
rééchelonnement de la dette publique algérienne.

Il est utile à cet effet de tenter de savoir:


- pourquoi le rééchelonnement?
- quelles sont les parties concernées par le rééchelonnement?
- quels sont les avantages et les conditions du
rééchelonnement?

32- Le rééchelonnement de la dette?

En plus du fait que les bailleurs de fonds sont dans leurs


droits de récupérer les capitaux octroyés à l'économie algérienne (ou à
toute autre économie), les causes immédiates du rééchelonnement de la
dette publique algérienne en 1994, sont au moins au nombre de deux.

321- Nature de la dette:

La dette extérieure de l'Algérie, évaluée, comme nous l'avons


souligné dans le chapitre relatif aux causes et explications de la crise et
notamment dans le paragraphe portant "le poids de la dette
extérieure", entre 26 et 32 milliards de dollars, est essentiellement
publique (voir paragraphe 2.2.2 , chap III). Autrement dit ce sont des
prêts faits au gouvernement algérien donc garantis par lui. C'est
pourquoi on parle alors de rééchelonnement de la dette publique et
c'est pourquoi les autorités algériennes ont toujours eu un sentiment
d'appréhension vis à vis du rééchelonnement qui tend à dicter une
politique économique à ce même gouvernement.

Le rééchelonnement, longtemps évité, est considéré par une


partie de la classe politique, notamment par les iniateurs même de la
réforme, comme une atteinte à la souveraineté nationale.

On soulignera à titre de rappel que la dette à long terme de


l'Algérie qui est rigoureusement égale à la dette publique garantie a
représenté 94,6% de la dette totale de l'Algérie en 1987 , 93,7% en
1992 et 94 % en 1994.

On notera également que les principaux créanciers publics de


l'Algérie sont la France, les USA et l'Italie.

94
322- Maturité de la dette :

Alors que l'Algérie avait devant elle, 9,3 ans en moyenne


pour le paiement de l'ensemble de ses engagements en 1986, elle n'avait
plus que 3,5 ans seulement en 1989 et 70% de l'encours total de la dette
arrive à échéance entre 1990 et 1993. En juillet 1991 déjà, les réserves
de devises ne représentent plus qu'un mois environ d'importation.

La situation financière extérieure de l'Algérie, jugée


catastrophique, est donc due à la maturité de la dette dont les
remboursements (principal et intérêts) dépassent les 8 milliards de
dollars annuellement de 1990 à 1994.

Tab 25: Evolution du service de la dette à long terme (en


millions de dollars).

Année Principal Intérêts Total Année Principal Intérêts Total


1987 3 806 1 565 5 371 1995 5 785 1 433 7 218
1988 4 563 1 681 6 244 1996 5 439 1 250 6 689
1989 5 088 1 767 6 855 1997 3 473 1 004 4 477
1990 6 741 1 788 8 259 1998 2 798 831 3 629
1991 7 092 1 803 8 895 1999 2 219 687 2 906
1992 6 951 1 891 8 842 2000 1 934 566 2 500
1993 - - - 2001 1 561 460 2 021
1994 6 701 1 537 8 238 2002 996 380 1 376
Source: Revue Maghreb Sélection de 1987 à 1992, n° 765
du 20/1/94 de 1994 à fin 2002 n° 386 du 31/7/1995

33 -Les négociations avec les bailleurs de fonds :

Les créanciers de l'Algérie se subdivisent en deux groupes:


les créanciers privés ou commerciaux regroupés dans le "Club de
Londres" et les créanciers publics regroupés dans le "Club de Paris".
Compte tenu de la nature de la dette à long terme de l'Algérie, le "club
de Paris" est, en termes de pouvoir de négociation, celui qui est à
même d'amener un pays donné à changer d'orientation à sa politique
économique.

En effet, pour être éligible au "Club de Paris" faudrait-il être


d'une part un pays débiteur présentant l'imminence d'un défaut de
paiement et accepter d'autre part l'adoption d'un programme d'ajustement
économique sous l'égide du FMI.

95
Le Club de Paris, ayant siégé pour la première fois en 1956
pour l'Argentine, est une "structure mouvante" dont la présidence a
toujours été cependant assurée par le Directeur du Trésor français et
le Secrétariat par le Services des Affaires internationales du Trésor
français depuis plus de vingt ans (1974).

Les participants au Club de Paris sont les créanciers, les


représentants du ministère des Finances ou des Affaires étrangères de
chaque gouvernement, des observateurs des agences de crédit à
l'exportation ainsi que des observateurs des organisations
internationales (FMI, Banque Mondiale, OCDE et CNUCED) et de
banques régionales s'il y a lieu. Côté débiteur, la délégation, composée
de hauts fonctionnaires tels que le gouverneur de la Banque Centrale,
est conduite généralement par le ministre des Finances.

Le "Club de Londres" regroupe quant à lui les banques


créancières du pays débiteur et rééchelonne à ce titre sa dette
commerciale bancaire non garantie par les gouvernements des pays
créanciers.

Loin d'être isolés, le Club de Paris, le Club de Londres et le


FMI entretiennent d'étroites relations de coopération. Evoquant
l'interdépendance qui existe entre ces trois institutions, Ann VOURC'
H écrit :" Le lien avec le FMI est direct, dans la mesure où tout accord
au Club de Paris est conditionnel à un accord FMI, et que
réciproquement le FMI ne négocie un accord avec le débiteur que ci
celui-ci est en voie de régulariser sa situation auprès de ses créanciers
bilatéraux. Cette conditionnalité s'applique toujours strictement. La
signature d'un accord au Club de Paris constitue donc une étape
nécessaire à l'établissement de bonnes relations avec la communauté
financière internationale...
Il existe également, poursuit Ann VOURC' H, un lien entre le
Club de Paris et le Club de Londres. Tout d'abord, les procès verbaux
agréés au Club de Paris incluent une clause de compatibilité de
traitement avec les autres créanciers, qui stipule que le pays débiteur doit
négocier avec le Club de Londres, entre autres, un traitement en rapport
avec celui qu'il a obtenu au Club de Paris...En fait le lien avec le Club de
Londres transite principalement par le FMI. Les banques exigent en
général du pays débiteur qui leur demande un rééchelonnement qu'il soit
en bonne relation avec le FMI, et qu'en particulier il ait négocié un
accord avec lui"65 .

65
- Ann VOURC'H, op citée, p29.

96
Ainsi, il ressort clairement de cette longue citation que le
rééchelonnement ne peut être assimilé, comme tendent à le faire croire
les autorités algériennes, à une simple opération de reprofilage de la
dette auprès des créanciers pris individuellement mais comme un
constat de faillite financière que font les bailleurs de fonds publics et
privés à un moment donné en rapport à un pays débiteur donné qui
perd nécessairement son autonomie et qui se soumet à des
changements de politique économique "négociés" avec le FMI et la
Banque Mondiale.

331 - Le Club de Paris : (31/5 et 1/6/94)

Le Club de Paris ne rééchelonne jamais, contrairement à la


croyance dominante, le stock de la dette. Il diffère simplement les
échéances à venir sur cette dette, pendant une certaine période appelée
période de consolidation qui dure généralement 12 à 18 mois, ce qui
correspond à la maturité des prêts FMI. De même, le rééchelonnement
ne concerne que les crédits octroyés avant la date de sa tenue et qui
peuvent être :
- des échéances à venir sur les dettes définies précédemment
(période de consolidation),
- des échéances issues de précédents rééchelonnements de ces
dettes,
- des arriérés de ces dettes.

S'agissant de l'Algérie et des négociations qu'elle a effectuées


au sein du Club de Paris, on doit relever que ses créanciers sont
nombreux. Les principaux créanciers publics, seize au total, ayant
assisté à ces négociations sont les représentants des gouvernements
d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, du Canada, du Danemark,
d'Espagne, des Etats-Unis, de Finlande, de France, d'Italie, du Japon,
de Norvège, des Pays Bas, du Portugal, de Suède et de Suisse. Les
principaux créanciers sont, pour mémoire la France, les Etats-Unis et
l'Italie.

L'objet de l'accord a porté sur le rééchelonnement de la dette


publique d'un montant variant, selon les sources, de 7,5 à 7,9 milliards
de dollars et couvrant la période allant de mai 1995 au 31/05/1998. Au
terme de cet accord, la dette rééchelonnée est payable en 15 ans.

97
Dans le même sens l'Algérie avait obtenu en juin 1994, c'est-
à-dire deux mois après l'entrée en vigueur du troisième accord Stand
by, un réaménagement de sa dette d'un montant de 5 milliards de
dollars : les remboursements sont étalés jusqu'en l'an 2009.

La structure de la dette publique algérienne se présentait


comme suit aux trois dates respectives de négociations avec le FMI
dont les deux premières n'avaient pas donné lieu, à cause des
réticences des autorités algériennes, à des accords de rééchelonnement.

Tab 26 : Structure de la dette publique algérienne en 1989 et


1994.

Désignation 1989 1994


Dette totale 24 629
Dette publique garantie 24 629
Dette gouvernementale 4 730
dont multilatérale 1 610 3 315
bilatérale 3 120 7 537
Dette commerciale 19 899
dont Banques 1 347 5 402
Autres créanciers 18 552 11 849
Dette BIRD 960
Source : BM, extrait de WBB, 1996, p7.

Comme il ressort du tableau précédent, l'année 1994 est une


date favorable au rééchelonnement. C'est une date propice pour
l'ensemble des créanciers, qu'ils soient publics ou privés. L'évolution
de la structure de cette dette, la maturité des crédits ne donne plus le
choix d'une fuite en avant aux autorités algériennes. L'analyse de ce
tableau montre en effet que :

- la dette octroyée à l'Etat prend de l'ampleur dans le temps :


elle a plus que doublé entre 1989 et 1994 et représente 40 % environ de
la dette publique garantie en 1994 contre 20 % seulement en 1989
(l'étau se resserre sur les autorités publiques);

- la dette publique bilatérale (de gouvernement à


gouvernement) demeure aussi importante en 1994 (69 % de la dette
gouvernementale) qu'en 1989 (67 %) : autrement dit, des pressions,
voire des ingérences extérieures deviennent tout à fait possibles et
même inévitables, et enfin,

- les banques commerciales sont en position plus confortable


puisque leur part dans la dette commerciale s'élève à 31 % en 1994
contre 7 % en 1989. Ceci peut plaider en faveur d'une libéralisation

98
commerciale de plus en plus importante et le refus des autorités ne
peut conduire qu'à une plus grande paralysie de l'économie, c'est-à-
dire à l'accentuation de la récession économique.

Au total, les négociations au sein du Club de Paris ayant


conduit, après l'acception par les autorités algériennes à mettre en
place un programme d'ajustement structurel sous l'égide du FMI
après la période d'observation d'une année, au rééchelonnement de la
dette publique ouvrent la voie aux négociations de rééchelonnement et
d'obtention de nouveaux crédits auprès des banques commerciales et
autres bailleurs de fonds réunis au sein du Club de Londres.

332- Le Club de Londres (12.5.95)

Les négociations du club de Londres ont porté sur le


rééchelonnement de la dette privée ou "dette commerciale" parvenue à
maturité et estimée à 4,7 milliards de $.

Elle est essentiellement due aux banques commerciales


suivantes:

- la Sakura Bank (Japon), l'Arab Banking Corporation, la


Chase Manhattan Bank (USA), la Long Crédit Bank of Japon, l'Union
des Banques arabes et françaises (UBAF) et la Japon Leasing
Corporation.

S'agissant du contenu des accords intervenus au Club de


Londres, il faut relever que ceux-ci dispensent l'Algérie de payer ses
échéances jusqu'en 1998 ou l'an 2000, selon les créances concernées, et
étalent ensuite sur 5 à 10 ans les remboursements. Ces accords portent
sur :

- la dette ayant déjà fait l'objet de refinancement en 1992-93


soit 1,1 milliard de $, et
- le solde de la dette commerciale soit 2,1 milliards de $.

De même l'accord de principe couvre les échéances qui


étaient payables entre le 1/3/1994 et le 31/12/1997. Pour la dette qui
n'avait pas fait l'objet de refinancement, le pays ne reprendra ses
paiements qu'en l'an 2000: ils s'échelonnent sur dix ans, soit jusqu'à
2010.

99
34- Le rééchelonnement : avantages et conditions.

Les négociations de rééchelonnement de la dette publique


algérienne, qui ont eu lieu au sein du Club de Paris les 31 mai et 1 juin
1994 sont considérés comme bénéfiques avant tout à l'Algérie. Elles
sont qualifiées dans les milieux financiers spécialisés comme<< un
succès algérien>>66.

Lors de ces négociations, l'Algérie avait demandé d'emblée,


d'une part l'annulation de sa dette publique (plus de 6,5 milliards de
dollars) envers la CEE 67 de même qu'elle avait formulé le voeu de
mettre en place un partenariat algéro-européen destiné à évoluer, tout
comme pour le Maroc et la Tunisie, en zone de libre échange 68

D'autre part, elle avait exprimé le désir de bénéficier, lors de


ces négociations, des "Termes de Houston" qui s'appliquent aux pays à
revenus intermédiaires de la tranche inférieure lourdement endettés
c'est-à-dire ceux dont, à l'occasion du rééchelonnement de leurs dettes,
ont un PNB par tête inférieur à 1250 $.

L'Algérie dont le PNB par tête s'élevait, au moment des


négociations, à 1900 dollars, n'a pas bénéficié, contrairement au
Maroc par exemple ou à l'Egypte ou encore à la Pologne69, de cet

66
- Revue Marchés Tropicaux, n° 1159 du 10/06/1994.
67
- Les négociateurs algériens en agissant ainsi cherchaient à déplacer l'objet des
débats qu'ils ne voulaient circonscrire au seul domaine financier. Pour eux, l'aspect
financier n'est qu'une infime partie des avantages que peut offrir une coopération
économique algéro-européenne. Les Européens, quoique partiellement sensibles à cette
proposition qui consolide leur projet d'intégration euro-méditerranéenne, ne sont pas
les seuls partenaires, c'est-à-dire les seuls créanciers de l'Algérie. Cette proposition
pouvait être analysée comme une stratégie de recul et de fuite en avant.
68
- Cette proposition de l'Algérie, venant à contre courant de sa politique antérieure de
désintéressement total de la ZLE mise en place par la CEE, rend compte d'une certaine
façon de la nouvelle volonté politique de ce pays à rompre définitivement avec le
système de planification c'est-à-dire avec le développement socialiste. Il s'agit d'un
constat d'échec qui a été compris comme tel par les interlocuteurs européens qui
semblent attacher peu de crédit à cette proposition : "L'Algérie, faisaient remarquer
alors les députés européens, est un animal difficle à prendre" (tiré de Europolitique du
03/10/1995).
69
- Au printemps 1991, la Pologne puis l'Egypte ont obtenu un allégement de leur
charge actualisée de la dette d'environ 50 %. L'objectif affiché était de leur fournir un

100
avantage. L'Algérie qui avait, malgré les deux accords Stand by qui la
liait depuis 1989 au FMI, accords par lesquels elle avait obtenu des
facilités de paiement, pouvait figurer, selon le classement établi alors
par le Club de Paris, sur la liste des "mauvais débiteurs"70.

Mais la stratégie développée par l'Algérie lors de ces


négociations lui a permis de tirer, quand même, quelques avantages.

341 - Les avantages du rééchelonnement :

Ils sont au nombre de deux au moins, soit :

- le report de la date limite et l'étalement des


remboursements dans le temps (cut of date) c'est-à-dire sur une
période de 15 ans.

Dans le court et moyen termes, le rééchelonnement a permis


à l'Algérie de réduire progressivement, de 1995 à 2002, le service de sa
dette extérieure qui doit passer de 7,218 milliards de $ en 1995 à 3,629
milliards de $ en 1998 et à 1,376 milliards de $ en 2002 (voir plus haut
le tableau relatif au remboursement de la dette).

L'allégement des remboursements extérieurs doit permettre


en principe à l'économie nationale de se consolider durant les années à
venir et donc de mieux affronter le problème de la dette à l'avenir;

allégement de dette tel qu'ils ne devraient plus avoir à recourir à de nouveaux


rééchelonnements auprés du Club de Paris. L'ensemble du stock de leur dette a été
consolidé, soient 30 milliards de $ pour la Pologne et 21 milliards de $ pour l'Egypte.
Grâce aux avantages accordés à ces deux pays (annulation d'une partie de la dette,
réduction du taux d'intérêt, report d'une partie des paiements d'intérêt), l'élément-don
représente entre 50 et 55 % du stock de leur dette initiale soit un équivalent-don
supérieur à 25,5 milliards de $.
70
- Dans le traitement de la question de rééchelonnement, le Club de Paris distingue
quatre cas de débiteurs selon qu'ils honorent ou pas leurs engagements vis à vis des
créanciers et selon qu'ils sont en situation économique plus ou moins confortable. Ces
deux critères, quantifiés par deux ratios (service de la dette versé/service de la dette dû
et service de la dette / stock de la dette ) permettent de définir quatre axes en matière de
rééchelonnement. Il s'agit pour les énumérer des :
-rééchelonnements non systématiques à de "bons débiteurs"(le Togo par exemple),
-rééchelonnements systèmatiques à de "bons débiteurs" (le Sénégal),
- rééchelonnements non systèmatiques à de "mauvais débiteurs"(Mali, Tanzanie) et
enfin,
-rééchelonnements systèmatiques à des "mauvais débiteurs"(Zaire, Madagascar,etc...)

101
- le second avantage tiré du rééchelonnement de la dette
extérieure est le renflouement de l'économie de nouveaux capitaux qui
lui permettront des financements à court terme.

En ajoutant, en effet, aux financements procurés par le FMI


(programme annuel Stand by avril 94-mars 95 et facilité de
financement compensatoire) d'un montant de 1 milliard de dollars,
aux aides promises par l'Union Européenne (politique euro
méditerranéenne), la Banque Mondiale, la Banque Africaine de
Développement et la France soit en tout, un (01) milliard de dollars, le
rééchelonnement de la dette permet à l'Algérie de bénéficier d'un
apport global de 8 milliards de $.

Même modeste comparativement aux besoins de


financements de l'Algérie durant les trois prochaines années, besoins
évalués à plus de 25 milliards de dollars, l'apport global procuré par le
rééchelonnement permet de couvrir, si les crédits sont octroyés à
temps, 80% environ des besoins d'importation du pays.

Mais comme nous l'avons déjà souligné, le rééchelonnement


de la dette vise, tout en procurant des capitaux à l'économie, la relance
de cette dernière. C'est pourquoi, il fut assorti de conditionnalités.

342 - Les conditionnalités du rééchelonnement

Les accords de rééchelonnement avec le FMI qui sont


intervenus, comme déjà souligné, après la rupture des réformes
entamées en 1988, exigent de l'Algérie de se lancer à nouveau dans une
<<
une série de réformes qui doivent instaurer peu à peu une économie de
marché: dévaluation du dinar, qui a perdu plus de 50% depuis avril,
démantèlement du monopole d'Etat sur le commerce extérieur et
suppression des subventions aux produits de première nécessité>>71.

Concrètement, les conditionnalités du rééchelonnement, au


nombre de six et portant sur la politique monétaire et des changes ainsi
que sur la poursuite de la libéralisation du commerce extérieur et des
prix intérieurs, concerne les points suivants:
* En matière de monnaie et de crédit, l'objectif est de
parvenir à des taux d'intérêt réels positifs en dehors des prêts destinés
à l'acquisition de logements qui, eux, sont bonifiés.

71
- Revue Marchés Tropicaux, n° 1159 du 10/06/1994.

102
* En matière de libéralisation du commerce extérieur, il est
prévu de revenir aux décisions prises auparavant par l' "équipe des
réformateurs" soit l'instauration du marché interbancaire, la
convertibilité du dinar qui doit être progressivement introduite pour
les transactions courantes.

* En matière de libéralisation des prix, les prix administrés


devraient se rapprocher des prix du marché et les subventions aux
produits énergétiques et alimentaires seront totalement supprimées.

* En matière fiscale, il s'agira d'étendre le champ de la TVA


et de réduire les exonérations, de revoir les tarifs douaniers et de
mettre un système d'identification par numéro. Du côté des dépenses
budgétaires, la réforme de la fonction publique devrait se traduire par
l'élimination progressive des sureffectifs, de façon à réduire la masse
salariale et de dégager des financements pour l'investissement public.

* En matière de réforme du système bancaire et financier, le


développement du marché monétaire sera poursuivi et la création d'un
véritable marché de capitaux lancée : des banques privées seront mises
en place.
* Enfin en matière de réforme des entreprises publiques et
d'aide au développement du secteur privé, la liquidation des EPL
déficitaires sera achevée et les autres EPE seront assainies en vue de
leur passage à l'autonomie et / ou à l'ouverture de leur capital.

En définitive, le rééchelonnement de la dette et la poursuite


des réformes qui font désormais l'objet de six revues semestrielles ( ce
qui veut dire que le soutien du FMI peut, en fait, être suspendu à tout
moment), vont se traduire, selon les prévisions de la Banque Mondiale
et du FMI, par une croissance réelle de l'économie entre 1995-96 et
1997-98.

Tab 27 : Principaux indicateurs des programmes du FMI

Indicateurs 1993 94-95 94-95 Prévisions


Réalisé Prévu Réalisé 95-96 96-97 97-98
Croissance réelle ( en % ) -2 5 1,1 5,3 6,7 4,2
Indice des prix ( en % ) 16,1 22,2 35,1 10,3 7,8 5,7
Solde des paiements courants
(en % du PIB) 1,6 -6,8 -6,9 -5,7 -2,7 -2,2
Solde du budget global ( en % du -8,7 -3,3 -2,8 -1,3 1,1 2,6
PIB )
Sources : divers n° du Quotidien El Watan,

103
Comme il ressort de ce tableau, la résorption de la contrainte
financière (extérieure) qui a été en partie à l'origine de la récession de
l'économie algérienne, permettrait dans les années à venir une reprise
de la croissance économique. Celle-ci s'élèverait à 5,3% en 1995-96, à
6,7% en 1996-97 et à 4,2% en 1997-98. L'inflation, quant à elle, serait
de moins en moins importante puisque l'indice général des prix
n'augmenterait que de 10,3% en 1995-96, de 7,8% en 1996-97 et de
5,7% en 1997-98. Que dire du solde du budget qui deviendrait, lui
aussi, positif à compter de 1996-97 (+1,1%) et 2,6% en 1997-98?

Il faut cependant souligner qu'il ne s'agit ici que de


prévisions. En effet, lorsque les prévisions du FMI tablaient sur une
croissance réelle de 5% en 1994-95, il n'a été réalisé que 1,1%, de
même que l'indice général des prix a augmenté de 35,1% contre les
22,2% prévus...

En définitive doit-on considérer ces écarts comme le résultat


de la difficile reprise de la croissance après l'interruption, durant près
de trois ans, des réformes ou doivent-ils ( les écarts ) être tout
simplement considérés comme les aléas de l'économie de marché
dépendante?

104
Conclusion :

La présentation des étapes de l'Ajustement structurel en


Algérie nous a permis de constater que celui-ci a connu trois phases.
La première, ou phase de pré ajustement, se caractérise par
l'enthousiasme qu'avaient les autorités du pays à réformer l'économie,
particulièrement publique. Cette phase se caractérise par une
production féconde de textes juridiques et réglementaires.
La seconde est celle du désir de renoncement à la réforme
mais aussi celle des efforts de redynamisation du secteur public. Les
objectifs, étant contradictoires avec ceux définis antérieurement avec
les institutions financières internationales, se soldent par une
"asphyxie" de l'économie nationale, qui ne trouve plus de capitaux et
de financement extérieurs. C'est ainsi qu'intervient la phase ultime des
réformes, l'Ajustement structurel n'est plus un choix autonome, mais
une contrainte imposée par les puissances financières extérieures.

La troisième phase, celle de l'application effective du PAS et


de l'accélération de la mise en application des réformes, est assortie de
conditionnalités. Cela signifie que les bailleurs de fonds peuvent, par le
biais du FMI et de la BM, retirer leur soutien financier à l'Algérie, s'il
est estimé que celle-ci s'écarte des objectifs d'ajustement qui lui sont
recommandés. Aussi pour permettre à ces bailleurs de fonds de
prendre connaissance à tout moment de l'évolution globale de
l'économie, est-il prévu l'établissement de bilans semestriels qui
laissent peu de liberté d'action aux responsables.

C'est ce qui nous amène à présenter dans le chapitre qui suit


le contenu du programme de stabilisation macro-économique et des
réformes structurelles de l'économie algérienne.

105
Chapitre V - Contenu du Programme de Stabilisation
Macroéconomique et des réformes structurelles.

Dans le chapitre (IV) précédent, nous avons tenté de retracer,


en définissant leur contenu, les principales étapes de l'Ajustement
Structurel en Algérie. Celles-ci sont comme nous l'avons montré, au
nombre de trois, à savoir:

- la phase d'ajustement "autonome" (1988-1992), étape durant


laquelle furent élaborés les principaux textes juridiques réglementant
le passage du système de planification à l'économie de marché,

- la phase d'interruption des réformes et de désir de


"réhabilitation" du secteur public (1993-1994), étape durant laquelle
les responsables ont tenté de définir le rôle et la place du secteur public
dans l'économie de marché, et enfin

- la phase d'ajustement conditionnel (1994-1998), étape se


caractérisant par un appui conséquent des institutions de Bretton
Woods aux réformes de l'économie algérienne.

La présentation du Programme d'Ajustement Structurel sous


son angle chronologique s'attache par définition à l'évolution des
événements et idées sur lesquels reposent ce programme.

Dans ce sens, l'objet du présent chapitre est, pour avoir une


idée exhaustive sur le PAS en Algérie, de présenter les principaux
instruments de ce dernier. Autrement dit, il s'agira pour nous de
présenter de façon synthétique les deux principaux volets de ce
programme.

En effet, les actions de réforme et d'ajustement de l'économie


algérienne s'inscrivent depuis 1987-88 dans deux directions distinctes
mais complémentaires:

- les mesures de réforme macro-économiques incluses dans le


programme appelé "le programme de stabilisation économique
globale", en abrégé le PSEG, et
- les mesures de réforme structurelle portant sur les secteurs de
l'économie. De ce point de vue, les réformes structurelles sont au
nombre de cinq, à savoir:

106
- la réforme des entreprises ou encore du secteur industriel,
- la réforme du secteur agricole,
- la réforme du secteur financier et bancaire,
la réforme du secteur commercial considéré dans ses deux
branches, le commerce intérieur et le commerce extérieur, et enfin
- la réforme du secteur social (marché du travail, assurances et
sécurité sociale, etc.)

Compte tenu de l'ampleur et de l'importance de ces réformes


qui nécessitent certainement pour leur conceptualisation plusieurs
efforts de recherche et compte tenu également de la faible quantité de
travaux spécialisés produits sur ce sujet, notre recherche se trouve
nécessairement altérée.

En effet, l'évolution contradictoire des idées et décisions


relatives à la réforme de l'économie d'une part, la mise en application
récente du PAS et donc l'absence de bilans indicatifs, rendent
nécessairement sommaire toute tentative de recherche approfondie.

Aussi pour remédier à cette insuffisance, tenterons-nous de


présenter, de façon plus détaillée dans la seconde partie de ce travail,
les résultats, mêmes partiels, de la réforme du secteur agricole.

Pour l'instant, nous tenterons de présenter le programme de la


réforme économique.

I- Contenu du Programme de Stabilisation Economique


Globale :

Le programme de la réforme macro-économique (PRME) ou


encore le programme de stabilisation économique globale (PSEG)
poursuit deux objectifs fondamentaux complémentaires.

Le premier est d'ordre institutionnel et "consiste dans le


passage du système de planification centralisé à l'économie de marché"
72
. En conformité avec l'idéologie dominante, idéologie confortée depuis
l'éclatement du bloc de l'Est, l'Algérie se met à jour, elle aussi, et
change d'option politique et idéologique : le capitalisme,
communément appelé l'économie de marché, devient le mode

72
- Banque Mondiale, Rapport sur l'Algérie, 1994.

107
d'organisation officielle, économique et sociale de ce pays 73 et c'est à
cette condition que les institutions de Bretton Woods appuient les
réformes de l'économie algérienne.

Le second objectif est d'ordre économique. Globalement, il


consiste comme il ressort des négociations avec les Clubs de Paris et de
Londres, dans la mobilisation, à moyen et long terme, de ressources au
profit de l'économie en général et des secteurs productifs en particulier
et à des conditions de prix compétitifs pour permettre à l'économie
nationale de s'insérer dans le marché mondial et d'en tirer avantage 74.

Dans ce cadre, le programme de stabilisation macro-


économique mis en place par l'Algérie et appuyé, comme nous l'avons
vu dans le chapitre précédent, par la Banque Mondiale et le FMI,
comprend plusieurs séries de mesures se distinguant, les unes des
autres, par leur terme ou durée.

11: Les objectifs de long terme :

Ils comprennent trois séries de mesures. Ce sont:

111 - la correction des prix

73
- A vrai dire, le régime algérien, régime populiste, n'a jamais été de nature socialiste
comme cela fut le cas dans les pays de l'Est: l'existence d'un secteur privé important
depuis la promulgation, en 1966-67, du code des investissements, la présence du culte,
de la culture et de l'idéologie musulmanes, voire islamistes dans la société et dans les
sphères du pouvoir sont la preuve incontestée de la volonté politique du pouvoir à ne
pas abolir la propiété privée, qui est l'anti-thèse de la pensée socialiste. Dans ce cadre,
le pouvoir s'est toujours affirmé d'un "socialisme spécifique".

Quant au mode d'organisation économique, bien des confusions ont été faites entre les
concepts d'économie étatique et d'économie socialiste. Mais cette confusion théorique a
été levée à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts, par
plusieurs universitaires dont notamment:

- Tahar BENHOURIA: l'économie de l'Algérie, Ed F. MASPERO, Paris, 1980.


- JACQUEMOT et RAFFINOT: le capitalisme d'Etat algérien, Ed F. MASPERO, Paris,
1977.
74
- C'est le fondement même des nouvelles théories du commerce international
desquelles s'inspirent les doctrines de la BM et du FMI

108
La correction des prix porte sur la réduction des écarts entre les
prix administrés et les prix de marché. Dans le même sens, le PSEG de
long terme prévoit la suppression totale des subventions accordées à
l'alimentation et aux intrants agricoles et industriels.

112 - l'élimination progressive du secteur public économique,

Elle porte dans un premier temps sur la suppression du


financement à fonds perdus des entreprises publiques par le Trésor :
les ressources financières qui en seront dégagées se verront allouées à
la production et à l'investissement privé.

113 - l’attraction du capital étranger.

Les instruments juridiques élaborés à cet effet ainsi que les


changements institutionnels imposés à la gestion globale de l'économie
(suppression du monopole étatique sur le commerce extérieur,
exonération des importations) devraient se traduire par l'attrait des
capitaux étrangers et particulièrement l'investissement direct. Mais on
doit faire remarquer dans ce sens que l'investissement direct étranger
en Algérie a enregistré durant les dix dernières années des taux de
croissance négatifs.

L'économie algérienne, contrairement aux pays qui ont


bénéficié d'une relative stabilité politique et sociale, a enregistré un
manque à gagner important en matière d'investissement direct
étranger durant les quinze dernières années.

En effet, ce dernier se serait élevé à moins de 39 millions de


dollars (désinvestissement) entre 1984 et 1992 .Inversement, durant la
même période, l'investissement étranger direct aurait été de 1264
millions de $ au Maroc, de 1079 millions de $ en Tunisie et de 3722
millions de $ en Turquie.

Tab 28 : Investissements directs étrangers dans les pays du


Maghreb et en Turquie (1984 à 1992)
( en millions de dollars)
Désignation 1984-88 1989 1990 1991 1992 1984-1992
Algérie 0 4 -4 -39 n. d -39
Tunisie 424 74 75 121 385 1079
Maroc 212 167 165 320 400 1264
Turquie 797 663 700 783 779 3722
Total 1433 908 899 1185 1564 6026
Source : Commissariat Général au Plan, Doc Française, 1993.

109
Le phénomène du désinvestissement extérieur n'a pas
cependant touché que l'Algérie. En effet, des pays comme
l'Afghanistan, l'Iran ou le Soudan ont connu la même tendance.

Mais dans le cas algérien et pour parer aux méfaits du manque


de moyens de paiement, il est fait recours à l'exploitation accrue des
hydrocarbures. Dans ce sens, la loi 91-21 relative à la prospection et à
l'exploitation des hydrocarbures cherche à attirer, et à des conditions
fort avantageuses les sociétés pétrolières étrangères.

Après un temps d'attente, les sociétés pétrolières étrangères ont


finalement commencé à investir en Algérie et le nombre de contrats
signés entre 1991 et mai 1995 s'élève à 18 soit respectivement un (01)
en 1991, huit (08) en 1992, trois (03) en 1993, cinq (05) en 1994 et un
autre (01) au mois de mai 1995 (voir chapitre IV pour la phase allant
de 1987 à 1992 et durant laquelle il a été signé une trentaine de
contrats).

Même les sociétés françaises, ELF et TOTAL, dont les intérêts


ont été nationalisées le 24 Février 1971, sont de la partie. Au début de
l'année 1996 (janvier), ELF-AQUITAINE passe un contrat de
recherche et de production de 900 millions de $ avec la SONATRACH.

Ainsi, on peut souligner que l'un des objectifs de long terme


fixés au PSEG commence à être réalisé et c'est probablement cette
relative réussite qui a aidé le plus à la négociation du rééchelonnement
de la dette au mois de mai 1995.
<<
Les récentes découvertes pétrolières, lit-on dans un document
du CFCE, effectuées en Algérie en 1994 et 1995 ont un impact
considérable sur l'avenir économique de l'Algérie et surtout sur la vision
qu' en ont les principaux décideurs, que ce soit au niveau du FMI ou de
la BM, des gouvernements occidentaux ou des compagnies pétrolières
internationales >>75 .

12- Les objectifs de court et moyen terme :

Les objectifs de court et moyen terme consistent, comme il


ressort des négociations du rééchelonnement de la dette algérienne
avec le FMI et dont les principales mesures ont été exposées dans le

75
- CFCE: Dossier 1.2.6 Situation financière, Algérie, septembre 1995.

110
chapitre précédent, en la gestion de la relance de la croissance
économique et du contrôle de l'inflation.

Concrètement les Facilités de Financement Compensatoires


(FFC) et les Facilités de Financement Elargies FFE) accordées à ce
pays, respectivement dans le programme Stand by (1994-1995) et dans
le cadre de l'Ajustement Structurel Conditionné (1995-1998), devraient
permettre:

121- La gestion efficace du service de la dette :

Celui-ci devrait évoluer, comme nous l'avons déjà souligné, en


diminuant progressivement c'est-à-dire en passant de 7,2 milliards de $
en 1995 à 1,4 milliards de $ en 2002 (voir chapitre précédent).

122 - La limitation de la récession et la diminution de l'inflation

Le taux de croissance économique qui fût négatif en 1993 (-


1,9%) s'élèverait à 5,3% en 1995-96, à 6,2% en 1996-97 et à 4,2% en
1997-98. Le taux d'inflation passerait, quant à lui et selon les prévisions
du FMI, de 35,1% en 1994-95 à 5,7% en 1997-98.

La maîtrise du taux de l'inflation est cependant conditionnée


par la croissance de la masse monétaire. En effet celle-ci devrait croître
de 15% en 1994 et de 13% en 1995 contre les 21% enregistrés en 1993
et les 35,1% en 1991. La maîtrise du taux d'inflation, quoique possible,
est certainement difficile dans une économie où la masse monétaire a
connu un taux de croissance globale de 152 % environ en moins de dix
ans (1987-1995).

Tab 29: Evolution de la masse monétaire (1987-1990).

Désignation 1987 1989 1991 1992


Circulation fiduciaire 96 865 119 870 157 200 185 000
Dépôts à vue 103 801 101 893 133 112 156 200
Dépôts auprés du Trésor 993 1 295 2 210 4 000
Dépôts auprés des CCP 22 247 26 965 33 409 38 400
Total monnaie 223 906 250 013 325 931 383 600
Quasi-monnaie 33 990 58 134 90 277 141 000
Total masse monétaire 257 896 308 147 416 208 524 600
Tx de crois.masse - 19,5 35,1 26.0
monét.
Source : Banque d'Algérie, Extrait MIE, p 64.

La maîtrise du taux de l'inflation signifierait également le


rapprochement à la fin de l'année 1995 des prix administrés des prix

111
réels. A ce dernier effet, il faut souligner que l'indice général des prix à
la production du secteur industriel est passé de la valeur 100 en 1988 à
la valeur 873,5 durant le troisième trimestre de l'année 1992 soit une
augmentation de près de 800% en l'espace de quatre années seulement.

Tab30 : Evolution de l'Indice des prix à la production du secteur


industriel (1988=100)

Désignation Nbre de 1989 1991 1992 1992


groupes de 2e trim 2e trim 3e trim
produits
Index général 51 110,7 207,9 856,2 873,5
Mines et carrières 06 120,1 190,7 315,0 319,6
Indust mécanique et électrique 13 114,5 293,2 371,2 375,9
Matér de construct et verrerie 05 106,8 277,1 372,7 381,4
Chimie et plastiques 08 122,9 263,5 344,6 345,1
Agro-industrie 10 110,6 159,8 205,3 324,7
Textiles 02 111 223,4 227,8 224,6
Peaux et cuirs 02 127,7 247,3 465,4 469,4
Bois et papier 04 105,9 227,5 305,5 332,2
Autres industries 01 145,8 368,8 220,3 221,9
Sources : ONS - BM, Extrait pp 26-27.

123- La réduction du déficit budgétaire :

L'augmentation des revenus budgétaires sera impulsée


principalement par:

- l'augmentation des revenus tirés de la taxe pétrolière : les


exportations algériennes de gaz devraient passer de 60 milliards de m3
actuellement (1995-96) à près de 100 milliards de m3 en l'an 2000;

- les taxes traditionnelles et les taxes d'importation : des efforts


considérables doivent être déployés pour le recouvrement des impôts.

Mais il faut également souligner que le programme stand by


négocié avec le FMI prévoit, dans l'objectif d'augmentation de la
production nationale, une réduction du nombre de produits exemptés
de la TVA;

- l'augmentation des taxes découlant de l'augmentation des


produits énergétiques, etc. Dans ce sens, le montant total des revenus
budgétaires devrait représenter 32% du PIB en 1995 contre 36% en

112
1993. Les dépenses budgétaires devraient, quant à elles, ne représenter
que 29% du PIB en 1995 contre 36% en 1993.

La diminution relative des dépenses budgétaires sera induite


par la diminution des subventions aux produits alimentaires, la
limitation des dépenses de sécurité sociale et la réduction des dépenses
de capital.

Il faut aussi remarquer que les transferts sociaux (assurances


sociales, transferts budgétaires directs, subventions alimentaires et
dépenses pour la santé) ont représenté 12,5% des dépenses budgétaires
de l'année 1993 contre 8,6% en 1984. Les dépenses de capital ont
représenté aux dates respectives 25,7% et 46% du total des dépenses
budgétaires.

Tab 31 : Evolution des transferts sociaux et des dépenses de


capital (1984-1993)

( en milliards de DA)
Désignation 1984 1986 1988 1990 1992 1993
Assurances sociales 10,7 15,7 21,6 26,8 49,5 57,5
Transferts directs 7,0 8,2 8,2 9,0 36,5 44,7
Santé préventive 2,4 3,0 3,8 4,8 10,6 11,0
Subventions alimentaires 3,0 2,2 1,6 18,6 26,6 23,2
Total transferts sociaux 23,1 29,1 35,2 59,2 123,2 136,4
en % des dép budgétaires 8,6 9,6 10,1 11,0 12,7 12,5
Dépenses de capital 44,6 41,6 43,4 47,7 73,0 102
En % des dép budgétaires 46 39,5 36,3 34,9 21,9 25,7
Sources : CNP- BM
Extrait pp 107-109.

En termes relatifs, les dépenses de capital ont été réduites de


moitié entre 1984 et 1993. Inversement, les dépenses à caractère social
ont augmenté durant la même période de moitié (en % des dépenses
budgétaires totales).

Mais on doit ajouter que depuis 1993, bien des subventions aux
produits alimentaires ont été supprimées et au début de l'année 1996,
seul le lait continue à bénéficier de la subvention.

124 : La correction du taux de change :

Le programme de stabilisation macro-économique comporte


également des mesures de correction du taux de change : au mois
d'avril 1994, ce dernier est fixé à 36 DA par dollar, ce qui représente

113
une dépréciation de 50% du même dinar par rapport au mois de mars
de la même année.

L'objectif poursuivi ici est de parvenir à l'égalisation du taux de


change officiel et de celui du marché parallèle : le Franc Français
s'échangeait au mois de septembre 1996 à 10 DA environ auprès des
banques et à prés de 14 DA sur le marché parallèle.

Enfin, il faut noter que la dévaluation du dinar qui a pour


conséquence immédiate la baisse du revenu réel dont les salaires, a
pour autre objectif d'offrir des conditions avantageuses à
l'investissement étranger. Dans ce sens, les négociations avec le FMI
prévoient une croissance contrôlée des salaires aussi bien dans les
administrations que dans les entreprises publiques non autonomes.

Tab 32 : Evolution de la parité du dinar par rapport au dollar

Indications 1964 1970 1980 1986 1988 1993 1994 1996


Dinars pour 1 4,93 4,93 3,97 4,82 6,73 24,12 36 ≈50
$
1988 = 100 73,2 73,2 58,9 71,6 100 358,4 534,9 ≈1037
Sources : 1) Annuaire SFI 1993, cité par A. LENFANT, " demain l'Algérie, p 61 2) BNA
pour les années 94 et 96

125 - Quelques implications théoriques du PSMG :

En guise de conclusion au Programme de Stabilisation macro-


économique adopté par les autorités algériennes et soutenu par les
institutions de Bretton Woods, il y a lieu de relever un certain nombre
de contradictions qui nous semblent hypothéquer la réussite même de
ce programme.

En effet, le programme proposé et appliqué réellement depuis


une dizaine d'années déjà (libéralisation de l'économie, difficulté de
contrôle du secteur informel), met en action, comme nous l'avons vu,
plusieurs variables. Le recours à un modèle multi varié se justifie
d'une part par le changement d'orientation du système économique
d'ensemble et d'autre part par la nature de la crise (croissance
négative et économie pénurique).

