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COMPORTEMENTS DURANT LA PHASE DE CRÉATION ?
Olivier Giacomin, Frank Janssen, Jean-Luc Guyot
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Entrepreneurs de nécessité
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et d’opportunité : quels comportements
durant la phase de création ?
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Olivier GIACOMIN 1
Professeur
European Business School Paris
olivier.giacomin@ebs-paris.com
Frank JANSSEN
Professeur
CRECIS
Louvain School of Management - Université catholique de Louvain
frank.janssen@uclouvain.be
Jean-Luc GUYOT
Directeur scientifique
Institut Wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique
jl.guyot@iweps.be
D
epuis plusieurs années, la littérature relative à l’entrepreneuriat de nécessité
et d’opportunité a montré que ces deux types d’entrepreneuriat conduisent à
des comportements entrepreneuriaux très différents. Certains chercheurs sou-
tiennent aussi l’idée qu’il existe plusieurs types d’entrepreneurs de nécessité
et d’opportunité. Sur base de ces éléments, l’objectif de notre recherche est de
déterminer s’il existe différents types d’entrepreneurs de nécessité/opportunité et s’il y a
des différences entre ces derniers concernant la phase de création. Nos résultats confir-
ment ces différences en termes de types d’entrepreneurs et de comportements durant la
phase de création.
1. Auteur de contact.
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Revue de
O. GIACOMIN, F. JANSSEN & J.-L. GUYOT l’Entrepreneuriat
N° 3-4, vol. 15, 2016
N
ecessity and opportunity entrepreneurship literature shows that these two
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types of entrepreneurship could lead to different entrepreneurial behaviours.
Some researchers argue that there could exist more than two different entre-
preneurial profiles in terms of motivations. Based on these arguments, the
objective of our research is to determine whether there are different profiles of
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Introduction
Des études récentes montrent que les entrepreneurs de nécessité ont des comporte-
ments différents comparativement aux entrepreneurs d’opportunité. Par exemple, ces travaux
montrent que les entrepreneurs d’opportunité sont plus orientés vers des objectifs de crois-
sance, d’innovation et de succès (en termes de taux de survie de l’entreprise et/ou de rentabilité)
que les entrepreneurs de nécessité (Verheul et al., 2010 ; Block et Sandner, 2009 ; Hechavarria
et Reynolds, 2009 ; McMullen et al., 2008 ; Hessels et al., 2008 ; Morris et al., 2006). Certains
chercheurs soulignent également que les entrepreneurs de nécessité et d’opportunité diffèrent
aussi quant au choix du secteur d’activité dans lequel ils développent leur entreprise (Caliendo
et Kritikos, 2009 ; Hughes, 2006). Ces différences de comportement entrepreneurial (en termes
d’objectifs et/ou de secteur de création) entre ces deux types d’entrepreneurs pourraient être
induites par des différences dans la phase de création entrepreneuriale, notamment dans les
démarches réalisées par le candidat entrepreneur durant la création de son activité (Carter et al.,
1996). Plusieurs auteurs soulignent que cette phase de création a un impact sur la croissance
de l’emploi, le développement de l’entreprise et le succès de celle-ci (Burke et al., 2010 ; Delmar
et Shane, 2003). Pour Rodriguez et Santos (2009), la phase de création d’entreprise a deux
étapes distinctes : l’événement entrepreneurial déclencheur lequel conduit à l’intention de créer
une entreprise et ensuite la phase de création. Selon la théorie de l’événement entrepreneurial de
Shapero (1984), la décision de créer une entreprise est le résultat d’un changement dans la situa-
tion personnelle de l’individu. Ce changement qui est généré par un événement positif ou néga-
tif donne naissance à l’intention de créer une entreprise chez cet individu. Selon que ce change-
ment soit perçu positivement ou négativement, il se traduira par des motivations de création de
nécessité dans le cas d’un changement perçu négativement ou d’opportunité dans le cas d’un
changement perçu positivement. Comme Shane et al. (2003) le soulignent, à ce jour, très peu
de recherches ont étudié l’impact des motivations de création sur la phase de création entrepre-
neuriale. Pourtant, il semble important d’examiner la façon dont les motivations de nécessité ou
d’opportunité influencent la phase de création de l’entreprise (Liao et Welsch, 2008).
Dans cette étude, nous soutenons l’idée que l’impact des motivations de nécessité et
d’opportunité sur la phase de création pourrait être le résultat des différences entre les deux
types d’entrepreneurs en termes (1) de coût d’opportunité et (2) de volonté d’adopter un com-
portement actif 2 durant la phase de création entrepreneuriale. Cependant, pour certains auteurs,
la stricte dichotomie motivation de nécessité versus motivation d’opportunité est beaucoup
