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U 4 - Droit européen matériel 1 sur 86 Cours de Lucile B.

DROIT
EUROPÉEN
MATÉRIEL (Mme Grynfogel Catherine)

Semestre 5
U 4 - Droit européen matériel 2 sur 86 Cours de Lucile B.

Le droit matériel, qu’on peut appeler aussi droit substantiel, est la discipline qui porte sur le fond du droit. Cet
enseignement portera sur l’étude des règles de fond de l’union européenne. Il se distingue de l’enseignement du droit
institutionnel européen, qui régit la constitution et le fonctionnement de l’Union.

Nous allons en premier lieu examiner les règles qui régissent le marché intérieur (libre circulation des marchandises, des
personnes, des capitaux et des services). C'est l’objectif fondamental et en même temps l’essentiel de l’activité de l’UE.

Ensuite, nous examinerons les règles de concurrence qui dés le départ sont conçues comme un moyen de réalisation
d’un marché intérieur des règles européennes de concurrence.

Ces deux parties combinées ensemble correspondent à ce que l’on peut appeler le droit européen des affaires. Mais un
panorama plus complet du droit matériel européen peut s’enrichir de l’étude de certaines politiques européennes (telles
que la sécurité des consommateurs, la protection de l’environnement, etc…)

Introduction

Le droit de l’Union a connu un développement très important, son champ d’application n’ayant jamais cessé de s’élargir
depuis le début des communautés européennes. Il s’appliquait à 28 Etats membres, avec l’ajout en 2013 de la Croatie.
Mais la sortie du R-U, le Brexit, les a ramenés à 27. Dés l’origine, les traits contenaient des dispositions de droit matériel
qui régissaient les activités des 3 communautés originelles, créées par les traités de Rome du 25 mars 1957 ( = la
communauté européenne du charbon et de l’acier CECA, qui a pris fin en 2002 + la CEEA ou communauté européenne
de l’énergie atomique ou EURATOM + la CEE ou Communauté économique européenne).

De la CEE, nous sommes passés à la CE d’abord, pour montrer qu’on a des objectifs plus larges que l’objectif
économique, puis à l’UE, instituée par le traité de Maastricht du 7 février 1992.
L’Europe de l’époque était donc constituée en 3 piliers : le pilier communautaire avec le passage de CEE à CE, la
politique étrangère et de sécurité commune (la PESC), et la coopération dans le domaine de la justice et des affaires
intérieures.

Le droit communautaire, du premier pilier, et le droit de l’union européenne (les deux autres piliers), s’imbriquaient, la CE
étant l’un des fondements de l’union. Cette distinction a disparu avec le traité de Lisbonne de 2007, entré en vigueur le
1er décembre 2009. C’est le traité sous l’empire duquel nous nous trouvons aujourd’hui. Ce traité a mis fin à la structure
en piliers et a fait disparaître la communauté européenne. Il reste l’Union Européenne, qui a acquis la personnalité
juridique qui autrefois était conférée à la seule communauté. Depuis, l’UE est régie par deux traités, à savoir le traité sur
l’Union européenne (TUE depuis 2009) et surtout le TFUE (traité sur le fonctionnement de l’UE).

Le traité de Lisbonne n’a pas vraiment modifié le droit matériel européen. Les règles ont été très peu touchées sous
réserve de quelques adaptations et d’une nouvelle numérotation. Le TUE a conservé son intitulé, tandis que le traité de
Rom initial qui a créé la CEE est devenu le TFUE.
Les deux traités ont la même valeur juridique, mais leur objet diffère : le TUE définit notamment le cadre général de l’UE
et impose les principes essentiels (par ex le principe de subsidiarité à l’article 5). Il impose des objectifs, pose aussi la
reconnaissance de la valeur de la charte des droits fondamentaux, la décision de faire adhérer l’UE à la CEDH, il pose la
structure des institutions, le principe des coopérations renforcées entre certains Etats membres, etc..
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Quant au TFUE, il reprend l’essentiel du traité initial. En gros, c’est le traité de Rome remis au gout du jour. Il reprend le
fonctionnement quotidien de l’Union, et il a fusionné les 3 piliers qui étaient jusqu’alors dissociés, essentiellement parce
que les piliers non-économiques reposaient principalement sur la règle de l’unanimité.
Depuis l’origine, les traités visent l’intégration économique et juridique des Etats membres, dans un "marché commun"
au moyen de règles communes ou harmonisées.
Mais l’Acte Unique Européen (AUE) de 1986, premier traité réformateur du traité de Rom initial, a introduit la notion
nouvelle de "marché intérieur", lequel est défini comme "un espace sans frontières intérieures, dans lequel la libre
circulation des marchandises des personnes, des services et des capitaux, doit être assurée".

En faveur d’une réponse affirmative, on peut dire que les 4 libertés de circulation (figurant parmi les fondements de la
communauté depuis sa création) relèvent du marché commun, lequel vise à promouvoir cette libre circulation, tout en
s’accordant momentanément du maintien des frontières entre les Etats membres. Le marché intérieur correspond à un
stade plus avancé. Autrement dit, le marché commun résulterait de la coordination des marchés nationaux, alors que le
marché intérieur résulterait, lui, de leur unification. Cela dit, la Cour de Justice (5 mai 1982, arrêt Schul) a assimilé ces
deux notions, puisque selon elle "le marché commun vise à l’élimination de toutes les entraves aux échanges intra-
communautaires en vue de la fusion des marchés nationaux dans un marché unique, réalisant des conditions aussi
proches que possible, de celles d’un véritable marché intérieur".

La formule de "marché commun" a été supprimée dans le traité de Lisbonne qui lui a substitué celle de "marché
intérieur". On peut en conclure que ces formules diverses s’appliquent à un processus continu de la réalisation d’un
même projet : le marché commun aboutit à un marché unique, qui lui-me^me s’identifie à un marché intérieur.

A/ Le Marché Intérieur

Le marché intérieur fait l’objet de compétences partagées entre l’UE et ses Etats membres (article 4 TFUE). Etablir un
marché intérieur cela veut dire faire tomber les obstacles que les frontières nationales opposent à la libre circulation des
marchandises et des services par exemple. L’idée est de substituer aux marchés nationaux, plus ou moins étroits, un
vaste marché non-morcelé, auquel toutes les personnes et toutes les entreprises des Etats membres doivent avoir
accès.
Ce marché intérieur suppose la suppression des droits de douanes, et des quotas à l’importation/exportation des
marchandises. Il sous-tend aussi une union douanière, à travers l’institution d’un tarif douanier commun dans les
rapports avec les Etats tiers.
A défaut, les conditions d’approvisionnement ou de débouché des entreprises varieraient selon l’Etat membre dont elles
relèvent.

Cette union douanière s’étend à l’ensemble des échanges de marchandises, lesquelles sont définies par la CJUE
comme "les produits appréciables en argents et susceptibles comme tels de former l’objet d’une transaction
commerciale". (10 décembre 1968, CJCE, Commission contre Italie, à propos d’oeuvres d’art) Il en va de même des
déchets, même non-recyclables, des produits agricoles, industriels, et de toutes les formes d’énergie.

Le tarif douanier distingue l’union douanière d’une simple zone de libre-échange. Dans la zone de libre-échange, le
désarmement douanier s’applique aux seuls échanges que l’on appelle "inter-sé", c'est-à-dire "à l’intérieur de la zone,
entre soi", chacun des Etats membres conservant son autonomie à l’égard des tiers.
Dans l’union douanière, en revanche, les Etats membres abandonnent l’essentiel de leur souveraineté douanière. En
effet, la mise en place de ce tarif douanier commun implique que les produits issus de pays tiers supportent des droits
de douanes identiques, quel que soit l’Etat membre par lequel ils pénètrent dans l’Union.
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1) Le champ d’application matérielle de l’union douanière

L’union douanière a un large champ d’application matérielle, puisqu’elle concerne non seulement les produits originaires
des Etats membres, mais encore les produits "mis en libre pratique" (article 29 TFUE).
Il s’agit de produits issus de pays tiers, pour lesquels d’une part les formalités d’importation ont été accomplies, et
d’autre part les droits de douane exigibles ont été perçus (droits de douanes issus du tarif douanier commun).
Ces produits sont assimilés à des produits originaires de l’UE et de ce fait ils bénéficient de la liberté de circulation. Il en
résulte qu’en principe, il une peuvent plus faire l'objet de nouveaux contrôles, ou de nouvelles exigences douanières lors
du franchissement des différentes frontières internes sur le territoire européen.
De plus, la législation et la jurisprudence de la CJCE sur les taxes et sur les mesures d’effets équivalents leur sont
applicables.

2) Le champ d’application territoriale de l’union douanière

Il ne coïncide pas exactement avec l’ensemble des territoires nationaux. tout d’abord, certaines parties du territoire de
certaines Etats membres bénéficient de régimes spécifiques. Exemple : les régions que l’on appelle ultra-périphériques
sont soumises au droit de l’UE, éventuellement adapté pour compenser leur handicap, alors que les territoires d’outre-
mer et les collectivités territoriales de la République bénéficient eux d’un régime d’association.
D’autre part, certaines territoires qui ne relèvent pas de la souveraineté d’un État membre, font partie du territoire
douanier, tout simplement par le biais d’accords internationaux. Il s’agit le plus souvent d’accords d’associations, comme
celui conclu avec la Turquie en 1963.
Le traité de Porto de 1992 a créé l’espace économique européen.

L’EEE a institué un marché unique destiné à faciliter les échanges entre la communauté et les pays de l’AELE
(Association Européenne de Libre-Echange)
D’une part, parce qu’il concerne l’ensemble des Etats de l’AELE, c'est-à-dire la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, et
surtout parce qu’il transpose dans les rapports entre toutes les parties contractantes les 4 libertés de circulation sur
lesquelles repose le marché intérieur, de même que certaines politiques européennes : la concurrence, les transports,
les marchés publics, la propriété intellectuelle, etc…
Mais il ne s’agit pas d’une union douanière, parce qu’il n’y a là ni tarif douanier commun, ni politique commerciale
commune. Elle s’étend aussi aux eaux territoriales, aux eaux maritimes intérieures, et à l’espace aérien des Etats
membres, mais pas aux eaux maritimes intérieures et à l’espace aérien des territoires exclus du territoire douanier de
l’UE.

L’union douanière est un instrument indispensable à l’établissement du marché intérieur.


Comme elle concerne les échanges entre les Etats membres, elle assure la libre circulation des marchandises. Mais
l’égal accès au marché intérieur exige encore que les ressortissants des Etats membres puissent s’établir, travailler, et
offrir des services, sur les territoires de ces Etats membres.
Cet accès suppose aussi que les capitaux puissent circuler librement entre les Etats membres : déjà, pour faciliter le
règlement des échanges de biens et services, mais encore pour que les investissements soient faits dans le cadre d’une
politique économique européenne, sans obstacles territoriaux internes.
D’où la nécessité d’une libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services.
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B/ La Concurrence

La création et le fonctionnement du marché intérieur suppose en effet qu’une concurrence égalitaire existe entre les
entreprises qui veulent y proposer ou s’y procurer des biens ou des services.
Cette concurrence égalitaire est nécessaire au fonctionnement de tout marché, qu’il soit national ou transnational. Mais
elle reste une importance particulière dans l’UE, parce qu’elle a pour fonction propre d’empêcher la reconstitution des
cloisonnements nationaux qui ont disparu grâce aux 4 libertés de circulation.

Le droit de la concurrence a joué un rôle moteur dans la construction européenne. Il est l’un des garants de la
compétitivité de l’économie européenne, bien que son contenu, sa dimension, soient parfois complexes et difficiles à
appréhender pour les opérateurs économiques.
Les règles européennes de concurrence ont servi de modèle à de nombreux pays émergeants qui souhaitaient une
nouvelle législation interne de la concurrence.
La concurrence est un domaine dans lequel l’UE a pu s’imposer comme puissance normative au-delà de ses frontières.

Cela dit, la concurrence n’est pas appréhendée par le droit de l’union comme une fin en soi : elle est appréhendée
comme un instrument, comme un moyen destiné à servir d’autres fins, à savoir les objectifs socio-économiques énoncés
dans les traités.
Cette approche a été abandonnée avec le traité constitutionnel européen, qui avait érigé la concurrence en un objectif
de l’union.

Mais le traité de Lisbonne, article 3 du TUE, est revenu au principe de base et a remis la concurrence à sa place initiale
= ce n’est plus une fin mais un moyen destiné à servir d’autres objectifs.
La politique de concurrence est sortie renforcée du traité actuel de Lisbonne. Le rôle de la Commission a été valorisé,
ses compétences propres en la matière ont été reconnues et consolidées.
L’action législative en la matière participe des compétences exclusives de l’UE (art 3 TFUE). Donc cette règle ne peut
que renforcer la dimension européenne.

C/ Le Principe De Proportionnalité

Il s’applique dans l’exercice de toutes les compétences de l’union. Il s’exprime à l’article 5 paragraphe 4 du TFUE : "Le
contenu et la forme de l’action de l’Union n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent
traité".
La CJCE en a même fait un PGD. Cela signifie :
- Que les institutions européennes ne doivent pas imposer aux opérateurs économiques des obligations ou des
charges qui excèdent ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’union
- Qu’entre deux mesures et à efficacité égale, elle doivent toujours choisir la moins contraignante.

D/ Le Principe De Subsidiarité

Ce principe est utilisé pour réguler le partage des compétences entre l’UE et les Etats membres. De ce fait, il concerne
l’exercice des compétences partagées. Ce principe est exprimé à l’article 5 paragraphe 3 du TUE : l’Union intervient
dans tel ou tel domaine "seulement si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être
atteints de manière suffisante pr les Etats membres."
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En d’autres termes, l’Union n’interviendra que si les Etats membres, pris individuellement, ne peuvent pas parvenir aux
objectifs fixés dans le traité, ou bien lorsqu’une action commune est plus efficace pour l’objectif que plusieurs actions
individuelles prises au niveau national.
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PARTIE 1 : Le droit du
marché intérieur

Titre 1 : La Libre Circulation Des


Marchandises
Selon l’article 28 du TFUE, l’Union comprend une union douanière, laquelle comporte l’interdiction entre les Etats
membres des droits de douanes à l’importation et à l’exportation, et de toute taxe d’effet équivalent.
Une fois celle-ci achevée, il a été possible de passer à l’étape suivante, à savoir la suppression des obstacles aux
échanges à l’intérieur du territoire communautaire. En clair, cela signifie la suppression par chaque État membre des
droits de douanes appliqués aux marchandises extérieures et des restrictions quantitatives (quotas, contingentements,
…)

Cette suppression a été mise en place entre les 6 Etats fondateurs dans la période transitoire. Cela dit, l’achèvement du
marché intérieur ne pouvait pas se limiter à un désarmement douanier et une abolition des quotas.
Les Etats agissent de façon déguisée, et ils peuvent développer d’autres formes de résistance aux échanges, lesquels
peuvent avoir une influence sur les mouvements des marchandises.

Ces formes de résistance sont discrète, parfois même invisibles, et elles permettent aux Etats de conserver des
postures protectionnistes qui sont évidemment interdites : les taxes d’effet équivalent à des droits de douanes (les TEE)
et les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives (MEE), les deux ensemble portant atteinte par des voies
détournées à la libre circulation des marchandises.

Chap. 1 : L’élimination Des Entraves


De Nature Pécuniaire : Les Taxes
D’effet Équivalent À Des Droits
De Douanes
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Par-delà la suppression des droits de douanes, le traité TFUE a prévu à l’article 28, l’interdiction également des taxes
d’effet équivalent à des droits de douanes.

Section I - La Notion De Tee

A/ Le Critère De Qualification De Cette Taxe

1) Définition large

En un premier temps, la CJCE a considéré ces TEE comme des mesures qui, présentées sous d’autres appellations, ou
introduites par le biais d’autres procédés, aboutirait au même résultat discriminatoire ou protecteur que des droits de
douanes.
Par la suite, elle en a retenu une définition plus large, qui est régulièrement reprise, et qui permet non seulement de
clarifier cette notion, mais surtout d’en identifier le critère de qualification.

"Une charge pécuniaire, fut-elle minime, unilatéralement imposée, quel que soit son appellation et sa technique, et
frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, constitue une
TEE, alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle n’exercerait aucun effet discriminatoire ou
protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale."
(CJCE, 1er juillet 1969, Commission contre Italie)

2) Le critère de qualification de la TEE

C’est le franchissement de la frontière.


La notion de TEE a un caractère objectif et absolu qui la rend indépendante des justifications étatiques. Le but de cette
taxation est indifférent, qu’il s’agisse de protection du patrimoine national, de préoccupations d’ordre social. La TEE ne
peut jamais se justifier, peu importe le montant de la charge, peu importe l’appellation de la taxe, et peu importe la
technique utilisée pour l’instituer.
Peu importe encore l’origine de la marchandise, elle peut être nationale ou étrangère. Peu importe le bénéficiaire du
prélèvement (l’Etat, ou un organisme privé ou public), et peu importe enfin l’absence de discrimination due à un
traitement identique ou u défaut de concurrence.

Selon la CJCE, il suffit que le franchissement de la frontière soit à l’oigne du prélèvement pour qu’il s’agisse d’une TEE,
même si l’exigibilité et le paiement interviennent ensuite. Cette frontière peut aussi bien être nationale que régionale.
La CJCE a décidé notamment que l’application d’un prélèvement à une marchandise qui franchit les limites territoriales
d’une collectivité inter-étatique est une atteinte à l’unicité du territoire douanier européen. En d’autres termes, il suffit que
la taxe soit perçue à l’occasion du franchissement d’une frontière, même interne, pour qu’elle reçoive la qualification de
taxe d’effet équivalent.
(ex de frontière interne : 2005 : Une obligation avait été imposée au producteur de Jersey qui souhaitait exporter des
produits au R-U, de se faire enregistrer auprès d’un organisme particulier et de payer des cotisations obligatoires.)
Une autre affaire du 9 septembre 2004, Carbonati contre la commune de Carrare : si un camion quittait la commune il
avait à payer une taxe par exemple. La CJCE a réaffirmé le principe du territoire douanier, elle a considéré qu’il
s’agissait bien d’un franchissement de la frontière et donc que cette taxe n’avait pas à être payée.
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Section Ii _ La Restitution Des Taxes


Indument Perçues

Si un État a imposé des TEE à des marchandises extérieures, les particuliers peuvent prétendre à l’annulation et au
remboursement subséquent des prélèvements indument perçus.
La CJCE a fait oeuvre créatrice dans ce domaine.

A/ Les Procédures De Répétition

Il n’existe pas de règles européennes de procédure. C’est donc l’ordre juridique interne qui désigne la juridiction
compétente et qui règle les modalités procédurales des recours. A la double condition :
- que les règles contentieuses nationales n’opèrent pas de discrimination au détriment des actions fondées sur le droit
européen, ce qu’on appelle le principe d’équivalence
- que les justiciables puissent exercer les droits qui leurs sont conférés par l’ordre juridique européen. C’est le principe
d’effectivité.

B/ Le Montant De La Restitution

S’il s’agit d’un consommateur final, il recevra un remboursement intégral puisqu’il a supporté la taxe seul, en phase
finale.

Mais cela peut ne pas exactement correspondre à la somme effectivement versée :


- Si la taxe a été répercutée en tout ou en partie sur la personne, le juge peut réduire le montant du remboursement,
dans une mesure qu’il appréciera lui-même, conformément à son droit national. Par exemple, l’entreprise qui a du
payer la taxe peut l’avoir fait répercuter sur les acheteurs. Mais si on la remboursait intégralement, ce serait un
enrichissement injustifié, c'est-à-dire un enrichissement sans cause. La charge de la preuve pèse sur l’administration.
- Si l’opérateur économique a subi un préjudice du fait de l’incidence de la taxation illégale sur le volume de ses
affaires : le juge peut lui accorder ici un remboursement supérieur à celui qui a été effectivement payé

Section Iii _ Les Tempéraments


Jurisprudentiels : Les Prélèvements
Autorisés

Les prélèvements autorisés sont les impositions intérieures et les redevances. 



S’agissant des premières, elles constituent un instrument de politique fiscale des Etats membres. Quant aux
redevances, elles peuvent être imposées lors du franchissement d’une frontière par une marchandise en échange d’un
service rendu à l’opérateur concerné. 

Les TEE et les redevances obéissent à un régime juridique distinct. On sait que les Etats ont l’interdiction de prélever
des taxes d’effet équivalent à des droits de douanes sur les produits d'origine étrangère.
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A/ Les Impositions Intérieures

Les Etats membres sont maîtres de leur politique fiscale. Ils peuvent donc frapper un produit d’une imposition intérieure
qui ne doit pas être discriminatoire, c'est-à-dire que cette imposition doit frapper à la fois les produits nationaux et les
produits importés.

1) La notion d’imposition intérieure autorisée

De prime abord, il paraît facile de distinguer les impositions intérieures des TEE. Si les TEE frappent les biens
qui circulent d’un État membre à l’autre en raison du franchissement d’une frontière, les impositions intérieures sont
indépendantes de tout mouvement transfrontalier.
En effet, depuis l’achèvement du marché intérieur, un État qui imposerait des TEE ne peut plus les percevoir lors du
franchissement de ses frontières, il peut seulement les percevoir après, c'est-à-dire à un stade postérieur de
transformation ou de commercialisation de la marchandise.

La jurisprudence a dégagé 3 critères :


- l’objet du prélèvement. Selon une jurisprudence constante, la caractéristique essentielle d’une TEE et qui la distingue
d’une imposition intérieure est que la première frappe exclusivement les produits importés en tant que tels, tandis que
la seconde frappe à la fois les produits importés et les produits nationaux.

- les caractéristiques de la taxe. La TEE se caractérise par sa spécialité, alors que l’imposition intérieure relève d’un
système général d’impositions intérieures, imposant une même charge selon les mêmes critères aux produits
nationaux et aux produits importés. Toutefois, une imposition intérieure peut être spéciale dans son champ
d’application et rester admise parce qu’elle relève d’un régime général. Exemple : les impôts spécifiques sur les
alcools, les tabacs et les produits pétroliers constituent la catégorie générale des droits d’accises. En revanche, par
définition, une TEE ne peut pas relever d’un régime général. La spécialité de ces TEE réside dans leur défaut de
"rattachabilité" à une catégorie d’ensemble. 

Un prélèvement non-discriminatoire relevant d’un système d’imposition intérieure peut tout de même constituer une
TEE compte tenu de sa destination. Il existe un 3e critère si les deux premiers s’avèrent insuffisants :

- L’affectation du produit du prélèvement. Sont visées ici les taxes parafiscales qui, par définition, sont dotées d’une
affectation spéciale à des fins économiques ou sociales, et qui sont versées à des organismes institués dans ce but.
Si le produit du prélèvement est totalement destiné au financement d’avantages bénéficiaient exclusivement aux
produits nationaux, il s’agit d’une TEE. Dans un cas pareil, la production nationale reçoit une compensation qui
annule la charge réellement supportée. Alors que les produits importés ne la reçoivent pas. Le plus souvent, il s’agit
de taxes parafiscales qui n’ont pas l’air discriminatoires puisqu’elles visent tant les produits nationaux qu’étrangers,
mais qui en réalité sont affectées à l’encouragement des productions locales. 

En revanche, si le produit de la taxe n'est affecté que partiellement au financement de tels avantages, on peut
estimer qu’il s’agit d’une imposition intérieure mais à caractère discriminatoire puisqu’elle ne s’applique pas de la
même manière. 

CJCE, Koornstra, 8 juin 2006 => taxe néerlandaise selon laquelle tout opérateur transportant des crevettes aborde
un bateau néerlandais était redevable d’un prélèvement par kilo de crevettes transportées et vendues pour la
consommation humaine. Ca a l’air d'une imposition intérieure, légitime et s’appliquant à tout le monde. Sauf que
c’était une TEE parce que le produit du prélèvement était affecté à un organisme professionnel national, qui l’utilisait
pour financer l’achat et l’entretien de machines spécifiques, etc.

2) Les impositions intérieures interdites

Ce sont les impositions intérieures qui sont discriminatoires, ou à caractère protecteur.


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a) Les impositions intérieures discriminatoires

Selon l’article 110 du TFUE, les Etats membres ne peuvent frapper les produits des autres Etats membres d’impositions
intérieures supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
La notion de similitude est souplement interprétée par le CJCE. Le critère utilisé n’est pas celui de l’identité rigoureuse
mais de l’analogie voire même de la comparabilité dans l’utilisation. Il existe donc une alternative pour le consommateur,
qui peut substituer un produit à un autre. CJCE 27 juillet 2002, Commission contre France : La Cour a considéré que
les cigarettes blondes importées étaient similaires aux cigarettes brunes dans leur utilisation, lesquelles étaient presque
exclusivement fabriquées en France, et ne pouvaient, et donc ne pouvaient pas être taxées plus lourdement.
Voilà pourquoi l‘article 110 interdit les différences de taxation qui influent le marché des produits, notamment en
détournant le consommateur des produits importés.

Quant au montant de l’imposition, la jurisprudence regarde son taux et d’autres éléments tels que son assiette et ses
modalités. L’assiette sera plus levée pour les produits importés si l’imposition intérieure inclut les fris de transport ou les
frais de commercialisation sur le territoire. ( CJCE 31 mai 1979, Ben Kadit )

b) Les impositions à caractère protecteur

La charge qui frappe le produit importé ne doit pas non plus protéger indirectement la production nationale. La règle est
posée à l’article 110 paragraphe 2 du TFUE. Cette règle est la condamnation de toute forme de protectionnisme fiscal
indirect, pour des produits qui, sans être similaires, se trouvent néanmoins dans un rapport de concurrence, même
partiel ou indirect, ou potentiel, avec des produits importés.
La CJCE a admis que la Belgique puisse taxer plus lourdement le vin importé que la bière, puisque ces produits
n’étaient ni similaires entre eux, ni même placés dans un rapport de concurrence, compte tenu de leur grande différence
de prix. Mais cette différence de taxation n’a pas été considérée par la Cour comme de nature à exercer une influence
sur le comportement du consommateur.

Toute différence de charge est interdite pour les produits similaires, alors qu’elle est admise pour les produits qui ne son
pas placés dans un rapport de concurrence, ce qui signifie que la différence de taxation n’a aucune influence sur le
comportement du consommateur.

B / Les Redevances

On distingue la redevance pour service rendu, et la redevance de contrôle.

a) La redevance pour service rendu

Lorsqu’un service déterminé est rendu à un opérateur économique par une administration nationale, une charge
pécuniaire peut être exigée en contrepartie. La redevance pour service rendu échappe à la qualification de TEE.
3 conditions :
- Le service doit être effectif, et facultatif. Effectif = il doit procurer un avantage réel à son bénéficiaire. Et s’il est obligé
de la payer, c’est une TEE.
- L’avantage en question doit être procuré individuellement à l’opérateur économique, son bénéficiaire. A contrario, tout
service d’intérêt général rendu sans considération de la personne n’est plus une redevance mais une TEE. Par
exemple, CJCE 26 février 1975, affaire Cadsky : un droit exigé des exportateurs pour contrôler la qualité des
produits, elle était exigée de tous les exportateurs, et pas un en particulier.
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- Le montant de cette redevance doit être proportionné au service rendu. Sera considérée comme illégale toute
redevance forfaitaire ou encore calculée en fonction du poids ou du montant de la facture des produits exportés.

La notion de redevance pour service rendu est très étroite. Le juge ne la retient que de façon exceptionnelle. Il l’a fait
notamment pour un droit d’usage des installations d’un port à l’occasion du débarquement de pétrole destiné à être
acheminé en Allemagne par oléoduc.
CJCE 15 mars 1983, Siot : La redevance de contrôle est rare et n’est admise que si les contrôles qui la justifient
satisfont à des obligations européennes, c'est-à-dire des obligations imposées par le droit européen.
17 mars 2016, CJCE, Kodbranchens Faellesrad (dans la revue Europe de mai 2016, commentaire n°159).

La CJCE a posé 4 conditions à l’admission de ces redevances :


- le montant de la redevance ne doit pas excéder le coût réel des contrôles effectués
- ces contrôles doivent être obligatoires et uniformes pour l’ensemble des produits concernés, et quelle que soit leur
origine.
- ces contrôles doivent favoriser la libre circulation des marchandises en neutralisant les obstacles qui pourraient
résulter des mesures unilatérales de contrôle mises en place par les Etats.
- ces contrôles doivent être faits dans l’intérêt général de l’UE. Exemple : des prélèvements pour couvrir le coût d’une
inspection vétérinaire rendue obligatoire par un règlement européen, constituent une redevance de contrôle et sont
donc autorisées.

Chap. 2 : Les Obstacles De Nature


Non-Pécuniaire : Les Mesures
D’effet Équivalent À Des
Restrictions Quantitatives (Les
Mee)
U 4 - Droit européen matériel 13 sur 86 Cours de Lucile B.

Les articles 34 et 35 du TFUE interdisent les restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation. Ces
restrictions ont disparu, mais il existe des mesures d’effet équivalent.
Ce sont toutes les mesures déguisées, imaginées par les Etats membres, qui ne sont pas des restrictions quantitatives
de prime abord, mais qui parviennent à restreindre le volume des importations ou des exportations européennes.

On peut noter quelques différences entre les TEE et les MEE. Alors que l’interdiction des TEE est absolue, celle des
MEE connaissent certaines dérogations textuelles puisqu’on les trouve à l’article 36 du traité.
A la différence des droits de douane et des TEE aux droits de douanes, les auteurs du traité ne pouvaient
raisonnablement pas priver en totalité les Etats membres de leur compétence en matière d’échanges commerciaux.
Ces échanges commerciaux sont à l’origine de nombreuses règlementations, concernant la fabrication ou la
commercialisation des produits. Ces règlementations sont symptomatiques des traditions de consommation propres à
chaque État.
Ces MEE sont extrêmement variées et ont été à l’origine d’un très important contentieux.

Section I - La Notion De Mee

Par-delà l’approche textuelle de la MEE, la Cour de justice en a fourni sa propre définition dans l’arrêt Procureur du Roi
contre Dassonville du 11 juillet 1974 dont elle a fait un standard jurisprudentiel. Un opérateur belge importait dans son
pays du whisky écossais qu’il achetait en France. La règlementation belge lui imposait un certificat d’origine pour la mise
sur le marché du produit. Mais en raison de l’intermédiaire français, l’importateur ne pouvait pas produire ce document.
La Cour ne s’est pas limitée à relever le caractère discriminatoire de cette disposition, pour y voir une MEE.

Toute règlementation commerciale des Etats membres, susceptible d’entraver directement ou indirectement,
actuellement ou potentiellement, le commerce intra-communautaire, est à considérer comme une MEERQ.
Il s’agit là d’une définition extensive de l’atteinte aux échanges. En effet, toute règlementation nationale peut être
qualifiée de MEE lorsqu’elle produit un effet direct ou indirect, actuel ou potentiel, discriminatoire ou neutre, sur le
territoire des Etats membres (CJCE 16 décembre 2004, République Italienne).
Cela dit, la qualification de MEE doit répondre à diverses conditions cumulatives, qui sont liées d’une part à l’origine de
la mesure, et d’autre part à l’effet restrictif sur les échanges qui en résultent. 

De plus, les produits en cause doivent participer du commerce entre les Etats membres. Ces 3 conditions cumulées
entrainent donc la qualification de MEE, et pour les échanges à l’importation, et pour les échanges à l’exportation.
(articles 34 et 35 du traité).
A/ Le Domaine De La Prohibition : Des
Mesures Étatiques

Seules les mesures étatiques sont concernées par la qualification de MEE. On en exclut donc les actes ou les
comportements imputables à des personnes privées ou à des groupements professionnels. Toutefois, la notion d’Etat
est largement entendue, puisqu’elle inclut l’ensemble des autorités nationales : les collectivités territoriales, les
établissements publics, ou les juridictions et autorités administratives.
La jurisprudence se contente même d’un lien ténu de rattachement à la puissance publique, puisqu’elle retient les actes
imputables à l’Etat.
Arrêt "Buy Irish" 1982 => campagne de publicité faite en faveur d’un commerçant à travers un organisme de droit privé.
La cour a considéré qu’il s’agissait d’une mesure étatique parce que le Gouvernement lui accordait des subventions,
désignait les membres de son comité directeur, et avait participé à l’action de promotion.
Seuls les comportements purement privés échappent au champ d’application des articles 34 et 35.
U 4 - Droit européen matériel 14 sur 86 Cours de Lucile B.

De simples pratiques administratives, constantes et répétées, ont été jugées contraires au traité, de même que les
pressions ou incitations de l’administration déconseillant le choix de produits provenant d’autres Etats ou favorisant le
choix des produits nationaux. Peuvent aussi être visées les actions des personnes étrangères à la personne publique,
mais soutenues et tolérées par elle.
Ces propos ont été jugés imputables à l’Etat, car le fonctionnaire en question avait utilisé le papier à en-tête officiel du
service compétent, et avait accordé des entretiens télévisés dans les locaux de son service, de son propre chef, mais
celui-ci n’avait entrepris aucune démarche pour dissiper l’impression de prise de position officielle de l’Etat membre
concerné.

Autre exemple, dans un cas de pillages répétés, affectés par des agriculteurs en colère contre l’importation de fruits et
légumes en provenance d’Espagne. Les pouvoirs publics français n’étaient pas intervenus pour faire cesser les mesures
de violence, afin qu’elle n’entrave plus la libre circulation des fruits et légumes en provenance d’autres Etats membres.
(Affaire du 9 décembre 1997, Commission contre France).

À l’action est assimilée l’inaction des autorités publiques, qui peut aussi constituer un obstacle aux échanges. Autrement
dit, toute inaction, toute carence des autorités publiques dans la mise en oeuvre des moyens dont elle dispose constitue
une MEE.
De simples comportements d’entreprise peuvent certes aboutir à cloisonner le marché commun, ce qui est interdit. Il ne
relève pas des articles 34 et 35 mais des règles de concurrence.
La Cour de Justice assimile aux autorités étatiques les personnes privées qui mettent en oeuvre des prérogatives de
puissance publique, ou bien qui sont placées sous leur dépendance juridique ou financière. Elles ne sont pas
considérées comme des entreprises au sens européen du terme.

B/ Un Effet Restrictif Sur Les Échanges


Intra-Européens

La mesure produit toujours un effet discriminatoire qui peut être actuel ou potentiel, direct ou indirect.