Or, si on prend l'évolution de quelques indicateurs économiques


tels que le PIB, les Exportations des biens et Services, les Dépenses

114
budgétaires, l'emploi, etc., on constate l'existence de corrélations qui
nous paraissent impliquer une évolution contradictoire sur l'économie
algérienne dans les années à venir.

Parmi ces relations contradictoires, nous retiendrons


notamment:

1) l'augmentation des dépenses budgétaires durant la phase


1984-1993 qui s'est soldée, entre autres, par l'augmentation de l'emploi
total (r = +0,85; r est le coefficient de corrélation linéaire),
autrement dit par la réduction du niveau du chômage .

Ceci est un objectif recherché par toutes les économies et par


surcroît par la réforme de l'économie algérienne. Mais comme on peut
le constater dans le cas de cette dernière économie, l'augmentation des
dépenses publiques s'est également soldée par la baisse du taux
d'utilisation des capacités de production des entreprises (r = -0,84).

Il y a donc de ce point de vue un choix à faire : faut-il résorber


le chômage ou rechercher systématiquement l'élévation de la
performance des entreprises ? Cette question est d'actualité d'autant
que le volume global de l'emploi, qui est passé de 4 058 800 postes en
1985 à 4 739 000 postes de travail en 1991 et le taux d'utilisation des
capacités de production qui est passé de 69,5% en 1984 à 56,2% en
1991, ont évolué en sens inverse (r = -0,95).

2) L'accroissement de la dette extérieure de l'Algérie de 1984 à


1993 s'est également soldée par l'accroissement de l'emploi total (r =
+0,87) mais également par la baisse du taux d'utilisation des capacités
de production (r = -0,82) et par la détérioration des termes de
l'échange (r = -0,83).

Mais peut-on alors penser que pour augmenter la performance


des entreprises, il faille ne plus contracter de nouveaux emprunts et
même rembourser toute la dette extérieure comme cela fût le cas de la
Roumanie? Cela risque d'aggraver l'équilibre social et politique
interne déjà précaire.

Mais pourquoi ne pas supprimer seulement le service de la dette


qui a agi négativement, lui aussi, sur l'utilisation des capacités de
production (r = -0,91)? Cela relève d'un autre débat que les bailleurs
de fonds n'engagent qu'avec quelques pays (les plus pauvres ou les
pays alliés du Sud).

115
II- Contenu et bilan partiel des réformes économiques: cas du
secteur industriel et des entreprises publiques

L'objectif recherché par les réformes économiques est double. Il


s'agit d'une part de mettre en place une économie efficiente et
compététive au plan international et d'autre part de rétablir l'équilibre
entre l'offre et la demande interne de biens et services.

Alors que la réduction de la demande globale se fait


essentiellement au moyen d'instruments macro-économiques
(réduction des dépenses publiques et augmentation des revenus
budgétaires, dévaluation du cours de la monnaie nationale,
libéralisation du commerce extérieur, augmentation des prix et
suppression des subventions à la consommation et à la production,
etc...) l'augmentation de l'offre de biens et services est l'oeuvre des
entreprises. Aussi et afin de stimuler l'offre a-t-il été procédé à la
réorganisation des principaux secteurs de l'économie nationale.

Dans ce sens, nous tenterons de présenter dans ce paragraphe


les grandes lignes ainsi que les premiers résultats des réformes de
l'économie algérienne qui seront illustrées par le cas du secteur
industriel et des entreprises publiques.

La réforme du secteur industriel et des entreprises publiques


est sous-tendue depuis 1988 par plusieurs textes réglementaires (voir
chap 2).
Quels sont les principaux résultats qui en découlent?

21- Promotion et accélération du développement de l'entreprise


privée.

Considérée sous cet angle, la réforme qui abroge l'ancien code


de commerce contrôlant et limitant le montant maximal des
investissements ainsi que le nombre d'affaires par propriétaire, vise
une plus grande participation sinon une mainmise totale du secteur
privé sur toute l'économie, du moins dans tous les secteurs classés non
stratégiques (voir plus loin).

On rappellera que le secteur industriel algérien regroupe :

- un secteur public national comprenant en 1992 et de source


officielle, 82 entreprises de production, 20 entreprises d'études et de

116
travaux, 4 entreprises de distribution, 5 instituts de formation
supérieure, 2 établissements publics à caractère administratif, l'Office
National de la Métrologie Légale (ONML) et l'Office National de la
Recherche Géologique et Minière (ONRGM) et un établissement
public industriel et commercial, l'institut de la Normalisation
Industrielle;
- un secteur public regroupant 750 entreprises locales, et
- un secteur privé qui se serait composé de plus de 22 000
entreprises en 1990.

Le développement du secteur privé peut se faire, pour revenir à


l'idée qui nous retient ici, soit par la création d'entreprises nouvelles
soit par la privatisation, sous différentes formes, des entreprises du
secteur public.

En matière de création de nouvelles entreprises (privées) 76, les


statistiques établies par l'O.N.S font ressortir un effectif de plus de 8
000 créées entre 1987 et 1990. Elles ont la caractéristique quasi-
immuable d'être des entreprises de petite taille. En 1990, 93% du total
des entreprises privées employaient entre 01 et 09 personnes.

Tab 33 : Distribution des entreprises du secteur privé selon leur


taille en 1987 et 1990

Taille de 1987 1990 Accroissement


l'entreprise Effectif entrep % Effectif entrep % (unités)
0 -9 11 629 82,6 20 554 93 8 925
10 -19 2 452 17,4 905 4,1 -1 547
20 -49 0 0 485 2,2 485
50 -199 0 0 138 0,6 138
200-499 0 0 11 0 11
500-5000 0 0 1 0 1
Total 14 081 100 22 094 100 8 013
Source : ONS - BM, Extrait p 18.

L'effectif de cette catégorie d'entreprises a augmenté de 77%


entre les deux dates. Inversement, les entreprises appartenant à la
catégorie [ 10-19] ouvriers ont vu leur effectif diminuer de 63%.

Mais on remarque aussi que la réforme, abolissant le contrôle


du capital privé, a permis désormais la création d'entreprises dont
l'effectif des employés excède les 20. Avant la réforme, cette catégorie

76
- L'effectif total des entreprises du secteur privé s'élève, selon les déclarations du
ministre de la PME en décembre 1995, à 26 000.

117
(plus de 20 ouvriers) était réservée, du moins jusqu'à la promulgation
de la loi 88-25 relative à l'orientation du secteur privé, aux seules
entreprises publiques qui se répartissaient comme suit en 1987 et 1990.

Tab 34 : Distribution des entreprises publiques selon leur taille


en 1987 et 1990

Désignation 1987 1990 Variation


0-9 - - -
10-19 - - -
20-49 765 70 -695
50-199 242 121 -121
200-499 53 50 -3
500-5000 112 109 -3
Total 1 172 350 -822
Source : Données ONS - BM, Extrait p 18.

Ainsi, la réforme du secteur industriel et des entreprises


publiques, aussitôt lancée, en 1988, soit une année après le premier
accord Stand by avec le FMI se serait soldée, à nous fier aux données
contenues dans le tableau précédent, par la dissolution de 822
entreprises dont l'effectif des employés est compris entre 20 et 200. Il
s'agit, pour les identifier, des entreprises communales dont les capitaux
ont été cédés aux entrepreneurs du secteur privé. Avec la signature du
troisième accord Stand by, les négociations portent sur la privatisation
des 300 plus importantes entreprises du secteur public. Il s'agit du
second objectif de la réforme des entreprises publiques.

22- Privatisation des entreprises publiques

La privatisation des entreprises publiques est représentée sous


forme de conditionnalité dans les derniers accords avec le FMI et la
B.M. Plusieurs formes de privatisation sont à cet effet proposées, voire
retenues.

La première forme consiste en la liquidation juridique des


entreprises ayant déjà bénéficié, auprès du Trésor public, du
rééchelonnement de leurs dettes mais n'ayant pas, malgré cet avantage,
amélioré leur situation économique et financière. Il s'agit
essentiellement des Entreprises Economiques Locales (EPL) ou
entreprises de Wilaya dont l'effectif proposé à la liquidation s'élèverait
à 88 en 1995.

118
En plus des EPL, les entreprises de sous-traitance, de
maintenance et de fabrication de pièces en série seraient également
dans une situation proche des premières. Quoique participant à
hauteur de 30 % environ à la production industrielle du pays, elles
manquent de liquidités pour accéder aux approvisionnements et
produire pour le marché : leurs activités partielles sont remplacées par
des importations. "Des opérateurs économiques, constate H.
BENISSAD, se sont convertis dans le commerce des produits importés,
plus rentable que la production locale, inondant ainsi le marché national
et menaçant d'extinction la production nationale peu compétitive. Même
les entreprises publiques autonomes, poursuit-il, se sont lancé dans
l'importation (en utilisant leur quota de devises destiné au
fonctionnement) et la commercialisation de produits concurrençant leur
propre production de moindre qualité"77. Ce second groupe
d'entreprises "peut faire l'objet, relève-t-on dans un dossier du CFCE,
d'une liquidation hâtive et d'une reprise par les preneurs algériens"78

La seconde forme de privatisation porte sur le passage


immédiat de certaines entreprises publiques à l'autonomie car étant
financièrement saines. Les entreprises visées sont les entreprises
strictement commerciales c'est-à-dire les offices d'importation et les
sociétés de grande distribution à l'intérieur du pays. La privatisation
de ce groupe d'entreprises est d'autant souhaitée que "leur passage au
marché constituerait une application concrète du projet de libéralisation
du commerce souhaité par le FMI et la BM"79.

La troisième forme de privatisation enfin consiste en


l'ouverture du capital des entreprises publiques aux capitaux privés
nationaux et étrangers. C'est une association de capitaux que l'on
désigne sous l'appellation de "partenariat" (voir chapitre VI). Les
responsables de l'économie, bien que fixant la limite supérieure du
capital étranger dans certaines filiales des entreprises "stratégiques"
(voir ci-dessous) considèrent que "ces investissements (étrangers) sont
bienvenus; ils doivent amener l'un ou l'autre des éléments suivants :
argent frais, technologie, capacité de gestion, accès à des marchés
d'exportation"

77
H- BENISSAD, Etude PNUD, op cité, p12.
78
CFCE : Dossier 1.2.4 Algérie, juillet 1995.
79
- Idem que 7 précédent.

119
"Ils peuvent être soit directs, soit conjoints sous forme de "joint-
ventures avec des entreprises algériennes du secteur privé ou public. Il
peut s'agir d'une création nouvelle ou du rachat de participations
existantes. L'investissement étranger n'est pas plafonné sauf dans les
filiales des entreprises du secteur stratégique où la participation
étrangère sera limitée à 49,0 %"80

De ce point de vue donc, l'économie nationale est ouverte aux


capitaux étrangers et le secteur des hydrocarbures compris (loi 91-21).
Dans le but d'attirer l'investissement étranger, un nouveau Code des
Investissements a été promulgué en 1993 et institue les "zones
commerciales franches".

Concrètement, les sociétés mixtes viseraient en particulier les


grands complexes industriels acquis dans les années soixante-dix et qui
continuent encore à être sous-utilisés.

Industries classées stratégiques pour l'économie nationale, elles


sont gérées, après la dissolution en décembre 1995 des Fonds de
Participation, par des holdings.
Néanmoins, nous devons rappeler que lors des négociations
avec le FMI, " les autorités algériennes ont cherché à obtenir qu'il
accepte un modèle algérien d'ajustement structurel d'évolution
progressive vers l'économie libérale >>81.

Ce "modèle algérien d'ajustement structurel" consisterait selon


le point de vue des autorités algériennes, dans :

1) l'impératif de mise en place d'une loi-cadre de privatisation,


qui se caractérise essentiellement par la spécificité du secteur
économique auquel elle s'applique. Elle doit être souple et révisable au
fur et à mesure de l'apparition des problèmes de fond. Ceci a conduit
les décideurs à mettre en place successivement les fonds de
participation et les holdings comme moyen d'une nouvelle organisation
du secteur public (voir ci-dessous);

2) Un traitement différencié des entreprises, classées en trois


catégories:

80
- Mémorandum d'Information Economique, p77.
81
- Nord-Sud Export: "Algérie: accord triennal: de la théorie à l'irréalisme", CFCE,
Dossier 1.2.3 Algérie.

120
- les organismes et entreprises relevant de secteurs considérés
comme stratégiques ou d'intérêt national (hydrocarbures, électricité,
approvisionnement en eau, transport ferroviaire et aérien,
infrastructure de base, PTT) doivent demeurer sous contrôle de l'Etat
ou des collectivités locales;
- Les autres entreprises, exerçant leur activité dans les
domaines concurrentiels tels que l'agro-alimentaire, les textiles, le
BTP, le tourisme et l'hôtellerie, le transport routier de personnes et de
marchandises, du commerce et de la distribution, des services
notamment dans les domaines portuaires et aéroportuaires, les
assurances et enfin les PME et PMI locales;

3) Un régime préférentiel en faveur des salariés qui prévoit de


favoriser l'actionnariat des travailleurs en leur donnant la possibilité
de détenir, d'entrée, jusqu'à 30% du capital des entreprises privatisées
: 5% seront cédés à titre gracieux au collectif des travailleurs, 5%
proposés à des conditions de prix et de crédit avantageuses, 20%
pouvant être acquis au prix commun (droit de préemption).

En définitive, on est en droit de se poser la question de savoir si


les pouvoirs publics disposent d'une quelconque puissance pour faire
valoir leur point de vu auprès du FMI et si, par ailleurs, les travailleurs
du secteur public ont les moyens financiers suffisants pour racheter
une part du capital de leurs entreprises respectives.

Ces questions sont d'autant à poser que l'Etat, encore


propriétaire des principales entreprises industrielles et commerciales
du pays, affichait au début du mois de février 1996 son incapacité à
payer les salaires des 200 000 ouvriers du BTP : imposer un mode
d'organisation économique suppose l'existence de capitaux nationaux
en mesure de dicter un comportement au capital étranger. Les
différents accords financiers négociés avec les institutions financières
internationales ne contredisent-ils pas cette volonté de contrôler le
capital étranger?

En effet et malgré la mise en place d'un "fonds de solidarité"


alimenté par les retenues effectuées sur les traitements des employés
qui continuent à percevoir leurs salaires et servant à venir en aide aux
entreprises publiques en difficulté, "la solution imposée par le chef du
gouvernement ne sert en fait qu'à éluder la véritable question, celle de la

121
liquidation des entreprises non viables. Celles-ci sont nombreuses et
improductives82.

23 - La nouvelle organisation du secteur public industriel :


privatisation ou redéploiement du secteur public?

Les entreprises du secteur public industriel ont connu au cours


de leur courte existence plusieurs formes d'organisation. Entreprise
"autogérée", au lendemain de l'accès du pays à son indépendance
nationale, elle devient dès le milieu des années soixante entreprise ou
"société nationale" pour se muer au milieu des années soixante-dix en
entreprise "socialiste" qui sera restructurée en 1981-1982, à cause dit-
on, de sa trop grande taille.

Dans le cadre de la réforme lancée en 1987/88, une nouvelle


forme d'organisation de cette entreprise et du secteur industriel public
en général est mise en place. L'autonomie des sociétés nationale est
désormais envisagée. Ces dernières doivent être transformées en EPE
et l'Etat n'exerce plus, selon la loi du 12/01/1988, ses droits de
propriétaire que par le biais des fonds de participation (FP).

Les fonds de participation sont constitués sous forme de sociétés


par actions qui ne peuvent détenir la majorité du capital d'une EPE.
Ce sont des agents fiduciaires de l'Etat et chaque fonds de
participation est administré par un Conseil d'administration dont les
membres sont désignés par l'Etat pour un mandat de cinq ans
renouvelable. Aussi pour éviter qu'un fonds quelconque impose ses
régles de conduite aux deux autres fonds dans la même EPE (le capital
d'une EPE est généralement réparti entre trois FP, sauf pour les
banques où il est réparti entre quatre FP), a-t-il était prévu
l'interdiction à chaque FP de détenir la majorité du capital dans la
même EPE quoique pour chaque EPE, il ait été prévu un fonds
dominant.

Dans cet esprit, il a été créé huit FPà savoir :


- Fonds des industries agro-alimentaires;
- Fonds des mines, hydrocarbures et hydraulique;
- Fonds des biens d'équipement;
- Fonds de construction,
- Fonds de chimie, pétrochimie et pharmacie;
- Fonds de l'électronique, télécommunications et informatique,

82
- Quotidien EL Watan du 07/02/1996.

122
- Fonds des industries diverses (textiles, cuirs, chaussures et
ameublement) et enfin,
- Fonds des Services.

La mise en fonctionnement de ces FP a permis, en 1988, le


passage à l'autonomie de 350 entreprises.

Le regroupement des entreprises du secteur public industriel en


Fonds de participation ayant donné ses limites (voir point suivant), une
nouvelle forme d'organisation de ce même secteur a été mise en place
au milieu de l'année 1996. Désormais, les Fonds de Participation sont
remplacés par des Holdings dont l'effectif s'élève à onze. Ce sont, pour
les énumérer : - holding Mines
- holding mécanique,
- holding Sidérurgie/Métallurgie,
- holding Electrique/Electronique,
- holding Industries agro-alimentaires de base,
- holding Chimie Pharmacie Engrais,
- holding Réalisation et Grands Travaux
- holding Bâtiment et Matériaux de construction
- holding Services, et enfin
- holding Industries manufacturières et diverses.

La mise en place des holdings semble répondre, à ne prendre en


considération que les récents résultats des entreprises du secteur public
industriel, à plusieurs soucis.

Le premier est de parvenir, à terme, à l'intégration intra


branche, voire à l'intégration intra filière : doit-on rappeler en effet
que l'existence d'un important nombre d'entreprises filiales (SNVI et
FERROVIAL dans le cas de la mécanique,
SIDER,METANOF,ANABIB,PROSIDER dans le cas de la sidérurgie
métallurgie, ENIE,ENIEM, ENESIL dans le cas de l'électrique et de
l'électronique, ASMIDAL, DIPROCHIM, SAIDAL dans le cas de la
chimie et pharmacie, ENIAL, ENAPAL, OAIC, ONCV dans le cas de
l'agro-alimentaire, etc.) ne suffit pas à lui seul à résoudre les problèmes
qui se posent à la filière. Le cas de chacune des entreprises citées ou de
tout autre entreprise de même dimension n'est pas un cas isolé qui
nécessiterait un traitement spécifique. D'une façon générale, aucune
filiale ou branche n'est entièrement intégrée, d'où la mise en place
d'entreprises importantes, les holdings et conglomérats.

123
Les holdings de filière ou de branche regroupent les EPE dont
les activités et objectifs sont de développer les potentialités existantes et
de mieux organiser les marchés sur lesquels ils interviennent. Les
holdings de type conglomérat regroupent, quant à eux, toutes les EPE
intervenant dans les secteurs concurrentiels. Holdings de branche ou
de filière ou encore holdings de type conglomérat, on peut espérer
enfin assister à un redéploiement du secteur public industriel c'est-à-
dire à une re-centralisation des décisions et une re-concentration du
capital des entreprises publiques, à même de provoquer des synergies
entre les entreprises de la même branche. Le redéploiement du secteur
public est d'autant nécessaire que le partenariat avec les investisseurs
étrangers semble se limiter pour l'instant au seul secteur des
hydrocarbures

Le second souci est d'ordre stratégique : l'ouverture illimitée de


l'économie aux capitaux étrangers impose une meilleure organisation
des entreprises nationales, organisation qui devrait les protéger de la
concurrence internationale. En effet la récession enregistrée dans
plusieurs branches d'activité n'est pas due au seul manque de matières
premières et autres disfonctionnements mais aussi à l'absence de
compétitivité (cas de la branche des textiles, par exemple, qui risque de
connaître une récession de plus en plus importante si des efforts réels
de réorganisation ne sont pas déployés). L'économie algérienne, peu
performante et ouverte sur l'extérieur, n'attire pas encore les
investisseurs étrangers : elle semble être réduite au statut de marché
dans lequel des stratégies de partage s'élaborent depuis une dizaine
d'années au moins (voir chapitre 6), stratégies se traduisant ici par
l'élévation du nombre d'entreprises qui rencontrent des difficultés de
financement et qui devraient être mises, selon les termes même de
l'accord de rééchelonnement, en faillite.

23- Achèvement du processus d'élimination des subventions

Achever le processus d'élimination des subventions aux


entreprises publiques fait également partie des conditionnalités des
accords avec le FMI et la Banque Mondiale. Les entreprises du secteur
public auraient englouti, dans le cadre du plan d'assainissement
financier dont elles ont bénéficié et qui, en principe, devait leur
permettre de devenir autonomes, plus de 600 milliards de DA entre
1991 et février 1996 83.

83
- Chiffre donné par le chef du gouvernement, Mokdad SIFI, le 06/02/1996. Selon une
autre information donnée au mois de septembre 1996, les seules entreprises publiques

124
Cependant malgré cette somme importante et les rigueurs de
gestion macro-économique imposées par le FMI, les entreprises du
secteur public continueront, quand même, à bénéficier des subventions
durant les deux années à venir, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la période
dite des Facilités de Financement Elargies : le montant global toléré
par le FMI est de 200 milliards de DA. Ainsi, les subventions accordées
aux entreprises publiques s'élèveraient à fin 97 à quelques 800
milliards de dinars représentant l'équivalent du PIB en 1991 (799,7
milliards de DA) ou encore 3,3 fois la production pétrolière aux prix de
1993.

Tab 35: Situation des entreprises publiques économiques en 1994

Secteurs Besoins Restructuratio Totalement Nbre


financiers et n industrielle déstructurée total
d'organisatio et financière s
n
Grds travaux et 10 10 10 12
construction 18{30}
22 03 25 25
Commerce 05 - 02 07
Services financiers 02 05 03 10
Hôtellerie et tourisme 03 05 - 08
Transport routiers 06 04 10 20*
Industrie lourde 13 07 02 22
Textiles et cuirs 01 04 08 13
Chimie et pétrochimie 07 15 03 25
Transformation 11 04 02 17
alimentaire 09 04 02 15
Bois et papier
Divers
Total évalué 89 61 42 192
Source : CFCE, Dossier 126.

* ce chiffre ne tient pas compte des entreprises industrielles les


plus importantes et qui sont encore rattachées aux ministères de tutelle
: leur nombre s'élève à 23.

Mais en attendant que les autorités prennent une décision


définitive sur le sort des entreprises du secteur public, il faut rappeler
que 65% de ces dernières étaient considérées à la fin de 1994 comme
totalement "déstructurées" donc en quête de subventions, malgré leur
assainissement financier antérieur.

du BTP, au nombre de 66, auraient bénéficié à la même date d'une subvention s'élevant
à 67,1 milliards de DA dont 49 en 1995 et 17,4 durant les neuf premiers mois de l'année
1996. Ensemblent ces 66 entreprises emploient 127 000 travailleurs.

125
S'agissant donc de ces 23 entreprises encore rattachées à leurs
ministères de tutelle, plan mis en place durant la phase d'interruption
des réformes en 1992-93, leur passage à l'autonomie se fera en deux
phases.

Dans un premier temps, il est prévu que ces entreprises


réduisent leur déficit, mettent en place une stratégie de reprise de
l'activité et passent enfin à l'autonomie. Durant la seconde phase, elles
doivent s'atteler à la réalisation effective de leur stratégie de reprise de
l'activité. Mais comme on a pu le mentionner plus haut, la nouvelle
nomenclature des entreprises proposée par les autorités algériennes
risque, quelque peu, de retarder le passage à l'autonomie de ces
premières classées stratégiques et d'intérêt national.

24- Promotion de la compétition entre les entreprises

Promouvoir la compétition et la concurrence entre les


entreprises signifie dans le contexte algérien au moins trois réformes.

La première consiste, ainsi qu'il ressort des propositions


explicites et implicites de l'étude PNUD présentée plus haut, de
permettre au secteur privé de bénéficier de l'ensemble des avantages
accordés aux entreprises du secteur public (accès au crédit interne et
extérieur, abolition des barrières à l'entrée, etc.). Dit autrement, le
secteur privé ne doit plus faire, selon la nouvelle vision des choses,
l'objet d'une quelconque ségrégation.
Ce principe semble être désormais admis mais continue
cependant à soulever quelques interrogations. La première est relative
à la nature du secteur privé lui-même. Dans une économie comme celle
de l'Algérie, rongée par l'inflation et le chômage, la priorité est-elle à la
relance de l'activité productive ou au développement du secteur
commercial qui est de plus en plus dominé par le secteur informel?

Peut-on effectivement espérer que le secteur informel 84, comme


semblent le croire les décideurs et les experts de la Banque Mondiale,
soit porteur de progrès?
Mais en admettant que le secteur privé doit effectivement
bénéficier de tous les atouts pour participer au développement
national, celui-ci ne doit-il pas être soumis, au même titre que le
secteur public, aux mêmes obligations? 85

84
- Se conférer à M. HENNI: Essai sur le secteur informel en Algérie.

126
La seconde réforme à entreprendre dans le domaine de la
compétition est probablement l'institution de la concurrence entre les
entreprises publiques et celles du secteur privé. Ces dernières sont,
comme nous l'avons souligné dans le chapitre II, plus performantes
que les premières. A structures identiques, les entreprises publiques
(EPL) sont génératrices, lorsqu'elles réalisent des investissements, de
pertes alors que le contraire se produit dans le secteur privé. Les
raisons de cette situation trouvent leur explication dans la structure du
coût lui-même.

En effet, l'analyse des trois principaux postes de coût (matières


premières, amortissements et salaires) réalisés, en 1984 et en 1989,
dans l'ensemble des branches du secteur industriel, par le secteur
public et le secteur privé montre que :

- les salaires versés par le secteur public sont, comparativement


à ceux du secteur privé, relativement élevés en 1984 et 1989;

- les salaires versés par le secteur public sont en relative hausse


en 1989 par rapport à 1984 alors qu'ils ont réalisé une baisse notable
dans le secteur privé en passant de 17% du coût total en 1984 à 13% en
1989.
Tab 36 : Structure du coût total réalisé en 1984 et 1989 par le
secteur public et le secteur privé dans l'ensemble des branches
industrielles .

Désignation Secteur public Secteur privé


1984 1989 1984 1989
Matières premières 59 61 79 83
Amortissements 13 10 04 04
Salaires 28 29 17 13
Total 100 100 100 100

Source : calculé sur la base des données de l'ONS-BM


Extrait pp 37-38.

85
- La fraude et l'exemption fiscales seraient devenues une règle de conduite dans le
secteur privé. Le montant de la fraude fiscale s'élèverait, selon diverses sources, entre
40 et 400 milliards de DA et seules les entreprises du secteur public continueraient à
s'acquitter des sommes dues. Aussi pour mettre fin, du moins pour réduire ce
phénomène, les responsables du ministère des finances ont-ils décidé de percevoir le
montant des impôts à la source même. Le paiement des factures est désormais soumis à
l'inscription obligatoire du n° fiscal sur chaque facture. Cela résoud-il le problème ou
crée-t-il un nouveau fossé entre le secteur privé et l'administration?

127
Ainsi en 1989, les salaires versés par le secteur public
représentent, en valeur relative du coût total, plus du double de ceux
du secteur privé 86.

Conclusion :

En guise de conclusion, doit-on considérer que l'objectif visé


par la concurrence et la compétition entre les entreprises publiques et
les entreprises privées consiste dans l'alignement, en matière de
politique salariale, des premières entreprises citées sur les secondes?

Dit autrement, les réformes ont-elles pour objectif d'améliorer


le niveau de vie des producteurs directs ou sont-elles un alibi à la
dissolution du secteur public et à une paupérisation croissante des
producteurs directs?

La troisième réforme enfin en matière de compétition et de


concurrence entre les entreprises réside, après la promulgation de la
loi relative à la libéralisation du commerce extérieur, dans l'ouverture
de l'économie nationale aux capitaux étrangers. La mise sous
ajustement structurel de l'économie algérienne permet de placer cette
dernière dans une optique de recherche permanente de la rationalité
financière, malgré l'aggravation des déséquilibres macro-économiques.
Aussi pour faire face à cette situation est-il proposé de libéraliser
l'activité économique d'ensemble, voire d'initier la privatisation du
secteur public économique afin de créer les conditions favorables à
l'investissement extérieur.

Mais l'attentisme observé actuellement en matière


d'investissement direct des entreprises étrangères en Algérie est-il lié à
la seule question sécuritaire ou obéit-il à la stratégie de conquête de
nouveaux espaces géographiques du capitalisme? L'ouverture faite par
le capital occidental en direction des anciennes économies socialistes de
l'Europe de l'Est (PECO) ne présage-t-elle pas d'une division et d'une
hiérarchisation du nouveau système économique mondial? L'Algérie
aurait-elle alors la force nécessaire pour faire face à la place qui lui
serait assignée dans ce nouveau système ou se contentera-t-elle de
continuer à bénéficier, comme par le passé, des seuls avantages

86
- La différence de salaire entre secteur public et secteur privé est très importante. En
1992, le salaire moyen dans le secteur industriel public s'élevaità 7460 DA
mensuellement contre 4 000 DA seulement dans le secteur privé.

128
naturels? Le partenariat est dès lors envisagé, non pas comme un
moyen de solution acquise (rente pétrolière) mais comme le biais par
lequel les réformes doivent être approfondies et l'économie rentière
laisser place à l'économie productive. De ce point de vue, les efforts de
réorganisation du secteur public industriel, c'est-à-dire la stratégie de
redéploiement du secteur industriel qui est illustré par la mise en place
de holdings, ont-ils la chance de se voir concrétiser? Dit autrement, n'y
aurait-il pas une contradiction entre la volonté de relancer l'activité
économique en général et l'activité industrielle en particulier et le
principe d'une ouverture illimitée de l'économie nationale aux capitaux
marchands étrangers?

C'est ce qui nous amène à analyser dans le chapitre (VI) suivant


les obstacles et les difficultés de l'économie algérienne à s'intégrer dans
le nouveau système économique dont l'une des lois de fonctionnement
est la concurrence et le libre échange.

129
Chapitre VI : Le partenariat comme solution à la
contrainte extérieure...

Dans leur programme de sortie de la crise, les responsables de


l'économie algérienne accordent un intérêt particulier au rôle que peut
jouer l'investissement étranger dans la résolution de la contrainte
extérieure, du moins de la contrainte financière. L'idée d'une
contribution bénéfique du capital étranger au dénouement de la crise
est également partagée par les institutions financières internationales,
le FMI et la Banque Mondiale, dont l'une des principales
recommandations faites aux pays ayant adopté des programmes
d'ajustement structurel est l'ouverture de leurs économies sur
l'extérieur.

Cette recommandation d'ouverture sur l'extérieur a


généralement pour corollaire la libéralisation du commerce extérieur,
la privatisation du secteur public économique, la dévaluation de la
monnaie nationale et la mise en place d'une réglementation appropriée
garantissant, lorsque cela est nécessaire, le rapatriement du capital et
des profits vers le pays d'origine.

En Algérie, une grande partie de ces conditions a été réalisée


conséquemment à la restructuration des entreprises de 1981-82, de la
réforme de l'économie lancée en 1987-88 et des négociations successives
de rééchelonnement avec le FMI (1989,1992 et 1994). L'objectif affiché
est de parvenir à mettre en place une zone de libre échange qui
permettrait une libre circulation des facteurs de production entre
l'économie nationale et les marchés extérieurs.

Les indices de la volonté de création d'une ZLE où l'Algérie


serait partie intégrante sont, au moins, au nombre de deux. Le premier
est relatif à la demande formulée par ce pays en 1994 et entérinée en
juin 1996 par le Conseil Economique de l'Union Européenne. Cette
demande a pour objet de créer une zone de libre échange algéro-
européen ne similaire à celle qui lie depuis plusieurs années déjà les
pays de l'Union Européenne à plusieurs pays du Sud de la
Méditerranée (Tunisie, Maroc, Israël). "Comme c'est le cas pour les
autres accords euro méditerranéens déjà négociés avec la Tunisie, Israël
et le Maroc rapporte Agro-Presse, cet accord d'association prévoit la
création d'une zone de libre échange à l'issue de douze ans maximum. Il

130
devrait régir toutes les relations commerciales et économiques entre
l'Union Européenne et l'Algérie"87.
Le second indice qui témoigne de la volonté des autorités
algériennes à insérer l'économie nationale dans une zone de libre
échange est leur adhésion au projet européen de création, à l'horizon
2010, d'une ZLE euro méditerranéenne. La présence de l'Algérie à la
Conférence de Barcelone les 27 et 28 novembre 1995 et la mission de
coordination des pays arabes qui lui a été confiée durant cette session
témoignent du désir d'une ouverture illimitée sur l'extérieur.

Bien que l'Algérie soit gravement confrontée à la contrainte


extérieure et au problème de la rareté de capitaux, bien qu'il n'existe
point aujourd'hui de développement national et autonome, le choix
d'une ouverture illimitée sur l'extérieur apparaît comme un leurre
supplémentaire à l'économie nationale déjà fragilisée par la récession.

En effet, dans la mesure où il s'agit de promouvoir le


partenariat avec le capital étranger, en particulier avec les pays de
l'Euro Méditerranée qui est un espace économique à construire, la
stratégie d'ouverture devrait tenir compte des avantages et
inconvénients qui pourraient être tirés de cette union. L'Algérie, pays
économiquement sous-développé, dispose-t-elle de moyens qui la
préserveraient de la concurrence des pays développés, de la
concurrence de ceux là même avec qui elle entend construire une ZLE?
L'Algérie n'est-elle pas déjà reléguée au statut de pays consommateur
de technique? L'Algérie ne s'engage-t-elle pas dans un processus de
reproduction de la dépendance?

L'insertion probable de l'Algérie à l'Euro Méditerranée ne


renforcerait-elle pas le statut actuel de ce pays spécialisé, dans le cadre
de la division internationale, dans la production d'une seule source
d'énergie, les hydrocarbures? L'insertion de l'Algérie dans l'Euro
Méditerranée ne répondrait-elle pas avant tout au souci de l'Europe de
s'assurer une sécurité en matière des approvisionnements
énergétiques? Quelles sont les capacités dont dispose ce pays pour
protéger son économie de la concurrence internationale, quelles sont
ses capacités d’empêcher le développement d'autres formes de la
dépendance? L'ouverture illimitée sur l'extérieur n'est-elle pas le
début d'une nouvelle étape dominée par une nouvelle division
territoriale des espaces de reproduction du capital?

87
- Tiré de Agro-Presse n° 2569 du lundi 17/06/1996 : "L'Algérie dans la dynamique du
libre échange".

131
Loin de prétendre de répondre à toutes ces questions, l'objectif
assigné à ce chapitre est de montrer que l'économie algérienne est,
contrairement à ce que postulent les experts financiers internationaux,
une économie ouverte et que sa trop grande ouverture sur l'extérieur
est à l'origine de l'atrophie de plusieurs de ses secteurs d'activité
économique. Ainsi, au moment où les institutions financières
internationales recommandent une ouverture illimitée de l'économie,
ne faudrait-il pas penser à protéger les secteurs d'activité où le pays ne
dispose d'aucun avantage comparatif et soumettre à la concurrence
internationale ceux dont la compétitivité est déjà établie? Faudrait-il
en effet persévérer dans la politique d'ouverture du secteur agricole et
du secteur industriel à peine mis en place à la concurrence
internationale, notamment à la concurrence des pays développés? Le
duel est nécessairement inégal car mettant face à face deux forces
inégales.

Mais comme l'ouverture de l'économie nationale est prônée en


vue de la résolution de la contrainte extérieure, il y a lieu alors de
tenter de recenser les justifications qui ont plaidé en faveur de cette
analyse. C'est pourquoi, nous aborderons dans ce chapitre deux points
essentiels. Le premier est consacré aux justifications de l'ouverture
alors que le second traitera des problèmes soulevés par l'ouverture
d'une économie sous développée sur l'extérieur. Nous essayerons
d'illustrer notre propos autant que possible par le cas des effets
néfastes qu'exerce la concurrence internationale sur le développement
du secteur agricole des pays sous développés.

I- Pourquoi l'insertion de l'économie algérienne dans


un espace régional ?

L'une des questions, sinon l'unique question qui vient à l'esprit


de tout analyste, au fait de l'économie algérienne contemporaine, est de
tenter de comprendre comment une économie en récession depuis une
dizaine d'années et par surcroît soumise à des conditions de
reproduction extérieure peu favorables, se donne-t-elle comme objectif
son insertion dans une zone de libre échange et au moyen d'une
ouverture illimitée?

Il y a, nous semble-t-il, dans cette démarche des responsables de


l'économie algérienne au moins deux éléments de réponse. Le premier
est en relation avec l'échec de l'expérience de développement tenté
dans le cadre du modèle "autonome et autocentré". Le second élément

132
est, quant à lui, lié aux enjeux que véhicule le développement régional
et qui exclurait une économie dont l'imbrication économique et
culturelle dans l'espace qui se met en place est très forte : le
développement à la marge d'une grande région économique est
quasiment impossible.

11 - L'ouverture sur l'extérieur comme réponse à l'échec


du modèle "autocentré".
L'Algérie a, grâce à l'effet pétrole des années soixante-dix, tenté
de mettre en place un modèle de développement économique
autocentré, communément appelé le modèle des "industries
industrialisantes".

Le modèle "autocentré" dont l'objectif attendu est le


développement des relations intersectorielles, le "noircissement de la
matrice industrielle", pour reprendre la terminologie de Gérard
Destannes de Bernis, l'auteur même de ce modèle, n'a pas donné les
résultats escomptés. L'intégration économique attendue de
l'investissement massif consenti à l'économie n'a pas eu lieu, de même
que les entreprises nationales créées à l'occasion, souvent de taille
gigantesque, n'ont pu développer une stratégie d'intégration aux
marchés extérieurs, à l'exception cependant de la SONATRACH.

Aujourd'hui, le modèle des "industries industrialisantes" se


caractérise, en sus des effets pervers qu'il a engendrés et de son
incapacité à assurer une croissance soutenue, par la faible
performance de l'économie industrielle à l'extérieur.

La présence de l'Algérie en amont du marché extérieur se limite


à l'exportation des seuls hydrocarbures qui représentent plus des 9/10
des exportations totales du pays. En 1991, par exemple, la part des
hydrocarbures s'est élevée à 95,3 % de ces dernières : les produits
raffinés ont représenté la moitié des exportations d'hydrocarbures
contre 24 % en 1981.
S'agissant des exportations de produits industriels, on peut
constater dans le tableau qui suit que ceux-ci n'ont représenté en 1991
que 30 % environ des exportations totales hors hydrocarbures; 4,2 %
ont porté sur des produits miniers et de carrières.

133
Tab 37: Exportations des différentes branches industrielles en
1991
(en millions de DA)

Branches Effectif Exportations


entreprises
de la branche en valeur en % des
(106 DA) export hors
hydrocarb.
Mines et carrières 5 500 4,4
Ind. sidérurgiques et métallurgiques 6 650 5,4
Ind. mécaniques et métalliques 12 796 6,6
Ind. électriques et électroniques 08 408 3,3
Ind. des matériaux de construction 19 0 0
Ind. chimiques et pharmaceutiques 06 920 7,6
Agro-alimentaires 31 - -
Textiles et cuirs 14 338 2,8
Total 101 3612 29,8
Source : MIE, Extrait.
L'échec du modèle de développement "autocentré" ainsi
constaté, l'Etat tente de se redéployer en fixant à l'économie nationale
un nouvel espace de reproduction et de nouveaux objectifs. On peut
lire à cet effet dans un document du MPAT ce qui suit :

"Une rupture incontournable s'impose, à travers un nouveau


modèle de développement orienté vers l'intégration de l'Algérie dans la
nouvelle économie mondiale qui se met en place. Cette exigence
économique implique toutefois un choix lourd, que seul un Etat rénové et
fort pourra encadrer et mener à bien.
"Il s'agira en effet d'opérer les profondes mutations qu'implique
le nouveau modèle lié à l'économie de marché, en affrontant les tensions
et déséquilibres que continuera pour un temps, de développer l'inertie du
modèle précédent et en se heurtant également, à une conjoncture
internationale peu favorable, en raison de tous les réajustements qui sont
engagés : pénurie de capitaux, tant que les accords du GATT et tous les
processus de restructuration n'auront pas encore abouti, dans les grands
pays industrialisés.
"La stratégie qu'implique ce choix, poursuivent les rédacteurs
du document du MPAT, devra ainsi sacrifier d'abord, de nombreux
mythes entretenus jusque là (autosuffisance alimentaire, possibilité de
tout financer sur le secteur des hydrocarbures, relance industrielle dans
la configuration actuelle du secteur...) et surmonter dans le même temps,
les contraintes financières et sociales : ces exigences nécessitent de

134
nouvelles finalités économiques, un nouveau rôle de l'Etat dans la sphère
économique et de nouvelles stratégies sectorielles"88

Conséquemment donc à l'échec du modèle autocentré, mû par


le souci d'un développement national de l'économie, l'ouverture de
cette dernière sur son environnement international devient, dans
l'esprit des nouveaux décideurs, une donnée incontournable.

12 - Développer le commerce de proximité et confirmer


l'engagement méditerranéen de l'Algérie.

L'économie algérienne est doublement dépendante du marché


extérieur. En amont, sa dépendance à l’égard d'un seul produit, les
hydrocarbures, ne fait plus l'objet d'un quelconque débat tant que la
spécialisation pétrolière et surtout gazière du pays aura tendance à se
développer durant les années à venir. Le secteur des hydrocarbures,
contrairement au reste de l'économie, bénéficie de l'attention voulue
des investisseurs étrangers (chap IV, point 22) : l'enjeu est d'assurer la
sécurité des approvisionnements énergétiques des pays industriels dont
ceux de l'Union Européenne.

En aval, l'analyse de la structure des importations par zone


géographique montre que les relations commerciales de l'Algérie
tendent à se focaliser au fil du temps sur un groupe restreint de pays.
La tendance est au développement d'un commerce de proximité
orienté vers les pays développés.

En effet, quoique l'Algérie établit des relations extérieures avec


un large éventail de pays (72 en 1994 dont 18 en Afrique, 22 en
Europe, 7 en Amérique, 9 en Asie et 16 au Maghreb et Moyen Orient),
le domaine de son commerce international est très étroit. Le commerce
international de l'Algérie est un commerce de proximité orienté vers
les pays de l'Union européenne, voire vers les pays de la rive nord de la
Méditerranée occidentale.