2. Dans notre cas, l’antonyme d’un comportement actif est un comportement passif.
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Kirkwood et Campbell-Hunt, 2007). Par conséquent, il est probable qu’il existe plusieurs types
d’entrepreneurs de nécessité et/ou d’opportunité. Sur base de ces éléments et à l’aide d’une
étude empirique quantitative réalisée sur échantillon de 538 créateurs d’entreprises, l’objectif de
notre recherche est de déterminer s’il existe bien différents types d’entrepreneurs en termes de
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concluent que les entrepreneurs de nécessité sont plus représentés dans le secteur de détail,
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alors que les entrepreneurs d’opportunité sont plus présents dans les secteurs de la technolo-
gie. Pour Block et Wagner (2010), étant donné que les entrepreneurs de nécessité ont un salaire
de réserve inférieur à celui des entrepreneurs d’opportunité, ils pourraient plus facilement déci-
der de créer une entreprise au sein des secteurs offrant une faible rentabilité. Comme la créa-
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tion par nécessité est caractérisée par des raisons de survie économique, on peut légitimement
se demander si ces entrepreneurs de nécessité sont davantage préoccupés par leurs propres
besoins à court terme que par les réels besoins du marché. Dans l’affirmative, cela pourrait expli-
quer pourquoi l’entrepreneuriat de nécessité se retrouve (1) dans les secteurs où il n’y a pas de
réelle demande de biens et de services et (2) où le développement d’une nouvelle activité est
relativement facile parce qu’elle requiert peu de capital de départ ou parce que les barrières à
l’entrée sont faibles. C’est le point de vue soutenu par Van Stel et al. (2007). Pour ces auteurs,
les entrepreneurs de nécessité, à la différence des entrepreneurs d’opportunité, ne développent
pas une activité pour répondre à une demande du marché.
Ces différences entre les entrepreneurs de nécessité et d’opportunité pourraient être
imputables à l’attitude de ces entrepreneurs durant la phase de création, c’est-à-dire dans les
activités ou les démarches réalisées par les candidats entrepreneurs au cours de la phase de
création de l’entreprise (Carter et al., 1996). Certaines études soulignent que la phase de créa-
tion a un impact sur la croissance de l’emploi, le développement de l’entreprise et le succès
de celle-ci (Burke et al., 2010 ; Delmar et Shane, 2003). Cependant, aucune étude n’a analysé
empiriquement si les entrepreneurs de nécessité et d’opportunité diffèrent du point de vue de la
phase de création entrepreneuriale. Comme Shane et al. (2003) le soulignent, seules quelques
recherches ont étudié l’impact des motivations sur certaines démarches spécifiques du proces-
sus entrepreneurial. Pourtant, Liao et Welsch (2008) soulignent qu’il est important d’analyser la
façon dont l’événement entrepreneurial influence la phase de création entrepreneuriale.
qu’un individu décide de créer une entreprise en raison de facteurs « négatifs ». Nous pouvons,
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par exemple, parler d’entrepreneuriat de nécessité lorsque la décision de créer une entre-
prise est motivée par des facteurs ou événements tels que le chômage, une absence d’alter-
native afin de répondre à ses besoins individuels ou familiaux, un besoin de flexibilité profes-
sionnelle, un divorce, une insécurité dans l’emploi actuel, une insatisfaction professionnelle
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5. Les auteurs soulignent que, dans les pays ayant une sécurité sociale fort développée, le coût d’opportunité des entre-
preneurs de nécessité peut ne pas être nul car ces pays offrent une allocation de chômage.
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les phases de création respectives de ces entrepreneurs. En effet, comme, d’une part, la phase
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de création a une influence sur le développement et le succès d’une entreprise et que, d’autre
part, les entrepreneurs d’opportunité ont un coût d’opportunité plus élevé, nous pouvons nous
attendre à ce que ces derniers soient plus actifs (réalisent plus de démarches en vue de la créa-
tion) durant la phase de création que les entrepreneurs de nécessité. Le fait que les entrepre-
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neurs de nécessité puissent être plus passifs au début du processus entrepreneurial (dans notre
cas, la phase de création) est également avancé par Couteret (2010). Un entrepreneur d’oppor-
tunité sera plus actif afin d’augmenter ses chances de succès et donc de réduire le coût d’op-
portunité lié à son intention entrepreneuriale. Cette pro-activité durant la phase de création peut
aussi être liée au fait que les motivations extrinsèques (nécessité) et intrinsèques (opportunité)
sous-jacentes à l’entrepreneuriat de nécessité et d’opportunité induisent deux types de compor-
tements différents (Block et al., 2015).
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Caractéristiques identifiées Entrepreneur Entrepreneur
de nécessité d’opportunité
Objectifs de l’entrepreneur
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–– Innovation X
–– Croissance X
–– Exportation X
–– Création d’emploi X
–– Rentabilité de l’entreprise X
Secteur de création
–– Horeca X
–– Agriculture X
–– Foresterie X X
–– Automobile X
–– Service aux entreprises
–– Commerce de détail X
–– Secteur technologique X
Coût d’opportunité de création élevé X
Motivation de création
–– Sortir du chômage X
–– Insatisfaction X
–– Besoin de reconnaissance X
–– Contrainte familiale X
–– Autonomie X
–– Découverte d’une opportunité de marché X
–– Indépendance X
–– Profit X
–– Absence d’alternative X
–– Divorce X
–– Insécurité d’emploi X
–– Désir d’être son propre patron X
Démarches de création réalisées
–– Réaliser des démarches pour obtenir de l’aide juridique X (attendu)
ou des conseils
–– Réaliser un plan d’affaire X (attendu)
–– Réaliser une étude de marché X (attendu)
–– Mettre sur pied un plan de développement stratégique X (attendu)
–– Faire une demande de financement de crédit X (attendu)
–– Réaliser des démarches auprès d’organismes publics X (attendu)
Le « X » indique pour quel type d’entrepreneur la caractéristique est davantage présente.
