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Rapport d’analyse

La santé comme marqueur spatial du territoire sfaxiens

L.Roux F.Vilarrosa E.Berger Q.Champauzac


L.P.Lambert T.Maurette C.Billoud Y.Dankambary
IUGA – Master 2 UCI - 2019
1
Table des matières
Introduction ____________________________________________________________________ 3
Répondre aux engagements internationaux ___________________________________ 3
Notre atelier : la santé comme marqueur du territoire sfaxien ___________________ 4
Phases de mise en projet____________________________________________________ 4
Postulats de départ _________________________________________________________ 5
Nos ressentis________________________________________________________________ 5
Notre posture : apprendre et préconiser _____________________________________ 6
La Tunisie : un pays du “Sud” référent dans les domaines de la santé publique ___ 7
Méthodologie _________________________________________________________________ 15
Phase 1 : santé et territoire, documentation et recherche ______________________ 15
Phase 2 : préparation de l’analyse in situ ______________________________________ 15
Phase 3 : processus de récolte des données __________________________________ 16
Constats ______________________________________________________________________ 17
Structures de santé à Sfax, typologie et interactions ___________________________ 17
Logiques d’implantation et interactions avec l’environnement urbain __________ 24
Bilan : Interprétations et préconisations _________________________________________ 28
Des obstacles au développement du secteur privé ___________________________ 28
Préconisations _______________________________________________________________ 29
Conclusion ____________________________________________________________________ 31
Bibliographie __________________________________________________________________ 32
Liste des activités ______________________________________________________________ 33

2
Introduction

Répondre aux engagements internationaux

“54% de la population mondiale vit actuellement dans les zones urbaines - un taux estimé à 66% en 2050.
Il ne fait nul doute que les environnements urbains incarnent des opportunités à la réalisation du
développement durable. L’urbanisation étant un fait inévitable, il s’agit maintenant d’inscrire la
transition globale dans une logique de protection de l’humain et de santé mondiale”.
- The New Urban Agenda

En septembre 2015, les Objectifs du Développement Durable (ODD), remplaçant les Objectifs du
Millénaire, sont approuvés par 193 pays. Ces derniers sont au nombre de 17. Afin de suivre les progrès
accomplis à l’échelle mondiale vers l'atteinte des ODD, 169 cibles sont adossées à une liste de 244
indicateurs.
Deux objectifs nous ont particulièrement interpellés :
- L’objectif 3. Accès à la santé - on y retrouve notamment un appel à accroître considérablement
le budget de la santé publique. Cela concerne le recrutement, le perfectionnement, la
formation et le maintien en poste du personnel de santé dans les pays en développement,
notamment dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement.
- L’objectif 11. Villes et communautés durables - « Faire en sorte que les villes et les
établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ». Il s'accompagne de
7 cibles adossés à 15 indicateurs de mise en œuvre, dont réduire l'impact environnemental
négatif des villes.

Ces deux ODD se sont concrétisés lors de la conférence Habitat III, à Quito (Equateur) en Octobre 2016,
avec la proclamation du “New Urban Agenda”. Ce dernier appelle à faire évoluer l’urbanisme vers la
co-construction de projets avec la société civile, puis de redynamiser l’engagement mondial en faveur
du développement urbain durable.
Ce document souligne que les populations urbaines ont besoin de services de santé. Les décisions
stratégiques prises dans les secteurs de l'éducation, des transports, de l'énergie, de l'agriculture et de
l'alimentation, de l'éducation, du travail et de la gestion des déchets représentent des opportunités
pour progresser en santé publique.

Cependant, même si le New Urban Agenda met en lumière la thématique de la santé dans la mise en
œuvre des politiques urbaines, il manque de détails sur les mécanismes et les interventions
nécessaires pour y parvenir. En définitif, le Nouveau Programme pour les Villes a un réel besoin de
réappropriation aux niveaux locaux, par la mise en œuvre d’agendas propres à chaque territoire.

En novembre 2018 s’est tenue la 15th International Conference on Urban Health, réunissant les acteurs
majeurs de la santé agissant dans les mondes urbains (médecins, décisionnaires, paramédicaux,
acteurs économiques). Elle encourage toutes les parties prenantes à partager connaissances et bonnes
pratiques dans le domaine de la gestion urbaine qui ont un impact sur la santé des populations.
3
Certains thèmes ont été retenus, comme la concertation, la prévention des risques sanitaires, les zones
périurbaines et les populations fragiles, ou encore le rôle des croyances et des traditions dans la santé.

Ainsi, sans la production concertée de preuves, sans la surveillance, sans le plaidoyer et sans la
participation de la communauté de la santé au discours et à la prise de décision des gouvernements,
les priorités en matière de santé ne seront pas concrétisées. La ville, de par ce qu’elle incarne et ce
qu’elle peut proposer, peut être le théâtre de réalisations dans le domaine : transports en communs
accessibles et diffusés, conception urbaine plus compacte, transition vers des sources d'énergie
renouvelables, accès accru aux espaces verts et des produits de saison abordables impacteraient
positivement la santé et l'environnement.

Notre atelier : la santé comme marqueur du territoire sfaxien

Phases de mise en projet

La première phase fut établie à Grenoble, lors de la première année du cursus de master. Il s’agissait
des prémices de notre travail. Un premier diagnostic de la traduction du système de santé sur le
territoire sfaxien a été établi grâce aux données produites par les étudiants des années précédentes,
mais aussi des ressources scientifiques déjà accessibles (voir la revue de littérature, plus bas). Il
s’agissait de la découverte du territoire par un travail en chambre.

La seconde phase fut également établie à Grenoble, durant les deux premiers mois de notre deuxième
année de master. Nous y avons précisé le premier diagnostic grâce à de nouvelles données. Nous avons
programmé des axes d’étude et la méthodologie à suivre durant le séjour sur le terrain, grâce à des
postulats préétablis.

La troisième phase fut celle de notre séjour sur le terrain. Ce fut la phase d’immersion, lors de laquelle
nous avons adopté une approche interne et nouvelle pour nous. Nous y avons déconstruit nos
postulats préétablis. Nous y avons fait évoluer nos axes d’étude et notre méthodologie. Nous y avons
produit des données, des prémices de démonstrations et émis de nouveaux postulats.

Bien entendu, nous avons très tôt pris conscience que le caractère pionnier de notre recherche (aucun
atelier d’urbanisme conduit entre l’IUGA et Sfax n’avait traité cette thématique par le passé) allait
donner un tournant décisif à notre travail de terrain. En effet, dès les premiers jours, nos entretiens et
nos visites exploratoires, notamment sur la route de Gremda, ont profondément remis en question
notre approche. Nous avons peut-être ainsi une place de pionniers, d’où l’importance de notre travail
et de nos préconisations. Soit ceux-ci auraient dirigé le départ des travaux sur la santé des futurs
travaux de l’atelier, qui suivront la même lignée, soit ils auraient représenté une démarche à ne pas
suivre s’il en est jugé autrement

4
Postulats de départ

Nous étions partis du postulat d’établir deux grands axes de travail : l’un sur la géographie sociale de
la santé à Sfax, l’autre sur l’impact du domaine de la santé sur l’organisation et la morphologie du
territoire sfaxien.

A propos du premier axe, nos objectifs étaient d’analyser les facteurs environnementaux les plus
impactant sur la santé des sfaxiens, d’analyser les conditions sanitaires et la salubrité de certaines
zones. Nous souhaitions identifier les diverses offres de service de santé disponibles pour les
différentes catégories de la population, et de surcroît, comprendre le caractère des inégalités d’accès
aux soins afin de d’essayer de comprendre le fonctionnement et les logiques de la couverture
territoriale des établissements publics de santé.

Sur le second, notre objectif était d'analyser les logiques des services sanitaires publics et privés à
Sfax, dans le but de comprendre la transformation du paysage urbain et social. Pour ce faire, nous
avions prévu une importante collecte d’informations de première main : série d’entretiens menés
auprès des professionnels de santé, enquêtes par questionnaire conduites auprès des patients etc.
Nous avions alors identifié deux zones stratégiques : la route de Gremda et la zone km9 vers l'aéroport,
qui se caractérisent, pour la première, par une importante concentration de cliniques privées et, pour
la seconde, par la faible concentration d’infrastructures de santé et par le prochain aménagement d’un
nouveau CHU. Nous souhaitions mener un travail important de prise de photos. Nous comptions, ainsi,
produire une analyse de la morphologie urbaine de ces deux secteurs organisés autour de radiales,
par la compréhension des espaces publics, les infrastructures satellites, le foncier et le logement.

Nos ressentis

Notre groupe de travail sur le sujet de la santé a partagé le ressenti sur place, soit au début et tout au
long de notre séjour à Sfax, d’une sensation d'éclaircissement des objectifs de l’atelier. Un fort entrain
à s’investir dans le travail une fois sur le terrain s’est fait sentir.

Aussi, la cohésion de groupe fut véritable. Nous avons globalement ressenti une confiance en soi et en
les autres et nous nous sommes assez aisément tournés vers ce qui correspond le plus à nos
compétences et à nos affinités individuelles. S’est créée une complémentarité entre les travaux
respectifs de chacun et la sensation d’une véritable vision partagée entre les différents membres du
groupe.

Notre méthodologie nous est apparue comme adaptée à notre objectif et nous avons ressenti un
intérêt véritable et une certaine efficacité à être immergés sur le terrain d’étude. Le travail fut intense
et nous avons eu plaisir à le faire. Cependant, nous avons eu des difficultés à nous concentrer
davantage sur l’impact territorial du système de santé et non sur l’ensemble des caractéristiques du

5
système de santé. Aussi, nous avons parfois connu la confusion autour de la posture à adopter vis-à-
vis du caractère sensible et de la situation de crise ou de transition que notre sujet d’étude est en train
de traverser.

L’importante disponibilité et la coopération des acteurs rencontrés ont nettement participé à notre
sentiment d’efficacité.

Cependant, nous pouvons affirmer que notre regard et nos interprétations sur le système général de
la santé à Sfax sont influencés par notre vision sur le système général de la santé et par notre
conception de la santé en France.

