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H4-2 LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE,

ENTRE ÉLARGISSEMENTS, APPROFONDISSEMENTS ET REMISE EN QUESTION


(1992-2021)

Introduction : Alors que l’Europe de l’Est voit s’effondrer la puissance soviétique qui l’occupe depuis la fin de la
Seconde Guerre Mondiale et que la puissance étatsunienne semble sans égale, les pays membres de la Communauté
économique européenne, créée en 1957, se trouvent face à un gigantesque défi : réunir les nations européennes de
l’Est et de l’Ouest dans des institutions renforcées et approfondies. La signature du traité de Maastricht, le 7 février
1992 marque le début de l’Union Européenne.

Problématique : Comment la construction européenne s’est-elle poursuivie et accélérée depuis 1992, malgré les
nombreuses crises traversées par l’UE ?

I. L’Europe face aux défis de l’approfondissement et de l’élargissement (1992-


2007).
A. L’Europe face au défi de l’effondrement du bloc de l’Est.

Un nouveau contexte géopolitique : L’année 1989 est marquée par l’effondrement du communisme dans les
démocraties populaires en Pologne, Tchécoslovaquie, en Roumanie. La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et
l’effondrement du régime de la RDA conduit à se poser la question de la réunification. Dans ces jeunes démocraties,
marquées par l’influence soviétique, la nouvelle classe dirigeante se rapproche rapidement de l’Europe de l’Ouest et
veut intégrer la construction européenne pour s’extraire de l’influence soviétique, enraciner la démocratie et
bénéficier de la puissance économique de l’Europe de l’Ouest.

De l’Acte unique au traité de Maastricht (1986-1992) : En 1986, le président de la Commission Européenne Jacques
Delors met en place le programme de l’Acte unique qui prévoit de supprimer tout contrôle aux frontières et de créer
un marché unique avec non seulement la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des
capitaux mais aussi l’harmonisation des législations européennes. C’est dans ce contexte qu’est signé en 1986 le traité
de Canterbury qui prévoit la construction d’un tunnel ferroviaire sous la Manche pour relier la France et l’Angleterre
par voie terrestre, mais aussi pour permettre au Royaume-Uni de mieux intégrer le marché unique européen. Le 6 mai
1994, le président François Mitterrand et la reine d’Angleterre Élisabeth II inaugurent le tunnel long de 50 kms.

B. La naissance de l’Union Européenne.

Une union politique : le traité de Maastricht, signé en 1992, entre en application en 1993. Il ne s’agit plus d’une simple
association économique mais bien d’un projet plus politique marqué par :

• La mise en place d’une citoyenneté européenne qui donne le droit aux citoyens des pays membres de voter
et de se présenter dans les élections européennes et municipales de n’importe quel pays membre.
• La création d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui vise à faire parler l’union européenne
d’une seule voix.
• Un renforcement de la coopération policière et judiciaire.
Une union économique et monétaire : La grande réalisation du traité de Maastricht est la création d’une union
économique et monétaire (UEM) entre les pays membres qui aboutit à la création d’une monnaie unique, l’euro. Créé
en 1998 et soumis à des critères de convergence, comme la limite du déficit budgétaire et de l’endettement, l’euro
est mis en circulation le 1er janvier 2002. La banque centrale européenne (BCE) est chargée d’administrer cette
nouvelle monnaie. Adopté dans un premier temps par 12 pays membres, l’euro est rejeté par un certain nombre de
pays qui veulent conserver leur monnaie : le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark.

C. Un élargissement de l’Union Européenne vers l’Est.

Un premier élargissement vers l’Europe centrale (1990’s) : Le premier pays d’Europe de l’Est à intégrer la construction
européenne est l’ex-RDA qui est intégrée automatiquement dans la CEE dans le cadre de la réunification (3 octobre
1990). Alors que la Yougoslavie implose et se déchire dans une guerre civile terrible, les premiers pays d’Europe
centrale à intégrer la construction européenne sont les pays restés neutres pendant la Guerre Froide : la Finlande, la
Suède et l’Autriche dont le processus d’intégration est achevé en 1995. Alors que les négociations préparent l’entrée
massive des pays d’Europe de l’Est, plusieurs réformes tentent de préciser le fonctionnement de l’union européenne.
Avec le traité d’Amsterdam de 1997 sont précisées les conditions d’adhésion à l’UE et la question d’une Europe à
plusieurs vitesses.