Les principaux partenaires de l'Algérie sont, pour les énumérer,


la France, l'Italie, les Etats Unis d'Amérique et l'Allemagne. Mais on
peut remarquer, malgré une présence américaine importante dans les
exportations algériennes, que c'est la CEE qui avait fourni, en 1991, à

88
- MPAT : Demain l'Algérie. L'état du territoire. La reconquête du territoire. OPU,
Alger, non daté, 432 p, p115.

135
l'Algérie 60,2 % de ses importations et absorbé 69,2 % de ses
exportations.

Tab 38: Répartition par zone géographique des échanges


commerciaux de l'Algérie en 1991 (en %)
Zone géographique Importations Exportations
CAF FOB
CEE 60,22 69,19
dont : - Allemagne 10,17 2,54
- France 21,47 20,17
- Italie 13,05 17,87
- Espagne 7,73 7,30
Amérique 13,16 21,15
dont Etats Unis 9,56 18,56
Asie 7,59 1,93
dont Japon 4,90 0,75
Afrique 3,25 1,96
dont Pays du Maghreb 2,20 1,63
Reste du Monde 17,78 7,77
Total 100 100
Source : MIE, 1994, Extrait.

Comme il a été déjà souligné plus haut, l'Algérie entretient un


commerce international de proximité tourné vers les pays de la rive
nord de la Méditerranée occidentale. La France, l'Italie et l'Espagne,
focalisent à elles seules, les 4/10 environ du commerce extérieur de
l’Algérie (42 % des importations et 44 % des exportations de cette
dernière en 1991)). Les pays du Maghreb, qui constituent avec
l'Algérie l'UMA depuis 1989, n'ont été destinataires à la même époque
que de 1,63 % des exportations de l'Algérie à laquelle ils avaient acheté
2,2 % de ses exportations...

Dans le commerce international de proximité que développe


l'Algérie, la France se place au premier rang aussi bien en volume
global des échanges qu'en termes de produits exportés vers l'Algérie.
Elle détient, à nous référer aux données publiées par le Centre français
du commerce extérieur (CFCE), 30 % environ des importations de
l'Algérie. Cette quote-part, la France la préserve depuis une dizaine
d'années déjà.

136
Tab 39: Evolution des importations de l'Algérie et des
exportations
de la France vers l'Algérie (1985-1994).
Unité : millions de $
Année Importations Exportations de Part de la
totales de la France vers France dans les
l'Algérie l'Algérie importations
algériennes en
%
1985 7 789 2 245 28,8
1986 7 256 2 293 31,6
1987 6 296 1 965 31,2
1988 6 840 1 591 23,3
1989 7 626 2 005 26,3
1990 9 058 2 718 30,0
1991 7 320 2 181 29,8
1994 8 010 2 398 29,9
Source : CFCE-DREE

Malgré un léger recul enregistré en 1988 et 1989 par rapport à


1986, le volume global des exportations françaises vers l'Algérie
enregistre une légère hausse en 1994 par rapport à 1985 (+ 3 %) mais
une augmentation tout de même de 27 % par rapport à 1987.

Le développement des échanges commerciaux entre les deux


pays ne profite pas de la même façon aux deux parties. Il s'agit d'un
commerce extérieur déséquilibré et présentant un solde favorable à la
France depuis 1986. Le cumul du solde commercial de 1988 à 1994
représente trois fois environ le volume des exportations de l'Algérie
vers la France en 1994.

Tab 40 : Evolution des échanges commerciaux de l'Algérie avec la France (1980-1994).


Unité : milliards de FF
Désignation 1980 1982 1984 1986 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Importation 11,1 14,1 23,7 15,9 9,4 12,7 14,7 12,2 11,8 11,9 13,4
s
Exportation 7,3 25,9 24,8 11,7 7,6 9,4 10,5 11,9 9,9 7,8 8,8
s
Solde -3,8 +11,8 +1,1 -4,2 -1,4 -3,3 -4,2 -0,3 -1,9 -4,1 -5,1
Source : CFCE-DREE.

L'Algérie, contrairement à beaucoup de pays en


développement, est un partenaire particulier de la CEE, du moins un
grand partenaire de la France. Vis à vis de la CEE, les importations
algériennes représentent le double environ des importations
marocaines et tunisiennes réunies. Mais l'ensemble des importations

137
maghrébines de la CEE ne représente que 2 % environ des
exportations totales de cette dernière.

Vis à vis de la France, la place de l'Algérie est irremplaçable.


"L'Algérie est pour la France le premier marché hors OCDE. C'est le
plus important importateur maghrébin des produits français et ce, devant
le Maroc et la Tunisie. En 1993, sur les cinquante premiers postes à
l'importation de l'Algérie, la France arrive vingt sept fois au premier
rang, avec dans certains cas, des parts de marché très élevées : 74,2 %
pour le médicament, 72,8 % pour les voitures"89.

Enfin, pour revenir à l'idée de développement du commerce de


proximité, on doit souligner que l'Algérie semble avoir fait durant les
dix dernières années des choix stratégiques en ce qui concerne son
commerce extérieur. La tendance globale est, en matière de commerce
extérieur, d'une part à un échange accru avec les pays de l'Union
européenne, particulièrement avec ceux de la Méditerranée et d'autre
part, au rééquilibrage des relations entre ces derniers qu'elle semble
vouloir mettre en compétition et ce probablement, dans le souci
d'échapper à la domination et à la dépendance vis à vis d'un seul pays.
Diversifier ses partenaires commerciaux, c'est pouvoir assurer la
sécurité de ses approvisionnements mais aussi bénéficier des avantages
qui sont offerts par la concurrence commerciale internationale.

Nous avons souligné plus haut que l'Algérie s'est tournée


durant les dix dernières années sur le commerce de proximité.
L'information chiffrée relative à l'évolution du commerce extérieur de
ce pays montre le fort engagement de l'Algérie dans le commerce avec
les pays européens de la Méditerranée occidentale.

En matière d'importation, l'analyse des données montre que :

1 - malgré une baisse de 20 % de la valeur des importations


entre 1984 et 1992 (respectivement 10 482 et 8 375 millions de $), la
part de la CEE dans les approvisionnements de l'Algérie a crû de 10 %
environ; elle passe de 58,7 % des importations totales de l'Algérie en
1984 à 68,2 % en 1992;

2 - la part de la CEE méditerranéenne dans les


approvisionnements algériens est également en constante

89
- MEF : Lettre mensuelle d'Algérie, n°4 du 01/02/1995, CFCE-DREE, Paris, :
Dossier Algérie.

138
augmentation. Les importations en provenance de la France, de
l'Italie, de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce ont connu une
augmentation de 13 % en 1984 et 1992 : la part de ces cinq pays dans
les importations en provenance de la CEE est passée de 64,5 % en 1984
à 77,5 % en 1992;

3 - la préférence méditerranéenne de l'Algérie est d'autant


visible que ce pays semble privilégier ses relations commerciales avec
les pays européens riverains de la Méditerranée et ce, au détriment de
ceux du nord de la CEE. A titre d'exemple, l'Allemagne qui fournissait
17,8 % des importations en provenance de la CEE en 1984 n'en fournit
plus que 10,3 % seulement en 1992.

Tab 41: Evolution des importations de l'Algérie en provenance de


la CEE.
Désignation 1984 1987 1990 1992
Import. tot en 106 $ 10 482 7 042 10 372 8 375
dont en provenance de la
CEE 6 161 4 268 6 735 5 717
- en millions de $ 58,7 60.6 64,9 68,2
- en % des import. totales
Part de quelques pays dans
les exportations de la CEE
vers l'Algérie (en %)
1 - France 39,2 37,7 44,3 43,2
2 - Italie 14,6 18,4 19,0 20,4
3 - Espagne 9,4 7,5 9,4 13,6
4 - Allemagne 17,8 17,3 15,1 10,3
5 - Grèce 1,7 1,2 0,5 0,3
6 - Portugal 0,5 0,5 0,3 0,2
Total CEE méditerranéenne 64,5 65,3 73,5 77,7
Source : FMI-BM, Extrait, p94.

4 - Le développement des relations commerciales avec les pays


de la CEE riverains de la Méditerranée semble évoluer vers une
compétition future entre la France d'une part, l'Espagne et l'Italie
d'autre part. En effet, bien que la France reste en tête de peloton (39,2
% en 1984 et 43,2 % en 1992 des importations en provenance de la
CEE méditerranéenne), la part des deux autres concurrents est en
nette augmentation. Elle passe de 24 % en 1984 à 34 % en 1992 : le
retrait de l'Allemagne est plus avantageux à l'Italie et à l'Espagne qu' à
la France.

Au total on doit souligner que l'Algérie se tourne de plus en


plus vis à vis des pays de la Communauté Européenne et
particulièrement vers ceux de la Méditerranée. Ceci apparaît

139
également en matière de développement du secteur des hydrocarbures
qui se trouve lui aussi entièrement tourné vers la Méditerranée.

13 - Tirer avantage du secteur exportateur et promouvoir


le développement économique.

L'Algérie a assis le développement de son économie sur son


secteur pétrolier. C'est grâce en effet au secteur des hydrocarbures
qu'une importante infrastructure économique et industrielle a été mise
en place depuis le début des années soixante-dix. C'est ce même secteur
qui semble constituer aujourd'hui encore la caution aux créanciers
extérieurs.

Le rôle prépondérant futur du secteur des hydrocarbures dans


l'économie nationale est d'autant renforcé que l'Algérie est
aujourd'hui le pays méditerranéen qui "bénéficie" d'un quasi
monopole de production et d'exportation de pétrole au sein du Bassin
méditerranéen. Il s'agit d'un avantage naturel que les innovations
technologiques faites dans le domaine du transport des hydrocarbures
et le climat politique qui règne au sein de la Méditerranée, renforcent.

Les courtes distances qui séparent l'Algérie de l'Europe via la


Tunisie et l'Italie ou via le Maroc et l'Espagne permettent désormais de
relier les deux continents par pipe line et donnent à l'Algérie quelques
atouts d'une intégration rapide à l'ensemble euro méditerranéen. Dans
ce sens, des engagements importants de livraison de gaz et de pétrole
aux pays de l'Union Européenne, à ceux du Maghreb et à quelques
autres de la rive nord de la Méditerranée ont été signés durant les dix
dernières années : certains des contrats ont une durée de vie de plus de
trente ans. La longévité des contrats ainsi signés préserverait-elle le
pays de la concurrence internationale (appropriation des marchés) ou
obéit-elle à d'autres objectifs qui sont dans ce cas précis la sécurité
énergétique des pays européens ou encore la caution que doit verser
l'Algérie à ses créanciers en cas d'impossibilité de remboursement
futur de ses dettes ? Tout concentrer sur les pays de l'Europe en
matière d'exportation des hydrocarbures ne risque-t-il pas d’accroître
la vulnérabilité du secteur des hydrocarbures, déjà fragilisé par les
variations des cours mondiaux du pétrole?

140
Tab 42 : Contrats d'exportation de GNL et de gaz naturel par la
SONATRACH jusqu'à l'horizon 2020.
Désignation Date du Date de date Volume
contrat début de d'expiratio annuel
livraison n (milliards
de m3)
Européenne méditerranéenne
Gaz de France (France)............... 1962 1965 2002 0.5
.............. 1971 1973 2013 3.5
............. 1976 1982 2013 5.2
.............. 1991 1992 2002 1.0
Distrigaz (Belgique)................... 1975 1978 2004 4.5
Enagas (Espagne) ...................... 1975 1978 2004 3.8
..................... 1992 1995 6,0
Natgas (Portugal)....................... 1992 1997 2015 2.1
SNAM (Italie)............................. 1977 1983 2019 19.2
ENEL (Italie) ............................. 1992 1995 2015 4.0
Depa (Grèce)............................... 1988 1996 2013 0.7
Pétrol Ljubljana (Slovénie)........ 1985 1992 2007 0.6
Botas (Turquie)........................... 1988 1993 2012 2.0
Total Europe - - 53.1

Maghreb
ETAP (Tunisie)........................... 1977 1983 2019 0.5
Maroc.......................................... 1.0
Total Méditerranée 54.6
Reste du Monde (Etats Unis) 5.2 à 5.8
Total général 59.8 à
60.4
Source : SONATRACH, Extrait MIE

Ainsi, sur les 60 milliards de m3 de gaz naturel et de GNL que


prévoit d'exporter l'Algérie à l'horizon 2000, 90 % environ des
quantités seront destinées aux seuls pays du Bassin méditerranéen et
les exportations algériennes couvriraient l'essentiel des besoins
énergétiques de l'Union européenne. Disposant d'un réseau de
transport par canalisation totalisant près de 11 500 km de pipeline
dont 10 gazoducs de 20 à 48 pouces de diamètre et 13 pipelines pour le
transport des liquides de 8 à 34 pouces de diamètre, l'Algérie envisage
même d'approvisionner en gaz au moyen des canalisations quelques
pays du nord de la Communauté Economique (Allemagne).

En plus des investissements sur les canalisations nécessaires au


transport du gaz naturel à destination des marchés extérieurs,
l'Algérie se lance également dans la récupération des liquides de gaz
(condensat et G.P.L.) et la réalisation de nouveaux investissements de
séparation du G.P.L. en butane et propane et la production d'un
additif pour l'essence sans plomb.

141
Le développement du secteur des hydrocarbures en Algérie
s'inscrit dans le projet de développement futur du secteur énergétique
de l'Euro Méditerranée. La Conférence de Barcelone du mois de
novembre 1995 prévoit en effet que la coopération entre les différents
partenaires dans le domaine de l'énergie est sujette à la création de
"conditions cadres adéquates pour les investissements et les activités des
compagnies d'énergie, en coopérant pour créer les conditions permettant
à ces compagnies d'étendre les réseaux énergétiques et de promouvoir les
interconnexions"90.

On doit se demander bien évidemment pourquoi l'Algérie met-


elle en place une aussi ambitieuse politique énergétique?

Les raisons de ce choix sont multiples mais la plus importante


semble être liée au programme, non moins ambitieux, de
développement futur du pays. Les responsables de l'économie semblent
beaucoup tabler sur le secteur énergétique qui devrait servir de
courroie de transmission en matière de partenariat entre les
entreprises nationales et les investisseurs étrangers. Les multiples
blocages auxquels est confrontée l'économie ainsi que les déséquilibres
nés de l'expérience antérieure de développement nécessitent en effet
d'importants investissements que ne peut plus supporter l'Etat à lui
seul. " Les investissements considérables qu'impliquent les programmes
d'infrastructures publiques, rapidement et incomplètement esquissés,
excluent totalement la possibilité pour l'Etat, de continuer à prendre en
charge les financements impliqués"91 relèvent les rédacteurs du
document du MPAT.

Quels sont donc les grands axes de la nouvelle politique de


développement que tentent de mettre en place les décideurs? Cette
politique est résumée dans le passage suivant du Ministre de
l'Equipement et de l'Aménagement du Territoire :

"L'asphyxie des grandes villes, la crise de l'habitat, l'absence de


services de proximité, la dévitalisation des zones montagneuses et rurales,
la dégradation des zones steppiques et sahariennes sont autant de

90
- Déclaration de Barcelone ou encore Déclaration des ministres des affaires
étrangères des pays de l'Union européenne et des PTM.
91
- MPAT : Demain l'Algérie, op cité, p191.

142
symptômes révélateurs de ce que sera l'Algérie, demain, si nous ne
réagissons pas.
"Face au défi le plus singulier de son histoire,... l'Algérie doit
également muer et être présente dans le Monde qui inscrit radicalement
sa marche dans une rupture par rapport à la période antérieure.
"Face à cette nouvelle donne internationale caractérisée par une
économie globale, dominée par un consommateur mondial et arbitrée par
les marchés financiers, l'Algérie doit saisir cette opportunité pour
s'intégrer à la grande marche du 21ème siècle. Dans ce nouveau Monde
où l'avantage technologique occidental est grignoté par les pays
émergents du Pacifique, l'Algérie doit non seulement articuler son
nouveau dessein, mais doit également s'interroger sur ses véritables
atouts et l'attractivité de son territoire".92

En clair, le développement futur de l'Algérie ne peut se faire en


marge du marché mondial, ni se passer de l'avantage technologique
occidental ou même être à l'abri de la concurrence et de la compétition
internationales. Cette idée est également partagée par plusieurs
économistes93 dont SID AHMED Abdelkader pour lequel : «le sous-
développement résultat de la rupture historique" entre "le centre et la
périphérie"94 du système économique mondial. Aussi, pour cet auteur,
comme pour les responsables de l'économie algérienne, la solution à la
question du développement consisterait-elle dans le rétablissement des
relations entre pays développés et pays en voie de développement. Pour
le cas de l'Algérie, la solution est d'autant facile que, à nous fier au
courant de pensée précité, ce pays se situerait aujourd'hui à un stade
de développement supérieur à celui des pays du sud asiatique au
moment de leur "démarrage économique" : l'existence d'une
infrastructure économique importante, d'une base industrielle non

92
- MEAT : "Prologue au débat national sur l'aménagement du territoire" in Demain
l'Algérie, pV.
93
- Se reférer en particulier à Arghiri Emmanuel (Technologie appropriée ou
technologie sous-développée, 1981) qui démontre que la résorption du phénomène du
sous-développement passe, quoiqu'en pensent les marxistes tiers-mondistes, par
l'adoption par les pays sous développés de technologies "capital intensive". Cet auteur
montre que si l'objectif recherché par les dirigeants des PVD est l'accroissement du
revenu des habitants et l'amélioration de leur niveau de vie, alors seules les sociétés
multinationales sont en mesure de parvenir à la réalisation de cet objectif. Sa
démonstration est illustrée par le cas particulier des pays du sud de l'Asie qui, s'étant
ouvertes sur l'extérieur, ont pu rompre avec le cercle vicieux du sous-développement.
94
- SID AHMED Abdelkader : "Un projet pour l'Algérie : éléments pour un réel
partenariat euro-méditerranéen", Editions Publisud, 1995, 95 p.

143
négligeable et d'un secteur exportateur des hydrocarbures permettent
à eux seuls d'assurer la relance, voire de servir, à en croire Sid Ahmed
Abdelkader, de "locomotive" au développement des pays de la rive sud
de la Méditerranée occidentale.

Comme il ressort de ce qui précède, l'ouverture de l'économie


nationale sur son extérieur est préconisée comme solution à la crise.
L'ouverture ne se fait pas seulement en terme de suppression des
barrières douanières mais aussi comme rupture totale avec les
méthodes de gestion antérieures de l'économie et comme
redéploiement de l'économie nationale sur son environnement. Dans
cette optique, l'Algérie semble avoir adopté tous les moyens nécessaires
à l'attrait des capitaux étrangers de même qu'elle circonscrit son
développement futur dans l'un des plus grands espaces économiques
mondiaux : l'Euro Méditerranée. De ce point de vue, l'Algérie réalise
depuis une dizaine d'années déjà l'essentiel de ses transactions
commerciales et économiques avec les pays de l'Union Européenne
dont particulièrement ceux de la rive nord de la Méditerranée. Il faut
préciser que ce pays compte tirer avantage de sa nouvelle politique de
coopération en dynamisant son secteur exportateur qui se résume pour
l'instant à celui des hydrocarbures.

Ces nouveaux engagements de l'Algérie sont-ils les garants d'un


développement effectif comme le préconisent les responsables de
l'économie nationale et les experts des institutions financières
internationales ou sont-ils les indices d'une extraversion plus poussée
de l'économie nationale? C'est la question à laquelle nous tenterons de
répondre à présent en essayant d'identifier quelques difficultés
d'intégration de l'Algérie en particulier et des pays en voie de
développement au marché mondial dominé de plus en plus par la loi de
la concurrence.

II - Difficultés et conséquences d'une politique de


développement axée sur l'extérieur :
cas du projet de la ZLE euro méditerranéenne.

L'Algérie, comme l'ensemble des pays du pourtour


méditerranéen et de la Communauté Européenne comptent tirer
avantage de l'ouverture de leurs frontières économiques et
commerciales sur l'extérieur, du moins de leur inclusion au nouvel
espace économique euro méditerranéen. Les justificatifs de la politique
d'intégration sont, ainsi que nous l'avons souligné ci-dessus pour le cas

144
de l'Algérie, nombreuses. Vue de la rive sud de la Méditerranée, la
mise en place d'un partenariat euro méditerranéen a pour objectif
premier d'atténuer les écarts de développement économique entre les
deux rives, autrement dit d'apporter une solution au problème du
sous-développement.

Cette analyse se fonde sur au moins deux hypothèses.

La première consiste à affirmer qu'il est possible de généraliser


les expériences de développement des pays qui ont pu se développer
grâce au partenariat aux pays encore actuellement sous-développés.
Plusieurs exemples peuvent être cités à cet effet. Le premier et le plus
important est sans doute le cas de la Communauté Economique
Européenne qui, par étapes successives, est parvenue à développer non
seulement les pays fondateurs de cette Communauté mais aussi à
entraîner plusieurs autres pays, récemment encore sous-développés.
Aujourd'hui, l'intégration des économies européennes est un fait
irréversible et la Communauté devient un pôle régional autour duquel
gravite plusieurs dizaines de pays sous-développés.

Dans le même ordre d'idée favorable à la mise en place d'un


partenariat Nord-Sud, le cas des NPI est également cité en exemple : le
Brésil, l'Argentine et le Chili en Amérique latine, la Chine, la Corée du
Sud, Hongkong et Taiwan dans le Sud-est asiatique connaissent des
taux de croissance économique remarquables grâce à leur ouverture
sur l'extérieur et au développement du partenariat avec les
investisseurs étrangers. Ainsi et en conformité à ce cadre de référence,
les pays de l'Euro Méditerranée gagneraient à promouvoir un co-
développement.

La seconde hypothèse sur laquelle se fonde l'analyse en faveur


d'une intégration pays développés -pays en développement est que le
retard accumulé par les derniers cités est dû à leur fermeture sur eux-
mêmes. C'est du moins ce que l'on retient de la proposition d'une plus
grande ouverture des pays en développement sur leur environnement.

Bien qu'une hypothèse n'a de validité que si elle est mise en


application, il est cependant possible de montrer que les deux
hypothèses précédentes simplifient quelque peu la complexité du
problème abordé. Plusieurs questions méritent d'être posées à la
lumière de la décision de mise en place à l'horizon 2010, d'une zone de
libre échange euro méditerranéenne.

145
21 - L'Euro Méditerranée : intégration ou absorption des PTM?

Les expériences de développement en partenariat à travers le


monde montrent que celles-ci ont eu des résultats différenciés. En effet,
selon que l’expérience a ou non bénéficié de l'aide économique désirée
et de l'apport technologique nécessaire, ses résultats ont été probants
(cas de la CEE qui s'est mue en Union Européenne intégrant à chaque
fois de nouveaux pays) ou catastrophiques (cas du COMECON qui
s'est effritée et faisant depuis l'objet d'une absorption lente par la
Communauté Européenne).

Le projet d'intégration euro méditerranéenne rendu officiel


depuis novembre 1995 par la Conférence des ministres des affaires
étrangères des pays participants n'échappe pas à cette logique
d'extension des "frontières économiques de la Communauté
Européenne"95 et au "jeu des blocs"96.
"La globalisation et la régionalisation, écrit G. KEBABDJIAN,
resteront dans les vingt prochaines années deux caractéristiques
marquantes de l'économie mondiale. dans un contexte
d'interdépendances croissantes et généralisées, l'économie monde
renforcera son organisation autour des trois grands blocs déjà constitués
: l'un centré sur l'Union européenne, l'autre sur les Etats-Unis avec

95
- Se reférer au travail de synthèse de Catherine BOEMARE :
* "Les frontières de l'Europe des douze : Maghreb, Europe Centrale et Orientale.
Politiques d'échanges et de Coopération en agriculture", communication au Séminaire
SOLAGRAL-IAM, Montpellier, Sept. 1993.
** "La coopération entre l'Union Européenne et les pays du Maghreb. Implications
pour le développement au Sud", mémoire de DEA, EHESS, Paris VI, 1993-1994, 113
pages.
96
- La négociation des accords du GATT, lit-on dans CdP, a duré huit ans, au cours
desquelles les pays négociateurs se sont aussi engagés, à un rythme sans précédent,
dans la création ou le renforcement d'accords régionaux, marchés communs, unions
douanières, etc. Encore aujourd'hui, alors que l'accord de Marrakech est signé depuis
un an, la négociation des zones de libre-échange se poursuit comme si le cadre
multilatéral ne pouvait répondre aux problèmes posés par la mondialisation. Ainsi
l'Union européenne a ouvert des négociations avec les pays du Maghreb et du Moyen
Orient, avec les pays du Marché commun du Cône Sud (Mercosur), avec les signataires
de l'Association de libre échange nord-américain (Aléna). Les Etats-Unis proposent une
zone de libre échange à l'ensemble des pays latino américains et à l'Europe.
L'Association des Nations de l'Asie du sud-est s'adjoint un volet économique avec la
création de l'Asian Free Trade Area... Ce mouvement de régionalisation témoigne des
tensions produites par la réorganisation de l'économie mondiale. Depuis la fin de
l'hégémonie américaine, elle est le théâtre de l'affrontement de diverses versions du
capitalisme", tiré de Courrier de la Planète, n° 28, mai-juin 1995, SOLAGRAL, Paris.

146
l'ALENA, le dernier sur le Japon avec les diverses zones d'intégration et
de coopération qui se mettent en place en Asie/pacifique.
" Les pays méditerranéens, poursuit l'auteur précité, qui ne
pourront pas accéder au statut de membre de l'Europe communautaire,
devront se positionner dans le nouvel ordre économique mondial en
gestation. Ils risquent de devenir des laissés-pour-compte de la
mondialisation si n'est pas mise sur pied une forme d'association qui leur
soit naturel : l'Europe97"

Cette longue citation ne laisse aucune équivoque quant au


devenir futur des Pays Tiers Méditerranéens qui doivent faire le choix
entre leur inclusion plus ou moins négociée dans le nouvel espace
économique régional en formation ou a en être exclus et ce, avec tous
les risques de dégradation de leurs structures économiques nationales.

A vrai dire, le choix d'une intégration des PTM à l'Euro


Méditerranée n'est que formel. Ces premiers dépendent entièrement,
comme nous l'avons souligné pour le cas de l'Algérie, de l'Union
Européenne aussi bien pour l'écoulement de leurs produits que pour
leurs approvisionnements. Dans ce sens, P. COULOMB et F.
JACQUET relèvent que les relations qui s'établissent entre l'Union
Européenne et les pays du Maghreb sont des relations qui témoignent
"de la dépendance évidente des économies maghrébines aux économies
européennes98".

Dans le même sens d'observation, Laure de CENIVAL qui


circonscrit son analyse aux échanges agro-alimentaires entre l'Europe,
d'un coté et les pays du Maghreb et l'Egypte de l'autre, constate que :
" Du point de vue spécifiquement agricole, l'Europe absorbe 80 % des
exportations du Maghreb et 27 % de celles de l'Egypte. Ces pays achètent
principalement des produits de base (céréales, produits laitiers,
oléagineux et sucre), tandis qu'ils vendent sur le marché communautaire
des produits alimentaires "secondaires" (fruits et légumes), notamment
agrumes, tomates, légumes secs et oignons, huile d'olive)99" .

97
- Gérard KEBABDJIAN : "Eléments d'une prospective euro-méditerranéenne",
Séminaire Méditerranée-Monde Arabe-Europe, Paris, Juillet 1996.
98
- Pierre COULOMB et Florence JACQUET : Les relations CEE-Maghreb, deux
années cruciales : 1986-1996", Options Méditerranéennes, Série B, n°8, IAM, 1994.
99
- Laure de CENIVAL : Vers un espace agricole euro-méditerranéen? Séminaire
SFER, Paris, 16-17/10/1995.

147
Enfin, on doit retenir que les liens étroits qui existent entre les
pays de l'Union Européenne et les PTM (du moins en ce qui concerne
les pays de la rive sud) laissent peu, sinon aucun choix quant à leur
inclusion de fait à l'Euro Méditerranée : toute résistance au processus
d'élargissement des frontières économiques de l'Union Européenne
semble avoir peu d'influence sur le fonctionnement global de cette
région économique. Doit-on rappeler que malgré la tendance à
l'augmentation des quantités échangées entre l'UE et les PTM (les
exportations totales de l'UE vers les PTM se sont élevées en 1993 à 45,6
Mécus contre 32,6 en 1990 alors que les importations de la première
des seconds furent aux dates respectives de 33,2 et 34,5 Mécus), celles-
ci demeurent négligeables dans le commerce extérieur de l'Union
Européenne. En pourcentages, les exportations de l'UE vers les PTM
représentent 4 % seulement des exportations totales de l'Union et les
importations en provenance des PTM ne s'élèvent qu'à 2 % à peine des
importations de l'UE !..

Ces quelques indications suffisent pour retenir qu'en matière


d'intégration euro méditerranéenne :"le chef d'orchestre ne peut être
qu'européen car l'Europe a la seule puissance nécessaire pour jouer le
rôle de leader en raison des pouvoirs de plus en plus importants qui lui
seront dévolus. Même si les vieilles relations bilatérales ont encore un bel
avenir, elles seront, qu'on le veuille ou non, appelées à se réinscrire dans
la dimension européenne par le jeu des transferts de souveraineté et des
réorientations de politiques nationales notamment des politiques
économiques, qu'impose la construction de l'Europe..." Donc autant
conclure que les PTM sont mis aujourd'hui face au géant européen et
que désormais "Tout se passe comme si les PTM étaient poussés dans
une ère nouvelle, l'ère de la fin des préférences acquises100".

22 - L'Euro Méditerranée : espace de développement ou


marché captif ?

Les PTM, particulièrement ceux du Maghreb, ont pu bénéficié


dans le cadre du système de préférences généralisées (SPG) mis en place
par la CEE, en juillet 1971, de concessions commerciales et ce, en vue
de favoriser leur industrialisation. Les accords de coopération
autorisent en effet le libre accès des produits industriels
méditerranéens au marché européen de même que ces contrats

100
- G. KEBABDJIAN, op cité.

148
bannissent la restriction des quantités et exemptent les produits des
droits de douane. Les produits agricoles méditerranéens bénéficient
eux aussi de réductions tarifaires variant, selon les produits, de 20 à 80
% . Les pays du Maghreb ayant le plus bénéficié de ces concessions
commerciales sont le Maroc et la Tunisie qui ont mis en application
leur contrat de coopération au milieu des années soixante-dix.

L'Algérie, qui est liée à la CEE par un contrat de coopération


de même nature et signé en 1976, n'a jamais mis en exécution ce
premier. Il lui a fallu être confrontée à la crise financière de 1986 pour
s'apercevoir que les revenus pétroliers, aussi importants soient -ils, ne
sont jamais suffisants pour couvrir les dépenses extérieures. En sus, ne
pas avoir mis en exécution ce contrat de coopération, l'a privée d'une
expérience : l'apprentissage de la conquête des marchés extérieurs.
C'est pourquoi elle tente aujourd'hui, même avec retard, de combler ce
vide en faisant semblant d'oublier que les conditions et les règles
d'insertion au marché européen ont changé pour l'ensemble des pays
de la Méditerranée. "Ces pays, mentionnent A. CHEVALLIER et I.
BENSIDOUN, ne peuvent durablement rester dans le statut actuel, il
leur faudra, à terme plus ou moins rapproché, introduire la réciprocité
vis à vis de l'Europe. Par ailleurs, les avancées de la libéralisation
multilatérale ont des répercussions importantes sur les conditions d'accès
au marché européen. La baisse générale des tarifs et l'élimination des
barrières non tarifaires, prévues dans le cadre de l'OMC, vont réduire les
marges préférentielles dont les pays méditerranéens bénéficient"101.

L'adhésion de l'Algérie à l'Euro-Méditerranée dont l'objectif de


long terme est la mise en place d'une ZLE, c'est-à-dire une zone de
libre circulation des facteurs de production et des marchandises dans
le nouvel espace, contribuera-t-elle réellement au développement de
son économie? La décision de suppression "des obstacles tarifaires et
non tarifaires aux échanges des produits manufacturés...102" de même
que la décision de libéralisation progressive du commerce agricole
euro-méditerranéen apportent-elles quelque chose de nouveau à
l'économie algérienne? L'Algérie ne serait-elle pas tentée seulement
par les avantages financiers que procurerait la ZLE euro-
méditerranéenne quoiqu'il est précisé que celle-ci sera soutenue "à la

101
- Agnès CHEVALLIER et Isabelle BENSIDOUN : "Euro-Méditerranée : le pari de
l'ouverture", Séminaire Méditerranée-Monde arabe-Europe, Paris, Juillet 1996.
102
- Extrait de la Déclaration de Barcelone, 27 et 28/11/1995.

149
fois par l'épargne interne, base de l'investissement et par des
investissements étrangers directs"16 ?

A moins que des événements importants ne viennent mettre en


cause le cadre qui commence à prendre forme, on est en droit de
penser que les PTM sont un vaste marché, un marché déjà réservé à la
Communauté européenne. Car dans le domaine de la coopération et de
l'intégration économique, le jeu semble être déjà fait.

Premièrement, l'Union européenne en tant que pivot du futur


espace économique régional sera confrontée au problème d'arbitrage
entre les PTM d'une part et les PECO d'autre part. "Indépendamment
de l'argument des ressources limitées qui condamnent l'Europe à
effectuer un arbitrage financier entre l'Est et le Sud, le problème est
essentiellement de nature économique. Les PECO, poursuit G.
KEBABDJIAN, constitueront pour des raisons historiques et politiques
évidentes un espace d'expansion régional prioritaire. En même temps, ces
pays se caractérisent par une spécialisation dans les secteurs où les PTM
sont susceptibles de chercher à s'industrialiser rendant ainsi
incompatibles sur le plan économique les deux processus d'extension de
l'Europe aux frontières, les PTM ayant peu d'atouts face aux
accroissements probables de compétitivité dans les PECO103".

Mais supposons que pour des raisons de stratégie interne, les


pays de l'Union européenne parviennent à mettre en place un système
de sous spécialisation régionale qui confirmerait les tendances actuelles
selon lesquelles les pays méditerranéens de l'Union se tourneraient
davantage vers le Bassin alors que ceux du nord seraient chargés
d'intégrer les PECO104. Si cette hypothèse se réalise, ce qui est fort
probable, alors se pose une autre question, celle de savoir en quoi le
projet euro-méditerranéen n'est-il pas, du moins "Comment peut-il
dissiper les craintes d'une reconduction du pacte colonial?"105 .

103
- G. KEBABDJIAN, op cité, pp. 67-68.
104
- C'est ce que constate l'auteur cité ci-dessus en soulignant le quasi-partage des
PECO et des PTM entre les pays du nord (l'Allemagne qui "a rapidement saisi la
chance d'expansion régionale que représente la transition à l'économie de marché dans
les ex-pays communistes...") et les pays du sud de l'Europe. "Une sorte de consensus a
donc été trouvée. La convergence est à construire à l'égard de la Méditerranée, une
région qui présente une zone d'intérêts directs pour les pays du Sud de l'Europe en
raison des pressions migratoires".
105
- A. Chevallier et I. Bensidoun, op citées, p2.

150
Deuxièmement, il est utile de relever que la question de
l'industrialisation des PTM, qui demeure préoccupante pour ceux qui
l'ont initiée, ne bénéficie d'aucun traitement particulier dans le cadre
de l'Euro-Méditerranée. Le secteur industriel des PTM est souvent
assimilé au secteur manufacturier, voire tout simplement au secteur
des textiles. L'abstraction est due probablement au fait que le secteur
industriel des PTM est peu performant alors que " les pays du
Maghreb... sont bien placés et disposent même d'avantages comparatifs
par rapport aux PECO dans le secteur de l'habillement en raison de leur
plus grande capacité à réagir sur des productions à flux tendu"106.

Et si toute la question industrielle des PTM devait être réduite


au développement du seul secteur du textile?

23 - L'Euro-Méditerranée : quelle place pour les PTM?

La Méditerranée est une "région économique" fortement


contrastée. Le contraste économique s'exprime d'abord dans les
niveaux de développement des différents pays et corollairement dans
les niveaux de vie et de revenu de leurs populations respectives107.

Dire que les pays de l'Union Européenne sont des pays


industriels développés et les PTM des "pays en voie de
développement" est une redondance. Mais souligner que les pays
industriels sont également les grands pays agricoles laisse peu de
perspectives à une intégration euro-méditerranéenne future, suscite du
moins l'interrogation de savoir qu'elle sera alors la place des PTM
dans le futur espace économique régional? Dans ce sens, l'objet assigné
à ce dernier paragraphe est de montrer que la possibilité d'intégration
des PTM à l'Euro-Méditerranée par le biais du secteur agricole est un
nouveau mythe. De façon implicite, le but recherché ici est de prouver
que l'économie des pays en voie de développement en général et celle
de l'Algérie en particulier sont des économies ouvertes sur l'extérieur.
Notre démonstration s'appuiera sur une étude récente portant sur

106
- G. KEBABDJIAN, op cité, p 71.
107
- En 1992, le PIB/hab s'est élevé à 1589 $ dans les PTM contre 19242 $ dans l'UE
soit un rapport de 1 à 12.

151
"Les contradictions des politiques européennes à l'égard des pays en
développement"108.

Les pays en développement notamment les PTM se


caractérisent globalement par un déficit alimentaire chronique et par
des importations alimentaires de plus en plus croissantes109. Les causes
explicatives de cette situation sont partiellement mais directement
imputables aux politiques agricoles et aux politiques d'exportation des
pays développés.

Prenons le cas des produits agricoles et alimentaires de base


(céréales, pommes de terre, huiles, viandes, lait, pommes de terre,
etc...) produits et exportés par les pays européens vers les pays
africains et du Bassin méditerranéen. Chacun de ces produits bénéficie
au niveau de son pays de production de plusieurs aides et subventions
(aides à la production, subventions aux exportations). Ces aides et
subventions avaient pour objectif initial d'augmenter chacune des
productions et par conséquent de faire face à des déficits structurels
dans la Communauté européenne. Les résultats obtenus par la mise en
application de ces moyens d'incitation ont permis de dépasser les
prévisions puisqu'ils ont même pu générer d'importants excédents de
production. "Faute de débouchés sur le marché européen, les
producteurs exportent alors sur des marchés tiers des produits dont la
compétitivité est directement liée au niveau de subvention interne, et qui
entrent donc, de façon déloyale, en concurrence avec des productions
locales équivalentes"110.

Les auteurs de cette citation montrent en effet l'existence d'une


corrélation directe entre les exportations européennes, produit par
produit, et la stagnation, voire le recul de la production des mêmes
spéculations dans les pays en développement.

108
- Etude réalisée par SOLAGRAL et sous la coordination de Yannick JADOT et de
Jean Pierre ROLLAND, SOLAGRAL Collection, Montpellier, 1996. - 118 p
109
- L'aide alimentaire s'élèvera, selon certaines estimations, entre 27 et 30 millions de
tonnes en 2005. A l'horizon 2020, les PED auraient à importer entre 160 et 210
millions de tonnes de céréales par an. Tiré de "Politiques de sécurité alimentaire.
Prospectives alimentaires", Séminaire Communauté Economique-SOLAGRAL,
Bruxelles, Avril 1996.
110
- SOLAGRAL : Les contradictions des politiques européennes à l'égard des PED, op
cité, p15.

152
Quoique chacun des cas mérite d'être longuement cité,
l'attention doit être particulièrement retenue par la politique céréalière
de l' UE. "Les prix garantis aux producteurs (à un niveau très supérieur
aux cours mondiaux) et la protection vis à vis des importations
constituent les principaux instruments qui ont permis le succès de la
politique européenne d'appui au secteur céréalier. Ce succès a également
généré des surplus croissants que les exportations vers les pays tiers (par
l'octroi des subventions aux exportations) ne sont plus parvenues à
résorber... La pénétration des céréales européennes sur les marchés des
pays en développement, grâce à ces mécanismes de subvention, a eu des
effets dépressifs sur la production locale en exerçant une concurrence
sur les prix et en modifiant les habitudes alimentaires des
consommateurs..."111.

On relèvera en ce qui concerne les importateurs de blé et de


farine de blé européens, identifiés en 1993-94, que l'Algérie intervient
en tête de liste : 14 % des exportations européennes contre 11 % pour
l'ex-URSS, 6 % pour le Maroc, 5% pour l'Egypte, 5% pour Cuba et 4
% pour la Libye. Quatre pays de la rive sud de la Méditerranée
absorbent à eux seuls 1/3 des exportations européennes.

Cette remarque prévaut pour l'ensemble des autres produits et


on relèvera qu'en matière de viande bovine, un autre produit
alimentaire également importé par l'Algérie et les autres pays de la
rive sud, l'Union Européenne, faisant face à des stocks croissants (400
000 tonnes en 1980 et 1 100 000 tonnes en 1992) a dû mettre en place
dès le début des années quatre-vingt une politique commerciale
offensive. C'est ainsi que les exportations de viande bovine de l'UE
passent de 650 000 tonnes en 1980 à 1 300 000 tonnes en 1992. En 1994,
les pays du Maghreb et du Moyen Orient ont été destinataires de 54 %
des exportations totales de viande de l'UE.

Comme pour les céréales et les viandes, le lait européen a


également conquis les marchés d'Afrique noire et du Maghreb. En
1992, 25 % des exportations européennes de poudre de lait et 33 % de
poudre de lait entier ont été écoulés en Afrique. La pomme de terre, le
concentré de tomate sont eux aussi écoulés en partie sur les marchés
maghrébins et du Moyen Orient.

Ces quelques exemples montrent bien qu'il sera très difficile


aux PTM de s'intégrer au futur espace euro-méditerranéen par le

111
- SOLAGRAL, idem que 24, p65.

153
biais du secteur agricole. Cette intégration s'avère d'autant impossible
que des pays comme l'Espagne et le Portugal, qui viennent d'être
intégrés à l'Union Européenne, développent des spécialisations
identiques (maraîchage, fruits) à celles de plusieurs PTM. Mais en
supposant que cette concurrence est à la portée de plusieurs pays de la
rive sud, alors doit-on lier l'avenir de toute une sous région à des écarts
de calendrier de six à sept jours seulement?

A l'arrière plan de ces interrogations, se pose l'autre question,


celle de savoir quelle est la place des PTM dans l'Euro-Méditerranée?