Notre posture : apprendre et préconiser

L’objectif de notre atelier est de comprendre un territoire, pas de prétendre à le planifier, bien que des
pistes d’actions aient émergées. Nous nous devons d’être humbles, car nous n’avons que découvert ce
territoire. Nous sommes essentiellement dans une posture de diagnosticiens, et de surcroît encore en
période de formation. L’atelier, même s’il provient d’une commande, reste un exercice
d’apprentissage.

Cependant, nous partons du postulat que la coopération doit demeurer et qu’il n’est pas inadapté
d’émettre certaines préconisations nées de nos interprétations, de notre ressenti et de nos jugements
vis-à-vis de notre découverte de Sfax. Elles n’ont pour vocation que de faire perdurer et peut-être
d’enrichir certains débats.

Qui plus est, nous sommes urbanistes en devenir, nous devons donc tenter de nous concentrer sur
l’impact territorial des phénomènes et non sur l’ensemble de ses caractéristiques. Cependant, la
compréhension de l’impact territorial d’un phénomène nécessite tout de même d’en saisir ses
conditions intrinsèques, c’est ici tout l’enjeu subtil du diagnostic urbain.

6
La Tunisie : un pays du “Sud” référent dans les domaines de la
santé publique

“Notre système de santé est une fierté”1

Article 38 de la constitution tunisienne 2: “Tout être humain a droit à la santé.


L’État garantit la prévention et les soins de santé à tout citoyen et assure les moyens
nécessaires à la sécurité et à la qualité des services de santé.
L’État garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien ou ne disposant
pas de ressources suffisantes.
Il garantit le droit à une couverture sociale conformément à ce qui est prévu par la
loi”.

Lors de nos entretiens, il est souvent ressorti que les tunisiens sont attachés à leur système de santé.
En effet, les indicateurs de santé de la Tunisie semblent être parmi les meilleurs des pays de l’Afrique
et de la région MENA et peuvent être supérieurs à certains pays ayant des niveaux de revenus
supérieurs ou équivalents3.

Pour cause, à la veille de son indépendance, la Tunisie comptait un médecin (tunisiens et étrangers)
pour 700 habitants, 1,5 lits pour 1000 habitants, ou encore l’Institut Pasteur comme seul laboratoire
d'analyse. La capitale, Tunis, concentrait 80% de la capacité du service hospitalier. De 1956 à 1987,
les gouvernements sous Habib Bourguiba ont fait des domaines de la santé et de l’éducation une
priorité. La première Constitution Tunisienne de 1959 reconnaît le droit à la santé dans son
préambule, mais aussi et surtout la gratuité d’accès aux services publics de santé. Au cours de la même
période, une couverture médicale a été développée pour les travailleurs des secteurs public et privé.

Les efforts déployés ont fait de la Tunisie un pôle régional de santé majeur : renforcement des
infrastructures (dès l’indépendance, 3,8% du PIB y a été consacré, jusqu’à 7.4% en 2017),
développement d’une offre de formation de qualité (11 ans d’études, gratuites pour la plupart, avec
deux ans d’exercice à l’étranger), dessin d’une carte sanitaire cohérente avec au cœur une offre de soin
de proximité présente, mais aussi lancement d’importants programmes de lutte contre la malnutrition
et les maladies infectieuses. Les investissements étrangers ont permis le développement d’une offre
privée de soins relativement conséquente, estimée à 7500 lits.

1 Un militant tunisien des droits de l’homme

2Journal officiel de la République Tunisienne, CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE TUNISIENNE,


Numéro Spécial, 20 avril 2015, URL :
http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/constitution-b-a-t.pdf

3Selon l’OMS, l'espérance de vie en Tunisie s’élevait, en 2016, à 74 ans pour les hommes et 78
ans pour les femmes.

7
En plus de 60 ans, le taux de mortalité infantile a chuté de 150 à 16,6 pour 1 000 habitants, tandis que
le taux de vaccination de la population a grimpé jusqu’à 90 %. L’importance accordée à l’éducation de
la population a en outre été accompagnée par une politique de canalisation de la démographie, avec
le lancement dès les premières années de l’indépendance des Offices Nationaux de la Famille et de la
Population, et l’autorisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) en 1973. La Tunisie est
désormais engagée dans la transition démographique, avec des chiffres comparables à ceux de
l’Europe (1,1% en 2017).

La hiérarchisation du système de santé tunisien : l’exemple de Sfax

Les organisations territoriale et administrative du secteur public en Tunisie se veulent pragmatiques


et cohérentes. Elles sont établies de manière à garantir au mieux une équité de traitement entre les
différents citoyens. Le gouvernorat de Sfax est nettement supérieur aux gouvernorats voisins en ce
qui concerne le corps médical pratiquant dans le secteur hospitalier public et en matière de capacité
hospitalière : la ville disposait en 2011 d’un effectif total de 633 médecins, 318 spécialistes, 1643 lits
hospitaliers, tous pratiquant dans le secteur public. Cette supériorité a polarisé une patientèle
extérieure à Sfax, venant essentiellement du Sud et de l’Est tunisien.

Les composantes du réseau de santé publique sont hiérarchisées : le secteur public demeure le
principal fournisseur des soins de santé, particulièrement dans les domaines préventifs et hospitalier.

Les Centres de Santé de Base (CSB)


Ces centres, dénommés “Mostawsaf” ou dispensaires, offrent les soins ambulatoires à la population, la
consultation pédiatrique et occasionnellement les soins dentaires. Un CSB dispose généralement d'un
médecin généraliste et de 2 ou 3 infirmiers4. Ce réseau, au nombre 145 sur le Gouvernorat de Sfax,
constitue la première ligne de recours à laquelle la population s'adresse quotidiennement pour
solliciter les soins ambulatoires. On peut même y retrouver des pôles de médecine scolaire, avec des
psychologues et des orthophonistes.

Les Centres Intermédiaires (CI)


Ces structures constituent la deuxième ligne de recours et réduisent les flux de patients qui sont sinon
transférés des CSB vers les Établissements Publics de Santé (EPS). Le premier CI de Sfax est entré en
activité en 1996. Il propose des consultations dans 15 spécialités médicales différentes (cardiologie,
ORL, pneumologie, ophtalmologie...). Cette structure intermédiaire connaît un succès car elle draine

4 Ils sont parfois bien plus fournis, le CSB du quartier populaire de Rbat dispose, par exemple,
d’une complète unité de médecine scolaire, diagnostiquant gratuitement les enfants en
situation de handicap ou de dyslexie.

8
la population, ce qui a incité les autorités à en ouvrir un deuxième (en 2005), le CI de Sakiet Ezzit.
L'agglomération comporte également trois hôpitaux régionaux.

Les Établissements Publics de Santé (EPS)


Correspondant aux Centres Hospitaliers Universitaires (CHU), les EPS composent le niveau supérieur
du système de soins public. Ils sont rattachés à la Faculté de Médecine de Sfax, créée en 1974. Les EPS
fonctionnent alors aussi comme des lieux de formations des jeunes médecins. Il y a à Sfax deux EPS
complémentaires : celui de Hédi Chaker (1927) et celui de Habib Bourguiba (1985). Le premier EPS
est l’une des plus anciennes structures sanitaires du pays et dispose de 18 services hospitaliers
médicaux. Sa capacité hospitalière totale était de 889 lits en 2011. Le second EPS était composé la
même année de 17 services hospitaliers, avec une capacité de 508 lits en 2011. Les deux EPS sont
adjacents et en centre-ville de Sfax.
La construction d’un nouveau CHU 5 a été programmée depuis 2009 mais les travaux ont tardé à
commencer. Financée grâce à une donation de la Chine (estimés à 120.000 DT / 37.000 €), la livraison
serait prévue fin novembre 2019.

“En Tunisie, si tu n’as pas d’argent, tu meurs”6

Si cette offre de santé publique structurée était visible sur notre terrain, la crise économique, politique,
législative et sanitaire qu’elle traverse était tout aussi évidente. Depuis les années 1990, le système de
santé public tunisien subit une mauvaise réputation de la part de la majorité de la population, du fait
de ses différents manquements et il apparaît comme un secteur de soins par défaut, destiné aux
personnes n’ayant pas les moyens financiers de s’offrir des soins dans le secteur privé. La période de
transition politique vécue par la Tunisie depuis fin 2010 et la centralisation sur Tunis des efforts de
l’Etat apparaissent comme des explications générales à la crise du secteur public. Les conditions de
travail s’y dégradent, et cela se fait ressentir jusqu’aux soins qui y sont prodigués.

Cette crise se manifeste par certaines difficultés rencontrées par la Caisse Nationale d’Assurance
Maladie. En 2004, de nombreuses plaintes des administrés a conduit au lancement d’une série de
réformes visant à harmoniser les systèmes de gestion de la CNAM, qui déboucha sur une vaine
tentative de fusionner les deux caisses d’assurance (Caisse nationale de sécurité sociale - CNSS, Caisse
nationale de retraite et de prévoyance sociale - CNRPS). Si cette réforme a permis de rembourser

5 La fin des travaux qui avaient commencé en décembre 2016 sera rapprochée de plusieurs
mois. Selon les cahiers des charges, l’hôpital est de 108.000 m2, avec une capacité de 246
lits d’hospitalisation. Le bloc psychiatrie sera doté de 80 lits. Constitué de 14 blocs, l’hôpital
comprendra, outre les unités d’urgence, de consultations externes et d’hospitalisation, des
départements de technologies médicales, des bâtiments administratifs et logistiques, des
salles de garde, une morgue, des unités techniques (station d’oxygène, chaufferie, collecte
des déchets, traitement des eaux usées, citerne d’eau de pluie, transformateurs électriques)
et d’autres facilités. Cet établissement se distinguera dans le domaine de la médecine
cardiovasculaire.

6 Une étudiante dans un bar, route de Gremda

9
partiellement (60%) le coût de certains soins ainsi que l’achat de médicaments auprès des acteurs
privés (officines, pharmaceutiques), la CNAM souffre toujours autant de lourdes procédures
administratives, lourdes en temps et en compréhension de fonctionnement. Cela se ressent
particulièrement dans la prise en charge des patients les plus vulnérables, bénéficiaires de l’assistance
médicale gratuite (l’AMG : invalides, chômeurs, retraités), qui représenteraient entre 8% et 21,7% de
la population tunisienne 7 . Bien que cette réforme ait amélioré l’encadrement sanitaire de la
population, elle a instauré simultanément une logique de ségrégation sociale : les EPS se voient
attribuer l’étiquette de “lieux de soins des pauvres et des extrarégionaux”8.