2008). La création d’entreprise est un processus complexe impliquant différents types de moti-
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vations (Birley et Westhead, 1994). Par ailleurs, la frontière entre les motivations de nécessité et
d’opportunité n’est pas aussi claire qu’il n’y paraît (Solymossy, 1997). Ces dernières années,
cet argument est appuyé par de nombreux travaux (Arias et Penas, 2010 ; Block et al., 2015 ;
Caliendo et Kritikos, 2010 ; Verheul et al., 2010 ; Block et Koellinger, 2009 ; Kirkwood, 2009 ;
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Williams, 2009 ; Kumar, 2007 ; Bhola et al., 2006 ; Block et Sandner, 2009). Certains auteurs
soulignent d’ailleurs que la stricte dichotomie nécessité-opportunité est beaucoup trop simpliste
et ne correspond pas à la réalité (Block et al., 2015 ; Eijdenberg et Masurel, 2013 ; Giacomin
et al., 2010 ; Kirkwood et Campbell-Hunt, 2007). Par conséquent, il pourrait exister plus de deux
types d’entrepreneurs en termes de motivation de nécessité et d’opportunité. Dans ce sens,
nous pourrions, par exemple, observer des entrepreneurs motivés principalement par des moti-
vations de nécessité ou d’opportunité, d’autres motivés par un mélange identique de motivations
de nécessité et opportunité, etc.
En conclusion, sur la base du fait (1) que le coût d’opportunité de création est plus élevé
pour un entrepreneur d’opportunité, (2) que les motivations d’opportunité sont positivement liées
à la volonté de l’individu d’adopter un comportement actif durant la phase de création et (3) qu’il
pourrait exister différents types d’entrepreneurs de nécessité et/ou d’opportunité nous propo-
sons l’hypothèse suivante : Au plus un individu sera motivé par des motivations d’opportunité,
au plus il fera preuve d’un comportement actif durant la phase de création entrepreneuriale.
4. Méthodologie
Dans cette section, nous présentons notre base de données et la procédure statistique
mobilisée.
6. Il s’agit d’une base de données administrative qui reprend un ensemble de données non confidentielles (principalement
issues du registre de commerce) sur toutes les entreprises localisées en Belgique. Ce fichier envisage la notion d’entreprise
au sens le plus large dans la mesure où il répertorie tant les personnes morales que les personnes physiques. Chaque entre-
prise y est caractérisée, notamment, selon son secteur d’activité, la date de sa constitution, sa forme juridique, l’adresse
de son siège social, sa classe de taille d’emplois, son numéro de TVA ou son numéro au registre national des personnes
morales, sa dernière situation juridique.
7. Le choix de ces dates répond à une volonté de favoriser une certaine homogénéité du contexte tout en pouvant travail-
ler sur une population suffisamment conséquente de nouvelles entreprises. En outre, la collecte d’information n’a porté que
sur les entreprises commerciales à forme juridique (personne morale).
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de 35,8 %. Parmi les entreprises ayant répondu à l’enquête d’identification des primo-créateurs,
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un peu plus de sept sur dix correspondaient à des créations ex nihilo. Les autres ont été créées
par fusion, filialisation ou scission. Au total, sur ces 4.562 entreprises, nous avons pu identifier
6.392 créateurs dont 4.322 étaient des primo-créateurs, ce qui représente un peu plus de sept
créateurs sur dix.
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Dans une troisième étape, nous avons identifié les caractéristiques socio-économiques
des créateurs. L’ensemble des créateurs isolés lors de la phase précédente a été invité, entre
septembre et octobre 2004, à participer à une enquête de type socio-économique 8 (par voie
postale et relance téléphonique) destinée à faire ressortir certaines de leurs caractéristiques. Le
questionnaire de l’enquête a été structuré en quatre grands volets. Le premier volet portait sur
l’identification de l’entreprise au moment de sa création, c’est-à-dire entre le 1er juin 1998 et le
31 mai 2000 (date de création, nom de l’entreprise, secteur d’activité, etc.). Le deuxième volet
concernait la stratégie et le processus de création de l’entreprise. Ce volet visait plus particulière-
ment à déterminer la temporalité entre l’idée de création d’une entreprise et le passage à l’acte,
les déclencheurs personnels et professionnels ayant joué lors du passage à l’acte, le type de
démarches effectuées, les soutiens obtenus et souhaités, ainsi que les freins éventuellement ren-
contrés par les créateurs. Le troisième volet abordait les ressources financières mobilisées lors
de la création de l’entreprise et les grandes orientations stratégiques choisies. Le quatrième et
dernier volet était centré sur le créateur et son entourage immédiat. Les questions portant sur le
créateur concernaient différentes dimensions de son identité telles que son âge, ses titres sco-
laires, sa situation socioprofessionnelle et socio-économique au moment de la création de l’en-
treprise. Une question portait sur les motivations personnelles poursuivies par le créateur à tra-
vers l’acte de création.
Ce questionnaire a été adressé à 3.520 créateurs sur les 4.322 créateurs identifiés lors
de la phase précédente. Cette différence résulte de l’absence de coordonnées personnelles pour
près de 800 créateurs. Après une phase de relance téléphonique, 538 questionnaires valides
ont finalement été réceptionnés, ce qui correspond à un taux de réponse de 12,4 % 9. Au sein
de cet échantillon de 538 individus, 77 % sont des hommes et 61 % ont un diplôme d’études
supérieures (niveau universitaire). Concernant le statut socioprofessionnel, 42 % sont des sala-
riés du secteur privé, 32 % sont des indépendants, 8 % sont des salariés du secteur public, 7 %
sont des chômeurs indemnisés et 7 % sont inactifs. Enfin, la majorité (52 %) de notre échantil-
lon a moins de 40 ans.
8. Le questionnaire de l’enquête a fait l’objet d’un pré-test auprès d’un sous échantillon.
9. Ce taux est déjà élevé en soi pour ce type d’enquête et par rapport à la méthode utilisée. Le taux de réponse est en
réalité plus élevé que 12,4 %, car ce taux a été calculé sur la totalité des envois et ne tient donc pas compte des question-
naires qui n’ont pas trouvé de destinataire (entreprises fermées, ayant déménagé...), ne sont pas exploitables (hors délai,
retournés vierges, réponses inexploitables...). Si l’on tient compte de ces éléments, le taux de réponse atteint près de 23 %.