1) Un effet discriminatoire

Cet effet discriminatoire peut être apparent ou déguisé. La mesure ouvertement discriminatoire est celle qui frappe
spécifiquement ou plus lourdement les produits importés que les produits nationaux. Par exemple, une règlementation
nationale qui impose une obligation de conditionnement sur place. Elle oblige donc les producteurs étrangers à re-
conditionner leur produits, ce qui aboutit dans les faits à une interdiction totale d’importation.
L’effet discriminatoire peut être apparent ou déguisé.

Elle est déguisée en ce sens qu’elle s’applique de façon indifférenciée aux produits nationaux et aux produits importés.
Néanmoins elles peuvent créer des disparités au détriment des produits importés, et à ce titre elles seront condamnées,
à moins que l’Etat concerné ne parvienne à les justifier en invoquant l’une des raisons limitativement énumérées à
l’article 36.

Les règlementations commerciales qui paraissent concerner les seuls produits fabriqués sur le territoire
national ou même une partie de celui-ci. Même si le droit commercial ne se soucie pas du droit interne, il ne procède pas
moins à leur contrôle, afin de débusquer d’éventuelles MEE. Mais, pour qu’il y ait contrôle, pour qu’il y ait doute, encore
faut-il que la mesure en cause soit susceptible de s’appliquer aux produits importés.

Pour résumer, une réglementation nationale qui ne renferme aucun élément d’extranéité (extranéité = ne s’appliquant
que pour les produits nationaux) peut tout de même être considérées comme une MEE si :
U 4 - Droit européen matériel 15 sur 86 Cours de Lucile B.

- elle est simplement susceptible d’être appliquée aux produits importés


- elle ne concerne que les produits nationaux, de nature à favoriser leur commercialisation au détriment des produits
importés.
Exemple : 6 octobre 2011 la CJUE a qualifié de MEE la loi française de finances de 2007qui avait institué un bonus
écologique pour l’acquisition de véhicules neufs "propres", pas encore immatriculés. L’aide ne bénéficiait pas
directement aux véhicules de démonstration des concessionnaires, mais ils étaient considérés comme neufs s’ils
avaient été vendus ou loués dans les 12 mois suivant leur première immatriculation. Mais ce bonus est refusé à un
individu qui avait acheté à un concessionnaire belge un véhicule de démonstration qui pourtant remplissait toutes les
conditions requises, c'est-à-dire un véhicule peu polluant, faible kilométrage, et la première immatriculation était
intervenue 8 mois plus tôt.
Voilà les raisons : la voiture avait déjà fait l’objet d’une première immatriculation à l’étranger, et l’acheteur n’avait pas
produit un certificat d’immatriculation portant la mention "véhicule de démonstration". Il s’agit là du type de formalités
impossible puisque si les autorités belges délivrent bien un certificat d’immatriculation pour toute voiture de
démonstration, il n’est pas prévu que la mention spécifique "véhicule de démonstration" y figure, contrairement à ce qui
est exigé en France. La Cour a qualifié la règlementation française de MEE au sens de l’article 34 du TFUE, mêmes ces
exigences n’avaient pas pour objet de traiter moins favorablement les produits en provenance des autres Etats
membres.

CJUE en grande chambre 21 décembre 2011, Commission contre Autriche : la CJUE a condamné en qualifiant de
MEE l’interdiction sectorielle qui était faite à certains camions de circuler sur des portions d’autoroute autrichiennes.
Aucune justification n’a été admise.

2) Un effet actuel/potentiel, direct/indirect

Les entraves directes sont celles qui empêchent l’accès à un État membre. Par exemple, elles peuvent générer des
interdictions d’importer, en imposant des normes obligatoires, ou de commercialiser, par exemple en interdisant
certaines dénominations.

Les entraves indirectes se contentent de limiter le volume des importations sans aller jusqu’à les interdire, ou bien elles
rendent plus difficile leur promotion ou leur vente.

Enfin, la règlementation nationale peut constituer une entrave seulement potentielle, et constituer une MEE, ce qui est le
cas si le juge constate que le commerce intra-européen se serait mieux ou davantage développé en l’absence de la
mesure en cause.

Pour être condamnable, la mesure en cause doit dissuader les opérateurs économiques d’introduire certains produits ou
certaines marchandises sur le territoire d’un État membre.

C/ Des Produits Participant Au Commerce


Intra-Européen

L’Ordre juridique européen ne concerne en principe que les relations entre les Etats membres, sauf lorsqu’il va
expressément au-delà.
Il concerne, et les produits mis en libre pratique, et les produits exportés, et non plus seulement importés, d’un État
membre à l’autre.
En revanche, cet ordre juridique n’est pas affecté lorsqu’une législation nationale traite ses produits nationaux moins
bien que les produits importés des autres Etats membres.
U 4 - Droit européen matériel 16 sur 86 Cours de Lucile B.

1) Les restrictions à l’exportation dans l’UE

La jurisprudence s’est longtemps montrée plus restrictive pour qualifier une entrave à l’exportation qui relève de l’article
35 du TFUE qu’une entrave à l’importation, laquelle relève de l’article 34. Les restrictions directes à l’exportation ont
toujours pu être qualifiées de mesure d’effet équivalent, compte tenu de leur caractère manifeste, et quelle que soit leur
justification.
Par ex : L’octroi de licences d’exportations d’animaux vivants vers un autre État membre au motif qu’il subirait dans les
abattoirs de cet État un traitement non-conforme à une directive européenne. (CJCE 23 mai 1996, Hedley Lomas Ltd)
C’est une MEE.

Mais s’agissant des restrictions indirectes : la CJUE a exigé, en un premier temps, que la mesure restreigne les courants
d’exportation, établisse une différence de traitement entre le commerce intérieur d’un État membre et son commerce
d’exportation, cela dans le but d’assurer un avantage particulier à la production nationale ou un marché intérieur de
l’Etat en cause. (CJCE 8 novembre 1979, Groenvald).

Le raisonnement de la Cour a ensuite évolué. Elle a compris que l’inter-pénétration des économies nationales et
l’objectif de marché intérieur appelait une analyse globale et cohérente de toutes les entraves au commerce intra-
européen. C'est ainsi qu’elle a admis l’obligation d’embouteillage dans la région de production du vin, d’où une MEE de
restriction à l’exportation, parce que cette exigence avait pour but de préserver la réputation du vin. ==> 16 mai 2000,
Belgique contre Espagne, le vin de Rioja

Dans une autre affaire, elle a bien considéré aussi comme restriction à l’exportation une règlementation italienne qui
subordonnait l’utilisation de l’appellation d’origine "Jambon de Parme" à la condition que le tranchage et l’emballage soit
effectué dans la région de production. Mais elle l’a justifié en tant que mesure protectrice de l’appellation d’origine.

La Cour a appliqué la qualification de MEE à une réglementation qui imposait l’usage exclusif du néerlandais pour la
rédaction des factures émises par les sociétés ayant leur siège dans la région belge. Elle a considéré que cette
réglementation était une MEE. CJUE, Grande chambre, 21 juin 2016 : New Valmar .

2) La discrimination à rebours

Les seules mesures qui peuvent être qualifiées de MEERQ sont celles qui ont un lien avec l’importation ou l’exportation
de produits. C’et logique puisque les règles de la libre circulation des marchandises s’applique seulement lorsque la
règlementation en cause est susceptible de constituer une entrave au commerce entre les Etats membres.
En d’autres termes, l’article 34 du TFUE ne bénéficie qu’aux marchandises importées. Il n’a pas pour objet d’assurer que
les marchandises d’origine nationale bénéficient du même traitement que celles-ci. D’où la formule "discrimination à
rebours" qui illustre l’effet des dispositions internes qui aboutissent à l’inverse à réserver un traitement moins favorable
aux produits nationaux qu’aux produits importés.

Une législation interne peut être condamnée dans ses effets concernant les produits importés, tout en restant valable
pour les produits nationaux. A la suite d’un arrêt de la CJCE du 20 février 1985, Au blé vert, les livres importés ont pu
bénéficier d’un régime de prix libres et concurrentiels, alors que les livres qui n’avaient circulé qu’en France sont restés
soumis au régime du prix imposé, souvent plus élevé.
Le droit de l’UE ne se préoccupe pas de ce type de situations, qui relèvent du seul droit interne.
U 4 - Droit européen matériel 17 sur 86 Cours de Lucile B.

Il ne vise que les entraves au commerce intra-européen, et le principe de non-discrimination ne permet pas en matière
de libre circulation des marchandises de saisir les situations en lesquelles les produits importés sont mieux traités que
les produits nationaux.

Section Ii - L’encadrement De La
Notion De Mee

La MEE peut se présenter sous différentes formes. Néanmoins, les mesures indistinctement applicables aux produits
nationaux et aux produits importés sont plus subtiles que les autres. En principe elles ne sont pas discriminatoires, mais
elles peuvent tout de même générer des effets néfastes sur le commerce intra-européen. Par exemple, elles peuvent
rendre la commercialisation des produits importés plus difficile ou plus onéreuse, que celle des produits nationaux.
Voilà pourquoi ces mesures ont généré un contentieux important, mais surtout elles ont fait l’objet d’une évolution
jurisprudentielle.

Pour comprendre cette évolution, il faut commencer par rappeler une ancienne directive de 1969, qui n’est plus
d’actualité mais qui peut être utile en pratique parce qu’elle est susceptible de tomber sous le coup de l’article 34 du
TFUE.
A propos des mesures dites "neutres", c'est-à-dire les mesures indistinctement applicables aux produits nationaux et aux
produits importés, son article 3 cite en particulier celles qui régissent la commercialisation des produits "dont les effets
restrictifs sur la libre circulation des marchandises dépassent le cadre des effets propres d’une règlementation de
commerce". Les mesures qui régissent la commercialisation des produits sont celles qui portent notamment sur la
forme, la dimension, la composition, la présentation et le conditionnement.

On peut déduire de cette formulation que les Etats membres conservent une compétence de principe, pour édicter des
règlementations de commerce qui peuvent diverger entre elles (d’un État membre à l’autre), et c’est normal en l’absence
d’harmonisation européenne.
Ces divergences peuvent affecter les échanges, et rendre les exportations/importations plus compliquées. En revanche,
lorsque ces mêmes règlementations produisent des effets restrictifs qui vont au-delà de la gêne normale, qui dépassent
le cadre de leur effet propre, c'est-à-dire par exemple les importations vont devenir soit impossibles, soit plus difficiles ou
plus onéreuses, sans nécessité, la liberté des Etats membres est encadrée par les règles et les objectifs du traité.

Cette définition est intéressante, parce qu’elle anticipe la jurisprudence de la Cour, une jurisprudence évolutive dont le
point de départ a été l’arrêt Cassis de Dijon du 20 février 1979. (très connu).

En un premier temps, la CJCE a considéré comme MEERQ les mesures interdisant simplement certains procédés ou
certaines modalités de commercialisation, sans viser les produits en eux-mêmes. Ces mesures réduisent en effet la
demande interne, et par voie de conséquence, les flux d’importation.
Par exemple le monopole qui réserve la vente globale de médicaments au pharmacies d’officine est donc à priori celles
des médicaments importés.

CJCE, 1993, Keck et Mithouard, qui dans une certaine mesure a repris les principes énoncés dans la directive 70-50
de 1969. Les mesures précitées ne sont plus des MEE, à moins qu’elles n’affectent différemment les produits nationaux
et les produits importés.

A/ L’arrêt Cassis De Dijon De 1979


U 4 - Droit européen matériel 18 sur 86 Cours de Lucile B.

La Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel et doit se prononcer sur la compatibilité avec l’article 34 de la règlementation
allemande qui subordonnait la commercialisation des liqueurs de fruits à l’exigence d’une teneur alcoolique minimale
supérieure à celle du produit français (la liqueur de cassis de Dijon).
"En l’absence de réglementation commune, la Cour a admis le bien-fondé des règlementations nationales, relatives à la
production et à la commercialisation d’un produit qui peuvent varier d’un État à l’autre. Toutefois, leur champ
d’application ne peut être étendu aux produits importés, qu’en considération d’une exigence impérative, tenant
notamment à l’efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la protection des consommateurs,
et à la loyauté des transactions commerciales.".

A défaut d’exigence impérative, ces règlementations doivent être reconnus équivalentes, conformément au principe de
reconnaissance mutuelle. Un État ne peut donc pas interdire sur son territoire les marchandises en provenance d’autres
Etats membres, pour la seule raison qu’elles sont fabriquées selon des procédés ou des techniques différents de ceux
qu’il impose chez lui. Il suffit que la marchandise soit conforme à la réglementation de son pays d’origine, pour bénéficier
de la libre circulation des marchandises.
Un État ne peut donc pas interdire sur son territoire les marchandises en provenance d’un autre État membre pour la
raison qu’elles sont fabriquées différemment, il suffit que la marchandise soit conforme aux règles de sécurité de son
pays.

B/ Le Recentrage Opéré Par L’arrêt Keck Et


Mithouard

Le caractère extensif de la notion de MEE avait encouragé les opérateurs économiques à multiplier les recours à
l’encontre de mesures qui ne concernaient pas les échanges commerciaux, ou bien qui les concernaient mais de façon
indirecte. Ils n’hésitaient pas à invoquer l’article 34 (qui prohibe les MEE) pour contester de façon quasi-systématique
l’application de législations dont l’objet visait davantage à protéger un intérêt public, ou des préoccupations nationales à
visée sociale ou culturelle, que les courants d’échange.
C’est donc pour endiguer l’usage abusif de ces recours que la Cour a voulu encadrer le contenu et la portée de la notion
de MEE.

Messieurs Keck et Mithouard sont des responsables de supermarché en zone frontalière. Ils sont poursuivis pour avoir
revendu des produits à un prix inférieur leur prix d’achat effectif, il sont poursuivis pour avoir revendu à parte, cela en en
violation de l’ordonnance française du 1er décembre 1986, qui interdit cette pratique.
La CJCE est interrogée pour savoir si cette interdiction est compatible avec l’article 34 du traité, et elle formule une
réponse en deux points :
- Une législation étatique qui interdit de façon générale la revente à perte n’entre pas dans le champ d’application de
l’article 34, dés lors qu’elle s’applique à tous les opérateurs concernés, et qu’elle affecte de la même manière en droit
comme en fait la commercialisation des produits nationaux et celle des produits importés. La jurisprudence
Dassonville sur le whisky écossais a posé la première définition de MEE. Cependant, la Cour complète ce postulat de
base avec la distinction suivante.
- Cependant, la Cour complète avec la distinction suivante : les mesures relatives aux conditions auxquelles doivent
répondre les marchandises peuvent constituer des MEE. Celles qui sont relatives aux conditions auxquelles doivent
répondre les marchandises (étiquetage, présentation, etc…) peuvent constituer des MEE (application de la
jurisprudence Dassonville). En revanche, celles qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente échappent à
la qualification si elles sont indistinctement applicables aux produits importés et aux produits nationaux.

L’objectif de la Cour était alors dans cette affaire de préciser les contours de la notion de MEE afin de limiter les recours
abusifs. Tel était son objectif. Elle a raté son but, puisque à partir de là la notion de MEERQ est devenue plus complexe.
U 4 - Droit européen matériel 19 sur 86 Cours de Lucile B.

Tout d’abord, parce qu’elle peut soulever des difficultés quant au rattachement d’une mesure à l’une ou l’autre de ces
deux catégories qu’elle distingue. D’autre part, elle pose l’éclairage sur l’objet de la mesure, et plus seulement sur ses
effets.
Or, ceux-ci jouent toujours un rôle décisif dans la qualification.

Pour illustrer la nouvelle définition, nous allons examiner en premier lieu les dispositions qui échappent à la qualification
et donc au champ d’application de l’article 34. Il s’agit notamment :
- des dispositions qui règlementent les circonstances en lesquelles les marchandises peuvent être vendues au
consommateur.
- l’obligation de ne pas ouvrir les commerces de détail le dimanche
- règlementation du nombre maximal d’heures d’ouverture des commerces et des périodes de fermeture.
- dispositions déontologiques interdisant aux pharmaciens de faire de la publicité pour produits para-pharmaceutiques
en dehors de leur officine.
- ou encore celles qui interdisent de façon générale la vente à perte ou la revente avec une marge très réduite.
- mais encore des restrictions au démarchage, la vente avec prime, le système de distribution réservé à la vente au
détail des tabacs à des débits autorisés par la puissance publique, ou la règlementation qui réserve la vente de lait
1er âge aux seules pharmacies, etc…..

Sont considérées comme des MEE interdites, les dispositions susceptibles d’entraver le commerce de certains produits
en se rapportant à leurs caractéristiques propres. Ce serait une législation nationale qui interdit sans justification la
commercialisation de pain dont le degré d’humidité excède une certaine limite, ce qui oblige le fabricant étranger à une
fabrication différenciée, selon l’origine du produit (arrêt du 13 mars 1997, CJCE, Tommaso-Morrelato. Même histoire
avec le fois gras en 1998, Commission c/ France)

C/ L’après Keck Et Mithouard

L’apport de cette jurisprudence doit être relativisé, puisque les effets de la mesure de la règlementation nationale quant
à l’accès au marché l’emportent sur son objet. La Cour en a fait le critère essentiel d’appréciation de l’entrave, même
dans le cas de modalités de vente. Par exemple, elle a considéré qu’une loi qui interdisait la publicité pour des
médicaments non-agréés, mais régulièrement importés d’un autre État membre où ils étaient agréés, constitue une MEE
bien qu’elle se rapporte à une modalité de vente, cela en raison de la restriction potentielle du volume des importations
de médicaments qui en découlent. (10 septembre 1994, Ortscheit)
Dans des conclusions de 2009, l’avocat général Bot avait suggéré à la Cour de faire de l’accès au marché un critère
général d’application qui s’appliquerait à tous les types de règlementations.
Ce critère permettrait par ailleurs de trouver un équilibre entre les exigences liées au bon fonctionnement du marché
commun, et les compétences souveraines des Etats membres.
La Cour l’a suivi dans l’arrêt dit des "Remorques italiennes" du 2 février 2009 (Commission c/ Italie) : était en cause
une règlementation qui limitait la possibilité de tirer une remorque pour les véhicules automobiles et l’interdisait aux
motocycles.
Elle a confirmé cette jurisprudence, dans l’affaire dite des "véhicules nautiques suédois" le 4 juin 2009 (arrêt Percy
Mickelsson, R.Roos), mais elle n’a pas abandonné la jurisprudence Keck et Mithouard. Et aujourd'hui encore c’est
ainsi.

La Cour a ainsi admis que le critère de l’accès au marché puisse caractériser l’entrave, en suivant en cela les voeux de
l’avocat général, quel que soit l’objet de la mesure en cause, mais elle n’en a pas fait un critère unique d’appréciation
U 4 - Droit européen matériel 20 sur 86 Cours de Lucile B.

Chap 3 : Les Limites À La


Prohibition Des Meerq
(c’est à dire les justifications possibles).

Les Etats conservent un champ d’action, une marge de manoeuvre, en matière de circulation des marchandises. Ils
peuvent décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection des personnes à l’encontre des risques qui
pourraient dériver de l’utilisation ou de la consommation des produits.
Leur intervention à l‘encontre de produits provenant d‘autres Etats membres peut repose sur différents fondements.

Quels sont ces fondements ? C’est tout d’abord l’article 36 du TFUE, qui renferme de véritables exceptions à
l’interdiction des MEE. Ce sont ensuite les exigences impératives, qui sont d’autres exceptions identifiées pat la cour de
justice.
Distinctes des précédentes, mais similaires quant à leur régime juridique.
Enfin, ce sont certains PGD européens, qui eux aussi peuvent justifier des restrictions à la libre circulation des
marchandises.

Section I - Les Exceptions Textuelles :


Article 36 Du Tfue

Ce texte énumère de façon limitative certaines raisons, tirées de l’intérêt général, qui pourraient porter atteinte à la libre
circulation des marchandises.
Il s’agit de la moralité publique, de l’ordre public, de la sécurité et de la santé publique, de la protection des trésors
nationaux, et de la protection de la propriété industrielle et commerciale.
Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction
déguisée.

A/ Remarques Préalables Sur L’article 36

Ce texte ne peut être invoqué qu’en l’absence d’harmonisation. En principe, il est exclu lorsqu’elle a été réalisée. En
principe seulement, car le traité a retenu une clause de sauvegarde spécifique à l’article 114. Cet article autorise les
Etats à maintenir ou à édicter de façon provisoire des dispositions dérogeant à l’harmonisation européenne.
Ce texte ne peut être invoqué qu’en présence de MEE, parce q’il ne se réfère qu’aux articles 34 et 35. Il ne peut donc
pas justifier des entraves de nature tarifaire (de type TEE) ou même fiscale, d’autant plus qu’il est d’interprétation stricte.
C'est-à-dire qu’il n’autorise que les causes indiquées et c’est tout.

La mesure nationale doit être indispensable, et directement liée à l’intérêt protégé. Elle doit être aussi la moins restrictive
pour les échange et doit respecter le principe de proportionnalité ainsi que le principe de reconnaissance mutuelle.

B/ Raisons D’intérêt Général De L’article 36

1) Moralité publique
U 4 - Droit européen matériel 21 sur 86 Cours de Lucile B.

Selon l’article 36, il appartient à chaque État de déterminer les exigences de moralité publique selon sa propre échelle
de valeurs et dans la forme qu’il choisit. Par exemple, un État peut légalement interdire l’importation d’objets présentant
un caractère pornographique. ( CJCE 14 février 1979, Nhenn et Darby )
Ce faisant, il doit respecter le principe de non-discrimmination, et donc il ne peut pas s’opposer à l’importation de ce type
de produits, s’il en tolère la fabrication et la commercialisation sur son territoire. (CJCE, 11 mars 1986, Conegate)
La Cour a encore considéré que la règlementation des jeux de hasard participait des domaines en lesquels on observe
des divergences considérables entre les Etats membres, divergences d’ordre moral ou religieux, ou culturel. D’où là
encore la possibilité pour chacun de déterminer le degré de protection des intérêts en cause. (CJCE 8 septembre 2009,
Ligue portugaise de football professionnel)

2) L’ordre public et la sécurité publique

Notions difficiles à distinguer, ce sont des notions contingentes qui peuvent varier dans l’espace mais aussi dans le
temps au sein d’un même État. La mise en oeuvre de la réserve d’ordre public suppose l’existence d’une menace réelle
et suffisamment grave, qui affecte un intérêt fondamental de la société, par-delà le simple trouble social causé par toute
infraction à la loi.
Par exemple : en matière de protection de l’ordre public, la Cour a admis que le R-U puisse interdire l’exportation de
pièces de monnaie qui n’avaient plus cours et dont la fonte ou la destruction étaient interdites. (CJCE, 23 novembre
1987, Regina Thompson)
Cette mesure repose en effet sur un motif d’ordre public, à savoir la protection du droit de frappe mettant
traditionnellement en cause les intérêts essentiels d’un État.
Quant aux motifs de sécurité publique, il a été invoqué pour justifier une règlementation irlandaise, obligeant les
importateurs de produits pétroliers à s’approvisionner à hauteur d’un certain pourcentage auprès d’une raffinerie
installée sur le territoire national. L’interruption d’approvisionnement peut gravement affecter la sécurité publique. (CJCE
, 10 juillet 1984, Campus Oil Ltd). Ce même principe a été réaffirmé dans un arrêt du 25 octobre 2001, principe selon
lequel le maintien d’un stock de produits pétroliers sur le territoire national, pour garantir la continuité
d’approvisionnement, constitue bel et bien un objectif de sécurité publique.

De façon générale, la Cour a admis la justification sur ce motif d’atteintes à la sécurité intérieure et extérieure (CJCE 4
octobre 1991, Richardt), de même qu’elle a admis cette justification en matière d’atteinte à la prévention routière, et à
la règlementation de la circulation.

3) La santé publique

L’article 36 vise les dérogations nationales tendant à "la protection de la santé et de la vie des personnes et des
animaux, ou de la préservation des végétaux". Ceci est à l’origine d’un très important contentieux. En effet, les Etats
l’invoquent régulièrement lorsque leur législation en matière sanitaire ou alimentaire ou vétérinaire, est susceptible de
constituer une MEE. Par exemple, une interdiction de mise sur le marché et d’utilisation de produits contenant une
certaine substance autorisée dans d’autres Etats membres.
Justification souvent invoquée, mais sévèrement appréciée, puisque la Cour exige que les mesures en cause soient
nécessaires, et proportionnées à l’objectif poursuivi. Les Etats doivent établir l’existence d’une menace réelle pour la
santé publique, et démontrer, à la lumière des habitudes alimentaires nationales et compte tenu des résultats de la
recherche scientifique internationale, que cette règlementation est nécessaire pour protéger les intérêts dont il s’agit.

Par exemple, une législation interdisant la vente de friandises dans des distributeurs automatiques sans emballage a pu
être justifiée sur ce fondement (CJCE, 24 novembre 2005, Schwarz). Autre exemple, une législation qui accordait un
monopole de commercialisation des médicaments pharmaciens a également été justifiée sur ce fondement. (CJCE 21
mars 1991, Delattre).
U 4 - Droit européen matériel 22 sur 86 Cours de Lucile B.

De plus, la santé peut encore être protégée sur d’autres fondements : tout d’abord, c’est le cas de l‘article 35 de la
charte des droits fondamentaux, dont la valeur juridique est équivalente à celle du traité. (CJUE 6 septembre 2012,
Deutsches Weintor)
Ce texte exige qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine soit assuré dans la définition et la mise en oeuvre
des politiques et actions de l’Union.

Tel est le cas du principe de précaution : la Cour a récemment précisé l’étendue du pouvoir d’appréciation des Etats
membres, pour la mise en oeuvre de ce principe, dans le domaine des denrées alimentaires. (CJUE 19 janvier 2017,
affaire Queisser Pharma, voir commentaire à la revue Europe, mars 2017, n°107).
Cet arrêt indique que la conformité d’une règlementation nationale en matière de sécurité alimentaire avec le règlement
178-2002 (lequel règlement qui a notamment institué l’autorité européenne de sécurité des aliments), suppose que le
droit national respecte les principes généraux liés à l’analyse des risques et au principe de précaution.

L’analyse des risques se fait en 4 étapes : l’identification des dangers, leur caractérisation, évaluation de l’exposition, et
caractérisation des risques.

Le principe de précaution est d’abord devenu un PGD européen, ce qui explique qu’il puisse être invoqué en tant que tel
en dehors des textes qui le visent expressément. Il permet de déterminer les conditions dans lesquelles le législateur
peut adopter des mesures visant à protéger la santé des consommateurs, ces mesures étant susceptibles, au regard
des incertitudes scientifiques, d’être associée à l'utilisation d’un produit ou d’un service.

4) La protection des trésors nationaux

Dans son arrêt "oeuvres d’art" de 1968, la CJCE a considéré que les biens artistiques étaient des marchandises
soumises à la libre circulation. Mais là encore, il faut concilier cette libre circulation avec l’impératif de protection du
patrimoine artistique, historique, et archéologique.
Les Etats peuvent définir eux-mêmes leurs trésors nationaux et prendre eux-mêmes les mesures nécessaires à leur
protection dans le marché intérieur. Pour cette évaluation ils disposent :
- d’un règlement concernant l’exportation des des biens culturels hors-UE. (Règlement du 18 décembre 2008)
- d’une directive de 2014 relative à la restitution des biens culturels classés comme trésors nationaux, qui ont quitté de
manière illicite le territoire d’un État membre. Cette directive a mis en place une coopération administrative pour
l’ensemble des biens culturels, et elle organise une procédure judiciaire de restitution pour ceux de ses biens qui ont
la qualité de trésors nationaux.

5) La protection de la propriété industrielle et commerciale (la PIC)

L’article 36 du TFUE ne vise que la protection de la propriété industrielle et commerciale, laquelle recouvre les brevets,
marques, appellations d’origine, dessins et modèles. Mais la CJUE, qui se flatte souvent de retenir ses propres
définitions, y inclut aussi la propriété littéraire et artistique, c'est-à-dire le second volet de ce qu’il est convenu d’appeler
la propriété intellectuelle.

L’article 36 ne vise que la propriété industrielle et commerciale. Mais des affaires devant la CJCE ont aussi mis en cause
d’autres droits, comme des droits de perception (pour musiques qui passent en nightclub). Il n’existe pas de véritable
législation européenne d’ensemble concernant la PIC (propriété industrielle et commerciale). Il n’y a que quelques textes
épars.

Puisqu’il n’existe pas de législation, la PIC est régie par les législations nationales, ce qui soulève un véritable problème.
En effet, ces législations de façon générale accordent au titulaire de la PIC des prérogatives qui heurtent de plein fouet
les deux grands principes de droit européen que sont la libre circulation des marchandises et la libre concurrence.
U 4 - Droit européen matériel 23 sur 86 Cours de Lucile B.

Par exemple, une marque nationale ou un brevet peut donner à son propriétaire un monopole d’exploitation sur le
territoire national. Le monopole heurte le principe de libre concurrence.

La Cour de justice s’est donc efforcée de trancher le dilemme, afin de reconnaître et de sauvegarder les monopoles
reconnus par les ordres nationaux, tout en évitant qu’il crée un obstacle absolu aux échanges entre les Etats membres.
Pour ce faire, elle a érigé une construction qui s’est développée sur plus de 20 ans. Surtout, dans le cadre de cette
construction, elle a eu recours à deux notions particulières, qui sont l’objet spécifique et l’épuisement des droits.

a) l’objet spécifique

Selon la CJUE, chaque droit de PI possède un objet spécifique qui limite l’étendue du monopole conféré au titulaire au
regard des impératifs de libre circulation et de libre concurrence. Cet objet spécifique représente en quelque sorte ce
qu’on a pu appeler le "noyau irréductible de légitimité européenne". On pourrait aussi dire tout simplement le "noyau dur
du droit de PI", c'est-à-dire l’essentiel de ce droit, au-delà duquel on ne peut pas aller.
Il s’agit d’éviter qu’un signe, comme une marque par exemple, ou un dessin, ou une technique, soit indisponible au point
de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur, cela au détriment du développement
économique. Chaque droit de PI a une propriété spécifique, mais globalement ça revient toujours un peu à la même
idée : dés lors qu’un produit protégé est mis sur le marché d’un État membre par son titulaire ou avec son
consentement, et une fois que ce produit a été mis sur le marché ainsi, ce titulaire ne peut plus s’opposer à la libre
circulation de ce produit dans l’UE.
En gros, le titulaire d’un droit de PI peut mettre lui-même le produit en question sur le marché pour la première fois. Mais
au-delà, il ne pourra plus s’opposer à la libre circulation de ce produit dans l’UE.

b) L’épuisement des droits

La théorie de l’épuisement des droits prolonge la précédente (l’objet spécifique), puisque le droit exclusif du titulaire d’un
des pays n’est plus invocable après la première mise en circulation du produit.
Un commerçant décide de vendre son produit en Chine, lui est dans l’UE. Il a vendu son produit au Canada, mais il est
protégé dans l’UE. Il pourra s’opposer à ce que ses produits qui viennent de l’extérieur reviennent dans l’UE parce qu’il
a le monopole pou la première mise sur le marché dans l’UE.
Cette théorie veut dire que une fois que le titulaire a utilisé son monopole (c'est-à-dire une fois qu’il a mis son produit sur
le marché européen pour la première fois), à partir de là il a épuisé son droit. Une fois qu’il a mis son produit sur le
marché, c’est terminé.
Il doit supporter les conséquences de cette 1ère mise en circulation, et il ne peut donc plus contrôler ou empêcher la
circulation ultérieure de son produit. On dit qu’il a épuisé son droit et ne pourra plus utiliser son monopole pour
empêcher la circulation du produit dans l’UE. Ce produit pourra être librement importé et commercialisé par un tiers,
dans un autre État membre. En particulier, elle ne joue pas concernant les produits mis en circulation en-dehors de l’UE;
ou encore, dans le cas d’une importation dans l’UE d’un produit contrefait ou contrefaisant.

Cette utilisation des règles nationales n’est valable que lorsqu’il n’y a pas encore eu d’harmonisation. Lorsqu’une
harmonisation a eu lieu, le maintien des législations nationales en matière de PI ne se justifie plus.
Tel est le cas de la marque, qui faisait déjà l’objet d’une directive depuis 2008. Néanmoins, le Parlement européen a
adopté en 2015 un projet de réforme du droit des marques, que l’on appelle le "paquet marques". L’idée était
d’harmoniser et de moderniser le droit des marques dans l’UE. Le projet comportait à ce titre non seulement la refonte
de la directive de 2008, mais encore la révision du règlement de 1993 et du règlement de 2009 sur la marque
communautaire. La marque communautaire est l’un des rares titres proprement européens, qui ne se substitue pas à la
marque nationale, mais coexiste avec elle.

Avec le nouveau règlement n°215-2424, qui remplace les deux règlements précités depuis le 23 mars 2016, la marque
communautaire est devenue marque européenne.
U 4 - Droit européen matériel 24 sur 86 Cours de Lucile B.

Une nouvelle directive, n°2015-2436 qui remplace celle de 2008, et qui prévoit un régime harmonisé applicable aux
différentes marques nationales. Cette directive est entrée en vigueur le 13 janvier 2016.
Les dessins et modèles sont eux aussi protégés par un titre européen, issu d’un règlement du 12 décembre 2001 :
dessins et modèles communautaires.

Enfin, le Parlement européen et le Conseil ont adopté deux règlements en décembre 2012, l’un relatif à la création du
"Brevet Européen à Effet Unitaire" (BEEU), l’autre relatif au régime de traduction de celui-ci. De plus, un "accord pour la
création d’une juridiction unifiée en matière de brevets" a été ratifié le 19 février 2013. Depuis, tout inventeur peut
demander à un office spécial, l’office européen des brevets qui existait déjà depuis longtemps, qui lui assurera une
protection dans les 25 Etats membres participants au règlement. Il s’agit ici d’un des rares exemples de coopération
renforcée.
Là encore, les brevets européens ne remplacent pas les brevets nationaux, tout comme la marque européenne et les
dessins et modèles communautaires. Il ne constitue donc qu’une option supplémentaire pour les inventeurs.

C/ Les Conditions D’application De L’article


36

Les dérogations issues de l’article 36 peuvent donc justifier une mesure distinctement applicable, c'est-à-dire une
mesure qui ne concernerait que les produits importés. De plus, le paragraphe 2 de l’article 36 retient deux conditions
d’application qui lui sont propres : il s’agit de l’absence de discrimination arbitraire + l’absence de restriction déguisée
dans le commerce entre les Etats membres.

L’absence de discrimination peut paraitre curieuse, puisque une règlementation nationale qui ne s’applique qu’aux
produits importés ou exportés, a nécessairement un caractère arbitraire. Cependant, une jurisprudence récente a
banalisé la discrimination, laquelle est établie dés que la législation en cause pénalise directement ou indirectement les
produits importés. Par exemple elle empêchera leur commercialisation en les soumettant à un contrôle phytosanitaire
systématique, alors que des contrôles comparables ne sont pas effectués sur les produits nationaux de même catégorie.