La grande ouverture à l’Est (2000’s) : En 2004, ce sont au total 10 nouveaux pays qui intègrent l’union européenne
dans un élargissement sans précédent : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la
Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, Malte, et Chypre. Principalement issus de l’Europe de l’Est, ces nouveaux pays sont
alors marqués par un niveau de développement très inférieur au reste de l’Europe. En 2007, la Roumanie et la Bulgarie
rejoignent l’Union Européenne puis en 2013 c’est au tour de la Croatie d’entrer dans l’UE qui devient alors l’Europe
des 28. Depuis, face aux difficultés d’intégration des nouveaux pays et aux nombreuses crises que traverse l’UE, l’idée
d’une pause dans l’élargissement se généralise.

L’échec du traité de Rome de 2004 : Face à cet élargissement, la nécessité de renforcer les institutions apparaît
indispensable. Le traité de Rome, première étape pour les fédéralistes qui rêvent de créer les « États-Unis d’Europe »,
est signé en 2004. Il prévoit la création d’une constitution pour l’Europe, l’élection d’un Président. Mais ce nouveau
traité est rejeté par référendum en France et aux Pays-Bas, témoignant d’un rejet du modèle de construction
européenne. Le traité de Lisbonne, signé en décembre 2007 et entré en vigueur en décembre 2009, constitue alors
un compromis : si le vote à la majorité qualifiée devient la règle, les états membres peuvent adopter ou refuser les
mesures. Pour éviter un nouveau rejet populaire, le traité de Lisbonne est ratifié par voie parlementaire. Seule
l’Irlande organise en référendum. Le traité y est rejeté une première fois avant d’être accepté en 2009. Mais pour
beaucoup de citoyens européens, cette adoption en catimini et en force en Irlande témoigne de l’échec du projet
européen.
II. Le projet européen, entre crises et remises en question (2008-2021).
A. La gouvernance européenne face aux crises économiques.

L’euro face à la crise économique et financière : Le monde est traversé à partir de 2008 par une crise financière très
grave venue des États-Unis. Elle va rapidement révéler les faiblesses de la gouvernance économique européenne. Les
pays les plus endettés de la zone euro, en premier lieu la Grèce, mais aussi l’Italie, l’Espagne et le Portugal, incapables
d’emprunter, font appel au FMI et aux autres pays membres de l’UE pour éviter la banqueroute. La zone euro est sur
le point d’imploser, la question de la sortie de la Grèce de la zone euro est sur la table alors que l’Espagne, l’Italie et le
Portugal voire la France sont à leur tour touchés par la crise financière.

L’Euro sauvé par le mécanisme européen de stabilité : Alors que l’existence de la zone euro, et la monnaie unique,
sont alors posées, l’UE créé en 2012 un mécanisme européen de stabilité (MES) qui permet d’aider financièrement les
pays fragilisés. Il introduit le principe de la règle d’or qui oblige tous les états membres à limiter leur endettement et
leur déficit. Les pays les plus en difficulté sont contraints de mener une politique d’austérité qui renforce la pauvreté
et les inégalités. En Grèce, en Espagne, au Portugal et en Italie, des manifestations contre les politiques européennes
se multiplient, renforçant l’euroscepticisme croissant dans l’Europe du Sud. Les élections tournent en faveur des partis
politiques rejetant l’UE, Syriza en Grèce, le mouvement 5 étoiles en Italie.
Une politique économique ébranlée par la Covid-19 Avec la pandémie mondiale de la Covid-19, la politique
économique européenne est totalement remise en cause. En effet, l’ensemble des pays européens ont adopté des
plans de relance économique en empruntant massivement, malgré la règle d’or. Sous l’impulsion de la France et de
l’Allemagne, les pays de l’Union Européenne ont adopté en 2020 un plan de relance de 750 milliards d’euros basé sur
des emprunts contractés par la BCE donc remboursables par l’ensemble des pays membres. Cette mise en commun
de la dette représente un tournant économique et financier majeur.