Cette réforme aurait nécessité des investissements supplémentaires dans le secteur public de santé,
notamment pour mettre à niveau des manques d’effectifs et financiers. Les conséquences se sont
manifestées surtout par une certaine désertification médicale, essentiellement dans les régions du
sud, où les médecins étrangers sont de plus en plus nombreux à y venir exercer. En effet, le manque
de ressources financières (particulièrement depuis 2011), la fuite des cadres médicaux vers l’étranger
ou le secteur privé, l’apparition de conflits d’intérêts (facilité par l’activité privée complémentaire9) et
de systèmes de corruption (détournements de médicaments de moins en moins nombreux), ont
entraîné un essoufflement d’une santé de proximité surchargée, mais aussi l’érosion d’un service
hospitalier universitaire.

Les diverses restrictions budgétaires dans le secteur de la santé publique tunisien ont de nombreuses
conséquences pour le personnel tout comme pour les patients. En effet, de nombreuses opérations
sont repoussées faute de matériel, comme nous l’illustrait très simplement le Dr BEN DHAOU, pédiatre
et professeur à la faculté de médecine de Sfax : « Si on veut un ciseau par exemple, il faut attendre 6
mois parce qu’il y a un bon de commande qui doit sortir pour la recherche du prix le moins élevé pour
acheter le ciseau qui coûte le moins cher ». Ce manque de matériel vient en complément d’une
restriction stricte du personnel paramédical, qui se traduit par l’arrêt d’embauche du nouveau
personnel depuis 2016, et ce, jusqu’en 201910.

Ce déclin se ressent d’autant plus lorsqu’il s’agit d’investir des moyens supplémentaires en dépit d’une
cohérence territoriale, à l’image de Sfax dont l’exemple est criant : deux CHU encombrés et isolés par

7Estimations de 2010 par le Ministère des affaires sociales et une enquête INS consommation
des ménages.

8 Karim Chayata, 2013.

9L’activité privée complémentaire (APC), décrétée depuis 1995, autorise les cadres
médicaux du public, ayant justifié 5 an d’ancienneté, à avoir une activité privée. Ils peuvent
exercer deux après-midis par semaine. Si les consultations se font obligatoirement dans les
hôpitaux publics,
les pratiques médicales dites “plus poussées” se font dans les cliniques privées.

10Certaines sources nous ont confié le rôle important du FMI dans la gestion des secteurs
publics tunisiens, notamment dans la réduction des effectifs de fonctionnaires comme
condition sinéquanone à percevoir d’autres crédits venus de Washington.

10
le trafic et les mauvaises infrastructures routières, un service ambulatoire en sous-effectif (10
ambulances sur la ville), une médecine de proximité qui accueille en moyenne entre 70 et 130 patients
… la réponse : l’implantation d’un CHU11 à 15 kilomètres de la ville, inaccessible en cas d’urgence,
proche d’industries à l’origine d’une certaine morbidité sanitaire (asthme).

Cette stagnation est une réelle opportunité de croissance pour un secteur privé. Dès les années 1990,
les différents gouvernements de Ben Ali se sont lancés dans une série de privatisation de certaines
branches du secteur public, dont le secteur de la santé, dans le but de créer un besoin propice à
l’autorégulation des marchés en Tunisie.
Cette offre privée de soin bénéficie très largement d’une patientèle étrangère, qui s’apparente être ce
que l’on pourrait appeler du tourisme médical. Initialement venue des pays du Nord, principalement
de la France, en recherche d’une offre médicale moins onéreuse, cette patientèle s’est ensuite étendue
vers les pays limitrophes. Répondant à des carences du secteur médical du pays d’origine, le tourisme
médical en Tunisie représenterait entre 19 et 40 millions de voyages par an, avec une patientèle à 80%
libyenne, jusqu’en 2010, avant le début de la Première guerre civile libyenne.
En revanche, cela a créé un fossé encore plus grand avec le secteur public, moins attractif pour les
citoyens tunisiens qui n’ont en aucun cas les moyens de s’offrir une prestation privée : en sachant que
le salaire moyen y est de 740 dinars, compter 70 dinars pour une consultation dans le privé (peu prise
en charge par la CNAM), là où une visite dans le public peut coûter entre 1 et 60 dinars, médicaments
compris (prise en charge par la CNAM).

L’offre de santé privée en Tunisie : Sfax, un véritable “cluster”


médical

Perçue comme un bassin de production industrielle (activité portuaire, agricole, phosphate, etc.), sans
réelle activité touristique, la ville de Sfax a su se spécialiser dans les services de santé.

Implantées le long des axes principaux, les polycliniques sont passées de 3 en 1998 à 17 en 2018. Elles
sont une possibilité pour les médecins de pérenniser leur activité en Tunisie. Outre le fait qu’il serait
plus rentable d’investir dans une polyclinique que dans le tourisme, l’actionnariat dans le secteur
privé de la santé serait avant tout l’opportunité de fidéliser une patientèle auprès d’une structure,
surtout depuis la mise en place de l’activité privée complémentaire.

Le secteur privé de la santé semble régi en Tunisie par une importante concurrence entre les différents
acteurs, par le prix et par la disponibilité du foncier (à l’image de Sfax, une ville qui s'étend beaucoup),
par les investissements disponibles et par l’évolution de la patientèle. Il ne semble pas y avoir de
coopération durable et générale entre les différents acteurs du système privé et l’organisation
territoriale se ferait de manière indépendante surtout autour de chaque clinique. Il s’agit d’une
organisation libérale avec l’installation de cabinets de médecins libéraux près des cliniques, de

11Le statut de cette structure n’est pas clair de tous : on parle aussi d’un hôpital régional,
d’un centre spécialisé en cardiologie, d’un centre de recherche médical …

11
cabinets d’autres praticiens, de pharmacies, de parapharmacies, de commerces de matériel médical,
de logements divers, de commerces entre autres alimentaires.

Le secteur privé ne semble pas directement touché par le retrait de l’Etat, car les investissements
disponibles sont suffisamment conséquents, mais il le subirait indirectement. Aussi, l’apparent déclin
du secteur public vis-à-vis de la gestion de la circulation routière et vis-à-vis de l’accessibilité de la
voirie oblige les différents acteurs privés à prendre des initiatives dans ces deux domaines
interdépendants, dans leur secteur géographique d’influence directe. Le secteur privé jouit d’une
bonne, voire d’une très bonne réputation. Il apparaît comme pouvant assurer ce que le secteur public
ne serait plus en mesure de garantir. Le moteur que constitue la recherche de rentabilité économique
ne semble pas être mal perçue par la population, probablement parce que le secteur privé sfaxien (et
tunisien en général) fournit des soins de qualité et qu’il veut s’adapter à la crise du secteur public et à
la précarisation de la population.

Un secteur privé conditionné par l’emplacement


géostratégique de la ville

Sfax, deuxième gouvernorat après celui de Tunis, tient une place importante dans l’économie
tunisienne. En effet, situé à l’est du pays et bordé par la mer méditerranée, la ville de Sfax constitue un
axe stratégique dans les échanges commerciaux au niveau national et international.

L’économie de Sfax reposait jadis sur l’exploitation de l’huile d’olive (40% de l’huile d’olive du pays
est produite à Sfax), la pêche et les phosphates. Le port de la ville est un atout majeur pour l’économie
tunisienne et régionale. Cependant, dans les années 1960 on assiste à l’industrialisation de cette
économie avec l’apparition des moyennes entreprises manufacturières et le développement du
secteur du tertiaire. L’économie est désormais basée sur trois secteurs d’activité que sont l’agriculture
(25,3%), la pêche (25,3%), l’industrie manufacturière (24,4%) sans compter les autres services
annexes (24,4%). De nos jours l’industrie tient une place plus importante dans l’économie grâce à
l’exploitation des gisements de phosphates par la SIAPE qui emploie de nombreux Sfaxiens.

En parallèle, la position géostratégique de Sfax a conditionné le développement d’un secteur


particulier : la santé. Il a longtemps profité des relations entre Sfax (surnommée “la Petite Tripoli) et
la Libye (essentiellement la région Tripolitaine, à l’Ouest de la Libye) qui sont relativement anciennes.
Elles ont même perduré après l’embargo onusien sur la Libye dans les années 1990, car cela a favorisé
des logiques de voisinage. Les différents conflits armés et le déclin des services de soin en Libye ont
été une aubaine pour les cliniques privées tunisiennes, au point qu’un accord intergouvernemental ai
prévu la mise en place de dispositifs assurantiels, régis par des systèmes de conventions qui ont
longtemps facilité la prise en charge des patients sous la forme d’assurances financées soit par l’Etat
Libyen, soit par des sociétés privées qui remboursent directement les polycliniques sfaxiennes.

Ces relations transfrontalières ont contribué à l’acheminement d’une patientèle libyenne. Celle-ci peut
représenter 80%, jusqu’en 2010, de la fréquentation des trois-quarts des cliniques privées à Sfax, là

12
où la patientèle locale n'excède pas 5%. A Sfax, ce modèle économique qui devait durer 30 ans, a
favorisé l’émergence d’un espace de soin transnational.

La guerre civile libyenne a ensuite longtemps amené des blessés de guerre à Sfax. Cependant, cette
patientèle a laissé une ardoise conséquente à ces polycliniques, estimée entre 150 et 300 millions de
dinars. Actuellement, une polyclinique située route de Gremda a porté 116 dossiers en contentieux, à
propos desquels l’ambassade de Libye (gouvernement d’entente nationale, reconnu par l’Organisation
des Nations Unies) a promis des remboursements. Les polycliniques sfaxiennes subissent dès lors une
crise de la demande, conduite par la précarisation de la population locale et surtout par la diminution
drastique de la fréquentation des cliniques et des cabinets libéraux par la patientèle libyenne depuis
2011. Contrairement au système public qui semble suivre le paradigme du développement de l’Etat
providence, le système privé, même s’il a bien sûr pour vocation de soigner, est enclin de rentabilité
et de capitalisation économique régie par la libre concurrence. Dorénavant, le secteur privé cherche à
attirer des patients étrangers non-libyens, par l’envoi de caravanes médicales vers les pays d’Afrique
subsaharienne et par des campagnes publicitaires visant les populations subsahariennes, mais aussi
par la participation à des clusters entrepreneuriaux ou encore des business forums comme le Tunisia
Africa Business Council.