Ensuite, la mesure ne doit pas représenter une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres : tel est
le cas lorsque le but poursuivi, sous couvert de protection de la santé, est d’empêcher les importations en provenance
d’autres Etats membres.
Dans l’affaire dite des Dindes de Noel, un contrôle systématique était pratiqué au R-U sur les dindes françaises,
prétendument pour des raisons de santé publique, afin de détecter la présence de salmonelle. Mais la CJUE a identifié
le but réel de la mesure, qui était de ralentir l’importation de ces marchandises, et d’empêcher leur vente, à une période
cruciale de l’année. ==> 15 juillet 1982, Commission c. R-U

Section Ii : Les Limites


Jurisprudentielles : "Les Exigences
Impératives"

L’article 36 ne peut être invoqué que pour des mesures discriminatoires à l’égard de produits importés. A l’inverse, les
exigences impératives justificatrices ne sont admises en principe que pour les mesures indistinctement applicables aux
produits importés et aux produits nationaux.
U 4 - Droit européen matériel 25 sur 86 Cours de Lucile B.

La reconnaissance de motifs non prévus dans le traité pour justifier des obstacles à la libre circulation des marchandises
trouve son fondement dans un arrêt célèbre : l’arrêt Cassis de Dijon du 20 février 1979. L’idée contenue dans cette
jurisprudence était la suivante : une restriction, une entrave, à la libre circulation des marchandises, peut ne pas être
illicite si elle s’avère justifiée par une raison d’intérêt général, c'est-à-dire par une exigence impérative.

Pour admettre des justifications non-inscrites dans le traité, la CJUE dans un premier temps a expliqué qu’elle
complétait la définition des MEE en leur apportant un élément d’appréciation supplémentaire. Il ne s’agissait donc pas
d’un ajout au traité.
En d’autres termes, la qualification d’une mesure restrictive en exigence impérative n’avait pas pour objet de racheter
une mesure intrinsèquement illicite. Tout simplement, elle marquait son absence d’illicéité fondamentale.

Ensuite, la Cour a modifié son angle d’approche, qui est toujours d’actualité aujourd’hui.
1. Elle commence par qualifier la mesure, en se fondant sur la jurisprudence Dassonville (whisky écossais).
2. S’il en résulte une MEE, elle examine alors les motifs qui pourraient la justifier, qu’ils soient tirés de l’article 36 ou de
sa jurisprudence sur les exigences impératives.
3. Si la Cour admet que la mesure restrictive aux échanges est justifiée par une exigence impérative, cette mesure
devient licite, et elle ne peut plus être qualifiée de MEE. Elle échappe donc aux applications de l’article 34, qui les
interdit.

L’appréciation est différente à l’égard des dérogations textuelles de l’article 36. La mesure est bien qualifiée de MEE,
mais elle et justifiée, précisément au regard des intérêts défendus par ce texte.

A/ Les Conditions D’application De La


Théorie Des Exigences Impératives

Selon la CJUE, les Etats membres ne sont pas libres de déterminer eux-mêmes les raisons d’intérêt général admises
par le droit de l’UE.

Conditions :
- Le recours des exigences impératives n’est admis qu’à défaut d’harmonisation européenne. C’est en effet "en
l’absence d’une réglementation commune de la production et de la commercialisation d’un bien " que la jurisprudence
Cassis de Dijon peut être invoquée. Mais il faut également réserver l’application de l’article 114 du TFUE, qui autorise
certaines dérogations même en cas d’harmonisation.
- La mesure en cause ne doit pas être discriminatoire, c'est-à-dire elle doit être indistinctement applicable aux
produits nationaux et aux produits importés.
- Elle doit être objectivement nécessaire à la satisfaction de l’intérêt en cause et elle doit être proportionnée, ce qui
signifie que les atteintes à la libre circulation qui en résultent ne doivent pas être excessives, par rapport au but
poursuivi.
- Enfin, les exigences nationales doivent impérativement prendre en compte les mesures édictées dans l’Etat
d’origine de la marchandise, mesures qui concourent à la satisfaction du même intérêt général.

Si toutes ces conditions sont remplies, l’Etat peut refuser la mise sur le marché national d’un produit étranger, même si
ce produit a déjà subi des contrôles et a obtenu des autorisations dans son pays d’origine. C’est seulement si le niveau
de protection ainsi obtenu dans le pays d’origine à celui qu’impose la législation nationale qu’il sera tenu de l’accepter.

Revenons au principe de proportionnalité : il a d’abord été posé par la jurisprudence, avant de devenir un principe
général expressément consacré par le traité. L’affaire de la loi allemande (Date ?? 12 mars 1987, Commission contre
Allemagne, CJCE ==> à vérifier) sur la pureté de la bière a permis à la Cour de synthétiser cette jurisprudence en
U 4 - Droit européen matériel 26 sur 86 Cours de Lucile B.

matière de libre circulation des marchandises. Cette loi réservait la dénomination de bière aux boissons élaborées à
partir de certains éléments de fabrication seulement.
De plus, elle frappait les bières comportant des additifs d’une interdiction absolue de commercialisation. Sur le premier
point, la Cour a considéré que la protection du consommateur pouvait être assurée autrement, notamment par un
étiquetage adéquat. Il lui donne en effet une information objective sur le contenu et sur le mode de fabrication du produit,
si bien qu’il peut choisir en connaissance de cause.
La cour en a conclu : La loi nationale ne doit pas servir à "cristalliser" les habitudes des consommateurs, et à préserver
les avantages acquis par les industries nationales, qui se sont adaptées pour les satisfaire.
Sur le second point (les additifs), la cour a estimé que la disposition allemande était excessive, et c’est ainsi qu’elle a
précisé :
- qu’une interdiction doit être limitée à ce qui est effectivement nécessaire, compte tenu des travaux internationaux et
des normes en vigueur, dans l’Etat membre de production.
- cette interdiction, si elle existe, doit être assortie d’une possibilité de dérogation, avec, en cas de refus, la possibilité
d’un recours juridictionnel.
- la nécessité de cette interdiction doit être démontrée par l’Etat d’importation qui supporte ainsi la charge de la preuve.

Arrêt de la Cour du 5 février 2004, Commission Contre France : il s’agissait d’une procédure d’autorisation de denrées
alimentaires enrichies en substances nutritives, qui n’était pas transparente et peu compréhensible ou accessible pour
les opérateurs étrangers.

B/ Le Contenu De La Catégorie Des


Exigences Impératives

Dans l’arrêt Cassis de Dijon, la Cour n’avait mentionné que 4 exigences impératives, qui permettaient de rejeter la
qualification des MEERQ. Il s’agissait notamment de l’efficacité des contrôles fiscaux, de la protection des
consommateurs, loyauté des transactions commerciales

La première (contrôles fiscaux) n’a jamais été invoquée après l’arrêt Cassis de Dijon. En revanche, les deux suivantes,
sont très souvent invoquées comme moyen de défense par les Etats membres. Mais la Cour en admet rarement le bien-
fondé, en considérant que ces objectifs peuvent le plus souvent être atteints par des moyens moins restrictifs qu’une
limitation directe ou indirecte des importations. Par exemple, dans l’affaire de Cassis de Dijon, le Gouvernement
allemand tentait de justifier sa règlementation par des impératifs notamment de protection des consommateurs. La Cour
les a rejetés, en les jugeant disproportionnés, une simple information pouvant y suffire (par le biais par exemple d’un
étiquetage adéquat).

Il est donc possible d’invoquer, au titre des exigences impératives, l’amélioration des conditions de travail, la protection
de l’environnement, des motifs d’ordre culturel, le maintien de pluralisme de la presse, la protection de la sécurité
routière, ou la protection de l’enfance, la lutte contre la criminalité, etc.
A propos des motifs d’ordre culturel, on a comme exemple la protection du cinéma qui a été admise, en tant qu’exigence
impérative, pour justifier la législation française interdisant la commercialisation en vidéo-cassette de films sortis depuis
moins d’un an, bien qu’il s’agisse d’une restriction indirecte aux importations de films vidéo étrangers. (CJCE 11 juillet
1985, Cinetech SA et autres).
Voir revue Europe janvier 2012, article p.6 qui s’appelle "que reste-t-il des exigences impératives d’intérêt général ? "

Iii - Dérogations Issues Des Pgd


U 4 - Droit européen matériel 27 sur 86 Cours de Lucile B.

A/ Le Principe De Précaution

Ce principe été élevé au rang de PGD par un arrêt du TPI (qui a changé de nom) Arte Godam du 26 novembre 2002.
Comme il est devenu un PGD, à ce titre, il s’ensuit qu’il peut être invoqué en-dehors des textes qui le visent
expressément.
Voir également l’arrêt de 2003, TPI, Laboratoire Servier, qui a confirmé l’obligation de retrait d’une ANM (autorisation
de mise sur le marché) par un État membre en présence de données nouvelles permettant de douter de l’innocuité et/ou
de l’efficacité du médicament, sur le fondement du principe de précaution.

Alors qu’il n’était visé dans le traité qu’à propos de l’environnement (article 191 TFUE), il a connu un développement
jurisprudentiel important en matière de santé publique. Il se traduit ainsi : Un risque réel ou supposé pour la santé des
individus peut être utilement invoqué pour empêcher l’accès d’une marchandise au marché national. (voir encore
jurisprudence Laboratoire Servier)
Le juge doit donc trouver l’équilibre entre, d’une part, le respect des préoccupations légitimes des Etats membres en la
matière, et d’autre part la sanction d’abus qui pourrait en résulter.

Il a été invoqué pour al première fois dans l’affaire de la Vache Folle (5 mai 1998, R-U contre Commission). Selon la
CJCE, lorsque des incertitudes scientifiques subsistent quant à l’existence d’un risque pour la santé humaine, les
instituions communautaires peuvent prendre les mesures de protection nécessaires, sans attendre que la réalité et la
gravité de ces allégations soit pleinement démontrée.
Les conditions d’application du principe ont été précisées dans une communication de la Commission de 2000, puis
reprises par le tribunal et la cour de justice selon un schéma-type, en 3 étapes.
Il s’agit :
- de déterminer la réalité du risque.
- de contrôler les mesures adoptées par l’Etat membre ou les instances européennes
- de vérifier la proportionnalité de ces mesures, entre les atteintes portées au marché et l’objectif poursuivi
Selon la Cour, le risque ne doit pas être hypothétique seulement (9 septembre 2003, arrêt Monsanto à propos de
produits génétiquement modifiés). Il doit être suffisamment établi, sur la base des données scientifiques les plus
récentes, et de cette appréciation soit découler un grand degré d’incertitude scientifique et pratique.

B/ Le Respect Des Droits Fondamentaux

C’est en 2003 que la Cour a fait appel pour la 1ère fois au respect des droits fondamentaux garantis par la ConvEDH.
(arrêt Schmidberger du 12 juin 2003). Cette jurisprudence a été confirmée dans des arrêts plus récent.
Il s’agit là d’un intérêt légitime de nature à justifier une restriction aux obligations imposées par le droit européen, même
s’il s’agit d’une liberté fondamentale garantie par le traité, telle que la libre circulation. Le respect de ces droits s’impose
en tant que PGD tant à l’UE elle-même qu’à ses Etats membres. Mais là encore, il faut mettre en balance les intérêts en
présence afin de vérifier si les restrictions imposées sur le fondement du respect des droits fondamentaux sont
proportionnées au but poursuivi (à savoir la protection des droits fondamentaux).
U 4 - Droit européen matériel 28 sur 86 Cours de Lucile B.

Section Iv - L’action Préventive


Contre Les Restrictions À La Libre
Circulation Des Marchandises

Cette action peut prendre une forme contentieuse à travers le recours en manquement, qui oblige l’Etat
responsable à faire disparaître toutes les traces de l’illécéité. Par ailleurs, la procédure de renvoi préjudiciel en
interprétation contribue à l’élimination des entraves de toute sorte grâce d’une part à une meilleure application des
dispositions européennes, et d’autre part à l’autorité quasi-absolue qui est reconnue aux arrêts préjudiciels. Ceci dit la
procédure est très longue.
De plus, dans le cadre du recours en manquement, la sanction est tardive et elle n’intervient qu’à posteriori.

Voilà pourquoi le législateur européen a cherché des instruments non-contentieux pour prévenir les obstacles à la libre
circulation des marchandises, ou pour y remédier de manière définitive.
Par exemple, l’harmonisation des législations, instrument privilégié pour éliminer les disparités entre les règlementations
nationales, qui créent des entraves à la libre circulation des marchandises.
C’est aussi la création d’instruments propres à prévenir les entraves aux échanges, instruments dont l’UE s’est dotée, à
savoir des instruments d’information, d’alerte et de contrôle. (Pour en savoir plus, se reporter au livre "le droit du marché
intérieur", p.93 à 106, de mme Valdeiron)

Titre 2 : La Libre Circulation Des


Personnes
U 4 - Droit européen matériel 29 sur 86 Cours de Lucile B.

Cette liberté est parallèle à la liberté de circulation des marchandises. Elle a connu une évolution profonde
grâce au traité de Maastricht, à de nombreux textes de droit dérivé, et à la jurisprudence, qui ont permis d’identifier deux
types de libertés : il y a tout d’abord la liberté des agents économiques (les gens qui travaillent, ce sera le Chap.1), et
celle des individus exercée à des fins personnelles en-dehors de toute motivation économique (ce sera le Chap.2).

Chap 1 : La Mobilité À Des Fins


Professionnelles

Le traité initial de Rome était un traité économique. Il reconnaissait aux ressortissants européens quels qu’ils soient
(personnes physiques ou morales, salariées ou pas), le droit de circuler et de séjourner sur le territoire de tous les Etats
membres. Le principe de non-discrimination à raison de la nationalité justifie ce droit. Ce principe impose aux autorités
nationales l’égalité de traitement, entre les nationaux et les ressortissants des autres Etats membres. Les personnes
concernées étaient donc uniquement envisagées à travers leur activité professionnelle, cela sous 3 angles différents,
que l’on retrouve dans le TFUE.
- L’exercice salarié d’une activité transfrontière, c'est-à-dire une activité exercée dans un autre État membre que l’Etat
d’origine du travailleur. Ici, est concernée la libre circulation des travailleurs (article 45 à 48 du TFUE).
- La réalisation d’une prestation de services transfrontière, visée aux articles 56 à 62,
- et L’établissement dans un autre État membre en tant que travailleur indépendant, ou en tant que société : articles 49
à 54 du TFUE.

Section I - La Liberté Professionnelle


Des Salariés

A/ L’accès À L’activité Salariée

Selon l’article 45 du TFUE, tout travailleur bénéficie du droit de circuler sur le territoire de l’Union, et d’accéder librement
aux emplois salariés. Déjà la CJCE a défini le travailleur salarié : c’est celui qui effectue pour une autre personne, sous
la direction et l’autorité de laquelle elle se place, des prestations effectives en échange d’une rémunération. (CJCE 3
juillet 1986, Lawrie-Blum) La notion de travailleur est une notion autonome en droit européen. Cela signifie qu’elle ne
peut pas revêtir un sens variable selon les droits nationaux. Elle est interprétée de façon extensive par la jurisprudence
européenne.

L’accès à l’emploi du travailleur migrant, celui qui vient d’un autre État membre, sous-tend d’emblée la mise en oeuvre
d’une égalité de traitement. Cette égalité implique qu’il soit traité de la même façon que le travailleur national, en ce qui
concerne les conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, de réintégration
professionnelle ou de réemploi s’il est au chômage (article 45 paragraphes 2 et 3 du TFUE).
Lors du dernier élargissement, les Etats membres ont été autorisés à restreindre l’accès à l’emploi des travailleurs
provenant des nouveaux Etats membres pour une période maximale de 7 ans. Ce régime concernait les bulgares et les
roumains jusqu’au 31 décembre 2013.
U 4 - Droit européen matériel 30 sur 86 Cours de Lucile B.

B/ Les Droits Reconnus Au Travailleur


Salarié

Le ressortissant de l’Union bénéficie de la liberté professionnelle et d’un certain nombre de droits, initialement reconnus
dans les traités fondateurs, puis développés ensuite par les textes de droit dérivé. Ces droits constituent les règles de
fond de la liberté professionnelle.
De façon générale, il s’agit de l’accès à l’emploi, de l’égalité de traitement, et de l’égalité dans le bénéfice des avantages
sociaux.

1) L’accès à l’emploi

La libre circulation des personnes implique le droit de répondre à des emplois effectivement offerts dans un autre État
que celui dont le travailleur est issu. Une fois recruté, il a le droit d’exercer cet emploi conformément aux dispositions
régissant l’emploi des travailleurs nationaux. Le règlement 492-2011 du 5 avril 2011 sur la libre circulation des
personnes a relayé cette règle de base en accordant aux ressortissants de l’UE les mêmes droits que ceux accordés
aux nationaux, sur ce point précis : l’accès à l’emploi.
La CJCE distingue cependant, entre les ressortissants des Etats membres qui n’ont pas encore travaillé dans l’Etat
membre d’accueil où ils recherchent un emploi, et ceux qui y travaillent déjà. De plus on assimile ceux qui ont déjà
travaillé dans l’Etat en question mais ne se trouvent plus dans un état de travail (ils sont donc au chômage, mais dont
partie de la deuxième catégorie).

Les premiers cités bénéficient de l’égalité de traitement pour l’accès au travail. Mais en principe ils ne peuvent pas
prétendre aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les nationaux, au contraire des seconds. Toutefois, en
combinant les dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs, et les principes liés à la citoyenneté
européenne, la Cour de Justice a pu considérer que l’allocation de recherche d’emploi pouvait être étendue à tous les
citoyens européens, qu’ils aient travaillé ou pas (arrêt du 23 mars 2004, Collins)

L’accès à l’emploi a été étendu à certaines catégories de ressortissants de pays tiers par diverses directives. Il s’agit des
bénéficiaires du regroupement familial (en vertu de directives de 86 et de 2003), des résidents de longue durée
(directive de 2003), des bénéficiaires du statut de réfugié (directive de 2004), et sous certaines limites, des demandeurs
d’asile (directive de 2003).
Par ailleurs, la directive dite "carte bleue" établit les conditions d’entrée et de séjour spécifique des ressortissants de
pays tiers pour tenir des emplois hautement qualifiés, cela afin de faciliter l’immigration économique. Pour ces
personnes, il existe une procédure accélérée pour leur permettre d’obtenir une carte de séjour et un permis de travail
spécial (directive de 2009).

2) L’égalité de traitement

Dans tous les cas, le ressortissant d’un État membre, quel qu’il soit, bénéficie de l’égalité de traitement pour l’exercice
de son activité professionnelle dans tout autre État membre que le sien. Cela veut dire tout d’abord qu’il ne peut pas être
soumis à des obligations qui ne pèsent ps sur les nationaux, et ensuite qu’il peut prétendre à tous les avantages
accordés aux nationaux qui exercent la même activité que lui. La liberté professionnelle repose ainsi sur le principe de
non-discrimination entre le ressortissant européen et le ressortissant national, qui est l’autre face du principe de l’égalité
de traitement.
A l’origine, le traité ne visait que les discriminations fondées sur la nationalité. Mais la catégorie s’est peu à peu étendue,
et la Cour cite régulièrement "toute forme dissimulée de discrimination qui, par application d’autres critères de
distinction, aboutissent en fait au même résultat". (voir CJCE 12 février 1974, Sotigiu, et CJCE 23 février 1994,
Scholtz)
U 4 - Droit européen matériel 31 sur 86 Cours de Lucile B.

De nombreuses directives ont consacré le principe d’égalité de traitement dans l’accès à l’emploi, par exemple, entre
hommes et femmes.
Elles ont aussi retenu, de façon générale, l’interdiction des discriminations directes ou indirectes, fondées sur la race ou
l’origine ethnique, ou sur des raisons liées à la religion ou aux convictions ou aux handicaps, ou à l’âge, ou à
l’orientation sexuelle du demandeur d’emploi.
La Cour a par ailleurs rendu de nombreux arrêts liés à l’application du principe de non-discrimination dans des situations
mettant en cause l’âge du salarié. (arrêt CJUE 12 janvier 2010, Wolf)

L’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux s’étend aux conditions d’emploi et notamment de rémunération, de
licenciement, de réintégration et de formation. Elle s’étend aussi aux droits syndicaux, y compris le droit de participer
aux élections, au sein d’organismes tels que par exemple les chambres professionnelles. En effet, bien qu’il ne s’agisse
pas de chambres syndicales, elles exercent des fonctions analogues de défense et de représentation et intérêts des
travailleurs.
Cette égalité de traitement peut cependant générer des effets pervers. Dans une affaire de 2017, CJUE 2 mars 2017
Eschenbrenner, (commentaire revue Europe mai 201, n°179), un travailleur frontalier français contestait les modalités
de calcul de l’indemnité d’insolvabilité allemande, en ce qu’elle serait discriminatoire ou contraire à la libre circulation
des travailleurs. Le problème était la prise en compte fictive de l’IR allemand, lors du calcul du montant de l’indemnité,
laquelle est analysée comme un avantage social au sens du règlement 492-2011 (ce règlement impose le même
traitement pour les travailleurs frontaliers et les travailleurs nationaux, les premiers devant bénéficier des mêmes
avantages que les seconds).
La Cour de justice a considéré que l’égalité de traitement dans cette affaire n’empêche pas qu’un ressortissant puisse
subir des conséquences défavorables résultant des seules disparités entre les barèmes d’imposition.

3) L’égalité dans le bénéfice des avantages sociaux

La Cour de Justice retient une définition large de la notion d’avantages sociaux. Ce sont les "avantages qui, liés ou non
à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux en raison principalement de leur qualité
objective de travailleur, ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs
ressortissants d’autres Etats membres, apparait dés lors comme de nature à faciliter leur mobilité à l’intérieur de la
communauté". (CJCE, 30 septembre 1975, Cristini)
L’avantage social n’est donc pas nécessaire lié à un contrat de travail. Il renferme aussi les avantages liés à la
résidence, dés lors que leur application aux travailleurs migrants peut faciliter leur libre circulation. Il peut s’agit par
exemple des indemnités funéraires britanniques (CJCE 23 mai 1996, O’Flynn), il peut s’agir de conditions
préférentielles dans le transport (affaire Cristini), de l’octroi de prêts sans intérêts par un organisme public lors de la
naissance d’un enfant dans une famille à faible revenus (CJCE Reina du 14 janvier 1982), d’allocations de naissance
ou de maternité, ou encore d’aides à la formation ou à l’éducation, dés lors que la formation suivie peut contribuer à la
promotion sociale de celui qui la reçoit (CJCE Raulin du 26 février 1992)

Plus récemment, la Cour a considéré que le refus de prise en compte des activités pertinentes accomplies pour un autre
employeur, à propos de l’avancement du salarié, était une entrave à la libre circulation des travailleurs. C’est une affaire
CJUE du 5 décembre 2013, (nom allemand très long), affaire C-514/12, voir revue Europe de février 2014,
commentaire n°69.
Ont encore été considérées comme entraves injustifiées : la règlementation qui fait perdre rétroactivement au
fonctionnaire démissionnaire tout droit au bénéfice du régime de pension des fonctionnaires. CJUE 13 juillet 2016,
Popperl. Egalement, a été considérée comme entrave injustifiée la règlementation fiscale luxembourgeoise qui exclut
du bénéfice du crédit d’impôt attribué aux pensionnés (les contribuables titulaires de pensions acquises dans d’autres
Etats membres) : CJUE 26 mai 2016, Kohll et Kohll Schlesser.
U 4 - Droit européen matériel 32 sur 86 Cours de Lucile B.

Autre exemple, est une entrave injustifiée à la libre circulation des travailleurs la législation chypriote sur les droits à la
retraite, dans la mesure où elle désavantage les fonctionnaires ayant quitté Chypre avant l’âge de 45 ans, par rapport à
ceux qui ne se déplacent pas : CJUE 21 janvier 2016, Commission c. Chypre
Est encore une entrave injustifiée la règlementation française prévoyant un droit d’option entre les régimes de pension
français et ceux de l’Union, pour les fonctionnaires détachés : CJUE 6 octobre 2016, Jean-Michel Adrien et autres
contre Premier Ministre.

Cela étant, la Cour admet que les Etats membres puissent poser des conditions afin de vérifier l’existence d’un lien
d’intégration suffisant, entre le demandeur (d’allocation par exemple) et le marché géographique du travail en cause.
Une condition de résidence peut être admise tant qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre
l’objectif poursuivi et qu’elle est proportionnée au but recherché. La Cour a ainsi admis que l’octroi de l’aide puisse être
subordonné à une condition de résidence minimale déterminée, de 5 ans (20 juin 2013, CJUE, Giersch)

Mais plus récemment elle a considéré que la législation luxembourgeoise subordonnant l’octroi d’une bourse
d’enseignement à un étudiant à une durée ininterrompue de travail de 5 ans de son parent travailleur transfrontalier
contrevenait aux exigences de l’Union, cette condition n’étant pas prévue pour les étudiants résidant sur le territoire
luxembourgeois. (CJUE 14 décembre 2016, Braganca Linares Verruga)

Enfin, le droit de l’Union laisse subsister les différents régimes de sécurité sociale des Etats membres. Chacun reste
compétent pour déterminer les conditions d’octroi des prestations sociales aux personnes qui travaillant sur son
territoire, mais toujours sous réserve de ne pas établir de discrimination. Par exemple, une législation qui subordonne le
versement des allocations familiales à la résidence des enfants sur le territoire en cause, introduit une différence de
traitement entre les travailleurs, selon qu’ils ont fait ou pas usage de leur droit à leur libre circulation. CJCE 30 janvier
1997, Stober et Pereira.
Cela signifie à contrario que les ressortissants de l’UE peuvent prétendre aux allocations familiales dans l’Etat membre
d’accueil, même lorsque leurs enfants résident à l’étranger.
Néanmoins, il existe un règlement 883-2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité
sociale, dont le règlement d’application est entré en vigueur le 1er mai 2010.

Section Ii - L’activité Économique


Indépendante : Liberté
D’établissement Et Libre Prestation
De Services

La liberté de s’établir dans un autre État membre pour y exercer des activités est différente de celle qui consiste à
proposer des services qui résident dans un autre État membre. Mais ces deux notions se recoupent sur certains points.
Elles sont soumises à certaines règles communes, par exemple l’article 62 du TFUE en matière de services, renvoie
purement et simplement à diverses dispositions importantes relatives à la liberté d’établissement. Ces deux ôtions
concurrent au même objectif : décloisonner le marché commun pour l’exercice des activités économiques. Elles
s’appuient l’une sur l’autre, en effet créer un établissement dans un autre État membre, n’est pas seulement l’illustration
de la liberté de s’établir. C’est aussi une nouvelle base, à partir de laquelle des services pourront être offerts au-delà des
frontières à tous les ressortissants européens. D’ailleurs, il ne peut pas y avoir de libre prestation de service sans
établissement dans l’UE.
Ces deux libertés concernent et les personnes physiques et les personnes morales.
U 4 - Droit européen matériel 33 sur 86 Cours de Lucile B.

A/ Les Bénéficiaires De Ces Deux Libertés

1) Les personnes physiques

Le droit d’établissement et la libre prestation de services sont à la disposition de toute personne physique qui répond
aux trois conditions suivantes : La nationalité, l’effectivité et l’extranéité. Ces conditions sont exigées de l’activité d’une
personne salariée.

a) La condition de nationalité

L’intéressé doit être le ressortissant d’un État membre, oui, mais pas toujours. En effet, certains accords d’association ou
de coopération conclus entre l’UE et des Etats tiers reconnaissent à leurs ressortissants, sous certaines conditions, la
non-discrimination dans les conditions de travail, de rémunération et de protection sociale. Il s’agit notamment des
accords conclus avec la Turquie et les pays du Maghreb.
De plus, l’accord sur l’EEE étend le bénéfice de certains droits attachés à la liberté de circulation aux ressortissants des
Etats membres de l’AELE.
Quant aux membres de la famille du travailleur, un règlement de 1968 et une directive de 1973 ont pallié le silence du
traité à leur propos, en leur reconnaissant aussi le bénéfice de la libre circulation. Cette extension était bienvenue : elle a
levé un obstacle majeur à la volonté de circuler des travailleurs européens, en autorisant leur famille à les accompagner
et en même temps en leur accordant le droit au respect de la vie familiale, lequel est garanti à l’article 8 de la ConvEDH.
Ces textes ont été codifiés dans la directive de 2004, directive dont les bénéficiaires sont "les citoyens de l’union et les
membres de leur famille", c'est-à-dire le conjoint ou le partenaire, fut-il du même sexe, dans le cadre d’un partenariat
enregistré (le PACS en France), les descendants directs de moins de 21 ans ou à charge, et les ascendants directs à
charge, qu’il s’agisse des ascendants de l’intéressé ou de ceux du conjoint ou du partenaire, quelle que soit leur
nationalité.

b) La condition d’effectivité

Qu’il s’agisse d’un travailleur salarié ou pas, l’activité professionnelle doit être effective et réelle. Le nombre d’heures de
travail est indifférent. Il importe donc peu que ce travail soit exercé à temps plein ou à temps partiel, pourvu que
l’intéressé "exerce des activités réelles effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent
comme purement marginales et accessoires. CJCE 21 novembre 1991, URSAF de Chambéry et CJUE 26 mars 2015
Fenoll.
N’a pas d’activité professionnelle réelle celui qui accepte un travail de quelques heures par semaine, à titre de
couverture, pour bénéficier des droits accordés aux travailleurs. Idem pour l’individu qui était venu aux Pays-Bas pour y
subir une cure de désintoxication et qui y trouve un emploi dans le cadre de sa réinsertion. La Cour a considéré que
l’élément principal ici était la cure, et non l’emploi qui était marginal : CJCE 31 mai 1989, Bettray.

Si la personne en question ne remplit pas la condition d’effectivité, la personne ne pourra revendiquer la libre circulation
qu’au titre et dans les conditions du droit de séjour général.

c) La condition d’extranéité

Pour bénéficier de la liberté de circulation, l’intéressé ne doit pas se trouver dans une situation purement interne, mais
dans une situation telle que le droit européen lui soit applicable. Il peut ainsi faire valoir à propos de cette condition qu’il
a séjourné auparavant dans un autre État membre, et dans ce cas la condition d’extranéité a été remplie
antérieurement. Il peut faire valoir qu'il a acquis dans cet autre État membre une qualification professionnelle, l’activité
concernée correspondant à une profession ayant fait l‘objet d’une harmonisation.
U 4 - Droit européen matériel 34 sur 86 Cours de Lucile B.

Exemple : un plombier néerlandais qui avait travaillé en Belgique souhaitait se réinstaller aux Pays-Bas tout en ne
remplissant pas les conditions requises par la législation de son pays d’origine. Il a pu faire valoir la liberté de circulation
au même titre que les ressortissants des autres Etats membres souhaitant y travailler. 7 février 1979, Knoors
La profession de plombier avait été harmonisée et relevait d’une directive liée au secteur de l’artisanat.

En d’autres termes un ressortissant européen peut utiliser les possibilités offertes par le droit de l’Union afin d’acquérir
dans un autre État membre une qualification professionnelle déterminée. Il pourra réclamer ensuite dans son pays le
bénéfice de la libre circulation au même titre que les ressortissants des autres Etats membres, qu’il s’agisse d’une
activité salariée ou non-salariée. En revanche, il ne pourra pas bénéficier de la libre circulation s’il a toujours exercé son
activité professionnelle dans son propre pays, après y avoir fait ses études et obtenu le diplôme correspondant par
exemple, ou encore il ne le pourra pas s’il a exercé une activité professionnelle dans un autre État membre où il y a
acquis une qualification professionnelle qui n’est pas régie par le droit européen (c'est-à-dire où il n’y a pas eu
harmonisation). Ce ressortissant est dans une situation de pur droit interne, et il ne peut pas exiger davantage que ce
que l’Etat accorde à ses nationaux.

Dans l’affaire Ouer de 1979, la Cour a refusé à un français qui souhaitait s’établir en France après avoir obtenu le
diplôme de vétérinaire en Italie, le droit de se prévaloir de la libre circulation, parce que les directives relatives aux
vétérinaires n’avaient pas encore été adoptées. L’affaire est du 7 février 1979, et les directives ont été adoptées le 18
décembre 1978, elles n’étaient pas encore entrée en application. Il ne pouvait donc pas exercer sa profession à d’autres
conditions que celles prévues par la législation nationale.

2) Les personnes morales

Pour donner la portée la plus large à ces deux libertés, le traité assimile certaines personnes morales aux personnes
physiques ressortissantes des Etats membres, assimilation qui leur permet de bénéficier des règles de la libre
circulation.

L’assimilation des personnes morales aux personnes physiques :


Selon le traité (article 54 TFUE), sont assimilées aux personnes physiques : "les sociétés de droit civil ou commercial, y
compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des
sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif".
Le terme de but lucratif est entendu au sens large de la formule, la recherche d’un bénéfice n’étant pas nécessaire. Il
suffit d’une participation à l’activité économique de façon intéressée, c'est-à-dire contre versement d’une rémunération,
et non d’une intervention gratuite.

Selon la CJUE, l’exercice de la liberté d’établissement suppose nécessairement la reconnaissance des sociétés par tout
État membre dans lequel elle souhaite s’établir : CJCE 5 novembre 2002, Hubert Seering
De façon générale, les personnes morales sont assimilées aux personne physiques à la double condition :
- qu’elles soient constituées conformément à la législation d’un État membre
- qu’elles aient soit leur siège statutaire, soit leur administration centrale, soit leur principal établissement, à l’intérieur
de l’UE.
Le choix est ouvert entre 3 facteurs de localisation. Dés lors, des sociétés complètement intégrées à une économie
étrangère et n’ayant donc avec l’Union qu’un lien purement juridique, peuvent bénéficier de la libre circulation. Par
exemple, une société qui a son siège réel dans un État tiers, ou qui est contrôlée par des ressortissants d’Etat tiers, ou
qui a son siège statutaire dans un État tiers… Par exemple, si une société étrangère souhaite s’établir à titre secondaire
dans un État membre, en y créant une filiale ou une succursale ou une agence, elle pourra bénéficier des avantages
consentis par chaque État membre aux ressortissant européens, sans contribuer pour autant au développement des
activités économiques de l’Union.
U 4 - Droit européen matériel 35 sur 86 Cours de Lucile B.