Conclusion :

Pour résorber la contrainte extérieure, les responsables de


l'économie algérienne ont fait le choix d'ouvrir d'avantage cette
dernière aux capitaux étrangers. L'ouverture des économies nationales
à l'investissement étranger est une exigence de la nouvelle économie
mondiale qui évolue vers la formation de trois grands espaces
économiques régionaux, c'est-à-dire vers la globalisation. Le Japon
devient le pivot autour duquel gravitent désormais les pays de l'Asie du
Sud, les Etats-Unis d'Amérique s'étendent vers leur sud et intègrent
progressivement les pays latino-américains alors que l'Union
Européenne voit ses frontières économiques s'étendre à l'Est et au Sud
par l' "intégration" des PECO et des PTM.

De par sa proximité géographique et culturelle ainsi que par ses


traditions commerciales, l'Algérie est forcément un pays "euro-
méditerranéen" qui tente de s'intégrer et de tirer avantage de cette
nouvelle aire de coopération en axant l'essentiel de ses échanges
commerciaux extérieurs sur les pays de l'Union Européenne. Il s'agit
ici d'un engagement qui témoigne des orientations globales et de
l'attachement de ce pays à se développer dans le nouvel espace
économique régional.

Mais à analyser de près la situation économique de l'Algérie


ainsi que les efforts qu'elle tente de développer pour résorber la
contrainte extérieure, on se rend compte que celle-ci à tendance à
s'aggraver. Les indices de l'aggravation de cette contrainte sont la
focalisation de plus en plus accentuée des échanges extérieurs, la
dépendance accrue du secteur des hydrocarbures qui nécessite des
investissements de plus en plus importants, l'absence de compétitivité
des autres secteurs économiques et enfin la lenteur, voire l'absence

154
d'attrait des capitaux étrangers. L'Euro Méditerranée serait- elle alors
une zone de prospérité partagée , un marché pour les pays développés
ou encore une "région économique" dans laquelle "... aucun projet
économique régional ne se fera sans l'accord et la contribution de
Washington" et notamment d'autres puissances économiques
extérieures à la région?

La question est posée et mérite nécessairement des engagements


qui soient à la hauteur des aspirations au développement exprimées
par les différentes parties. Mais la hâte avec laquelle l'Algérie a
focalisé la totalité de ses engagements de développement futur dans
cette région lui donne-t-elle des chances de négociation de son
"intégration" future à cet espace. Lui permet-elle d'éviter de devenir
un marché captif? L’Algérie dispose-t-elle d'autres cartes qui lui
permettraient de mieux négocier sa place dans cet ensemble ou doit-
elle se résigner à jouer son rôle traditionnel de pays pourvoyeur
d'hydrocarbures? Sa dépendance vis à vis de l'extérieur ne risque-t-
elle pas de s'aggraver et son économie de subir d'autres récessions? A
ce propos, les réformes mises en place et qui tardent à se finaliser ont-
elles généré les progrès nécessaires à la jugulation de la dépendance vis
à vis de l'extérieur?

155
DEUXIEME PARTIE

Effets des réformes sur le développement du secteur agricole :


les premiers résultats.

156
Chapitre VIII : Performances récentes et insuffisances
du secteur agricole

Contrairement au reste de l'économie et particulièrement au


secteur industriel, le secteur agricole a enregistré, conséquemment aux
réformes qui lui ont été appliquées depuis 1987, quelques
améliorations. Celles-ci consistent- le fait est rarissime- en la tendance
à l'augmentation de certaines productions mais aussi et surtout en la
participation accrue de l'agriculture dans la richesse nationale.

Cependant, bien que le secteur agricole semble entamer une


phase de distinction positive du reste des secteurs économiques,
plusieurs insuffisances continuent à le caractériser. Ces dernières sont
d'ordre structurel et liées à la difficulté de transformation, en un laps
de temps relativement court, des tendances lourdes de ce secteur.

Dans ce cadre, l'objet de ce chapitre est de présenter d'une part


les performances et insuffisances récentes du secteur agricole et de
tenter d'appréhender d'autre part, les tendances lourdes de ce secteur
que nous illustrerons par le cas de la céréaliculture.

I- En situation de "crise", le secteur agricole est plus


"performant" que le secteur industriel.

Les performances du secteur agricole se mesurent d'une part


par rapport à celles réalisées dans d'autres secteurs, particulièrement
dans le secteur industriel et d'autre part, par rapport à l'évolution
interne de ce même secteur.

11- Croissance de l'agriculture et récession de l'industrie

La crise de l'économie algérienne affecte différemment les


secteurs d'activité qui la composent. Elle a pour premier effet une plus
grande participation du secteur agricole à la création de nouvelles
richesses et une diminution de la part relative de l'industrie dans ces
richesses.

C'est ce que l'on peut constater en effet dans le tableau suivant


dans lequel sont indiquées les parts relatives de la Valeur Ajoutée (VA)

157
agricole et industrielle dans le PIB et d'autre part les indices
d'évolution de cette VA depuis 1987.

Tab48 : Evolution de la part relative de la VA Agricole et de la VA


Industrielle dans le PIB (1984-1993): indice 100 en 1987.
Année V.A Agricole V.A Industrielle
en % du Indice en % du Indice
PIB PIB
1984 8,7 69 16,0 119
1985 11,2 89 15,9 119
1986 13,0 103 18,8 140
1987 12,6 100 13,4 100
1988 11,5 91 13,6 101
1989 12,8 102 11,4 85
1990 11,1 88 10,3 76
1991 10,8 86 9,6 72
1992 12,0 95 10,1 75
1993 12,8 102 10,5 78
Source: BM, doc 3, Ext p 78

Alors que la VA agricole ne représentait, en pourcentage, que la


moitié de la VA industrielle dans le même agrégat en 1984, la part de
cette première (dans le PIB) est légèrement supérieure à la part de la
seconde en 1993: elles sont respectivement de 12,8 et 10,5% contre
successivement 8,7 et 16% en 1984.

Comparées à la date de démarrage des réformes économiques


(fin 1987 début 1988), il faut retenir que:

- la valeur ajoutée agricole s'est caractérisée par une forte


augmentation de sa part relative dans le PIB de 1984 à 1987 puis, par
un ralentissement de cette part entre 1987 et 1993. L'indice de la part
relative de la VA A (valeur ajoutée agricole) dans le PIB passe de 69 en
1984 à 100 en 1987 et à 102 en 1993: une sensible diminution a
caractérisé les années 1990 à 1992.
- la valeur ajoutée industrielle (VAI) s'est également
caractérisée par une forte hausse de sa part dans le PIB de 1984 à 1986
et ensuite par une diminution régulière de cette dernière date à 1993.
L'indice de cette variable passe de 119 en 1984 à 140 en 1986 (100 en
1987) à 78 en 1993.

L'écart favorable enregistré par le secteur agricole ne se mesure


pas seulement en valeur relative mais aussi en valeur absolue.

158
En dinars courants, la VAA a été multipliée par 3,6 en 1993 par
rapport à 1987: elle passe de 41,1 milliards de DA en 1987 à 147
milliards de DA en 1993. En outre, la VAA évolue à un rythme plus
rapide que la VAI. De l'indice 100 en 1987, cette première passe à
l'indice 358 en 1993 et la VAI à l'indice 275 soit un écart de 83 points.
Ceci est à souligner, d'autant que l'écart indiciaire était en faveur de
l'Industrie en 1984 (+32 points).

Enfin, on retiendra que, toutes choses égales par ailleurs, le


rythme d'évolution de la VAA tend à se rapprocher de celui de la
VATotale : l'écart en points indiciaires entre la seconde et la première
n'est que de 11 points en 1993 contre 41 points en 1984. C'est souligner
la participation grandissante de l'agriculture à la création des richesses
nationales.

Tab49 : Evolution de la VA agricole, industrielle et totale de 1984


à 1993 (en 109 DA)
Année VAA VAI VAT
Valeur Indice Valeu Indice Valeu Indice
r r
1984 18,3 45 33,6 77 210 86
1985 25,9 63 36,7 84 231,4 94
1986 29,7 72 42,9 98 228,8 93
1987 41,1 100 43,7 100 244,9 100
1988 40,3 98 47,6 109 264,8 108
1989 54,0 131 48,1 110 325,9 133
1990 59,4 145 55,4 127 420,5 172
1991 85,9 209 76,0 174 623,0 254
1992 118,8 289 99,4 227 781,6 319
1993 147,0 358 120,3 275 904,0 369
Source: BM, Doc 3, Ext p 46.

12- Le secteur agricole, plus apte à résorber le chômage


Les performances récentes du secteur agricole peuvent être
également appréciées dans le domaine de la création de l'emploi. En
effet, bien que la création de nouveaux emplois au niveau de
l'économie entière fut faible entre 1987 et 1993, le secteur agricole
demeure l'un des rares secteurs économiques où le nombre moyen
annuel d'emplois crées entre 1988 et 1993 est supérieur au même
nombre moyen entre 1984 et 1987.

Mis de côté le secteur de la "Construction et du BTP" dont


l'élasticité de l'offre d'emploi a atteint la valeur de 330% entre 1988 et
1993 comparativement à la période 1984-1987, le secteur agricole est

159
celui qui a enregistré le plus fort taux d'élasticité en matière de
création d'emploi durant les deux phases de référence.
Tab 50: Nbre moyen annuel d'emplois crées par les différents
secteurs
entre 1984-1987 et 1988-1993.
Désignation Offre d'emploi (moyenne Elasticité
annuelle)
1984-1987 1988-1993 en %
Agriculture 14 300 15 400 + 7,7
Industrie 10 000 3 000 - 70
Construction 2 000 8 600 + 330
Commerce et 15 300 16 200 + 5,9
Sces
Administration 45 300 30 400 - 32,9
Total 86 900 73 600 - 15,4
Source: Construit à l'aide des données du CNP.

Bien que le secteur des Administrations soit le secteur où a été


créé le plus grand nombre d'emplois entre 1988 et 1993 (environ 40%
de l'emploi total), il faut relever qu'il a été :

- plus difficile de créer de nouveaux emplois au niveau de ce


secteur,
- ainsi qu'au niveau du secteur industriel (élasticité négative et
respectivement égale à -32,9 et -70 % : -15,4 % au niveau de toute
l'économie).
- plus aisé de créer de nouveaux emplois dans le secteur du BTP
premièrement (e = +7,7 %) et dans le secteur du commerce et des
services ensuite (e = +5,9 %).

Mais si on doit rappeler que le secteur de la Construction et du


BTP sont les secteurs où la crise de récession a le plus d'effet et dont
l'une des manifestations est leur incapacité à pourvoir au paiement des
salaires des ouvriers qu'ils emploient, et si on doit souligner avec
Slimane BEDRANI, en ce qui concerne l'emploi administratif que
"des dizaines de milliers (peut-être des centaines de milliers) de
fonctionnaires ne travaillent réellement, en moyenne, qu'une ou deux
heures, quotidiennement tout en percevant des salaires relativement
confortables pour un pays en développement" 112, il faut alors conclure
que le secteur agricole est, malgré la crise qui le caractérise lui aussi, le

112
- S. BEDRANI: l'intervention de l'Etat dans l'agriculture en Algérie: constat et
propositions pour un débat, options Méditerranéennes, Série B, n°14, CLHEAM, 1995,
p 87.

160
secteur le plus performant en matière de création d'emploi depuis le
lancement des réformes de 1987-1988.

En plus de ces améliorations, on relèvera également la hausse


du niveau général de la production physique:

13- Une production agricole en hausse mais toujours fluctuante

La crise de récession qui affecte l'économie depuis 1985-1986,


les réformes, auxquelles fait face cette dernière, semblent opérer des
changements appréciables dans la tendance générale de la production
agricole. Cette dernière se caractérise, malgré les fluctuations, par une
hausse.

Si on prend en effet comme année de base, les années de


lancement des réformes dans le secteur agricole c'est-à-dire 1987 et
1988, nous pouvons constater, comme le montre le tableau suivant,
l'augmentation jusqu'en 1991 et 1992, de l'ensemble des productions à
l'exception de celle des viandes blanches et des produits de la pêche.

Avec l'indice 100 en 1987 et 1988, les céréales passent à l'indice


217 en 1991-92, les fourrages à 137, les légumes secs à 126, les cultures
industrielles à 163, les maraîchages à 117, les fruits à 127, les agrumes
à 117 et les viandes rouges à 127.
Tab 51 : Evolution indiciaire des principales productions
agricoles physiques(1987 et 1988=100)
Spéculations 1985-86 1987-88 1989-90 1991-92 1993-94
Céréales 172 30963 117 217 78
Fourrages 139 15887 87 137 55
Légumes secs 123 1010 82 126 86
Cult industrielles 93 3330 95 163 299
Maraîchage 91 47754 101 117 116
Oléiculture 103 hl 116 3111 68 74 108
Fruits frais 94 3684 103 127 153
Agrumes 85 5838 93 117 126
Viandes rouges 76 17602 123 127 136
Viandes blanches 83 4500 117 96 93
Poissons 92 1701 96 93 140
Sources: Données MA et BM
- Doc 1, Ext p 44
-L''agriculture par les chiffres, 1993 et 1994.

Dans le même sens d'évolution, plusieurs cultures et


spéculations ont vu leur production augmenter en 1993 et 1994. C'est
notamment le cas des cultures industrielles (indice 299), des fruits

161
(153), des viandes rouges (136), des agrumes (126), du maraîchage
(116) et de l'oléiculture (108).

D'autres cultures par contre, celles classées stratégiques par le


ministère de l'agriculture, ont vu leur production diminuer en 1993 et
1994 par rapport à 1987 et 1988, de 15% pour les légumes secs, de
25% les céréales et voire même de moitié en matière de fourrages.
Nous devons remarquer qu'en ce qui concerne ces trois dernières
spéculations, les fluctuations sont très importantes et peuvent varier du
simple au triple (céréales: 1993-94 par rapport à 1991-92 fourrages:
1993-94 par rapport à 1985-86) et du simple pratiquement au double
(légumes secs: 1993-94 par rapport à 1991-92 ou 1985-86).

En procédant de la même façon, c'est-à-dire en calculant des


moyennes biennales entre 1981 et 1982 et 1993 et 1994, puis en
rapportant ces chiffres à 1987 et 1988 (année de base), on constate que,
hormis l'élevage ovin et caprin, tous les autres types d'élevage (bovin,
équin et camelin) ont connu durant les dix dernières années une baisse
importante de leurs effectifs.

Tab 52 : Evolution indiciaire des effectifs des différents types


d'élevage (1987-88=100).
Désignation Bovin Ovin Caprin Equin Camelin
(moyenne)
1981-1982 101 90 117 98 124
1983-1984 107 104 120 104 111
1985-1986 97 90 108 101 102
1987-1988 1 425 000 16 288 000 2 400 000 85 000 124 000
1989-1990 98 107 102 99 98
1991-1992 93 110 113 82 113
1993-1994 91 112 109 82 92
Sources: Données 1)MA-BM, Doc 3, Ext p 62- 2)MA: L'agr par les chiffres: 1993 et 1994.

Le tableau précédent indique en effet une baisse :

- de 9% de l'effectif des bovins entre 1987-88 et 1993-94 mais


une baisse de 16% entre 1983-84 et cette dernière date;
- de 18 à 23% de l'effectif équin selon que l'on prenne comme
années de base 1987-88 ou 1983-84.
- de 8 à 32% de l'effectif camelin (1993-94 par rapport
respectivement à 1987-88 et à 1981-82).

Ces données sur l'élevage nous éloignent, peu à peu, des


performances récentes du secteur agricole.

162
II- Les insuffisances : persistance des tendances
traditionnelles.

L'une des faiblesses, sinon la faiblesse la plus importante du


secteur agricole est son incapacité à auto suffire la population en
produits agricoles et alimentaires. Les améliorations constatées au
niveau de la production sont-elles synonymes de réduction de la
dépendance alimentaire de l'Algérie et d'une plus grande intégration
agro-industrielle?

21- Une réorganisation sans effet sur les importations alimentaires


Les "performances" récentes enregistrées par le secteur
agricole ne signifient pas cependant une plus grande indépendance
alimentaire du pays. Mesurée en termes d'importations alimentaires,
celle-ci est moindre après les réformes de 1987-1988.

Tab 53 : Evolution des importations totales et alimentaires de


l'Algérie (moyennes biennales de 1985 à 1992)
( Valeur: en millions de $)
1984 1985-86 1987-88 1989-90 1991- 1993
92
Importations Valeur 12 646 11 805 9 587 11 408 9 798 9 458
totales Indice 134 123 100 119 102 99
Importations Valeur 3 230 3 351 3 249 3 023 3 064
de produits en % 25,5 28,4 33,9 34,7 30,9 32,4
alimentaires indice 99 103 100 122 93 94
Source: BM, Extrait Doc 1 p 4.

Ce tableau montre en effet que même si les importations


alimentaires tendent à diminuer en valeur (indice 94 en 1993 et 100 en
1987-88), leur part dans les importations totales tend, au contraire, à
augmenter. Elle passe de 25,5% en 1984 à 33,9% en 1987-88 et à
32,4% en 1993.

L'augmentation de la part alimentaire dans les importations


totales signifie que l'Algérie, étant en situation de crise de paiement
extérieur (diminution des importations totales), se voit contrainte
d'éliminer l'importation de produits de consommation "ostentatoires"
et de n'importer que les produits alimentaires "stratégiques" : c'est la
phase dite des "importations incompressibles" et de gestion rigoureuse
de la contrainte financière extérieure.

163
A ce dernier propos, il est utile de relever que parmi les
importations incompressibles, les céréales et les produits laitiers
continuent à voir, comme on le constate ci-dessous, leurs volumes
augmenter à l'importation.

Sauf années exceptionnelles, la production nationale des


céréales ne couvre que les 3/10 environ des besoins nationaux en ce
même produit. La même remarque prévaut pour la couverture des
besoins en lait dont le taux d'auto-suffisance ne s'élève qu' à 40%
environ.
Tab 54 : Evolution des importations céréalières et des produits
laitiers
( en volume)
Céréales Lait en poudre
103 tonnes en % la Tonnes en % de la
cons° totale cons° totale
1983-84 2 500 65 76 675 64
1985-86 2 800 52 81 600 65
1987-1988 2 375 61 101 500 63
1989-1990 4 760 72 128 500 61
1991-1992 3 865 52 131 108 62
Sources: Construit à l'aide des données tirées de - S. BEDRANI: CREAD, 1993.
- R. AMELLAL: OM, n° 14, 1995.

22- Une autosuffisance alimentaire incertaine.

Les potentialités agricoles de l'Algérie sont, à nous fier aux


113
études récentes de la Banque Mondiale, inestimables. L'Algérie,
grâce à sa vaste étendue (2,4 millions de km² environ, ce qui la classe,
en terme de superficie, second de l'Afrique et dixième dans le monde),
à la diversité de ses zones climatiques (humide sur la bande du littoral,
sub-humide dans la zone des hautes plaines de l'intérieur et sec en
zones steppique et saharienne) et enfin à ses potentialités hydriques
superficielles et souterraines, est considérée comme un pays où il ne
peut y avoir de rupture de cycle naturel de plusieurs spéculations. Le
Sahara qui offre la possibilité de produire deux fois durant la même
année des céréales et des légumes frais durant la période de froid dans

113
- BM: Review of agricultural policies and agricultural services: 1987-1993, Déc
1994.

164
le nord, est considéré par plusieurs agronomes comme une "serre à ciel
ouvert". Mais en dépit de cette richesse naturelle, l'agriculture
nationale ne couvre que 24% 114environ des besoins alimentaires
nationaux.

Néanmoins, on peut remarquer dans le tableau qui suit, que si


l'autosuffisance alimentaire demeure incertaine, des progrès
appréciables ont été enregistrés ces dix dernières années notamment en
ce qui concerne les légumes verts, les viandes rouges, les viandes
blanches et les oeufs de consommation, même si pour certains de ces
produits l'autosuffisance est loin d'être atteinte.

Tab 55 : Evolution du taux d'autosuffisance alimentaire de


certains produits agricoles (1981-1990).
Désignation 1981 1983 1985 1987 1989 1990
Céréales et 48 82 70 48 51 33
dérivés
Légumes secs 14 10 20 23 21 11
Légumes verts 61 49 60 99 91 89
Fruits 117 86 73 77 74 65
Viandes rouges 68 60 65 80 74 74
Viandes blanches 68 85 71 99 113 99
Oeufs de consom- 31 52 69 111 119 110
Lait - - 35 39 - 40
Sources: Données de:
S. BEDRANI, CIHEAM, 1993.
R. AMELLAL, CIHEAM, 1995.

En effet, l'autosuffisance est pratiquement atteinte pour les


légumes verts (89% en 1990 contre cependant 99% en 1987), les
viandes blanches (99%) et les oeufs de consommation. Mais atteindre
l'autosuffisance alimentaire en ces produits n'a pas grande
signification pour le consommateur algérien dont le modèle de
consommation est avant tout à base de céréales et de lait.

A ce sujet, on doit retenir avec R. AMELLAL qu' "en Algérie,


le lait occupe une place importante dans la ration alimentaire de chacun,
quel que soit son revenu. Ainsi, pour 1990, on estime que la lait a compté

114
- Estimation de la FAO; citée par:
O. BESSAOUD et M. TOUNSI: "Les stratégies agricoles et agro-alimentaires de
l'Algérie et les défis de l'an 2000", O.M, n°14, 1995.

165
pour 65,5% de la consommation de protéines d'origine animale,
devançant largement la viande (24,4%) et les oeufs (12,1%)"115.

S'agissant des céréales, on n'omettra pas de souligner qu' "elles


sont la source principale des calories alimentaires et la base commune de
tous les régimes alimentaires (urbains et ruraux et pour les différents
strates de revenus)"116.

Compte donc tenu de ces précisions, force est de conclure que


l'autosuffisance alimentaire de l'Algérie est, aux conditions actuelles de
production, incertaine. C'est ce que nous pouvons en effet constater à
l'analyse des tendances lourdes du secteur qui seront illustrées par le
cas particulier des céréales qui revêtent un statut spécifique dans le
système de production agricole mais aussi dans le modèle de
consommation algérien.

III- Une agriculture empreinte d'immobilisme : cas de la


céréaliculture.

Les réformes économiques se sont soldées, ainsi que nous


l'avons vu dans le paragraphe I, par la hausse conséquente des
productions de plusieurs spéculations mais aussi par la stagnation,
voire, par la baisse de quelques autres après, cependant, une
augmentation substantielle sur deux à trois campagnes.
Cette constatation, fondée sur l'analyse de la courte période,
peut être à l'origine de plusieurs erreurs d'appréciation de l'évolution
récente du secteur agricole. Dans le souci d'éviter cet écueil, l'objet
assigné à ce paragraphe est de tenter de dégager, sur la base des
résultats de production des cinquante dernières années, la ou les
tendances lourdes de la céréaliculture. Nous appréhenderons ces
tendances par rapport à :

115
- Rachid AMELLAL: "La filière lait en Algérie: entre l'objectif de la sécurité
alimentaire et la réalité de la dépendance" in OM, Série B, n°14, CIHEAM, 1995, p
230.
116
- A.M JOUVE, S. BENGHAZI et Y. KHEFFACHE: "La filière des céréales dans les
pays du Maghreb. Constante des enjeux, évolution des politiques" in OM, Série B, n°14,
CIHEAM, 1995, p 170.

166
- l'évolution des superficies consacrées annuellement aux
céréales,
- l'évolution des résultats de la production et enfin,
- la structure des superficies céréalières et ce, afin de tenter de
cerner les grandes phases d'évolution de la culture des différentes
espèces.

31- Une superficie céréalière limitée.


La céréaliculture est, vu sous une optique de longue période,
une céréaliculture fortement stable, autrement dit peu évolutive. La
stabilité de cette spéculation peut être perçue aussi bien au niveau des
superficies qui lui sont annuellement consacrées qu'au niveau des
résultats de la production, qui ne connaissent pas de changement
appréciable depuis un siècle et demi.

En effet, les superficies réservées à la culture des céréales


s'élèvent en moyenne (moyenne décennale) à 2,5 millions d'ha. La
superficie céréalière peut cependant connaître par moment des baisses
très importantes (1,25 millions d'ha en 1851-1860) et par autre moment
des hausses de plus d'un demi million d'ha (3,07 millions d'ha en 1950-
1959). C'est ce que montre le tableau ci-après dans lequel nous avons
reconstitué, en empruntant des données à Pierre LAUMONT117 et aux
institutions administratives118 qui se sont succédé de 1940 à nos jours,
l'évolution des superficies de cette culture.

Tab 56 : Evolution de la superficie céréalière totale (moins


l'avoine) de l'Algérie de 1851 à 1993 (moyennes décennales).
Phase Superficie Indice Phase Superficie Indice
103 ha 103 ha
1851-1860 1 522 40,6 1940-1949 2 526 82,2
1861-1870 2 117 68,9 1950-1959 3 072 100
1871-1880 2 519 82,0 1960-1969 2 698 87,8
1881-1890 2 753 89,6 1970-1979 2 971 96,7
1891-1900 2 765 90,0 1980-1989 2 542 82,7
1901-1910 2 932 95,4 1990-1993 2 701 87,9
1911-1914 2 896 94,3 moy 1851-93 2 544 -
1915-1924 1 522 49,5 max 1851-93 3 072 -
1925-1934 2 910 94,7 min 1851-93 1 249 -
Sources : -P. LAUMONT (1851-1939),-GGA (1940-1960)-et MA (1960-1993).

117
Pierre Laumont : La céréaliculture algérienne, Document ronéoté, 1937, INA El
Harrach.
118
- GGA : Renseignements statistiques agricoles, Série B, (1940-1960),
- Ministère de l'Agriculture : Statistiques agricoles, Série B, (1964-1993).

167
Considérée par rapport aux superficies, la culture des céréales
a atteint son summum en 1950-59 : l'indice décennal qui atteint la
valeur 100 (phase de base) à cette époque n'est réalisé ni avant, ni
après cette date. Durant la période d'indépendance nationale et
particulièrement durant la décade 1970-1979, considérée comme la
phase des choix stratégiques, l'indice des superficies atteint la valeur de
96,7 contre 82,7 en 1980-1989 et 87,9 en 1990-93.

Du point de vue localisation géographique, il faut relever que


l'espace céréalier a connu peu de changement depuis la réintroduction,
en 1900 - 1915, de la technique du dry-farming qui, tout en ayant
permis de gagner de nouvelles superficies céréalières dans les zones
sèches des hautes plaines (200 000 nouveaux ha dans les seules régions
d'Oran et de Constantine), les a quasi-définitivement circonscrites aux
zones à faible pluviométrie. En effet, il semble être admis depuis le
début de ce siècle que ce sont les plaines de l'intérieur du pays,
recevant entre 250 et 500 mm d'eau par an, qui sont à vocation
céréalière119. Les autres zones agricoles, les plaines côtières, sont
réservées aux cultures ne pouvant supporter l'aridité du climat des
hautes plaines (maraîchage, agrumes, vignoble).
Ainsi, la céréaliculture algérienne a, au fil du temps, développé
une autre tendance lourde qui est sa dépendance de la pluviométrie.
C'est pourquoi on utilise, pour mieux la caractériser, la notion de
céréaliculture pluviale (notion que nous développerons dans le chapitre
10 ) dont les niveaux de production et de rendement sont souvent bas et
quasi-stables.

32 - Des rendements fixes.

Comme pour les superficies, le meilleur niveau de production


décennal de la production céréalière a été atteint en 1950-1959. La
production annuelle moyenne s'est élevée, durant cette phase, à 19
millions de quintaux. En prenant 1950-1959 = 100, la production
moyenne décennale est de 85,1 en 1960-69, de 80,6 en 1980-89 et de
95,4 en 1990-93. Il est utile de relever que le niveau de production
réalisé en 1980-89 est légèrement inférieur à celui obtenu en 1891-1900.

119
Se conférer à Ghislaine MOLLARD : L'évolution de la culture et de la production de
blé en Algérie de 1830 à 1939, Editions Larose, Alger, 1950.

168
Tab 57 : Evolution de la production totale des céréales (moins
l'avoine) en Algérie de 1851-1860 à 1989-1993 (moyennes décennales).
Phase Prod Indice Phase Prod Indice
(103 qx) (103 qx)
1851-1860 6239 31,4 1940-1949 12603 63,4
1861-1870 9687 48,7 1950-1959 19872 100
1871-1880 13328 67,0 1960-1969 16911 85,1
1881-1890 14624 73,6 1970-1979 17864 89,9
1891-1900 16274 81,9 1980-1989 16024 80,6
1901-1910 18511 93,2 1990-1993 18949 95,4
1911-1914 16742 84,2 moy 1851-93 15271 -
1915-1924 14952 75,2 max 1851-93 19872 -
1925-1934 16493 83,0 min 1981-93 6239 -
Source : idem que tab précédent.

En termes de rendement, ces derniers sont extrêmement bas. Le


rendement moyen réalisé de 1851 à 1993 ne s'élève guère qu'à 6,04
qx/ha seulement. Le rendement le plus élevé, 982 kg/ha, a été obtenu
durant la décade 1915-1924.

Dans l'ensemble, les rendements céréaliers décrivent deux


phases distinctes, soit de 1851/60 à 1915/24 et de 1925/34 à 1990/93.

Durant la première phase, on assiste à une hausse régulière des


rendements qui passent de 4,99 qx/ha en 1851-1860 à 9,82 qx/ha en
1915-1924. C'est donc durant la phase de la Première Guerre mondiale
(on peut penser que la métropole étant en guerre, l'effort de
développement des céréales est porté sur les colonies dont l'Algérie)
que l'on obtient paradoxalement le rendement le plus élevé, jamais
réalisé ni durant le reste de la période coloniale ni après celle-là.

Tab 58 : Evolution du rendement moyen décennal des céréales


(moins l'avoine) de 1851-1860 à 1990-93.
Phase qx/ha phase qx/ha
1851-1860 4,99 1940-1949 4,98
1861-1870 4,57 1950-1959 6,46
1871-1880 5,59 1960-1969 6,26
1881-1890 5,31 1970-1979 6,01
1891-1900 5,88 1980-1989 6,30
1901-1910 6,31 1990-1993 7,01
1911-1914 5,78 moy 1851-1993 6,04
1915-1924 9,82 max 1851-1993 9,82
1925-1934 5,66 min 1851-1993 4,57
Source: tiré des deux tab. Précédents.

169
Durant la seconde phase, c'est-à-dire de 1925/34 à 1990/93, les
rendements enregistrent une chute brutale en début de période (4,98
qx/ha en 1940-49) et entament ensuite une nouvelle ère de croissance
lente : en 1990/93, on parvient enfin à arracher quelques 700 kg à l'ha
cultivé.

Ainsi, force est de souligner qu'il faut disposer du même laps de


temps (70 à 75 ans) pour combler la chute d'un rendement obtenu
durant autant d'années d'effort. En effet, il a fallu plus de soixante-dix
ans (1851-1924) pour accroître le rendement moyen de 6,6 kg/ha/an et
soixante dix autres années se sont déjà écoulées depuis, sans que l'on
soit encore parvenu à combler l'écart : de 1925 à 1993, le rendement
moyen n'a cru qu'au rythme de 1,98 kg/ha/an et de 1,42 kg/ha/an entre
1851/60 et 1990/93 (pour l'évolution annuelle du rendement se conférer
à la partie annexe dans laquelle ce propos est illustré par le cas de la
wilaya de Sétif de 1940 à 1996).

Donc autant dire que les rendements céréaliers algériens sont


fixes et qu'il est trés difficile de les améliorer sans la révision de la
politique céréalière dans laquelle la question de savoir s'il faut
produire pour une autosuffisance ou pour assurer juste une sécurité
céréalière devient inévitable.
33 - Des politiques céréalières spontanées.
La culture des céréales en Algérie est également dépendante de
l'évolution de la politique économique globale c'est-à-dire des
changements institutionnels et structurels.

L'analyse de l'évolution des superficies céréalières selon la


destination finale des production qu'elles génèrent, permet de déceler
pour les cinq dernières décennies au moins trois phases d'évolution de
la politique céréalière.

Tab 59 : Evolution de la structure des superficies céréalières de


l'Algérie selon la finalité de la production.
Phase BD BT BD+BT Orge Avoine Orge+avoine
1940-49 40 16 56 37 7 44
1950-59 43 13 56 40 4 44
1960-69 54 14 71 28 1 29
1970-79 47 24 71 26 3 29
1980-89 38 20 58 37 5 42
1990-93 39 14 53 42 5 47
Sources : GGA et Ministère Agriculture.

170
La première phase, correspondant à la fin de l'ère coloniale
(1940-1960), se caractérise par un quasi-équilibre entre les superficies
des céréales destinées à la consommation humaine (56 %) et celles
réservées à l'alimentation animale (44 %).

La seconde phase, couvrant les vingt premières années de


l'indépendance nationale (1960-1979), c'est-à-dire la phase de gestion
centralisée de l'économie, se distingue par la priorité accordée au
développement des blés. Les superficies qui leur sont consacrées
représentent les 7/10 des superficies céréalières nationales.
L'augmentation de la part des blés dans les superficies totales est due
essentiellement, du moins durant la première décennie de
l'indépendance nationale, à l'augmentation de prés de 12 % du total
des superficies du blé tendre.

Les superficies réservées aux blés de 1960 à 1979 ont connu une
hausse brutale de 15 %. Le même changement brutal caractérise la
troisième phase qui s'ouvre avec la réduction des superficies des deux
spéculations précédemment citées.

La troisième phase (1980-1993), phase dite d'ouverture au


libéralisme mais aussi de début d'application de l'ajustement
structurel, semble vouloir rétablir et même surpasser les équilibres
d'avant l'indépendance nationale. En moins de quinze ans, les
superficies réservées à l'orge et à l'avoine augmentent de 18 % par
rapport à 1970-1979. Elles passent de 29 % en 1960-79 à 47 % en
1990-93.

Conclusion :

Ces changements d'orientation, sinon de redéfinition de la


politique céréalière sont souvent à l'origine de l'annihilation, comme
nous le verrons plus loin, de tout effort de développement céréalier :
aussitôt qu'une nouvelle expérience commence à laisser poindre
quelques résultats positifs que celle-ci est interrompue et qu'une autre
est mise en place. Dans ces conditions, la céréaliculture ne peut
connaître d'évolution positive. Elle est nécessairement stable dans une
situation de faiblesse de ses résultats.

La phase actuelle n'échappe pas à cette tendance générale et on


ne peut que confirmer la remarque de Y. GUILLERMOU qui,

171
évoquant les changements technico-économiques de l'agriculture
algérienne, écrit : "Ces tendances contradictoires ne peuvent que se
renforcer avec la nouvelle politique mise en oeuvre à partir des années 80
: la liquidation du secteur étatique, l'attribution de terres à des
particuliers et les diverses mesures en faveur des producteurs
"dynamiques" favorisent l'émergence de nouvelles catégories
d'agriculteurs, parfois étrangers au milieu rural, et dont la coexistence
avec la petite paysannerie ne va pas sans soulever des problèmes
complexes..."120.

La tendance globale enregistrée par la production, notamment


la production des céréales et de lait incite à conclure que la
réorganisation du secteur agricole, qui est considérée par certains
comme un grand bond en avant, a échoué dans son objectif de
réduction de la dépendance alimentaire qui, mesurée aux volumes
importés, devient de plus en plus forte.

L'échec de la réforme est palpable notamment en matière de


céréaliculture qui se caractérise par sa tendance à la stabilité et à la
constance aussi bien des superficies qui lui sont consacrées depuis plus
d'un siècle que par sa productivité qui demeure trés faible, sinon trés
insuffisante au vu des niveaux de productivité réalisés dans les pays
voisins (voir chap 11).

La céréaliculture nationale est certes une céréaliculture pluviale


donc fortement dépendante des conditions climatiques, globalement
défavorables (ce qui peut expliquer en partie la stabilité des résultats
obtenus) mais cela ne constitue pas la seule cause de la faiblesse de ses
résultats, de même que la dépendance des conditions climatiques ne
doit plus servir de justification à une situation de non performance. En
effet, des pays subissant le même aléa climatique (le Maroc, la Tunisie,
voire même l'ensemble des pays bordant la mer Méditerranée) ont pu,
certes à des degrés différents, améliorer, quand même, les niveaux de
production et de productivité de leur agriculture respective. Ceci n'a
cependant été possible qu'après transformation de leurs structures
agraires (programmes d'ajustement structurel dans les pays de la rive
sud, politique agricole commune dans le nord de la Méditerranée) et
après une définition claire des objectifs assignés au secteur agricole. En

120
Yves GUILLERMOU : Changements technico-économiques et formes de
différenciation de la paysannerie : cas de l'Algérie, Université de Toulouse,
communication au séminaire "Agriculture paysanne et question alimentaire", Paris, 20-
23 février 1996.

172
effet, si au Maroc, par exemple, ou encore en Tunisie des résultats
substantiels ont été réalisés, c'est parce que des moyens adaptés ont été
clairement définis (grande hydraulique au Maroc) en conformité à la
stratégie d'insertion dans les marchés agricoles et alimentaires
extérieurs.

L'Algérie, vivant dans le mythe d'un développement autocentré


et d'une rente pétrolière pouvant couvrir l'ensemble des dépenses à
l'extérieur dont les dépenses alimentaires, a accordé peu d'intérêt à la
compétitivité de son agriculture, voire au développement de celle-ci.
C'est aujourd'hui l'agriculture méditerranéenne la moins développée,
du moins, comme nous le verrons dans le chapitre 10, la plus
vulnérable.

173
Chapitre IX - Tentative d'explication des insuffisances du
secteur agricole réorganisé : le désengagement de l'Etat.

Dans le chapitre VIII précédent, nous avons pu repérer deux


principales tendances de la production agricole ou, ce qui revient au
même, l'existence de deux groupes de spéculations.

En effet, un premier groupe se caractérise par l'augmentation,


depuis le lancement des réformes en 1987-88, de sa production alors
que le second voit la sienne stagner, voire baisser. Le maraîchage,
l'arboriculture fruitière et les viandes appartiennent au premier
groupe, les céréales et le lait au second.

Les céréales, le lait et les légumes secs sont, pour reprendre la


terminologie et la classification officielle, des produits alimentaires
stratégiques121. Bien que nécessaires et utiles à la réalisation de
l'équilibre alimentaire, les légumes frais, les fruits et les viandes ne
représentent pas la principale source calorique du consommateur
algérien moyen. De ce fait, ils ne revêtent pas dans la classification des
pouvoirs publics le même statut que les précédents et ne sont donc pas
classés dans le groupe des produits alimentaires de base ou de
consommation de masse122.

Ce sont pourtant ces derniers évoqués qui voient, pour le


souligner une fois de plus, leur production baisser, du moins stagner.

Les causes explicatives de cette situation sont multiples.

Il y a celles que l'on impute et comme le mentionne le Pr


Slimane BEDRANI à la concurrence internationale et aux politiques de
subvention à l'exportation des produits mises en oeuvre dans les pays
développés. "Les produits à taux annuels de croissance relativement
forts sont, écrit-il, ceux qui n'ont pas (ou peu) subi la concurrence des
importations et qui ont bénéficié d'une demande solvable forte
(maraîchage, fourrages artificiels, viandes rouges, oeufs). Les produits

121
- Se reférer à S. BEDRANI: les produits alimentaires stratégiques en Algérie:
situation et politiques, CREAD, Alger, Août 1989, 42p.
122
- Idem que ci-dessus.

174
fortement importés (céréales, lait, huiles,...) ont vu leur production
stagner, faiblement augmenter ou même stagner"123
Il y a ensuite, pour revenir aux causes explicatives, celles que
l'on impute, comme nous l'avons fait dans le chapitre précédent, aux
lourds héritages structurels et organisationnels du secteur agricole;
héritages ne pouvant être facilement effacés en un laps de temps
relativement court.

Il y a enfin des causes techniques et économiques imputables à


l'arbitrage et à la prise de décision quotidienne des hommes, c'est-à-
dire à la politique agricole sous-tendant les transformations récentes
du secteur agricole. C'est cet aspect que nous développerons dans le
présent chapitre en tentant de montrer que le désengagement de l'Etat
du secteur agricole permet le développement des activités spéculatives
au sein de celui-ci124.

Plus précisément, nous voulons montrer que les moyens de


régulation mis en place dans le cadre de la politique de désengagement
ne permettent pas, du moins pour l'instant, d'avoir des effets positifs
sur le développement des "produits agricoles stratégiques".

Dans ce sens, nous tenterons d'analyser la politique de


désengagement de l'Etat sous les trois aspects suivants :

1- Politique des prix et des subventions.


2- Investissement et intensification.
3- Politique de financement et de crédit.

I - La politique des prix et des subventions : un système sans effet


sur le développement de la céréaliculture.

L'idée généralement admise dans la théorie économique est que


l'augmentation des prix s'accompagne, toutes choses égales par
ailleurs, par l'augmentation de la production. C'est cette idée qui

123
- S. BEDRANI : Agriculture et alimentation en Algérie : faiblesses du passé et
politiques actuelles, CREAD-INA, Alger, Avril 1993.- 70 pages. Pour de plus amples
informations se conférer au chapitre 6 dans lequel est montré l'effet exercé par les
exportations agro-alimentaires européennes sur le secteur agricole des PED.
124
- Se conférer à l'article de H. AIT AMARA : La productivité des sols et le paradigme
du blé, Communication au séminaire Agriculture paysanne et question alimentaire,
Paris, 20-23 février 1996.

175
semble être à la base de la décision de changer le système des prix
agricoles en 1989, changement se caractérisant par la suppression de la
subvention aux produits agricoles et aux intrants.

Dans ce sens, nous voulons montrer pour notre part que le


nouveau système des prix accorde la priorité au développement des
cultures spéculatives c'est-à-dire, pour reprendre la terminologie du Pr.
BEDRANI, aux cultures protégées de la concurrence internationale.

11- Evolution du système des prix agricoles: de la progression


arithmétique à la progression géométrique.

Les prix des produits agricoles, inputs et outputs, ont connu


durant les vingt dernières années deux grandes phases d’évolution125.

La première couvre la phase 1973-1984 et se caractérise par le


blocage de l'ensemble des prix des produits agricoles à l'exception
cependant de ceux de quelques produits stratégiques tels que les
céréales et les légumes secs. A titre d'exemple, les prix des céréales et
des légumes secs de consommation passent de l'indice 100 en 1973 à
l'indice 251 pour le blé dur, 256 pour le blé tendre et l'avoine, 246 pour
l'orge, 367 pour les pois chiches et les pois ronds, 358 pour les lentilles
et 500 pour les fèves.

