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Benoît Mougenot
2015/1 - n° 46
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pages 71 à 88
ISSN 1267-4982
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AUTOMOBILE ET NOUVEAUX
MODÈLES ÉCONOMIQUES
DE LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUE,
AU CŒUR D’UNE DIVERSITÉ
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INSTITUTIONNELLE1
Benoît MOUGENOT
REEDS (EA 4456)
Université de Versailles St Quentin-en-Yvelines
benoit.mougenot@uvsq.fr
1. Remerciements : Mes remerciements vont aux évaluateurs anonymes, mais aussi à Romuald
Dupuy et Borislav Antonov pour leur lecture attentive et leurs conseils avisés. Toutefois, je reste
le seul responsable d’éventuelles erreurs et maladresses qui subsisteraient. Ce travail a reçu le
soutien de la chaire industrielle High-Tech for Best Value, Continental Automotive.
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D’une part, l’essor des sources d’énergies renouvelables transforme
considérablement la production d’énergie (Andersen et al., 2009). En effet
d’un système global et centralisé, on passe à un niveau davantage éclaté
et structuré sur de petites unités de production (panneaux photovoltaïques,
éoliennes, etc.) à la productivité aléatoire et saisonnière. Les batteries uti-
lisées dans les véhicules électriques pourraient à terme assurer une fonction
autre que la mobilité en devenant des lieux de stockage d’énergie, cette
fonction n’étant envisageable qu’en lien avec le développement d’un réseau
électrique intelligent (smart grid) permettant de générer cette interface.
D’autre part, il est important de rappeler que le cadre définissant une
innovation repose sur la définition de l’objet (produit, service), mais aussi
sur l’organisation de la production ou de la consommation. Cela inclut en
premier lieu les innovations orientées fonctions, passant ainsi d’un modèle
de la propriété à un modèle qui repose sur un usage partagé du bien, en
l’occurrence la voiture électrique, ou certains de ses équipements comme la
batterie. Il en découle une performance environnementale obtenue par un
découplage entre consommation de matière et satisfaction d’un besoin.
Ces innovations sont de nature différente mais peuvent apparaître com-
plémentaires, car elles visent une performance environnementale par un
usage diversifié et intensifié. Cependant, la voiture électrique peine encore à
trouver une large diffusion et reste trop souvent confinée dans un secteur de
niche (Ceschin, 2013). Comment alors tenter d’expliquer les barrières qui
empêchent un développement plus important de ces nouvelles technolo-
gies liées à la voiture électrique, intégrées plus largement dans des nouveaux
modèles économiques de l’électro-mobilité ?
Nous souhaitons donc dans un premier temps, interroger globalement les
freins à une plus large diffusion du véhicule électrique, ce qui nous permettra
par la suite de revenir plus particulièrement sur la place de cette innovation
dans les nouveaux modèles économiques de partage du véhicule et de ses
interfaces. Cette redéfinition passe alors par une remise en cause du véhi-
cule comme simple bien marchand. Nous allons montrer ici que les difficul-
tés d’émergence de ce marché sont avant tout à replacer dans un contexte
d’ordre institutionnel. Il s’agit dès lors d’apporter un regard original, notam-
ment à travers l’appui d’une terminologie sur la nature des biens, développée
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par Elinor Ostrom (1990, 2005, 2010). En effet, ces travaux permettent la
prise en compte d’une diversité institutionnelle obtenue par une certaine
remise en cause de la théorie des droits de propriété. Pour cela, nous illustre-
rons nos propos par un exemple issu de la mobilité électrique présentant les
cas de Better Place et Tesla Motors, dans leurs tentatives respectives d’inno-
vation de rupture sur le changement de batterie. Enfin nous terminerons
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nos propos par une discussion sur les particularités du modèle d’innovation
mis en œuvre, dont le but est de transformer la voiture électrique dans un
nouveau système d’électro-mobilité.
De la voiture électrique
L’émergence de la voiture électrique ne date pas d’aujourd’hui, puisque
les premiers modèles sont apparus à la fin du XIXe siècle et notons que dès
1915, près d’un tiers des voitures étaient équipées de moteurs électriques aux
États-Unis (Guignard, 2010). Près d’un siècle plus tard, plusieurs éléments
viennent illustrer encore un certain nombre de freins dans une diffusion
plus large de ce type de véhicules permettant de dépasser le simple secteur
de niche.