Le Conseil a posé une condition supplémentaire : pour qu’une société qui n’aurait que son siège statutaire dans l’UE soit
considérée comme établie à l’intérieur de l’UE, son activité doit présenter un lien effectif et continu avec l’économie d’un
État membre. Dans ce cas, le seul lien juridique ne suffit pas, il doit être complété par un lien d’ordre économique. Par
exemple, un courant d’affaires permanent entre la société étrangère et des entreprises de l’UE, ou encore ce seront des
bâtiments ou des installations dans l’Etat membre où la société a posé son siège statutaire.
=> Conseil, Programme général pour la suppression des restrictions à la liberté d’établissement (18 décembre 1961)

B/ La Liberté D’établissement
(en tant que premier mode de liberté professionnelle indépendante).

On a vu les règles communes mais il y a des règles spécifiques.


Selon l’article 49 TFUE, la liberté d’établissement est le droit reconnu à tous les ressortissants des Etats membres,
d’accéder aux activités non-salariées sur le territoire de l’UE, cela par le biais d’une implantation matérielle (un cabinet,
un établissement, un magasin) et éventuellement juridique. C’est la possibilité d’accéder à la constitution et à la gestion
des entreprises. Cette liberté s’articule avec la libre circulation des capitaux, mais elle ne doit pas être confondue avec la
liberté de prestation de services.

1) La distinction établissement principal / établissement secondaire

Les bénéficiaires du droit d’établissement sont aussi bien les personnes physiques que les personnes morales.
Néanmoins c’est seulement pour ces dernières qu’il faudra distinguer entre établissements principaux, succursales ou
filiales.

L’établissement principal se caractérise de deux façons : cela peut être la création "ex nihilo" d’une société (= à partir de
rien), par exemple d’un cabinet, ou bien la migration d’un établissement principal préexistant. C’est le déplacement du
cabinet d’un médecin ou d’un avocat par exemple, dans un autre État membre.
Le bénéfice de la liberté du droit d’établissement est acquis à tout créateur d’entreprise qui a la nationalité d’un État
membre. S’il s’agit d’une personne physique, il suffit qu’elle soit ressortissante d’un État membre. S’il s’agit d’une
société, elle doit être constituée (art 54TFUE) en conformité avec la législation d’un État membre, et avoir son siège
statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de l’Union. On notera également que
toute exigence relative à la fixation du siège social d’une société constitue une violation, et de la liberté d’établissement
et de la libre prestation de services, violation qui ne peut jamais être justifiée.
CJUE, 16 juin 2015, Rina Services : la législation italienne imposait aux sociétés de certification d’avoir leur siège
statutaire en Italie.

Bien souvent, l’établissement des sociétés s’effectue à titre secondaire, ce qui suppose par définition un établissement
principal préexistant dans un autre État membre. S’agissant de l’établissement secondaire il peut s’agir d’une agence,
d’une succursale ou d’une filiale (49TFUE). Ces 3 structures ne fonctionnent pas de la même façon.
L’agence repose en principe sur la technique du mandat.
La succursale, quant à elle, est un établissement dépourvu de personnalité juridique distincte. Elle n’est donc pas
juridiquement autonome, même s’il y a autonomie de fait.
La filiale est dotée de la personnalité morale, elle est donc juridiquement autonome, même si dans les faits elle obéit à la
société mère.

La question s’est posée de la légitimité de certains comportements d’entreprise, qui se constituent dans l’Etat membre
dont les règles sont les moins contraignantes pour elles, s’agissant de la constitution, tout en réalisant la totalité de leur
activité sociale dans un autre État membre où elles implantent des établissements secondaires.
En 1999, la Cour de Justice a considéré que ce type de comportement ne constituait pas en soi un usage abusif du droit
d’établissement.
U 4 - Droit européen matériel 36 sur 86 Cours de Lucile B.

En d’autres termes, l’entreprise qui exerce toutes ses activités dans l’Etat membre de la succursale, et à contrario qui
n’en exerce aucune dans l’Etat du siège, ne se comporte pas de manière abusive, son comportement est légitime. Selon
la cour en effet, la liberté d’établissement ne saurait être restreinte pour le seul motif que certaines législations sont plus
attractives que d’autres.
CJCE, 9 mars 1999, Centros
La Cour admet qu’un État membre puisse imposer certaines règles liées à l’exercice de l’activité comme par exemple
des règles déontologiques.

Cette situation ne doit pas être confondue avec celle d’une société étrangère qui n’aurait qu’un lien purement juridique
avec l’UE, lien créé dans le seul but de bénéficier des règles concernant la libre circulation.
Par exemple, établie à titre secondaire dans un autre État membre en y créant une filiale, et dés lors elle peut bénéficier
des avantages consentis par chacun des Etats membres aux ressortissants des autres, sans contrepartie (c'est-à-dire
sans contribuer au développement des activités économiques de l’Union). Dans cette situation-là, le droit de l’Union
exige que l‘activité de cette société présente un lien effectif et continu avec l’économie d’un État membre.

2) Le domaine de la notion d’établissement

La Cour de Justice a peu à peu élargi cette notion. Le droit d’établissement consistant ainsi en la possibilité pour un
ressortissant européen de participer de façon stable et continue à la vie économique d’un État membre différent de son
État d’origine et d’en tirer profit. Il comporte tout d’abord le droit d’accéder aux activités non-salariées, et ensuite le droit
de gérer et de constituer des entreprises dans les conditions définies par la législation nationale, notamment par
création d’agences, de succursales ou de filiales. (article 49TFUE). (arrêt Centros 9 mars 1999 et arrêt CJCE, 30
novembre 1995, Gebhard)

Le caractère imprécis du texte (art 49) parce qu’il ne dit pas si l’énumération est limitative, et de cette jurisprudence, ne
permet pas de délimiter précisément les contours de l’établissement. On peut simplement dire qu’une présence durable
en moyens tant matériels que personnels sur le territoire d’un État membre, présence à partir de laquelle se noueraient
des contacts avec la clientèle, entre dans le cadre de la définition de l’établissement.
Par exemple, une simple présence matérielle (par exemple un entrepôt implanté dans un État membre), sans action
visant la clientèle, ne peut pas caractériser un établissement.

Difficulté supplémentaire : le développement des transactions électroniques. Peut on qualifier d’établissement "de
simples installations techniques, dépourvues de personnel et de moyens humains de décision" ? La réponse de la
Commission a été négative. En effet, celle-ci reste fidèle à sa position, consistant à favoriser la libre prestation de
services en tant que facteur de décloisonnement du marché européen.
Donc les prestations électroniques sont considérées comme émanant du lieu où sont placés les personnels de décision.
Quant à la directive de 2000 sur le commerce électronique, elle a confirmé cette analyse, puisqu’elle considère que la
seule présence ou la seule utilisation de moyens techniques ne suffit pas à caractériser un établissement.

C/ La Libre Prestation De Services


(second monde de liberté professionnelle indépendante)

Article 56TFUE, qui se contente d’interdire les restrictions à la libre prestation de services à l’intérieur de l’UE. Quant à
l’article 57, il le définit comme le droit pour le prestataire de se livrer sur le territoire d’un autre État membre que le sien,
à l’exécution d’une prestation de façon temporaire, occasionnelle, ou même régulière, mais sans implantation
permanente (qui reviendrait à l’établissement).
Cela regroupe les activités de caractère industriel, commercial, artisanal, et aussi les activités des professions libérales.
U 4 - Droit européen matériel 37 sur 86 Cours de Lucile B.

Cette définition pose la question de la localisation de la prestation de services. En effet, on peut offrir des services aux
résidents d’un État membre, sans effectuer matériellement des prestations de services sur le territoire de cet État
membre.
De plus, certains services sont difficiles à localiser (par ex des virements transfrontaliers, services par voie
électronique..) tandis que d’autres ne le sont pas (par ex la plaidoirie d’un avocat ou la construction d’un bâtiment).
La localisation du service est importante. En effet elle permet de déterminer son caractère transfrontalier et donc de
savoir s’il entre ou non dans le champ européen de la libre prestation de service.
Le critère de la localisation le plus souvent retenu est la prestation caractéristique du service, c'est-à-dire celle pour
laquelle un paiement est dû.

Les éléments qui permettent de délimiter le champ d’application de cette liberté sont :
- Une activité économique, ou de façon plus précise, des prestations fournies contre rémunération. Selon la cour de
justice, cette rémunération "constitue la contrepartie économique de la prestation en cause, contrepartie qui est
normalement définie entre le prestataire et le destinataire du service" (CJCE 27 septembre 1988, Humbel)
- Ces prestations sont effectuées dans un contexte d’extranéité : l’activité doit être transfrontalière.
- Ces prestations sont effectuées de manière indépendante (si c’est une activité salariée on change de cadre).

Une activité peut être considéré comme transfrontalière dans différents hypothèses :
- Tel est le cas lorsque le prestataire fournit ses services sur le territoire d’un autre État que celui où il et établi. C’est la
prestation de services dite active. Par exemple, un avocat néerlandais se rend en Belgique pour défendre un client
belge, mais il n’y est pas installé (sinon c’est droit d’établissement).
- L’activité est transfrontalière lorsque le destinataire de la prestation se déplace sur le territoire où établi le prestataire
pour bénéficier de la prestation de service. C’est la prestation de services passive. C’est le cas par ex d’un malade
anglais qui vient consulter un médecin en France.
- On peut dire qu’il y a activité transfrontalière lorsque personne ne se déplace, par exemple dans le cas de services
fournis à distance dans un autre État membre. C’est l’objet de la prestation qui passe la frontière.
- L’activité est transfrontalière alors que les deux parties au contrat, le prestataire et le destinataire, sont originaires
d’un même État et se déplacent tous deux dans un autre État membre. Par exemple, tel est le cas de l’avocat
français qui défend en Italie un client français, ou le guide touristique qui accompagne des clients du même État que
lui dans un autre État membre.

D/ La Directive Services Dans Le Marché


Intérieur

Cette directive vise à parfaire la libéralisation de l’ensemble des services dans l’UE, même si elle s’applique tout autant
à la liberté d’établissement qu’à la libre prestation de services. Elle a été adoptée pour éliminer les entraves à la libre
circulation des services, ce qui devrait entrainer la croissance et la création d’emplois, tout en sauvegardant les intérêts
sociaux protégés par les législations nationales.
Cette directive fut très controversée à l’état de projet, cela au regard des références qu’elle contenait aux principes du
pays d’origine. Selon ce principe un prestataire qui fournit ses services temporairement dans un autre pays, reste
soumis à la législation de son pays d’origine.

Cette directive confirme le régime juridique applicable aux deux libertés sur certains points, tout en consolidant
l’interprétation extensive du droit primaire, interprétation retenue par la Cour de Justice. Elle ajoute encore certaines
innovations liées notamment à l’assistance administrative entre Etats.
U 4 - Droit européen matériel 38 sur 86 Cours de Lucile B.

1) Le champ d’application de la directive

Cette directive crée un cadre juridique général pour les services fournis par un prestataire établi dans un État membre.
Mais pas tous les services, puisque de nombreux services en sont exclus : les services couverts par des directives
sectorielles (cela concerne les services financiers, les services et réseaux de communications électroniques, les
services audiovisuels, et ceux liés au domaine des transports), les services d"intérêt général non-économiques
(éducation, justice, police, armée…), les services sociaux, les services de santé, les services proposés par les agences
de travail intérimaire, et les activités de service liés à l’exercice de l’autorité publique, de même que les services fiscaux,
les services de sécurité privée, et les jeux et loteries.

De plus, certaines questions restent en-dehors de la directive telles celles qui relèvent du droit du travail, ou du droit
pénal, ou du droit international privé. Mais elle ne remet pas en cause le règlement du 14 juin 1971 relatif à l’application
des régimes de sécurité sociale, ni la directive de 1996 concernant le détachement des travailleurs dans le cadre d’une
prestation de services (cette directive est à la refonte car en 2016 une directive a été adoptée pour la modifier. Ne pas
confondre cette directive avec celle de 2014, sur le détachement des travailleurs).

2) Le contenu de la directive

a) La libre prestation de services

En la matière, la directive condamne de nombreuses obligations ou interdictions qui pourraient être imposées au
prestataire de services. Par exemple, posséder un établissement sur le territoire, ou obtenir un document d’identité
spécifique à l’exercice d’une activité de service, lequel document serait délivré par les autorités compétentes, ou encore
exiger une autorisation d’un prestataire de services.
Avec ces interdictions il s’agit de garantir, et le libre accès à l’activité de service, et son libre exercice sur le territoire de
chaque État membre. Néanmoins, le principe est assorti de dérogations.
Les Etats peuvent donc imposer certaines obligations aux prestataires établis dans d’autres Etats membres, mais à
condition que ces obligations soient proportionnelles et nécessaires. Enfin, le contrôle de la proportionnalité d’une
règlementation restrictive, doit également porter sur ses effets, après son adoption, par-delà l’objectif qu’elle poursuit.
Arrêt CJUE 30 juin 2016, Admiral Casino (sur l’exploitation d’une machine à sous)
Ainsi, la Cour a pu valider une exigence linguistique qui a été jugée proportionnée à la raison impérieuse d’intérêt
général poursuivi et invoqué dans le cadre de deux affaires.
CJUE 1er octobre 2015, Trijber et Harmsen (revue Europe, décembre 2015, commentaire n°497) => il s’agissait ici du
refus des autorités néerlandaises d’autoriser :
- pour l’une des affaires, l’exploitation de bateaux à moteurs pour faire visiter Amsterdam à titre onéreux, cela dans le
cadre de sorties organisées par des entreprises, ou pour célébrer un évènement.
- Pour l’autre, refus d’autoriser l’exploitation de deux nouvelles maisons de prostitution en vitrine, bien qu’elle soit
rarement retenue par les juges, l’exigence linguistique ici a été jugée parfaitement justifiée puisqu’elle était
susceptible de concourir à la protection de l’ordre public par la prévention d’infractions pénales à l’égard des
prostituées.
L’exigence linguistique se borne à imposer le recours à une langue susceptible d’être comprise par toutes les parties
concernées, ce qui est moins attentatoire à la libre prestation de services qu’une mesure imposant l’usage exclusif de la
langue officielle de l’Etat en cause, ou d’une autre langue déterminée.

En revanche, la législation fiscale portugaise privant les non-résidents de la déduction des frais professionnels constitue
selon la cour une entrave injustifiée à la libre prestation de services (13 juillet 2016, Brisal)
Même cas pour la taxe d’immatriculation grecque imposée pour un véhicule loué après d’une société présente dans un
autre État membre indépendamment de la durée de contrats, et de la nature de l’utilisation des véhicules sur le territoire
grec. (14 janvier 2016, Commission contre Grèce)

U 4 - Droit européen matériel 39 sur 86 Cours de Lucile B.

Selon une jurisprudence de 2002, ces taxes peuvent être conformes à la libre prestation de services si elles sont
proportionnelles à la durée de l’utilisation du véhicule. En l’espèce elle n’était pas justifiée, la Grèce n’ayant pas invoqué
une exigence impérieuse d’un intérêt général.

b) La liberté d’établissement

En matière de liberté d’établissement, la directive distingue :


- D"une part, les exigences interdites qui formalisent et confirment la jurisprudence de la Cour de Justice. (par exemple
l’interdiction d’avoir un établissement dans + d’1 État membre, ou bien une limite à la liberté de choix en ce qui
concerne la forme de l’établissement agence/succursale/filiale).
- D’autre part, des exigences non-obligatoires qui elles-mêmes sont soumises à évaluation : les régimes d’autorisation
doivent reposer sur des critères qui encadrent le pouvoir d’appréciation des autorités compétentes. Donc ils ne sont
admis que s’ils reposent sur des critères non-discriminatoires, non-ambigus, transparents et accessibles, s’ils sont
justifiés par des raisons impérieuses d’intérêt général et s’ils sont proportionnels aux objectifs poursuivis.
De plus, les conditions d’octroi ne doivent pas faire double emploi avec les exigences et contrôles équivalents, auxquels
est déjà soumis le prestataire dans un autre ou dans le même État membre. (c’est ce qu’on appelle le test
d’équivalence).
La directive comporte enfin des innovations, visant à faciliter la mise en oeuvre des deux libertés. Par-delà le droit à
l’information pour tous les acteurs économiques, elle établit des droits spécifiques pour les prestataires et destinataires
de service, notamment par la mise en place de guichets uniques, où ils pourront accomplir l’ensemble des formalités
nécessaires à l’accès aux activités souhaitées. Elle encourage aussi la prévention par des exigences d’évaluation des
législations nationales qui pourraient être constitutives d’entrave.

Section Iii - Les Soutiens À La Mobilité

Nous allons parler de l’harmonisation et de la reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications
professionnelles.
Dés le départ, les rédacteurs du traité ont été conscients des obstacles à la libre circulation que pouvaient constituer les
règles d’octroi des diplômes dans les Etats membres.
La question est évoquée à l’article 53 du TFUE, pour ce qui concerne la liberté d’établissement, texte auquel renvoie
l’article 62TFUE pour la prestation de service.
Afin de faciliter l’accès aux activités non-salariées et à leur exercice, les autorités compétentes (le Conseil et le
Parlement) doivent arrêter une première série de directives :
- Les unes visent à la mise en place d’une reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres.
- Les autres visent à la coordination et à l’harmonisation des législations des Etats membres. D’ailleurs le traité
subordonne la libération de certaines profession à cette harmonisation (professions médicales, paramédicales et
pharmaceutiques)

C’est pour répondre à cette double préoccupation qu’ont été initialement adoptées deux types de directives : les unes
sectorielles, les suivantes reposant sur un système général de reconnaissance mutuelle des diplômes. Mais elles n’ont
plus qu’un intérêt historique, puisque elles ont été abrogées et remplacées par la directive du 7 septembre 2005.

A/ L’approche Sectorielle

3 grands secteurs en ont fait l’objet : les professions de santé, les professions d’architecte, et la profession d’avocat.
U 4 - Droit européen matériel 40 sur 86 Cours de Lucile B.

C’est dans le secteur de la santé que l’harmonisation a été la plus rapide, parce que leurs conditions exercice et leurs
formations variaient peu d’un pays à l’autre, c’est ce qui explique que l’harmonisation n’ai pas été trop difficile à réaliser.
En ce domaine, les directives adoptées concernent les médecins, les dentistes, les vétérinaires, les sage-femmes, et les
pharmaciens.

Pour chacune de ces professions, le Conseil a adopté une démarche en deux temps :
- adoption d’une première directive portant une coordination des législations nationales
- celle d’une seconde directive tendant à la reconnaissance mutuelle des diplômes.
Cet ordre est logique : c’est seulement lorsque des conditions minimales communes sont définies qu’il est possible
d’imposer la reconnaissance mutuelle. Il en résulte que le titulaire du diplôme concerné peut s’établir dans un autre État
membre que celui où il a obtenu son diplôme ou suivi sa formation, sous réserve bien entendu de certaines obligations
liées à l’exercice de la profession.
S’agissant notamment des médecins, le Conseil a adopté deux premières directives, le 16 juin 1975. La directive
d’harmonisation contient des dispositions relatives à la durée minimale des études, et à l’obligation pour l’exercice du
droit d’établissement, de s’inscrire à l’ordre professionnel du pays d’accueil, cela en conservant la possibilité de rester
inscrit dans le pays d’origine.
(6 ans ou 5500h pour les généralistes, auxquels on ajoute 3 à 5 ans pour les spécialistes).
Pour la libre prestation de services, la directive prévoit la possibilité d’exiger une déclaration préalable pour des raisons
de santé publique, ce qui permet de vérifier les qualifications du médecin intéressé.

Pour les pharmaciens : l’Etat d’accueil conserve la possibilité de procéder à la répartition géographique des officines,
laquelle est liée à la densité de la population, et donc d’imposer une autorisation préalable. Il conserve aussi la
possibilité de donner un monopole aux intéressés, pour la préparation et la vente de médicaments.
Pour la profession d’architecte : cette profession a fait l’objet d’une unique directive du 10 juin 1985, qui ne réalise pas
une harmonisation aussi poussée que celle des professions de santé. Elle établit seulement un mécanisme de
reconnaissance mutuelle, pour un certain nombre de formations de niveau universitaire, répondant à une durée
minimale et incluant un certain nombre de matières. En 2015 la Cour a précisé que cette profession peut recouvrir tant
des activités techniques de planification, de surveillance et de mise en oeuvre, que des activités relevant du domaine de
la conception artistique et économique du bâtiment, de l’urbanisme et même de la conservation des bâtiments (arrêt 16
avril 2015, Angerer).
Pour la profession d’avocat : elle a fait l’objet de 2 directives, l’une du 22 mars 1977, et l’autre du 16 février 1988. S’est
appliquée la reconnaissance mutuelle sans harmonisation, en effet la diversité des systèmes juridiques des Etats
membres a empêché la reconnaissance mutuelle complète des diplômes et titres d’accès, qui aurait assuré le libre
établissement immédiat, sur la base du titre obtenu dans l’état d’origine.

La première de ces deux directives vie uniquement la profession d’avocat en tant que libre prestataire de services. Elle
ne régit que l’activité d’avocat et ne s’attache pas aux diplômes. C’est cette qualité d’avocat qui fait l’objet de la
reconnaissance mutuelle. Grâce à cette première directive, un avocat établi dans un État membre peut représenter et
défendre un client qui réside dans un autre État membre, sans être tenu d’y avoir sa résidence ou d’y être inscrit à un
ordre professionnel. Il ne doit pas seulement respecter le code déontologique de son État d’origine, mais aussi celui de
l’Etat où il va exercer sa profession.

La seconde directive a franchi un pas plus important. En effet, les avocats titulaires d’un titre professionnel dans un État
membre peuvent depuis lors s’établir dans un autre État membre pour y exercer leur profession (cette fois on parle de
liberté d‘établissement alors que jusque là on parlait de prestation de services), avec la réserve que l’exercice de la
représentation et de la défense en justice puisse être soumis par cet État à l’exigence de l’assistance d’un avocat du
pays. Après 3 ans sous ce régime, l’avocat acquiert le droit d’exercer pleinement sa profession, en passant uniquement
un test d’aptitudes fixé par le pays d’accueil, sans devoir passer un examen de qualification.
U 4 - Droit européen matériel 41 sur 86 Cours de Lucile B.

D’autres professions ont bénéficié de cette même opération sectorielle : transport routier, agents de réseaux courtiers
d’assurance, coiffeurs, hôteliers, etc.. Mais les différentes directives qui les régissaient ont été abrogées et remplacées
par un texte unique, la directive du 7 juin 1993, elle-même remplacée par une autre directive du 20 octobre 2007.

B/ L’approche Générale

L’établissement d’une législation de reconnaissance mutuelle, secteur par secteur, parfois accompagnée par une
réglementation plus ou moins poussée par les règlementations nationales, a toujours été long et fastidieux.
C’est la raison pour laquelle il est apparu nécessaire de créer un système général de reconnaissance mutuelle des
diplômes, valable pour toutes les professions règlementées, sans harmonisation préalable. Cette nouvelle approche
générale a changé la donne.

Auparavant, la "reconnaissance" était "subordonnée à l’existence de règles européennes concernant l’harmonisation en


vigueur, dans la profession ou l’activité règlementée concernée".
Elle est devenue "reconnaissance mutuelle" et elle s’applique de façon quasi-automatique à toutes les professions
règlementées concernées, sans référence nécessaire à une quelconque législation dédiée sectorielle. A l’origine, ce
système reposait sur 3 textes :
- la directive du 21 décembre 1988, relative au système général de reconnaissance des diplômes qui sanctionnent une
formation d’enseignement supérieur d’une durée minimale de 3 ans. C’est la "directive Bac +3". Cette directive
s’applique aux activités et professions dites règlementées, qui sont les plus nombreuses, et qui ne font pas l’objet
d’une directive spécifique (comptables, géomètres, ingénieurs, enseignants, opticiens, etc…)
- la directive du 18 juin 1992, relative aux formations professionnelles couvrant deux autres niveaux de formation :
l’enseignement post-secondaire de moins de 3 ans, et l’enseignement secondaire long ou court, éventuellement
complété par une formation ou une pratique professionnelle.
Ces deux dernières directives générales n’imposent pas véritablement la reconnaissance mutuelle, ou du moins si elles
en posent le principe, elles l’assortissent de diverses limites qui en atténuent la portée. tel est le cas en particulier
lorsque la durée de formation dans l’Etat d’origine est supérieure de plus d’un an à celle exigée dans l’Etat d’accueil, ou
encore lorsque les formations ont de même durée mais portent sur des matières en grande partie différentes.
L’Etat d’accueil peut exiger une expérience professionnelle minimale qui peut aller jusqu’à 4 ans, ou un stage
d’adaptation qui peut aller jusqu’à 3 ans, ou une épreuve d’aptitudes. Le choix appartiendrait à l’intéressé, sauf pour les
professions exigeant une connaissance précise du droit national.
- Une dernière directive du 31 juillet 1999 a parachevé le système en instituant un mécanisme de reconnaissance des
diplômes pour ls activités professionnelles relevant du commerce, de l’artisanat et des services.

Toutes ces directives ont été abrogées pour être remplacées par celle de 2005.

C/ La Directive Du 7 Septembre 2005


Relative À La Reconnaissance Des
Qualifications Professionnelles

Malgré l’existence des deux directives générales, de nombreuses entraves subsistaient puisqu’elles n’obligeaient pas
vraiment les Etats membres à appliquer la reconnaissance mutuelle. S’ils considéraient que la formation initiale était
insuffisante, ils pouvaient exiger une expérience ou une formation professionnelle supplémentaire.
C’est pour surmonter ces difficultés qu’a été adoptée la directive n°2005-36 du 7 septembre 2005. Cette directive
s’applique aux professions règlementées, salariées ou pas, c'est-à-dire à celles dont l’accès ou l’exercice est
subordonné directement ou indirectement en vertu de dispositions législatives règlementaires ou administratives,
spécifiques, à la possession de qualifications professionnelles déterminées.
U 4 - Droit européen matériel 42 sur 86 Cours de Lucile B.

Exemples : l’emploi de directeur dans la fonction publique hospitalière, a été considéré par la CJCE comme une
profession règlementée (9 septembre 2003, Burbaud).
La profession de référendaire près de la CdC ne l’est pas, les titres de formations requis par le droit belge pour y
accéder ne visant pas spécifiquement celle-ci, puisque ils donnent accès à un large éventail de profession juridiques. A
partir de là, il ne confère donc pas des qualifications professionnelles "déterminées", au sens de la directive de 2005,
qualification à laquelle la profession de référendaire près la CdC serait subordonnée.
L’affaire : un ressortissant belge souhaitait passer un concours en Belgique, pour devenir référendaire auprès de la CdC
belge. Il était titulaire d’un diplôme belge et aussi d’un master de droit privé, qu’il avait obtenu par correspondance à
l’université de Poitiers. Mais son inscription au concours est déclarée irrecevable, parce que pour postuler il faut être
titulaire d’un diplôme belge, et la communauté française de Belgique n’avait pas reconnu l’équivalence de son master
français. Tout en écartant l’application de la directive, la CJUE n’a cependant pas écarté le jeu du principe de
reconnaissance mutuelle des diplômes, puisque dans cette affaire elle renvoie aux principes généraux d’une
jurisprudence antérieure (la jurisprudence Vlassopoulou), qui contraint les autorités nationales à effectuer un examen
comparatif entre les formations prescrites par le droit national mais qui sont acquises dans un autre État membre.
(CJUE, 6 octobre 2015, Brouillard, commentaire revue Europe décembre 2015, n°492).
Cette directive porte des dispositions relatives à la liberté d‘établissement, et d’autres relatives à la libre prestation de
services.

1) La reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de


l’établissement

a) Les titres reconnus

Ce sont les titres requis pour l’exercice d’une profession règlementée, autre que celle faisant déjà l’objet d’une directive
spécifique. La reconnaissance vaut pour les tires de formation, sanctionnant une formation professionnelle acquise
principalement dans la communauté. Mais également dans certaines hypothèses les titres de formation délivrés par un
État tiers. Cet État est considéré comme "assimilé" s’il a déjà fait l’objet d’une première reconnaissance dans un État
membre, dés lors que son titulaire a acquis une expérience professionnelle certifiée par cet État membre.
Par exemple, c’est le diplôme de médecin algérien, qui, ayant bénéficié de la reconnaissance académique en Belgique,
soit être reconnu en France, cet État étant considéré comme assimilé (CJCE 19 juin 2003, TENNAH-Durez).

Mais la reconnaissance est un instrument destiné à faciliter l’exercice des libertés de circulation à titre professionnel. Elle
ne force pas à poursuivre un cursus de formation dans un autre État membre, donc elle ne concerne pas les titres
délivrés par un autre État membre qui ne sanctionne aucune formation, et ne repose ni sur un examen, ni sur une
expérience professionnelle.
Les Etats gardent la possibilité de fixer un niveau minimal de qualification nécessaire pour une profession règlementée.
Arrêt de la CJUE 29 janvier 2009, Cavalerra.

b) Les 3 régimes de reconnaissance des qualifications

Le premier régime dit de la reconnaissance automatique, repose sur une coordination des conditions minimales de
formation au niveau européen. 

Dés que cette harmonisation minimale a été réalisée, la reconnaissance des diplômes et automatique.

Le second est fondé sur une présomption de comparabilité des formations, c'est-à-dire non sur l’harmonisation mais sur
la reconnaissance mutuelle, et prévoit le maintien de "mesures de compensation", variables d’un État membre à l’autre.
L’Etat membre d’accueil doit cependant vérifier que les connaissances acquises par le demandeur au cours d’une
expérience professionnelle peuvent couvrir une différence substantielle y compris celle qui aurait été acquise dan un
État tiers.
U 4 - Droit européen matériel 43 sur 86 Cours de Lucile B.

Exemple : en 2005 l’Italie a été condamnée pour ne pas avoir tenu suffisamment compte de l’expérience professionnelle
de personnels enseignants acquise dans d’autres Etats membres (12 mai 2005, commission contre Italie)
Par la suite la Cour a précisé que toute expérience pratique devait être prise en compte. Cela dit la Cour se montre très
stricte dans l’examen des équivalences et des qualifications professionnelles, cela afin d’éviter que la libre circulation ne
favorise des candidats issus d’autres Etats membres qui n’auraient pas les capacités requises.
La Cour a ainsi permis à un ressortissant autrichien qui était titulaire du titre d’avocat obtenu en Espagne, de présenter
l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat dans son propre pays (arrêt CJUE 22 décembre 2010, Robert Koller)Mais
l’Autriche lui refuse car il avait fait ça pour contourner la règlementation autrichienne. Et la Cour a dit que l’Autriche
devait lui faire passer le CAPA. Dés lors qu’il existe une situation transfrontalière, la règle s’applique à une personne
ayant acquis dans son État d’origine un diplôme sanctionnant des études de plus de 3 ans, complété par un diplôme
délivré dans un État après un cursus de moins de 3 ans. L’intéressé mr. Koller avait obtenu un diplôme délivré par
l’université de Gratz en Autriche à l’issue d’un cycle de 4 ans, lequel avait été reconnu équivalent au titre espagnol de
licence en droit, mais après qu’il ait suivi un cycle d’études de moins de 3 ans à l’université de Madrid, et réussi les
examens complémentaires exigés par la procédure d’homologation espagnole.
La Cour se montre très stricte dans l’analyse des équivalences des qualifications professionnelles.

Le troisième régime : Il vise la reconnaissance fondée non sur un diplôme mais sur une expérience commerciale ou
professionnelle. Il s’agit de reconnaissance mutuelle des qualifications. Ce régime s’applique à des activités
déterminées, qui sont mentionnées en annexe de la directive. La durée de l’expérience professionnelle requise est
réduite, si le bénéficiaire a suivi une formation préalable, sanctionnée par un certificat.

c) La reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice de la libre


prestation de services

La directive prévoit aussi des mécanismes spécifiques simplifiés, pour la libre prestation de services, en ce qui concerne
les professions n’ayant pas fait l’objet d’un système sectoriel de reconnaissance. Le professionnel d’un État membre
peut ainsi effectuer une prestation de services dans un autre État membre sous son titre d’origine, sans avoir à faire
reconnaître sa qualification professionnelle. Et il n’est pas tenu de s’affilier dans cet autre État membre à un organisme
professionnel ou à un organisme de sécurité sociale. Cependant l’Etat d’accueil peut lui imposer pour sa première
prestation de services une déclaration écrite renouvelable chaque année + la production de certains documents, comme
par exemple son titre de qualification et d’établissement dans un autre État membre, ou la preuve de sa couverture par
une assurance responsabilité, ou celle de l’absence de condamnation pénale pour les prestations à effectuer dans le
secteur de la sécurité. Cette directive a été modifiée en 2013 par une nouvelle directive (2013-55UE), qui a largement
étendu son champ d’application. Elle couvre en effet la quasi totalité des professions règlementées, dont l’accès et
l’exercice sont soumis à des qualifications professionnelles.
Tous les secteurs d’activité sont concernés. En France par exemple, la directive vise environ 230 professions. De plus,
pour faciliter la mobilité des professionnels en Europe, les règles de reconnaissance dans le cadre du régime général et
de la prestation temporaire et occasionnelle de services, ont été assouplies. C’est notamment l’abaissement à 1 an au
lieu de 2 de la durée de l’expérience professionnelle requise, lorsque le professionnel vient d’un État membre où la
profession n’est pas règlementée. Et c’est aussi l’élargissement des conditions de reconnaissance des qualifications
professionnelles, en cas d’établissement permanent
Le champ d’application de la directive est encore étendu par l’introduction de nouveaux principes issus de la
jurisprudence de la Cour de justice : l’accès partiel et possible de même que la prise en compte des stages
professionnels effectués à l’étranger (dans un État tiers).

2) La carte professionnelle européenne

La directive 2013 qu’on vient de mentionner a été transposée en France par l’ordonnance du 22 décembre 2016. Elle
permet également à tous les citoyens intéressés de faire reconnaître plus facilement et plus rapidement leurs
qualifications, au moyen d’une procédure électronique standardisée.
U 4 - Droit européen matériel 44 sur 86 Cours de Lucile B.

La directive prévoit en effet la mise en place d’une carte professionnelle européenne, basée sur l’utilisation du système
d’information du marché intérieur. Ce système est issu d’un règlement n°1024-2012 concernant la coopération
administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (IMI).
La carte est délivrée sous forme de certificat électronique, le premier de cycle de mise en oeuvre concernant les
infirmiers responsables de soins généraux, les physiothérapeutes, les pharmaciens, les guides de montagne, les agents
immobiliers ….
Restent à citer les nombreux programmes européens visant à favoriser la mobilité et les échanges entre étudiants et
enseignants, et à l’harmonisation des programmes de l’enseignement supérieur. (ex : ERASMUS)
Ce processus avait pour objectif la mise en place d’un espace européen de l’enseignement supérieur, lancé en 2010 pa
la déclaration de Budapest et Vienne.
L’objectif de tout cela est d’introduire un système de grades académiques facilement reconnaissables et comparables,
de promouvoir la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, d’assurer la qualité de l’enseignement, et
d’intégrer la dimension européenne dans l’enseignement supérieur.