La seconde phase s'étend de 1984 à nos jours et se caractérise


par l'augmentation généralisée des prix des produits agricoles.

Mais on peut remarquer que l'augmentation des prix est, de


1984 à 1989, du type arithmétique et de 1989 à 1993 du type
géométrique. Mais les rythmes de croissance sont différents d'un
groupe de produits à un autre.

En effet, les décideurs semblent tenir compte de la finalité du


produit lorsqu'il s'agit des intrants (pour les grandes cultures, pour les
cultures maraîchères ou pour les activités d'élevage) et de la nature du
produit agricole lui-même lorsqu'il s'agit de l'output.

125
- Le présent paragraphe traitant des prix et subventions s'appuie essentiellement sur
notre texte intitulé:"Prix, subventions et fiscalité agricoles en Algérie: illustration par le
cas de la wilaya de Sétif", Séminaire RAFAC, Adana , Sept 1993.

176
C'est ce que nous avons tenté de synthétiser dans le tableau
suivant, en faisant des regroupements par familles de produits, les
augmentations des différents prix agricoles à partir de 1984.

Tab 60 : Résumé de l'évolution synthétique des prix des produits agricoles (inputs et outputs)
de 1984 à 1993.
Ainsi, le tableau ci-contre fait ressortir que l'évolution des prix
des produits agricoles s'est caractérisée de 1984 à 1993 par :
- une progression de type arithmétique de 1984 à 1989 et de
type géométrique de 1989 à 1993;
- une augmentation plus importante des prix des intrants des
produits stratégiques comparativement à ceux des autres produits;
- une augmentation simultanée des prix à la production des
produits stratégiques et ceux de leurs inputs.

Ceci n'est pas le cas des prix des autres produits dont
l'augmentation précède d'une année ou deux celle des prix des inputs
entrant dans leur production.

Prenons à titre d'illustration le prix des matériels des grandes


cultures et le prix des aliments de bétail et avicoles. Dans le premier
groupe, sont inclus les prix de onze produits et dans le second, sept.

On remarque que le prix moyen des matériels agricoles, dont


l'indice est de 100 en 1986, a augmenté de 25 points annuellement de
1986 à 1989. A partir de cette dernière date, date de début de la
suppression des subventions aux facteurs de production, le prix est
désormais multiplié par 3,5.

Ainsi en 1993, le prix indiciaire moyen des matériels servant à


la production des grandes cultures est multiplié par 6,5 en 1993 par
rapport à 1986. Les intrants servant à la production de viandes rouges
et blanches ne sont multipliés de 1984 à 1992, soit durant neuf années
contre huit pour le premier groupe, que par 3,7 seulement.

Dans le même sens, on peut remarquer, en ce qui concerne les


cultures stratégiques, que leurs prix de cession (cas des céréales) ont
augmenté moins vite que ceux des inputs entrant dans leur fabrication.
Ils ont été multipliés, en ce qui concerne les céréales et leurs inputs,
successivement par 5,7 et 6,5 sur une période de référence de 10 années
pour les premières et de 8 années pour les seconds.

177
Ces quelques exemples confirment bien l'idée selon laquelle le
système des prix adopté depuis 1989 est défavorable aux cultures
céréalières.

12 - Un système des prix défavorable aux cultures céréalières.

Dans l'économie de marché, les prix ont pour fonctions


essentielles la récupération du capital dépensé, la rentabilisation de
celui-ci et l'accumulation d'un nouveau capital.

La structure des prix, c'est-à-dire le coût de production et le


profit, rend compte de la répartition de la valeur produite entre les
différents agents de la production et par conséquent la possibilité
offerte au propriétaire des moyens de production de renouveler et
d'accroître son capital et sa capacité à se reproduire en tant que
propriétaire.

Mais il arrive qu'un processus d'accumulation soit


momentanément bloqué. Selon que ce procès d'accumulation revêt ou
non une importance sociale, l'Etat intervient ou non pour résorber
cette crise et assurer la reproduction des rapports sociaux dominants.

Dans le cas de l'Algérie, la culture des céréales revêt, à cause de


sa prépondérance dans le système de production agricole, à cause du
nombre de personnes qu'elle emploie et à cause aussi de sa
prépondérance dans le système alimentaire, un caractère stratégique.

Mais avoir un statut "de culture stratégique" ne signifie pas


bénéficier automatiquement de l'appui de l'Etat. Le retrait de l'Etat du
secteur de la production s'est accompagné par la mise en place de
nouveaux moyens de régulation mais aussi par le retrait progressif aux
exploitations agricoles des subventions à la production qui leur furent
accordées : à présent, seul le système fiscal n'a pas encore connu de
changement.

Sous cet angle d'analyse, la culture du blé dur ne bénéficie plus


de la même attention particulière de l'Etat et ce, malgré les traditions
séculaires céréalières et alimentaires de l'Algérie. On doit rappeler,
qu'en termes de consommation, le blé dur représente 71 % de la ration

178
alimentaire céréalière consommée par le citoyen algérien en 1988126 et
en termes de production, cette culture continue à être dominante dans
plusieurs régions du pays.

Dans la wilaya de Sétif par exemple, le blé dur a occupé en


1992, 50 % environ des superficies céréalières et 22 % des superficies
agricoles127.

Pour revenir donc au prix de production du BD, celui-ci est


passé de 160 DA/q en 1984 à 1025 DA en 1992 et à 1900 en 1995 soit un
accroissement de 1087,5 %, en l'espace de onze années.

Le sextuplement du prix entre 1984 et 1992 n'a pas cependant


grande signification en termes économiques. En effet, le prix relatif du
BD est moins élevé en 1992 qu'il ne l’a été en 1984. Alors que la
quantité de 1175 qx de BD s'échangeaient en 1984 contre 1 tracteur à
roues de 60 cv, 30 qx d'engrais (respectivement 10 qx de TSP, 10 qx
d'ammonitrate 33,5 % et 10 qx de NPK), 1 moissonneuse batteuse, 1
semoir, 1 cover-crop, 1 presse ramasseuse, 10 qx de BT et 10 qx d'orge,
il faut disposer en 1992 de 1480 qx c'est-à-dire d'une quantité
supplémentaire de 305 qx pour acheter la même quantité de
marchandises. L'obtention des 305 qx supplémentaires ne peut se
faire, aux conditions actuelles de la production, que par l'extension des
superficies céréalières soit l'équivalent de 50 ha supplémentaires.

Cet exemple nous permet de mieux comprendre comment


l'augmentation des prix nominaux, qui signifie concrètement
détérioration du pouvoir d'achat et paupérisation des agriculteurs
céréaliers, peut être à l'origine de la recherche de la diversification,
voire de la reconversion des systèmes de culture.

Dans le même sens, les dévaluations progressives de la valeur


du dinar, rapprochent, de plus en plus, le prix payé par l'Etat aux
producteurs directs de celui auquel il paie les céréales sur le marché
extérieur.

126
- Chiffre emprunté à C. CHAULET, Y. BAZIZI et H. BENCHARIF : "Consommation
des produits céréaliers : dynamique et comportements des consommateurs", Etude
SEFCA, tome VI, ENIAL-AGROPOLIS, Alger-Montpellier, Juin 1993, 258 pages.
127
F. CHEHAT, A. DJENANE et A-M JOUVE : "Production et mise en marché des
céréales dans la région de Sétif", Etude SEFCA, tome III, ENIAL-AGROPOLIS, Alger-
Montpellier, Juin 1993, 350 pages.

179
Si on prend comme cas d'illustration les céréales achetées par la
CCLS (coopérative des céréales et légumes secs) de Sétif en 1994 et en
1995, on s'apercevra que l'écart, qui représentait 50 % du prix interne
moyen (le prix interne étant supérieur au prix sur le marché mondial)
représente moins d'un quart de ce même prix en 1995.
C'est ce que montre en effet le tableau suivant dans lequel sont
indiqués les prix d'un quintal des différentes espèces céréalières
provenant de la collecte locale ou de l'importation (l'importation
signifie ici que la source d'approvisionnement se situe à l'extérieur des
frontières administratives de la wilaya : cette source peut être
représentée soit par une autre CCLS soit, et c'est souvent le cas, par
l'UCCA (union des coopératives céréalières d'Algérie qui ont leur siège
dans les principaux ports du pays soit à Skikda, Bejaia, Alger,...)
Tab 61 : Evolution du prix d'achat moyen des céréales (rendu à la
CCLS de Sétif).

Unité : Dinar/quintal.
Désignatio 1994-1995 1995-1996
n
Collecte Importatio Ecart Collecte Importation Ecart
locale n locale
Blé dur 995,80 446,50 549,30 1 862,00 1 323,80 538,20
Blé tendre 884,70 352,80 531,90 1 657,10 823,00 834,10
Orge 567,70 982,80 -415,10 966,90 1 641,00 -
674,10
Avoine 629,90 - - 1 070,10 - -
Moyennes 946,70 477,60 469,10 1 727,90 1 320 407,90
Source : CCLS de Sétif : tiré des Bilans d'activité.

On fera remarquer au passage, que le seul prix d'importation


supérieur au prix domestique est celui de l'orge (l'écart est de 415,1DA
en 1994-95 et de 674,1 DA en 1995-96). Cet "avantage" voudrait-il dire
que l'Algérie gagnerait à se spécialiser dans la production de viande et
délaisser la production de céréales destinées à la consommation
humaine? (Voir plus loin).

Pour atténuer les changements brusques des systèmes de


culture, du moins pour empêcher le développement rapide de la
jachère nue (pâturages), l'Etat a-t-il mis en place depuis 1989,
plusieurs moyens de régulation dont les subventions aux cultures
stratégiques et un système fiscal souple.

180
13 - Un système de subvention dégressif et un système
fiscal fictif.

L'analyse de l'évolution de la structure des prix des produits


subventionnés permet de constater, malgré une diminution drastique,
l'importance des subventions dans les prix de production.

Prenons à titre d'exemple et pour les raisons déjà évoquées, le


cas du prix de cession d'un quintal de BD. Celui-ci se compose depuis
1989 de trois éléments qui sont le prix garanti à la production (PMGP),
la prime incitative de production (PIP) et l'indemnité de subvention
(IS).

En revenant à la définition précédente du prix (= coût de


production + profit), on remarque que les deux derniers composants
sont des variables exogènes et représentent la part du revenu versé par
l'Etat aux producteurs au titre de la subvention à la production. Cette
part est passée de 35 % en 1983-84 à 82 % en 1990-91 et à 46 % en
1993-94 mais à 27 % seulement en 1995-96.

Tab 62 : Evolution de la structure du prix de production d'un


quintal de BD de 1979-80 à 1992-93 (en DA)

Campagn PMGP PIP IS PP PIP+IS/


e PP (%)
1979-80 47,92 77,08 125 62
1980-81 64,32 75,68 140 54
1981-82 83,12 76,88 160 48
1982-83 33,80 126,2 160 79
1983-84 129,38 70,62 160 35
1985-86 148,38 71,62 220 33
1986-87 198,38 71,62 270 27
1987-88 198,38 71,62 270 27
1988-89 187,38 82,62 270 31
1989-90 125,82 80 194,18 400 69
1990-91 91,41 80 328,59 500 82
1991-92 111,41 80 348,59 540 80
1992-93 556,41 80 388,59 1025 46
1993-94 556,41 80 388,59 1025 46
1995-96 1384 - 516 1900 27
Source: JORA, divers n°s

Ainsi si on revient à notre exemple d'illustration précédent


relatif au pouvoir d'achat d'un producteur céréalier imaginaire, on
aboutit à la conclusion que pour la même quantité de produits achetés
en 1984 et en 1993, ce producteur devra donner en échange

181
respectivement 765 et 800 qx de blé dur, le reste étant financé au titre
de la subvention par l'Etat.

Mais on doit remarquer que, malgré ce soutien (quoique en


diminution) de l'Etat aux céréales, le pouvoir d'achat des producteurs
de cette denrée s'est détérioré. Dans notre exemple d'illustration, le
producteur doit verser une quantité additionnelle de 35 qx de blé dur,
résultat de son propre effort de production.

D'une façon générale, on peut conclure que les conditions de


production céréalières en Algérie connaissent une détérioration dont
les causes ne sont pas à lier aux seuls effets de l'augmentation des
prix128.

On peut également remarquer que la détérioration des


conditions de production des céréales intervient en même temps que la
mise en place d'un système fiscal extrêmement favorable à
l'investissement agricole.

En effet, après l'institution par la loi 83-19 du 18-12-1983


portant loi de finances pour l'année 1984 de la Contribution Unique
Agricole (CUA) qui se caractérise par son extrême souplesse129, le
système fiscal agricole connaît quelques modifications encore plus
favorables à l'investissement. Les activités agricoles et d'élevage
réalisées sur les terres nouvellement mises en valeur, la mise en valeur
de nouvelles terres, la mobilisation des ressources hydrauliques, les
grandes cultures industrielles, les plantations rustiques et les
palmeraies, les infrastructures et bâtiments d'équipement rural liés à
la production agricole, etc...sont exempts d'impôts directs.

L'impôt indirect ou TVA touche de son côté un nombre réduit


d'agriculteurs et permet des évasions fiscales importantes.

Dans la pratique et surtout suite aux recommandations des


participants à la Consultation Nationale sur l'Agriculture dont "une
partie de ces revendications a été déjà entendue par le Gouvernement qui,
pour réduire les coûts de production, outre le maintien de la parité du

128
- Se conférer à A-. M. DJENANE: "Quelques résultats du programme
d'intensification céréalière dans la région des HPS", OM, Série.
129
- Se conférer à A.M DJENANE: "Prix, subvention et fiscalité agricoles en Algérie, op
cité".

182
dinar, a réduit les taux de TVA et de droits de douane et a bonifié les taux
d'intérêt sur les emprunts des agriculteurs"130, le système fiscal agricole
revêt un caractère fictif.

A ce propos, on n'omettra pas de relever que la constatation


fiscale est passée dans certaines riches zones agricoles du pays de
l'indice 100 en 1985 à l'indice 43 en 1988, 20 en 1990 et 0 en 1992 131.
La souplesse du système fiscal, sinon son existence formelle
seulement a-t-elle contribué au développement de l'investissement
agricole depuis la libéralisation de l'activité agricole?

II- Investissement et intensification:

Les réformes de l'économie et par surcroît de l'agriculture ont


été induites par l'incapacité de l'Etat à faire face à la totalité des
dépenses, considérées jusque là comme étant d'intérêt général. Dans ce
sens, il a été estimé utile de ne léguer à l'Etat que les investissements
lourds, c'est-à-dire ceux nécessitant à la fois la mobilisation
d'importants capitaux nationaux et étrangers et un haut niveau de
technicité mais aussi de circonscrire ces investissements à des domaines
d'activité ne pouvant pas être, pour l'instant, pris en charge par
l'investisseur privé.

Cette politique, quoique conforme à l'esprit de libération des


initiatives et d'une utilisation rationnelle des moyens de
développement, se caractérise depuis sa mise en application par
quelques effets négatifs notamment en ce qui concerne le
développement de la technicité agricole, l'intensification, etc.

21- L'investissement agricole: vers la spécification des créneaux.

130
- S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p44. Ces
revendications portent notamment comme le mentionne l'auteur précité sur "Le recueil
d'exonération de l'impôt sur l'IRG qui doit passer de 60 000 à 150 000 DA.
- porter à 10 ans les exonérations de l'IRG dans les zones de mise en valeur, les zones
de montagne et les zones à promouvoir (au lieu de 3 à 5 ans actuellement)
- exonérer de tout impôt les nouveaux agriculteurs
- exonérer de tout impôt les productions stratégiques (céréales, légumes secs)
- exonérer de droits de douane les facteurs de production destinés à l'agriculture.
131
- Il s'agit des chiffres relatifs à la circonscription fiscale de Ain- Arnat dans la wilaya
de Sétif (se conférer à A.M DJENANE: Prix, subventions et fiscalités agricoles, op cité).

183
L'investissement agricole total a connu depuis 1980 deux
principales phases d'évolution.La première est antérieure à la
restructuration du secteur agricole, phase durant laquelle et
l'investissement agricole représente moins de 10 % de l'investissement
total. La seconde démarre en 1986 et voit le taux précédent dépasser
les 10 % : 12,1 % de 1986 à 1988, 10,3 % entre 1989 et 1991.
Tab 63 : Evolution du montant global de l'investissement agricole
et de l'investissement total (en valeur et en indice).
Désignation 1980-82 1983-85 1986-88 1989-91 1992-93
Invest agricole (A) 4290 7156 8659 10 236 21 183
Invest total (T) 64 125 76 480 71 602 98 969 -
A/ T (en %) 6,7 9,4 12,1 10,3 -
Indice A 50 83 100 118 245
Indice T 90 107 100 138 -
Source: CNP, cité par BEDRANI tab 14 (1993) ONS.

La phase des réformes semble être décisive en matière


d'investissement agricole. En effet de l'indice 100 en 1986-88, on passe
à l'indice 245 en 1992-93 contre l'indice 50 en 1980-82.

Autrement dit, il a fallu une période de six années avant les


réformes pour que l'investissement agricole double et autant d'années
après le lancement de celles-ci pour qu' il soit multiplié par 2,5.

Les raisons explicatives de cette situation sont, au moins, au


nombre de deux :

La première, même peu significative, consiste dans "l'aide


publique au développement" octroyée par les pays de l'OCDE à
l'Algérie. A titre d'exemple, le montant de cette aide s'est élevé, de 1989
à 1992, à 1,35 milliards de DA et la part revenant à l'agriculture, plus
précisément à la foresterie et aux pêches, est de 25 millions de $. Mais
en ajoutant à ce chiffre le montant, malheureusement non spécifié, de
l'aide au développement des ressources naturelles, la part revenant au
secteur agricole devient plus importante.

184
Tab 64 : Evolution du montant de l'aide extérieure octroyée par
les pays de l'OCDE à l'Algérie de 1989 à 1993.

(En millions de $ US)


Désignation 1989 1990 1991 1992 1993 (*) total
Aide totale 179 324 310 171 387 810 457 545 59 271 1 394 121
dont Ressources naturelles 3 216 2 794 5 024 23 298 3 424 37 756
Classification inconnue 135 941 159 725 221 922 224 424 - 742 012
Agriculture, forêts et 1 593 10 251 2 549 10 547 4 148 29 088
pêches
*: prévisions Sources: PNUD, RapportAnnuel,Juillet
1994.

La seconde raison explicative de l'augmentation de


l'investissement agricole est l'apport du secteur privé. En effet, de 1989
à 1993, la part du secteur privé dans l'investissement agricole total est
plus importante que celle du secteur public. Elle s'est élevée pour la
période indiquée à 58% et a même dépassé les 60% en 1991 et 1992.
Tab 65 : Evolution de l'investissement total agricole et de la part
du secteur privé de 1989 à 1993.
Désignation 1989 1990 1991 1992 1993 total
Inv. Total en 106 DA 8 970 9 548 13 313 17 860 24 506 74 197
Part du sect. 56 57 61 60 56 58
privé(%)
Source: Données de l'ONS.

Il est utile de souligner enfin la complémentarité des


investissements agricoles réalisés par l'Etat et ceux qui le sont par le
secteur privé.

A ce propos, on relève que la totalité des investissements


réalisés entre 1990 et 1993 dans les secteurs de l'Hydraulique et des
Forêts soit 43,91 milliards de DA l'ont été exclusivement par l'Etat. A
l'opposé, le secteur privé investit en particulier dans le secteur agricole
et des pêches : il a réalisé 81% de l'investissement total dans ces deux
secteurs entre 1990 et 1993.

185
Tab 66 : Evolution et structure des investissements agricoles.

( en milliards de DA).
Désignation 1990 1991 1992 1993 total
Invest. Total Public 41,21 51,52 72,27 109,00 274,00
Invest. Total Privé 54,27 81,61 106,23 136,06 378,17
Agricult et Pêche 3,41 5,18 5,45 7,74 21,78
dont Secteur Privé 2,67 4,19 4,44 6,10 17,40
Hydraulique et Forêt 5,44 7,20 9,27 16,6 38,51
dont Secteur Public 5,39 7,20 9,27 16,6 38,46
Source: Données ONS, Extrait.

Comme il ressort de ce tableau, secteur public et secteur privé,


loin de promouvoir la compétition entre eux, semblent s'entendre sur
la délimitation des domaines de compétences. Mais il est vrai que
l'Hydraulique et les Forêts continuent à relever pour l'instant du
domaine public et le système des concessions n'est pas encore mis en
application.

22- L'intensification agricole: la détérioration des conditions de


production.

L'agriculture algérienne se caractérise, comme déjà montré


pour le cas de la céréaliculture, par la lourdeur de ses tendances qui
font d'elle une agriculture quasiment stable en matière de résultats de
la production.

C'est une agriculture qui se caractérise par un taux de risque


132
élevé . C'est une agriculture extrêmement délicate et aux résultats
aléatoires.
Aussi pour parer à l'aléa et à la délicatesse de l'agriculture en
sec, faudrait-il mettre en place les moyens appropriés qui permettent
d'augmenter les productions et rendements.

Dans le cas algérien, comme d'ailleurs à travers l'ensemble des


pays du Maghreb, ces moyens consistent dans la définition d'une
politique d'intensification adéquate entendue comme l'accroissement
des quantités d'inputs consommés à l'unité de terre cultivée,

132
- "La production agricole, écrit S. BEDRANI, continue de dépendre encore très
fortement des conditions climatiques, particulièrement de la pluviométrie. Ces
conditions semblent avoir été très défavorables depuis le début des années soixante dix.
Un indice des mauvaises conditions climatiques est donné par le rapport des superficies
récoltées aux superficies emblavées. Ce rapport peut descendre jusqu' à 50%"
S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p 16.

186
l'extension des superficies irriguées et le développement de la
technicité. Qu’en est-il concrètement de ces trois variables?

221- Fertilisation et mécanisation: des évolutions en ciseaux.

La consommation des engrais a connu une diminution de 50%


en 1992-94 (moyenne triennale) par rapport à 1986-88. Elle a diminué
dans la même proportion pour l'ammonitrate 33,5% (-46%) et dans
une proportion plus forte (-75%) pour l'engrais TSP.

En termes de quantité consommée à l'ha cultivé (quantité totale


engrais / superficie cultivée), on assiste également à une diminution
continue puisque de 126,2 kg/ha en 1986-88, on passe à 85 kg/ha en
1992-94, soit le plus bas niveau jamais atteint depuis 1980-82. Cette
remarque vaut également pour la fertilisation des céréales.

Les quantités d'engrais consommées (Am 33,5% + TSP) sont


passées de 123 kg/ha en 1986-88 à 46,1 kg/ha en 1989-91 et à 75,7 kg
en 1992-94.
Tab 67 : Evolution des quantités d'engrais consommées
(moyennes triennales).
Désignatio Am 33,5% TSP Tous types d' Qté consommée à
n engrais l'ha
confondus
86-88 = 100 86-88 = 100 86-88 = 100 cultivé de
céréale
1980-82 77 76 75 94,4 81,2
1983-85 93 84 80 97,7 99,7
1986-88 * 170 370 132 510 529 300 126,2 122,9
1989-91 49 35 53 64,7 46,1
1992-94 53 24 50 85,0 75,7
Sources: Données ONS + MA.

* pour donner un ordre de grandeur sur les quantités consommées, ces dernières sont
indiquées en valeur absolue pour la phase de base.

En matière de consommation des produits phytosanitaires, la


situation n'est pas différente de celle précédemment décrite. En effet,
les quantités consommées passent de l'indice 188 en 1980-82 (PPS
solides) à l'indice 100 en 1989-91 puis à l'indice 46 seulement en 1992-
94.

187
En termes de consommation des PPS solides par ha cultivé, le
rapport qui s'élevait à 5,7 kg/ha en 1980-82 n'est plus que de 1,9 kg/ha
en 1992-94.

Tab 68 : Evolution des quantités de PPS consommés


de 1980-82 à 1992-94.

Désignation Solides Liquides Qté consommée par ha


cultivé
1986-88 = 100 1986-88 = 100 Kg l
1980-82 188 86 5,7 0,40
1983-85 124 112 3,7 0,50
1986-88 * 13 000 1 870 3,1 0,45
1989-91 83 73 2,5 0,30
1992-94 46 - 1,9 -
Sources: ONS, MA

* les quantités sont, pour les solides en tonnes et pour les liquides en hl.

Les statistiques disponibles en matière de parc de matériel,


notamment en matériels lourds (tracteurs et moissonneuses batteuses),
montrent que ceux-ci n'ont pas cessé d'augmenter en nombre depuis
1981. L'effectif des tracteurs et des moissonneuses batteuses a été
multiplié par 2 entre 1981 et 1989.
Tab 69 : Evolution indiciaire de l'effectif de tracteurs et de
moissonneuses batteuses de 1981 à 1989.
Effectif ha cult / Effectif ha céréale
tracteurs tract M.Bat. / MB
1981 48 000 71 4 590 580
1982 49 200 63 4 720 520
1983 50 279 58 4 857 437
1984 61 319 56 5 693 446
1985 75 310 56 7 012 436
1986 82 271 45 8 208 332
1987 89 271 40 8 628 300
1988 94 000 28 9 000 190
1989 98 000 34 9 400 268
Sources: Données F.A.O. et MA.

De ce fait, le rapport superficie cultivée / tracteur passe de 71


ha en 1981 à 34 ha en 1989 et le rapport superficie céréalière / M.B
passe de 580 ha en 1981 à 190 ha seulement en 1988. C'est dire que
l'agriculture algérienne a connu un développement important de sa
mécanisation depuis le début des années 1980. En 1990, elle est
considérée, à nous limiter au rapport superficie cultivée /tracteur,
comme l'une des agricultures, sinon l'agriculture la plus mécanisée du

188
bassin méditerranéen. Ce rapport est, à nous fier aux données
collectées dans le document MEDAGRI133de 8 pour l'Algérie et l'Italie,
de 13 pour la France, de 27 pour l'Espagne, de 177 pour la Tunisie et
de 238 pour le Maroc.

Cependant l'évolution du taux de mécanisation de l'agriculture


algérienne peut prêter à confusion, en ce sens, plus la valeur de ce
premier baisse (sup/tracteur), plus on est à même de penser à une plus
grande intensification agricole autrement dit à une plus grande activité
de travail des sols et donc à une plus grande sédentarisation des
agriculteurs.

A vrai dire, l'évolution du taux de mécanisation de l'agriculture


algérienne ne reflète ni la situation réelle du parc de matériel agricole,
ni l'état de l'intensification agricole. En matière de l'état du matériel,
les statistiques disponibles montrent que ce premier est globalement
vétuste. En effet, 49 % des tracteurs avaient en 1991-92 leur âge
supérieur à 9 ans. Ce taux est de 57 % pour les moissonneuses-
batteuses et de 40 % pour le matériel de fanage. A l'opposé, 61 % du
parc de matériel de préparation du sol avait, à la même époque, son
âge inférieur à 9 ans. Pour le matériel de protection des plantes, ce
taux s'élevait à 75 %.

En matière d'intensification, la question peut être appréhendée


à l'observation des transformations opérées de 1980 à 1990 (même
période d'observation que précédemment) dans les systèmes de
cultures.

La structure de ces derniers n'a pas connu de changements


significatifs qui puissent justifier l'évolution constatée du taux de
mécanisation. En effet, si on se situe en début et en fin de période, on
remarquera que la céréaliculture représente dix années après, 38% de
la SAU (contre 38% auparavant), les fourrages 7% (contre 5%), les
cultures industrielles 11% (sans changement) et la jachère 44%. La
SAU est passée, quant à elle, de 7,508 à 7,730 millions d'ha.

Ceci nous permet de conclure en définitive que le tracteur n'a


plus dans le secteur agricole sa vocation initiale: il est devenu un
moyen de transport qui commence à envahir, depuis le lancement des

133
- Données empruntées à MEDAGRI (Méditerranée Agriculture); statistiques
agricoles réunies sous la direction de M. ALLAYA, CIHEAM-IAM, Montpellier, 1995.

189
programmes d'auto construction de logements, même les centres
urbains.

L'évolution contradictoire des taux de fertilisation et de


mécanisation des sols d'une part et la constance de la structure du
système de culture d'autre part, permettent l'introduction du doute
quant à la politique d'intensification agricole mise en place depuis le
début des années quatre vingt.

222- L'irrigation, en extension mais encore insuffisante:

Le développement de l'irrigation permet de lutter contre l'aléa


pluviométrique et d'élever le niveau des productions et rendements.

En Algérie, ce problème a constamment préoccupé les autorités


et même l'existence de quelques 100 barrages réalisés en grand nombre
de 1980 à nos jours, ne permet pas encore d'irriguer d'importantes
superficies quoique des efforts appréciables ont été réalisés durant les
cinq dernières années.
Tab 70 : Evolution et répartition des superficies irriguées par
groupe de spéculation (1990 et 1994).

En milliers d'ha.
Désignation 1990 1993 1994 Tx d'accrois.
1994/1990 en %
Céréales 26 32,7 43,39 + 67
Arbo fruit 151 140,1 144,41 - 4,5
Vignoble 6 2,45 4,08 - 32
Maraîchage 173 184,09 172,72 0
Cult. industrielle 10 21,39 17,13 + 71
Autres 20 34,42 25,88 + 29
Total 386 415,15 407,61 +6
Source: MA, Séries statistiques

La superficie irriguée totale a été accrue de 6% entre 1990 et


1994 en passant de 386 000 à 408 000 ha. Les efforts les plus
importants sont enregistrés dans le domaine de l'irrigation des céréales
(+ 67%) et des cultures industrielles (+ 71%). L'arboriculture fruitière
et le vignoble se voient par contre enregistrer des taux de croissance
négatifs (respectivement -4,5 et -32%).

Mais il faut souligner aussi que quels que soient les efforts
réalisés en matière d'irrigation, ceux-ci demeurent modestes quant à
l'étendue des superficies.

190
Tab 71 : Importance des superficies irriguées par rapport aux
superficies cultivées (1994).
Désignation Superficie Superficie I / C en % en % du
cultivée ( C) irriguée I total irrigué
Céréales 1 286,33 43,39 3,4 10,6
Légumes secs 111,23 - - -
Arbo fruitière 450,00 144,41 32,1 35,4
Vignoble 69 4,08 6,0 1,0
Maraîchage 279,15 172,72 62 42,4
Cult. industrielles 36,08 17,13 47,5 4,2
Fourrages 389,98 - - -
Autres - 25,88 - 6,4
Total 2 621,77 407,61 15,5 100
Source: MA, stat. Agricoles.

Les superficies irriguées en 1994 ne représentaient en effet que


15,5% seulement des terres cultivées. Ce taux est de 10,1% pour
l'année 1990. Comme on le remarque dans ce même tableau, l'essentiel
des superficies cultivées concerne le maraîchage (42,4%) et
l'arboriculture fruitière (35,4%). Les céréales ne s'accaparent hélas
que 10,6% des superficies irriguées. Il faut aussi relever que sur les 43
400 ha de céréales irriguées en 1994, 40 000 soit 92% se situent dans le
Sud du pays (Gassi- Touil, Timimoun) et sont irriguées à partir de
l'albien.

En conclusion, on soulignera que malgré les efforts déployés en


matière d'irrigation, ceux-ci demeurent insuffisants pour faire face à la
demande en produits agricoles, du moins à la demande solvable.

223- La technicité : la faible compétence des agriculteurs


et des encadreurs

Durant la phase antérieure aux réformes, l'allocation des


ressources notamment humaines, la définition des objectifs et moyens
de production, ainsi que les méthodes de travail étaient définis pour le
secteur agricole aussi par les structures spécialisées de l'Etat.

Les réformes initiées par la loi 87-19 furent comprises, avant


d'être un guide de réorganisation du secteur agricole, comme
l'interdiction faite aux structures de l'Etat d'intervenir et d'interférer
dans l'organisation du procès de production agricole.

Par ailleurs, la même loi 87-19 étant le premier texte législatif et


réglementaire qui témoigne de la volonté des réformateurs à

191
promouvoir le libéralisme économique et social en Algérie, reconnaît
aux producteurs directs du secteur agricole de s'organiser dans les
nouvelles exploitations selon leurs affinités personnelles.

Ces deux éléments d'appréciation ont vite conduit à un


retournement de situation dans le secteur agricole, notamment en ce
qui concerne la maîtrise des techniques agricoles.

En effet alors que les exploitations agricoles du secteur privé,


durant les dernières années du "développement centralisé" encadrées
par les "Secteurs de Développement Agricole" (SDA) et celles du
secteur public gérées par des ingénieurs et techniciens agricoles formés
à cette fin, la réorganisation du secteur agricole s'est soldée par :

- la suppression des SDA qui ne parviennent pas à être relayés


par les coopératives et associations des agriculteurs, et par
- le regroupement des anciens gestionnaires des DAS dans des
exploitations de type corporatiste134.

Le résultat final de toutes ces transformations et, également, des


insuffisances accumulées antérieurement est le peu d'influence
qu’exerce la technique sur la croissance de la production agricole.
Dans ce sens nous retiendrons avec S. BEDRANI et en ce qui concerne
en particulier la formation et l'efficacité des ingénieurs agronomes ce
qui suit: "par ailleurs, écrit-il, la politique de formation a opté pour une
formation quantitativement massive d'ingénieurs agronomes sans fournir
aux institutions de formation les moyens suffisants nécessaires à une
formation de qualité. Ces institutions ont toujours manqué d'enseignants
et de techniciens de laboratoires correctement formés, de moyens
pédagogiques, de matériels scientifiques, de produits pour les
laboratoires,...
La qualité des ingénieurs sortants, et dans une moindre mesure
des techniciens agricoles, a donc beaucoup baissé en moyenne tant du
point de vue des connaissances agricoles proprement dites que
"l'opérationnalité effective de ces ingénieurs et de ces techniciens".

Toujours dans le même sens, nous retiendrons avec le même


auteur, que: "La vulgarisation agricole a été quasi-inexistante du fait de

134
- C'est du moins ce que nous avons pu constater dans la région de Sétif. Se conférer à
A.M DJENANE "L'exploitation agricole familiale comme modèle de réorganisation des
exploitations publiques en Algérie: cas de la wilaya de Sétif", Séminaire RAFAC,
Montpellier, 1991.

192
la faiblesse des résultats de la recherche et de la modicité des crédits qui
lui sont consacrés. L'absence d'un corps de vulgarisateurs chevronnés,
motivés et socialement acceptés par les agriculteurs, l'absence
d'associations professionnelles capables d'orienter les programmes de
vulgarisation en fonction des besoins réels de leurs adhérents, l'absence
de priorité accordée à la vulgarisation de la part de l'administration
agricole, tout ceci a fait que le progrès technique et agronomique s'est
faiblement diffusé *dans le secteur agricole privé et mal diffusé dans le
secteur agricole public"135.

Le problème de la technicité agricole en Algérie est abordé dans


des termes aussi saillants par F. CHAUME qui impute la faiblesse de la
production agricole de ce pays, en sus de l'irrégularité du climat, à
deux causes essentielles. Ce sont :
- le niveau de technicité des exploitants, lesquels ne savent ou ne
peuvent programmer et réaliser à temps voulu les opérations
culturales;
- la responsabilité dans la gestion et le choix des investissements
au sein d'une exploitation136.

Devenu un problème préoccupant, la technicité et le savoir faire


des agriculteurs algériens suscitent des interrogations au plus haut
niveau des sphères de décision. C'est ce qui ressort en effet du
programme de coopération agricole algéro-française élaboré au début
de l'année 1992. Outre que ce programme prévoit une coopération
intense entre les deux pays pour la mise en valeur et le développement
de l'agriculture saharienne, notamment dans la région d'Adrar, son
objet explicite est de :
- définir et mettre en place des systèmes de production adéquats
et de fournir des éléments d'itinéraires techniques;
- entreprendre des programmes de réhabilitation de
l'hydraulique agricole dans le nord;
- collaborer à la production de semences;
- mettre en place des plans de formation et de vulgarisation;
- établir des relations de partenariat interentreprises et
améliorer l'élevage de bovins, dans le secteur agro-alimentaire;
- mettre en place un système de crédit agricole inexistant en
Algérie, et enfin

135
- S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p20.
* souligné par nous, A-M.D.
136
F. CHAUME : Agriculture et réforme agraire en Algérie in BIE du 03/04/91.

193
- aider au fonctionnement des organismes professionnels et des
chambres d'agriculture137.

Comme pour les autres domaines et secteurs d'activité, cet


accord de coopération algéro-française n'a pas connu, à cause d'une
part de la crise politique et sociale que connaît le pays et à cause
probablement d'autre part de la restructuration du commerce agricole
mondial (libéralisation des échanges), de début d'application. Aussi, les
agriculteurs algériens se voient-ils obligés de compter sur leurs propres
moyens et de développer des techniques appropriées.

III- Le crédit bancaire : une politique sélective et une bancarisation


négligeable.

La politique du crédit bancaire adoptée par l'Algérie depuis la


mise en application, en 1989, du principe de la commercialité bancaire
et en 1990 du principe de restriction du crédit a conduit à une chute du
montant du crédit octroyé par le secteur bancaire aux exploitations
agricoles.

En effet, les principales sources de financement agricole ne sont


plus, comme il y a une dizaine d'années, des sources publiques. Le
financement par les tiers et les exploitations agricoles elles-mêmes
semblent progressivement relayer le crédit et le financement assurés
autrefois, du moins pour le secteur public, par la BADR qui
bénéficiait, elle-même, de la garantie de remboursement par le Trésor
Public des dettes octroyées auprès d'elles par les exploitations.

Mais le principe de l'autonomie et de la commercialité adopté,


la BADR, qui détient une créance de 8 milliards de DA sur les
exploitations agricoles, développe une politique de crédit de plus en
plus préventive, sinon plus sélective vis à vis des exploitations agricoles.

137
- Il s'agit des orientations données par le Président feu Mohamed BOUDIAF à
l'occasion de la visite du ministre français de l'agriculture en Algérie en 1992. Le
lecteur trouvera de menus détails de ce programme dans "Afrique Agriculture, n° 194,
Juin 1992".

194
31 - La BADR: une banque de moins en moins impliquée dans le
crédit agricole.

Les résultats de cette politique en sont une diminution drastique


du crédit et du financement bancaire. C'est ce que l'on peut en effet
constater à travers le tableau suivant relatif aux montants octroyés par
la BADR au secteur agricole de 1984 à 1991.
Tab 72 : Evolution des crédits alloués par la BADR au secteur
agricole (1984-1991)
Equipement Fonctionnement Total
en 106 DA Indice en 106 DA Indice en 106 DA Indice
1984 7 260 73 1 628 68 8 888 72
1985 6 692 67 2 106 88 8 798 71
1986 9 473 95 2 453 102 11 926 97
1987 9 953 100 2 394 100 12 347 100
1988 5 530 56 - nd nd -
1989 7 480 75 850 36 8 330 67
1990 4 060 41 312 13 4 372 35
1991 1 126 11 503 21 1 629 13
Source: BADR- BM, Ext p 60.

Ainsi, le montant total des crédits alloués par la BADR en 1991


au secteur agricole ne représente plus que 13% seulement de celui
octroyé en 1987. Les montants alloués ne s'élèvent plus qu'à à 1,629
milliards de DA contre 12,347 milliards DA en 1987...

De même, on relève que les crédits de fonctionnement (crédit de


campagne) ont baissé plus vite que les crédits d'investissement : on
passe respectivement des indices 36 et 75 en 1989, à 13 et 41 en 1990 et
à 21 et 11 en 1991.

Mais pourquoi une telle diminution?

32 - Un système de crédit agricole sans rééchelonnement...

Il y a premièrement le souci de recouvrement des dettes


antérieures qui s'élevaient en 1993 à 8 milliards de DA (27 milliards de
DA en septembre 1996 : voir chap 7) que, l'esprit des réformes aidant,
l'Etat ne désire pas procéder à leur prise en charge. Les réformes
signifient en effet la progression vers la fin des subventions au secteur
agricole. Cette politique, quoique fondée au plan des principes
monétaristes adoptés, est critiquable, car partiale, au plan politique.

195
C'est le même Etat qui refuse en effet au secteur agricole
l'annulation de la dette octroyée depuis le lancement des réformes mais
c'est lui aussi qui continue à subventionner après ces réformes le
secteur industriel!...

Doit-on rappeler que les entreprises industrielles du secteur


public ont bénéficié de 1992 à 1994 d'une subvention s'élevant à
quelques 550 milliards de DA et que celles-ci s'élèveront à près de 350
milliards de DA entre 1995 et 1997? Cela ne représente même pas 1%
du montant des subventions dont ont bénéficié les entreprises
industrielles.

La seconde cause ayant conduit à la baisse des crédits agricoles


est la hausse subite des taux d'intérêt. Celui-ci est en effet passé de 5-
6% avant les réformes à 10 puis à 22% (tous types de crédits
confondus) après celles-ci. Aussi pour faire face à la baisse des crédits
alloués (25% seulement des montants ont été consommés en 1993)
l'Etat fut-il amené à subventionner de nouveau les taux d'intérêt en les
fixant aux alentours de 6-8%.

Le budget de la BADR est renfloué d'un montant de 1 milliard


de DA en 1993 dont 700 millions de DA destinés au fonctionnement et
au taux d'intérêt de 8% et 300 millions de DA à l'investissement et au
taux d'intérêt de 5-6%. Cette subvention de 1 milliard de DA couvre la
différence des prêts interbancaires dont le taux d'intérêt est de 20%.

Mais on doit relever que même subventionné, le taux d'intérêt


ne profite qu'à à un petit nombre d'agriculteurs. La bancarisation ne
bénéficie qu'à moins de 100 000 agriculteurs seulement...

Quelles sont alors les sources de financement de la grande


majorité des producteurs?

Les agriculteurs font recours, comme le montrent les résultats


d'une enquête que nous avons réalisée auprès d'un échantillon de 180
exploitations du sud de la wilaya de Mila en 1992-93, à
l'autofinancement. L'autofinancement représente en effet 77% du
financement total contre 19% pour le financement bancaire et 4%
pour le financement par les tiers.

196
Tab 73 : Structure du financement des investissements réalisés
par un échantillon de 180 exploitations durant les dix dernières années
précédant l'enquête (cas du matériel agricole et du cheptel)
Désignation Autofinan. % BADR % Tiers % Mt total 103 DA
Petites 80 10 10 6 400
Moyennes 78,2 15,2 6,6 10 784
Grandes 73,2 36,8 - 11 476
Ensemble 76,6 18,7 4,7 28 660
Source : Enquête138

Ce tableau montre que plus la taille de l'exploitation est


importante, plus il est aisé à cette exploitation d'accéder au crédit
bancaire. En effet, les grandes exploitations, celles dont la superficie est
supérieure à 50 ha, trouvent 37% de leur financement auprès de la
BADR contre 10% seulement pour les petites exploitations (superficie
inférieure à 20 ha).