B. La gouvernance européenne face aux défis sociaux et politiques.

La question migratoire devient centrale : en 2015, avec les guerres civiles en Afrique et au Moyen-Orient, notamment
en Syrie, l’Europe est touchée par une crise migratoire très importante. Face à l’explosion des flux de réfugiés, les pays
membres de l’Union Européenne peinent à définir une politique commune de l’immigration et du contrôle des
frontières. Si, dans le cadre de l’espace Schengen, les frontières internes des pays membres sont effacées, le contrôle
des frontières extérieures est confié à l’agence Frontex alors que les pays doivent se partager les réfugiés. Alors que
des milliers de personnes meurent noyées en Méditerranée, la question migratoire devient centrale : certains
dénoncent une « Europe forteresse » tandis que d’autres critiquent une « Europe passoire », appelant au
rétablissement des frontières.
Le Brexit (2016-2020) : en 2016, lors d’un référendum, la population britannique décide d’activer l’article 50 du traité
de Maastricht qui permet à un État de quitter l’Union Européenne. C’est le Brexit qui voit le « leave » l’emporter à près
de 52 %. Après quatre longues années de négociations difficiles, la sortie du Royaume-Uni de l’UE est entrée en vigueur
en janvier 2020. Mais les difficultés liées aux négociations, notamment dans la vie politique britannique ainsi que la
position de l’Écosse, qui elle a voté massivement pour le « stay » ont paradoxalement fait reculer les idées de Frexit,
de Grexit… dans les autres pays membres de l’UE, au profit du développement d’une Europe plus souverainiste.
C. Une construction en débat.

Un sentiment européen à construire : des symboles forts comme une monnaie, un drapeau, un hymne ou une
devise ont été mis en place mais l’identité européenne reste largement balbutiante. Les traités successifs depuis
Maastricht n’ont cessé de renforcer le caractère démocratique des institutions européennes en renforçant le pouvoir
du Parlement afin de rapprocher l’UE des citoyens. La nomination d’un président du Conseil européen, fonction
occupée par Charles Michel, et l’élection par le Parlement de la commission européenne, et de sa Présidente, Ursula
Von Leyen devaient permettre d’incarner et de personnifier l’Europe. Malgré tout, les citoyens européens perçoivent
ces institutions comme trop abstraites, bureaucratiques et éloignées de leur quotidien. Cette désaffection se manifeste
par un fort taux d’abstentions aux élections européennes, malgré un rebond certain en 2019 (49 %, 57 % en 2014).

La montée de l’euroscepticisme : Ce désintérêt devient même de l’euroscepticisme en raison de la situation


économique et sociale ainsi que du discours véhiculé par certains partis politiques. Un sondage de 2018 indique que
seuls 42% des Européens sont confiants dans l’UE. Cette dernière est considérée comme responsable de la crise
économique que l’Europe connaît aujourd’hui car elle privilégierait la compétitivité et la rigueur plutôt que la politique
sociale. L’euro est accusé d’avoir provoqué une inflation des prix. Les directives de la Commission sont mal acceptées
car empiétant sur la souveraineté nationale. Les partis souverainistes (RN en France, Ligue de Matteo Salvini en Italie)
agitent l’idée d’une perte de souveraineté nationale ou d’identité à cause de l’Europe. Mais dans le même temps, de
nombreux partis ont pris conscience de la fragilité de la construction européenne et cherchent à renforcer l’UE et la
solidarité affichée pendant la campagne de vaccination de la Covid-19, coordonnée par l’UE, a montré l’intérêt d’agir
ensemble.

Conclusion : Née en 1992 avec le traité de Maastricht, l’Union Européenne a fait face à un immense défi :
aider au développement économique, à la consolidation de la démocratie et intégrer des pays marqués par
50 ans de dictature tout en doublant le nombre de ses membres. Face aux nombreuses crises, de la crise de
l’euro à la crise migratoire, les dissensions entre les différentes visions de l’Europe se sont révélées, opposant
les fédéralistes au souverainistes, dans une mosaïque de points de vue devenus aussi nombreux que les 27
états membres. Dans ce monde devenu multipolaire, une nouvelle guerre froide semble se dessiner entre
les États-Unis et la Chine, laissant les autres puissances et notamment l’Union Européenne au second plan.
Mais dans le même temps, malgré les crises, l’UE reste présente…

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