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création de nécessité et d’opportunité identifiées par notre ACP. Comme Gartner (2008) le sou-
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ligne, une grande partie de l’interprétation des analyses en Cluster est le fruit de la subjectivité
et de l’intuition des chercheurs. Dans ce sens, la classification finale peut être « biaisée ». Afin
de réduire le risque d’une classification erronée, nous avons effectué une analyse de classifica-
tion hiérarchique en utilisant le logiciel statistique R 10. Pour ce faire, le logiciel R utilise la fonc-
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tion HCPC (Hierarchical Clustering on Principal Components). L’objectif de la fonction HCPC est
d’effectuer le regroupement et de dégager les complémentarités entre la méthode de classifica-
tion et les composantes principales afin de mieux mettre en évidence les principales caractéris-
tiques de l’ensemble de données. Sur cette base, le logiciel R construit la hiérarchie des com-
posantes et suggère un niveau « optimal » de division (nombre de clusters différents). Le second
avantage de la fonction HCPC réside dans le fait que l’interprétation de la grappe du cluster est
réalisée à l’aide d’un v.test (χ2 test) et automatiquement généré par le logiciel R. Dans notre cas,
l’hypothèse (H0) testée du v.test est que la valeur de la motivation dans le cluster est égale à la
valeur de la motivation dans l’ensemble des données. Par conséquent, lorsque H0 a été reje-
tée, cela signifie que la motivation joue un rôle (positif ou négatif) dans le cluster. Cela réduit
donc fortement l’influence probable de la subjectivité et/ou l’intuition du chercheur dans l’in-
terprétation finale. Enfin, nous avons réalisé une analyse de la variance (ANOVA) 11 enfin d’exa-
miner s’il y avait des différences significatives en termes de phase de création entre les dif
férents groupes de nécessité-opportunité identifiés. L’hypothèse (H0) 12 testée par l’analyse de la
variance est que, en moyenne, il n’y a pas de différences en termes de phase de création entre
les différents types d’entrepreneurs de nécessité-opportunité identifiés. Parallèlement à l’ana-
lyse de la variance, nous avons mené une analyse en comparaison multiple afin de déterminer
quel(s) type(s) d’entrepreneur(s) de nécessité-opportunité (est)sont significativement différent(s)
des autres en termes d’activités réalisées durant la phase de création. Même si nous avons sup-
posé que nos données étaient normalement distribuées, nous avons préféré le test de Levene
au test de Bartlett afin de vérifier l’homogénéité de la variance. Le test de Levene est moins sus-
ceptible d’entraîner une erreur de type I (rejeter l’hypothèse nulle quand elle est correcte) lorsque
les données ne sont pas normalement distribuées. Lorsque l’homogénéité de la variance n’a
pas été rencontrée, nous avons utilisé le test Welch. Lorsque l’homogénéité de la variance n’est
pas supposée, le test de Fischer utilisé traditionnellement pour l’analyse de la variance n’est pas
robuste et peut fournir des résultats incorrects. Le test Welch a l’avantage de fournir des résul-
tats plus fiables de l’analyse de la variance tout en permettant une hétérogénéité de la variance.
Nos analyses ACP, ANOVA et en comparaisons multiples ont été effectuées avec le logiciel
SPSS 20.0.
5. Résultats
Dans cette section, nous présentons dans un premier temps les motivations de néces-
sité et d’opportunité retenues et ensuite les résultats de notre analyse en composantes princi-
pales. Enfin, nous présentons les activités de création retenues et les résultats de nos analyses
ANOVA et en comparaisons multiples.
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Comme nous avons pu le constater, il existe un certain nombre de motivations de néces-
sité et d’opportunité identifiées dans la littérature. Sur ces bases, dans notre questionnaire,
nous avons retenu un ensemble de motivations nous permettant de déterminer si les entrepre-
neurs sont inscrits dans une dynamique de création de nécessité ou d’opportunité (tableau 2
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ci-dessous).
Nécessité Opportunité
Sortir du chômage Gagner un maximum d’argent
Acquérir du prestige Augmenter les revenus
Être reconnu socialement Être autonome
Répondre aux attentes familiales Créer votre propre emploi
Perpétuer la tradition familiale Ne plus avoir de patron
Développer de nouveaux produits/services
Développer de nouveaux procédés de fabrication
Les motivations répondre aux attentes familiales et perpétuer la tradition familiale ont
été, au vu de leur libellé, classées sous la rubrique « nécessité » dans la mesure où elles ren-
voient à des situations où les individus ont été poussés par leur entourage à créer ou reprendre
une activité entrepreneuriale. Ce choix fait, en outre, écho aux travaux de Bhola et al. (2006)
qui démontrent qu’un individu peut être poussé vers l’entrepreneuriat suite à l’obligation de
reprendre l’entreprise familiale. Concernant les motivations créer votre propre emploi et ne plus
avoir de patron, celles-ci font référence aux désirs d’autonomie ou d’indépendance identifiés
dans la littérature comme étant des motivations d’opportunité.
Avant de procéder à nos analyses empiriques, nous avons souhaité vérifier la validité
interne de notre classification des motivations de nécessité-opportunité à l’aide de l’alpha de
Cronbach. Nous obtenons un alpha de 0,879 pour la classification « nécessité » et de 0,907 pour
la classification « opportunité ».