Autrement dit, la politique du financement et du crédit mise en


application par la BADR, après les réformes, est d'essence sélective.
C'est ce que relève également S. BEDRANI qui écrit: "En matière
d'avantages financiers, il serait plus réaliste de différencier entre les
agriculteurs. Il s'agit d'aider, pour un temps limité, ceux qui sont
effectivement dans le besoin (jeunes agriculteurs nouvellement installés,
certaines nouvelles exploitations agricoles issues du partage des
exploitations autogérées). Le gouvernement résistera-t-il aux pressions
des grands agriculteurs désormais maîtres des associations agricoles et de
l'essentiel des coopératives agricoles? C'est peu probable et cela se fera,
puisque les ressources disponibles sont limitées, aux dépens des
agriculteurs les plus démunis"139.

Conclusion :

L'analyse des causes, du moins les plus importantes, qui ont


négativement agi sur le développement du secteur agricole nous
enseigne que les insuffisances enregistrées depuis le lancement des

138
- S. BEDRANI et A-M DJENANE : Efftets de la politique des prix, des subventions et
de la fiscalité sur le développement des exploitations agricoles : cas du périmètre de
mise en valeur de Mila, article à paraitre dans Options méditerranéennes, courant
1996.
139
S. BEDRANI : Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p45.

197
réformes en 1987-88 sont à imputer, en grande partie, à la politique de
désengagement de l'Etat. Bien des précipitations sont faites dans le
secteur agricole qui semble être, par ailleurs, le champ expérimental de
toutes les réformes. En effet, alors que la réforme du secteur industriel
et du reste de l'économie n'a commencé qu'en 1991, de même qu'elle a
été soutenue par l'Etat qui a octroyé et qui octroie encore des
subventions importantes aux entreprises, le secteur agricole est soumis
aux lois du marché depuis une dizaine d'années déjà et ne bénéficie pas
des mêmes avantages que le reste de l'économie.

Avoir soumis le fonctionnement du secteur agricole aux lois du


marché, c'est faire preuve de la volonté de promouvoir l'initiative
privée et la libéralisation qui sont supposées mettre en compétition les
exploitations agricoles, donc développer leurs performances. Mais le
désengagement de l'Etat du secteur agricole a conduit, comme nous
allons tenté de le montrer dans le chapitre suivant, à des effets néfastes
au niveau de l'agriculture locale de certaines zones agricoles
considérées comme stratégiques pour le développement de
l'agriculture nationale.

La question de savoir si la réalisation de la suffisance


alimentaire pourrait être obtenue par un désengagement de l'Etat
mérite d’être soulevée et on doit se demander s'il n'y a pas confusion
au niveau de la prise de décision entre les notions de privatisation et de
désengagement de l'Etat.

198
Chapitre X - Effets de la politique du désengagement de
l'Etat sur l'agriculture locale : le cas des hautes plaines
sétifiennes.
Les effets induits par la politique du désengagement de l'Etat
du secteur agricole sont multiples. Nous les avons répartis, pour la
clarté de l'exposé, en deux séries. Ceux qui rendent compte de
l'évolution globale de l'activité agricole, c'est-à-dire des résultats de la
production (chap 8) et ceux qui ont pour finalité de transformer les
structures productives du secteur agricole.

C'est parce que la décision de démanteler le secteur agricole


public n’a pas tenu compte de la diversité des situations qui
caractérisent ce dernier (spécialisation relative, implantation
géographique, dotation en facteurs de production, situation
économique, etc.) qu'elle a induit des situations différenciées au niveau
du secteur productif. Dans ce sens, l'objet de ce chapitre est de tenter
de rendre compte des principales transformations opérées par la
politique du désengagement sur l'agriculture locale. Nous prendrons à
cet effet pour exemple le cas spécifique des hautes plaines sétifiennes
(HPS). Les raisons de ce choix sont au nombre de deux. Premièrement,
nous voudrions montrer que la politique du désengagement poursuivie
par l'Etat depuis le début des années quatre-vingts et particulièrement
depuis 1987 est à même de changer la spécialisation de cette région
agricole, pourtant à "vocation céréalière" depuis plusieurs siècles. En
second lieu, nous soulignerons l'écart qui caractérise le discours officiel
en matière d'intensification et de développement des cultures
stratégiques et la situation effective des conditions de production de ces
mêmes cultures qui seront illustrées, une fois de plus, par le cas des
céréales.

Aussi, pour parvenir à ces résultats l'analyse sera axée sur les
trois points suivants :

1- le problème foncier,
2- les systèmes de culture et choix des agriculteurs et,
3- les conditions de production de la céréaliculture.

199
I - Le problème foncier
La terre constitue un enjeu. Elle est convoitée, comme l'ont
révélé les médias au début de la décennie quatre-vingt-dix, même par
de hauts fonctionnaires de l'Etat, qui, se remémorant probablement le
statut des hauts dignitaires de l'Etat turc ou de l'Etat colonial, se sont
octroyé le droit de s'approprier les terres des DAS dissous140. Le
démantèlement du secteur agricole public a donné lieu à des situations
confuses et difficilement contrôlables.

"Qui contrôle aujourd'hui la situation, s'interroge Jean Claude


Brûlé? Et d'abord quel est le nombre exact de ces EAC, de ces EAI qui se
sont multipliées au delà de toute attente, et pour cause, puisque
débordant largement le seul intérêt agricole? A vrai dire, personne n'en
sait rien : sous couvert de démocratie, les textes limitent le droit
d'intervention des autorités, ce qui a pour effet d'encourager les membres
des coopératives dans une attitude de non transparence qui occulte
grandement les conflits nés de l'infinie variété des rapports de force, et
les inégalités qui en découlent... Car l'incapacité de l'Etat à définir
clairement un droit foncier est parfaitement perçue par une opinion déjà
perturbée par trente années d'interventions incessantes"141.

Essayons donc d'apporter quelques éléments de réponse à ces


questions en faisant un inventaire du remembrement foncier dans la
wilaya de Sétif.

Bien que le discours dominant soit celui de la sauvegarde du


patrimoine foncier agricole, de la mise en place des exploitations
techniquement viables et "économiquement gérables" et de la
résolution des différends juridiques, la réorganisation du secteur
agricole n'a pu apporter une solution à ces problèmes. C'est ce que l'on
peut constater à l'analyse des points suivants :
- l'évolution du patrimoine foncier;
140
- En effet, même intervenant dans un contexte de neutralisation de ses adversaires
politiques, l'ancien chef du gouvernement des réformateurs a dû rendre publique et par
voie de presse, la liste des dignitaires du système qui se sont approprié, sans
justification, les terres des exploitations publiques à l'occasion de la réorganisation de
ce secteur entre 1987 et 1990. Néanmoins, il faut signaler que ces listes qui
n'indiquaient pas quelle fut la superficie accaparée par chacun, ont été vite
interrompues de parution.
141
- Jean Claude BRULE : Attentisme et spéculation dans les campagnes algériennes,
Revue Maghreb-Machrek, n°139, janvier-mars 1993, p50.

200
- l'évolution de la structure de l'exploitation agricole, et
- l'irruption de différends fonciers.

11- Evolution du patrimoine foncier agricole :

Le patrimoine foncier agricole n'est qu'approximativement


connu. En effet, exceptée une partie des superficies de l'ancien secteur
public, qui ont pu être délimitées au moyen de la photo aérienne142, le
reste des superficies, même lorsqu'elles ont pu être planimétrées,
résultent de déclarations d'emblavement. Les terres du secteur privé
sont dans la même situation que la catégorie des terres du secteur
public ci dessus évoquée.

Mais si on admet que la technique d'estimation des superficies


est la même aussi bien en secteur public qu'en secteur privé et surtout
que cette technique n'a pas connu d'évolution appréciable durant les
dernières années, on doit alors déduire que le patrimoine foncier
agricole de la wilaya de Sétif a été réduit de plus de 20 000 ha durant
les quinze dernières années.

En effet avec une superficie totale de 156 400 ha en 1980, le


secteur agricole public de la wilaya de Sétif ne s'étend plus que sur une
superficie de 116 000 ha environ en 1992, soit une diminution de plus
de 25% de la superficie de ce secteur en l'espace de douze années.

Le secteur public de la wilaya de Sétif s'étendait à la veille de la


restructuration de 1980 sur une superficie de 156 430 ha que se
répartissaient 69 domaines autogérés (80% de la superficie totale) et
120 CAPRA (32 976 ha).

En 1986, soit trois années après la clôture officielle de


l'Opération de restructuration qui avait donné naissance à 77 D.A.S,
16 AIRA et 22 "lots marginaux", le secteur public s'étendait encore sur
une superficie de 156 100 ha, soit 300 ha de moins qu'à la date
précédente.

142
- Dans la wilaya de Sétif, seules les terres se situant dans la zone cartographique de
Kherrata, de Sétif (1/3 des exploitations) de Mezloug (partie nord) et d'El Eulma (2/3
des exploitations) sont couvertes par photo aérienne. Le reste des terres du secteur
public (Ain Roua, Djemila, Bousselam, Bir El Arch, Ain Azal, Ain Lahdjar échappent à
une délimitation précise et leur planimétrage résulte des déclarations d'emblavement.
Se conférer à DAW Sétif: la restructuration des domaines autogérés de la commune de
Ain Abassa, Oct 1983, 60p.

201
En 1988, c'est-à-dire après la clôture de "l'Opération de
réorganisation" des DAS, la superficie du secteur public de la wilaya
de Sétif n'est plus que de 132 126 ha (on peut penser que cette
diminution importante est due au transfert des terres agricoles de la
commune de Ain Taghrout à la wilaya de BBA, créée en 1985).

Une seconde diminution importante de la superficie du secteur


public est, à nouveau, enregistrée en 1990 à la suite de l'Opération de
restitution des terres nationalisées à leurs anciens propriétaires.
Ensemble, l'opération de restitution des terres nationalisées et les
services administratifs amputent ce secteur, de 1990 à 1992, de près de
18 000 ha : sa superficie n'est plus que de 116 000 ha en 1992.
Tab 74 : Evolution de la superficie du secteur agricole public de
la wilaya de Sétif (1980-1992).
1980 1986 1988 1992
Sect 123 455 Sup en 156 431 Sup en 156 102 Sup en 132 126
autogéré 1980 1986 1988
SRA 32 976 DAS 150 851 EAC 116 339 EAC + EAI 114 472
+ FP
Tot wilaya 156 431 AIRA 2 842 EAI 3 291 Tot wilaya 114 472
Lots 2 409 F. Pilotes 11 014 Ecart / 17 654
marg. 1988
Tot 156 102 Terres 1 482 dont haras 1 654
wilaya excédenta national
ire
Ecart / - 329 Tot 132 126 Terres 16 000
1980 wilaya restituées
Ecart / - 23 976
1986
Sources : DSA et DRA de Sétif (tiré des différents bilans de remembrement).

S'agissant des terres du secteur privé, leur superficie ne peut


être, eu égard au problème de planimétrie, déterminée que par
soustraction. Si on retient le chiffre de 466 450 ha de superficie
utilisée par l'agriculture en 1990, on déduit alors que la superficie
agricole du secteur privé s'élevait en 1992, "terres restituées" à leurs
anciens propriétaires comprises, à 352 000 ha, soit trois fois environ la
superficie du secteur public. La superficie du secteur privé est,
contrairement à celle du dernier cité, en hausse. Elle passe, selon les
bilans établis par la DSA, de 321 000 ha en 1987 à 337 000 ha en
1990 et à 352 000 ha en 1992.

C'est dire que les secteurs non agricoles se sont accaparé de


1980 à 1992 près de 26 000 ha et que ce transfert a été exclusivement

202
opéré sur les terres publiques (330 ha entre 1980 et 1986, 23 980 ha
entre 1986 et 1988 et 1 650 ha entre 1988 et 1992)143.

La ponction sur les terres du domaine public n'est pas un


phénomène spécifique à la wilaya de Sétif. Dans la wilaya d'Alger,
pour prendre cet autre exemple, le développement urbain menace
durant ces cinq dernières années plus de 2 000 ha de terres cultivées.
En effet, le PDAU de cette importante agglomération s'est accaparé,
récemment encore, 2 142 ha soit 24 % de la SAU de la wilaya. La
superficie prélevée concerne l'extension de l'aéroport (1 200 ha) et
l'urbanisation (942 ha). En termes de capacités de production, cela
représente la disparition de 187 exploitations regroupant 540 familles
d'agriculteurs et une perte de production de l'ordre de 30 % des
rendements actuels.

Enfin, on notera en guise de conclusion qu’en attendant la


réalisation du cadastre de l'ensemble des terres, prévu pour la phase
1993-96, la diminution des capacités de production agricoles ne
concerne pas seulement le foncier mais aussi les immobilisations c'est-
à-dire le bâti. A ce propos doit-on rappeler, pour citer cet autre
exemple, que sur les 2 800 caves dont disposait le pays au lendemain de
son accès à l'indépendance nationale, il n’en reste plus aujourd'hui que
600 opérationnelles seulement? Il apparaît dès lors que la relance de
l'activité agricole et les chances d'insertion de l'Algérie dans le marché
international sont nécessairement fort coûteuses : les avantages dont
pouvait bénéficier l'économie vitivinicole en ce moment de déficit
d'offre de vins sur le marché mondial (déficit estimé à 15 millions d'hl
environ) sont à réacquérir.

12- Evolution de la structure des exploitations :


l'uniformisation par le bas .

La réorganisation du secteur agricole public est sous-entendue


par la loi 87-19. Cette dernière est d'essence libérale. En effet, elle
autorise d'une part, le partage des terres entre les producteurs
auxquels elle reconnaît par ailleurs le droit de se regrouper par

143
- Les ponctions sur les terres agricoles ont été faites au profit:
des plans d'urbanisation, de l'habitat rural, de la construction de nouvelles routes, de la
construction du barrage de Ain Zada et des retenues collinaires (une quinzaine), du
CALPI, du champ de courses hippiques, etc...

203
cooptation et interdit d'autre part, aux institutions de l'Etat de
s'immiscer dans le remembrement des unités de production.

L'un des effets de cette démarche est, contrairement, aux


restructurations antérieures, l'absence d'un modèle technique de
réorganisation préalablement défini. Aussi cette insuffisance a-t-elle
conduit les producteurs directs à copier le schéma foncier en présence
dans le secteur privé144.

L'exploitation agricole privée du sétifois est de petite taille et du


type familial. C'est pourquoi l'opération de réorganisation des DAS,
réalisée entre 1987 et 1992 (cette dernière date clôt l'opération de
réorganisation à la suite de l'opération de restitution des terres
nationalisées à leurs anciens propriétaires), doit être considérée comme
une opération d'émiettement des DAS. Ce phénomène s'est généralisé
et a été accéléré depuis le mois de juillet 1990, c'est-à-dire depuis la
décision de restitution des terres nationalisées à leurs anciens
propriétaires. Dans la wilaya de Sétif, le nombre de ces derniers s'élève
à 634 et les superficies, objet de la restitution, sont évaluées à 16 000 ha
prélevés sur le patrimoine foncier de 105 EAC (8842 ha), 16 EAI (335
ha) et 997 AIRA et lots marginaux (6000 ha) : six (06) EAC ont été
définitivement dissoutes pour cause d'absence d'assise foncière.

Tab 75 : Bilan partiel des terres restituées à leurs anciens


propriétaires : répartition par daira. Situation au mois de février 1992.
Daira Exploitations donatrices Superficie Nbre de
totale parcelles
Effectif Superficie restituée restituées
El Eulma 24 9334,82 1479,05 34
Ain Arnat 29 8521,36 969,10 38
Bougâa 05 1262,70 105,00 05
Ain Oulmane 09 3704,77 701,87 11
Ain El Kebira 01 290,24 06,00 02
Ain Azal 10 4514,02 443,05 16
Total wilaya 78 27 627,91 3704,07 106
Source: DRA de Sétif, listing Exploit.

Nous avons noté ci dessus que le phénomène de l'émiettement


des exploitations publiques s'est particulièrement développé à partir de
1990. Loin d'être freiné, ni même d'être contrôlé, ce phénomène, connu
-lorsqu' il est désapprouvé par les responsables du secteur agricole-

144
- Voir notre communication au séminaire RAFAC: DJENANE A-M: "L'exploitation
agricole familiale comme modèle de restructuration des exploitations du secteur public
: cas du sétifois", Montpellier, Oct 1991, article à paraitre dans O.M, 1996.

204
sous les vocables de "réorganisation interne", semble n'épargner
aucune exploitation agricole et ce, quelles que soient la taille et la
vocation de cette dernière.

En effet, une étude réalisée en 1992145 et portant sur quatre


anciens DAS de la wilaya de Sétif, montre que les EAC étaient déjà à
leur troisième génération malgré la jeunesse de leur âge. Dans l'un des
DAS (A. SALHI), réorganisé en février 1988 et ayant donné naissance
alors à 3 EAC (1ère génération), on se retrouve en mars 1991 avec 8
EAC et 6 EAI (2ème génération) et en mars 1992 avec 6 EAC seulement
et 14 EAI (3ème génération). En mars 1996, il n'existe plus aucune
EAC et l'effectif des EAI s'élève à 25. Le même processus de
décomposition caractérise les trois autres domaines dont l'un était déjà
parvenu à l'individualisation de la quasi totalité de ses terres au mois
d'octobre 1992 (15 EAI contre 3 EAC en 1987).

Le problème de l'émiettement des DAS et, à leur suite, des EAC


a plusieurs causes. Il y a premièrement la spécialisation antérieure des
exploitations mères. Les exploitations se situant dans la zone sud de la
wilaya, c'est-à-dire dans la zone où les possibilités d'irrigation sont
importantes, sont plus friables que le reste des exploitations146. Il y a
deuxièmement les différends nés de l'égalitarisme du nouveau système
de gestion qui attribue les mêmes droits et soumet aux mêmes devoirs
les membres des EAC et ce, indépendamment de leur qualification, de
leur ancienneté, etc.147. Il y a enfin, le désir des producteurs à
contourner la loi 87-19, notamment en ce concerne le droit de
succession sur les terres publiques. Les producteurs ayant un penchant
à assurer le droit de succession à la totalité de leurs enfants et non à un
seul comme le prévoit la loi, optent pour l'individualisation des terres,
formule qui leur parait plus appropriée pour réaliser cet objectif.

Compte tenu de ces remarques, il est indéniable que le modèle


de référence en matière de remembrement foncier est celui en présence
dans le secteur privé agricole. A ce dernier propos, il y a peu de crédit

145
- Benoît VERGRIETTE: La réorganisation de l'agriculture dans la wilaya de Sétif
(Algérie). Evolution des exploitations issues de quatre DAS, Mémoire de DESS,
Université de Paris I - Panthéon -Sorbonne, Sept 1992, 100p + annexes.
146
- Se conférer à A-M. DJENANE: l'exploitation agricole familiale comme modèle de
restructuration des exploitations du secteur public, op cité.
147
- Se conférer également à A-M. DJENANE: la restructuration foncière des
exploitations du Secteur d'Etat de la wilaya de Sétif, cahiers du CREAD, 1990.

205
à accorder aux statistiques agricoles officielles qui font apparaître,
pour l'année 1995, et pour la wilaya de Sétif l'existence de 520 EAC et
de 462 EAI. Ces chiffres, même s'ils s'avèrent vérifiés, n'ont d'autre
valeur que juridique. Les exploitations issues de l'opération de
réorganisation, ne s'étant pas encore acquittées des patrimoines dont
elles ont hérités, sont collectivement et solidairement responsables
devant la loi.

En attendant donc l'établissement d'un cadastre des terres et le


recensement général agricole, dont le dernier remonte aux années
soixante, nous nous contenterons de la répartition suivante des
exploitations agricoles de la wilaya de Sétif.
Tab 76 : Répartition des exploitations agricoles de la wilaya de
Sétif selon le statut juridique des terres et les classes de superficie (Mai
1996).
Classe (ha) Exp EAC EAI Fer.pilotes Total
Privées
- de 1 3744 3 3 747
1à5 14 426 5 81 14 512
5 à 10 8 173 12 98 8 283
10 à 20 1 427 9 132 1 568
20 à 50 295 46 131 472
50 à 100 255 98 17 370
100 à 200 160 160
200 à 500 148 148
500 à 1000 42 2 44
1000 à 2000 3 3
2000 et plus 2 2
Total 28 320 520 462 7 29 309
Source : DSA de Sétif, Sce Statistiques.

13- L'irruption de différends fonciers:

L'opération de réorganisation du secteur agricole public a aussi


fait émerger plusieurs différends liés au foncier. Ces problèmes,
quoique posés avant l'opération de réorganisation, sont désormais à la
seule charge des exploitations agricoles. Certains sont cependant liés
au potentiel de production des exploitations et d'autres aux rapports
de production au sein de celles-ci.

113- Un remembrement inéquitable :

En matière de potentiel de production, il faut certainement


évoquer le principe de création des "exploitations économiquement

206
viables et humainement gérables". On se rappelle en effet148que l'une
des causes ayant conduit, selon l'analyse officielle, à la sous utilisation
du potentiel de production agricole, est la trop grande taille des
exploitations. Aussi pour résoudre ce problème, le législateur a-t-il
introduit en 1987, des instruments de correction en permettant, d'une
part, aux producteurs de créer des EAC d'au moins trois membres et
d'autre part, des EAI, là où ne peuvent pas être mises en place des
EAC.

La mise en application de cette loi, qui ne définit aucune


fourchette d'attribution, a conduit à une répartition inégale des terres
entre les producteurs mais aussi à la diminution de la part revenant à
chacun.

Tab 77 : Evolution de la fourchette d'attribution des terres du


secteur public de la wilaya de Sétif ( échantillons)*
Fourchette Juin 1988 Février 1991 Septembre 1992
s
d'attributi Effect Expl = 354 Effect Expl = 427 Effect Expl = 612
on Effect attrib= 2942 Effect attrib = 1922 Effect attrib = 1985
en ha Sup moy % cumulé Sup moy % cumulé Sup moy %
par des par des par cumulé
attributaire attributair attributair attributair attributair des
s es es es es attribut.
- de 10 ha 2,7 1,4 8,9 10,7 6,9 11,4
10 - 20 15,2 07,9 - - 16,6 21,1
20 - 30 24,5 30,7 24,9 39,8 26,8 51,6
30 - 40 32,8 57,3 33,3 71,6 37,1 78,5
40 - 50 45,5 78,1 40,7 94,4 43,0 95,2
50 - 60 58,4 90,1 51,2 98,5 52,7 100
60 - 70 67,3 97,0 - - - -
70 - 80 72,8 98,7 - - - -
+ de 80 ha 84,5 100 82,4 100 - -
moy. 39,5 - 31,6 - 30,3 -
Source: Données de la DRA de Sétif, listing Exploitations
(*) Les échantillons représentent
. 88,5% de l'effectif total des exploitations en 1988
. 53,4% de l'effectif total des exploitations en 1991
. 66,9% de l'effectif total des exploitations en 1992
Il ressort de ce tableau que :
- la superficie moyenne par attributaire passe de 39,5 ha en
1988 à 30,3 ha en 1992 soit une diminution de plus de 9 ha en quatre
années;

148
- Voir notamment A-M. DJENANE: la restructuration du secteur agricole d'Etat :
discours et pratiques, mémoire de Magister, ISE, Alger, 1985.

207
- alors que l'effectif des attributaires possédant moins de 20 ha
ne s'élevait qu'à 7,9% de l'effectif total des attributaires en 1988, il
s'élève à 21,1% en 1992 pour une superficie moyenne par attributaire
restée quasiment identique (successivement 15,2 et 16,6 ha);

- l'existence d'un écart important entre les superficies moyennes


allouées aux producteurs. En 1992, l'écart entre la plus grande
propriété et la plus petite est de 45,8 ha. Cet écart rend compte d'une
certaine manière des rapports de force en présence dans le secteur
agricole public à la veille de son démantèlement; rapports de force
ayant suscité l'apparition de conflits et l'éclatement des collectifs des
travailleurs.

132- Un remembrement réfuté par la majorité des exploitations

Quoique réalisé par un Comité interne de réorganisation


présidé par l'Ingénieur gestionnaire, le remembrement foncier des DAS
est réfuté par au moins la moitié des exploitations qui en sont issues.

En effet, 50% des exploitations créées au mois de juillet 1988


avaient introduit un recours quant aux méthodes de partage du
patrimoine des DAS entre les EAC et EAI. Le dépouillement des
correspondances parvenues au Bureau de la Restructuration de la
Wilaya de Sétif nous a permis, en effet, de dénombrer 403 requêtes
provenant de 201 EAC et EAI sur les 400 créées à cette date.

Les litiges soulevés par ces nouvelles exploitations sont résumés


dans le tableau suivant.

208
Tab 78 : Répartition des litiges et contentieux induits par
l'opération de remembrement des DAS de la wilaya de Sétif ( situation
07/88).
Nature du Nombre %
contentieux de requêtes
Bornage 13
Foncier Superficie 95 30
Plantations 12
Matériel 69
Bâtiments 46
Logements 29
Autres Cheptel 40 70
Cultures en 52
rapport
Stocks 29
Finances 18
Effectif total des 403 100
requêtes
Effectif exploitations 201 50
plaignantes
Source : données DSA Sétif.

Ainsi, 30 % des litiges opposant les exploitations entre-elles,


sont directement liés au foncier, contre 17 % au matériel et 11 % aux
bâtiments d'exploitation.

Mais comme on le sait déjà, les litiges et conflits au sein du


secteur agricole n'ont pas surgi de façon spontanée et ce, suite au
lancement de l'opération de réorganisation. Ils lui sont antérieurs et
l'Etat, n'ayant pu les résoudre, les a transférés aux exploitations.

133 - l'indue occupation ou un problème de société


transféré aux exploitations

Le secteur agricole public a toujours fait l'objet d'appropriation


privative d'une partie de ses moyens de production. Cette
appropriation a été cependant toujours considérée comme illégale car
ne trouvant pas sa justification dans la sphère de production. C'est
pourquoi, elle est désignée dans le discours officiel sous les vocables d'
"indue occupation".

L'indue occupation concerne particulièrement les biens


immobiliers appartenant dans les textes aux exploitations agricoles et
appropriés dans les faits par des personnes n'ayant généralement pas
de lien avec lesdites exploitations.

209
Dans la wilaya de Sétif, ce phénomène est très répandu.
L'enquête menée à l'effet de recenser les biens immeubles indûment
occupés149 montrent que prés de 3 000 logements appartenant aux
exploitations sont dans cette situation : les dairate de Ain El Kebira et
de Ain Arnat totalisent, à elles seules, plus de la moitié des logements
déclarés indûment occupés à travers cette wilaya.

Le phénomène de l'indue occupation qui a toujours préoccupé


les pouvoirs publics qui avaient envisagé en 1987 son éradication au
moyen de la promotion du logement rural150, est désormais transféré,
suite à la dissolution du secteur agricole public, aux exploitations
agricoles.

Tab 79 : Répartition des logements des exploitations agricoles


indûment occupés des dairate de Ain El Kebira et de Ain Arnat.
Répartition selon la fonction du chef de ménage au moment de l'enquête
(1988).
Secteur d'appartenance Ain El Kebira Ain Arnat Ensemble
de l'indu occupant
Agri Sect public 17 397 414
culture Sect privé 19 10 29
Industrie 32 214 246
Professions libérales 11 45 56
Retraités DAS 14 104 118
Temporaires 48 155 203
Emigration 15 20 35
Chômeurs 34 162 196
Non identifiés 00 145 145
Autres secteurs 07 100 107
Total 197 1352 1549
Nbre agglomérations 16 60 76
indûment occupées
Source : Délégations deDaira

Ainsi, en situation de faiblesse et d'incapacité de l'Etat à


résorber des problèmes pour lesquels il devait mobiliser d'importants
moyens financiers, c'est finalement à l'exploitation agricole, plusieurs
fois démembrée, qu’incombe la résolution de cette épineuse question!...

149
- Instruction ministérielle n° 244/SM du 01/03/1986.
150
- Voir Instruction interministériel (Intérieur, Agriculture, Finances et Planification)
n°11/I/SPM/4 du 16/02/87.

210
En conclusion, on fera constater que le désengagement de l'Etat
du secteur agricole a non seulement conduit à la réduction du
patrimoine foncier mais aussi à l'émergence de plusieurs autres
problèmes fonciers qui limitent à terme les potentialités productives
des exploitations. Il en est ainsi du phénomène de l'émiettement des
exploitations qui tendent à adopter le modèle existant dans le secteur
privé, de l'irruption de litiges au sein des collectifs et qui par
conséquent conduisent à une utilisation non optimale des facteurs de
production, etc. L'option pour la petite exploitation familiale permet
certes de résorber pour l'instant les problèmes d'organisation du
secteur agricole mais une solution non favorable au développement des
cultures stratégiques qui enregistrent déjà un recul palpable dans les
HPS.

II- Les conversions culturales des HPS: la spécialisation


céréalière en question?

La libéralisation partielle des prix entamée au début des années


quatre-vingt s'est vite manifestée dans la région de Sétif et ce,
notamment par l'abandon progressif de certaines cultures
traditionnelles et l'adoption de nouvelles. Les agriculteurs semblent
mettre en effet des stratégies de production qui leurs permettent de
maximiser leur revenu, du moins de tirer meilleur parti du marché.

Quelle est donc la tendance générale du système de culture


adopté durant les vingt dernières années par les wilayate du sétifois
(les wilayate prises en considération sont Sétif, Bordj-Bou-Arréridj,
M'Sila et Béjaia quoique le sétifois inclut également la wilaya de Mila
pour laquelle nous n'avons pas pu réunir les données nécessaires) et
quelles sont les causes objectives et explicatives de cette évolution?

21- La céréaliculture, toujours dominante mais tournée vers la


production de viande

Bien que les superficies cultivées du sétifois aient, durant les


vingt cinq dernières années, tendance à se stabiliser autour de 450 000
ha, des mutations importantes sont enregistrées en matière de
répartition des superficies cultivées par type de culture.

211
En effet, alors que les superficies réservées à la culture des
céréales151représentaient 96 % des superficies cultivées en 1971 et 87
% en 1980, elles ne représentent plus que 80 % seulement de ces
mêmes superficies cultivées en 1990. Les Hautes Plaines Sétifiennes
sont donc sujettes à une diversification, de plus en plus affirmée, de
leur système de culture.

Les superficies réservées aux légumes secs ont, après avoir


doublé entre 1970 et 1980 (2 200 et 4 290 ha aux dates respectives), été
maintenues de 1980 à 1990 aux alentours de 4 000 ha.

Ceci n'est cependant pas le cas des cultures industrielles dont la


superficie est passée de 630 ha en 1970 à 3 400 ha en 1980 et à 650 ha
en 1990 (440 ha en 1988).

Contrairement aux deux tendances précédentes, les wilayate du


sétifois se distinguent de 1980 à 1990 par une hausse continue de leurs
superficies réservées aux cultures maraîchères et aux fourrages.

La superficie des fourrages est passée, pour commencer par cet


exemple, de 4 200 ha en 1970 à 20 700 ha en 1980 et à 55 000 ha en
1990 soit un quasi-triplement des superficies entre 1980 et 1990 mais
une augmentation de plus de 1 200% entre 1970 et 1990.

Dans le même sillage, le maraîchage est une activité qui


s'affirme également. Ses superficies ont été soumises à une progression
de type géométrique dont la raison est de 2,5. En effet de 5 000 ha en
1970, elles passent à 12 170 ha en 1980 et à 32 400 ha en 1990.

Cela ne constitue pas les seules mutations culturales constatées


durant les dix dernières années dans les hautes plaines "céréalières"
du sétifois.

A ce propos, l'on se doit de souligner que la culture des céréales


est de, plus en plus, tournée vers l'activité d'élevage. Ceci est aisé à

151
- Les données citées à ce niveau sont tirées de la revue "statistique agricole" éditée
par le Ministère de l'Agriculture. Cette revue a connu une interruption de publication
au début des années 90 et des publications partielles ont eu lieu en 1994 et concerne les
campagnes 1991-92 et 93. Mais comme cette nouvelle publication ne porte que sur la
"campagne agricole de printemps", nous nous contenterons donc des données
antérieures à 1991.

212
montrer en analysant l'évolution des superficies céréalières par type de
spéculation.

En opérant la distinction entre les différentes espèces


céréalières c'est-à-dire selon qu'elles soient destinées à la
consommation humaine (blés dur et tendre) ou à la consommation
animale (orge et avoine), on déduit que les superficies réservées aux
blés n'ont pas cessé de décroître depuis 1970 alors que celles réservées
à l'orge et à l'avoine ont connu une évolution inverse.

Tab 80 : Evolution de la structure des superficies céréalières des


wilayate du sétifois (1965-1994). Répartition selon l'usage (moyennes
quinquennales).
Phase Consommation humaine Elevage (orge et avoine)
(blés)
Ha % Ha %
1965 - 69 191 200 70 82 600 30
1970 - 74 242 300 73 91 200 27
1975 - 79 237 000 69 107 900 31
1980 - 84 180 000 60 122 000 40
1985 - 89 162 400 44 206 300 56
1990 - 93 209 300 52 190 700 48
Sources: Statistiques Agricoles
Série B et A, M Agricult.

Les superficies consacrées à l'élevage sont en réalité plus


importantes que ne l'indique le tableau précédent. En effet, si on ajoute
aux superficies réservées à l'orge celles des fourrages, les superficies
consacrées à l'élevage s'élèvent alors à 99 000 ha en moyenne de 1970 à
1974, 124 000 ha de 1975 à 1979, 157 900 ha de 1980 à 1984 et à
261 000 ha de 1985 à 1989.

Ainsi, on remarque que le développement de la culture de l'orge


et de l'avoine en particulier, celle de ces deux dernières cultures et du
fourrage en général, se font au détriment de celle des blés. La
superficie des premières spéculations citées passe de 69 % des
superficies céréalières des quatre wilayate du sétifois en 1975/ 79 à 44
% en 1985/ 89, pour remonter à 52 % durant la phase 1990/ 93.

Cette corrélation négative, mise en évidence par le graphe ci-


contre, est aggravée par l'accroissement, toujours important, des
superficies arboricoles fruitières et de la jachère.

Les superficies arboricoles fruitières passent de 45 000 ha en 1970 à


74 000 en 1980 et à 90 000 en 1990. De l'autre côté, les terres laissées en

213
jachère et qui représentaient l'équivalent de la superficie des cultures
herbacées en 1970 (340 000 ha environ), s'élèvent au double de celles-ci
en 1980 (627 000 ha de jachère pour 350 000 ha de cultures herbacées)
et une fois et demie en 1988 (respectivement 352 000 et 530 000 ha).
En conclusion, l'analyse des systèmes de cultures pratiqués
durant les vingt dernières années dans le sétifois permet de faire au
moins deux remarques.

1) - La première a trait au recul amorcé de la spécialisation des


HPS dans la culture des céréales. Plus précisément des mutations
profondes caractérisent le système céréalier qui s'oriente de plus en
plus vers la production de viande. De ce point de vue, la politique
d'indépendance céréalière prônée par les pouvoirs publics n'est que
discours.

2) - La seconde remarque est que la diminution des superficies


céréalières destinées à la consommation humaine se fait au profit de la
production maraîchère, fruitière et des viandes. Il s'agit, compte tenu
du modèle de consommation dominant en Algérie, de cultures
destinées à satisfaire la demande d'un modèle de "consommation
supérieure" c'est-à-dire la demande exprimée par les couches sociales
moyennes et aisées.

Bien que produire pour toutes les couches sociales soit


nécessaire, il ne faudrait pas cependant que cela se fasse au détriment
d'une couche déterminée. Dans le cas contraire, il se pose un problème
d'arbitrage et c'est ce dernier qui semble être partial dans la politique
agricole mise en place dans les années quatre - vingts.

22- Les avantages comparatifs à l'origine des


mutations culturales.

Dans le chapitre (VIII) précédent, nous avons pu constater que


l'Etat continue, en dépit de la rareté des ressources auxquelles il
continue à faire face, à octroyer des subventions en baisse aux céréales
dont, depuis 1993, aux blés, à l'orge et aux légumes secs. Les
subventions accordées ne parviennent pas, même lorsqu' elles
représentent plus de la moitié du prix d'achat du produit considéré, à
changer de façon significative les tendances de la production. La
céréaliculture dépend en effet de la quantité des pluies et des

214
superficies qui lui sont réservées. Dit autrement, quel que soit le niveau
des prix fixés à la production, les rendements demeureront inchangés.

Tenant compte de cette contrainte de base et des possibilités de


maximisation de son revenu, l'agriculteur du sétifois opère des choix de
production. Il met en place une stratégie de production.

Dans ce cadre, on soulignera que l'un des éléments de cette


stratégie de production est l'avantage relatif que procure chacune des
cultures ou chacun des groupes de spéculations.

A cet effet, une enquête que nous avons réalisée auprès de 41


exploitations du sétifois durant la campagne agricole 1990 - 91, montre
qu'une unité monétaire dépensée à la production de maraîchage ou de
l'élevage avicole procure le plus grand revenu annuel relatif.
Tab 81 : Revenus annuels relatifs procurés par l'investissement
d'une unité monétaire dans les différents groupes de spéculation - (Camp
1990 - 91).
Spéculation Revenu net en DA
Blé dur 3,42
Blé tendre 4,23
Orge 3,34
Ovin 3,30
Bovin 3,45
Aviculture de chair 6,26
Maraîchage 9,85
Source: Enquête Exploitations.

Aux conditions de marché de 1990 - 91, il ressort que la


péréquation du taux de profit est quasiment établie pour les cinq
premiers produits cités et que le profit demeure relativement élevé
dans la filière de l'aviculture de chair et dans le maraîchage.

Ces taux de profit, obtenus dans l'aviculture de chair et le


maraîchage, sont à expliquer par les barrières qui s'établissent à
l'amont des deux filières. A titre d'illustration, la reconversion d'un ha
de culture sèche en culture maraîchère nécessitait, en 1990 - 91 et dans
la zone sud de la wilaya de Sétif, un investissement initial de 400 000
DA soit l'équivalent des dépenses d'entretien, à la même époque, de
200 ha de céréaliculture.
Dans l'aviculture de chair, la mise en place d'une batterie de
2000 à 5000 sujets coûtait 500 000 DA environ152.

215
S'agissant enfin des mutations constatées au sein du système
céréalier, mutations favorables à la culture de l'orge et de l'avoine, il
faut retenir avec J- P. BOUTONNET que: "la spéculation ovine en
Algérie [est] un produit - clé de la céréaliculture"153.

Cela signifie que dans la logique du système des prix céréaliers,


l'avantage comparatif est en faveur de la culture de l'orge. C'est ce que
montre en effet, pour la région de Sétif, une étude consacrée à la mise
en marché des céréales dans cette région154.

Cependant malgré les conditions de marché favorables au


développement de la culture de l'orge et par suite, de la production de
viande, la viande ovine algérienne est comme le relève J.P
BOUTONNET dans le document précité, l'une des plus chères du
monde. Comparé en temps de travail, un kilogramme de viande ovine
algérienne est 17 fois plus coûteux que le même kilogramme produit en
France et 76 fois plus que celui produit en Australie à la fin de la
décennie quatre - vingt. Ces données contredisent donc l'idée soulignée
dans le chapitre précédent et selon laquelle l'Algérie aurait des
prédispositions à l'élevage et non à la production de céréales pour la
consommation humaine.

Cette situation est due à la dégradation des conditions de


production des céréales. Mais avant d'aborder ce point, il faut
remarquer que la politique agricole adoptée durant les quinze
dernières années a conduit à une mutation profonde du système de
culture du sétifois. Cette politique est appréciable quant aux
conversions culturales qu'elle a engendrées ce qui permet de faire face
à la demande en produits agricoles exprimée par les diverses couches
sociales, notamment les plus aisées, mais appréhensible quant au recul
de la culture des céréales qui demeurent l'alimentation de base de la
population.

152
- NOUIRI. M, FARRAH. A et KACI. A: Essai d'approche des performances
zootechniques des ateliers de poulet de chair en Algérie (1987 - 1992), ITPE, Alger,
1993.
153
- Jean- Pierre BOUTONNET: la spéculation ovine en Algérie: un produit - clé de la
céréaliculture, ENSA, Montpellier, 1989.
154
- Etude réalisée par F. CHEHAT, A. DJENANE et A-M. JOUVE: la mise en marché
des céréales dans la région de Sétif, op. cité.

216
III- Une réforme qui annihile la vulgarisation agricole:
Le recul de la culture des céréales dans la région de Sétif ne
signifie pas seulement baisse relative des superficies mais aussi
détérioration des conditions de production de cette spéculation.

Il est en effet aisé de montrer que:


- les rendements de cette culture dépendent plus aujourd'hui
des aléas climatiques qu'il n' y a une trentaine d'années, et que
- les efforts "d'intensification céréalière", entendus comme
meilleure conduite de l'itinéraire technique et enregistrés avant la
réforme ont été entièrement annihilés dès le lancement de celle-ci.

31- L'impérativité d'une irrigation d'appoint ou l'incapacité de la


vulgarisation à mettre en place un itinéraire spécifique:

Continuer à souligner que les rendements céréaliers en Algérie


en général, et dans le sétifois en particulier dépendent des quantités de
pluie enregistrées chaque année, c'est mettre l'accent sur la nécessité
de ne plus faire dépendre les résultats de cette culture de l'aléa
climatique mais c'est également souligner la régression enregistrée en
matière de résultats obtenus durant une phase récente de l'histoire
céréalière de l'Algérie155.