Il est important de noter que Sfax attire aussi une certaine mobilité sanitaire de populations venant
de la partie sud de la Tunisie. En effet, le désert médical que subissent les régions à l’intérieur des
terres du pays et la qualité des soins procurés à Sfax poussent une importante partie des habitants de
la moitié sud de la Tunisie à venir se faire soigner dans l’agglomération. Cette mobilité sanitaire
contribuerait à la création d’offres de logement et de produits alimentaires notamment, qui se traduit
sur le territoire par une polarisation de divers services autour des établissements médicaux.

Revue de littérature

Tout d’abord, il a fallu se pencher sur des données statistiques pour comprendre le contexte actuel de
la santé publique en Tunisie. Les données n’étant pas florissantes sur les sites internet du
gouvernement tunisien, nous avons en premier lieu exploité les différentes plateformes des
organisations internationales qui présentent des statistiques générales, à l’image de la Banque
Mondiale, de l’Organisation Mondiale de la Santé ou encore l’UNICEF. Nous avons également bénéficié
de l’outil pédagogique “Perspectives Monde”, proposé par l’Université de Sherbrooke au Canada.

Nous avons par la suite conduit nos recherches documentaires sur les différentes bibliothèques
numériques à l’image de Cairn, Persée, Universalis, Researchgate, ScienceDirect ou encore Google
Scholar. Différents textes ont su orienter notre réflexion, à l’image d’un article rédigé par Betty
Rouland, Mounir Jarraya et Sébastien Fleuret paru en Octobre 2016 dans la Revue francophone sur la
santé et les territoires. Il propose une rétrospective des logiques de voisinage entre la Tunisie et la
Libye, et comment celles-ci ont mené à la formation d’un espace de soins transnational qui a largement
profité au secteur privé à Sfax. Cet article nous a également été intéressant par son focus sur les
configurations spatiales en termes d'aménagements, que ce soit dans les secteurs résidentiels,
commerciaux ou encore de transports.

13
Ce groupe d’auteurs nous ont permis d’actualiser un certain nombre de données qui peuvent être
obsolètes. Nous avons pu comprendre que l’offre de santé publique à Sfax polarise également des flux
de patients originaires des gouvernorats du Sud et du Centre-Ouest du pays, inégalement desservis
par les services de santé publique. Mounir Jarraya, géographe et climatologue à l’Université de Sfax, a
produit beaucoup de recherches dans les déterminants socio-environnementaux de certaines
pathologies à Sfax, tels que l’asthme (logements insalubres, pollinisation des oliviers, industries …).
Betty Rouland a beaucoup exploré les origines géopolitiques de cette patientèle libyenne présente à
Sfax et plus généralement en Tunisie, facilitée par des accords bilatéraux ou encore les contextes de
soulèvements populaires et de la guerre.

14
Méthodologie

Nous abordons cette thématique sous le prisme de l’urbanisme, ce qui nécessite une approche
territoriale de la santé à travers l’implantation des infrastructures et équipements hospitaliers.

Ayant que peu de connaissances du territoire, l’étude sur le terrain a été une étape importante pour
pallier à ce manque. En amont, un travail de préparation devait être fait afin d’être efficace au vu le
temps imparti (8 jours) durant lesquels nous avons récolté un maximum de données pour notre étude.

Phase 1 : santé et territoire, documentation et recherche

Dans un premier temps nous avons tenté d’établir un diagnostic en chambre du système de santé
Sfaxien à travers des articles, des documents graphiques (cartes, schémas), statistiques et autres
travaux de chercheurs. Nous avons également tenté d’obtenir des informations auprès des acteurs de
la coopération entre Sfax et Grenoble afin de diversifier nos sources. Nous avons découvert un système
de santé complexe avec un jeu d’acteurs opposant publics et privés. La ville de Sfax est réputée dans
le domaine de la médecine à travers son université qui accueille et forme de nombreux médecins mais
aussi grâce aux nombreux patients qui viennent s’y soigner. Parmi ces patients, sous avons remarqué
que nombreux sont ceux venant de l’étranger d’où le fait que l’on parle de “tourisme médical”. Au
travers de ces informations, nous avons émis les hypothèses suivantes :

- Un système de santé opposant public et privé


- La santé comme élément structurant du territoire Sfaxien
- Sfax un pôle médical attractif à l’échelle nationale et internationale
- Une hiérarchisation des infrastructures malgré une inégale répartition sur le territoire

Ces hypothèses nous ont conduit à la mise en place de deux axes d’analyse du territoire en prévision
de la phase de terrain ce qui nous permettrait d’affirmer ou d’infirmer nos hypothèses de départs.
● L’impact de l’emprise des équipements publics sur le territoire sfaxien, de la route de Gremda
au quartier de l’aéroport.
● Dresser un portrait de la santé sur le plan social à Sfax, comment l’appartenance à une
catégorie socioprofessionnelle conditionne les choix opérés dans l’accès aux soins.

Phase 2 : préparation de l’analyse in situ

15
Pour cette étape, nous étions bien conscients qu’il nous faudrait plus de données qualitatives et
quantitatives pour étayer nos propos et rendre notre projet d’étude plus fiable. Pour cela il nous fallait
aller à la rencontre des acteurs du domaine de la santé à Sfax que nous avons essayé de mobiliser bien
avant notre arrivée. Dans un souci d’efficacité nous avons préparé en amont un ensemble de
documents dont des questionnaires, des grilles/guides d’entretien spécifiques à chaque catégorie
d’acteurs (médecins, étudiants en médecine, associations, Sfaxiens (habitants). En plus des
interviews, nous avons prévus d’aller à la découverte du territoire en procédant à un relevé de terrain
entre dessins, croquis, photos afin de dresser un portrait imagé des infrastructures de santé et de leurs
impacts sur le territoire Sfaxien. Une double approche à la fois qualitative et quantitative qui nous a
permis de dresser un portrait relativement précis de la santé qui semble être un domaine
incontournable pour le développement de la ville de Sfax. C’est ainsi que nous nous apprêtions à notre
départ à Sfax, empreints au doute mais avec une envie de découvrir cette ville que nous avions tant
imagé.

Phase 3 : processus de récolte des données

Durant notre séjour nous avons arpenté la ville à la rencontre des différents acteurs contactés en
amont qui nous ont permis d’élargir notre réseau. De nombreux entretiens furent réalisés auprès des
acteurs privés et publics de la santé ce qui nous a permis d’affirmer certaines hypothèses. De plus,
grâce aux entretiens, nous avons réussi à récolter des données quantitatives chiffrées (prix des
soins/consultations …) ainsi que des données qualitatives composées de récits de vie (expériences
vécus, avis, constats …) qui nous ont peu à peu éclairé sur la situation sanitaire à Sfax. Ensuite nous
avons entrepris de faire une analyse morphologique du territoire, à travers des relevés de terrain
pendant lesquels nous avons recueilli des données (photos, croquis, mesures, comptage des
équipements) qui ont servi à l’élaboration de cartes et de schémas de synthèse. Nous avons ainsi
collecté et conservé des données brutes qui ont été traitées afin de constituer un premier rapport qui
servira de guide pour les acteurs de la coopération dans le cadre de futurs projets ainsi que pour les
promotions suivantes.

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Constats

Dans cette partie, nous allons développer les résultats issus de notre travail de terrain en se focalisant
sur les impacts de la santé sur le territoire sfaxien.

Structures de santé à Sfax, typologie et interactions

Ainsi, si nous poursuivons la logique de catégorisation des établissements publics d’une part, et privés
de l’autre, leur implantation, fonctionnement et interaction dépendent grandement de la typologie
suivante. Nous la retrouverons tout au long de notre analyse en abordant dans un premier temps les
établissements publics avec les CSB, les CI et les CHU, puis les établissements privés entre
polycliniques et cabinets médicaux privés.

Afin de décrire l’environnement dans lequel s’inscrivent ces établissements, nous avons choisi de n’en
présenter que certains parmi ceux observés, permettant de généraliser ces informations. En effet, si
quelques variations sont observées d’un établissement à l’autre, il demeure cependant une logique
globale, propre à leur typologie.

Établissements publics :

❖ Centres de Santé de Base (CSB)

Les CSB sont de petits bâtiments, généralement de plain-pied, intégrés à leur quartier dans des
bâtiments suivant une continuité morphologique. Il ne nous a pas été possible de savoir si ceux-ci sont
construit à posteriori ou prennent place dans des structures préexistantes. Prenons pour exemple ici
les CSB de Merkez Kammoun (Route de Gremda, Km6) et de l’avenue Hedi Soussi, dans le quartier
d’Rbat. Chacun d’eux répondant à ces deux hypothèses :

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Le CSB Merkez Kammoun prend place dans un petit bâtiment ancien, du même style architectural que
ceux retrouvés à la périphérie de la route de Gremda (nous détaillerons les bâtiments jouxtant celle-
ci plus loin). On a ici une prolifération de grandes propriétés construites sur des terrains clôturés, en
retrait du tumulte de l’avenue. Le viaire est essentiellement composé d’une simple couche de gravier,
voire de terre tassée. Ici l’accès au CSB n’est pas indiqué et sans l’aide des riverains il nous a été
impossible de le distinguer. Une ligne de bus permet de s’y rendre via la route de Gremda.

Concernant le CSB d’Rbat, il prend la forme d’un grand bâtiment rectangulaire dont la forme dénote
avec le bâti voisin, sa structure peut être caractérisée de compacte. En effet, quartier très dense et
peuplé, Rbat est essentiellement constitué de petites habitations individuelles sur deux à trois
niveaux, complétées par du collectif allant jusqu’à cinq niveaux. Ici l’accès est direct via l’avenue, le
centre est beaucoup plus visible (notamment avec sa façade blanche et bleue, signalétique que nous
avons retrouvée dans d’autres CSB) et accessible : plain-pied, pas de marches et revêtement en terre
stabilisée. Sa taille est jugée exceptionnelle par son personnel du fait de la demande locale. La mosquée
est également mise en évidence ici car étant le second bâtiment à réellement contraster avec

18
l’architecture locale. Quelques échanges avec un étudiant de l’université de Sfax ont révélé un malaise
quant à la volonté de la municipalité d’installer un marché en lieu et place du terrain ouvert de football
à l’arrière du bâtiment ; ils pointaient du doigt l’importance pour les enfants de se distraire en
attendant la fin de la consultation de leur famille, mais surtout la question hygiénique d’avoir un
marché ouvert à proximité d’un établissement de santé.