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Motivations nécessité-opportunité Composantes
1 2 3 4 5 6
Acquérir du prestige ,308 ,242 ,273 ,269 ,777 ,143
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Créer votre propre emploi ,783 ,144 ,262 ,284 ,170 ,140
Être autonome ,815 ,160 ,333 ,197 ,129 ,107
Développer de nouveaux procédés de fabrication ,280 ,245 ,785 ,167 ,248 ,102
Développer de nouveaux produits/services ,253 ,217 ,842 ,160 ,124 ,143
Être reconnu(e) socialement ,446 ,359 ,276 ,240 ,525 ,206
Augmenter vos revenus ,243 ,230 ,184 ,856 ,170 ,140
Gagner un maximum d’argent ,401 ,329 ,201 ,642 ,282 ,184
Ne plus avoir de patron ,773 ,260 ,115 ,149 ,295 ,162
Perpétuer la tradition familiale ,242 ,763 ,283 ,295 ,205 ,192
Répondre aux attentes familiales ,211 ,847 ,229 ,194 ,180 ,183
Sortir du chômage ,225 ,259 ,176 ,190 ,154 ,889
L’analyse du tableau 3 nous permet de tirer les conclusions suivantes. Pour l’axe 1
(alpha de Cronbach : 0,818), les motivations être autonome, ne plus avoir de patron et créer
votre propre emploi sont les plus représentatives. La nature de ces 3 motivations suggère que
l’axe 1 représente le « désir d’indépendance » comme motivation de création. L’analyse de
l’axe 2 (alpha de Cronbach : 0,760) nous montre que les motivations perpétuer la tradition fami
liale et répondre aux attentes familiales sont les plus corrélées à cet axe. Ce dernier peut être
interprété comme renvoyant à la motivation de création résultant d’une « pression familiale ».
Les motivations développer de nouveaux procédés de fabrication et développer de nouveaux
produits sont quant à elles les plus corrélées à l’axe 3 (alpha de Cronbach : 0,710). Celui-ci
renvoie à « l’opportunité de marché » comme motivation de création. Les motivations aug
menter vos revenus et gagner un maximum d’argent sont les plus corrélées à l’axe 4 (alpha de
Cronbach : 0,725). Ce dernier est interprété comme étant la motivation de création « recherche
du profit ». Le « besoin de reconnaissance sociale » comme motivation de création est identifié
à l’axe 5 (alpha de Cronbach : 0,651) 13. Les motivations acquérir du prestige et être reconnu(e)
socialement sont les plus associées à cet axe. Finalement, « l’absence d’emploi » comme rai-
son de création est clairement identifiée par l’analyse de l’axe 6 14 et la motivation absence
d’emploi.
13. La valeur de l’alpha de Cronbach obtenue pour cet axe peut se justifier par le fait qu’une valeur élevée de Cronbach est
parfois difficile à obtenir lorsqu’un axe est constitué de seulement deux items (Carter et al., 2003).
14. L’analyse de Cronbach ne peut se faire pour ce dernier axe car un seul item compose celui-ci.
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l’Entrepreneuriat O. GIACOMIN, F. JANSSEN & J.-L. GUYOT
Figure 1. Dendrogramme
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Pression familiale + 3.394 1er Nécessité
Besoin de reconnaissance sociale + 3.142 2e Nécessité
Cluster C
Recherche du profit – 2.721 Opportunité
Désir d’indépendance – 4.986 Opportunité
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d’Opportunité (20,4 %) et le cluster A Strictement d’Opportunité (12.2 %). En ce qui concerne le
niveau d’éducation (χ2= 32.650; p < .01), notre analyse descriptive semble confirmer qu’il existe
des différences entre les sous-groupes de nécessité (Strictement et Principalement) et les sous-
groupes d’opportunité (Strictement et Principalement). En effet, seulement 34,4 % et 50,9 %
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des individus du groupe Strictement Nécessité et Principalement Nécessité ont un niveau d’édu-
cation élevé, comparativement à 62,5 % et 66,8 % pour le groupe Principalement d’Opportu-
nité et le groupe Strictement d’Opportunité. Comme certains auteurs (Caliendo et Kritikos 2009 ;
Van Stel et al., 2007 ; Block et Wagner, 2010 ; Hughes, 2006 et Reynolds et al., 2001) le sou-
lignent, les entrepreneurs de nécessité sont davantage présents dans les secteurs de l’agri-
culture, la foresterie, la pêche et de l’Horeca que les entrepreneurs d’opportunité. Nous trou-
vons également une différence sectorielle (χ2=86.781 ; p < .01) entre les différents groupes. Par
exemple, notre analyse descriptive montre que les individus Strictement Nécessité (69,3 %) et
Principalement Nécessité (53,1 %) sont plus représentés dans les secteurs l’agriculture, de la
construction, de l’Horeca et du commerce de détail que ne le sont les individus Strictement
d’Opportunité (35,9 %) et Principalement d’opportunité (43,1 %).