Section Iv - Les Exceptions À La


Mobilité Professionnelle

La libre circulation des travailleurs est une liberté importante mais elle n’est pas absolue. Il existe en effet 2 catégories
de motifs, qui autorisent les Etats membres à freiner voire même à empêcher cette liberté : les uns textuels, les autres
jurisprudentiels.
Le traité exclut ainsi certaines activités "sensibles", de la libération générale des activités économiques. Par ailleurs,
d’autres restrictions peuvent être légitimées par le traité ou par la jurisprudence, comme en matière de libre circulation
des marchandises, lorsqu’elles répondent à un impératif légitime.

A/ L’exclusion Textuelle : Les Emplois Dans


L’administration Publique

Selon l’article 45§4TFUE, les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs ne sont pas applicables "aux
emplois dans l’administration publique".

1) La notion d’emploi public

Selon la CJUE, ce sont les emplois "qui comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance
publique, et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat, ou des autres collectivités
publiques". Cette définition est issue de CJCE, 17 septembre 1980, Commission c. Belgique.
La Cour retient donc une définition fonctionnelle de l’activité, sans tenir compte de critères qui seraient fondés par
exemple sur les caractéristiques de l’employeur, sur la nature du contrat liant l’employeur au salarié (de droit privé ou de
droit public), ou encore sur les modes de gestion des activités concernées, qui peuvent varier d’un État à l’autre.

Cette définition ne permet pas de résoudre toutes les difficultés rencontrées. Pour bien la comprendre, il faut encore
éclaircir les notions de puissance publique, et d’intérêts généraux de l’Etat.
C’est ce qu’a tenté de faire la commission, qui dans une communication de janvier 1988, a identifié deux critères
d’identification de ces emplois :
- La participation à la mise en oeuvre d’un intérêt supérieur de l’Etat, c'est-à-dire des activités liées à la sécurité
intérieure et extérieure, activités qui mettent en oeuvre la souveraineté de l’Etat. Exemple : les emplois dans les
forces armées, dans l’administration fiscale, dans la magistrature, ou encore dans la diplomatie.
U 4 - Droit européen matériel 45 sur 86 Cours de Lucile B.

- C’est la possibilité de contraindre les particuliers, et aussi l’exercice de PPP. Ce qui exclut donc de la libre circulation
les emplois publics qui élaborent des actes juridiques de portée contraignante, les emplois qui les exécutent, et les
emplois qui les contrôlent. Le CE français a également défini un faisceau d’indices, qui permet d’ouvrir ou de fermer
un emploi aux ressortissants européens. Il renvoie ainsi à des caractéristiques telles que la prestation de serment,
l’interdiction du droit de grève, l’accès à des documents confidentiels, le positionnement hiérarchique, ou encore le
conseil au Gouvernement. En revanche, l’exception ne s’applique pas aux emplois de la recherche civile, des
services publics commerciaux (transport, énergie, etc), de l’enseignement public tous niveaux confondus, et aux
services de santé.
L’ouverture de ces secteurs a même été confirmée par la CJCE, notamment par une série d’arrêts de 1996. L’exception
ne s’applique pas non plus à des emplois qui tout en relevant de l’Etat ou d’autres organismes de droit public,
"n’impliquent cependant aucun concours à des tâches relevant de l’administration publique proprement dite." (CJUE 10
septembre 2014, Affaire Iraklis Haralambidis contre Calogero Casili).

2) Les activités qui participent à l’exercice de l’activité publique

Comme la libre presta de service, le droit d’établissement connait lui aussi cette limite exprimée à l’article 51TFUE. "La
liberté d’établissement n’est pas applicable aux activités participant même à titre occasionnel à l’exercice de l’autorité
publique".
Il y la même règle pour la libre prestation de service à l’article 62.
C’est pourquoi la CJUE a été amenée à préciser que l’exclusion de la liberté de circulation est limitée "aux activités qui,
prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique" (Reyneres,
21 juin 1974).
Cela recouvre deux hypothèses distinctes.

La première hypothèse :
L’exercice d’une profession, dans son ensemble, peut être réservé aux nationaux. Tel est le cas de l’activité de
ramonage et police du feu, qui selon la Cour participe bien de l’exercice de l’autorité publique (CJUE, 23 janvier 2015,
Hiebler)Il en va de même des activités exercées par les officiers publics ministériels (par ex huissiers) qui bénéficient
d’un monopole conféré par l’Etat. Il en va de même des professions de garde-chasse, de garde-champêtre, et de garde
forestier.
En France cependant, la condition de nationalité a disparu en 1990, pour les commissaires priseurs et les avoués. Enfin,
la Cour a confirmé que la profession de notaire n’était pas de celles qui participaient à l’exercice de l’autorité publique.
Elle n’est donc plus réservée aux nationaux. => CJUE, 24 mai 2011, Commission c. France + CJUE, 1er dec 2011,
Commission c. Pays-Bas
Cette jurisprudence a été confirmée en 2015 avec la condamnation par la CJ de la clause de nationalité qui était
imposée par le droit letton pour l’exercice de l’activité notariale. (CJUE 10 sept 2015, Commission c. Lettonie).
Elle a encore été confirmée en 2017 avec de nouveau la condamnation de cette même clause de nationalité, imposée
aux notaires par le droit hongrois. (1er février 2017, Commission c. Hongrie).

Deuxième hypothèse :
Ce n’est plus l’activité dans son ensemble mais certaines activités détachables de la profession principale peuvent être
réservées aux nationaux. Il faut donc procéder à une ventilation parmi les différentes activités exercées par les membres
d’une même profession. Exemple : un État peut réserver la participation aux organes dirigeants de l’ordre des avocats à
ses nationaux. Parce que l’exercice d’un pouvoir disciplinaire entraîne une participation directe à l’exercice de l’autorité
publique. Par ailleurs l’avocat étranger peut être exclu des fonctions juridictionnelles supplétives, mais non des taches
de défense, de consultation et de conseil. (arrêt Reyneres mais aussi 2 décembre 2010, Edyta Joana Jakubowska, arrêt
en lequel al Cour a considéré que des Etats peuvent limiter l’exercice de la profession d’avocat par des fonctionnaires).
U 4 - Droit européen matériel 46 sur 86 Cours de Lucile B.

Enfin, les notaires conservent un monopole pour la rédaction des actes authentiques. selon la CJ, ce monopole est
justifié par la protection de la bonne administration de la justice, de même que par la garantie de l’égalité et de sécurité
juridique. (9 mars 2017, Piringer).

3) La mise en oeuvre de ces principes

Il faut distinguer des activités participant à l’exercice de l’autorité publique des activités techniques (comme la
conception d’un logiciel pour le loto : CJCE, 26 avril 1994, Commission c. Italie) ou encore l’activité des entreprises de
gardiennage ou de sécurité, ou encore les prérogatives des organismes privés de contrôle des produits issus de
l’agriculture biologique. Leur rôle en effet, est seulement auxiliaire et préparatoire, et donc on ne peut pas invoquer pour
eux la délégation d’une prérogative de puissance publique. (CJCE, 29 novembre 2007, Commission c. Autriche).
Enfin, les Etats membres sont libres de déterminer ces exclusions, sauf en cas d’harmonisation. Par exemple, une
directive de 1978, sur la profession de vétérinaire, a admis l’accès à l’exercice du contrôle sanitaire des viandes aux
ressortissants d’autres Etats membres.

B/ L’admission De Limites Fondées Sur Des


Raisons D’ordre Public

Article 45TFUE pose le principe de la libre circulation des travailleurs, "sous réserve des limitations justifiées par des
raisons d’ordre public de sécurité publique et de santé publique"
Ces raisons peuvent donc conduire les autorités nationales à interdire l’accès à des activités déterminées, sans qu’il y
ait pour autant atteinte au droit de séjourner sur le territoire de l’Etat en cause. Par exemple, en matière de liberté
d’établissement, la CJ a considéré que le fait de réserver à des ophtalmologues le droit d’effecteur certains examens,
pouvait être considéré comme un moyen propre à garantir la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé.
Elle a encore admis que l’exploitation des pharmacies puisse être réservée à des pharmaciens, en invoquant la
spécificité des médicaments. En effet, les médicaments peuvent engendrer des risques pour la santé publique, risque
que les états peuvent prévenir en soumettant les personnes chargées de la délivrance des médicament à de strictes
exigences. (CJUE grande chambre, 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes)

L’impératif de protection de la santé a également permis de justifier la règlementation française qui limitait la
participation de non-biologistes dans les laboratoires d’analyse médicale. (CJUE, 16 décembre 2010, Commission c.
France)
En revanche, l’exigence d’une autorisation préalable pour créer un établissement de santé privé en Autriche (en l’espèce
une polyclinique dentaire) n’a pas été justifié au regard de la santé publique, dans la mesure où ce régime d’autorisation
ne s’appliquait pas aux cabinets de groupe. (CJCE 10 mars 2009, Hartlauer)

C/ Les Raisons Impérieuses D’intérêt


Général

C’est l’équivalent des exigences impératives mais la liste est plus courte.
Ces raisons impérieuses peuvent justifier les restrictions, mais sont soumises au respect de certaines conditions.
- Le domaine concerné ne doit pas être harmonisé et la mesure ne doit pas être discriminatoire.
- Elle doit poursuivre un intérêt général, et être objectivement nécessaire et proportionnée
- Elle doit respecter le principe de reconnaissance mutuelle, ce qui veut dire que l’Etat d’accueil doit s’assurer que
l’Etat d’origine n’a pas déjà veillé à la protection de l’intérêt général en cause.
U 4 - Droit européen matériel 47 sur 86 Cours de Lucile B.

La Cour a ainsi reconnu l’intérêt légitime d’un État membre d’empêcher que la libre prestation de services soit utilisée
par un opérateur, dont l’activité serait principalement tournée vers son territoire, cela en vue de se soustraire de façon
abusive à l’emprise de la législation nationale. (arrêt Van Binsbergen de 1974)
Autre exemple, l’interdiction de la pratique dite du "cold calling" (= pratique consistant à contacter des particuliers par
téléphone pour leur proposer des services financiers sans leur consentement préalable écrit) constitue certes une
restriction à la libre prestation de services, mais elle est justifiée par la raison impérieuse d’intérêt général de la
sauvegarde de la réputation du marché financier. (CJCE 10 mai 1995, Alpine Investments)
Autres exemples justifiés sur des raisons impérieuses d’intérêt général : l’équilibre de la sécurité de sécurité sociale (18
juillet 2007, Commission c. Allemagne) , les exigences de la sécurité routière, l’efficacité des contrôles relatifs à la
protection sociale des travailleurs.

Cela dit, la Cour n‘admet pas ce type de justifications en matière économique. Ne sont donc pas des raisons
acceptables l’exigence grecque selon laquelle l’activité de guide touristique doit être uniquement exercée dans le cadre
de contrats de travail et non à titre indépendant. (CJCE, 1997, Ypourgos Ergassias) ou encore le fait pour assurer le
respect du pluralisme audiovisuel, le fait d’imposer aux organismes de radiodiffusion la réalisation de leurs émissions
par une entreprise nationale. (CJCE 25 juin 1991, Gouda)
U 4 - Droit européen matériel 48 sur 86 Cours de Lucile B.

Chap 2 : La Mobilité À Des Fins


Personnelles

Dans le traité de Rome, initialement les personnes physiques bénéficiaient de la libre circulation en
raison du caractère économique de leur activité. Cette libre circulation apparaissait alors comme le complément
indispensable de la mobilité professionnelle des agents économiques, traditionnellement elle renferme d’une part le droit
de se déplacer et de séjourner et d’autre part le libre exercice d’une activité professionnelle, le tout dans un autre Etat
membre. Puis 3 directives de 1990 on consacré le droit de séjour général que chaque Etat membre doit accorder aux
ressortissants des autres Etats membres. En 1992, le traité de Maastricht à instauré une citoyenneté de l’Union et
laquelle a généralisé la qualité de bénéficiaire de la liberté de circulation. Enfin, l’ultime étape est intervenue en 2004,
avec une directive relative au droit des citoyens de l’union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner
librement sur le territoire de tous les états membres. Elle a donc remplacé celles de 1990 dont elle s’inspire largement
tout en renforçant la mobilité des intéressés dans l’union européenne.

Aujourd’hui l’article 21 du TFUE reconnait le droit de tous citoyens de circuler et de séjourner


librement sur le territoire des autres états membres.

Section I - La Mise En Oeuvre De Cette


Liberté.

Elle comporte le droit de déplacement et le droit de séjour qui ont été affirmé dès l’origine dans le
traité de Rome. Encore une fois, si ces droits ne bénéficiaient alors qu’aux travailleurs ils ont ensuite été consacrés en
tant que droit du citoyen européenne tant par l’acte unique européen que par d’autres instruments comme le traité de
Lisbonne ou la Charte des droits fondamentaux. Aujourd’hui, la citoyenneté européenne est régie par les articles 18 à 25
du TFUE et les droits concernés reposent donc tant à leur mise en oeuvre sur différents textes de droit dérivés dont
notamment la directive de 2004 qui en a précisé le régime.

A/Le Contenu De Ces Droits.

1) Le droit de déplacement.

Il renferme la liberté de sortir et d’entrer sur le territoire de l’union européenne.

a) Le droit de sortir.

Tout citoyen de l’union peut quitter le territoire d’un état membre pour se rendre dans un autre état
membre sur simple présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. Ce droit est également
garantie par la convention européenne des droits de l’homme. L’administration de l’Etat d’origine a l’obligation de
délivrer ou de renouveler ces documents. Il lui est interdit d’imposer un visa de sortie notamment. Le droit de sortir est
étendu au membre de la famille du citoyen qui n’ont pas la nationalité d’un état membre sous réserve d’avoir un
passeport en cours de validité.
U 4 - Droit européen matériel 49 sur 86 Cours de Lucile B.

b) Le droit d’entrer.

Le citoyen européen dispose aussi du droit d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre sous
simple présentation d’une carte d’ID ou d’un passeport et sans que l’administration locale puisse lui imposer un visa
d’entrée. Cela équivaudrait à une autorisation préalable d’entrée en effet. Est encore interdite l’obligation de fournir des
renseignements sur le but et les conditions du séjour, cependant il peut imposer à l’intéressé de signaler sa présence
sur son territoire dans un délai raisonnable, c’est non discriminatoire, le non-respect de cette obligation étant passible de
sanction par ailleurs.

Ces sanctions doivent être non discriminatoires et proportionné. Selon la directive, un délai de 3 jours
n’est pas raisonnable et l’emprisonnement n’est pas proportionné. Concernant les membres de la famille qui n’ont pas la
nationalité d’un état membre ils ne sont soumis le cas échéant qu’à l’obligation du visa d’entrée et c’est ainsi d’un
règlement du 15 mars 2001 fixe la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à une libation de visa, en 2005
notamment la cour a condamné l’Espagne pour mauvaise transposition des directives dites droit de séjour. Cependant
les états membres se sont engagés à leur faciliter les formalités requises, en particulier, s’ils sont en possession d’une
carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’union européenne ils sont dispensés de toute obligation de
visa.

2) Le droit de séjour.

La directive de 2004 a consacré la liberté de circulation et de séjour en tant que droit inhérent à la
qualité de citoyen européen mais elle l’a assorti cependant de divers tempéraments liés à la durée de ce séjour
notamment. Il faut donc distinguer entre le séjour temporaire et le séjour permanent.

a) Le séjour temporaire.

Jusqu’à 3 mois, le séjour est lié au droit d’entrée, aucune formalité ni condition supplémentaire ne sont
exigées du citoyen sauf présentation de la carte d’ID ou du passeport en cours de validité. En revanche, le séjour de
plus de 3 mois est soumis à plusieurs conditions alternatives par exemple est requise soit la qualité de travailleur salarié
ou non salarié dans l’état d’accueil et ceci vaut même si l’intéressé est en situation de chômage volontaire. De plus, soit
la disposition de ressources suffisantes afin de ne pas être une charge pour le système d’assistance sociale de l’état
d’accueil au cours du séjour. Il faudra ajouter une assurance maladie complète dans l’état d’accueil. Le demandeur
d’emploi en est dispensé tant qu’il est en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des
chances réelles d’être engagé (CJCE Anthonysen 1991). Si les intéressés disposent de ressource suffisantes, l’état ne
peut rien exiger quant à leur provenance. Mais également, soit l’inscription dans un établissement d’enseignement
assorti d’une assurance maladie, c’est notamment le cas d’un étudiant qui doit garantir qu’il dispose de ressources
suffisantes pour lui même et pour le cas échéant, les membres de sa famille. Enfin, soit la qualité de membre de la
famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’union qui lui même satisfait aux conditions de la directive de 2004.

L’état membre d’accueil peut imposer aux citoyens de l’union un enregistrement au près des autorités
compétentes. Cette démarche n’ayant qu’un caractère déclaratif de droit. Quant aux membres de la famille originaire
d’un état tiers ils doivent dans les 3 mois de leur arrivée demander que leur soit délivré une carte de séjour (art. 9 et 10
directive 2004). Cette carte de séjour ils l’obtiendront après avoir produit les documents qui prouvent d’une part le lien
avec le citoyen européen qui bénéficie du droit de séjour à titre principal et d’autre part la présence de celui ci sur le
territoire de l’état d’accueil. Cette carte doit leur être délivrée dans les 6 mois de la demande et elle a une durée de
validité variable. Elle est valable pour 5 ans à compter de sa délivrance ou bien elle est équivalente à la durée du séjour
s’il est inférieur à 5 ans. Le droit de séjour des membres de la famille n’est pas affecté par le décès ou le départ du
citoyen. Il n’est pas non plus affecté par le divorce et les violences domestiques présentes pendant le mariage en
présence d’enfant (CJUE 30 juin 2016 affaire N A).
U 4 - Droit européen matériel 50 sur 86 Cours de Lucile B.

b) Le séjour permanent.

Ce séjour concerne les citoyens de l’union ayant séjourné légalement sur le territoire de l’état membre
d’accueil pendant une durée interrompu de 5 ans. Il concerne aussi les membres de la famille qui n’ayant pas la
nationalité d’un état ont séjourné légalement pendant une période interrompu de 5 ans avec l’intéressé dans l’état
membre d’accueil.

Ce droit est formalisé par une attestation de permanence de séjour pour le citoyen européen et une
carte de séjour permanent pour les membres de la famille ressortissant d’état tiers. Ce droit est perdu si l’intéressé
s’absente de l’état d’accueil pendant une durée supérieure à 2 ans consécutifs mais les absences temporaires sont
admises et elles ne peuvent pas excédées 6 mois.

3) Les droits complémentaires et les avantages sociaux.


Les droits de déplacement et de séjour accordés s’accompagnent du droit à des conditions de vie
normales selon le principe d’équivalence de traitement avec les nationaux. Il a donc droit à un logement normal,
considéré pour les travailleurs nationaux dans leur région, l’accès à une profession pour les membres de la famille, le
droit à la protection sociale et l’accès aux avantages fiscaux, le droit aux études pour les enfants et aux aides
financières dans les mêmes conditions que les nationaux. Voilà pourquoi le versement d’une allocation ne peut être
subordonné à la possession d’une carte de séjour puisqu’aucun document de ce titre n’est exigé des nationaux (CJCE
15 mais 1998 Martinez Sala). La directive de 2004 renferme toutefois deux exceptions:

• Pendant les 3 premiers mois du séjour, l’état membre d’accueil n’est pas tenu de verser des prestations
sociales. La Cour a confirmé la règle dans un arrêt de 2016 Garcia-Nieto.

• Tant que l’intéressé n’a pas obtenu le droit de séjour permanent, ce même état membre n’est pas obligé
d’accorder des bourses ou des prêts étudiants à des jeunes qui ne sont pas des travailleurs ou aux
membres de la famille de celui ci.

Deux règlements de coordination au droit aux prestations familiales ont été adoptés en 2004 et 2009,
dont les règles n’empiètent pas selon la CJ sur les règles nationales d’attribution de ces droits. Un père divorcé par
exemple qui résidait en Allemagne demandait le bénéfice de ses prestations à la caisse d’allocation familiale allemande
qui lui les refusait au motif que l’enfant bénéficiaire vivait en Pologne avec sa mère depuis le divorce de ses parents. En
effet, selon le droit allemand, les allocations sont versées au parent qui vit avec l’enfant et qu’importe ici dans cette
espèce que la mère n’ait rien demandée en Allemagne alors même qu’elle ne percevait aucune allocation en Pologne où
elle vivait avec son enfant (CJUE 22 octobre 2015 Trapkowski).

L’état peut soumettre l’octroi des prestations sociales à une condition de séjour régulier, selon la CJ en
effet la nécessité de protéger les finances de l’état d’accueil peut en principe justifier la possibilité de contrôler le
caractère régulier du séjour au moment de l’octroi de la prestation sociale. La Cour a ajouté même si cette condition
créée une discrimination indirecte en raison de la nationalité. Il s’agit là, d’un arrêt de la CJUE du 14 juin 2016
commission c/ RU. Cela dit, les exceptions retenues par la directive sont souplement interprétées par la jurisprudence.
En s’appuyant sur la notion du citoyenneté européenne, la CJ pousse les états membres a étendre le bénéfice des
prestations sociales qui sont normalement réservées aux nationaux, aux citoyens européens qui séjournent sur leur
territoire alors même que ces citoyens européens devraient posséder des ressources suffisantes pour y rester. Par
exemple, en 2004, la Cour a considéré qu’un ressortissant européen bénéficiant d’un permis de séjour valable sur le
territoire d’un autre état membre pouvait y obtenir une prestation d’assistance sociale en tant que citoyen de l’union et
sur le fondement du principe de non discrimination. Il devait l’obtenir aux mêmes conditions que les nationaux de cet
état alors même qu’il n’y avait jamais travaillé. En l’espèce, un français avait été accueillit dans un foyer de l’armée du
salut en Belgique qui lui avait accordé un permis provisoire de séjour de 5 ans. Après avoir effectué quelques travaux
U 4 - Droit européen matériel 51 sur 86 Cours de Lucile B.

pour le foyer en question, l’intéressé avait demandé à bénéficier du « minimex » (aide sociale réservée aux
ressortissants belges et aux travailleurs). La CJ a relevé que l’application de la directive de 2004 n’aurait pas du
conduire à l’obtention par l’intéressé d’un titre de séjour mais comme il l’avait déjà obtenu il pouvait bénéficier du
principe de non discrimination en tant que citoyen européen même s’il était non actif et même s’il ne disposait pas de
ressources suffisantes (CJCE 7 septembre 2004 Tronjani).

La qualité de citoyen européen donne également droit à la jouissance des droits civiques et politiques.
En particulier, elle implique le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et aux élections du Parlement
européen dans l’état membre de résidence (art. 22 TFUE). Elle implique également le droit de pétition devant le
Parlement européen, le droit de recours du médiateur européen contre un acte de mauvaise administration d’une
institution européenne (art. 24 TFUE). S’y ajoute enfin la protection diplomatique et consulaire des autorités de tout état
membre lorsque l’état d’un ressortissant n’est pas représenté dans un état membre (art. 23 TFUE). De plus on observe,
de nombreux droits fondamentaux dont les citoyens de l’union européenne peuvent se prévaloir au regard de la valeur
contraignante de la Charte des droits fondamentaux.

B/ Les Limites Du Droit De Déplacement Et


De Séjour.

Selon l’article 52 du TFUE, des mesures particulières peuvent être prises à l’encontre des
ressortissants de l’union pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Ce texte vaut aussi
bien pour les libertés d’établissement et de prestation de service que la libre circulation des travailleurs. Cependant,
comme il ne précisait rien au delà on a adopté la directive de 2004 qui elle est relative aux droits de citoyens de l’union
et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des états membres. Elle pose donc
les contours des exceptions qu’elle définit. Cela dit aucune de ces limites ne peut être invoquée à des fins économiques.
Quelque soit la gravité d’une crise économique et ses conséquences, il n’est pas possible de l’opposer au libre accès
des ressortissants d’un autre état membre à une activité non salarié dans un autre état membre.

1) Le contenu de ces limites.

a) La réserve d’ordre public et de sécurité publique.

1. LA NOTION D’ORDRE PUBLIC.

Il n’existe pas d’approche commune de l’ordre public européen donc lorsqu’on on l’invoque il s’agit de
celui que les états membres peuvent invoquer pour protéger ce qu’ils considèrent comme leur intérêt essentiel le tout
sous le contrôle de la CJ. D’ailleurs cette cour a indiqué que la notion d’ordre public devait être strictement entendue si
bien qu’ils ne disposent pas d’une entière liberté d’appréciation pour déterminer les mesures qui répondent à la
sauvegarde de ces intérêts (CJCE 4 décembre 1974 Van Duyn). Certes un état peut invoquer la réserve d’ordre public à
l’encontre d’un individu mais seulement lorsqu’il se trouve confronté à une situation « de menace réelle suffisamment
grave affectant un intérêt fondamental de la société » (CJCE 27 octobre 1977 Bouchereau).

De plus, ces mesures doivent respecter le principe de proportionnalité et elles doivent exclusivement
reposer sur le comportement personnel de l’individu concerné. La cour vérifie que la décision étatique ne vise pas un
groupe de personnes et qu’elle ne se fonde pas surtout sur un comportement collectif comme dans le cadre de mesure
générale. Cette exigence s’explique par la volonté de prévenir les expulsions collectives de ressortissant d’autres états
membres qui seraient des mesures de rétorsion (CJCE 26 février 1975 Bonsignore).

2. LE COMPORTEMENT DE L’INTÉRESSÉ.
U 4 - Droit européen matériel 52 sur 86 Cours de Lucile B.

Le comportement du migrant concerné suppose donc l’existence d’une menace actuelle, réelle et
grave qui affecte un intérêt fondamental de l’état. Tel n’est pas le cas de condamnations pénales antérieures qui à elles
seules ne peuvent pas automatiquement justifier l’adoption de mesures nationales fondées sur l’ordre public. Il ne
s’agira alors que d’un élément d’appréciation parmi d’autres. Dans un arrêt du 7 juin 2007 commission c/ Pays-Bas où la
Cour a condamné la législation néerlandaise en raison du lien systématique et automatique qu’elle crée entre une
condamnation antérieure et une mesure d’éloignement du territoire.

Constitue en revanche une telle menace, les infractions d’agression sexuelle et de viol sur une
mineure âgée de 8 ans au début des faits commises par un ressortissant italien résidant en Allemagne depuis 1987 dès
lors qu’il est constaté chez l’auteur des faits une tendance à maintenir ce comportement à l’avenir (CJ 22 mai 2012). Par
ailleurs, l’interdiction de quitter le territoire pour non paiement d’une dette fiscale, n’est conforme au droit européen que
si elle a pour objet de répondre à une menace réelle, actuelle et suffisamment grave qui affecte un intérêt fondamental
de la société. Encore faut-il cependant que l’autorité nationale ait prise en compte le comportement personnel du
débiteur (CJUE 17 novembre 2011 Aladzhvov).

De plus, les faits constitutifs du comportement personnel reprochés doivent être réprimés à l’égard de
tous y compris des nationaux. Par exemple, la prostitution tolérée dans un état pour ses ressortissants ne peut pas faire
l’objet d’un refus d’accès au territoire ou de mesure d’éloignement à l’égard d’un ressortissant. En revanche, le principe
de non discrimination n’empêche pas les mesures d’exclusion des étrangers et si les conditions évoquées sont remplies
l’accès au territoire pourra être refusé ou prendre à l’encontre d’une mesure d’éloignement.

b) La santé publique

Selon la directive, les maladies susceptibles de justifier l’interdiction d’entrer sur le territoire, sont les maladies
potentiellement épidémiques, définies dans des instruments pertinents de l’OMS, ainsi que d’autres maladies
infectieuses ou parasitaires contagieuses (tuberculose, syphillys) à condition qu’elle fasse l’objet, dans l’état membre
d’accueil, de dispositions protectrices à l’égard des nationaux.

Toutefois, l’expulsion ne peut plus être ordonnée si la maladie survient après 3 mois de présence sur le sol de l’Etat
concerné. De ce fait, un État membre peut soumettre les bénéficiaires du droit de séjour à un examen médical gratuit,
dans les 3 mois de leur arrivée, ceci afin de vérifier l’absence des maladies concernées. Là encore, ‘examen ne peut
pas être effectué de façon systématique. Encore faut-il que des indices sérieux le justifient.

2) Les garanties procédurales accordées aux personnes concernées

Elles ont été renforcées par la directive de 2004, et elles renvoient à la protection due aux personnes dans un État de
droit, à propos de décisions leur faisant grief. Les Etats membres ont ainsi l’obligation d’aménager un recours contre
leurs décisions. Ce recours suppose en premier lieu que le migrant ait été informé des raisons du refus d’admission, ou
de l’expulsion, selon les hypothèses.
Ensuite, la procédure doit être contradictoire, et si la présence de l’intéressé peut être refusée au cours de cette
procédure, elle ne peut plus l’être à l’audience, sauf risque de troubles graves, ou encore lorsque le recours porte sur le
refus d’entrée. Le citoyen européen qui est sous le coup d’une mesure d’éloignement, peut former une demande e
référé pour obtenir le sursis de l’’exécution de cette décision. Dans ce cas, l’éloignement effectif ne eut pas avoir lieu,
tant que l’ordonnance de référé n’a pas été rendue. Sauf dans 3 hypothèses :
- La décision d’éloignement se fonde sur une décision judiciaire antérieure
- La personne intéressée a eu auparavant accès à un recours juridictionnel
- La décision d’éloignement se fonde sur des motifs impérieux de sécurité publique (visés à l’article 28 paragraphe 3
de la directive de 2004).
U 4 - Droit européen matériel 53 sur 86 Cours de Lucile B.

Enfin, et sauf urgence, le migrant doit bénéficier d’un délai pour quitter le territoire, qui ne peut pas être inférieur à 15j.
Cependant, rien ne l’empêche, après l’écoulement d’un nouveau délai "raisonnable", de reformuler une demande
d’admission sur le même territoire.
U 4 - Droit européen matériel 54 sur 86 Cours de Lucile B.

Titre 3 : La Libre Circulation Des


Capitaux
Cette liberté, prévue aux articles 63 à 66 du TFUE, était initialement envisagée comme la 4ème liberté de circulation
fondée sur le marché commun. Toutefois, elle générait des obligations moindres que celles qui pesaient sur les Etats
membres pour la réalisation des trois autres. La libre circulation des capitaux est étroitement liée à la politique
économique et monétaire des États membres, qui relevait alors de leur souveraineté. Mais les choses ont évolué et le
principe de libre circulation des capitaux s’est peu à peu affirmée, même s’il connait quelques exceptions.

Chap 1 . L’affirmation Progressive


De La Libre Circulation Des
Capitaux

Que signifie "mouvement de capitaux" ? Cette formule recouvre diverses opérations, comme par exemple les
investissements directs étrangers, achats immobiliers ou mobiliers, les crédits et les prêts, et toute opération en lien
avec des établissements financiers, y compris les opérations à caractère personnel (comme des legs par exemple).

Section I - Le Traité De Rome

Dés l’origine, le traité de Rome avait prévu la libre circulation des capitaux tout en précisant que la suppression des
restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres devait se faire "dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché commun". Cette raison explique que cette liberté envisagée comme une liberté de type
complémentaire devait seulement permettre la réalisation des trois autres, c'est-à-dire qu’elle devait faciliter leur mise en
oeuvre.
Après les progrès accomplis dans les années 60, les Etats membres ont adopté des mesures de sauvegarde qui ont
largement freiné le processus. En particulier, les opérations financières réalisées avec d’autres Etats membres, étaient
souvent soumises à des autorisations préalables dites "contrôle d’échange".

Section Ii - La Directive Du 24 Juin 1988


Sur La Libéralisation Des Capitaux
La situation décrite ci-dessus a perduré jusqu’au début des années 1990, bien que la CJUE ait rappelé en 1981 que la
liberté de circulation des capitaux était une liberté fondamentale, au même titre que les autres libertés de circulation.
C’est un arrêt CJCE 11 novembre 1981, Casati.
Après avoir pris conscience que cette situation créait un obstacle à l’instauration du marché intérieur, le conseil a adopté
une directive, celle du 24 juin 1988, 88-361CEE, qui prévoyait la suppression totale et inconditionnelle de tous les
U 4 - Droit européen matériel 55 sur 86 Cours de Lucile B.

contrôles d’échange. La Cour a retenu la date du 1er juillet 1990 comme date butoir, correspondant à la première phase
de l’établissement de l’union économique et monétaire. Néanmoins, elle comportait des possibilités de dérogation pour
l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, et la Grèce. La directive prévoyait également la libre circulation des capitaux entre la
communauté européenne et les pays tiers, sous condition de réciprocité.
Enfin, elle a fourni une liste indicative des mouvements de capitaux qui ne devaient plus supporter d’entrave, en
particulier les investissements directs, les investissements immobiliers, les opérations sur titre et en compte courant et
de dépôt, et enfin les prêts et les crédits financiers.

Section Iii - Le Traité De Maastricht

Ce traité a lancé l’union économique et monétaire, et prévoyait le passage à la monnaie unique, a considérablement
modifié les dispositions du traité de Rome en la matière.
Il a donné à la libre circulation des capitaux le même statut que les autres libertés du marché intérieur. A coté du 1er
janvier 1994, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements, ont été abolies, d’une part entre les
Etats membres, d’autre part dans les relations des Etats membres avec les pays tiers. Au cours des élargissements
successifs, les contrôles d’échanges ont été progressivement supprimés, cela pendant la période de pré-adhésion des
pays candidats.

Aujourd’hui, les mouvements de capitaux sont entièrement libéralisés, exception faite de quelques périodes de transition
accordées à certains nouveaux Etats membres, pour des opérations relatives à l’achat de biens immobiliers, la règle
étant prévue à l’article 63 du TFUE : "Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux
mouvements de capitaux entre les Etats membres, et entre les Etats membres et les pays tiers, sont interdites".
Ensuite, le 63.2 : "Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les
Etats membres, et entre les Etats membres et les pays tiers, sont interdites"

C’est ainsi qu’a été condamné récemment une législation grecque, qui prévoyait l’exonération des droits de succession
relatif à la résidence principale, uniquement pour les ressortissants des Etats membres de l’Union qui résidaient en
Grèce. Ca a été jugé par CJUE, 26 mai 2016, commission c. Grèce.