Le viaire se compose ici d’une succession hiérarchique de voies de plus en plus petites, certaines ne
permettant pas le passage de véhicules. Nous y retrouvons cependant un trottoir sur les principales
d’entre-elles.

Ces deux CSB, ainsi que de nombreux autres que nous avons visités, sont presque systématiquement
placés en retrait des grands axes routiers, au cœur des quartiers qu’ils desservent. Nous n’avons pour
l’instant pas d’hypothèse à formuler quant à cette logique d’implantation. Cependant, au vu des choix
de bâti (pavillonnaire) il est probable que la réduction des coûts, notamment foncier, soit un critère
important.

❖ Centres Intermédiaires (CI)

Sur les deux Centres Intermédiaires présent à SFAX, nous avons visité celui d’Alwasit, situé entre la
route de Tunis et l’avenue Errached, au kilomètre 11.

Ici nous retrouvons une structure pavillonnaire (2 bâtiments), située sur un grand terrain clôturé. Le
bâti occupe une faible portion de cet espace, afin de permettre une future extension et y accueillir une
structure de type hôpital régional (doté d’un bloc opératoire et d’une structure d’accueil des
urgences), organisée sous forme de pavillons. Le centre est localisé à la limite de la tache urbaine de
Sfax, où nous retrouvons de nombreux logements en construction, sous formes de grappes d’habitats
individuels d’un à trois niveaux. L’intérêt stratégique semble ici cohérent puisque le centre s’intègre
dans la trame urbaine en amont de son expansion. Par ailleurs, le viaire est ici encore très sommaire

19
et l’accès se fait exclusivement par véhicule. Un bus dessert notamment la zone, à destination du
centre-ville. L’essentiel de l’environnement direct du centre est composé de champs d’oliviers,
paysage typique de la périphérie de l’agglomération.

❖ Centres Hospitaliers Universitaires (CHU)

Sfax dispose de deux CHU opérationnels. Habib Bourguiba, dédié aux urgences et opérations
chirurgicales et Hédi Chaker disposant notamment d’une maternité et de divers services tels que la
pédiatrie. Situés sur le même terrain au centre de la ville, au sud de Sfax 2000 et à l’ouest de la Médina.
Comme nous l’évoquions plus haut, un troisième CHU est en cours de construction sur la route de
l’aéroport, mais ne dispose pas de statut clairement défini.

Ici les logiques d’implantation sont radicalement différentes. Les CHU du centre-ville sont situés sur
un terrain formant à eux-seuls un îlot urbain. Adjacents aux grands boulevards desservant le sud et
l’ouest de l’agglomération, ils sont à l’interface des quartiers denses du centre-ville et de la typologie
morphologique que nous retrouvons le long des radiales, à savoir du bâti individuel et collectif
moyennement dense. Leur position leur offre à la fois une grande accessibilité du fait de leur centralité,
mais représente également leur principal défaut. En effet, situé au cœur de la congestion routière,
l’accès en ambulance y est problématique. Les patients distants rencontrent d’autant plus de difficulté
à y accéder. Leurs structures se caractérisent différemment, celle du CHU Habib Bourguiba est
compacte tandis que Hédi Chaker se rapproche plutôt d’une structure pavillonnaire12. L’infrastructure
est de très mauvaise qualité, les routes alentours sont souvent peu entretenues et encombrés, tandis
que le réseau interne rencontre les mêmes problèmes. Enfin, l’îlot est cintré d’un mur d’enceinte haut
de près de 3 mètres par endroit, sécurisé aux portes par des postes de gardes.

12Typologie retenu par Imen Menif Masmoudi dans sa thèse intitulée “Le confort du
personnel soignant : étude comparative dans deux hôpitaux tunisiens”.

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Le nouveau CHU semble répondre plutôt à la même logique que celle décrite pour le CI d’Alwasit. Nous
retrouvons une enceinte fermée sur un grand terrain, à la périphérie de la ville, et situé sur un axe
routier majeur, la rocade express n°11 qui contourne toute l’agglomération. Les bâtiments ont été
implantés au milieu de plantations d’oliviers, à plusieurs centaines de mètres des premières
constructions visibles. On est ici sur une structure en bloc, avec quelques détachements pavillonnaires.
L’espace public alentours ne peut être qualifié pour le moment, du fait des travaux en cours.

Établissements privés

Lorsque nous avons parcouru la route de Gremda sur ses 8 premiers kilomètres, notre objectif était
de relever l’ensemble des activités que nous rencontrions ayant un rapport direct avec la santé. En
étudiant la composition du contexte de ces établissements, il nous est apparu que leur densité est
particulièrement élevée sur cet axe, et que leur présence implique un changement majeur dans les
aménagements alentours.

❖ Cliniques privées (Syphax)

Le long de la route de Gremda, nous pouvons croiser 4 grandes polycliniques que sont la Clinique de
la CNSS, la Polyclinique Syphax, la Polyclinique Ibn Khaldoun et la Polyclinique Chams. Ces
établissements se sont tous construits durant la dernière décennie, et dessinent un nouveau
paradigme d’implantation. Nous nous focalisons ici sur la Polyclinique Syphax qui, par son ancienneté
et ce que son contexte nous raconte, est la plus intéressante afin de dresser le portrait de cette
typologie naissante.

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Cette clinique permet d’illustrer les deux grandes fractures du système privé vis-à-vis du public et de
son environnement. Là où les CSB s'intègrent dans la continuité de la trame urbaine, les CI et CHU
structurent l’espace à une plus grande échelle mais repliés sur eux- mêmes. Ici les cliniques font le pari
de l’ouverture et de l’accessibilité directe aux espaces alentours. La route de Gremda est une avenue à
fort trafic, avec des espaces périphériques disposant rarement d’aménagements publics. Ainsi, il était
fréquent de marcher plusieurs dizaines de mètres sans rencontrer de trottoir, puis de soudainement
se trouver sur un espace aménagé par le privé, à sa faveur (marbre, pierre…), avant de brutalement
retrouver la composition précédente. L’équipement semble alors directement dépendant du type
d’établissement implanté sur l’avenue. Ceux-ci sont concentrés dans des bâtiments dépassant
rarement les deux niveaux (en orange sur la carte) et abritent des activités allant d’atelier de
menuiserie aux boutiques spécialisées en téléphonie mobile. Historiquement on y retrouvait
également de nombreuses huileries mais celles-ci sont de moins en moins présentes.

Ici les cliniques semblent avoir amené une cohérence que l’on ne retrouve qu’à leurs abords.
Observons d’abord les espaces bâtis. L’établissement en lui-même est divisé en deux, une partie
urgence et bloc opératoire, et les cabinets médicaux. (Il nous sera confirmé par plusieurs directeurs
que cette tendance se confirme dans d’autres cliniques). La présence de la clinique va également
amener de nombreux commerces en relation directe avec ses activités. Ainsi nous y retrouvons, dans
les mêmes bâtiments qui, plus en amont, sont occupés par les huileries et autres ateliers, des
pharmacies, parapharmacies, cabinets médicaux spécialisés, opticiens, etc…

Mais là où l’aménagement peut nous intéresser particulièrement, c’est lorsque l’on observe
l’aménagement public à leurs abords. La carte ci-dessus montre qu’au-delà de l’espace directement au
pied de Syphax, cette composition s’étend aux commerces alentours et particulièrement ceux relevant
d’une activité médicale. Accent mis sur l’accessibilité par un trottoir aménagé, celui-ci séparant une
esplanade mêlant places de parking matérialisés et accès aux bâtiments de plain-pied. Bien que
l’ensemble de la zone ne se prolonge que sur une centaine de mètres, sa cohérence offre une ambiance
et une qualité d’espace particulièrement élevé. On y trouve notamment des arbres et quelques petits
espaces gazonnés, fait unique sur l’avenue. Cette volonté de structuration de l’espace peut sans doute
s’expliquer par le besoin de ses établissements d’offrir à leur patientèle un cadre de haut-standing, y
compris en dehors de ses murs ainsi qu’une ambiance qui leur est propre, tout en limitant les distances
du parcours médical.
22
Enfin, le secteur de Gremda attire de plus en plus de propriétaires. Plus en aval, au CSB Merkez
Kammoun, de nombreuses bâtisses sont en construction, placées sur de grands terrains clôturés. Ici
le schéma se répète, dès que l’on quitte l’avenue, l’essentiel des quartiers se compose de la sorte. Par
ailleurs, il nous a souvent été affirmé que nombre de ces grandes maisons individuelles sont occupées
par des médecins.

❖ Cabinets Médicaux

Les cabinets médicaux sont au cœur de la structure de santé de Sfax, le médecin de famille étant l’un
de ses piliers. On retrouve ceux-ci dans tous les quartiers de la ville. Cependant, au tout début de la
route de Gremda, dans le quartier ‘Sfax 2000’ nous y avons trouvé une concentration exceptionnelle.

La morphologie du quartier revêt un


caractère unique. Construit en continu
depuis la fin des années 90, il se compose
de grands immeubles de R+9 à R+24.
Ceux-ci sont réunis en îlots, dont les
façades extérieures concentrent des
commerces, et de cours intérieures. Nous
pouvons faire les mêmes observations
qu’aux abords de la clinique Syphax, avec
de nombreuses activités médicales
secondaires (pharmacies, équipements
médicaux…).

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Ici encore l’aménagement de l’espace se fait à la faveur du privé, avec une spécificité qui oppose
pleinement l’espace public au privé. Dans la coupe ci-dessus nous retrouvons cet aménagement,
composé de deux niveaux de trottoir, l’un public et impraticable, l’autre privé dont le niveau de finition
est sans égal. Y est également détaillé la composition interne des immeubles. Notamment ceux situés
sur l’avenue de Carthage. On y trouve au RDC divers commerces et petites boutiques. Les premiers
étages sont quasiment exclusivement réservés aux cabinets médicaux (on en compte jusqu’à plusieurs
dizaines pour une montée d’immeuble). Enfin les derniers étages sont réservés aux logements, de haut
standing pour la plupart. Du temps où Sfax était surnommée la petite Tripoli, on trouve ici de
nombreux logements voués à la location aux libyens en séjour à Sfax, avec la baisse de fréquentation
dans les polycliniques, ceux-ci semblent s’être ouverts au marché local.