Tableau 5. ANOVA
Activités de création Somme DF Moyenne Stat. de Stat. de
des carrés des carrés Fischer Welch
Entre les groupes 7.679 4 1.920
Aide juridique/
À l’intérieur des groupes 218.048 530 .411 4.666** 7.553**
conseil
Total 225.727 534
Entre les groupes 8.587 4 2.147
Plan d’affaire À l’intérieur des groupes 397.626 530 .750 2.862* 2.653*
Total 406.213 534
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Entre les groupes 13.098 4 3.274
Étude de
À l’intérieur des groupes 333.530 530 .629 5.203** 8.570**
marché
Total 346.628 534
Entre les groupes 8.684 4 2.171
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Plan de
développement À l’intérieur des groupes 433.926 530 .819 2.652* 4.522*
stratégique
Total 442.609 534
Entre les groupes 8.042 4 2.011
Demande de
financement À l’intérieur des groupes 237.259 530 .448 4.491** 10.062**
bancaire
Total 245.301 534
Entre les groupes 2.771 4 .693
Organisme
A l’intérieur des groupes 236.750 530 447 1.551 1.982
public
Total 239.521 534
*p < 0.05; ** p < 0.01
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deux types d’entrepreneurs pour chaque activité de création retenue, à l’exception de l’activité
réaliser des démarches auprès d’organismes publics. Si ces résultats indiquent qu’il existe bien
des différences entre les types d’entrepreneurs, ils ne nous permettent pas d’identifier des diffé-
rences significatives pour chaque activité de création. Par conséquent, nous avons réalisé des
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analyses en comparaisons multiples afin de déterminer les types qui sont significativement diffé-
rents des autres pour chaque activité de création. Pour ces analyses, nous avons fait appel au
test non paramétrique de Tamhane. L’utilisation du test non paramétrique de Tamhane se justifie
par le fait que les résultats du test de Levene ont indiqué des variances inégales pour certaines
activités de création, ce qui implique l’utilisation d’un test non paramétrique pour nos analyses
en comparaisons multiples. Le tableau 6 révèle certains constats intéressants.
Premièrement, l’activité réaliser des démarches pour obtenir de l’aide juridique ou des
conseils est moins souvent réalisée par les entrepreneurs Strictement de Nécessité que par
les entrepreneurs Principalement de Nécessité, Strictement d’Opportunité et Principalement
d’Opportunité. Deuxièmement, la réalisation d’un plan d’affaire est beaucoup plus fréquente
chez les entrepreneurs Principalement d’Opportunité et Strictement d’Opportunité que chez les
entrepreneurs Strictement de Nécessité. Troisièmement, la réalisation d’une étude de marché
est une démarche beaucoup plus fréquente chez les entrepreneurs Principalement de Nécessité,
Strictement d’Opportunité et Principalement d’Opportunité que chez les entrepreneurs
Strictement de Nécessité. Pour cette activité, on note également que celle-ci est plus fréquente
chez les entrepreneurs Principalement d’Opportunité que chez les entrepreneurs Principalement
de Nécessité et, de façon surprenante, que chez les entrepreneurs Strictement d’Opportunité.
Quatrièmement, il semble que les entrepreneurs Strictement d’Opportunité soient plus enclins à
réaliser un plan de développement stratégique que les groupes d’entrepreneurs Strictement de
Nécessité et Principalement d’opportunité. Enfin, la démarche faire une demande de finance
ment auprès d’un établissement de crédit est moins fréquente chez les groupes d’entrepreneurs
Mixité Stricte Nécessité/Opportunité et Principalement de Nécessité que chez les entrepreneurs
Strictement de Nécessité. On note aussi que cette démarche est plus fréquente chez les entre-
preneurs Mixité Nécessité/Opportunité que chez les groupes d’entrepreneurs Principalement et
Strictement d’Opportunité.
6. Discussion
Dans cette étude, nous avons cherché à déterminer s’il existe des différences en termes
de phase de création entre les entrepreneurs de nécessité et les entrepreneurs d’opportunité.
Les raisons d’une telle étude étaient multiples. Tout d’abord, les connaissances actuelles rela-
tives au processus de création entrepreneurial sont relativement limitées et, tout particulièrement,
concernant la phase de création (Arenius et Ehrstedt, 2008 ; Liao et al., 2005). Pour Lichtenstein
et al. (2007), la phase de création est un élément capital car celle-ci est à la base de chaque
création entrepreneuriale. Cette étape est également importante pour le développement et le
succès futur de toute entreprise (Burke et al., 2010 ; Delmar et Shane, 2003). Deuxièmement,
comme Liao et Welsch (2008) le soulignent, il est important d’examiner la façon dont l’événe-
ment entrepreneurial influence le processus de création de l’entreprise. Cependant, une telle
approche est absente dans la recherche en entrepreneuriat (Shane et al., 2003 ; van Gelderen
et al., 2006). De plus, au regard de l’objectif de notre recherche, il nous a semblé important
d’aborder les concepts d’entrepreneuriat de nécessité et d’opportunité de façon plus large. En
effet, de nombreux auteurs soulignent que la stricte dichotomie nécessité versus opportunité est
trop simpliste et ne correspond pas à la réalité (voir par exemple Block et al., 2015 ; Eijdenberg
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N° 3-4, vol. 15, 2016
et Masurel, 2013 ; Giacomin et al., 2010 ; Kirkwood et Campbell-Hunt, 2007). Par conséquent,
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il est probable qu’il existe plus de deux types d’entrepreneurs de nécessité et d’opportunité.