La batterie et son rechargement sont au centre de toutes les préoccu-
pations. Du côté de la demande, le coût des batteries et leur durée de vie
constituent encore l’un des principaux facteurs expliquant la crainte d’ac-
quérir une voiture électrique (Grahame-Rowe et al., 2012). L’autonomie de
la batterie du véhicule reste encore problématique, même si d’importantes
améliorations quant aux performances des batteries pourraient voir le jour
dans les prochaines années. En effet, selon le cabinet Frost & Sullivan (2013),
le marché global des batteries lithium-ion est estimé à 11,7 milliards de dol-
lars à la fin 2012 et devrait doubler d’ici la fin 2016. Des investissements
considérables doivent aussi être réalisés pour un maillage en infrastructures
de recharge suffisamment dense. Cet enjeu de la masse critique constitue
en quelque sorte le paradoxe de « la poule et de l’œuf ». Il s’agit d’une part
d’attirer suffisamment de clients par des investissements permettant un ré-
seau de stations structuré et d’autre part obtenir une masse d’utilisateurs suf-
fisante pouvant assurer le financement de tels investissements (Christensen
et al., 2012).
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pour construire un réseau de bornes de recharge dense et performant. Du
côté des usagers, elles cherchent à expérimenter de nouveaux modèles d’af-
faires basés sur un usage partagé du véhicule, facilitant leur financement. Ces
derniers se basent sur l’économie de la fonctionnalité (Gaglio et al., 2011),
c’est-à-dire le passage d’une économie basée sur la propriété à la mise en
place d’un service qui repose sur un usage partagé du bien. Ainsi, depuis les
premiers écrits de Giarini et Stahel (1989), en passant par Hockerts (1999),
Mont (2002) ou encore Tukker et Tischner (2006), les travaux sur ce sujet se
sont fortement développés. Notamment à travers le développement des ter-
minologies de type services éco-efficients (eco-efficient services) (Meijkamp,
1998) ou encore Systèmes de Produits et Services (Product-Service Systems),
qui sont généralement déclinées selon 3 catégories (Williams, 2007).
–– Orienté produit : Il s’agit de fournir un service complémentaire au pro-
duit vendu (réparation, maintenance apportée généralement au véhi-
cule). Les véhicules électriques vendus en concession sont à intégrer dans
ce schéma. Le fonctionnement du véhicule et sa batterie seront garantis
par le constructeur pour une certaine durée. L’origine de l’électricité qui
va alimenter le véhicule n’est pas de la responsabilité du constructeur.
Cet élément peut conduire alors à un biais de la voiture électrique en
termes d’efficacité énergétique si son origine est issue de centrales à char-
bon ou nucléaire.
–– Orienté usage : L’usage du produit est vendu, à la place du produit.
Les flottes de véhicules en autopartage mises à disposition dans le cadre
de partenariat entre des collectivités et des entreprises gestionnaires de
mobilité font partie de cette catégorie, à l’image de Car2go entre Daimler
et Montréal, Autolib’ entre IER Bolloré et la ville de Paris. La responsabi-
lité autour du véhicule ne découle plus seulement de la relation client-
entreprise, mais s’étend désormais à la collectivité qui est responsable
également en terme de services de transports en commun.
–– Orienté résultat : Le producteur cherche à garantir la satisfaction du
besoin de mobilité, sans tenir compte des produits matériels. Les systèmes
de mobilité permettant d’optimiser les parcours d’un point A au point B,
sont à placer dans cette catégorie. La voiture électrique devient alors in-
sérée dans un schéma complexe intégrant d’autres véhicules (transports
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Cette dernière dimension est encore observée à l’état expérimental, mais
semble fournir dans le même temps le plus grand potentiel en termes d’effi-
cacité énergétique. La voiture électrique devient la meilleure option pour
l’usager, si plusieurs critères sont réunis, dont l’état du trafic, la distance ou le
niveau suffisant de rechargement du véhicule. L’approche systémique offerte
par cette solution implique l’intégration d’une multitude d’acteurs : usagers,
entreprises gestionnaires de mobilité, de réseaux électriques, des télécom-
munications et pouvoirs publics. Tous ces acteurs réunis ont des intérêts
souvent divergents, mais sont contraints de devoir mettre en commun une
partie de leurs informations et de leurs compétences.