Chap 2 : Les Limites À La Mobilité


Des Capitaux

Certaines exceptions à la libre circulation des capitaux sont prévues dans le traité.

Section I - Les Limites Issues Du Traité


Le traité prévoit une réserve de compétence nationale, à l’article 65 §1, qui autorise l’application d’un traitement fiscal
différent aux non-résidents et aux capitaux étrangers, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un moyen de discrimination
arbitraire, ni d’une restriction déguisée, au sens de l’article 65 §3.
Les critères doivent être objectifs, et ne doivent pas tenir compte de la nationalité. Il s’agit là d’une incitation fiscale à
investir sur le territoire national, ou encore de fiscalité avantageuse pour les parts.
Par ailleurs, les Etats membres peuvent prendre toute mesure indispensable pour lutter contre les infractions fiscales et
également pour le contrôle dit prudentiel des établissements financiers. (Article 65 §1 .B)
U 4 - Droit européen matériel 56 sur 86 Cours de Lucile B.

Ils peuvent encore prendre des mesures justifiées, par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique, de même
qu’ils peuvent appliquer des sanctions financières à l’encontre de personnes physiques ou morales, ou à l’encontre de
groupes ou d’entités non-étatiques, cela afin de prévenir et de combattre le terrorisme. (article 75 TFUE)

Enfin, l’article 66 du TFUE autorise les restrictions envers les pays tiers, lorsque de graves difficultés menacent le
fonctionnement de l’union économique et monétaire.

Section Ii - Les Limites


Jurisprudentielles

Selon la CJUE, la libre circulation des capitaux en tant que principe fondamental des traités, ne peut peut être limitée
par une règlementation nationale que si elle est justifiée par des raisons citées dans l’article 65 du traité pré-citées ou
par des raisons impérieuses d’intérêt général précisées par la jurisprudence de la Cour.
C’est ainsi que la Cour a reconnu que la garantie d’un service d’intérêt général, tel que le service postal universel, peut
constituer une raison impérieuse d’intérêt général qui pourrait justifier une entrave à la libre circulation des capitaux, cela
dans le but de protéger la solvabilité et la continuité du prestataire du service postal universel. (30 mars 2006,
commission contre Pays-Bas)

Par ailleurs, la CJUE a rappelé plus récemment que le fait de lutter contre la double imposition n’est pas une obligation
pesant sur les Etats membres. (CJUE, 4 février 2016, Baudinet et autres)
La double imposition est en effet la conséquence de l’exercice parallèle de la souveraineté fiscale des Etats, et elle n’est
pas contraire aux libertés de circulation.

Il en va de même de la réduction des droits de succession par un État membre, lorsque la succession comporte un
patrimoine qui a déjà fait l’objet d’une transmission successorale, à condition qu’elle ait donné lieu à la perception de
droits dans cet État membre. ==> arrêt du 30 juin 2016, Feilen.
Les successions constituent en effet des mouvements de capitaux au sens de l’article 63 du TFUE, sauf lorsque leurs
éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.
En revanche, le mécanisme allemand d’abattement fiscal sur les donations effectuées par des non-résidents, et ce
mécanisme est issu de la loi allemande qui a pourtant été modifiée à ce propos, constitue toujours une restriction à la
libre circulation des capitaux. => Affaire Hünnebeck, 8 juin 2016

En ce qui concerne les secteurs du pétrole, des télécommunications et de l’électricité, la CJUE a estimé que l’objectif de
garantie, la sécurité de l’approvisionnement de tel produit, ou la fourniture de tels services en cas de crise, sur le
territoire de l’Etat membre en cause, peut constituer une raison de sécurité publique, peut constituer une raison de
sécurité publique et justifier éventuellement une entrave à la libre circulation des capitaux. CJCE, 13 mai 2003,
commission contre Espagne.

Comme pour les autres libertés, la mise en oeuvre de cette liberté nécessite une action positive d’harmonisation. C’est
ainsi qu’un ensemble de textes et de mesures ont été adoptés, afin de construire un "espace financier européen",
recouvrent les activités bancaires, les activités de bourse et de valeurs mobilières, et enfin l’assurance.
U 4 - Droit européen matériel 57 sur 86 Cours de Lucile B.

PARTIE 2 : La politique
européenne de concurrence
Introduction

Les traités ont institué en matière de concurrence un corps de règles matérielles directement applicables. Ils n’ont donc
pas emprunté la méthode de l’harmonisation des législations par voie de directive, comme pour la liberté de circulation
des marchandises. Ces règles sont des instruments essentiels de la création du marché commun. De ce point de vue,
elles doivent être placées à côté des principes de libre circulation de marchandises et des capitaux, à côté de la liberté
de prestation de services et à côté de la liberté d’établissement.

En effet, il ne suffit pas de supprimer les obstacles institutionnels aux échanges, pour que le marché unique soit établi. Il
faut aussi se protéger et prévenir les comportements d’entreprise, qui pourraient soit constituer des ententes entre elles,
soit abuser de leur position dominante, et reconstituer de ce fait le cloisonnement des marchés nationaux.
Les entreprises privées ne sont pas les seuls concernées. Les Etats peuvent eux aussi faire obstacle à l’inter-
pénétration des économies nationales, notamment par les aides qu’ils octroient à leurs entreprises ou à leurs industries
nationales.

Les règles de concurrence apparaissent ainsi comme le moyen de lutter contre ces barrières, d’origine privée ou
publique, qui voudraient remplacer les barrières institutionnelles.

La Commission européenne a ici beaucoup de pouvoir, elle représente l’autorité de la concurrence.


La Commission européenne a assigné 3 objectifs à la concurrence :
- Protéger le marché pour améliorer le bien-être des consommateurs.
- Soutenir la croissance, l’emploi et la compétitivité de l’économie dans l’UE
- Encourager une culture de la concurrence

Plusieurs approches de la notion sont envisageables, et elles se combinent entre elles.


La concurrence peut d’abord être perçue comme un mode d’organisation de l’économie, que l’on oppose à la
planification. Elle peut ensuite être définie comme une structure du marché, par opposition au monopole, puisqu’elle
suppose notamment un nombre suffisant d’offreurs et de demandeurs, mais également la substituabilité des produits et
des services, et aussi un accès au marché pour tous les opérateurs économiques. Enfin, on peut la définir comme un
standard de comportement sur le marché, les entreprises devant éviter les collusions entre elles, et les exploitations
abusives de leurs pouvoirs économiques.
Voilà là les deux infractions au droit européen de la concurrence : ententes et abus de position dominante.

Précision sur l’accès au marché pour tous les opérateurs économiques :


Concurrence = Cum cure = courir avec, courir ensemble.
Cela veut dire que la libre concurrence = nul ne peut empêcher un opérateur économique d’accéder au marché de son
choix.
U 4 - Droit européen matériel 58 sur 86 Cours de Lucile B.

A/ Les Sources Du Droit De La Concurrence

Depuis ses origines, le droit de l’UE s’intéresse aux pratiques anti-concurrentielles pour les interdire. La première de ces
sources était le traité de Rome, donc dés l’origine, dans les articles 85 et 86 interdisant les ententes d’une part et les
positions dominantes abusives d’autre part, textes inchangés sur le fond et la forme. Sont devenus les articles 81 et 82
dans le traité sur la communauté européenne, puis les articles 101 et 102 du TFUE.

Ce droit primaire a été complété par des dispositions de droit dérivé, contenues dans divers règlements du Conseil et de
la Commission. Les uns concernent les règles de procédure, d’autres traitent des règles de fond, et c’est le cas des
règlements d’exemption, des règlements qui sont parfois sous l’intitulé de "lignes directrices". Si ces communications
n’ont pas de caractère obligatoire, elles n’en sont pas moins importantes puisqu’elles indiquent l’orientation de la
politique de l’autorité de contrôle (à savoir la Commission). Ces communications, on les appelle la "soft law".
Ces textes permettent de renforcer la transparence et la sécurité juridique, et surtout d’interpréter les textes qu’ils
accompagnent.

Quant aux autres contributions fondamentales au développement du droit de la concurrence, il s’agit d’une part de la
pratique décisionnelle de la Commission, et d’autre part de la jurisprudence de la CJCE, qui est devenue CJUE avec le
traité de Lisbonne.
Avec la concurrence, elle joue le rôle de cassation puisqu’elle statue en droit sur les pourvois formés contre les arrêts
rendus contre le Tribunal de l’UE.

B/ Les Notions Fondamentales Du Droit De


La Concurrence

2 notions principales : Il s’agit des notions d’entreprise et de marché.

1) l’entreprise

Les entreprises sont les acteurs premiers de la construction européenne. Tout comme les Etats, elles sont destinataires
de normes juridiques, de même qu’elles sont titulaires de recours juridictionnels.
Qu’est-ce qu’une "entreprise" ?
Le traité ne la définit pas, bien qu’il y fasse référence à plusieurs reprises. Et il le fait notamment aux articles 101 et 102
qui tous deux décrivent pour les interdire des comportements d’entreprise.
Donc pour y être soumis il faut être une entreprise.

C’est la jurisprudence qui a défini la notion à l’aide d’un double critère :


- L’exercice d’une activité économique (souvent ce critère est seul mais dans certaines hypothèses il doit être complété
par l’autre critère)
- L’autonomie de comportement sur le marché.

a) Le critère essentiel de l'entreprise : l’exercice d’une activité économique.

1. LE PRINCIPE
U 4 - Droit européen matériel 59 sur 86 Cours de Lucile B.

Selon une jurisprudence bien établie, la notion d'entreprise comprend toute entité exercent une activité économique,
indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement. L’arrêt fondateur est CJCE, 23 avril 1991,
Höfner.
En outre, il importe peu qu’elle ne poursuive pas un but lucratif, si l’activité en cause peut déboucher sur des
comportements anti-concurrentiels. Ce postulat est issu de CJCE, 16 novembre 1995, FFSA (sociétés d’assurances)
Cette entité apparaît aussi comme un opérateur indépendant sur le marché. Et là encore, il importe peu qu’il s’agisse
d’une personne physique ou d’une personne morale, d’une personne de droit privé ou de droit public, ou même d’un
groupement dépourvu de personnalité juridique. Aucune forme juridique à priori n’exclut la qualification d’entreprise,
l’essentiel étant le caractère économique de l’activité concernée.

2. LES LIMITES

L’entité en cause est soustraite aux champs d’application des articles 101 et 102 TFUE si l’activité économique qu’elle
exerce comportent l’exercice de PPP ou si ses fonctions sont de nature exclusivement sociale.

Limite n°1 : exercice de PPP


Une entreprise publique, un organisme public, ou une collectivité locale, ne sont pas considérés comme des entreprises
au sens du droit de la concurrence lorsqu’ils mettent en oeuvre des PPP.
Ces activités sont soustraites au droit de la concurrence. 

Arrêt fondateur : Eurocontrôles, 19 janvier 1994. (aiguilleurs du ciel)

Une difficulté peut surgir lorsque l’entité dont il s’agit exerce plusieurs activités, dont certaines seulement sont assorties
de ces PPP.
Dans ce cas, on analyse ces différentes activités pour déterminer leur nature et voir lesquelles créent le différend
juridique.

Dans une affaire Aéroport de Paris, le défendeur soutenait que ses activités relevaient de la qualification d’activité de
police, cela dans le but d’échapper à une condamnation sur le fondement des règles de concurrence. Le tribunal a
répondu à l’Aéroport de Paris (AdP) en deux temps :
- il a commencé par préciser que la qualité de AdP, à savoir Etablissement Public chargé de la gestion d’installations
relevant du domaine public, permettait l’exercice de PPP, ne saurait exclure à elle seule la qualité d'entreprise
- il a rechercher les activités d’AdP purement administratives, en les distinguant de celles qui étaient liées à la gestion et
à l’exploitation des aéroports parisiens.
Après avoir procédé à cette analyse, il a conclu qu’AdP n’exerçait aucune activité de police dans l’affaire en question, et
se livrait à une activité économique, donc c’était une entreprise et donc on pouvait appliquer les règles qui visaient les
comportement d’entreprise.
Aéroports de Paris, TPI, 1er décembre 2000.

Limite n°2 : L’exercice d’activités exclusivement sociales

Dans l’arrêt Pousset du 17 février 1993, CJCE, la Cour a considéré que la notion d'entreprise ne s’appliquait pas aux
organismes chargés de la gestion des régimes de sécurité sociale. Cette fonction doit être à fonction exclusivement
sociale, et dépourvue de but lucratif. De plus, leur activité repose sur le principe de la solidarité nationale, et les
prestations légales versées sont indépendantes du montant des cotisations. Cette position est constante. elle a été
réitérée dans Kattner, 5 mars 2009.
A l’opposé, les régimes complémentaires et les fonds de pension, obéissent à un autre régime. Selon la CJ en effet, un
organisme gérant un régime d’assurance vieillesse qui complète le régime de base obligatoire est une entreprise même
s’il ne poursuit pas un but lucratif. ==> Arrêt FFSA déjà cité.
U 4 - Droit européen matériel 60 sur 86 Cours de Lucile B.

Le juge a relevé que ces caisses fonctionnaient selon le principe de la capitalisation, et que les prestations qu’elles
versent dépendent d’une part du montant des cotisations, d’autre part des résultats financiers de leurs investissements.
La Cou n’a cependant pas nié l’existence d’une certaine solidarité. Mais elle a précisé que cette solidarité était limitée
dans la mesure où l’affiliation à ces régimes est facultative.

La question s’est posée pour les fonds de pension, pour lesquels la Cour s’st prononcée dans 3 arrêts de 1999, le
premier étant 21 septembre 1999, Albany International. En l’espèce, des médecins néerlandais refusaient l’affiliation
obligatoire à un fonds de pension concernant l’exercice libéral de la médecine, parce qu’ils étaient devenus salariés. En
se basant sur les arrêts antérieurs (Pousset et FFSA), la Cour a considéré que les fonds de pension exercent une
activité économique en concurrence avec celle des compagnies d’assurance. Il s’agit d’entreprises soumises au droit de
la concurrence malgré le principe de solidarité et même à défaut de but lucratif. Ces principes ont été réitérés dans un
arrêt CJUE, 21 décembre 2011, Commission contre Pologne.

L’activité économique est donc le premier critère, puisqu’elle permet de délimiter le champ d’application matérielle des
règles européennes de concurrence.
Soit l’activité est économique, ou exercée dans un but économique, et il s’agit d’une activité d'entreprise soumise aux
règles de concurrence.
Soit elle n’est pas économique, et alors elle échappe à l’application de ces règles.

Ce critère est donc fondamental et son identification suffit dans la plupart des cas à qualifier une entité d'entreprise au
sens du droit de la concurrence. Mais pas toujours. Dans certaines hypothèses il sera nécessaire de lui en adjoindre un
second, complémentaire, celui de l’autonomie de comportement sur le marché.

b) Le critère secondaire : l’autonomie de comportement sur le marché

La jurisprudence a posé cette condition en complément de la première à propos des accords intra-groupes. Ce sont des
accords conclus à l’intérieur d’un groupe de sociétés et notamment des accords conclus entre la société mère et ses
filiales.
Pour être une entreprise l’entité concernée doit également disposer d’un minimum d’autonomie réelle, tant dans sa prise
de décision que dans son comportement sur le marché.
Ce critère s’induit de l’esprit de l’article 101 du traité (interdisant ententes anti-concurrentielles entre entreprises). En
effet, pour avoir une influence sur les conditions de la concurrence, l’entente doit réunir des opérateurs économiquement
indépendants. Ce critère est également consacré dans le règlement sur le contrôle des concentrations, lequel définit
l'entreprise comme "un ensemble économique doté d’un pouvoir de décision autonome indépendant de la détention du
capital ou des règles de tutelle administrative qui lui sont applicables".

C’est ainsi que la filiale entièrement contrôlée par la société-mère, ne peut pas conclure une entente interdite avec celle-
ci, puisqu’elle ne dispose d’aucune autonomie dans le cadre des conventions qu’elles passent entre elles. La filiale se
contente d’appliquer les instructions de la société mère, au titre de sa subordination.
C’est ce qu’a indiqué la Cour dans Centrafarm, 31 octobre 1974, à propos des accords conclus entre la société mère
et la filiale, mais elle avait exigé alors que ces accords sous examen aient pour but la répartition interne des tâches
entre les entités concernées.
Cette dernière condition n’est plus exigée par la jurisprudence, puisque l’article 101 du traité ne prévoit rien de tel. Tout
simplement, ce texte est inapplicable à une unité économique, l’unité économique que forment la mère et la filiale.

En effet, l’accord qu’interdit l’article 101 suppose le concours de plusieurs volontés économiquement indépendantes, et
ce n’est pas le cas ici. Arrêt TPICE du 12 janvier 1995, affaire Viho-Europe c. Commission, approuvé par la Cour le
24 octobre 1996. Le litige concernait ce qu’on a appelé "la politique de renvoi" qui avait été mise en place par la société
U 4 - Droit européen matériel 61 sur 86 Cours de Lucile B.

Parker (stylos). Elle avait plusieurs filiales, chacune établie dans un État membre différent, et elle avait interdit à ces
filiales de livrer des marchandises dans d’autres Etats membres que celui où chacune était implantée.
De ce fait, quand une commande provenait de clients d’un autre État membre, la filiale en cause devait renvoyer cette
commande à la filiale géographiquement concernée.

Le cloisonnement des marchés par le biais d’un accord est puni par l’article 101, mais là il n’y avait pas d’accord. On n’a
pas pu sanctionner ce comportement sur le fondement de l‘article 101, puisqu’on n’a pas pu considérer qu’il y avait
accord entre entreprises, puisque la mère et les filiales formaient une entité unique, mais ça a pu être sanctionné
autrement, sur le fondement de l’atteinte à la libre circulation des marchandises, les clients ne pouvant pas se fournir
auprès des filiales de leur choix, ce qui pouvait les priver de la possibilité de bénéficier d’éventuelles différences de prix
pratiqués par les revendeurs.

Enfin, cela peut avoir des conséquences sur le terrain de la responsabilité. Selon la cour en effet, une société holding
peut être solidairement responsable des infractions commises par une filiale de son groupe, sur laquelle elle exerce une
influence déterminante, même de façon indirecte, par le biais d’une société interposée. En effet dans cette situation la
société holding, la société interposée, et la filiale, font partie d’une même unité économique et elles constituent une
seule entreprise au sens du droit européen de la concurrence. C’est-à-dire que lorsqu’une société mère détient une
filiale à 100%, il existe une présomption d’influence déterminante de la première sur la seconde.
Ce qui fait que si la filiale commet une infraction au droit de la concurrence, c’est la société mère qui va payer. Elle sera
responsable des comportements infractionnaires de sa filiale, et elle ne pourra échapper à sa responsabilité que si elle
démontre qu’il n’y avait pas influence déterminante en la matière.

La mise à l’écart de l’article 101 dans ces hypothèses n’empêche pas l’application de l’article 102 si les conditions sont
réunies (abus de position dominante). En ce domaine, la thèse de l’entité unique aboutit au renforcement de
l’interdiction. Comme les filiales n’ont pas d’autonomie de comportement sur le marché, elles n’existent pas en tant
qu’entreprises, donc on additionne leurs parts de marché, et ça peut aboutir à une position dominante. Ceci en soi n’est
pas interdit. Ce qui est interdit c’est l’abus.

Les éléments constitutifs de la position dominante, et les comportements abusifs, sont envisagés de manière globale,
sans considération de la personnalité des sociétés en cause. Par exemple, la position dominante peut être détenue par
une seule entité, ou par toutes ensembles, et l’abus peut n’être commis que par une seule.
Dans l’affaire du 21 février 1973, Can, la CJUE a retenu la position de l’ensemble de toutes les sociétés réunies (la
mère + ses filiales), tandis que l’abus n’était le fait que d’une filiale (Europemballages), à Bruxelles et aux Pays-Bas.
Comme on a auditionné tous les chiffres d’affaires, l’amende sera calculée à partir de ce chiffre d’affaires.

La thèse de l’entité unique reconnait ainsi le groupe comme destinataire unique des dispositions de l’article 102, le
groupe est le sujet ici du droit de la concurrence. Cette position mènera dans tous les cas à des amendes élevées,
puisque leur montant est proportionnel au chiffre d’affaires de l’entreprise.

b) Le marché

Cette notion joue un rôle essentiel en droit de la concurrence, et tout spécialement en matière d’abus de position
dominante. En effet la détention d’une position dominante par une entreprise s’entend nécessairement par référence à
un certain marché, dont la délimitation précise est le préalable nécessaire à tout analyse juridictionnelle.
TPI, 21 février 1995, SPO, réitéré dans CJCE 6 juillet 2000, affaires Volkswagen c. Commission.
U 4 - Droit européen matériel 62 sur 86 Cours de Lucile B.

Dans la première le tribunal a dit que "la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et
préalable du jugement porté sur un comportement prétendument anti-concurrentiel, puisque avant d’établir l’existence
d’un abus de position dominante, il faut établir l’existence d’un position dominante sur un marché donné. Ce qui suppose
que ce marché ait été préalablement délimité."

A l’article 102 du traité.


Cela a une utilité également dans le cadre du contrôle des concentrations, dont l’objectif est d’empêcher ou de contenir
la constitution et l’abus d’une position dominante.
La Commission a consacré une communication entière à la notion de marché = communication du 9 décembre 1997.
On y voit bien que la notion n’est pas unitaire, il y a deux aspects du marché.

Le marché possède une dimension géographique tout d’abord, en tant que périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la
concurrence. Il a aussi une dimension matérielle, en fonction des caractéristiques propres du produit, et de la façon dont
il est perçu par le consommateur.

a) Le marché du produit

Ce marché est défini en tenant compte de l’ensemble du contexte économique, puisqu’il s’agit de mesurer la puissance
économique effective de l'entreprise en cause.
Selon la communication de 1997, le marché du produit "comprend tous les produits et/ou services que le consommateur
considère comme interchangeables, ou substituables, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix, et de l’usage
auquel ils sont destinés. Ce marché s’apprécie par référence à la substituabilité des produits concernés.
Pour délimiter ce marché, il faut donc identifier les produits qui sont substituables et aussi les produits qui, sans être
absolument substituables à ceux de l’entreprise dont il s’agit, sont suffisamment interchangeables avec les produits
proposés par l’entreprise, dans l’esprit des utilisateurs ou des consommateurs.

Dans l’emblématique affaire United Brands, à propos du marché des bananes. La CJUE a dit que pour être considéré
comme constituant un marché suffisamment distinct, la banane doit pouvoir être individualisée par ses caractéristiques
particulières, la différenciant des autres produits, au point qu’elle soit peu interchangeable avec eux, et ne subisse leur
concurrence que d’une manière peu sensible. 14 février 1978, United Brands.
La Cour devait dire si ce fruit constituait un marché en soi, ou s’il devait être englobé comme le soutenait la requérante,
dans celui des fruits frais.

La CJUE a constaté, à l’issue d’une longue discussion, qu’une grande masse de consommateurs qui a un besoin
constant de bananes n’est pas détournée d’une manière caractérisée et même sensible de la consommation de ce
produit par l’arrivée sur le marché d’autres fruits frais. Mêmes les pointes saisonnières ne l’affectent que d’une manière
dont le temps est limité et sans substituabilité.
D’où il s’ensuit que le marché de la banane constitue un marché suffisamment distinct de celui des autres fruits frais,
lesquels participent d’un autre marché, puisqu’ils ne sont pas substituables dans l’esprit des consommateurs avec la
banane, qui ne subit donc leur concurrence que de manière insignifiante.
En revanche ce marché de la banane comporte toutes les variétés et tous les modes d’accommodation de bananes,
qu’elles soient ou non revêtues d’une marque.

Le prix peut constituer une caractéristique du produit ou du service, et permettre ainsi de mesurer sa substituabilité. On
retiendra souvent dans l’analyse du marché le rapport qualité/prix, l’écart de prix entre les produits, l’existence de
marges bénéficiaires supérieures, etc.
Autre critère utilisé : les conditions de fabrication du produit ou les conditions de fourniture de la prestation de services.
Par exemple, les autorités européennes font la distinction entre la glace artisanale qui est généralement fabriquée,
distribuée et consommée localement, et la glace industrielle qui est fabriquée au contraire pour être distribuée à grande
échelle ==> Décision Commission, 11 mars 1998, Van den Bergh Foods
U 4 - Droit européen matériel 63 sur 86 Cours de Lucile B.

De façon générale, l’identification du marché du produit est de nature essentiellement subjective. Elle tient donc compte
non seulement des caractéristiques propres des produits , mais aussi des conditions de concurrence et de la structure
de l’offre et de la demande sur le marché.
E effet, es stratégies des producteurs ou certaines méthodes de commercialisation pourraient influence l’appréciation
des consommateurs à cet égard.

Par exemple, le mode de distribution des glaces a permis à la commission d’abord, puis à la CJUE ensuite, de distinguer
les glaces destinées à la consommation immédiate des glaces italiennes, dont la commercialisation nécessite des
installations particulières et plus de personnel. ==> CJCE 21 février 1973, Europemballages Corporation

Enfin, le conditionnement du produit peut lui aussi révéler l’existence de circuits de distribution distincts. Par exemple, il
existe deux sous-marchés au sein du marché du sucre blanc cristallisé, celui du sucre en vrac ou en sacs de 50kg (pour
les professionnels) et celui du sucre en détail, vendu au kilo ou en sachet. ==> décision Commission, 14 mai 1997,
sucre irlandais

b) Le marché géographique

Il peut s’étendre à l’ensemble du territoire européen, et même être mondial lorsqu’une entreprise bénéficie d’un
monopole mondial de production et de vente de certains produits, et donc d’un monopole identique dans le marché
commun. (CJCE 6 mars 1974, ICI SPA).
L’assise peut être plus réduite. Il convient de déterminer dans quelle mesure elle peut être considérée, selon les termes
même de l’article 102 du TFUE, comme partie substantielle du marché commun.

Le marché géographique peut se définir comme la zone au sein de laquelle se confrontent effectivement l’offre et la
demande des produits ou des services.
Selon la Commission dans sa communication de 1997, il permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel
s’exerce la concurrence entre entreprises. Donc il comprend "le territoire sur lequel les entreprises concernées sont
engagées dans l'offre des biens et services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment
homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce qu’en particulier les conditions de
concurrence y diffèrent de manière appréciable."

La notion de marché géographique n’est pas seulement une question de superficie du territoire. Par exemple, une
région d’un État membre, une ville ou même un quartier peuvent constituer une partie substantielle du marché commun.
Par exemple, un aéroport, comme celui de Francfort, a été considéré comme une partie substantielle du marché
commun, tout comme un port par exemple, lorsqu’ils revêtent une certaine importance économique au regard du marché
intérieur pris dans son ensemble. Donc il n’existe aucune étendue géographique minimale pour dire qu’il s’git d’une
partie substantielle du marché commun.

Pour savoir si un territoire déterminé revêt d’une importance suffisante, pour constituer une partie substantielle du
marché commun au sens de l’article 102 du traité, la Cour a dit "il faut prendre en considération notamment la structure
et le volume de la production et de la consommation dudit produit, ainsi que les habitudes et les possibilités
économiques des vendeurs et des acheteurs". C’est ce qu’a décidé CJCE, 16 décembre 1975, Suicker Unie
Un port par exemple, en raison du volume du trafic et de l’importance qu’il revêt au regard de l’ensemble des activités
d’importation et d’exportation maritime dans l’Etat membre concerné, peut constituer un marché spécifique recouvrant
une partie substantielle du marché commun.
A cela la commission ajoute le déplacement des commandes vers d’autres zones : les caractéristiques fondamentales
de la demande, l’opinion des clients et des concurrents sur les limites du marché, la localisation des achats au moment
de l’enquête, les caractéristiques de livraison, et les entraves et les coups liés à la réorientation des commandes vers
des entreprises situées dans d’autres zones.
U 4 - Droit européen matériel 64 sur 86 Cours de Lucile B.

En définitive, cette délimitation résulte d’un jugement de valeurs, qui intègre des éléments de nature très diverse. Elle
peut aussi inclure des données de nature juridique (par exemple des barrières règlementaires), et même parfois des
appréciations de type psychologique, comme la langue utilisée ou les préférences culturelles des consommateurs, ou
leurs habitudes de consommation…

Titre 1 : Les Comportements


Interdits Par Le Droit De La
Concurrence

Chap 1. Les Pratiques Anti-


Concurrentielles

En droit français, nous avons ces mêmes pratiques, mais nous avons également les pratiques restrictives de
concurrence.

I _ Les Ententes

L’entente est une collusion entre entreprises, interdite tant par le droit de l’UE à l’article 101 du TFUE, que par le droit
interne, à l’article L420-1 du code de commerce.
La coordination des comportements est un élément fondamental de l’entente interdite. Elle génère une atteinte à la
concurrence, condamnable mais elle peut exceptionnellement bénéficier d’une exemption.

Le principe est la prohibition des ententes.


(voir textes que la prof nous communiquera par mail)

art 101§1 : Sont incompatibles avec le marché commun tous accords entre entreprises tout décision d’association
d'entreprise et toute pratique concertée, susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet/
effet d’empêcher/restreindre la liberté de commerce et les principes de la concurrence.
De cette définition se dégagent les élément constitutifs de l’entente. Nous avons tout d’abord un concours de volonté
entre entreprises, une atteinte à la concurrence dans le marché commun, et un objet/effet restrictif de concurrence.

A/ Le Concours De Volonté Entre


Entreprises

L’article 101 cite "tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques
concertées".
Nulle part le texte n’évoque l’entente alors que ce terme est fréquemment utilisé par la doctrine et la jurisprudence
européenne.
U 4 - Droit européen matériel 65 sur 86 Cours de Lucile B.

Un même comportement, de type collusoire, peut s’exprimer au fur et à mesure de son évolution soit par des accords,
soit par des pratiques concertées.
On ne connait pas encore la teneur exacte des agissements divers qui leur sont reprochés. Le terme générique
"d’entente" est alors bienvenu car il permet de qualifier le tout, cela avant de procéder à l’analyse, et donc de qualifier
les divers éléments qui la composent. Mais ils ne sont pas toujours facile à identifier, ou même ont tendance à
s’emmêler les uns aux autres. D’où le bien-fondé du recours à la notion d’entente.

Il s’agit donc d’un concours de volonté qui peut se présenter sous 3 formes différentes : accords entre entreprises,
pratiques concertées et décisions d’associations d'entreprise.

1) L’accord

Ce terme évoque irrésistiblement le contrat, quelle qu’en soit la forme. Cela peut être un écrit sous seing privé, ou un
acte authentique, cela peut être un écrit non-signé et même cela peut être un simple accord verbal. Par ailleurs sa
nature juridique importe peu puisqu’il peut tout aussi bien concerner une vente par exemple qu’une location d’ouvrage
ou qu’une licence d’exploitation. De façon générale, la notion d’accord vise tous les contrats par lesquels les entreprises
organisent leurs relations, ou aménagent leur comportement sur le marché.
L’objet de l’accord doit être déterminé, même s’il n’a pas besoin d’être précis. Cela signifie que les parties se soient
entendues sur une finalité générale, même si les modalités de réalisation de leur accord n’ont pas encore été précisées.

Le contrat peut être bi-latéral ou multi-latéral, il peut même se présenter sous forme de mesure unilatérale, lorsqu’elle
est intégrée dans un ensemble de relations contractuelles ==> CJCE 17 septembre 1985, Ford AG
Comme l’a indiqué le TPI (aujourd'hui appelé TUE) une condition contractuelle contraire à l’article 101§1 du traité, peut
ne pas être nécessairement consignée par écrit, mais s’insérer sous forme tacite dans les relations contractuelles
entretenues par une entreprise avec ses partenaires commerciaux. ==> TPI, 7 juillet 1994, Dunlop

Cette construction a été contestée par les entreprises, car elle était attentatoire selon elles à la sécurité juridique. C’est
ainsi que le TPI et la CJCE ont été amenés à la remettre en cause, notamment dans 2 affaires importantes : l’arrêt
Bayer Adalat, 26 octobre 2000, TPICE et l’affaire 2006, Volkswagen = mesures unilatérales qui lorsqu’elles sont
insérées dans une relation commerciale habituelle, continue, a été assimilée à un accord. Mais cette construction st
attentatoire à la sécurité juridique des entreprises.

Le seul fait qu’une mesure restrictive de concurrence prise par un fabriquant s’inscrive dans le cadre de relations
commerciales continues avec ses grossistes, ne permet pas de conclure à l’existence d’un tel accord. CJCE Bayer
2004, puis 2006 Volkswagen
Cette jurisprudence ne consacre pas l’abandon total de la possibilité de faire la preuve d’un accord en se fondant sur
l’existence de relations commerciales continues.
Il reste possible de le faire mais les autorités de contrôle doivent démontrer l’adhésion des distributeurs à la mesure
anticoncurrentielle proposée voire imposée par le fournisseur.

2) La pratique concertée

Il ne s’agit pas moins d’une notion distincte et autonome, la CJCE l’a rappelé dans la fameuse affaire des matières
colorantes : dans cette affaire, des hausses de prix successives et identiques étaient intervenues simultanément dans
plusieurs Etats membres, mais la preuve directe d’un accord entre les grands producteurs n’avait pas pu être établie.
Cette affaire est CJCE, 14 juillet 1972, ICI et autres de la cour de justice, et la commission avait donné un avis sur
cette affaire en 1969.
La Cour a prouvé la commission d’avoir identifié en l’espèce une concertation entre entreprises, sous la qualification de
pratique concertée (notion visée à côté de l’accord à l’article 101).
U 4 - Droit européen matériel 66 sur 86 Cours de Lucile B.

La pratique concertée n’exige cependant pas un engagement réciproque des entreprises concernées, ni même la
poursuite d’un plan commun, car si c’était le cas, elle se confondrait avec la notion d’accord. La CJCE y voit simplement
une convergence d’intentions individuelles, qui débouche sur une pratique restrictive de concurrence. Dans l’affaire des
matières colorants, elle l’a induite du seul échange d’informations entre entreprises suivi d’un alignement sur les prix.
Cette position a été confortée dans l’arrêt Suicker Unie, 16 décembre 1975 : "Tout opérateur économique doit
déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun". Or ce principe s’oppose
rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit
d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à tel concurrent le
comportement que l’on est décidé à ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché.