Nous avons donc cherché à déterminer s’il existe différents types d’entrepreneurs de
nécessité et/ou d’opportunité et si ceux-ci pouvaient adopter des comportements différents
durant la phase de création. Sur la base des résultats de notre étude, nous pouvons tirer les
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conclusions suivantes. Tout d’abord, les résultats de notre analyse cluster indiquent que la
dichotomie stricte nécessité versus opportunité, habituellement utilisée dans la recherche entre-
preneuriale, est trop simpliste. Il existe bien différents types d’entrepreneurs de nécessité et/ou
d’opportunité. Nos résultats confirment donc l’existence de sous-groupes d’entrepreneurs de
nécessité/opportunité (Arias et Penas, 2010 ; Block et al., 2015 ; Caliendo et Kritikos, 2010 ;
Verheul et al., 2010 ; Block et Koellinger, 2009 ; Kirkwood 2009 ; Williams, 2009 ; Kumar, 2007 ;
Bhola et al., 2006 ; Block et Sandner, 2009 ; Hughes, 2003). Ce constat est aussi appuyé par
les résultats de nos analyses ANOVA et en comparaisons multiples lesquelles démontrent que
les activités de création réalisées par l’individu diffèrent considérablement selon son profil néces-
sité et/ou opportunité. Comme nous le supposions, les entrepreneurs d’opportunité (strictement
et principalement) sont plus actifs au cours de la phase de création que les groupes de néces-
sité (strictement et principalement).
Les entrepreneurs motivés strictement ou principalement par des motivations d’opportu-
nité réalisent, par exemple, plus de démarches pour obtenir de l’assistance ou des conseils que
les entrepreneurs motivés strictement par des motivations de nécessité. Ceci pourrait s’expliquer
par le fait qu’en raison d’un niveau de capital humain et social plus important et donc d’un réseau
personnel et/ou professionnel plus large, ils pourraient obtenir des informations pertinentes per-
mettant de mettre en œuvre une phase de création adéquate. En ce qui concerne la planifica-
tion et l’étude de marché, nous notons également des différences. Ces démarches de création
semblent plus présentes chez les entrepreneurs principalement ou strictement motivés par des
motivations d’opportunité que chez les entrepreneurs principalement ou strictement motivés par
des motivations de nécessité. Ces résultats pourraient être expliqués par le fait que le coût d’op-
portunité de la création est plus important pour les entrepreneurs d’opportunité que de nécessité
(Verheul et al., 2010 ; Block et Wagner, 2010). Par conséquent, afin de réduire l’incertitude liée à
toute création d’entreprise et de compenser ce coût d’opportunité élevé, un profil d’opportunité
doit s’assurer que son projet est suffisamment rentable. Comme Burke et al. (2010) l’ont montré,
un plan d’affaire augmente les perspectives de croissance de l’entreprise. Pour Brinckmann et al.
(2010), Delmar et Shane (2003) et Liao et Gartner (2006), la planification réduit l’incertitude liée
à l’activité de l’entreprise. Arias et Pena (2010) estiment que les profils d’opportunité analysent
plus fréquemment le marché dans lequel ils souhaitent créer une activité. Pour ces auteurs, les
entrepreneurs d’opportunité ont une meilleure compréhension de l’environnement de l’entre-
prise que les entrepreneurs de nécessité. Les entrepreneurs motivés strictement par nécessité
et ceux motivés strictement par opportunité entrepreneurs semblent également être différents
dans leur propension à réaliser un plan de développement stratégique. Les premiers sont moins
enclins à réaliser cette démarche de pré-création. Ce résultat pourrait être dû à leurs différences
au niveau de la pro-activité dont ils font preuve dans le cadre de leur projet de création et de leur
vision entrepreneuriale. Un profil d’opportunité tentera de réaliser des tâches plus difficiles, sera
plus persévérant et plus créatif qu’un profil de nécessité (Guzman et Santos, 2001). Comme sou-
ligné par Carsrud et Brännback (2011), lorsque les motivations de l’individu sont de nécessité,
il/elle peut ne pas prendre le temps nécessaire pour mettre sur pied son projet entrepreneurial.
Nous pouvons, par exemple, supposer que le profil strictement de nécessité ne prendra pas le
temps de réaliser un plan d’affaire ou un plan de développement stratégique car il sera plus pré-
occupé par sa survie au quotidien que par des projets de plus long terme, tels que la croissance
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Revue de
l’Entrepreneuriat O. GIACOMIN, F. JANSSEN & J.-L. GUYOT
ou l’exportation, et/ou parce qu’il choisit la carrière entrepreneuriale par « défaut » (Block et al.,
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2015 ; Couteret, 2010). Nos résultats concernant la propension à demander un financement aux
établissements de crédit sont également intéressants. Les entrepreneurs strictement de néces-
sité sont plus enclins à réaliser cette démarche que les entrepreneurs principalement de néces-
sité et les entrepreneurs mixtes. Ces derniers sont plus enclins à réaliser une telle démarche que
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les entrepreneurs strictement et principalement motivés par opportunité. En d’autres termes, ces
résultats montrent que plus un individu sera mû par des motivations d’opportunité, moins il fera de
demandes de financement auprès d’un établissement de crédit. Une explication plausible serait
qu’au plus un individu est mû par des motivations d’opportunité, au plus il/elle préférera et/ou au
plus facilement il/elle aura accès à des financements alternatifs, tels que des business angels,
du capital-risque ou du financement participatif. Ayant un niveau de capital social plus élevé,
il/elle peut aussi plus facilement mobiliser son réseau personnel pour trouver ces financements.
Dans une certaine mesure, cet argument rejoint les résultats de nos analyses concernant l’acti-
vité « réaliser des démarches pour obtenir de l’aide juridique ou des conseils ». En effet, comme
les profils d’opportunité réalisent plus souvent cette démarche que les profils de nécessité, il est
probable que grâce à celle-ci, ils puissent plus souvent bénéficier de financement non bancaire.
L’idée selon laquelle au plus un individu sera motivé par des motivations d’opportunité, au plus il
sera actif durant la phase de création est également soutenue par les différences intra-groupes.