La mise en place de ces nouveaux modèles économiques de l’électro-
mobilité influe sur le potentiel en matière de performance environnemen-
tale globale du véhicule électrique face au véhicule thermique traditionnel
(essence ou diesel), comme en témoigne une étude récente de l’ADEME
consacrée à ce sujet (Warburg et al., 2013). Elle montre que l’une des prin-
cipales faiblesses de la voiture électrique en matière de bilan énergétique ré-
side dans le manque d’économies d’échelles liées à la construction de ce type
de véhicules, et notamment de la batterie (les infrastructures de recharge
n’ont pas été prises en compte dans cette étude). Pour compenser ce désé-
quilibre, la voiture électrique doit donc reposer sur un système d’exploitation
qui vise à intensifier son usage. En effet, c’est au-delà de 100 000 kilomètres
parcourus, que ce type de véhicule montre davantage de performance sur le
plan environnemental, notamment par la consommation d’énergie primaire
totale2.
Il est important de ne pas oublier que l’accès à une diversité des usages de
la voiture électrique passe également par un appui renforcé des technologies
de l’information et de la communication, présentes à l’intérieur du véhicule
mais aussi en dehors. L’ensemble des données mobilisées vise à assurer plus
de sécurité du véhicule mais aussi une meilleure autonomie. Le véhicule
2. Selon la définition retenue par l’INSEE (2014), la consommation d’énergie primaire est égale
à l’ensemble des consommations d’énergie de l’économie sous forme primaire (c’est-à-dire non
transformée après extraction). La production d’électricité nécessite plusieurs étapes de transfor-
mation, de stockage et de transport de l’énergie. Au total, la consommation d’énergie primaire
est donc supérieure à la quantité d’énergie finale disponible.
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connecté devient également l’un des enjeux majeurs inhérents aux nou-
veaux modèles économiques de la mobilité électrique.
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INSTITUTIONNALISTE COMME CADRE D’ANALYSE
Rivalité (accès)
Forte Faible
Forte Bien marchand Bien club
Exclusion (prix)
Faible Bien commun Bien collectif
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La gestion du véhicule peut se faire par une entreprise (de type Car2go,
Better Place), par un particulier au sein d’une communauté dans le cadre
d’une résidence par exemple (Icade, société immobilière filiale de la Caisse
des dépôts), ou directement via une entreprise (Buzzcar), mais aussi à travers
un partenariat public-privé entre une entreprise et une collectivité. Cette
dernière combinaison ne transforme pas pour autant le véhicule en bien col-
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lectif, car l’inscription payante au service reste de mise (critère d’exclusion).
Cette typologie ainsi posée n’implique pas de distinctions entre secteur
public et privé, l’ensemble de ces biens pouvant être à la fois opérés par l’un
ou l’autre des secteurs. Il est ainsi utile de rappeler qu’un bien collectif ne
constitue pas nécessairement un bien public (Beitone, 2010). À ces éléments
concernant le véhicule, s’ajoute la prise en compte de l’infrastructure autour
du véhicule partagé comme la place de parking, la borne de recharge ou la
batterie pour les voitures électriques, ce qui implique l’intégration d’acteurs
supplémentaires (Kley et al., 2011).
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avons pu mobiliser précédemment, puisqu’une connaissance ou une infor-
mation constitue davantage un bien collectif qu’un bien commun, dans
le sens où son accès ne peut diminuer l’accès d’un autre utilisateur (non-
rivalité). Cela permet en tout cas de ne pas considérer seulement les biens
marchands et ceux alloués par l’Etat, mais de prendre en compte la diversité
institutionnelle autour des biens qui repose sur une « rich mixture of public
and private instrumentalities » (Ostrom, 1990 p. 182). Les comportements des
agents et les mécanismes de coordination qui en découlent sont donc au
cœur de ces problématiques développées. Si la remise en cause des droits
de propriété issue d’une approche uniquement propre au marché peut nous
éloigner d’une vision coasienne, en revanche plusieurs éléments nous per-
mettent de mettre en avant un cadre partagé sur les apports d’une théorie
économique de la propriété (Weinstein, 2013).