Le tribunal, dans un arrêt Cimenterie CBR, TPI, 15 mars 2000, a ajouté que pour aboutir à une pratique concertée il
n’est donc pas nécessaire de démontrer qu’un opérateur économique s’est formellement engagé à l’égard d’un ou de
plusieurs autres, à adopter tel ou tel autre comportement, ou que les concurrents ont fixé en commun leur
comportement futur sur le marché. Il suffit que à travers sa déclaration d’intention, l’opérateur économique ait éliminé ou
à tout le moins substantiellement réduit l’incertitude, quant au comportement à attendre de sa part sur le marché.

Le seul parallélisme des comportements ne suffit pas à caractériser l’existence d’une pratique concertée, puisque rien
n’interdit à une entreprise d’aligner d’elles-mêmes leur comportement sur celui de leur concurrent ==> adaptation
intelligente au marché. Ce n’es qu’un indice qui joue avec d’autres au sein d’un faisceau d’indices, qui va constituer la
preuve de la coopération acceptée et voulue, qui elle est constituée de la pratique concertée de l’article 101 du traité.
Ahlström Osakeyhtiö (appelée affaire "patte de bois"), CJCE 31 mars 1993 : un parallélisme de comportements ne
peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constitue la seule
explication plausible (c’est également le cas dans les matières colorantes). Tel est le cas notamment d’une politique de
prix similaires, appliquée dans un contexte bien particulier.
Dans l’affaire des matières colorantes, cette pratique ne pouvait pas s’expliquer autrement que par la coordination
pratique des entreprises entre elles.

Cette notion se rapproche de celle d’accords. Leurs objets respectifs diffèrent, puisque la qualification sous-tend une
simple convergence d’intentions individuelles qui débouchent sur une pratique restrictive de concurrence. Ainsi un
comportement peut être qualifié de pratique concertée lorsque les parties, sans avoir décidé à l’avance et ensemble les
agissements à venir se sont contentées d’adhérer sciemment à un système de collusion favorisant la coordination de
leur comportement commercial.
Selon la CJCE il suffit que l’objet anticoncurrentiel de la pratique concertée soit établi, pour que le comportement en
cause soit condamnable. Et il suffit aussi que ce comportement soit susceptible seulement de produire des effets
négatifs ou néfastes sur la concurrence.
Le fait de savoir dans quelle mesure cet effet s’est réellement produit n’a d’importance que pour le calcul du montant des
amendes et pouvoir faire avoir des droits à dommages&intérêts : CJCE 4 juin 2009, T-mobile Netherlands.

S’agissant enfin de la preuve de cette pratique concertée, elle s’induit le plus souvent de la participation à des réunions
périodiques entre concurrents, même si elles ne sont pas suivies des faits. La responsabilité d’une entreprise peut être
retenue à raison d’une seule réunion. La seule manière d’y échapper est à rapporter la preuve difficile de leur
distanciation publique. Selon la Cour, le départ d’un participant au cours d’une réunion ne peut pas être considéré
comme une distanciation publique de l’entente illicite.
L’intéressé doit de plus y joindre des indices démontrant que les autres participants ont bien compris qu’ils mettaient fin
à sa participation, donc il faudra produire plus => 19 mars 2009, Archer Daniels Mitland

3) Les décisions d’associations d’entreprises

Les entreprise peuvent s’associer ou constituer un groupement entre elles par exemple. Si l’accord initial relève en tant
que tel de l’article 101 du traité, il n’est pas en soi restrictif de concurrence.
U 4 - Droit européen matériel 67 sur 86 Cours de Lucile B.

Les seules décisions concernées par l’article 101 sont les décisions de ce groupement d’entreprises, qui pourraient
imposer un comportement collectif anti-concurrentiel à ses participants.

Lorsqu’elles sont suivies des faits, ces décisions sont assimilées à des ententes et sont donc soumises à l’article 101§1.
La Cour a ainsi jugé que la société Mastrecard pouvait être qualifiée d’association d'entreprise lorsqu’elle adopte des
décisions relatives aux commissions multilatérales d’interchange, et que des entreprises acceptent notamment de
coordonner leur comportement au moyen de ces décisions ==> CJUE, 11 septembre 2014, Mastercard

Les notions d’association d'entreprise et de décision prises par l’association, sont souplement compris par les autorités
de concurrence.
Tout groupement volontaire quel qu’il soit peut être ainsi qualifié. Par exemple les syndicat professionnels, les GIE, des
associations stricto sensu, et même de simples associations de fait qui n’ont pas de personnalité juridique.
Les entreprises du secteur bancaire => 12 décembre 1984, Uniform Eurochèques
Les fédérations sportives => par exemple l’union des associations européennes de football => Commission, 19 avril
2001
D’ailleurs, le Tribunal de l’UE a rappelé que les clubs de football sont des entreprises et que les associations qui les
rassemblent sont des associations d’entreprises même si ces clubs se présentent comme n’étant constitués que
d’amateurs. => TPI, 26 janvier 2006, Laurent Piau
Mais ça concerne aussi les entreprises du secteur des assurances, de la construction ou encore du transport aérien
(Commission, 30 juillet 1991, Iata Cargo Agency Program => accords conclus entre diverses compagnies aériennes
membres de Iata, qui est une association d’entreprises du secteur aérien regroupant 189 membres.)

Quant à la catégorie des décisions d’associations d’entreprises : elle est largement couverte puisqu’elle st fonction de la
notion d’entreprise. C’est ainsi que l’association des expéditeurs en douanes italiens est une association d’entreprises
au sens de l’article 101§1, même si son activité de type intellectuel exige une autorisation des pouvoirs publics.
CJCE 18 juin 1998, Commission contre Italie

Les ordres professionnels sont aussi des associations d’entreprise, sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre les
diverses activités qu’ils exercent. Donc les ordres d’architectes sont concernés dans la mesure où les normes qu’ils
adoptent ne sont l’expression ni d’une mission sociale fondée sur le principe de solidarité, ni de prérogatives typiques de
puissance publique. Commission, 24 juin 2004, ordre des architectes belge
Mais aussi CJUE 28 février 2013, Ordem dos tecnicos oficials de contas
Enfin, TPUE 10 décembre 2014, ordre national des pharmaciens
Donc même l’ordre est considéré comme une association d’entreprise.

Enfin, il en va de même d’une corporation de droit public espagnol regroupant les mandataires en propriété industrielle
établis en Espagne, corporation à laquelle les pouvoirs publics ont conféré certaines fonctions qui lui permettaient de
régir la profession. On en déduit qu’il importe peu que l’association d'entreprise quelle qu’elle soit défende le seul intérêt
privé de ses membres, ou qu’elle poursuive par-delà celui-ci un but d’intérêt général. Cela ne l’exonère pas de toute
responsabilité concernant ses décisions => Commission, 30 janvier 1995, Coapi

La décision d’association d'entreprise, visée par le texte 101§1 avec les accords et pratiques concertées, est initialement
unilatérale, puisqu’elle est émise par l’organe compétent du groupement (assemblée générale ou autre). Il peut s’agir de
directives, "en tant qu’accord déterminant le comportement des membres représentés par ces associations". Il peut
encore s’agir de codes de conduite professionnels ou même de simples recommandations à caractère contraignant pour
les participants à l’association.
U 4 - Droit européen matériel 68 sur 86 Cours de Lucile B.

Dés qu’elle a pour objet de coordonner le comportement de ses membres, la recommandation en cause constitue une
décision d’association d'entreprise au sens de l’article 101§1.

B/ Une Atteinte À La Concurrence

1) La notion d’atteinte à la concurrence

L’article 101§1 interdit les ententes qui ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le marché
commun. C'est-à-dire que ce n’est pas la localisation des entreprises qui va commander le jeu de l’article 101, ce sera la
localisation de l’effet anticoncurrentiel de leur entente. C’est ce qu’on appelle le principe de l’effet ou de la territorialité
objective. Pour être condamnable, il faut et il suffit que l’entente produise ses effets à l’intérieur du marché commun. Par
voie de conséquence, des entreprises qui sont toutes établies dans l’union peuvent impunément conclure entre elles
des accords qui ne concerneraient que des marchés extérieurs.

Les autorités de contrôle ne sont pas garantes en-dehors de leur sphère de compétence du respect de la concurrence.
Cela dit ces accords n’échappent pas pour autant quand même à l’examen. Ils seront examinées quand même, parce
qu’il convient de vérifier que l’entente, dont le but était de fausser la concurrence extérieure, ne produit pas quelque effet
par ricochet sur la concurrence intra-européenne. Toute possibilité d’incidence, tant directe qu’indirecte, est
soigneusement examinée à travers l’analyse concrète de l’affaire. A l’inverse, des ententes convenues entre entreprises
toutes domiciliées à l’extérieur peuvent produire leurs effets à l’intérieur du marché commun.
Si c’est le cas, ces ententes conditionnent l’applicabilité de l’article 101.

Selon le principe général posé par la CJUE, 22 novembre 1971, Beguelin = le fait par l’une des entreprises participant
à l’accord d’être située dans un pays tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article (85 à l’époque, 101 aujourd’hui),
dés lors que l’accord produit ses effets sur le territoire du marché commun.

La commission a ainsi condamné 41 producteurs, tous domiciliés hors union, qui s’étaient entendus sur le prix d’un
produit vendu à l’intérieur de celle-ci => Commission, décision patte de bois, 19 décembre 1984
Donc le lieu où l’entente est mise en oeuvre est bien le critère déterminant de l’applicabilité de l’article 101. Des ententes
conclues entre des entreprises situées dans un seul État membre peuvent affecter le commerce intra-européen,
notamment leur caractère national ne les empêche pas de relever de l’article 101 du traité.

2) Les principales atteintes à la concurrence : exemples cités à l’article 101


paragraphe 1.

Selon une jurisprudence constante, toute restriction de concurrence doit être appréciée en tenant compte de
l’ensemble du contexte juridique et économique. Cette conception postule l’examen au cas par cas et donc elle rend
difficile toute tentative d’inventaire des restrictions de concurrence condamnables. La liste de l’article 101 §1 n’est donc
pas et ne peut pas être exhaustive. Le texte ne définit pas la restriction de concurrence, il se borne à l’illustrer par une
série d’exemples sous formes de lettres : A et E.
L’article 101§1 - A, le texte condamne les accords, les ententes sur les prix constituent des atteintes graves à la
concurrence d’où leur caractère a priori condamnable. Ce caractère de gravité est d’ailleurs conformé par le règlement
d’exemption sur les accords verticaux. Selon ce texte, certains types de restrictions graves de concurrence, comme
l’imposition d’un prix de vente minimale ou d’un prix de vente fixe ou certains types de protection territoriale doivent être
exclus du bénéfice de l’exemption quelle que soit la part du marché des entreprises concernées. Le prix doit être
librement déterminé par les opérateurs économiques c’est-à-dire qu’il ne doit pas résulter d’une coopération, d’un
échange d’informations entre eux. Dans l’affaire des matières colorantes, la cour de justice a précisé que si chaque
producteur peut fixer ses prix en tenant compte du comportement actuel ou prévisible de ses concurrents, il est en
U 4 - Droit européen matériel 69 sur 86 Cours de Lucile B.

revanche contraire aux règles de concurrence qu’un producteur coopère avec ses concurrents de quelque manière que
ce soient, pour déterminer une ligne d’action coordonnée relative à une hausse des prix et pour en assurer la réussite
par l’élimination préalable de cette incertitude quant aux comportements réciproques relatifs aux éléments essentiels de
cette action.

Toutefois, la commission a admis en 2002 l’existence d’accords sur les prix susceptibles de remplir les conditions
d’exemption. L’espèce se rapportait à une entente concernant les commissions convenues entre les banques, la clause
de prix, ayant été reconnue indispensable à l’établissement d’un système international de paiement à grande échelle.
C’est une décision de la commission du 24 juillet 2002, Visa international. On en déduit que les clauses contractuelles
intégrant des fixations de prix ne sont pas toujours et systématiquement restrictives de concurrence. La commission en
a d’ailleurs repris l’idée dans ses lignes directrices. La commission admet la possibilité d’aborder l’exemption dans
certaines circonstances à des accords de prix imposés. Tel est le cas lorsqu’ils prouvent des gains d’efficience qui seront
appréciés conformément à l’article 101 §3 (régime générale de l’exemption).
En particulier, lorsqu’un nouveau fabricant fait un nouveau produit, les prix imposés peuvent permettre aux distributeurs
d’augmenter les efforts de vente et si les distributeurs sur ce marché sont soumis à des pressions concurrentielles, les
inciter à développer la demande globale pour le produit et à faire de ce lancement un succès dans l’intérêt des
consommateurs également. C’est le point 225 des lignes directrices.

Les lignes directrices admettent une autre tolérance pour les promotions assurées par les têtes de réseau. Puisque
dans le cadre d’un système de franchise ou d’un système de distribution similaire, appréciant un format de distribution
uniforme, une campagne de prix bas coordonnée de courte durée (2 à 6 semaines) profitera également au
consommateur.

2ème exemple : l’article 101§1 - B = il vise les accords de limitation ou de contrôle, de la production, des débouchés, du
développement technique ou des investissements. Il s’agit en premier chef des accords de quotas de production ou de
vente. On peut illustrer cette catégorie avec Commission, 16 juillet 1969, entente internationale de la quinine, où les
entreprises de vente avaient fixé des prix en commun, établi des quotas assortis d’un système de compensation, et
avaient interdit aux groupes des entreprises françaises de fabriquer de la quinine synthétique en entreprise.

Dans tous les cas, il s’agit d’empêcher les entreprises de mettre en place des systèmes qui pourraient geler des
positions, positions qui à l’inverse devraient se plier aux règles du marché.
Plutôt que de supprimer des productions en cas d’offre excédentaire, elles préfèrent se répartir les marchés et mettre en
place des quotas de façon à éviter l’écroulement des prix.
Une application particulière du texte a été faite à propos des règles déontologiques concernant la profession d’avocat.
Les avocats étant des entreprises, ils sont soumis aux règles de la concurrence. C’est en effet au nom de ces règles que
le règlement du conseil de l’ordre des avocats néerlandais avait interdit tout lien entre cabinet d’avocat et cabinet
d’expertise comptable. Après avoir constaté que cette interdiction aboutissait à empêcher la constitution de grandes
plateformes intégrées, susceptibles de générer des économies d’échelle, la Cour a considéré qu’elle était de nature à
limiter la production et le développement technique au sens de l’article 101§1-B. ==> CJCE 19 février 2002, Wouters,
c’est le premier arrêt où il est dit que les avocats aussi sont tenus au droit de la concurrence.

3ème exemple : 101§1-C => Vise les accords de répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement : ces
accords sont fréquents dans le secteur de la distribution. Ils sont particulièrement critiquables au regard des objectifs
U 4 - Droit européen matériel 70 sur 86 Cours de Lucile B.

poursuivis par le traité, puisqu’ils contribuent au cloisonnement du marché commun, et à la reconstitution officielle des
barrières que le droit de l’union vise précisément à supprimer.
Ces accords participent de la catégorie des infractions les plus graves, avec les accords sur les prix auxquels ils sont
d’ailleurs souvent associés. En effet les différences de prix peuvent être maintenues grâce à la répartition des marchés,
qui empêchent les consommateurs d’acheter les produits les plus intéressants là où ils se trouvent.

Qu’ils soient horizontaux ou verticaux, tous les accords aboutissant à un cloisonnement des marchés sont constructifs
de concurrence. Ce raisonnement peut résulter par exemple d’interdictions d’exporter directes ou indirectes. Par
exemple, indirect ça sera l’établissement d’un système de prix par un fabriquant pour décourager les exportations de
ses distributeurs (Commission, 28 juillet 1998, Volkswagen, confirmée par le TPI 6 juillet 2000.)

Le cloisonnement peut dériver de comportements ou même directement d’accords de répartition des marchés, comme
celui par lequel deux producteurs de soude s’étaient réservés l’un l’exploitation de l’Europe de l’Ouest continentale, et
l’autre celle du Royaume-Uni. Commission, 29 décembre 1990, Carbonate de soude Solvay-ICI. et également CJCE,
6 avril 2000, ICI.
Autre exemple : l’entente par laquelle des producteurs de sucre concurrents s’étaient réparti géographiquement les
marchés dans l’UE => CJCE Suicker Unie 16 décembre 1975

La technique du cloisonnement a été identifiée et condamnée dans les grands cartels (= grandes ententes secrètes
conclues entre concurrents), tels que celui du polypropylène (CJCE, 8 juin 1999, Annick), du PVC (TPI, 20 avril 1999),
du carton (CJCE 16 novembre 2000), du ciment, des treillis soudés, etc etc etc.
Distinction : les accords d’exclusivité de vente ce n’est pas pareil.

101§1-D : les accords discriminatoires = Accords consistant à appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des
conditions inégales à des prestations équivalentes …. (voir texte 101§1 pr compléter)
De façon générale, le traité n’interdit que la discrimination fondée sur la nationalité. De ce fait, une entreprise qui seule
agirait de façon discriminatoire à l’égard de ses partenaires commerciaux ne pourrait pas être condamnée. D’où l’intérêt
de l’article 101§1-D, qui permet de sanctionner la discrimination lorsqu’elle est la conséquence d’une entente. C’est sur
ce fondement que la commission a condamné une pratique discriminatoire de prix fondée sur le pays de destination des
produits concernés. Il s’agissait d’une pratique concertée entre le producteur et ses distributeurs exclusifs dans le but
d’isoler le marché allemand pour favoriser sa filiale. => Commission, 23 novembre 1972, Pittsburgh Corning Europe
SA.
Ce type d’infraction est en particulier reproché aux associations, notamment au regard de leurs conditions d’adhésion.
Lorsqu’elles sont objectives, ces conditions sont en principe licites, mais ce premier critère n’est pas toujours suffisant.
Voilà pourquoi elles sont examinées avec attention par l’autorité de contrôle, après avoir été replacées dans leur
contexte.
Une condition qui a l’air de prime abord objective, par exemple la réalisation d’un certain chiffre d’affaires, peut à
l’analyse se révéler discriminatoire parce que le seuil indiqué est par exemple trop élevé, et qu’il va faire le tri entre les
candidats à l’adhésion => Commission, 26 octobre 1999, FEG

Par ailleurs, il n’est pas rare que le règlement des statuts de l’association réserve des avantages économiques à ses
membres. Là encore, ces avantages doivent être objectivement justifiés, pour échapper à la condamnation. Exemple :
selon la commission, le fait de réserver la qualité de membre de l’association aux entreprises belges, a eu pour effet de
rendre le marché local plus difficile d’accès aux entreprises extérieures qui n’y avaient pas d’établissement => 23 juillet
1974, papier peint de Belgique.

101§1-E : les accords de subordination, aussi appelés contrats couplés, contrats liés ou même contrats d’enchainement.
U 4 - Droit européen matériel 71 sur 86 Cours de Lucile B.

Ces accords sont à priori interdits car ils restreignent la liberté d’action des parties et donc faussent par la même le jeu
normal de la concurrence.

C/ Un Objet Ou Un Effet Restrictif De


Concurrence

Selon le TFUE les ententes prohibées sont celles qui ont "pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence".
L’examen des autorités de contrôle porte d’abord sur l’objet anticoncurrentiel. C’est seulement lorsque cet objet n’est
pas caractérisé qu’elle procès à l’analyse des effets de l’entente, ce qui n’exclut évidemment pas le cumul des deux.

L’instruction de l’article 101§1 est de nature formelle en ce sens qu’elle se suffit d’un objet anticoncurrentiel pour être
interdite, indépendamment des effets qu’elle pourrait produire.

1) Les restrictions de concurrence par objet

Elles sont si graves "qu’il est inutile aux fins de l’application de l’article 101§1 de démontrer qu’elles ont des effets
concrets sur le marché." (citation Cour qui reprend une communication de 2004 de la Commission) => Arrêt 19 mars
2009, Archer Daniels Mitland.

Tel est le cas de la fixation des prix et des partages de marché, qui entrainant des réductions de leur production et des
hausses de prix, aboutissent à une mauvaise répartition des ressources, parce que les biens et services demandés par
les clients ne sont pas produits.
Cet objet est issu de la volonté des parties. Il s’induit de nombreux facteurs tel que le contexte économique et juridique,
les circonstances de la cause, le comportement des parties, et la probabilité de l’atteinte à la concurrence qui en résulte.
=> CJCE, 20 novembre 2008, Beef Industrie

Depuis quelques années, la notion d’objet anticoncurrentiel est interprétée de façon extensive par les autorités de
contrôle (notamment la commission). Mais la Cour de justice a condamné cette tendance, en rappelant qu’elle appelait a
contraire une interprétation stricte. => CJUE 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires

2) L’effet anticoncurrentiel

Pour qu’un accord soit restrictif par ses effets, il doit affecter la concurrence réelle ou potentielle à un point tel qu’il est
possible de prévoir qu’il aura sur le marché en cause des effets négatifs sur les prix, la production, l’innovation, la qualité
des produits ou des services…
Toutefois cet effet ne se présume pas. Si bien qu’il est nécessaire dans tous les cas de procéder à une appréciation
individuelle des effets que l’accord est susceptible de produire sur la concurrence.

Par ailleurs, les seules ententes interdites sont celles qui produisent des effets sensibles sur la concurrence, c'est-à-dire
un impact suffisamment important sur celle-ci.Les ententes condamnables sont identifiables à partir de seuils dits "de
sensibilité". Ils sont calculés sur le fondement des parts de marché, détenues par les ventes impliquées dans l’entente.
Ces seuils sont indiqués dans une communication, ces communications se sont succédées dans le temps et se sont
intitulées "communications concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de
la concurrence" ou communications "de minimis".
U 4 - Droit européen matériel 72 sur 86 Cours de Lucile B.

Ces communications sont identifiées selon la qualité des parties : s’il s’agit de concurrents, leur part de marché cumulée
ne doit pas dépasser 10%, mais c’est porté à 15% s’il s’agit de non-concurrents.

Enfin l’effet cumulatif de réseaux parallèles d’accords ayant des effets similaires sur le marché, ramène ces deux seuils
à 5%. L’effet sensible est toutefois présumé lorsque l’entente en question contient une ou plusieurs restrictions
"flagrantes", même si les seuils ne sont pas atteints.

La communication de minimis a été révisée le 25 juin 2014, d’une part afin de prendre en compte la jurisprudence
Expedia et surtout de mettre le texte en adéquation avec les règlements d’exemptions et les autres lignes directrices
adoptées depuis 2001. Les seuils sont restés les mêmes, néanmoins la commission a précisé que les accords
contenant des restrictions par objet ne peuvent pas être considérés comme des accords d’importance mineure.

Section Ii - Le Relevé Des Interdictions


D’ententes Illicites : L’exemption

Selon l’article 101§3 du TFUE, une entente interdite peut être rachetée si il apparait après examen qu’elle génère plus
d’avantages que d’inconvénients pour la concurrence. Il ressort de ce texte 4 conditions cumulatives qui sont
nécessaires à l’exemption.

A/ Les Conditions De L’exemption

Le texte fait apparaitre deux conditions positives et deux conditions négatives.

1) Les conditions exprimées de façon positive dans le texte

Il s’agit d’abord de l’assurance d’un progrès économique, que l’on appelle également gain d’efficacité ou gain
d’efficience. Ce progrès peut par exemple consister dans une meilleure information, ou dans un service de garantie ou
d’après-vente dont bénéficient les consommateurs. Ce progrès eut également consister dans la mise en place d’une
nouvelle structure de recherche par exemple, ou dans le développement de nouvelles techniques, ou de nouvelles
méthodes de fabrication, ou encore il peut consister dans la rationalisation de certaines relations commerciales.
Cela peut consister dans la faculté de réaliser des stocks qui permettront l’approvisionnement des utilisateurs.

La deuxième condition est le partage équitable du profit avec le consommateur. Le progrès obtenu par l’accord ne doit
pas seulement profiter aux entreprises qui sont impliquées. Si le progrès économique se traduit par une baisse des
coûts de production par exemple, cette baisse doit se répercuter en avant sur les prix aux consommateurs. Cela peut
être encore l’amélioration de la qualité d’un produit ou d’un service, ou de la mise sur le marché de produits nouveaux,
notamment dans le domaine de la santé. Commission, 6 octobre 1994, Pasteur Mérieux Merck.

Enfin, si un accord restrictif de concurrence est susceptible d’entraîner une hausse des prix, celle-ci doit être
entièrement compensée par un relèvement de la qualité ou d’autres avantages pour les consommateurs. Plus la
U 4 - Droit européen matériel 73 sur 86 Cours de Lucile B.

restriction est importante, plus les avantages pour le consommateur doivent l’être aussi, sinon les conditions de l’article
101§3 ne seraient pas remplies.

2) Les conditions négatives compte tenu de la tournure du texte

La 3ème conditions est une simple application des principes de nécessité et de proportionnalité, puisque les restrictions
imposées aux entreprises ne doivent pas outrepasser les limites de l’indispensable pour parvenir aux résultats
escomptés.
Autrement dit, elles ne doivent pas aller au-delà de ce qu’exige l’objectif de progrès.
Ce progrès ne doit pas pouvoir être atteint par un autre moyen qui serait moins dommageable pour la concurrence.

Enfin, l’entente ne doit pas éliminer la concurrence, même pour une partie substantielle des produits en cause. Cela
veut dire que quels que soient les effets positifs de l’entente, il est absolument nécessaire au regard du paragraphe 3 de
maintenir une dose minimale de concurrence sur le marché. Ce qui signifie que les autres entreprises doivent quand
même y avoir accès. La rivalité entre entreprises est en effet un moteur indispensable à l’activité économique.

B/ La Mise En Oeuvre De L’exemption

Il faut distinguer deux périodes et deux types d’exemptions.

1) Les exemptions individuelles

Celles ci existaient avant 2004. En 2004 elles ont été définitivement supprimées. Avant 2004, les entreprises pouvaient
obtenir des exemptions individuelles de la Commission qui avait le monopole sur la question, après avoir notifié leurs
accords. Cette règle était issue du 1er règlement d’application des articles 101 et 102, à savoir le règlement 17-62.

La date de 2004 a marqué l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement d’application, le règlement n°1-2003, qui a
modifié les choses : ce texte a supprimé la possibilité pour les entreprises de notifier leurs accords à la commission.
Depuis 2004, les entreprises doivent elles mêmes évaluer leurs accords : c’est une sorte d’auto-évaluation, on leur fait
confiance à priori, on considère que si elles ont conclu un accord entre elles, et qu’elles l’ont mis à exécution, c’est qu’il
n’était pas restrictif de concurrence ou bien s’il l’était qu’il remplissait les conditions de l’exemption. Il n’y a plus
d’exemption ni de monopole de la commission pour conférer l’exemption, donc les entreprises doivent elles mêmes
évaluer leur accords et si elles considèrent que les conditions sont remplies, leurs ententes sont de plein droit
compatibles avec l’article 101§3 du TFUE.
Si les entreprises ne peuvent plus utiliser le texte pour obtenir une exemption de la commission, elles peuvent l’invoquer
cependant à l’occasion d’un contentieux porté devant la Commission européenne, ou devant une autorité interne de
concurrence, ou même devant une juridiction nationale.

2) Les exemptions par catégorie d’accords

La possibilité d’adopter des règlements d’exemption par catégorie d’accord, résulte des termes mêmes de l’article 101§3
du traité. Cette possibilité a été réaffirmée par le règlement de procédure n° 1-2003. Leur objectif initial était d’alléger la
charge administrative de la commission. Cette possibilité d’exemption collective a fait l’objet de beaucoup d’usages.
Sur habilitation du Conseil, la Commission a adopté de nombreux règlements d’exemptions en matière de distribution et
de propriété intellectuelle.
U 4 - Droit européen matériel 74 sur 86 Cours de Lucile B.

a) Les mécanismes des règlements d’exemption

Ces règlements confèrent de plein droit le bénéfice de l’exemption aux accords qui entrent dans leur champ
d’application. Ils renferment une description à priori des accords, auxquels l’article 101§1 n’est pas applicable, et
constitue ainsi une sorte de modèle auquel les entreprises peuvent se référer comme à un mode d’emploi.
Ces règlements sont arrêtés pour une durée limitée, en général pour 10 ans, ce qui permet leur révision régulière, et le
cas échéant leur adaptation pour tenir compte de l’évolution économique et de l’expérience acquise dans l’intervalle au
cours des années antérieures.
A l’origine ces règlements comportaient des caractéristiques communes. Ils subordonnaient souvent l’exemption à la
condition que les entreprises participant à l’entente ne dépassent pas certains seuils de puissance économique. Ils
distinguaient alors 3 types de clauses contractuelles. Les clauses noires, les clauses blanches et les clauses grises.

Les clauses noires étaient celles qui ne pouvaient pas bénéficier de l’exemption. Les clauses blanches étaient celles qui
ne portaient pas atteinte à la concurrence (par exemple, celles qui au sein d’un accord de franchise visaient à maintenir
l‘identité et la réputation du réseau) et les clauses grises étaient restrictives de concurrence mais pouvaient bénéficier
de l’exemption par catégorie. (par exemple une clause d’exclusivité ou une clause d’interdiction de concurrence active
en dehors de la zone concédée. )
Les règlements d’exemptions s’apparentaient parfois à des contrats types, si bien que peu à peu ils ont été jugés trop
lourds, trop directifs. Les autorités européennes ont donc décidé d’élaborer des règles plus souples et une nouvelle
génération de règlements d’exemptions est apparue vers le début des années 2000. Les nouveaux règlements, que l’on
appelle "règlements nouvelle approche", ne renferment plus de listes de clauses blanches et grises, il ne dresse donc
plural liste des clauses exemptées. Ils n’ont pas non plus repris la fameuse règle du "tout ou rien", selon laquelle une
clause anti concurrentielle non exemptée suffit à écarter l’exemption. Ces clauses ont été remplacées par des seuils de
puissance économique calculés en parts de marché, qui sont nécessaires dés le départ à l’application du règlement
d’exemption. De plus, encore faut il que les accords en question, qui ne dépassent pas ce seuil, ne renferment pas non
plus de clauses que les règlements appellent "les restrictions caractérisées". Enfin, les règlements dit "nouvelle
approche" marquent la distinction qui est devenue essentielle entre accords verticaux et accords horizontaux. Ils
cohabitent avec quelques règlements sectoriels qui sont limités à certains types d’accords.

b) Les applications

LES ACCORDS VERTICAUX


1.

Les accord verticaux lient des entreprises qui se situent à des niveaux différents de la chaîne de production ou de
distribution du produit. Ceux-là, de façon générale font l’objet d’un règlement n°330-2010 du 20 avril 2010, lui même
complété par des lignes directrices. Ce texte établit les conditions auxquelles les parties à un tel accord peuvent acheter,
vendre, ou revendre certains biens ou services. CJCE, 20 avril 2009, Pedro Servicios contre Total España SA ,
concernant des contrats d’accords d’achat exclusifs.
Ce règlement de 2010 remplace un précédent de 1999, lui aussi accompagné de lignes directrices, et qui lui aussi visait
les accords verticaux. Celui de 1999 est le premier règlement d’exemptions générales pour tous les accords verticaux.

Le règlement fixe un double seuil de parts de marché. Pour bénéficier de l’exemption, la part de marché du distributeur
tout comme celle du fournisseur ne doit pas excéder 30%. De plus, l’accord ne doit pas contenir de restrictions
caractérisées, (anciennes clauses noires), et il doit respecter certaines prescriptions visées à l’article 5. Cela dit, la
position de la Commission s’est assouplie un peu à l’égard de certains clauses qui participent pourtant de la catégorie
des restrictions caractérisées (c'est-à-dire des anciennes clauses noires). Si la présence de l’une d’entre elles au sein
d’un accord peut laisser présumer son caractère anticoncurrentiel, cette présomption est réfutable.
Il est donc possible d’introduire dans les contrats des clauses considérées comme des restrictions caractérisées. C'est-
à-dire qu’elles ne seront plus considérées comme telles si l'entreprise parvient à démontrer l’existence de gain
d’efficacité, la clause en question est objectivement nécessaire à l’accord.
U 4 - Droit européen matériel 75 sur 86 Cours de Lucile B.

La commission a dressé une liste non-limitative de 9 motifs de justification des restrictions verticales, parmi lesquels la
lutte contre le parasitisme ou encore l’ouverture ou la pénétration de nouveaux marchés.
Cette pratique pourra être justifiée s’il est démontré qu’elle produit des gains d’efficacité. Dans le cadre par exemple d’un
système de franchise ou d’un système de distribution similaire qui applique un format de distribution uniforme, une
campagne de prix bas coordonnés de courte durée profitera également aux consommateurs. En revanche, toute
restriction à la vente par internet constitue une restriction caractérisée qui, en tant que restriction par objet, dispense
l’autorité saisie de démontrer les faits de la pratique, quelle que soit la part de marché du fournisseur.

Affaire Pierre Fabre : La Cour estimé que la restriction de la vente par internet était une restriction par objet contraire à
l’article 101§1 du traité, à moins que le fabriquant puisse fournir une justification objective à son interdiction,, tenant aux
propriétés du produit. Mais cette justification est difficile.
CJCE, 13 octobre 2001, Pierre Fabre.

En revanche, elle a reconnu aux promoteurs de réseaux de distribution sélective le droit d’imposer des normes de
qualité pour l’utilisation du site internet, normes identiques à celles qu’ils imposent pour la vente en magasin physique
par exemple.

Un dernier problème s’est posé à propos de l’interdiction des ventes effectuées par les distributeurs non plus sur leur
propre site internet comme dans l’affaire Pierre Fabre mais par le biais des places de marché (comme Amazon ou eBay,
c’est plus souvent appelé marketplace)
En 2016, la Cour de Francfort a posé plusieurs questions préjudicielles à ce propos, dans le cadre d’une affaire Cotty.
Les conclusions de l’avocat général qui s’appelait m. Wahl ont été déposées devant la Cour en juillet 2017. Selon lui un
fournisseur de produits de luxe peut interdire à ses détaillants agréés de vendre ces produits sur des plateformes tierces
(marketplaces) telles que Amazon ou eBay. Pour l’instant on ne sait pas si la Cour le suivra dans ses conclusions ou si
elle réservera le même traitement à la clause interdisant le recours aux plateformes tierces affichant leur nom
commercial et leur logo (au fabriquant).
En tout état de cause, même si la Cour effectue un examen poussé de l’objet et de l’effet anticoncurrentiel de cette
clause, elle devrait in fine renvoyer au juge national le soin de qualifier in concreto le caractère de restriction par objet de
ce type de clause. elle le fera en fonction notamment de la nature et des caractéristiques du produit, et aussi en fonction
de la structure du marché. Le règlement d’exemption n’est pas applicable mais il faudra une auto-évaluation de la part
des entreprises, les lignes directrices doivent permettre aux entreprises de vérifier la compatibilité de leur accord avec
les dispositions de l’article 101§1 et 3 du TFUE.