Logiques d’implantation et interactions avec l’environnement


urbain

L’accessibilité des établissements de santé ne se résume pas uniquement aux alentours directs des
bâtiments mais également à leur localisation dans la ville et aux réseaux d’accès.

Pour une description plus complète et claire, nous allons voir les logiques d’implantations de chaque
secteur avant d’aborder leurs interactions.

Des secteurs publics et privés indépendants ?

Tout d’abord le secteur public. Instauré par le gouvernement, il couvre l’ensemble du


territoire et suit une logique d’implantation qui consiste à proposer à tous les sfaxiens un CSB dans un
rayon de 4km maximum. Ce critère spatial est complété par un critère démographique, dans le rayon
déterminé, les CSB s’implantent dans les zones les plus densément peuplées. Ce service de base permet
d’éviter les déplacements et la congestion automobile qu’ils engendrent mais également d’offrir une
offre de soin à proximité.
Les deux CHU, quant à eux, se situent au cœur de la ville. Bien qu’en limite de zone urbaine à leur
construction, ils se retrouvent aujourd’hui intégrés au tissu urbain radioconcentrique de Sfax et
accueillent environ 1000 patients journaliers, et ce, uniquement pour des consultations. Cette
morphologie de la ville ainsi que l’usage de la voiture (individuelle ou taxis) comme schéma de
mobilité dominant accentue la congestion des voies d’accès au niveau des CHU (localisés à la jonction
entre l’une des radiales et l’une rocade les plus empruntées de la ville). Ce nœud urbain est amplifié
par l’offre insuffisante de place de parking, favorisant ainsi les stationnements sauvages.
Par ailleurs, le Dr BEN DHAOU, pédiatre et professeur à la faculté de médecine de Sfax, nous mentionne
que Sfax est la ville enregistrant le plus d’accidents routiers de Tunisie. Une partie de ces collisions,
que nous n’avons pas pu quantifier, impliquerait des ambulances. De plus, il semblerait que le
carrefour à proximité des CHU serait le plus accidenté de la ville. Ainsi, paradoxalement, l’implantation
de ces établissements de santé accentue les risques liés à la circulation. Enfin, bien que nous n’ayons
pas eu le temps de le vérifier, il semble très probable qu’une partie du trafic ait été reporté sur les
radiales adjacentes pour éviter les embouteillages de ce carrefour et ainsi pouvant potentiellement
causer des désagréments pour les résidents des quartiers alentours. De plus, à l’aide d’une balade

24
commentée et de nos entretiens, nous avons observé un développement des commerces sur les
radiales Lafrane et El Ain, situées à proximité de la route de Gremda. Il en est ressorti que ce
développement est plus récent que la route de Gremda et qu’il serait lié au développement de cette
dernière.

Nous avons donc observé un secteur public avec une volonté d’organisation des différents services et
établissements de santé mais qui n’est plus adapté au nombre important de patients et notamment
venus de tout le Sud tunisien. En réponse à cette affluence, le gouvernement chinois construit un
hôpital au sud de Sfax dont le but est de décentraliser l’offre de soin et apaiser les CHU au cœur de la
ville. Cependant, cet établissement comporte d’autres problématiques d’accessibilité, il se situe dans
une zone éloignée de zones d’habitations, à proximité de l’usine SIAPE et des champs d’oliviers mais
surtout à 11km de Sfax, compliquant l’acheminement des urgences. De plus, il semblerait que sa
fonction de CHU multifonctionnel complémentaire se réduise en un établissement spécialisé dans la
cardiologie, limitant son impact en termes de décongestion du centre de Sfax et des ces hôpitaux.

Ensuite, le secteur privé, ici nous comprenons les cliniques et les praticiens libéraux. Au cours de nos
recherches préalables, nous avions supposé que ces acteurs de la santé ne suivissent pas de logique
d’implantation spatiale commune. Cependant nous avons très rapidement observé une concentration
importante de cliniques et de médecins sur la route de Gremda ainsi que sur le nouveau Quartier Sfax
2000 participant au développement de l’avenue. Les directeurs de différentes cliniques concernées
voient en cette concentration un atout et non pas de concurrence. En effet un patient peut être envoyé
dans une clinique adjacente si le service n’est pas assuré de par leur spécialité. De plus, ils estiment
que l’image d’avenue de la santé (nomination régulièrement ressortie dans les entretiens), attire les
patients qui n’ont “plus qu’à faire un choix” comme le rapporte Mr TARAK, directeur administratif de
la polyclinique Chams.

Les établissements privés se sont donc implantés selon des logiques individuelles mais motivées par
la concentration de praticiens privés et la création d’un “pôle de la santé” (ibid). Cependant ce pôle
n’est pas sans conséquences pour le territoire ; tout comme aux abords des CHU, plusieurs
témoignages de résidents à proximité de l’avenue de Gremda ont mentionné le trafic croissant sur les
routes parallèles pour éviter la radiales de plus en plus fréquentée et embouteillée notamment avec
les flux ambulances. Leur discours ainsi que nos observations ont également montré que plusieurs
constructions de logements étaient en cours dans ces quartiers, n’ayant pas d’éléments concrets pour
prouver les liens avec ce pôle de santé et ce pôle économique émergent, nous ne pouvons que supposer
que les cliniques attirent les professionnels de la santé et commerçant travaillant à proximité ainsi
qu’une population plus aisée. Cependant, cette hypothèse est contrebalancée par les propos de Mr
TARAK : ” Je ne pense pas que ça ait brassé la population. [...] selon la présence d’une clinique privée ou
un hôpital public. [...] Cela dépend du quartier et non pas de l’hôpital, c’est mon opinion personnelle. ».

Les établissements de santé privés et publics se sont implantés selon des logiques différentes. Nos
entretiens et observations montrent un secteur public “organisé” alors que Mr GDOURA, chirurgien
esthétique et président du cluster médical El Khibra, évoque un développement de l’offre de santé
privé comme “spontané” voire “anarchique” et dicté par une “stratégie de la position géographique ».
Cependant il semblerait que les praticiens privés suivent tout de même une logique commune de
concentration. Par ailleurs, à la création des cliniques, leur patientèle était différente, cependant la

25
réalité est bien plus complexe et les secteurs privés et publics sont bien plus liés qu’en apparence, et
ce même dans leur implantation.

La porosité entre les secteurs public et privés de la santé

Bien que le système de santé privé ne s’apparente que très peu au système public, les deux sont
intrinsèquement liés et procèdent à de nombreux échanges.

Tout d’abord, l’ensemble du personnel médical du privé est formé par le public et ce, tant au niveau
de ses études que de ses premières années d’expériences. L’université de médecine de Sfax forme aux
nouvelles technologies, aux nouveaux outils de la médecine. Les médecins du public sont les premiers
à comprendre et à utiliser des machines plus performantes. Ils acquièrent donc des compétences que
peu de médecins dans le privé ne peuvent acquérir autrement que par une formation auprès d’un
médecin du public (ces échanges tendent à évoluer car les cliniques parviennent de plus en plus à
financer des machines novatrices avant le public de par leur capital financier plus élevé). Par ailleurs,
un chirurgien du public est plus expérimenté sur le plan technique car il effectue nettement plus
d’opérations qu’un chirurgien du privé, ce qui s’explique par le nombre de patients qui fréquentent
son établissement. Le personnel du secteur privé va donc affiner ses gestes auprès du personnel dans
le public.

Mais les échanges sont également réciproques. Nous avons vu que les problèmes majeurs des CHU
sont le manque de moyens financiers et le nombre élevé de patients impactant sur la qualité des soins
administrés. Le développement des cliniques a permis, dans une faible mesure, une décongestion des
hôpitaux ; mais cela se fait au détriment de la classe moyenne sfaxienne qui s’endette en accédant à
des soins trop élevés, ou bien demande de l’aide financière à leur entourage.

Enfin ses liens se traduisent également sur le territoire. L’implantation des médecins indépendants et
des cliniques n’est pas liée uniquement au projet Sfax 2000, ils se situent à proximité des CHU. Ainsi,
lorsque des patients du public ne sont pas satisfaits, ils se dirigent vers le service privé le plus proche
captant alors une nouvelle clientèle.

Le secteur de la santé à Sfax est divisé entre des établissements publics en difficulté et des cliniques
privées qui prospèrent. Les CHU ont besoin d’être épaulés dans l’afflux constant de patients et les
praticiens privés remplissent ce rôle. Cependant l’agglomération croissante de professionnels de la
santé, représentants d’une classe aisée pour la ville de Sfax dans un périmètre restreint (nos entretiens
soulignent plus un “pôle de santé” qu’une “ville de la santé”), tend à une relative mono-fonctionnalité
de certains quartiers. En parallèle, l’arrivée des cliniques à Sfax incite le secteur public à évoluer pour
offrir des soins de qualité et éviter l’endettement des patients.

26
Des parcours de soins à Sfax

Nous allons retracer le parcours de santé type d’un patient libyen pour illustrer et comprendre les flux
de patients libyens convergents vers Sfax. L’impact sur le territoire sfaxien des patients libyens est en
effet considérable. La plupart des patients libyens venant en Tunisie pour se faire soigner
s’autofinancent. Beaucoup sont contraints de vendre leurs biens et de piocher dans leurs économies.
Suite à nos entretiens avec une dizaine de patients libyens, complétés par nos recherches de terrains,
nous avons pu recréer un scénario type retranscrivant le parcours de soin suivi.

Souvent, le patient vient à Sfax par voie terrestre, soit avec son véhicule personnel ou en ambulance.
Cette seconde option revient environ à 1 000 TND, ce qui est un frais souvent important, le patient
type vient donc avec son propre véhicule. Après 12 heures de trajet en moyenne, le voilà en Tunisie,
plus précisément à Sfax. Via son réseau de connaissance ou bien en interrogeant les chauffeurs de taxi,
il va se renseigner sur les locations à la nuitée. La localisation va être près de la clinique pour des
raisons pratiques et notamment pour éviter la mauvaise circulation mais également car il existe un
réseau d’informations entre les cliniques, les offres de logements et commerçants à proximité. Selon
le budget, les conditions sont plus ou moins bonnes. Les libyens paient bien souvent un prix supérieur
à la moyenne sfaxienne, et les conditions de logement ne sont pas idéales. En effet, cette activité
immobilière est souvent informelle, y compris pour les logements de haut standing. .
Après avoir payé à l’avance ses soins, en liquide pour la plupart, le patient a droit à un accompagnant.
Après avoir bénéficié des soins, il repart donc en Libye. Le séjour à Sfax est, sans compter les soins
médicaux, de courte durée.