155
- C'est de façon à peine voilée que AIT AMARA Hamid semble répondre à nos
résultats collectifs de recherche présentés dans l'étude intitulée " la mise en marché des
céréales dans la région de Sétif". Il rappelle, à juste titre d'ailleurs, que la dépendance
des rendements de la pluviométrie n'est ni récente, ni spécifique à l'Algérie en tant que
pays méditerranéen. L'invasion romaine, la colonisation française ensuite ont imposé
dans un premier temps, souligne-t-il, le modèle céréalier "blé-jachère travaillée" pour
réduire l'influence de l'aléa climatique sur les rendements.
Ceci est effectivement une vérité que d'aucun ne conteste et que la méthode statistique
est venue quantifier et confirmer. Ce que l'on doit par contre contester et que ne fait pas
l'auteur, c'est que cette culture continue à dépandre de la pluviométrie. Aussi commet-il
la grave erreur de proposer à la place du modèle céréalier actuel (blé - jachère), le
modèle (céréale - élevage). Mais en quoi ce modèle peut -il accroître l'indépendance
céréalière du pays? L'Algérie a-t-elle réellement avantage à délaisser la culture des
céréales (blés) au profit de l'élevage (orge, avoine), comme le souligne cet auteur,
"pourtant, les importations en blé ne représentent que 40% de la valeur totale des
importations agro-alimentaires (500 millions de $) se plaçant, les dernières années, en
deuxième position derrière les produits laitiers (600 millions de $)? Se conférer à
H.AIT. AMARA "La productivité des sols et le paradigme du blé", op. cité.

217
Nous avons pu montrer en effet dans le chapitre VIII que les
meilleurs rendements céréaliers ont été enregistrés au début de ce
siècle (9,82 qx/ ha en moyenne de 1915 à 1924).

D'un autre côté, les données relatives au climat de l'Algérie


depuis 1938, conjuguées à celles des rendements dans la région de Sétif,
nous ont permis d'établir une corrélation significative entre les deux
variables de 1938 à 1991. Le taux de corrélation linéaire durant cette
phase d'observation a une valeur égale à 71 %.

En faisant également la distinction entre la période coloniale


(1938 - 1962) et la période suivante (1962 - 1991), la valeur de ce taux
est respectivement de 61% et 82%156.

Ces valeurs, significatives pour le moins en analyse statistique,


permettent de souligner :
- d'une part le caractère pluvial de la céréaliculture des Hautes
Plaines Sétifiennes, et
- d'autre part la dépendance, de plus en plus accrue, des
rendements de la pluviométrie. Dit autrement, les trente dernières
années se caractérisent par la régression enregistrée par rapport à la
phase précédente en matière de culture des céréales : au lieu de
l'intensification, c'est l'extensification qui caractérise la politique
céréalière de l'Algérie de 1962 à 1991.
L'affinement de ces résultats de recherche permet de considérer
pour la région de Sétif que les rendements céréaliers ne dépendent pas
désormais de la pluviométrie en général mais de la pluviosité des mois
de mars à mai.

Il est en effet à présent établi que lorsque la pluviométrie


annuelle avoisine les 500 mm et que lorsque 25 à 40 % des pluies
tombent entre mars et mai, le rendement moyen des céréales, toutes
espèces confondues, varie entre 8 et 10,3 qx / ha, et peut atteindre et
même dépasser les 14 qx / ha pour quelques espèces prises
individuellement.

Tab 82 : Rendements et pluviométrie dans la région de Sétif


(1982 - 1995).

156
- Se conférer à A-M. DJENANE: Quelques résultats du programme de la
vulgarisation de l'intensification céréalière dans la région des Hautes Plaines
Sétifiennes, Cahiers du CREAD n° du et Options Méditerrnéennes n° du

218
Pluviométrie Rendement
annuell printaniè (2) / (1) BD BT Orge Avoine moyen
e (1) re (2) en %
1982 533,9 231,6 43 8,3 10,9 12,0 10,0 9,8
1983 286,0 60,8 21 4,7 5,3 5,6 4,2 5,0
1984 365,2 95,5 26 3,9 3,4 4,5 3,9 4,0
1985 480,9 185,3 39 9,6 9,5 11,2 14,0 10,3
1986 377,5 127,2 34 6,9 8,2 6,7 6,6 7,0
1987 408,1 72,7 18 7,3 8,4 7,9 6,4 7,6
1988 326,6 136,3 42 6,7 7,3 5,9 3,5 6,5
1989 509,4 137,8 27 8,6 9,5 10,0 7,2 9,1
1990 329,1 138,8 58 4,5 5,9 5,2 4,7 5,0
1991 403,7 165,3 41 9,5 14,7 11,0 8,0 10,6
1992 465,3 172,1 37 8,0 8,5 7,6 8,0 7,9
1993 336,6 103,2 31 6,5 5,6 5,3 4,4 5,9
1994 246,9 47,6 19 4,0 2,3 3,0 3,0 3,6
1995 447,4 108,6 24 6,0 5,4 4,0 4,4 5,3,
moyenn 396,2 127,3 32 6,7 7,5 7,1 6,3 7,0
e
Source: DSA de Sétif (Bilans de campagne).

Néanmoins, la représentation graphique des rendements selon


les niveaux pluviométriques enregistrés montre que ces premiers
baissent dès lors que les quantités de pluie dépassent les 480 mm par
an. Ce résultat est également, du moins en théorie, fort appréciable en
ce sens qu'il illustre bien la loi des rendements décroissants (voir
graphe ci-contre).

Ce schéma peut être interprété comme la possibilité


d'augmenter les rendements au delà du seuil atteint avec la quantité de
480 mm de pluie. Ainsi pour maintenir la courbe ascendante au delà
des 480 mm d'eau, l'augmentation des rendements ne peut se faire
qu'au moyen d'autres facteurs d'intensification. Dans la région qui
retient notre attention ici, on peut penser que l'augmentation des
rendements se fera au moyen d'une meilleure conduite de l'itinéraire
technique.

32- L'annihilation des résultats de l'expérience de vulgarisation.

La wilaya de Sétif a été érigée au début des années quatre-vingt


en wilaya pilote en matière de maîtrise des conditions de production
des céréales au moyen de l'intensification et d'une meilleure conduite
de l'itinéraire technique des céréales.

Le programme dit de l'intensification céréalière a été


prometteur d'autant que les expériences de vulgarisation lancées à

219
travers la wilaya de Sétif par l'ITGC donnaient des résultats
encourageants. En effet, "les rendements du blé dur pouvaient
augmenter de 2,5 à 5 qx/ha, ceux du blé tendre de 3 à 3,5 qx/ha et ceux
de l'orge de 0,5 à 3 qx/ha"157 à la condition cependant de se conformer
aux normes de fertilisation spécifiques à cette région céréalière.

La mise en application du programme d'intensification


céréalière avait alors mobilisé d'importants moyens158 et a permis
d'améliorer sensiblement les résultats, du moins, les conditions de
production des céréales159.

Les améliorations ont été soutenues jusqu' en 1987, date du


démarrage de la réforme. Pour ne pas faire redondance à nos travaux
de recherche antérieurs, nous nous limiterons aux données contenues
dans le tableau suivant :

Tab 83 : Evolution des résultats de l'expéreince de vulgarisation


de la culture des céréales dans la wilaya de Sétif.

Désignation 1984-85 1991-92


Qté d'engrais util. par ha cult. en céréales 0,38 0,16
(qx)
Labour de printemps / Superf. labourée en 38 24
%
Superficie recroisée / Superf. labourée en % 94 74
Superf. fertilisée / Superf. labourée en % 50 12
Semis en ligne des céréales en % 74 45
Rdt des moissonneuses batteuses en ha 398 263
Source : DSA de Sétif, tiré des bilans de campagnes

Le programme d'intensification céréalière, lancée en 1984 et


abandonné en 1987 à la suite de la mise en application de l'opération

157
- ITGC: les engrais azotés, Sétif, Mars 1992.
158
- Les moyens matériels et humains mis en oeuvre pour la reussite de cette opération
sont:
- les structures d'encadrement ayant fonction de vulgarisation: une ferme expérimentale
de l'ITGC, un ITMA, un CFVA et 5 fermes expérimentales spécialisées dans la
production de semences.
- les moyens humains englobaient quelques 500 cadres se répartissant en 70 ingénieurs
et 200 techniciens agricoles, 130 comptables et agents comptables, 25 chefs de culture
(grandes cultures), 50 chefs de chantiers et 3 spécialistes de la protection des végétaux.
159
- Se conférer à F-CHEHAT, A-M. DJENANE et A-M. JOUVE: la mise en marché des
céréales dans la région de Sétif, op. cité.

220
de réorganisation du secteur public, est remis en application en 1995-
96. L'Etat a-t-il alors aujourd'hui les moyens de la réalisation et de la
réussite de ce nouveau programme, lorsqu'on sait qu'il a perdu d'une
part son assise foncière et que d'autre part, le système coopératif ne
parvient pas encore à émerger?

Conclusion :

Les effets de la politique du désengagement de l'Etat sur


l'agriculture locale sont multiples.

Le premier peut être illustré par l'émergence enfin de stratégies


de production différentes des agriculteurs et de l'Etat. Alors que ce
dernier, qui a la charge d'assurer la sécurité alimentaire de la
population, développait dans le passé un discours en faveur de
l'intensification céréalière, les agriculteurs sont, quant à eux, intéressés
par la maximisation de leurs revenus.

On peut penser alors que les objectifs d'orientation


contradictoire de la production des uns et de l'autre ont conduit à
l'inévitable réorganisation du secteur public qui, en peu de temps, a pu
instituer le modèle d'exploitation agricole en présence dans le secteur
privé. Ceci constitue le second effet.

Le troisième effet est relatif aux mutations culturales constatées


durant les quinze dernières années, mutations se faisant, dans les
régions "céréalières" notamment, en faveur des cultures à forte valeur
ajoutée, et abandonnant de plus en plus à l'Etat la lourde charge de la
sécurité alimentaire.

Le problème de la sécurité alimentaire et céréalière est d'autant


inquiétant que l'un des effets induits, entre autres, par l'opération de
réorganisation est la détérioration généralisée des conditions de
production. La détérioration des conditions de production est constatée
en matière de foncier, de répartition des patrimoines entre les
nouvelles exploitations et en matière d'effort d'intensification
céréalière, etc.

Au bout de ce processus, l'agriculture algérienne, déjà


vulnérable, devient l'agriculture la moins performante du Bassin
méditerranéen, du moins de la Méditerranée occidentale.

221
Chapitre XI - Existe-t-il des agricultures performantes sans le
soutien de l'Etat? Cas des agricultures de la Méditerranée
occidentale.

Les relations commerciales internationales contemporaines


reposent, ainsi que le consacre de façon définitive la Conférence du
GATT (Marakech, 1994) sur la compétition et les avantages
comparatifs qu'ont les pays à se spécialiser dans la production d'un
bien donné160.

La concurrence commerciale internationale ne ménage


désormais, selon les termes des accords précités, aucun produit qu'il
soit d'origine industrielle, agricole ou tertiaire. Les marchés nationaux
et régionaux fusionnent et la libre circulation, du moins en théorie, des
facteurs de production et des marchandises permet désormais
l'établissement d'une péréquation des taux de profits à l'échelle
planétaire. Le corollaire du nouveau cadre de reproduction du capital
à l'échelle mondiale est, malgré les conflits qui caractérisent les
relations commerciales euro américaines, l'abolition des barrières
douanières et des législations protectionnistes. Ceci devrait conduire,
toujours du point de vue théorique, à l'utilisation optimale des
ressources (rares) à l'échelle planétaire, d'une part, et à une plus
grande spécialisation internationale des pays (économies d'échelle),
d'autre part. Les pays et les secteurs économiques qui sont appelés à
développer cette compétition et à en tirer meilleur parti sont ceux qui
seront les plus performants.

A ce dernier propos, nous voulons tenter de répondre dans ce


dernier chapitre et, en restant dans le domaine de l'agriculture, à deux
questions.

La première est relative au souci de savoir s'il existe


aujourd'hui des agricultures performantes sans l'intervention et le
soutien de l'Etat. Cette question devient inévitable du fait même que le
retrait des subventions au secteur agricole algérien est, au nom de
l'utilisation rationnelle des moyens et au nom de la nécessaire
160
-Se conférer à SOLAGRAL : Du GATT à l'Organisation Mondiale du Commerce,
Dossier pédagogique réalisé sous la coordination de J-M. BRUN et Y. JADOT,
Solagral, Paris, 1995.

222
suppression du déficit budgétaire, un objectif draconien imposée à
l'économie nationale. Mais on doit comprendre que l'aide qu'apporte
tout Etat à son agriculture nationale a au moins deux causes objectives.

La première est, en attendant la mise en place et le


fonctionnement réel des grands espaces économiques régionaux
desquels seront bannies les idées économiques nationalistes et que
jouera effectivement l'esprit de solidarité et de complémentarité
économique internationale161, d'ordre stratégique. Elle permet à la
communauté nationale de se développer à l'abri des défis et chantages
alimentaires extérieurs162. Un pays prospère au plan économique en
général et au plan agricole en particulier est un pays en mesure
d'assurer facilement sa cohésion sociale et politique interne. La
seconde raison est d'ordre économique et permet de nourrir la
population nationale au moindre coût ce qui se traduit par des gains de
développement et permet une meilleure accumulation du capital
national, d'où sa facilité relative à s'insérer bénéfiquement dans les
marchés extérieurs et même contribuer utilement à la réalisation du
nouveau système économique mondial qui sera probablement construit
autour de trois grands pôles. C'est pourquoi, il apparaît alors que le
désengagement de l'Etat du secteur agricole dans les pays de la rive
sud de la Méditerranée est un double leurre qui affecte d'une part leur
développement national et diminue d'autre part les chances d'un
développement équilibré au sein du futur espace euro méditerranéen.

161
- Le nationalisme économique n'est pas, comme on a souvent tendance à le croire, le
propre des pays en développement dont la plupart ont adopté des modèles
d'industrialisation "autocentrés", donc tournés vers les besoins d'une croissance
interne. C'est un outil de gestion macro-économique qui permet de protéger de la
concurrence internationale une activité ou un secteur économique national donné. Les
pays de la CCE n'auraient probablement jamais développé leurs agricultures
respectives s'ils les avaient soumises à la concurrence agricole américaine.
Aujourd'hui, alors que la libre circulation des facteurs et des marchandises est érigée
en régle de conduite commerciale internationale, les pays de l'Union Européenne qui
parrainent le projet de mise en place d'une "économie euro-méditerranéenne" affichent,
de façon à peine voilée, leur crainte à ouvrir leur marché aux PTM (les échanges
agricoles seront progressivement libéralisés). Cette crainte semble se justifier par le
besoin de consolidation des agricultures espagnole et portugaise qui sont, à leur tour,
concurrentes de plusieurs produits et spéculations de l'agriculture française
notamment.
162
- La formule de "pétrole contre nourriture" appliquée par la communauté
internationale à l'Irak illustre parfaitement les nouveaux enjeux et chantages
internationaux.

223
La seconde préoccupation est en relation avec les perspectives
de développement et d'orientation de l'agriculture algérienne. Notre
souci est de savoir si les transformations opérées dans le secteur
agricole visent au développement de l'agriculture vivrière ou des
cultures d'exportation? Cette question peut paraître et est même
prématurée au vu de la jeunesse de l'expérience algérienne dans ce
domaine. Elle aura cependant le mérite de recenser les tentatives faites
en matière de compétition internationale et d'essayer également de
nous renseigner sur les avantages et les limites qu'a l'Algérie à
développer son secteur d'exportation agricole. Développer le secteur
agro exportateur permet de réduire, selon la vision officielle dominante,
la dépendance extérieure du pays des seuls hydrocarbures mais aussi
de permettre à l'économie nationale de s'insérer autrement à
l'économie euro méditerranéenne...

On doit cependant faire préalablement une brève présentation


chiffrée des principales caractéristiques des agricultures
méditerranéennes que nous illustrerons, pour la raison évidente
d'appartenance de l'Algérie à cette région, par le cas spécifique de la
Méditerranée occidentale. La Méditerranée occidentale est désormais,
comme nous l'avons vu dans le chapitre VI, le principal partenaire
économique et commercial de l'Algérie durant les dix dernières années
mais c'est aussi l'espace de reproduction future qui semble lui être fixé
dans le schéma d'expansion des frontières économiques de l'Union
européenne.

Connaître ce nouveau cadre, c'est mesurer les "performances"


relatives actuelles du secteur agricole national. C'est aussi montrer les
chances réduites d'une insertion future de l'agriculture nationale, sans
un changement radical de comportement à son égard, dans
l'agriculture de la Méditerranée occidentale.

Ainsi, ce dernier chapitre a pour objet de montrer d'une part le


peu de performance de l'agriculture algérienne comparativement à
celles des pays de la Méditerranée occidentale : de ce point de vue, elle
apparaît comme une agriculture naturelle qui nécessite d'intenses
efforts pour son développement futur. Mais le développement ne peut
se faire sans l'application de la politique actuelle qui se caractérise par
la suppression des subventions à l'économie dont l'agriculture : il
n'existe pas d'agriculture performante sans le soutien de l'Etat!

224
I- L'agriculture algérienne ou l'agriculture la moins
performante de la Méditerranée occidentale.

L'agriculture algérienne est, son incapacité structurelle à faire


face aux besoins essentiels de la population faisant foi, la moins
performante de la Méditerranée occidentale. La performance ne sera
pas mesurée ici par rapport à cette insuffisance, étant donné qu'aucun
pays ne s'auto suffit, mais par rapport à son niveau de développement
que l'on tentera de comparer à celui atteint par les agricultures de la
Méditerranée occidentale notamment dans les domaines des niveaux
de production et de productivité et dans celui de la dotation en facteurs
d'intensification. La comparaison s'avère nécessaire d'autant que la
dualité Nord-Sud soit s'effacer progressivement au profit d'une
complémentarité entre les différents pays.

11- Productions et productivité :

La productivité est, comme on s'y attend, plus élevée sur la rive


nord. Prenons le cas du PIBA par actif agricole; il varie de 1429 $ au
Maroc à 25 043 $ en France en 1990, soit un rapport de 1 à 18 environ.
En Algérie, ce ratio était à la date indiquée de 3940 $ . Ceci lui confère
le quatrième rang au classement des sept pays considérés ici.

Pris dans l'optique de longue période, le PIBA / actif agricole


connaît, sauf pour le cas du Portugal et du Maroc, une forte croissance
entre 1965 et 1990. Il est multiplié par 4,3 et 4,7 respectivement pour le
Maroc et le Portugal mais par 11,3 pour la France, 12,9 pour l'Italie,
14,7 pour la Tunisie et 22,4 pour l'Algérie. De ce point de vue, l'Algérie
a également enregistré des résultats trés appréciables qui la placent en
tête de liste des pays considérés et à s'en tenir à cette première donnée,
c'est conclure hâtivement sur un processus de développement accéléré
de l'agriculture de ce pays durant les vingt dernières années. Mais ne
faudrait-il pas rappeler que le PIBA n'inclut pas seulement la Valeur
Ajoutée et la TVA grevant les produits locaux, mais aussi les droits de
douane sur les produits importés, qu'ils soient destinés à la
consommation finale (produits alimentaires et agricoles) ou à être
utilisés dans la production agricole (facteurs d'intensification)? Ne
faudrait-il pas aussi préciser que le PIBA est ici calculé en prix
courants et que l'Algérie connaît depuis 1984-1985 une forte
augmentation de ses prix agricoles?

225
Tab 84 : PIBA et PIBA / actif agricole des pays de la
Méditerranée Occidentale.
PIBA (millions $ courants) PIBA /actif agricole (milliers
$)
1965 1990 accrois. 1965 1990 accrois.
Italie 7 337 32 576 4,4 1 517 19 600 12,9
France 7 944 33 582 4,2 2 207 25 043 11,3
Espagne 3 563 19 868 5,6 854 12 728 14,9
Portugal 860 2 184 2,5 610 2 859 4,7
Maroc 679 4 035 5,9 333 1 429 4,3
Algérie 476 5 480 11,5 176 3 940 10
Tunisie 194 1 773 9,1 184 2 707 14,7
Source: MEDAGRI 1995 (Extrait).

En termes de productivité physique, on ne relèvera pas de


différence par rapport à la situation précédente à savoir la supériorité
de la rive nord sur la rive sud. Cette première participe à concurrence
de 87% environ à la production totale des céréales de cette région de la
Méditerranée et la France assure, à elle seule, plus de la moitié de la
production céréalière de la région (52%) et 60% de la rive nord.

Les rendements se caractérisent, eux aussi, par des écarts


importants selon que l'on soit sur une rive ou sur une autre : en 1991,
le rendement des céréales en Algérie s'est élevé à 11 qx / ha (année
exceptionnelle) contre 67 qx / ha en France. La différence de
rendements caractérise également les pays limitrophes pris deux à
deux. La France et l'Espagne par exemple dont le rapport des
rendements est de 2,8 ou le Maroc et l'Algérie dont la valeur du
rapport précédent s'est élevé à 1,8 en 1991. L'Algérie réalise, malgré
les bonnes conditions climatiques ayant caractérisé cette année de
référence, le plus faible rendement céréalier de la Méditerranée
occidentale : 11 qx /ha contre 13 au Portugal, 17 en Tunisie et 67 en
France.

Tab 85 : Production des principales céréales de la Méditerranée


occidentale en 1991 (en millions de tonnes)
Blé Orge Maïs Céréales Rdt qx/ Rdt BD /
totales ha ha
Italie 9,3 1,8 6,2 19,0 35 28
France 34,5 10,6 12,8 59,1 67 60
Espagne 5,4 9,1 3,1 18,8 24 25
Portugal 0,3 0,1 0,7 1,3 13 16
Maroc 4,9 3,3 0,3 8,6 19 10
Algérie 1,7 1,7 - 3,6 11 7
Tunisie 1,8 0,7 - 2,5 17 12

226
Source: MEDAGRI 1995 (Extrait)

Enfin et s'agissant toujours de la production physique, on


relèvera des taux de croissance annuels différenciés selon les rives, les
pays et les produits. La production de céréales a enregistré les plus
forts taux de croissance en France et au Maroc (3,4%) suivis de l'Italie
(3%) : les plus faibles taux sont enregistrés en Algérie (1,7%) et au
Portugal (1%).

Le Maroc et la Tunisie bénéficiant de protocoles d'accords


d'exportation vers la CEE et ce, depuis 1976, sont ceux qui ont
enregistré les plus forts taux de croissance de la production de légumes
(Maroc : 8,3%, Tunisie : 5%) de tomates (respectivement 3,9 et 4,7% :
ils sont cependant devancés par l'Italie : 6%) et des fruits (5,8% au
Maroc et 2,4% en Tunisie). Les taux de croissance les plus bas pour ces
trois produits sont enregistrés en France (légumes : 0%, les tomates :
1,5% et les fruits : - 0,7%). Cette évolution est probablement due
à la saturation du marché agricole interne français ou encore à une
stratégie de spécialisation dans le cadre du marché communautaire.

Avec des taux de croissance de la production physique compris


entre 0,9 % pour les fruits et 5,5 % pour la viande de volaille,
l'Algérie semble se disputer la dernière place avec le Portugal en
matière de croissance agricole réalisée entre 1963 et 1988.

Tab 86 : Croissance annuelle moyenne de quelques productions


de 1963 à 1988 des pays de la Méditerranée occidentale (taux).
Céréale Légume Tomate Fruits Viandes Lait de Viande
s s s ovine et vache de
caprine volaille
Italie 3,0 4,0 6,0 1,6 1,2 0,6 4,3
France 3,4 0 1,5 -0,7 1,4 0,3 3,5
Espagn 2,2 2,1 3,0 2,0 2,4 2,5 6,6
e
Portuga 1,0 1,4 2,4 0,4 0,5 4,0 6,3
l
Maroc 3,4 8,3 3,9 5,8 1,0 4,1 6,3
Algérie 1,7 1,5 1,7 0,9 4,2 4,8 5,5
Tunisie 3,1 5,0 4,7 2,4 2,2 4,8 7,3
Source: MEDAGRI, 1995 (Extrait).

Enfin, on peut remarquer que la production animale,


particulièrement la production de viande de volaille et du lait de vache,
a connu des taux de croissance appréciables pour l'ensemble des pays
de la région, à l'exception cependant de la France et de l'Italie, c'est-à-

227
dire des pays ayant participé en tant que co-fondateurs du marché
commun agricole en 1961.

1.2- L'intensification

Les efforts d'intensification des agricultures de la Méditerranée


occidentale peuvent être appréhendés par rapport à l'effort de
mécanisation, de fertilisation et d'irrigation des terres agricoles.

Exceptée la France dont la mécanisation optimale a été déjà


réalisée dans les années soixante-dix, des efforts appréciables ont été
réalisés par l'ensemble des pays de la région entre 1970 et 1990.
Néanmoins, malgré ces efforts, des écarts importants continuent à
caractériser les différentes agricultures. Citons, à titre d'illustration, le
cas de la mécanisation lourde qui sera appréciée par la superficie
agricole affectée à chaque tracteur.

Hormis le Maroc et la Tunisie qui continuent encore à associer


l'attelage au tracteur, l'ensemble des autres pays ont considérablement
diminué le rapport de superficie par tracteur durant les vingt
dernières années.

Tab 87 : Evolution de la densité des tracteurs des pays


de la Méditerranée Occidentale ( ha de SAU par tracteur).
Pays 1970 1990
Italie 24 8
France 16 13
Espagne 79 27
Portugal 141 23
Maroc 625 238
Algérie 469 8
Tunisie 213 177
SourceMEDAGRI, 1995 (Extrait).

Le taux de mécanisation, au sens qui lui est attribué ci-dessus,


passe de 24 à 8 pour l'Italie, de 79 à 27 pour l'Espagne, de 141 à 23
pour le Portugal et de 169 à 8 pour l'Algérie. On peut donc dire que ces
deux derniers pays ont réalisé un bouleversement total de leurs

228
méthodes de travail du sol. Mais, il faut ajouter pour le cas de l'Algérie
que cette dernière a enregistré durant ce laps de temps une
augmentation sensible de ses superficies laissées en jachère.

S'agissant de la fertilisation, c'est, comme presque pour tous les


autres postes, la France qui occupe le premier rang et ce, quelle que
soit l'année de référence considérée. Les quantités d'engrais (kg / ha de
SAU) utilisés par ce pays, passent de 113 kg en 1961 à 295 kg en 1990.
Le niveau de fertilisation atteint par la France en 1961 est loin d'être
réalisé, trente années plus tard, par la totalité des autres pays, sauf
l'Italie. En 1990, ce dernier pays utilisait en effet 148 kg d'engrais par
ha de SAU contre 97 kg pour l'Espagne, 88 kg pour le Portugal et 33
kg pour le Maroc. La Tunisie et l'Algérie se classent, avec
respectivement 18 et 17 kg par ha de SAU, en fin de liste.

Le développement de la fertilisation dans la Méditerranée


occidentale, dans les pays de la rive nord particulièrement, est facilité
par, au moins, deux facteurs favorables. La pluviosité qui est
nettement meilleure en Europe qu'au Maghreb (quoique le pourtour
de la Méditerranée soit globalement uniforme sur une profondeur de
40 à 50 km environ à partir de la mer) et le développement de
l'irrigation.

Tab 88 : Evolution des superficies irriguées des pays de la


Méditerranée Occidentale.
Pays Surfaces irriguées 103 ha % des terres irriguées / sup.
cultivées
1961 1970 1990 1961 1970 1990
Italie 2 380 2 561 3 100 15 17 26
France 660 750 1 170 03 04 06
Espagne 1 950 2 379 3 370 09 12 17
Portugal 620 622 631 15 16 20
Maroc 875 920 1 270 13 12 14
Algérie 229 238 330 03 04 04
Tunisie 65 90 280 02 02 06
Source: MEDAGRI, 1995 ( Extrait).

Les pays de la rive nord totalisent, à eux seuls, 8 271 000 ha sur
les 10 157 000 ha de superficie irriguée en 1990 dans la région.
Ensemble, l'Espagne et l'Italie concentrent 64% des superficies
irriguées de la Méditerranée occidentale et 78% de la rive nord de
cette région. En Italie, les superficies irriguées représentaient 26% des
superficies cultivées en 1990 : ce rapport est de 1/5 au Portugal et de
17/100 en Espagne. En Algérie, 4 % seulement des superficies cultivées

229
sont irriguées contre 6 % en Tunisie et 14 % au Maroc. L'Algérie se
classe là aussi en fin de liste.

Enfin, il est presque tentant de souligner qu'à niveau différent


de développement des forces productives agricoles, on obtient des
résultats de production différents mais proportionnels aux efforts de
développement consentis. Ne faudrait-il pas mentionner que lorsque le
rendement moyen du blé passe de 41qx/ha de 1970 - 1975 à 60 qx/ha de
1985 -1990 en France, de 13 à 25 en Espagne, de 25 à 28 en Italie et 12
à 16 au Portugal, il enregistre des variations insignifiantes dans les
pays de la rive sud. Le Maroc, malgré les efforts déployés en matière
d'irrigation, ne fait subir aucun changement de rendement à son blé
(10 qx/ha en 1975 - 1980 et 1985 - 1990), la Tunisie les augmente de 3
qx (respectivement 9 et 12) et l'Algérie d'un quintal seulement (6 et 7
qx).

Ce qui est vrai pour les blés, l'est également pour les cultures
maraîchères et industrielles. Le rendement de la tomate passe de 27
tonnes par ha en 1970 - 1975 à 56 t / ha en 1985 - 1990 en France, de 27
à 43 en Espagne et en Italie, de 15 à 23 en Tunisie et de 9 à 12
seulement en Algérie. Ce sont ici quelques indications qui caractérisent
les performances, à la veille de leur entrée en compétition, des
agricultures de la Méditerranée occidentale. Comment être tenté par
ce duel, lorsqu'on sait que peu de chance de réussite de la compétition
se présente à l'Algérie? Quel(s) produit(s) lui permettrai (en) t- elle de
s'insérer bénéfiquement à cet espace? L'adhésion de l'Algérie au projet
euro méditerranéen de création d'une ZLE signifie-t-elle réellement
pour elle compétition ou affiche-t-elle simplement sa volonté de faire
ensemble, auquel cas il s'agira de définir clairement les objectifs de la
nouvelle politique agricole et de considérer que la priorité est à la
recherche de la sécurité alimentaire?

Revenons au cas plus général de l'agriculture des pays de la


Méditerranée occidentale. Bien que chacune de ces agricultures ait ses
propres conditions de reproduction interne de même qu'elle bénéficie
de conditions naturelles qui lui sont spécifiques, il faut pourtant
mentionner que les performances de chacune des agricultures
évoquées sont à chercher dans la politique agricole propre à son pays
et à son espace économique d'appartenance. De prime abord, on peut
constater que la politique agricole des pays de la rive nord de la
Méditerranée se caractérise par la trés forte intervention de l'Etat
dans ce secteur et c'est osé de ne pas considérer que cet
interventionnisme est direct. La réforme de la politique agricole est ici

230
synonyme de fortes subventions au secteur agricole alors que dans les
pays de la rive sud, elle est accompagnée par la suppression du
concours de l'Etat au développement agricole. Les résultats sont
nécessairement différents et les chances d'insertion au futur espace
économique inégales, voire inverses.

Le cas français est, à ce titre, attrayant tant par ses


performances récentes qui le classent désormais à la tête des grands
pays exportateurs de produits agro-alimentaires que par son
organisation interne qui se distingue par une définition claire de la
place et des fonctions du secteur agricole par rapport au reste de
l'économie.

II- Les performances du secteur agricole des


pays du Nord , résultat d'un soutien public accru.

Le secteur agricole des pays développés bénéficie d'un appui


quasi-illimité de l'Etat. Cet appui peut être perçu à différents niveaux.
Le secteur agricole est en effet:
- un secteur protégé de la concurrence internationale,
- un secteur de solidarité nationale et transnationale, et
- un secteur de régulation sociale et territoriale.

21- Un secteur protégé de la concurrence internationale

La protection des marchés agricoles nationaux résulte du souci


stratégique d'assurer la sécurité alimentaire aux populations. Les
mesures de protection des marchés intérieurs de produits agricoles
sont, lit-on dans un document de SOLAGRAL, anciennes.

On en retrouve aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis dès le


e
XIX siècle et avant la seconde guerre mondiale. Les enjeux
représentés par le secteur agricole, notamment en terme de sécurité
alimentaire, justifie les politiques de préférence nationales. Aussi, le
protectionnisme agricole va-t-il perdurer après guerre, bien qu'il soit
en contradiction avec les principes fondateurs du GATT : les politiques
agricoles font l'objet de dérogations aux règles du commerce
international dès 1951163.

163
- SOLAGRAL : Du GATT à l'Organisation mondiale du commerce, Op cité, Fiche
C2.

231
Que l'on s'intéresse en effet de près à l'évolution de la politique
commerciale de cette organisation durant ses cinquante années
d'existence (1947 - 1994) et malgré l'effectif toujours croissant de ses
adhérents (23 en 1947 et 123 en 1994), on ne s'étonnera pas de
constater sa constance en matière agricole. Bien que tous les produits
faisant l'objet du commerce mondial soient soumis, durant les
différentes phases de l'évolution du GATT, à la concurrence
internationale, les produits agricoles en font exception et sont même au
coeur des conflits commerciaux des principaux partenaires à ce
commerce, c'est-à-dire les pays développés dont en particulier les
Etats-Unis et la CEE.

Les débats autour des questions agricoles, bien qu'ils ne


concernent avant tout que les pays autosuffisants et exportateurs nets
(les Etats-Unis et la CEE dans un premier temps auxquels sont venus
s'ajouter plus tard les pays agro exportateurs soutenant peu leur
agriculture : Australie, Argentine, Nouvelle - Zélande), ne concernent
que quelques produits (alternativement les céréales, le soja, le maïs, le
lait, etc.) et presque jamais les politiques agricoles, qui relèvent du
domaine de la souveraineté nationale. Ainsi et en fonction des
conjonctures du marché mondial des produits agricoles, on décide de
l'ouverture ou non des marchés nationaux ou régionaux aux produits
agricoles d'autres contrées.

Récemment encore, durant la phase dite de l'Uraguay Round


(1986 - 1994), on pouvait recenser plusieurs controverses liées aux
questions agricoles nationales et mondiales. Les positions des uns et des
autres sont loin de relever de la trêve sur laquelle il y a désir de fonder
les nouvelles relations économiques internationales.

Certains, les Etats-Unis, l'Australie, l'Argentine et la Nouvelle-


Zélande sont partisans de la suppression du soutien interne à
l'agriculture et de l'instauration du libre échangisme international
alors que d'autres tiennent, selon qu'ils soient agro exportateur net
(l'Europe) ou agro importateur net (le Japon) à conserver la spécificité
de leurs agricultures ou encore à continuer à protéger fortement leur
secteur agricole.

Une meilleure compréhension des différentes positions peut être


perçue à travers les données du tableau suivant relatif à l'aide apportée
par les différents pays à leurs agricultures respectives.

232
Tab 89 : Transferts totaux au titre des politiques agricoles dans
les pays de l'OCDE, 1992 (en $ US)
Par Par ha de Part des
Pays Montant Par agriculteur terre transferts
(milliards) habitant (à temps agricole dans le PIB
plein) (en %)
Australie 1,6 89 4 200 3 0,5
Canada 9,1 330 20 400 123 1,6
Union Europe. 155,9 450 17 700 1 120 2,0
Japon 74 600 31 300 14 120 2,0
Etats-Unis 91,1 360 36 100 210 1,5
Source: ODCE (1993), cité par SOLAGRAL: Du GATT à l'OMC.

Des études récentes montrent que les négociations du GATT de


1994 ne font que confirmer les tendances antérieures en matière de
soutien des Etats à leurs agricultures. En effet, l'aide aux agriculteurs,
loin de diminuer, a été augmentée de 30 milliards de $ annuellement de
1992 à 1995164.

Aussi avant de nous intéresser de près à cette question de l'aide


à l'agriculture, que l'on s'imprègne un instant de la philosophie qui
anime les politiques agricoles des pays, hier encore déficitaires.
"L'interrogation de ce jour, souligne Edgard PISANI, est toute entière
tournée autour du problème de la sécurité alimentaire dont la définition
est : la capacité offerte à toute femme, tout homme, tout enfant, de
trouver assez pour se nourrir. Assez, c'est-à-dire, de quoi vivre et non
survivre; c'est-à-dire, de quoi s'épanouir sans avoir à être obsédé par le
pain quotidien de nos prières d'enfant. Or nous en sommes très loin"165.

22- Un secteur fortement subventionné

Le secteur agricole des pays développés bénéficie, au vu du


reste de l'économie, d'un statut privilégié. Des aides multiformes et de
diverses origines lui sont octroyées et la quasi-totalité des exploitations
en bénéficie.

Aux Etats-Unis, par exemple, les aides directes à l'agriculture


s'élevaient en 1994 à 16% du résultat brut d'exploitation. En France,
elles en représentaient, à la même date, 38%.

164
- Se conférer à Luis Portugal: Le rôle des paiements directs dans la réforme des
politiques agricoles, SFER, INAPG, Novembre 1995.
165
- E. PISANI: "La sécurité alimentaire à l'échelle mondiale", in Options
Méditerranéennes, n°26, CIHEAM - IAM, 1995.

233
Toujours aux Etats-Unis, l'aide directe au maintien de la
jachère représente 12,5% des aides versées à l'agriculture et les débats
actuels des centres de décision officiels (Sénat et Chambre des
Représentants) portent sur la question de savoir si l'aide directe doit
concerner 85 ou 70% seulement des superficies agricoles. C'est à ce
dernier prix là que l'Etat reconnaîtrait alors le droit aux agriculteurs
de faire un libre choix de culture sur les 30% des terres qui ne
toucheraient pas d'aide...

Nous avons mentionné précédemment que l'agriculture des


pays développés dont le caractère stratégique n'est plus à démontrer,
bénéficie d'un statut privilégié. Illustrons notre démonstration par le
cas de l'agriculture française.

L'aide accordée aux agriculteurs provient de deux origines :


une source nationale et une source communautaire. Bien qu'il soit
difficile de se ranger d'un côté comme d'un autre en matière de débat
sur la légitimité de l'aide octroyée à l'agriculture, on peut cependant se
permettre de recenser quelles sont les principales causes qui ont
conduit à la mise en place d'une politique de subvention conséquente.
Elles sont, au moins, au nombre de deux.

La première est que le secteur agricole représente un intérêt


majeur de ce pays industriel à l'exportation. L'intérêt agricole a
commencé à être acquis depuis le choc pétrolier des années soixante
dix, qui a poussé à la mise en place d'une politique de subventions
conséquentes au secteur agricole166.

Entamé dans une situation de crise des relations économiques


internationales, le développement de l'agriculture française - une
agriculture à présent extrêmement performante - débouche sur une
crise des relations commerciales agricoles internationales. La France
est devenue en effet, grâce au dynamisme de ses agriculteurs et à sa

166
- Se conférer notamment à Michel BOURDON qui écrit: "les grandes masses
budgétaires qui représentent l'ampleur des transferts réalisés au profit de la sphère
économique des entreprises et ménages, avoisine de nos jours les 200 millions de francs
soit les 2/3 environ de l'effort de la puissance publique consacré au financement des
régimes de protection sociale. La montée en puissance des aides de nature économique
s'est effectuée lors du déclenchement de la crise pétrolière et s'est fortement accentuée
après l'arrivée au pouvoir de F. Mittérand...", extrait de l'article: Evaluation des
concours budgétaires au système productif : aides directes à l'agriculture et à
l'économie non - agricole", colloque SFER du 20 XI 95, INA PG.

234
stratégie économique d'ensemble notamment agricole, un pays agro -
exportateur après avoir été dans les années soixante déficitaire au plan
agro-alimentaire. Ainsi, on peut dire que les controverses qui opposent
les Etats-Unis à la CEE en matière agricole sont, en grande partie, des
controverses américano - françaises. Ne faudrait-il pas alors chercher
à poser la question de savoir comment un pays qui mène le conflit
commercial mondial pour l'écoulement de ses produits éviterait de
rentrer dans le même conflit commercial avec d’autres pays, même
moins puissant?

La seconde raison qui justifie l'octroi des aides à l'agriculture


est d'ordre historique ou cherche, du moins, à réparer et à atténuer les
inégalités induites par le développement historique du capitalisme.
L'aide octroyée à ce titre prend la forme d'une aide de "mise à niveau"
des "zones marginales". Cette forme d'aide est essentiellement
supportée par l'Union Européenne167 qui s'attache de plus en plus à
résorber les "poches de misère" ou "tiers monde" du Nord.

Mais là aussi on doit se résigner à souligner que la nature des


défis à relever a fortement influencé la politique des Etats en matière
d'aide à apporter à l’agriculture.

Ainsi les données du tableau suivant montrent que :

- les aides octroyées au secteur agricole (aide directe) ont


sextuplé en l'espace de dix années, passant de 7 milliards de francs en
1984 à 44 milliards de francs en 1994. L'aide directe dont bénéficient
les exploitants doublent en 1994 par rapport à 1992, année de la

167
- Se conférer à Bernard ROUX qui mentionne: "Après le premier choc pétrolier, la
convergence a cessé; les écarts régionaux sont restés stationnaires en termes de
revenus et se sont même aggravés pour ce qui est du chômage.
La CEE a pris acte de cette situation après les deux élargissements méditerranéens et a
réformé sa politique régionale, à la fin des années 1980, donnant la priorité aux
régions méditerranéennes (et à l'Irlande) dans l'affectation des fonds structurels. Des
régions dites "en retard de développement" ont été désignées: la majorité d'entre elles
recouvre la zone MEDEF et, au sein de celles-ci, seules la catalogues, le sud est de la
France et le centre de l'Italie ne sont pas concernés.
Ainsi, l'histoire économique de l'Europe qui a provoqué de considérables inégalités de
développement entre les territoires des régions est à l'origine de la politique actuelle de
l'U.E; qui s'efforce de rétablir les équilibres interrégionaux" (souligné par nous, AM-
D). Extrait de l'article: Le développement rural dans les zones marginales du sud de
l'Europe: existe-t-il un paradigme méditerranéen? Colloque IRMC, Tunisie, 27 - 29
avril 1995.

235
réforme de la PAC (politique agricole communautaire)168. Cet
engagement de la CEE dans la refonte de la PAC va permettre
d'influencer, deux années plus tard et comme nous l'avons souligné
plus haut, les négociations en matière agricole au sein de l'Uruguay
round. La partie américaine et le groupe de CAIRNS, ne parvenant
pas à faire valoir leur point de vue auprès de la CEE, semblent se
rabattre sur les pays sous-développés (P.A.S et P.A.S.A).