2. LES ACCORDS HORIZONTAUX / RESTRICTIONS HORIZONTALES

Le traitement réservé à ces accords est évidemment nettement moins favorable que celui qui est réservé aux
précédents. Toutefois, la commission a réservé un traitement particulier à certains d’entre eux. Il existe deux règlements
d’exemption visant les accords horizontaux, tous deux ayant été révisés en 2011, l’un relatif aux accords de recherche et
développement en commun, l’autre visant les accords de spécialisation, les deux sont accompagnées de lignes
directrices sur l’applicabilité de l’article 101 aux accords de coopération horizontale.

Comme les précédents, ces règlements posent une présomption de légalité en faveur des accords conclus entre
concurrents, comme les précédents, en deçà d’un seuil de parts de marché de 25% pour les accords de recherche et
développement, et de 20% pour les accords de spécialisation. Quant à la liste des restrictions caractérisées (anciennes
clauses noires) qui interdisent toute exemption automatique, elle renferme les restrictions de concurrence les plus
courantes, notamment la fixation des prix pour es ventes aux tiers, ou encore la répartition des marchés ou de la
clientèle.
U 4 - Droit européen matériel 76 sur 86 Cours de Lucile B.

Quant aux lignes directrices, on parle du "paquet restrictions horizontales", c’est un corpus de règles destinées à régir
les accords de coopération horizontale. Elles s’appliquent aux accords qui n’entrent pas dans le champ d’application des
deux règlements précités, ainsi que certaines formes de coopération entre concurrents, par exemple les achats groupés
ou la commercialisation en commun.
Comme pour les accords verticaux, ces lignes directrices doivent permettre aux entreprises d’apprécier la compatibilité
de leurs accords avec l’article 101§1, cela compte tenu du contexte économique, de leurs pouvoirs de marché, et des
facteurs structurels permettant de mesurer l’effet d’une coopération entre entreprises.
Elle définissent ainsi un cadre analytique applicable à l’appréciation de chaque accord.

Enfin, comme les accords horizontaux résultent souvent d’échanges d’informations, un nouveau chapitre des lignes
directives leur est consacré.

3. LES ACCORDS SECTORIELS ET RÈGLEMENTS D’EXEMPTION QUI LES CONCERNENT

Autrefois, tous les règlements d’exemption étaient des règlements d’exemption sectoriels, c'est-à-dire qu’ils visaient une
seule catégorie d’accords. Il reste des règlements d’exemption qui visent une seule catégorie d’accords.
Tout d’abord il existe des règlements d’exemption qui ont été adoptés et régulièrement modernisés, en matière de
transport maritime, aérien, et dans le domaine des assurances.
Les accords verticaux qui échappent au champ d’application du règlement général 330-2010, en raison d’une part de la
généralité de ses termes, et d’autre part de la règle selon laquelle les règles spéciales dérogent aux règles générales =
"speciala generalibus derogant".
Le règlement 330-2010 précise lui-même qu’il ne s’applique pas aux accords verticaux faisant l’objet d’un autre
règlement d’exemption par catégorie.

Tout d’abord, les accords du secteur automobile : il s’agit tout d’abord des accords de distribution et de service après-
vente des véhicules automobiles, qui depuis 2002 faisaient l’objet d’un règlement d’exemption spécifique, le règlement
1400-2002. Ce règlement a disparu en 2010 et la Commission s’est alors demandé si elle n’allait pas les soumettre au
nouveau règlement d’exemption générale concernant les accords verticaux.

Finalement elle y a renoncé, elle a continué à statuer de façon particulière dans ce domaine. Le nouveau cas
règlementaire du secteur automobile, lui aussi complété par des lignes directrices, repose sur une distinction qui est
faite d’une part entre les accords de distribution de véhicules automobiles neufs, et d’autre part les accords de fourniture
de services de réparation, d’entretien, et de distribution de pièces de rechange.
Les premiers sont maintenant soumis à règlement général d’exemption, parce que après analyse la commission a pu
constater que aucun dysfonctionnement important de la concurrence n’était apparu dans ce secteur particulier. Mais
comme la situation était différente sur le marché de l’après-vente automobile, l’application d’un règlement spécifique est
apparue nécessaire pour continuer d’assurer une protection appropriée de la concurrence sur les marchés concernés.
Le règlement sectoriel qui reste en matière automobile est donc uniquement celui qui concerne l’après-vente, c’est un
règlement de 2010 qui expirera en 2023.

Autre catégorie particulière : les accords de transfert de technologies. Ces accords renferment notamment les accords
de licence de brevets, et celle des accords de licence de savoir-faire. Chacun a fait l’objet d’un règlement spécifique.
Ensuite, en 2004 ils ont été regroupés dans un règlement d’exemption, lui-même assorti de lignes directrices
particulières. Ces textes sont parvenus à expiration en 2014 et ont été remplacés le 21 mars 2014 par un nouveau
U 4 - Droit européen matériel 77 sur 86 Cours de Lucile B.

paquet, composé d’un nouveau règlement d’exemption par catégorie sur les accords de transfert de technologies et de
lignes directrices qui l’accompagnent. Depuis 2014, ce nouveau règlement ne s’applique que si les autres règlements
accord recherche et développement et accord de spécialisation ne sont pas applicables.
De plus, toutes les restrictions de ventes passives entre preneurs sont exclues du règlement.
Elles peuvent toutefois être autorisées au cas par cas si elles sont objectivement utiles au preneur pour pénétrer le
marché. Elle renferme de nouvelles réglementations liées aux regroupements de brevets ("pools de brevets"), lesquels
ne relèvent pas du règlement d’exemption.
Depuis 2008, le secteur maritime qui comprend le cabotage, c'est-à-dire le transport de marchandises entre deux ports
d’un même pays, et les services de "tramp" (c'est-à-dire les services de transport maritime non-réguliers de
marchandises en vrac qui ne sont pas dans des conteneurs), qui constituent le secteur maritime, sont soumis au droit de
la concurrence, ce qui n’était pas le cas avant.
En revanche, les accords de consortium visent à permettre la coopération pour l’exploitation en commun de services de
transport maritime, et à améliorer le service offert par chaque membre à titre individuel en dehors du consortium, cela
afin que les compagnies maritimes puissent rationaliser leurs activités. A l’heure actuelle il y en a eu plusieurs, mais
aujourd'hui ils sont régis par le règlement-amendement de la commission du 28 septembre 2009.

Chapitre 2 : L’abus De Position


Dominante

L’article 102 du TFUE : la position dominante peut être individuelle ou dans certains cas collective, puisque le texte
précise bien qu’elle peut être détenue par une ou plusieurs entreprises.
Si l’on s’en tient à la lettre du texte, on voit que seul l’abus de domination est condamné, et pas la position dominante
elle même. La position dominante constituerait donc la condition préalable d’un contrôle visant l’abus.
La jurisprudence s’est écartée du texte en inversant les termes du problème : l’abus ne représentant plus que la
condition d’un contrôle portant en réalité sur la position dominante.
La sanction n’est plus déclenchée par un comportement fautif, que l’on pourrait éviter en se conformant à la norme. Elle
peut l’être par une situation de marché qui peut être elle aussi inévitable. Une entreprise en position dominante peut être
condamnée pour abus de celle-ci alors même qu’elle n‘a commis aucune faute. Cette sanction est issue d’une part de la
position dominante de l’entreprise et d’autre part de la structure du marché.
Un même comportement peut ou non constituer un abus selon la taille de l'entreprise et la structure, la taille du marché.

En un troisième temps, le juge est revenu à une position plus protectrice de la sécurité juridique des entreprises, c'est-à-
dire que tout comportement d’une entreprise dominante n’est pas abusif systématiquement. Pour être condamné, il doit
être anormal, c'est-à-dire qu’il doit dépasser ce qui est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise en
cause.
U 4 - Droit européen matériel 78 sur 86 Cours de Lucile B.

Section I - Notion De Position


Dominante

A/ La Position Dominante Individuelle

Une entreprise qui bénéficie d’une position dominante est une entreprise dont la puissance économique lui confère de
nombreux avantages concurrentiels. Par définition, elle échappe aux pressions que subissent les opérateurs situés sur
le même marché et ses concurrents, auxquels elle peut notamment les empêcher d’accéder.

Définition : une situation fournissant à une entreprise ou à un groupe d'entreprise "la possibilité de comportements
indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des
consommateurs" CJCE, 21 févr. 1973, Continental Can.

Autrement dit, la position que détient cette entreprise sur un certain marché lui permet de se soustraire aux règles de
concurrence et de ne pas tenir compte de ses partenaires économiques. le plus souvent, cette position résulte de la part
de marché. La position dominante d’une entreprise n’est le plus souvent que la traduction juridique de son pouvoir de
marché. Mais dans les autres cas il n’est pas exclusif et doit être complété (entre 25 et 50%) liés pour l’essentiel aux
caractéristiques du marché ou à l'entreprise elle-même, ou à ses concurrents sur ce même marché.

B/ La Position Dominante Collective

Traditionnellement, la position dominante collective implique la constatation de liens entre entreprises, qui leur permet
d’adopter une même ligne d’actions sur le marché. À l’origine la notion de lien était interprétée de façon stricte : elle ne
recouvrait que les liens tirés de la structure des entreprises, comme par exemple la détention de participations croisées,
ou encore l’existence de gérants communs.
Peu à peu, cette notion s’est distendue, et elle s’est finalement réduite à de simples facteurs de corrélation entre les
entreprises, de nature financière, juridique ou le plus souvent économique. Par exemple il peut s’agir d’un accord de
licences de brevets, ou d’engagements d’approvisionnement exclusif, ou encore du financement de toutes les
opérations de promotion en faveur des acheteurs et des remises, l’ensemble traduisant selon le tribunal "une nette
convergence d’intérêts des deux sociétés par rapport aux tiers." (TPICE, 7 octobre 1999, affaire du sucre irlandais)

Dans cette conception très souple des liens exigés pour la qualification, cette condition de type comportemental devient
naturellement déterminante. Tout lien entre entreprises suffit à fonder une position dominante collective, dés lors qu’il
permet d’adopter une stratégie commerciale commune. Selon la jurisprudence AirTours, TPI, 6 juin 2002, qui a été
transposée à l’infraction de l’article 102 du traité, la position dominante collective postule la réunion de trois conditions
cumulatives :
- Chaque membre de l’oligopole dominant, doit être en mesure de connaître le comportement des autres membres,
dans le but de vérifier qu’ils adoptent ou pas la même ligne d’action sur le marché. Donc les autorités de contrôle
vérifieront en premier lieu l’existence d’une structure oligopolistique, et de la transparence du marché en cause.
- La transparence, qui effectivement est de nature à faciliter la définition tacite d’une ligne de conduite commune, et
vouée à permettre aux concurrents concernés de surveiller de manière suffisante si les modalités d’une telle ligne de
conduite sont respectées. De plus, cette situation de coordination tacite doit pouvoir se maintenir dans la durée, d’où
une incitation à ne pas s’écarter de la ligne de conduite commune sur le marché, et par voie de conséquence la
possibilité d’exercer des représailles sur les entreprises déviantes.
U 4 - Droit européen matériel 79 sur 86 Cours de Lucile B.

- La Commission doit démontrer que la réaction prévisible des concurrents actuels et potentiels et des consommateurs
ne remettra pas en cause les résultats attendus de la ligne d’action commune. CJCE 10 juillet 2008, Bertelsmann
AG et Sony.
L’oligopole est une entité, on considère l’oligopole comme une entreprise.

Section Ii _ L’abus

Il n’y a pas de définition précise de l’exploitation abusive. L’article 102 ne la définit pas. Il se borne à l’illustrer par une
liste indicative d’exemples, desquels se dégage un premier critère de l’abus. Tous se rattachent au comportement de
l’entreprise, qui est anti-concurrentiel en lui-même, et qui n’a pu être adopté que grâce à l’utilisation de la position
dominante.
Il s’agit là d’abus de comportement ou d’abus d’exploitation qui, en tant que tels, s’opposent aux actes considérés
comme abusifs, parce qu’ils portent atteinte à la structure même de la concurrence.
Ce sont les abus de structure ou encore les abus d’exclusion. Cette seconde conception de l’abus est jurisprudentielle.

Dans les deux hypothèses (abus de comportement ou de structure), la source de l’illégalité n’est pas la même.

A/ L’abus De Comportement

Ici, le caractère abusif découle d’éléments intrinsèques à l’action de l’entreprise. Il réside dans un acte d’exploitation, qui
n’a pu être effectué que grâce à la position dominante de l’entreprise.
Exemples visés dans le texte :
- L’imposition directe ou indirecte des prix d’achat et de vente, comme par exemple des pratiques de prix
discriminatoires ou inéquitables. Par exemple TPI 2 avril 2009, France Telecom contre Commission + TPI 2010,
Tomra c. Commission pour des régimes de rabais individualisés. Le tribunal a rappelé le caractère anticoncurrentiel
des rabais accordés en contrepartie d’exclusivité et des rémunérations destinées à retarder l’arrivée sur le marché
des concurrents : 12 juin 2014, Intel contre Commission.
- La limitation de la production, des débouchés, et du développement technique, au préjudice des consommateurs.
Par exemple, le refus de fournir des informations couvertes par des droits d’auteur. Affaire Magill, CJCE 6 avril 1995,
avec l’affaire des programmes TV en Irlande. La sanction a été pour la chaîne l’obligation de communiquer les
programmes. . Autre exemple, le détournement de procédures règlementaires pour retarder l’entrée de génériques
sur le marché. CJCE décembre 2012, Astra Zeneka. Ce peut être encore des quotas imposés aux entreprises. Ce
peut également être le fait, pour une entreprise, de réserver l’utilisation d’installations essentielles à son seul usage,
en les fermant d’accès aux concurrents, qui ainsi ne peuvent pas satisfaire leur clientèle.
- L’application à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes : par exemple
des avantages réservés à certains clients et pas à d’autres, les rabais de fidélité, l’octroi de primes… Pour l’octroi de
primes : 15 mars 2017, British Airways. Ou encore l’interdiction de pratiquer des importations parallèles dans le
secteur des médicaments, ou encore l’exigence d’une rémunération disproportionnée par rapport à la valeur
économique de la prestation fournie. CJCE 11 décembre 2008, affaire Stim concernant la gestion collective des
droits d’auteur. Pour l’affaire de 2017 les vols de la compagnie British Airways étaient vendus par des agences de
voyages, qui vendaient aussi des vols d’autres compagnies. British Airways avait donné des primes aux agences de
voyages pour qu’elles favorisent les vols British Airways par rapport aux autres compagnies et leur donnaient des
primes.
- Les contrats couples (ou ventes liées) par lesquels une entreprise subordonne la conclusion de contrats à
l’acceptation par ses partenaires de prestations supplémentaires sans lien avec l’objet de ces contrats. Par exemple
la vente liée du système d’exploitation Windows et de Windows Media Player a été sanctionné lors de TPI, 17
septembre 2007, qui a confirmé l’amende de 497 millions d’euros. Microsoft avait choisi de vendre son OS Windows
en y pré-installant WMP, ce qui consiste en un comportement anti-concurrentiel.
U 4 - Droit européen matériel 80 sur 86 Cours de Lucile B.

B/ L’abus De Structure

C’est une conception jurisprudentielle, dégagée par l’arrêt Continental Can de 1971. L’idée est que : tout
comportement, quel qu’il soit, peut en outre être qualifié d’abusif, s’il permet à une entreprise de limiter les effets de la
concurrence sur un marché déjà affaibli par sa seule présence.
D’où cette seconde conception de l’abus, qui permet de considérer comme illicite et abusif tout acte consistant à influer
sur la structure du marché, en réduisant la marge de concurrence qui subsiste sur celui-ci, après que l'entreprise en
position dominante s’y soit installée.
Ici l’accent est posé sur l’influence que produit l'entreprise sur la situation et la structure de la concurrence.

L’idée est la suivante : de par sa seule présence, l'entreprise a déjà faussé la structure du marché. Dans l’abus de
comportement la position est viable mais inconfortable. Mais dans l’abus de structure, le moindre de ses faits et gestes,
même licite, pourra être considéré comme un abus, car elle empêche aux autres de faire quoi que ce soit. La part de
marché qu’elle laisse aux autres entreprises est trop petit, et le moindre de ses faits et gestes va gêner les autres dans
leur action, et l'entreprise pourra être considérée comme dans l’abus de position dominante.

C’est ainsi que des comportements légitimes en eux-mêmes et ne causant aucun préjudice aux autres acteurs du
marché peuvent être constitutifs d’abus. Prenons l’exemple d’une prise de participation dans le capital d’une entreprise
concurrente : si cet acte se traduit par un contrôle effectif de cette autre entreprise ou par une influence sur sa politique
commerciale, le comportement en question, qui est légitime en lui-même, pourra être considéré comme abusif. => CJCE
27 novembre 1987, CBAT et Reynolds.

C/ Les Théories Bâties Autour De L’article


102

1) La théorie des installations essentielles

Il y a tout d’abord la théorie des installations essentielles.


Par exemple : une entreprise en position dominante qui possède une "installation" (=on dit aussi "facilité", ça fait
référence par exemple à une infrastructure matérielle comme un port, un aéroport que l'entreprise gère, mais aussi des
informations comme dans l’affaire Magill…) de nature matérielle ou immatérielle.
Cette installation ne peut pas être reproduite, ou bien si elle peut l’être ce n’est pas à des conditions raisonnables. Par
exemple, l'entreprise gère le port ou l’aéroport, et sur cette structure elle est gestionnaire, et en même temps elle en est
utilisatrice. Mais elle n’est pas seule à effectuer des prestations de transport : on ne peut pas reproduire un port ou un
aéroport.
Et dans l’affaire Magill, les informations ne sont même pas reproductibles.

Cette installation n’est pas reproductible à des conditions raisonnables, mais elle est essentielle, indispensable au
concurrent, ou son accès est indispensable au concurrent pour qu’il puisse accéder à un marché qui se trouve en amont
ou en aval.

L’installation du port est nécessaire pour les sociétés de transporteurs, et l’entreprise qui gère le port l’utilise aussi
comme transporteur, et l’installation est indispensable pour que les concurrents puissent proposer des transports.

Même chose avec l’affaire Nespresso, l’installation qu’est la machine Nespresso est indispensable pour les concurrents
qui ne créent que des capsules et pas de machines. Ces concurrents ne peuvent pas créer un nouveau réseau de
machines, ils ont besoin de l’installation qu’est la machine Nespresso pour exercer leur activité.
U 4 - Droit européen matériel 81 sur 86 Cours de Lucile B.

Lorsque ces conditions sont réunies si l'entreprise détentrice refuse cet accès ou, mieux encore, le donne mais à des
conditions discriminatoires par rapport à celles qu’elle s’applique à elle-même, elle est considérée comme ayant commis
un abus de sa position dominante.
Affaire HolyHead, 2013 (nom?) : La société Sealink emmène des passagers d’un point à l’autre, dirige une compagnie
de FerryBoat mais en même temps on lui a confié la gestion du port. A ce titre c’est elle qui distribue les créneaux de
navigation, et donc elle s’est garée pour ses propres services les meilleurs créneaux horaires et a refilé ce qu’il restait
aux autres concurrents. Ce qui a été considéré comme abus, c’est le fait que si elle leur a laissé le passage elle ne le
leur a pas donné aux mêmes conditions qu’elle s’était accordé à elle-même.

2) La théorie dite de la compression des marges ou encore "ciseaux


tarifaires"

Ici il n’est pas nécessaire d’établir l’existence de tarifs excessifs et prédateurs lorsque les conditions de cette théorie
sont remplies.

3) La théorie dite de l’abus automatique

Même système : la Cour a confirmé cette théorie en indiquant que la violation de l’article 102 est établie dés lors qu’une
mesure imputable à un État membre crée un risque d’abus de position dominante. Arrêt CJUE 17 juillet 2014,
Commission contre DEI.

Titre 2 : La Sanction Des


Pratiques Anti-
Concurrentielles

Les articles 101 et 102 sont appliqués et par les instances européennes en charge de son contrôle, et par les juridictions
nationales. L’effet direct a été réaffirmé par le règlement n°1-2003 qui est le règlement d’application des articles 101 et
102.
Quant aux autorités de concurrence nationales, elles bénéficient d’une compétence générale en la matière, qui s’inscrit
elle-même au sein du réseau européen de concurrence. La tête de ce réseau étant la Commission.
Ce réseau européen sous-tend une coopération des différentes autorités chargées ensemble de l’application de ces
textes.
Par exemple, lorsqu’elle est saisie d’une affaire mettant en cause le droit européen de la concurrence, l’autorité
nationale de concurrence doit en informer la commission, qui pourra le cas échéant user de son pouvoir d’évocation,
c'est-à-dire de son pouvoir de désaisissement.
Elle doit aussi échanger les informations dont elle dispose, avec les autres autorités nationales de concurrence, et la
Commission. Enfin, elle ne doit pas prendre une décision contraire à une décision de la commission statuant sur des
pratiques examinées dans cette décision.
L’article 5 du règlement n°1-2003 de façon générale fixe les compétences de ses ANC (autorités nationales de
concurrence). C’est en interprétant ce texte que la cour de justice, en réponse à une question préjudicielle posée par la
cour suprême de Cologne, a interdit à l’autorité en cause d’adopter des décisions constatant l’absence d’abus de
U 4 - Droit européen matériel 82 sur 86 Cours de Lucile B.

position dominante, au sens du traité, lorsqu’elle estime à l’issue d’une procédure que l'entreprise a enfreint l’interdiction
visée par cette disposition. CJUE, 3 mai 2011, Télé-2 Polska.

Les juridictions nationales sont compétentes aussi, et elles doivent de façon générale respecter le principe de cohérence
dans l’application du droit de l’UE. Il en découle pour eux d’une part l’obligation d’écarter celle de leurs règles nationales
de procédure qui en empêcheraient l’application, et d’autre part l’interdiction d’adopter des décisions contraires à celle
de la commission. de plus, l’interprétation des textes européens par la CJUE ou par le Tribunal s’impose à elles. Il en va
de même de l’obligation dans certains cas de surseoir à statuer en cas d’engagement de la procédure de la Commission
dans la même affaire : elles doivent également lui donner accès aux documents nécessaires en recevant ses
observations écrites.
La copie de toutes décisions rendues par les juridictions nationales appliquant les articles 101 ou 102 doit être transmise
à la Commission, autorité européenne de contrôle.

Chap 1 : Les Sanctions

Les ententes anticoncurrentielles dont les éléments constitutifs sont réunis sont nulles de plein droit selon le §2 de
l’article 101.
La nullité produit un effet rétroactif, qui entraînera dans la mesure du possible restitution des sommes d’argent versées
et des biens livrés. De plus, les participants à toute infraction du droit européen de la concurrence s’exposent à une
amende, qui peut même être assortie d’une astreinte, s’ils ne s’exécutent pas. Mais il existe certaines procédures qui
leur permettent dans certains cas de payer moins et même de ne pas payer du tout. Ce sont les procédures dites
alternatives aux sanctions.

Section I - Les Actions Pécuniaires :


Amendes Et Astreintes

A/ Les Amendes

La décision d’interdiction peut être assortie d’une amende, qui est une sanction purement administrative à caractère
répressif, et préventif, dans la mesure où elle peut dissuader les entreprises de réitérer ce comportement dans l’avenir.
La cour a insisté sur le caractère préventif : CJCE, 22 mai 2008, Evonick Degussa
La Cour a également précisé que l’erreur sur l’existence de l’infraction ne dispense pas de l’infliction et du paiement de
l’amende => Grande chambre, CJUE 18 juin 2013, Schenker & Cie
Le montant des amendes est fixé en tenant compte de la gravité et de la durée de l’infraction, dont le règlement
n°1-2003 distingue 2 types. D’une part il y a les infractions de procédure (liés aux demandes de renseignement, aux
inspections, etc..) qui justifient des amendes pouvant atteindre 1% du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice
précédent, par la où les entreprises en cause. D’autre part il y a les infractions au fond, sanctionnées à raison d’un
montant qui ne peut pas excéder 10% du chiffre d’affaires total réalisé par chaque entreprise au cours de l’exercice
précédent.

1) L’imputation de l’amende

La Commission peut prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé par un groupe de sociétés, si ce groupe constitue
une unité économique poursuivant les intérêts communs. Elle imputera à la holding (la personne juridique qui coordonne
U 4 - Droit européen matériel 83 sur 86 Cours de Lucile B.

l’action de ce groupe) l’ensemble des agissements des sociétés qui la composent : TPICE, 8 juillet 2008, affaire PDD
PLC.

De façon générale, la société-mère peut être tenue d’une responsabilité conjointe et solidaire, à raison des agissements
de sa filiale dont elle emprunte la responsabilité. Le comportement anticoncurrentiel d’une filiale peut ainsi être imputé à
la société mère, qui devra s’acquitter de l’amende. Tel est le cas lorsque la filiale est détenue à 100% par la société
mère. De ce fait, elle est présumée en effet détenir une influence déterminante sur sa filiale.
TPI, 30 mars 2009, Arcelor Mitag Luxembourg c. Commission.

Enfin, le successeur économique d’une entreprise peut se voir imputer le comportement de celle-ci même si elle
continue d’exister en tant qu’entité juridique distincte.
Il y a un principe de continuité économique mais la jurisprudence récente a démontré que ce principe était d’application
délicate. CJUE, 18 décembre 2014, Commission contre Parker Hannifin Manufacturing = dans cette affaire il y avait
eu deux transferts d’actifs successifs.

2) Les méthodes de calcul

De nouvelles lignes directrices pour le calcul des amendes ont été publiées en 2006. Elles exposent une méthodologie
générale de calcul, dont la commission peut être amenée à s’écarter dans des circonstances particulières. Notamment,
en raison de la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif. CJCE 19 mars 2009, Archer Daniels Mitland.
6 février 2014, AC Treuhand c. Commission : Le tribunal s’est précisément appuyé sur ces circonstances particulières
pour justifier la fixation forfaitaire des amendes par la Commission.

Deux innovations principales en la matière, à savoir d’une part une aggravation de la prise en compte de la récidive, en
prenant en considération les violations du droit national, en leur donnant un effet automatique, et en autorisant le
doublement de l’amende de ce chef. Dans une affaire st-Gobain, 9 mars 2014, le TPUE a cependant refusé d’imputer
à la société-mère le premier terme de la récidive pour lequel elle n’avait pas été poursuivie avec sa filiale.
La deuxième innovation est un rapport étroit entre l’amende et la durée de l’infraction, cette amende pouvant atteindre
30% des ventes annuelles concernées par l’infraction, multiplié par le nombre d’années pendant lesquelles l'entreprise a
participé à celle-ci.

B/ Les Astreintes

Des astreintes peuvent être infligées aux entreprises à concurrence de 5% du chiffre d’affaires journalier moyen, réalisé
au cours de l’exercice précédent, 5% par jour de retard.

C/ Ouvrant Droit À Des Dommages&Intérêts

Toute entente illicite constatée est une faute, ouvrant droit à réparation à toute personne justifiant d’un préjudice. Les
parties peuvent donc être condamnées à payer des dommages&intérêts aux victimes de leur pratique. Le principe en a
été admis depuis longtemps, mais elles étaient extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Par exemple les victimes
n’avaient pas accès aux pièces de la procédure, et n’avaient pas à leur disposition les moyens de preuve. Quand
l’infraction a été condamnée, ils avaient épuisé les délais pour agir. Donc c’était faisable en théorie mais en pratique très
compliqué.
C’est pour faciliter ces actions que la Commission a adopté une directive le 26 novembre 2014, "directive relative à
certaines règles régissant les actions en dommages&intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du
droit de la concurrence des Etats membres de l’union".
U 4 - Droit européen matériel 84 sur 86 Cours de Lucile B.

Elle a été transposée en France par l’ordonnance 2017-303 du 9 mars 2017, elle-même assortie d’un décret.

Ces textes ont pour objet de supprimer les difficultés procédurales et probatoires, auxquelles se heurtaient jusqu’alors
les victimes de pratiques anticoncurrentielles désireuses d’obtenir une indemnisation. Ces textes s’articulent avec le
droit de la concurrence afin d’assurer un meilleur fonctionnement concurrentiel des marchés, et d’optimiser les
interactions entre la sphère publique et la sphère privée.

En premier lieu, la preuve du fait générateur de responsabilité est facilité par la mise en place d’une présomption
irréfragable pour les décisions de sanction et d’injonction prononcées par l’autorité de la concurrence, le cas échéant
confirmé par la cour d’appel de Paris.
Le juge de l’indemnisation sera lié par ce constat, l’existence du fait générateur de responsabilité ne pourra plus être
remis en cause devant lui, il y a présomption irréfragable.

Ensuite, la preuve du lien de causalité est facilité par l’instauration d’une autre présomption, simple celle-ci. En effet,
l’article L481-7 du code de commerce, prévoit qu’il est présumé jusqu’à preuve du contraire qu’une entente entre
concurrents cause un préjudice. Enfin, la preuve du préjudice est facilitée. L’article L481-3 fournit une liste non-
exhaustive des différents types de préjudices pour pourrait subir la victime d’une pratique anti-concurrentielle. Parmi les
exemples il y a la perte en raison du surcout causé par les pratiques, gain manqué, perte de chance, préjudice moral.

Section Ii - Les Procédures


Alternatives Aux Sanctions

A/ Les Engagements

La procédure d’engagement n’entre pas à proprement parler dans cette rubrique, bien qu’elle y soit souvent englobée.
Il s’agit de la procédure par laquelle les entreprises suspectées de pratiques anticoncurrentielles peuvent soumettre les
autres aux engagements de la commission afin d’échapper à la condamnation.
Les engagements doivent être crédibles et vérifiables et remédier à la situation anti-concurrentielle qui est à l’origine de
la procédure.

B/ La Clémence

La procédure s’est d’abord développée en droit américain de la concurrence. Elle s’est montrée tellement efficace
qu’elle a très certainement convaincu à la fois l’Union et ses Etats membres d’adopter un système similaire pour le
proposer aux entreprises implantée en Europe.
La commission a publié en 2006 une révision de la législation en matière de clémence. La France a ce système pour sa
part depuis 2001.

Cette procédure permet à l'entreprise qui a participé à une entente et qui la dénonce auprès de l’autorité de contrôle
dans le but d’obtenir selon la qualité des renseignements qu’elle a apportés à celle-ci soit une réduction du montant de
l’amende soit l’immunité de l’amende.

Apprécié du point de vue de l’autorité de contrôle, cette procédure lui permet de collecter suffisamment d’éléments de
preuve pour constater l’infraction et donc assurer correctement sa mission de dissuasion. La Commission a annoncé, le
16 mars 2017, l’adoption d’un nouvel outil de lancement d’alerte anonyme, qui complète le programme de clémence et
U 4 - Droit européen matériel 85 sur 86 Cours de Lucile B.

qui en renforce l’efficacité. Il s’agit par là de permettre à de simples particuliers d’alerter la commission en échange d’un
total anonymat.

La Commission pourra ensuite redéployer ses ressources vers la détection ou la poursuite des cartels (=entente
horizontales tenues secrètes), en lesquelles aucune coopération n’est à attendre des entreprises qui y sont impliquées.
L’avantage du coté de l'entreprise est d’échapper à l’amende, et comme l’a dit un auteur elle a la possibilité d’accélérer
l’enquête de la commission et de "tourner la page à moindre frais, d’épisodes peu glorieux de son histoire commerciale"

1) Les conditions générales

Les demandeurs en clémence doivent remplir un certain nombre de conditions cumulatives pour pouvoir y prétendre.
Tout d’abord elle est conditionnée par une coopération totale, permanente et rapide de l'entreprise tout au long de la
procédure, significative à l’enquête qui sera menée, ce qui exige la fourniture d’informations précises, complètes et non-
trompeuses. Le demandeur doit fournir sans délai à la commission ou l’autorité nationale de concurrence tous les
éléments de preuve qui sont en sa possession.
Il doit se prémunir à la disposition de la commission pour répondre rapidement à toute demande de sa part. Enfin il doit
s’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations se rapportant à l’entente présumée, et il ne doit pas
divulguer l’existence de sa demande de clémence avant que la commission n’ait adressé une communication des griefs
dans cette affaire.

Autre condition, l'entreprise doit avoir mis fin à sa participation à l’entente présumée sans délai.

En revanche, la voie de l’immunité totale d’amende est fermée au demandeur qui a pris des mesures visant à
contraindre d’autres entreprises à se joindre à l’entente ou à y rester. TPI 15 mars 2006, BASF.

2) Les effets

a) l’immunité d’amende

L’hypothèse est celle en laquelle la commission ignore l‘existence de l’entente, de sorte que l'entreprise délatrice est la
première à lui apporter tous éléments susceptibles de la dévoiler et de la condamner; Ces renseignements doivent
permettre à la commission de mener des inspections ciblées en rapport avec l’entente.

b) La réduction du montant de l’amende

On est dans un cas où on ne peut pas prétendre à immunité (soit parce que la commission avait déjà des éléments de
preuve mais pas assez pour condamner, soit parce qu’on entre pas dans les conditions nécessaires pour être le meneur
ou l’incitateur de l’entente). 

Dans ce cas l'entreprise peut demander à bénéficier d’une réduction d’amende dans la mesure où elle fournit des
éléments de preuve, qui apportent une valeur ajoutée significative aux éléments qui sont déjà en possession de la
commission. tel est le cas de ceux qui renforcent par leur nature et leur degré de précision la capacité de la Commission
à établir l’existence de l’entente.
La Communication sur la clémence établit un ordre des demandes. La première entreprise qui dénonce bénéficiera
d’une réduction d’environ entre 30 et 50%, la seconde d’une réduction d'entreprise entre 20 et 30%, et les troisièmes
d’une éducation maximale de 20%
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C/ La Non-Contestation Des Griefs

C’est une procédure intermédiaire (on l’appelle en droit européen une transaction mais attention c’est différent de la
transaction au sens juridique français du terme) : l’entreprise renonce volontairement à contester les griefs qui lui sont
adressés pour faciliter l’affaire en l’échange d’une réduction de l’amende encourue. Sauf qu’ici la réduction n’est pas très
importante, seulement 10%. Ce tarif faible s’explique par la volonté d’inciter les entreprises à recourir à la clémence,
celle-ci n’étant d’ailleurs pas exclusive de la non-contestation des griefs. 14 mars 2007 : Evonick Degussa, cet arrêt
indique aux législateurs nationaux d’interdire la communication au juge de l'action en réparation des déclarations en vue
d’obtenir la clémence.

Oral-Ecrit : si modification il y a on le saura.

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