Ainsi, la définition de la propriété retenue par Ostrom pour évoquer les
biens communs s’inscrit plus généralement dans les fondements du cou-
rant institutionnaliste, dans la lignée de l’institutionnalisme historique de
Commons (Orsi, 2013). Il s’agit non pas d’un droit unilatéral mais avant
tout d’un faisceau de droits ou bundle of rights, plus précisément un droit qui
ne s’entend pas simplement dans la relation entre un individu et une chose,
mais avant tout dans un rapport entre plusieurs individus concernant une
chose, et, entre une communauté et plusieurs individus (Ostrom, Hess, 2007,
p. 11). Cette définition est par conséquent beaucoup plus large et davantage
adaptée à des systèmes de droits complexes où sont négociés l’usage et l’accès
de biens matériels, ou plus largement l’absence ou non de droits d’exclusion
et d’aliénation (Schlager, Ostrom, 1992 ; Weinstein, 2013). Tout l’intérêt
d’une mobilisation des travaux de Ostrom repose notamment sur la capacité
à faire face aux problèmes de coordination, à travers l’importance accordée à
la négociation entre les personnes issues d’une communauté à l’échelle bien
définie pour la gestion d’un commun (Ostrom, 2010).
Cette approche élargie des droits de propriété permet également d’iden-
tifier plusieurs types de détenteurs de droits qui peuvent être individuels et
collectifs, illustrés dans le tableau 2.
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Gestion
X X X
(management)
Exclusion X X
Aliénation X
L’intérêt de cette typologie est qu’elle permet d’identifier des droits dif-
férents en fonction des types de biens, mais aussi en fonction des acteurs.
Il est intéressant de voir également une continuité dans notre approche,
puisqu’une même personne peut occuper des positions différentes face aux
différents artefacts nécessaires à la mobilité électrique. C’est ce que nous
allons à présent aborder à travers les cas de Better Place et Tesla Motors.
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sont ainsi interrogés. Les données recueillies, permettant la construction de
l’étude de cas, sont issues de revues académiques et non-académiques, mais
aussi de sites d’informations spécialisés.
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2 millions d’euros chacune. Le modèle Better Place était donc dès le départ
dans une situation particulièrement intensive en capital.
Après avoir investi plus d’un milliard d’euros en infrastructure (bornes
de recharge et stations de changement de batterie), la société n’a pu obtenir
une masse critique d’utilisateurs et se trouve depuis mai 2013 en liquidation.
Cet enjeu de la masse critique illustre bien ici le paradoxe de « la poule et
de l’œuf ». D’une part attirer suffisamment de clients par des investissements
permettant un réseau de stations structuré et d’autre part obtenir une masse
d’utilisateurs permettant d’assurer le financement de tels investissements.
Les actifs ont été revendus depuis, pour 12 millions d’euros. Notons
enfin que si l’expérience a connu un déploiement principalement en Israël,
d’autres projets ont été développés au Danemark, en Australie ou encore à
Hawaï.
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roger à terme sur une logique éventuelle de freemium, qui se traduit par la
proposition d’un modèle gratuit au départ, puis progressivement payant sur
tout ou partie du modèle, une fois la clientèle captive. Le rechargement des
véhicules s’opère de manière particulièrement rapide, puisqu’un recharge-
ment d’une heure permet d’accomplir 500 km, 150 km pour vingt minutes
d’immobilisation. Le territoire américain sera équipé d’une centaine de
bornes d’ici 2015 (Vance, 2013). Cette technologie dite de super recharge
sera couplée à un système optionnel d’échange de batteries appelé Battery
Swap, assez similaire au système Quick Drop de Better Place. La rentabilité du
modèle de Tesla repose avant tout sur la vente de véhicules électriques, qui
laisse au constructeur une marge confortable et assure jusqu’à présent une
certaine confiance aux investisseurs. La capitalisation boursière de l’entre-
prise équivaut à 15 fois le chiffre d’affaires réalisé en 2013 (Marin, 2014).
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Source : auteur
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l’œuvre dans les exemples de Better Place et Tesla Motors, s’étendent au ni-
veau du caractère même de l’innovation. En effet, il est opportun ici d’adop-
ter une approche élargie du bien commun. Ainsi, l’ensemble des facteurs
favorables à l’innovation particulièrement présents dans la Silicon Valley,
dont ont bénéficié en grande partie à la fois Better Place et Tesla Motors, en
vue de faciliter leur intégration sur le marché de l’électro-mobilité contribue
à cette approche (Figure 1).