Nos résultats montrent, par exemple, que la propension à réaliser un plan d’affaire ou à cher-
cher à obtenir des conseils est plus importante chez les entrepreneurs motivés principalement
par nécessité que chez les entrepreneurs motivés strictement par nécessité. Enfin, et de façon
surprenante, certaines différences intra-groupes entre les entrepreneurs motivés strictement par
opportunité et ceux motivés principalement par opportunité semblent être contre-intuitives. Par
exemple, nos résultats montrent que les entrepreneurs motivés principalement par opportunité
sont plus enclins à réaliser une étude de marché que les entrepreneurs strictement d’opportu-
nité. Ce résultat est, a priori, difficile à interpréter. Cependant, nous pensons qu’il pourrait être,
dans une certaine mesure, expliqué comme suit. L’individu principalement motivé par opportu-
nité, contrairement à celui motivé strictement par opportunité, n’est pas seulement poussé par
une opportunité de marché (comme notre analyse de classification hiérarchique le montre). Dans
ce sens, le premier pourrait avoir une connaissance plus faible du marché visé, une moins bonne
compréhension de l’environnement de sa future entreprise et donc être plus actif dans la réalisa-
tion d’une étude de marché.
Sur la base de nos résultats, notre hypothèse de départ à savoir qu’au plus un individu
sera motivé par des motivations d’opportunité, au plus il fera preuve d’un comportement actif
durant la phase de création entrepreneuriale est globalement vérifiée.
Conclusion
À l’issue de notre recherche, nous pouvons mettre en évidence deux contributions prin-
cipales. Tout d’abord, sur la base des motivations de création, nos résultats montrent qu’il existe
bien différents sous-groupes d’entrepreneurs de nécessité et/ou d’opportunité. Deuxièmement,
les phases de création de ces sous-groupes d’entrepreneurs sont différentes. Dès lors, comme
nous le supposions, notre étude montre que les entrepreneurs d’opportunité (strictement et prin-
cipalement) sont plus actifs durant la phase de création que les entrepreneurs de nécessité (stric-
tement et principalement).
Ces résultats ont des implications pour les politiques publiques et les débats scienti-
fiques. Depuis une trentaine d’années, de nombreuses mesures ont été prises afin de stimuler
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N° 3-4, vol. 15, 2016
l’esprit d’entreprendre. La genèse de cet intérêt pour l’entrepreneuriat est à trouver dans le rôle
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clé joué par l’entrepreneuriat dans la croissance économique des régions (Audretsch, 2003 ;
Staber et Bögenhold, 1993) ainsi que dans la lutte contre le chômage. Sur la base de nos résul-
tats, il semble important que les politiques publiques destinées à favoriser l’entrepreneuriat chez
les personnes fragilisées (sans emploi, faible niveau d’éducation, emploi précaire, etc.) pour-
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suivent les efforts actuels centrés sur l’importance de la phase de création et la nécessité de réa-
liser un certain nombre de démarches (plan d’affaire, étude de marché, conseils, etc.) de pré-
création lesquelles peuvent influencer la réussite d’un projet entrepreneurial. Ceci nous semble
capital afin d’essayer de réduire le taux d’échec entrepreneurial élevé parmi les entrepreneurs
de nécessité (Kariv, 2011 ; Brüderl et al., 1992). Concernant le débat scientifique, nos résultats
montrent que la typologie stricte opportunité versus nécessité doit être affinée. Ceci permettra
de mieux saisir la complexité des motivations individuelles et l’impact de celles-ci sur le proces-
sus entrepreneurial. En outre, nous savons que les entreprises créées par des profils de néces-
sité ont un taux de faillite plus élevé que celles créées par des profils d’opportunité. Cependant,
l’impact de la phase de création sur le développement de l’entreprise demeure à ce jour une
question ouverte. Les recherches futures devraient donc analyser en profondeur la relation entre
les types d’entrepreneurs de nécessité et/ou d’opportunité, la phase de création et le succès de
l’entreprise. Une telle approche permettrait de mieux comprendre la relation entre l’événement
déclencheur de la création d’entreprise et le développement de celle-ci.
Enfin, soulignons certaines limites de notre recherche. Tout d’abord, nous n’analysons
pas les caractéristiques socio-économiques des individus et le lien entre celles-ci et les moti-
vations individuelles. Dans ce sens, il serait intéressant de compléter nos analyses en prenant
en compte les caractéristiques de l’individu (Giacomin et al., 2010). En ce qui concerne les
sous-groupes identifiés, il serait intéressant de compléter nos analyses en intégrant d’autres
types de motivations que celles utilisées dans notre étude. Ceci permettrait de confirmer l’exis-
tence des sous-groupes identifiés et/ou d’en découvrir d’autres. Dans notre étude, nous n’inté-
grons pas une série de facteurs pouvant influencer les comportements individuels en matière de
création d’entreprise, tels que le contexte économique, les mesures de politique publique d’ac-
compagnement et de formation à la création d’entreprise, ou encore le taux de chômage. Des
recherches futures pourraient, par exemple, déterminer si les formations en entrepreneuriat des-
tinées aux personnes économiquement fragilisées peuvent réduire les différences de comporte-
ments entre les individus de type nécessité et les individus de type opportunité. En effet, le but de
ces formations étant de familiariser, d’informer et/ou de former au métier d’entrepreneur, il serait
intéressant de déterminer si ces dernières réduisent les différences de comportements entre les
différents types d’entrepreneurs durant la phase de création. Enfin, comme Carter et al. (2003) le
soulignent, l’utilisation de données rétrospectives peut être une limite lorsque l’on étudie les moti-
vations entrepreneuriales et l’impact de ces dernières.
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