Tab 90 : Evolution de l'aide directe au secteur agricole français


(1984 - 1994).
Année Millions de Indice Part de l'agri. Dans les
francs 1984=100 aides directes à l'éco.
1984 7 041 100 28,10
1985 7 247 103 26,74
1986 9 507 131 30,86
1987 10 541 150 32,25
1988 10 113 144 32,20
1989 10 211 145 31,47
1990 13 375 190 37,10
1991 12 927 184 33,53
1992 18 176 258 39,52
1993 37 122 527 56,89
1994 44 133 609 64,32
Source: Michel Bourdon, Op cité.

- La seconde remarque relative au tableau précédent est que


l'aide directe en faveur des agriculteurs passe de 28,10% de l'aide
directe totale octroyée à l'ensemble de l'économie en 1984 à 64,32% en
1994 (les aides indirectes se sont élevées à 82,26% de l'aide totale en
1984 et à 65,39% en 1994). Cela témoigne d'une part, du caractère
prioritaire qu'accorde un pays industriel à son agriculture : "la
paysannerie est, relève Michel BOURDON, aujourd'hui presque deux
fois moins nombreuse que la légion des petits patrons mais elle touche
trois fois plus de paiements directs. Notre agriculture, poursuit-il,
demeure l'une des branches les plus tributaires des fonds publics; il est à
peine exagéré de penser qu'elle deviendra bientôt peut être notre dixième
grande entreprise nationale"169.

168
- Voir en particulier A. BLOGOWSKI et M. DEHAUDT: L'évolution des dépenses
agricoles de l'Union Européenne, SFER, Novembre 1995, INAPG.

236
D'autre part, ceci rend compte de l'intérêt qu'accorde une
nation à ses agriculteurs en leur distribuant, non pas de façon
anonyme des aides, mais en ciblant chacun d'eux, c'est-à-dire en
agissant directement sur leur système de production et en accordant la
priorité à telle ou à telle autre spéculation. Ainsi, il y a lieu de retenir
que promouvoir l'initiative privée et le développement du capitalisme
dans l'agriculture ne doit surtout pas signifier, ici, absence de
régulation, voire même absence de dirigisme. Il ne peut y avoir
d'agriculture performante, d'agriculture cherchant à se faire une place dans
le commerce mondial, sans le soutien de l'Etat170.

III : Faut-il en Algérie un secteur agro exportateur


ou produire pour le marché domestique?

L'expérience algérienne d'insertion à l'amont du marché


agricole mondial est toujours à ses premiers balbutiements, bien que le
problème soit posé depuis une décennie déjà171.
Cela signifie que les résultats de cette expérience sont, malgré
l'insistance des institutions monétaires et financières internationales à
vouloir développer un secteur agricole d'exportation dans les pays
périphériques en général et en Algérie en particulier, encore modestes,
sinon inexistantes au vu des niveaux atteints dans les pays développés.

169
- M. BOURDON: Op. cité.
170
- "Les pays du Maghreb, écrit Catherine BOEMARE, ne peuvent plus se plaindre de
l'élargissement de l'U.E.
Ils doivent répondre à de graves défis qui les obligent à réexaminer en profondeur leurs
stratégies de développement, sans la fuite en avant dans une illusoire ou utopique
transformation de l'ordre économique international...
"Il n' y a plus, poursuit-elle, qu'un marché mondial, celui qui obéit aux dures lois du
libéralisme, même si les accords de coopération permettent d'amortir certains chocs et
de faire face momentanément à certaines difficultés".
Catherine BOEMARE: La coopération entre l'Union Européenne et les pays du
Maghreb, op. cité.
171
- En effet, les réflexions sur la question agricole menées au sein de l'ancien Parti
unique, le F.L.N., débouche au milieu des années quatre-vingt sur l'idée selon laquelle
l'avenir de l'Algérie au sein du marché mondial ne doit pas être seulement pétrolier.
L'insertion par l'agriculture est aussi nécessaire. Se conférer à P. F.L.N.: "Agro -
dollars et dépendance alimentaire", Constantine, Mars 1984.

237
Dès lors, il se pose la question de savoir s'il y a lieu de
développer en Algérie une agriculture vivrière et autosuffisante ou s'il
faut, au contraire, développer les cultures d'exportation?

21- Une insertion en amont du marché mondial quasiment nulle.

Les liens entre le secteur agricole algérien et le marché mondial


se focalisent en totalité à l'aval de ce dernier. Les relations d'amont
sont nulles, voire inexistantes. Que l'on prenne connaissance des
volumes exportés - volumes n'ayant jamais dépassé le seuil des 123
000 tonnes (1988) pour régresser ensuite jusqu'à 7 000 tonnes (1993) -
et la conclusion est aussitôt faite en matière de promotion des
exportations agro-alimentaires algériennes. Mais conclure aussi
précipitamment, c'est accepter l'idée d'une mono exportation, c'est ne
pas tirer les enseignements qui s'imposent de l'expérience des autres.

Le premier indice d'une évolution positive des exportations


agricoles algériennes est, malgré la diminution du volume modeste
exporté et malgré l'érosion de la parité de la monnaie nationale,
l'augmentation en valeur de ses exportations. Les exportations agro-
alimentaires sont passées de 43 millions de FF en 1984 à 225 millions
de FF en 1994, soit une augmentation de 400 % environ en l'espace de
dix années. Le pic a cependant était atteint en 1992, avec une valeur
totale de 632 millions de FF.
Tab 91 : Evolution des exportations agricoles et agro -
industrielles de l'Algérie (en valeur).
Année 1984 1988 1992 1993 1994
en 106 DA 26 334 2 633 3 105 2 247
en 106 FF 42,9 334 631,9 621 224,7
Sources: - DGD, MA pour les valeurs en DA.
- CFCE pour les valeurs en FF (chp III).
Le second indice qui milite en faveur du développement des
exportations agricoles de l'Algérie est, malgré la baisse drastique de
leur valeur en 1994, la structure même de ces exportations. La
structure des exportations montre que l'Algérie tente de s'insérer dans
un marché non concurrentiel c'est-à-dire dans un marché de produits
exotiques : tel est le cas des fruits comestibles (frais et secs) dont 99,4
% des valeurs ont été procurées par la vente de dattes. C'est aussi le
cas de la préparation de quelques fruits et légumes.

Tab 92 : Structure des exportations agricoles de l'Algérie


(moyenne 1992 - 1993 - 1994).

238
Produit Valeur en
106 DA %
Fruits comestibles (frais et secs) 1000 37,6
Engrais 570 21,5
Boissons, liquides alcooliques et vinaigres 105 4,0
Liège 112 4,3
Préparation ou conserves de légumes et de 458 17,2
fruits
Peaux et cuirs 64 2,4
Sous total 2 309 87
Autres produits 353 13
Total général 2 662 100
Source: MA, DSAEE, Commerce extérieur agricole, 1995.

Le troisième facteur qui semble agir en faveur de la mise en


place d'un secteur agricole exportateur est induit par la crise et la
restructuration de l'économie. Il est en relation avec la compétitivité
des prix. En effet, les dévaluations successives du dinar permettent aux
produits agricoles d'origine algérienne de se vendre sur les marchés
européens à des prix très concurrentiels. A titre d'indication, le prix
d'un kilogramme de tomate de consommation s'élevait au début du
mois de mai 1995 sur le marché de gros de Béjaïa, à 0,375 équivalent
FF.

Ce sont donc ici les premiers éléments qui tentent de fonder une
politique du commerce extérieur agricole et la mise en place d'un
"secteur agricole exportateur". C'est comme s'il fallait un
commencement à tout.

22- Premières assises du "secteur agro exportateur".

Les indices qui laissent penser à la mise en place et au


développement d'un secteur agro exportateur en Algérie se résument
pour l'instant à quelques tentatives de partenariat agro-industriel
amorcées par des entreprises nationales et étrangères, en plus des
expériences de coopération pour la maîtrise et le développement de
quelques spéculations particulières. D'une façon générale, on peut
recenser deux séries d'actions qui visent au développement des
exportations agricoles, du moins d'un secteur agricole moderne et le
bilan peut être rapidement fait.

221- La mise en valeur des terres sahariennes .

Le projet de mise en valeur des terres sahariennes répond à


deux soucis majeurs. Le premier est en relation avec l'aménagement
du territoire qui doit aboutir à un déplacement massif de la population

239
des régions du nord les plus peuplées vers les régions du sud du pays
(Chap VI). Le second vise l'augmentation de la production agricole par
le développement de l'irrigation et surtout une meilleure disponibilité
des produits agricoles durant les périodes fastes (gains qui seraient
procurés par les décalages de calendrier entre les zones du sud et du
nord du pays et entre ces premières et les marchés extérieurs, d'autre
part).

La mise en valeur des terres sahariennes donnant droit à l'accès


à la propriété foncière (loi 83-18 dite également loi APFA) semble
privilégier pour l'instant les exploitants nationaux : les sociétés agro-
industrielles et les particuliers. S'agissant des sociétés agro-
industrielles, on enregistre au moins quatre expériences lancées en des
zones différentes dans le sud du pays.

La première a été réalisée au début des années quatre vingt par


la société pétrolière SONATRACH dans la région de Gassi-Touil, au
sud de la ville de Hassi - Messaoud. Bien que cette expérience ait dû
s'étendre pour recouvrir une superficie supérieure aux 2 000 ha
actuels, elle a été stoppée par les problèmes de restructuration
organique auxquels a dû faire face cette entreprise. Les résultats
économiques auxquels a abouti cette expérience sont, d'après les
compte rendus de presse, "un échec à peine voilé".

La seconde expérience, probablement la plus importante, est


l'oeuvre de l'OAIC qui a bénéficié d'une partie des terres céréalières
de la plaine de Abadla, au sud de la ville de Béchar. Cette expérience
qui s'inscrit dans la politique de développement d'un partenariat agro-
industriel national est une réponse à l'échec de la tentative de la mise
en valeur des terres sahariennes lancée dans les années soixante-dix
par l'Etat (construction d'un important barrage, équipement d'un
grand périmètre, mise en place de domaines autogérés agricoles, etc.
L'OAIC qui devient aujourd'hui propriétaire d'une partie des terres
de la plaine de Abadla, se donne pour objectif de réduire la
dépendance céréalière du pays.

La troisième, lancée en même temps que la seconde, a lieu dans


la région de Ouargla et est l'oeuvre de l'ERIAD de Sétif qui ignore
toutefois quelles spéculations développer?.

La quatrième et dernière a lieu en région steppique, c'est-à-dire


dans la wilaya de M'Sila - Elle date de l'année 1995 et est développée
par l'entreprise "geni-sider".

240
Les périmètres agricoles, créés par l'ensemble de ces
entreprises, ont la caractéristique commune d'être à vocation
céréalière. Mais on peut penser que les céréales n'occupant pas toutes
les superficies, une partie de ces dernières sera consacrée au
développement des cultures d'exportation.

La mise en valeur des terres sahariennes par l'accès à la


propriété foncière est également l'oeuvre de particuliers, c'est-à-dire
d'investisseurs privés. La région qui attire pour l'instant le plus "grand
nombre" d'investisseurs est le sud-ouest du pays c'est-à-dire Adrar et
Timimoun bien que plusieurs autres attributions ont été octroyées à
des particuliers dans la région de Tamanrasset.

Dans l'objectif d'éviter le problème de la concentration de la


population comme c'est le cas dans le nord du pays, l'Etat tente de
créer d'autres périmètres agricoles se situant entre El-Oued, au sud-
est, et Adrar, au sud-ouest. A cet effet, des projets de création de
périmètres agricoles irrigués dans les wilayate d'Adrar, Biskra,
Ghardaïa, Ouargla et El Oued sont mis en chantiers : quelques 5 000
exploitations familiales de 2 ha chacune seront créées à la fin du
programme qui prévoit le recrutement de 5 000 permanents et de 7 500
saisonniers.

Les travaux envisagés portent notamment sur l'électrification et


l'équipement de 250 forages (albien), l'étude et la réalisation de 500
kms de voie d'accès, l'aménagement des périmètres ainsi que la
fourniture de "djebbars" (plants de palmiers dattiers) et serres en
plastique, à raison de 120 plants et 4 serres par exploitation. Le
système de production retenu est de type "oasien évolué", basé
essentiellement sur la phonéiculture avec comme support, les cultures
protégées et vivrières à forte valeur ajoutée.

Dans la wilaya d'Adrar où les premiers "agriculteurs" venus du


nord se sont installés, il est déjà réalisé quelques 180 pivots dont 150
fonctionnels, pour une superficie de 32 000 ha cultivés,
particulièrement en céréales. Les rendements moyens varient entre 25
et 30 qx/ha, avec des pointes de 50 qx/ha.

Compte tenu des efforts d'investissement déjà réalisés dans


cette région, la vallée du Touat se donne déjà une destinée
d'importante région agro-alimentaire. Cela nous amène à aborder la

241
seconde série d'actions mises en place en vue du développement du
secteur exportateur.

22- Le partenariat agro-industriel, un autre moyen de


développement du "secteur agro - exportateur"?

Dans la vallée du Touat, la réussite relative de l'expérience


entamée avec quelques dizaines d'ha au démarrage, plus de 30 000
actuellement, se donne pour objectif d'étendre la superficie agricole de
cette région. Elle devrait être portée à quelques 100 000 ha vers l'an
2005. Les 60 à 70 000 ha supplémentaires seront irrigués à partir de la
nappe phréatique peu profonde et dont le débit est de 36 m3/s : 13 m3/s
sont utilisés actuellement pour l'industrie de transformation et la
consommation.

La mise en valeur de ces terres n'est pas l'oeuvre des seuls


partenaires algériens. Le mérite revient également au groupement
agro-alimentaire FEEBESA, créé dans le cadre du partenariat algéro-
espagnol et bénéficie d'une ligne de crédit intergouvernementale de 149
M $.
Ce projet de partenariat, lancé en 1993, doit se développer sur
une superficie de 7 000 ha dont 3 000 réservés à la culture de la tomate
industrielle et 3 000 autres ha au maraîchage. En plus de ces deux
principales cultures, il est également prévu de planter 10 000 palmiers
dattiers. Aussi pour faire face aux aléas du marché, est-il programmé
la création d'une conserverie de tomates d'une capacité de 1200 t/j
pour passer à 1200 t/h en phase de pleine production.

L'avenir agricole de la wilaya d'Adrar ne se limite pas à


quelques projets de partenariat mais s'inscrit dans un vaste
programme de création de 5 000 pivots de céréales, de 40 ha chacun
qui devront aboutir à terme à l'implantation d'un complexe agro-
alimentaire (minoterie, sucreries, etc.).

Une expérience similaire en matière de partenariat avec les


sociétés étrangères a lieu dans le nord du sétifois, c'est-à-dire dans le
Golf de Béjaïa (plaine de Souk-El-Tenine - Aokas). Ce projet qui
regroupe, du côté algérien, l'OREVIC (office régional des viandes du
centre) et du côté italien, le groupement agro-alimentaire GI-GI tente
de développer deux spéculations différentes : la production de viande
rouge et le lait de vache et accessoirement, le maraîchage dont la
tomate de consommation. Le projet, lancé en 1993, sur une superficie
initiale de 620 ha irrigables dont 120 ha irrigués est déjà entièrement

242
amorti pour la partie maraîchage (120 ha) alors que la partie élevage
doit rentrer en production au mois de juin 1996.

Ce sont donc ici les quelques efforts déployés ces dernières


années pour la mise en place d'un secteur d'exportation qui semble
prendre forme malgré la situation politique interne peu favorable à
l'investissement, particulièrement étranger.

Cet effort d'investissement risque cependant d'être ralenti en


l'absence de débouchés. Ne doit-on pas rappeler à ce propos que des
agricultures comme celles du Maroc ou de la Tunisie, qui ont déjà
derrière eux une expérience d'exportation d'une vingtaine d'années,
voient leurs volumes et quotas diminuer depuis l'entrée dans l'Union
Européenne en 1994 de l'Espagne et du Portugal? Doit-on continuer à
ignorer que l'Algérie fera face à de puissants producteurs agro-
alimentaires et que les possibilités de mise en place d'un secteur agro
exportateur s'amenuisent avec l'entrée en vigueur des accords du
GATT? L'Algérie est-elle réellement en mesure de mettre en place un
secteur agro exportateur lorsqu'elle se voit obligée par ailleurs de
réduire les subventions à son agriculture et que son seul secteur
exportateur performant, le secteur des hydrocarbures, est si
vulnérable? Alors se pose déjà la question de savoir s'il existerait
demain une agriculture en Algérie?

Conclusion :

La rigueur de la gestion financière qui caractérise le secteur


agricole algérien depuis 1987-1988 a conduit au désengagement de
l'Etat de ce secteur. Le désengagement est entamé dans le cadre de la
mise en application du PAS et caractérise l'ensemble des pays de la
rive sud de la Méditerranée occidentale dans laquelle s'intègre
l'agriculture algérienne.

Or à nous intéresser de prés aux agricultures nationales de cette


région, on s'aperçoit qu'elles sont inégalement développées et
inégalement performantes alors qu'elles sont appelées à évoluer dans
un même espace économique, l'Euro méditerranée, qui, depuis la
disparition du GATT en 1994, doit se soumettre progressivement à la
concurrence internationale.

Dès lors se posent deux questions.

243
La première est relative au souci de savoir s'il existe des
agricultures performantes sans le soutien de l'Etat. La réponse est
négative puisque les agricultures les plus performantes, dans la
Méditerranée occidentale notamment, sont celles qui ont bénéficié
depuis une longue date du soutien de leurs Etats respectifs. Comment
peut-on alors rendre performantes les agricultures du Sud en leur
retirant les soutiens prodigués par l'Etat? C'est une situation
paradoxale.

La seconde question est liée, quant à elle, aux chances qu'à


l'Algérie à développer un secteur agro exportateur qui est l'objectif
même des PAS prônés par les institutions financières internationales.
Ces chances sont minimes à cause, d'une part de l'inexistence actuelle
d'un secteur agro exportateur donc d'un secteur qu'il y a lieu de
construire et d'autre part, à cause de la faible performance de
l'agriculture nationale comparativement à celle des agricultures
voisines. Le seul avantage qui semble jouer en faveur de celle-ci est
d'ordre naturel. Il lui permet d'une part le développement de quelques
cultures exotiques et d'autre part de faire des gains de quelques
journées sur les calendriers de production et de livraison des pays
concurrentiels. A moins de révolutionner les modèles de consommation
dominants, cela ne suffit pas pour promouvoir, plutôt cela n'est pas
suffisant pour induire le développement d'un secteur agro exportateur.

La question de savoir s'il faut produire pour l'exportation ne se


pose plus dans un cadre d'ouverture sur l'extérieur. Ne faudrait-il pas
plutôt poser la question : existera-t-il demain, sans une remise en cause
totale de la politique agricole actuelle, une agriculture algérienne?

244
Conclusion générale :

La réforme de l'économie algérienne rentre dans sa dixième


année. Les objectifs qui lui ont été assignés, c’est-à-dire la mise en
place d’une économie dynamique et performante, ne sont pas encore
atteints.

Le taux de croissance économique global continue en effet à être


négligeable, le chômage à toucher des franges de plus en plus
importantes de la population active, les subventions aux entreprises à
représenter une part non négligeable des dépenses de l’Etat,
l’intégration intersectorielle à demeurer faible, l’endettement extérieur
à augmenter et la liberté de décision des pouvoirs publics à se
restreindre.

Ces résultats, toujours les mêmes depuis dix ans déjà, tendent à
s’aggraver malgré :

• les différents accords de reprofilage et de rééchelonnement de


la dette extérieure et l’obtention auprès des bailleurs de fonds
de nouveaux crédits nécessaires au fonctionnement de
l’économie et le triple report du paiement de la dette
parvenue à maturité en 1989, 1992 et 1994,
• une rigueur budgétaire et une austérité imposées à
l’économie et à la population limitant pour la première les
dépenses de l’Etat et érodant pour la seconde son pouvoir
d’achat,
• la mise de l’économie nationale sous ajustement structurel
depuis le mois d’avril 1994 et les prévisions de la relance
devant accompagner le programme de stabilisation macro-
économique globale,
• l’instauration d’une réglementation favorable à la libre
entrée en Algérie des facteurs de production et des
marchandises et au développement du partenariat avec les
investisseurs étrangers et malgré enfin,
• la mise en place d’un cadre juridique favorable à l’émergence
d’un nouveau mode de gestion des entreprises du secteur
public économique.

En dépit de toutes ces mesures, la réforme piétine. De même, les


responsables de l’économie dont le champ de décision se voit se

245
restreindre au fil du temps, à cause des engagements pris auprès des
institutions financières internationales, des mauvais résultats obtenus
durant cette décennie et des difficultés de la relance et à cause enfin de
la concurrence internationale qui affecte le système productif, sont
appelés à ouvrir davantage l’économie nationale sur l’extérieur.

Cette dernière subit, pour le rappeler, les effets de la contrainte


extérieure. Au niveau macro-économique, pour nous limiter à celui-ci,
la dépendance vis à vis de l’extérieur la rend vulnérable. L’économie
algérienne est dépendante de l’extérieur tant par ses
approvisionnements de base (alimentation, consommations
intermédiaires, biens d’équipement et services) que par sa mono
exportation des hydrocarbures. Pays ayant tenté dans les années
soixante-dix de diversifier ses échanges extérieurs pour échapper à la
dépendance vis à vis d’un nombre restreint de partenaires, il se
caractérise aujourd’hui par une forte concentration de ses relations
commerciales et économiques : la dépendance vis à vis des pays de
l’Union Européenne, notamment de ceux de la rive nord de la
Méditerranée occidentale est une donnée qui ne peut être négligée. La
dépendance de ce dernier groupe de pays ne peut pas être considéré
comme fruit de la seule appartenance à la même région géographique
mais semble être le produit du schéma d’expansion des frontières
économiques de l’Europe occidentale.

En effet, sans même qu’un quelconque protocole de coopération


régionale ne soit mis en pratique ou, pour être plus concis, au moment
où les auteurs du schéma de construction à long terme d’une zone de
libre échange euro méditerranéenne entament la réflexion sur
l’éventualité d’une « intégration » des économies voisines de l’Europe
centrale et orientale et de la rive sud et est de la Méditerranée, l’avenir
de l’économie algérienne se trouve prédéterminé sur une période de
plusieurs décennies et semble même se focaliser sur les pays industriels
de l’Europe du sud.

Subissant la contrainte de la dette extérieure et de la baisse de


ses revenus pétroliers, l’Algérie voit s’accroître sa soumission au
capital financier international. Mais sa dépendance financière d’un
groupe de pays de l’OCDE et sa dépendance commerciale évidente de
la France, de l’Italie et de l’Espagne sont une donnée nouvelle qui
témoigne de la restriction du champ d’action de ce pays. Aussi pour
juguler la restriction de leur liberté d’action, les responsables de
l’économie ont-ils été amenés à mettre en place depuis le début des
années quatre-vingt-dix une politique de redéploiement économique

246
orienté, inévitablement et une fois de plus, vers le secteur des
hydrocarbures? L’objectif assigné à cette politique est de parvenir à
accroître à moyen terme les revenus extérieurs du pays et d’amortir
ainsi les contraintes liées à la mise sous ajustement structurel de
l’économie nationale.
Concrètement, la politique mise en place affiche la volonté
d’une grande ouverture de l’économie aux investisseurs étrangers.
Dans ce sens, des investissements sont réalisés dans le secteur des
hydrocarbures au moyen du système de concessions faites à plusieurs
sociétés multinationales : des investissements d’exploration,
d’exploitation et de transport de gaz sont réalisés et ce, au détriment
des autres secteurs de l’économie.

Mais à présent que les projets d’approvisionnement à moyen


terme de la communauté internationale en hydrocarbures algériens
sont réalisés, on constate que la coopération internationale attendue
dans les autres secteurs de l’économie reste à son point de départ,
c’est-à-dire à l’état de déclarations d’intention. Ainsi il apparaît déjà
que les responsables de l’économie ont pris le risque de la
concentration des ressources financières du pays au profit de la relance
par le secteur des hydrocarbures dont les réserves tendent, il faut le
souligner, à s’épuiser sans que le capital étranger ne vienne s’investir
dans les autres secteurs de l’économie.

Ainsi, on retiendra à ce niveau que la solution rentière envisagée


par les décideurs ne représente pas la condition suffisante de résorption de
la contrainte extérieure donc le moyen qui permet d’alléger les contraintes
véhiculées par le programme d’ajustement structurel.

L’Ajustement Structurel en tant que nouvelle « doctrine de


développement » ne consiste pas dans la seule disponibilité des
ressources financières. Il se caractérise également par son aspect
organisationnel.

Dans le domaine de l’économie, l’ajustement structurel ne


signifie pas seulement la recherche d’un équilibre macro-économique
interne par la suppression des subventions aux entreprises du secteur
public, la liquidation des entreprises les moins ou peu performantes, la
privatisation du secteur public économique, la compression des
effectifs du secteur productif et administratif, la suppression des
subventions aux produits de consommation, le blocage des salaires, la
fin et l’éradication des politiques sociales, la diminution des dépenses
publiques, en peu de mots le désengagement de l’Etat. L’ajustement

247
structurel signifie aussi la suppression du monopole du commerce
extérieur, l’ajustement de la monnaie nationale, l’acquittement aux
échéances indiquées de la dette extérieure, l’adoption des nouvelles
règles commerciales internationales, l’abolition des particularismes
économiques. Il signifie aussi et surtout : ouverture de l’économie sur
son environnement international et la recherche d’une intégration
active et permanente au système économique mondial, dynamique ne
pouvant être construite sur l’exportation d’un seul produit ou
s’accommoder de l’avancée à petits pas des réformes.

« Désengagement de l’Etat » et « ouverture sur l’extérieur » sont


donc les deux principaux axes de la nouvelle politique de
développement économique prônée par les bailleurs de fonds que les
institutions financières internationales, le FMI et la BM, sont chargées
de mettre rigoureusement en application dans l’ensemble des pays
sollicitant leur aide, particulièrement en cette phase de rareté
internationale de capitaux. L’Algérie n’échappe pas à la règle.

En matière d’ouverture sur l’extérieur de l’économie nationale,


l’objectif recherché est celui de la spécialisation internationale sur la
base des avantages comparatifs. Ceci devrait permettre en principe la
ré allocation des facteurs de production et la génération d’un surplus
qui pourrait, en étant réinvesti, assurer le développement des
performances et de la compétition internationale des différents
secteurs productifs de l’économie.

Dans la limite de ces hypothèses, du moins compte tenu du


mouvement actuel du capital international s’investissant en Algérie,
tout laisse croire que ce pays présenterait des avantages comparatifs
dans le secteur des hydrocarbures. Il se voit en effet hissé au rang de
« grand » fournisseur d’énergie à la communauté internationale dont
en particulier les pays de l’Union Européenne.

Mais il faut peut être précisé que la spécialisation internationale


de l’Algérie dans les hydrocarbures ne résulte pas pourtant d’un
avantage comparatif. Elle est le résultat d’un avantage naturel que ne
possèdent pas tous les pays. C’est une ressource naturelle existant en
quantité limitée et devenant de plus en plus rare. Le pétrole et le gaz
comme d’autres sources d’énergie constituent de fait l’objet d’un enjeu
international : sans le pétrole et le gaz, sans le désir d’un contrôle
international des principales sources d’énergie, il n’y aurait jamais de
lutte d’influence au sein de la Méditerranée. Il n’existerait
probablement aucune « frontière économique » entre les « nouveaux

248
blocs », constitués de pays développés, c’est-à-dire des pays de l’Union
Européenne, des Etats-Unis d’Amérique et du Japon et autour
desquels gravitent, dans l’espoir d’une future insertion ou
absorption(?) les pays périphériques. Ces derniers sont, comme ceux
de la rive sud de la Méditerranée, en situation d’attente et se voient par
conséquent obligés de se soumettre aux règles du jeux initiées par ces
groupes de pays.

C’est, pour revenir à l’Algérie, à cause de son pétrole et de son


gaz que ce pays se trouve relié, dans la perspective d’un
développement régional, au continent européen par deux gazoducs
dont les itinéraires traversent, par mesure de sécurité et non
d’économie, le territoire de plusieurs pays voisins. Le rétablissement
des relations nord-sud ou encore la rupture des relations sud-sud
s’avère être une nécessité pour l’émergence du nouvel ordre
économique mondial.

De ce point de vue, la question pétrolière et gazière de l’Algérie


est désormais internationalisée : l’UMA, le fameux Traité de
coopération Sud-Sud, n’aura servi que pour le règlement des différends
internationaux qui auraient pu surgir à l’occasion de la réalisation des
infrastructures gazières qui relient l’Algérie au continent européen.
L’Algérie ne possède ni les moyens financiers, ni la technologie
nécessaire qui lui permettraient d’exercer un quelconque contrôle sur
« ses » hydrocarbures. Les recettes financières qu’elle en tire servent
au financement de l’expansion de ce même secteur et au
remboursement de la dette extérieure. Faut-il rappeler que plus de 80
% des recettes procurées par la vente du gaz et du pétrole sont
absorbées par le service de la dette? Faut-il rappeler que l’Algérie paie
toutes les trois années environ sous forme du service de la dette
l’équivalent de sa dette extérieure? Faut-il aussi relever qu’aux prix de
1994, les recettes additionnelles qui seront tirées des nouveaux
investissements dans le secteur des hydrocarbures procureraient au
pays, entre 1994 et 2010, quelques 14,4 milliards de $ et que les
investissements nécessaires à la génération de cette production
supplémentaire s’élèveront, quant à eux, à 14,2 milliards de $? 200
millions de $ supplémentaires en l’espace d’une quinzaine d’années tel
est le résultat de l’avantage comparatif dont on gratifie le secteur des
hydrocarbures.

En écartant donc de façon définitive l’illusion d’un


développement futur au moyen de la rente pétrolière et gazière,

249
qu’apporte alors l’ouverture illimitée de l’économie nationale au
marché extérieur?

L’économie algérienne est, contrairement à plusieurs économies


des pays du pourtour méditerranéen, insérée au marché mondial par
la demande. C’est parce qu’elle est peu performante et ne parvenant
pas à assurer la couverture des principaux besoins de ses secteurs et de
la population que le taux de couverture des besoins alimentaires de la
population est passé de 93 % en 1969 à moins de 25 % en 1995 que le
taux d’intégration de l’industrie n’est que de 50 % et que la quasi-
totalité des produits chimiques tirés de l’industrie pétrolière sont
importés.

Cette situation de dépendance de l’extérieur pourrait pourtant,


font observer les responsables de l’économie, constituer, si elle est
contrôlée, maîtrisée et négociée dans le cadre de la mise en place de la
zone de libre échange algéro-européenne, l’un des atouts du
développement futur de l’économie nationale.

Contrainte par le remboursement de la dette extérieure,


l’Algérie ne semble pas avoir d’autre solution que de persister dans le
développement du scénario actuel, c’est-à-dire réserver les recettes
extérieures au remboursement de la dette et accorder la priorité au
développement des secteurs de base(agriculture, tourisme, industrie).
Le développement de ces secteurs de l’économie peut se faire, non pas
en cherchant à conquérir dans l’immédiat les marchés extérieurs pour
lesquels il n’existe pas dans l’état actuel de l’économie nationale
d’avantages comparatifs mais dans une optique de production pour le
marché intérieur. Des accords de protection partielle et limitée dans le
temps pourraient faire l’objet de la politique de mise à niveau de
l’économie algérienne.

En supposant que cette éventualité relève du domaine du


possible puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de la politique rénovée de
l’Union Européenne et que l’Algérie se doit en tous les cas de continuer
à importer, autrement dit à être un marché potentiel pour les
économies qui sont affrontées au problème d’écoulement de leurs
produits, l’Union Européenne accepterait-elle alors de supporter toute
seule les coûts de cette mise à niveau sachant que les avantages qu’elle
en tirerait sont peut être moindres à ceux qu’elle obtiendrait dans
d’autres zones d’investissement? Accepter l’idée d’une mise à niveau,
c’est-à-dire d’un développement économique qui sera l’œuvre des
puissances extérieures ne restreint-il pas le champ d’action

250
économique et politique du pays? La mise à niveau de l’économie
nationale dans la perspective de la construction d’une économie
régionale ne sera-t-elle pas synonyme de la réalisation
d’infrastructures économiques qui ne profiteraient pas dans tous les
cas aux populations locales?

Produire pour le marché local est également possible dans la


mesure où il ne s’agira pas pour l’Algérie d’acquérir, comme cela fût le
cas dans les années soixante-dix, l’ensemble des procédés industriels,
c’est-à-dire toute l’infrastructure industrielle mais seulement
d’optimiser les installations existantes et de mieux gérer les ressources
disponibles. Cette idée recevra-t-elle alors l’aval des bailleurs de fonds
qui, eux, agissent dans un cadre d’intégration globale et de
concurrence internationale? Va-t-elle dans le sens d’une délocalisation
internationale des activités ou réactive-t-elle le désir de construction
d’une économie nationale autocentrée?

Produire pour le marché local qu’il faudrait encore et


temporairement protéger relève-t-il du domaine de l’acceptable?
Protéger un marché signifie le promouvoir, c’est-à-dire accepter un
coût élevé de développement de ce marché. Ceci ne peut être fait qu’au
moyen de l’octroi d’un soutien et de subventions publics. Les
ressources financières actuelles du pays permettent-elles la réalisation
de cette politique? Les pays de l’Union Européenne qui restent
préoccupés par l’écoulement de leur propre production accepteraient-
ils de subventionner des produits pour lesquels ils enregistrent des
excédents? Quelles productions réserver alors pour l’Algérie?

En supposant que des segments de production peuvent faire


effectivement l’ossature de cette nouvelle politique, cela exige
cependant, non pas un désengagement de l’Etat comme il est fait
actuellement mais un retour, même temporaire, de celui-ci dans le
secteur de la production. L’Algérie qui a, comme plusieurs pays de la
rive sud de la Méditerranée, exclusivement axé son développement
économique en lui donnant une assise publique, ne possède pas encore
les « avantages comparatifs » qui lui permettraient de mener à bien son
expérience d’insertion au marché euro méditerranéen. Elle est de fait
en position de demander un sursis en contrepartie de l’accélération de
l’exécution de son programme des réformes. Mais pour cela, est-il
nécessaire de définir ce que pourrait être une politique de
désengagement de l’Etat?

251
La notion de désengagement de l’Etat est confuse et donne lieu à
des interprétations différentes, voire contradictoires selon les acteurs
économiques qui la mettent en application.

Bien que cette notion signifie libéralisation de l’activité


économique et privatisation de la propriété des moyens de production,
dans les pays développés, elle semble revêtir une autre signification. Le
« désengagement de l’Etat » est synonyme, comme nous l’avons vu
pour les pays de l’Union Européenne en ce qui concerne le secteur
agricole, d’une forte présence et d’un engagement de plus en plus
important de l’Etat dans ce secteur. Le secteur agricole est non
seulement protégé de la concurrence internationale, « planifié » et
orienté quant aux choix des productions mais bénéficie également d’un
soutien financier accru des Etats respectifs et de la Communauté elle-
même. C’est un secteur enrobé de particularisme qui le protège de la
concurrence internationale.

Le secteur agricole revêt pour l’ensemble des pays développés le


statut de secteur stratégique. Il n’est pas, faudrait-il le rappeler pour la
cause, l’unique secteur d’activité qui bénéficie du soutien de l’Etat.

En France, pour citer le cas de ce pays qui a toujours inspiré le


législateur algérien, du moins en ce qui concerne le nouveau code de
commerce, plusieurs sociétés ayant souvent statut de filiale ou de
branche auxquelles elles appartiennent sont dans la même situation de
protection et de soutien public. L’attention et les subventions que leur
accorde l’Etat n’ont d’autre objectif que d’améliorer leurs
performances et compétitivité sur les marchés extérieurs. L’enjeu est
simple. Il s’agit de faire face à la globalisation de l’économie tout en
cherchant à la rendre profitable à l’économie nationale.

Dans les pays en développement, dans ceux ayant mis leurs


économies sous ajustement structurel dont l’Algérie en particulier, le
désengagement de l’Etat revêt une autre signification.

Il ne se limite pas à la libéralisation de l’économie et par


conséquent à l’évolution vers un mode de gestion qui accorde plus de
liberté d’action au manager. Il signifie aussi démantèlement et
privatisation du secteur public économique. L’Etat ne doit pas être,
selon cette compréhension, propriétaire de moyens de production
même si ceux-ci ne résultent pas d’une expropriation mais d’un
processus d’accumulation antérieur. La rationalité doit être
recherchée dans le seul secteur privé.

252
Cette idée qui ne fait pas encore l’unanimité dans les pays
avancés doit être soumise à la critique et montrer que la privatisation
du secteur public des pays en développement est effectivement en
mesure de promouvoir le développement économique et social. Que
dire des nouveaux entrepreneurs dont la soif d’accumuler dans des
délais relativement courts détermine leurs préférences aux opérations
de spéculation commerciale? Que dire de leur compétitivité
internationale lorsque leur champ d’action se limite bien souvent aux
activités d’import-export? La mondialisation de l’économie repose-t-
elle sur des opérations de spéculation commerciale ou est-elle
synonyme de délocalisation des industries et des activités? Comment
peut-on donc faire une délocalisation industrielle donc promouvoir un
développement économique local avec les seules opérations de
spéculation commerciale sur les marchés internes?

La privatisation est une notion infiniment plus complexe. Elle


signifie « esprit d’entreprise » donc de prise de risque. Prendre un
risque, c’est prévoir, faire face à un aléa, un danger, un rival, un
concurrent. C’est inventer, surpasser l’autre auquel il faut arracher
des parts de marché et non lui être soumis, lui offrir, lui élargir le
marché. Prendre le risque, c’est accepter un combat même si celui-ci
est périlleux. C’est persister, persévérer dans la voie de la création et
de l’invention. C’est innover, c’est projeter et tenter de s’approprier
l’avenir avec un présent désavantageux.

La privatisation ne signifie pas et ne doit surtout pas signifier


recherche de la facilité. C’est convaincre l’autre. C’est lui montrer son
aptitude à changer, sa capacité à s’adapter et à faire face aux nouvelles
situations. C’est partager avec lui le risque lié à l’investissement et aux
aléas du marché. Mais c’est le refouler, c’est créer en lui un sentiment
de crainte en lui affichant les seules aptitudes à répartir et à
consommer. C’est pourquoi l’existence d’un marché s’avère
insuffisante pour amener les investisseurs étrangers à se délocaliser.

La délocalisation ne peut être que l’œuvre de grandes sociétés et


celles-ci sont, en Algérie, publiques. En Chine où l’afflux de capitaux
étrangers est actuellement des plus importants au monde, l’hôte est
l’entreprise d’Etat. Le développement du partenariat avec les
investisseurs étrangers semble bien s’accommoder de cette forme de
propriété des moyens de production.

253
En Algérie, doit-on alors persévérer dans la logique actuelle de
démantèlement systématique du secteur public ou doit-on, au
contraire, chercher à le protéger de la concurrence internationale?
Dans un cas comme dans l’autre, la réponse ne peut être que la
résultante des rapports de force qui opposent entre eux les acteurs
économiques.

Pour les uns, le désengagement de l’Etat est rendu nécessaire


par la faillite des entreprises publiques qui ont toujours bénéficié des
subventions de l’Etat mais qui ne parviennent pas à assurer leur
propre relance. C’est pourquoi, la recherche de la rationalisation des
dépenses publiques ainsi que la réduction de ces dernières doit
l’emporter sur le souci de la préservation d’un équilibre social
précaire. La diminution des dépenses budgétaires permettrait, selon
cette vision, de rétablir l’équilibre financier et même de dégager à
terme de nouvelles ressources financières qui pourraient être investies
dans les secteurs productifs de l’économie.

Pour d’autres, c’est la discipline budgétaire qui doit être de


rigueur à tous les niveaux des structures de l’Etat car elle permet de
mettre fin dans l’immédiat au gaspillage des deniers publics et permet
surtout d’éviter le démantèlement de l’entreprise publique économique
qui d’ailleurs ne trouve pas acquéreur. La discipline budgétaire ne doit
pas cependant signifier sclérose du service public et allocation des
ressources financières.

Bien que l’idée de discipline budgétaire, donc d’austérité


économique soit celle qui permet de rassembler le plus d’adeptes, celle-
ci nécessite cependant une clarification. En Algérie, la concentration
des dépenses publiques donc des revenus indirects qui en sont générés,
est tel que certains secteurs se trouvent fortement pénalisés et leur
productivité baisser. Dans bien des cas la règle de la restriction
budgétaire observée par les centres de décision met les structures de
l’Etat dans une position de faiblesse et de discrédit total vis à vis des
entreprises du secteur productif.

En admettant donc qu’une période d’austérité est nécessaire


pour le redéploiement des services et de l’entreprise publics, il faut
alors que l’ajustement structurel soit un sacrifice équitablement
supporté par l’ensemble des couches sociales et des secteurs. Il ne doit
pas être le moyen d’émergence de nouveaux riches dont le seul mérite
revient à leur positionnement dans des réseaux de captage des
nouvelles rentes créées par la déstructuration du secteur public.

254
L’ajustement structurel doit signifier la recherche de la relance
économique par la promotion de la production qui ne peut se faire sans
une protection même partielle du marché national. Il y a des secteurs
d’intérêt stratégique qui ne peuvent se développer qu’en bénéficiant du
soutien de l’Etat.

Enfin, nous voulons rappeler en guise de conclusion que


l’application des deux principes, l’ouverture illimitée de l’économie sur
l’extérieur et le désengagement de l’Etat, ont eu des résultats différenciés
selon les pays et les régions. Nous ne citerons que le cas défavorable de
l’Afrique subsaharienne qui, même en bénéficiant dans un passé récent
des politiques préférentielles des pays développés, connaissent des taux
de croissance négatifs, une diminution importante de leur PIB (de
l’ordre de 10 %) , une récession généralisée de leurs économies et
rentrent dans le cycle de la guerre civile et de la violence interétatique.

En Algérie, la mise sous ajustement structurel de l’économie


conjuguée au paiement de la dette extérieure et à la déstructuration
continuelle du secteur public ne peuvent conduire qu’à l’aggravation
de la situation actuelle. A terme, le peu de performance de l’économie
nationale se soldera par l’arrêt de la production, la fermeture en série
des unités de production publiques et privées, la baisse du revenu
national, en un mot par le rétrécissement du marché.

Se posera alors la question de savoir quel est le rôle de l’Etat en


situation de crise? Mais le rôle de l’Etat doit-il être dissocié de la
nature de ce dernier? Or c’est, en Algérie, la nature même de l’Etat
qui ne parvient pas à être clairement définie et acceptée par l’ensemble
des classes et couches sociales.

255
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