Parmi ces facteurs, nous retiendrons l’ensemble des éléments liés à la
connaissance et sa diffusion à travers la forte présence en Californie de
centres de recherches majeurs travaillant sur les questions de la mobilité et de
l’énergie comme le Precourt Energy Efficient Center à Stanford, ou encore le
Smart Grid Energy Research Center à l’Université de Californie à Los Angeles
(UCLA) (Bainée, Le Goff, 2012). Davantage réputé pour avoir fait émer-
ger des leaders des technologies de l’information et de la communication
que des constructeurs automobiles, ce territoire détient peut-être la clé pour
ces nouveaux acteurs du marché automobile, qui se perçoivent avant tout
comme des sociétés de technologie de pointe qui s’intéressent à l’automobile
(avec des équipes de recherche essentiellement composées de développeurs
de logiciels), plutôt que des constructeurs automobiles conventionnels. La
Californie deviendrait ainsi un véritable creuset pour l’émergence du véhi-
cule électrique en tant que « bien système » (Bainée, Le Goff, 2012). Parti du
même point départ, Tesla Motors semble avoir pris un avantage sérieux dans
ce domaine aujourd’hui. Les fonds mobilisés par les deux acteurs sont aussi
conséquents et découlent de la mise en relation d’acteurs qui passent par des
réseaux à la fois de type formels et informels. Better Place a ainsi pu bénéfi-
cier d’un soutien financier conséquent pour le développement de ses activi-
tés, par l’intermédiaire d’institutions financières de taille mondiale (HSBC,
Morgan Stanley Investment Management et Lazard Asset Management), avec
surtout la volonté marquée de s’affranchir de la puissance publique pour per-
mettre le déploiement de ses infrastructures. Cependant, l’entreprise après
avoir fait le choix de s’implanter sur plusieurs territoires, a du se recentrer
uniquement sur le Danemark et Israël, où elle rencontrait un minimum de
succès. Toutes ces implantations ont nécessité à chaque fois la construction
de partenariats spécifiques. En parallèle, le projet de « gigafactory » réalisé par
Tesla Motors est aussi un pari hautement risqué en matière d’investissement.
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Enfin, la présence d’un cadre réglementaire favorable et incitatif, comme
c’est le cas en Californie au sujet de la mobilité électrique, participe égale-
ment à transformer les frontières de l’innovation, vers une perspective en
terme de bien commun. C’est dans ce cadre que pourront se diffuser plus
rapidement des innovations dépassant le domaine strict de la mobilité pour
s’étendre à d’autres périmètres comme l’énergie ou les systèmes d’infor
mation.
Au total, si les modèles économiques présentés par Better Place et Tesla
Motors remettent bien en question le rôle et le coût de la batterie, qui est
sans doute l’un des éléments primordiaux dans le choix de la mobilité élec-
trique, ils font l’impasse sur le rapport au véhicule qui reste propriété de
l’utilisateur. L’un des éléments explicatifs peut être trouvé dans le coût des
modèles proposés pour l’instant. Ainsi, il existe d’un côté une rupture en
voulant intégrer la mobilité dans une logique systémique au côté de l’appro-
visionnement en énergie et de l’autre, une continuité toujours forte dans le
rapport au véhicule, qui reste encore essentiellement centrée sur une dimen-
sion de propriété privée.
CONCLUSION
Cet article a permis de montrer l’intérêt de mobiliser une approche insti-
tutionnaliste pour mieux identifier les éléments de croissance et de blocage
au développement de tels modèles. La complexité institutionnelle qui dé-
coule de l’émergence des nouveaux services de mobilité est particulièrement
difficile à saisir, un détour par la littérature économique sur le sujet a pu se
révéler profitable. Si Elinor Ostrom n’a jamais étudié les problématiques de
l’entreprise moderne, elle les a toujours vues comme un prolongement pos-
sible de son approche sur les biens communs (Labrousse, Chanteau, 2013).
Nous avons pu constater que la taille de l’expérimentation menée dans
les projets de mobilité est actuellement trop faible pour avoir un réel impact
en termes de masse critique, permettant d’assurer la pérennité des modèles
de voitures électriques. Better Place en a subi directement les conséquences.
En revanche, la stratégie utilisée par Tesla est sans doute plus adéquate
dans la durée, se basant davantage sur les atouts d’une innovation comme
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en place en matière d’innovation, depuis la prise en compte des modèles de
partage, jusqu’à la structure de l’innovation autour de ces nouveaux modèles.
Toutefois, de futures recherches ne devront pas manquer de complexi-
fier davantage le modèle à l’aune du véhicule communicant et automatique,
dont les groupes Tesla Motors et Google envisagent prochainement le lance-
ment et la commercialisation, mais qui posent déjà un certain nombre de
défis, relatifs au caractère spécifique de l’information et de sa propriété.
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