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Bilan : Interprétations et préconisations

Des obstacles au développement du secteur privé

Nous avons vu que la qualité des soins procurés a une portée nationale et internationale. Le secteur
privé investit une importante partie de ses efforts dans l'expansion de sa réputation à l’étranger et
principalement en Afrique subsaharienne. Il subit pourtant une crise. Il s’agit d’une crise liée à la
demande, conduite par la précarisation de la population locale et surtout par la diminution drastique
de la fréquentation des cliniques et des cabinets libéraux par la patientèle libyenne depuis 2011, qui
constitue le moteur initial du développement du système privé à Sfax et du développement du système
économique qui s’est élaboré autour.

Il y a un nombre trop important de cliniques sur le territoire sfaxien, si celles-ci sont amenées à ne
soigner que la population locale. Contrairement au système public destiné à suivre le paradigme du
développement de l’Etat, le système privé, bien qu’il ait pour vocation de procurer des soins, est
dépendant des impératifs financiers et vise donc aussi la réalisation de profits. Afin de palier à la crise
de la demande que subit le secteur privé, celui-ci cherche à attirer des patients étrangers non-libyens.
Cependant, cette démarche est nouvelle, les cliniques ne parviennent pas à travailler ensemble. Tunis
tente de bloquer ces démarches et certains espèrent le retour en nombre de la patientèle libyenne
historique. Les patients venant de Libye avant 2011 avaient en grande majorité pour habitude de venir
accompagnés par plusieurs personnes. Ainsi, la venue de ce grand nombre de personnes impactait
tous les types de commerces communs. Les touristes libyens constituaient donc une importante partie
de la demande sur le marché sfaxiens.

Il est important de noter que Sfax attire aussi une certaine mobilité sanitaire de populations venant
de la partie sud de la Tunisie. En effet, le désert médical que subissent les régions à l’intérieur des
terres du pays et la qualité des soins procurés à Sfax poussent une importante partie des habitants du
sud et de l’ouest de la Tunisie à venir se faire soigner dans l’agglomération et cette mobilité sanitaire
crée, elle aussi, une demande de logement et de services qui se traduit sur le territoire par une
polarisation de ces services autour des établissements médicaux.

Enfin, la concurrence entre Tunis et Sfax est notable. La deuxième économie du pays fait concurrence
à la capitale et Tunis, qui concentre le pouvoir politique du pays, freine en partie les prétentions
sfaxiennes. L’exemple le plus marquant étant sûrement celui de l’aéroport de Sfax. Cet établissement
ne propose que très peu de lignes aériennes et il est très compliqué pour des patients étrangers,
comme pour tous les autres visiteurs de la ville, d'atterrir à Sfax. Cela constitue un frein majeur à
l’ouverture de Sfax sur l’international et Tunis est considérée comme l’instigateur du blocage du
développement de l’aéroport.

28
Préconisations

Prendre garde à l’hyperspécialisation des espaces

Le secteur de la santé à Sfax est en pleine mutation ; le public est en difficulté alors que le privé se
développe rapidement. Nous allons ici essayer d’imaginer l’évolution de ces phénomènes dans une
posture d’appui au développement des établissements de santé et de leur mise en cohérence au
service de l’intérêt général. Cela reste hypothétique et subjectif bien que construit par nos recherches.
Nous pouvons imaginer une ville médicale, une ville dont l’économie tourne autour des soins, du
tourisme et de la mobilité médicale. De nombreux hôtels se construisent en parallèle d’une économie
informelle des logements florissante. Les résidents assistent également à un renforcement de
l’hyperspécialisation des quartiers entre les établissements de santé et les nouveaux commerces qui
s'implantent.

Par ailleurs, cette hyperspécialisation des espaces est la conséquence d’une stratégie économique du
secteur privé qui n’a pas vocation à participer au développement d’un service médical diversifié
pouvant répondre à l’ensemble des besoins des habitants.
L'implantation du secteur privé à Sfax n’a pour l’instant pas fait preuve d’une grande cohérence
territoriale, par cette concentration en cluster qui peut délaisser les espaces dits “peu rentables”. Les
logiques privées tendent également à concentrer les activités pour maximiser la visibilité, optimiser
la logistique et l’offre de services. Ce qui est pourtant regrettable, car là où le public délaisse l'espace
privé alentours (notamment en termes d'hygiène et d'accessibilité), le privé porte une grande
attention à ce que celui-ci projette la qualité de ses propres infrastructures.

Prendre garde à la perte de terrain de la puissance publique

En parallèle, le secteur public se dégrade, les patients poursuivent leur endettement, les médecins sont
dépassés par le nombre de patients mais ne peuvent que difficilement agir. Par ailleurs, nous pouvons
imaginer une accentuation des investissements chinois dans le domaine de la santé publique à Sfax,
éloignant d’autant plus le gouvernement Tunisien de la gestion de ce secteur. De manière générale,
l’absence relative de l’Etat tunisien, combinée à des investissements privés conséquents, à la
précarisation de la population et à l’absence d’une autorité forte dans de nombreux domaines, conduit
à la prolifération d’initiatives privées, individuelles, et communautaires, qui se font concurrence, donc
à l’absence de concertation et à l’éloignement des plus faibles.

Ces phénomènes ne sont pas sans conséquences pour le territoire. Les réseaux sont congestionnés,
mais pas uniquement sur les radiales principales où les accidents graves sont quotidiens et ne cessent
d’augmenter. Les loyers augmentent dû à l’essor du tourisme et au développement commercial des
axes routiers engendrant une gentrification progressive.

29
Prêter attention aux bénéfices éventuels d’une gestion
partenariale

Au cours de notre enquête, plusieurs acteurs, gravitants notamment autours du système privé, nous
ont mentionné le développement de l’aéroport de Sfax comme vecteur de développement notamment
du secteur de la santé. Nous nous sommes peu concentrés sur l’analyse des apports et inconvénients
engendrés par ce projet. Cela pourrait être une préconisation pour l’étude de 2019. Cependant nous
pouvons imaginer de nouveau : l’aéroport draine de nombreux patients étrangers participant au
développement des cliniques privées et de l’offre de logements de location à court terme. De ce fait, il
permet un désengorgement des voies de circulation et une baisse des accidents. Cependant cette
baisse s’explique par la perte d’activité et de revenus notables des agences de service ambulancier (au
nombre de 6 uniquement à Sfax). Les heurts de la gestion des lignes Sfaxienne dans le passé, ainsi que
la très forte polarisation de Tunis, ont conduit l'aéroport de Sfax à n’être que très peu desservi
aujourd’hui. Il semble en outre que tous les acteurs de la mobilité médicale n’aient pas un intérêt
formel à ce que les déplacements s’opèrent en arrivage direct à Sfax. L’entrée de capitaux privés dans
la gestion de l’aéroport (infrastructures) pourrait faire chuter les coûts de gestion de l’aéroport et
inciter le gouvernement à ouvrir d’autres lignes à Sfax.

Au travers de cette étude nous avons tenté d’illustrer en partie la complexité du système de santé
Sfaxien à travers son organisation, les échanges et les impacts sur le territoire. Ces interprétations sur
l’évolution des phénomènes montrent aussi que le privé se développe seul malgré ses liens forts avec
le public. Au contraire le secteur public semble avoir besoin d’appui financier et d’une cohérence dans
ses politiques pour améliorer la qualité de service. Il y a donc un besoin de mettre ces deux mondes
en discussion, et particulièrement sur leurs logiques de spatialisations. Les prochaines études
conduites à Sfax pourraient notamment se porter en ce sens.

30
Conclusion
Au terme de ce travail, et en conclusion de celui-ci, nous souhaitions transmettre la manière sensible
dont nous avions vécus cette expérience de terrain.

En remontant la route de Gremda depuis le centre-ville, nous nous sommes rapidement rendus compte
des difficultés liées à la mobilité, et ce pour tous les moyens de déplacement utilisés, que ce soit à pied,
en bus ou en taxi. Il y a un cruel manque d’aménagements piétons, aussi bien le long des trottoirs que
pour traverser la route. En effet, on remarque un manque d’entretien et de renouvellement de la voirie
qui est partiellement délabrée et en mauvais état. L’accessibilité n’est clairement pas optimale et
encore moins pour les individus dont la mobilité est réduite. A de nombreuses reprises nous avions
des difficultés à longer cette continuité d’espaces informels, faits d’obstacles parfois très étonnants.

C’est une route très empruntée où il y a énormément de trafic. Traverser la route à n’importe quel
endroit représente un danger, d’autant plus au regard du comportement de certains conducteurs. La
route est partiellement congestionnée au niveau des intersections et des ronds-points. Très vivante
même si l’activité et les commerces ont tendance à s’estomper plus on s’éloigne du centre-ville,
beaucoup d’odeurs intenses la parfume, parfois désagréablement mais dont l’impression donnait du
sens au paysage parcouru. Beaucoup de gens dans les cafés, de commerçants en train de travailler, de
retraités assis sur une chaise à l’ombre des arbres... C’est une route très bruyante du fait de
l’importante circulation. Ce bruit s’estompe d’ailleurs brutalement dès lors que l’on s’en éloigne pour
pénétrer les quartiers qu’elle dessert. Le calme y règne en maître.
Concernant les structures de la santé que nous avons pu visiter, il en ressort un réel contraste entre le
secteur public et le secteur privé. En effet, l’ambiance décrite par chacun de nous était unanime quant
aux ressentis à l’intérieur et aux alentours de ces bâtiments. Les structures publiques ont suscité
tantôt un sentiment d’inconfort, de malaise et parfois d’insécurité, tantôt l'accueil était déroutant de
cordialité. À l’inverse, les ressentis des structures du secteur privé témoignent d’un sentiment de bien-
être, de confort et d'accueil chaleureux de la part du personnel toujours souriant. La modernité et
l’entretien des locaux nous ont donné une réelle impression de propreté. Ce sont des espaces où l’on
se sentait bien, mais où les modèles standards d’une économie mondialisée faisaient résonner en nous
un étrange sentiment de déjà-vu.
La ville de Sfax est apparue à nous comme un territoire très atypique aux ambiances multiples que
l’on vit à travers nos sens. Au-delà du sentiment de confinement procuré par la Médina, le reste de la
ville de Sfax nous est tout de même paru relativement dense et animé.
Ce séjour à Sfax nous a confirmé que les métiers vers lesquels nous nous tournons sont des métiers de
terrain. Il s’est révélé comme un très bon exercice d’actualisation de nos visions conditionnées par nos
cours, nos recherches et nos sources d’information au quotidien. Cela nous a surtout prouvé que
l’exercice de la coopération est toujours plus riche de sources variées, qu'elles soient formelles et
informelles, d’un entretien dirigé, d’une observation participante, jusqu’à une discussion dans un taxi
ou une scène de vie captée depuis le trottoir d’en face.

Ce fut pour nous tous une expérience fantastique et enrichissante.

31
Bibliographie

- Benslimane Zribi, « Diagnostic et analyse fonctionnelle du système de santé tunisien : la cohérence


du réseau de soins », Document officiel du Ministère de la santé publique, Tunis

- Karim Chayata. La prise en charge des dépenses de santé par la solidarité nationale : l’exemple du
système tunisien d’assurance maladie. Droit. Université Rennes 1, 2013. Français. <NNT
:2013REN1G006>. <tel-00864973>

- Banque Mondiale, Département du Développement Humain Région Moyen-Orient et Afrique du


Nord, “République tunisienne ÉTUDE DU SECTEUR DE LA SANTÉ”, 2006.

- Organisation Mondiale de la Santé, “Tunisie”, [en ligne], URL :


https://www.who.int/countries/tun/fr/

- Banque Mondiale, “Tunisie”, [en ligne], URL : https://donnees.banquemondiale.org/pays/tunisie

- Université de Sherbrooke, Perspective Monde, “Tunisie”, URL :


http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/TUN/fr.html

- Slaheddine Sellami, “Système de santé : défis et insuffisances”, article paru le 26.12.2015 sur
LEADERS, [en ligne], URL : http://www.leaders.com.tn/article/18740-slaheddine-sellami-
systeme-de-sante-defis-et-insuffisances

- Farid Chaoui, Michel Legros, Noureddine Achour, Noureddine Fikri Benbrahim et Jean-Paul
Grangaud, Les systèmes de santé en Algérie, Maroc et Tunisie : Défis nationaux et enjeux partagés, Les
Notes IPEMED, n°12, Avril 2012.

- Betty Rouland, Mounir Jarraya, Sébastien Fleuret, “Du tourisme médical à la mise en place d’un
espace de soins transnational. L’exemple des patients libyens à Sfax (Tunisie)”, Revue francophone
sur la santé et les territoires, Octobre 2016

- Betty Rouland, Mounir Jarraya, “From medical tourism to regionalism from the bottom up:
emerging transnational spaces of care between Libya and Tunisia”, FORTHCOMING, 2019

- Betty Rouland, Veit Bachmann, “Tunisia in 2030: Perspectives and Geopolitical Challenges of a
Country in Transition”, Le Géographe du monde arabe Vol 18, no 1-2 (2014) 31-38, 2015 Geo
Publishing, Toronto Canada

- Marc Lautier, Les exportations de services de santé des pays en développement : Le cas tunisien,
Agence Française de Développement, Notes et documents, n°25, Décembre 2015

- Belhadj Hedia, Belhaj Yahia Moncef, El Abassi Abdelwahed, Sabri Belgacem, Rapport sur le droit à
la santé en Tunisie, Association Tunisienne pour la défense du droit à la santé, Octobre 2016.

32
Liste des activités
(hors temps de réunion, de retranscription des entretiens et de
cartographie)

Lundi 12 novembre : accueil à la Maison de France par sa directrice (consul honoraire) Katia Boudoyan et Yosra Achich, responsable
du Comité de pilotage du jumelage Grenoble-Sfax

12 novembre : Entretien avec le directeur administratif et financier de la polyclinique Ibn Khaldoun

12 novembre : Rencontre avec un chauffeur de taxi

12 novembre : Rencontre avec un pharmacien

12 novembre : Rencontre avec 2 ambulanciers

12 novembre : Rencontre avec un infirmier de la clinique Syphax

12 novembre : Rencontre avec un gardien de la clinique Ibn khaldoun

12 novembre : Rencontre avec une patiente de la clinique Ibn Khaldoun

12 novembre : Photographies, cartographie, relevé de terrain sur la route de Gremda. Répertorier l’ensemble des équipements
présent sur la route de Gremda

12 novembre : Entretien avec le Dr Abdeljalil Gdoura, Chirurgien plastique, Président de l’association Beit El Khadra , membre d’un
« cluster » médical d’acteurs privés sur Sfax

Mardi 13 novembre : Rencontre avec Sami et son cousin

13 novembre : Rencontre avec le gérant du café face à la polyclinique Syphax

13 novembre : Rencontre avec 2 infirmières du CSB au milieu de la route de Gremda

13 novembre : Rencontre avec 2 patients rencontré à la CNAM

13 novembre : Entretien avec le secrétaire général de l'université de médecine de Sfax

13 novembre : Entretien avec Abid Tarak, directeur administratif de la Polyclinique Chams

13 novembre : Rencontre avec le serveur d’un restaurant des environs de la polyclinique Chams- Amin

13 novembre : Rencontre avec plusieurs étudiant.e.s de divers domaines

13 novembre : Rencontre avec 2 médecins en externat

13 novembre : Rencontre avec une étudiante en médecine

13 novembre : Photographies, cartographie, relevé de terrain sur la route de Gremda. Répertorier l’ensemble des équipements
présent sur la route de Gremda

13 novembre : Entretien avec un juriste, ancien membre de Médecins du Monde, expert de la question des migrations et de la
condition des migrants (entretien et parcours commenté sur le quartier d’Rbat) - il souhaite conserver son anonymat

13 novembre : Rencontre avec Majdi Dhifaoui - réceptionniste de l’hôtel Tinah

Mercredi 14 novembre : Entretien avec un agent immobilier - Imed Ktait

14 novembre : Rencontre avec le gérant d’une huilerie

14 novembre : Rencontre avec 2 personnes à la CNAM

14 novembre : Entretien avec Mounir Jarraya - climatologue notamment spécialisé sur la santé publique à Sfax

14 novembre : Entretien avec un surveillant général de l’hôpital Hedi Chaker

14 novembre : Rencontre avec un médecin et interne de l'hôpital Habib Bourguiba

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14 novembre : Rencontre avec 2 étudiantes en médecine

14 novembre : Rencontre avec 3 ouvriers tunisiens sur le chantier du CHU construit par le gouvernement chinois

14 novembre : Visite extérieur du chantier du CHU financé par l’Etat chinois

Jeudi 15 novembre : Entretien avec le médecin surveillant du dispensaire Route Gremda km3
15 novembre : Entretien avec le responsable technique de la Direction régionale de la Santé
15 novembre : Rencontre avec une femme rencontrée dans le dispensaire près du CNSS
15 novembre : Rencontre avec la responsable du service de radiologie du CNSS et son supérieur
15 novembre : Entretien avec Hafedh Benamar - société de communication, développe l’attraction des patients étrangers, frère de
médecin, connaît beaucoup de monde, est impliqué dans notre atelier
15 novembre : Entretien avec le directeur de la CNAM sur la route de Gremda
15 novembre : Entretien avec le Dr Ben Dahou Professeur et pédiatre à la faculté de Médecine
15 novembre : Rencontre avec le directeur du CHU Habib Bourguiba
15 novembre : Entretien avec un médecin angiologue dans un cabinet privé - Dr. Salah Benamar
15 novembre : Rencontre avec Ahmed Kharrat, directeur administratif et financier de la Polyclinique Ibn Khaldoun. Visite de la
clinique, dont les blocs opératoires, rencontre avec un anesthésiste

Vendredi 16 novembre : Entretien avec le directeur des soins et directeur général de la polyclinique Errachid - Bechir Abdelmaksoud
et Dr. Mustapha Frikha
16 novembre : Entretien avec Imen Menif, présentation de sa thèse sur la psychologie environnementale
16 novembre : Entretien avec 3 familles de patients libyens
16 novembre : Entretien avec le directeur administratif et financier de la polyclinique Ibn Khaldoun. Échanges avec des patients
libyens, encontre avec un ambulancier libyen aux abords de la clinique
16 novembre : Entretien avec le directeur de la CNAM sur la route de Gremda
16 novembre : Entretien avec le personnel médical du Centre Intermédiaire Sakiet Ezzit (Orthopédiste, personnel administratif,
centre d’hémodialyse), ainsi que son surveillant général

Samedi 17 novembre : Entretien avec Sonda Tounsi - dirigeante d’une agence de tourisme médical (prend en charge le séjour des
patients à Sfax)

17 novembre : Rencontre avec un chauffeur de taxi

17 novembre : Retour au Centre Intermédiaire Sakiet Ezzit, échanges avec des patients, avec une dentiste, des kinés, un médecin
urgentiste venu consulter avec son fils

17 novembre : Rencontre avec un pharmacien habitant le quartier sur la droite de la route de Gremda
17 novembre : Rencontre avec 2 vendeuses d'un supermarché à côté de la clinique Chams
17 novembre : Rencontre avec le directeur du développement de la polyclinique Chams
17 novembre : Analyse des quartiers sur les abords de la route de Gremda
17 novembre : Photographies, cartographie, relevé de terrain sur la route de Gremda. Répertorier l’ensemble des équipements
présent sur la route de Gremda
17 novembre : Entretien avec Betty Rouland, Géographe, chercheuse à l’IRMC, à Tunis

Lundi 19 novembre : Photographies, cartographie, relevé de terrain sur la route de Gremda. Répertorier l’ensemble des équipements
présents sur la route de Gremda

19 novembre : Présentation de la semaine à l’hôtel Tinah

Données quantitatives des personnes touchées :

- 20 entretiens programmés

- 39 autres personnes rencontrées

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