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LA RÉUSSITE DE CARRIÈRE ENTREPRENEURIALE DES FEMMES

Typhaine Lebègue

De Boeck Supérieur | « Revue de l’Entrepreneuriat »

2015/1 Vol. 14 | pages 93 à 127


ISSN 1766-2524
ISBN 9782807301047

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Typhaine Lebègue, « La réussite de carrière entrepreneuriale des femmes », Revue
de l’Entrepreneuriat 2015/1 (Vol. 14), p. 93-127.
DOI 10.3917/entre.141.0093
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 1, vol. 14, 2015

La réussite de carrière entrepreneuriale


des femmes
Typhaine LEBÈGUE
Enseignant-Chercheur
ESCEM, Tours
COMUE Centre Val de Loire
1 rue Léo Delibes 37200 Tours

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02 47 71 70 19
tlebegue@escem.fr
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L
a réussite des entrepreneurs est traditionnellement associée à la performance des
entreprises et, selon cette définition, les entreprises détenues par des femmes
sont moins performantes que celles des hommes. Notre étude basée sur dix
études de cas de femmes entrepreneures propose de se distancer des approches
classiques qui s’appuient sur des éléments objectifs afin d’examiner les percep-
tions que les femmes ont de leur réussite de carrière entrepreneuriale (RCE). Les résultats
de la recherche proposent donc une définition de la RCE qui permet d’ouvrir de nouvelles
voies à la définition de la réussite des femmes entrepreneures.

—— Mots clés : entrepreneuriat des femmes, carrière entrepreneuriale, réussite de carrière, réussite
de carrière entrepreneuriale

T
he success of entrepreneurs is traditionally associated with business perfor-
mance and according to this definition, businesses run by women are less suc-
cessful than those run by men. Our research which is based on 10 case studies
of female entrepreneurs proposes to step back from the typical approach that
focuses on objective perspectives in order to analyze the perception women
have of their entrepreneurial career success. Consequently, our findings propose a defini-
tion of entrepreneurial career success and more specifically a definition of female entre-
preneurial success.

—— Keywords: female entrepreneurship, entrepreneurial career, career success, business


performance, entrepreneurial career success

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Introduction
La moindre performance des femmes entrepreneures par rapport aux hommes a été
largement documentée dans la littérature (Chell et Baines, 1998 ; Cliff, 1998 ; Boden et Nucci,
2000 ; Fairlie et Robb, 2009). Robichaud, Mc Graw et Roger (2005) ont notamment montré que
les entreprises canadiennes détenues par les femmes prennent de l’expansion moins rapide-
ment, recrutent moins de salariés et ne poursuivent pas les mêmes objectifs que celles apparte-
nant aux hommes. En matière d’objectifs, les hommes paraissent portés vers la croissance (Cliff,
1998 ; Fairlie et Robb, 2009). La réussite des entrepreneurs est donc traditionnellement associée
à la performance des entreprises, laquelle est majoritairement définie à travers la croissance des

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activités et le taux de survie des firmes. Selon cette définition, les entreprises détenues par les
femmes apparaissent moins performantes et le monde des affaires insiste dès lors sur la néces-
sité de les accompagner afin qu’elles atteignent une croissance et un taux de survie plus éle-
vés. Ces critères normatifs de réussite entrepreneuriale peuvent cependant être remis en ques-
tion lorsqu’il s’agit de femmes entrepreneures (Buttner et Moore, 1997). Les femmes semblent
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en effet mobiliser des critères d’appréciation moins normatifs et plus subjectifs pour témoigner
de leur réussite professionnelle (Gatticker et Larwood, 1986 ; Gallos, 1989 : Powell et Mainiero,
1992). Malgré cela, la recherche sur l’entrepreneuriat des femmes utilise de façon quasi systé-
matique des cadres normatifs masculins, émettant donc l’hypothèse implicite d’une norme de
réussite entrepreneuriale universelle (Brush, 1992 ; Mirchandani, 1999 ; Ahl, 2006 ; De Bruin,
Brush et Welter, 2007 ; Jennings et Brush, 2013). Cette approche limite notre capacité à saisir la
performance globale des projets entrepreneuriaux initiés par des femmes (Eddleston et Powell,
2008). Lorsque le parcours entrepreneurial féminin est étudié uniquement en fonction de normes
objectives, la performance des femmes se révèle moindre que celle des hommes (Gallos, 1989).
Il apparaît par conséquent important de mieux comprendre les objectifs propres aux femmes
entrepreneures afin de disposer d’un référentiel plus large permettant une appréciation plus fine
de la performance de leurs projets entrepreneuriaux.
Le concept de réussite de carrière constitue un ancrage théorique intéressant pour
appréhender de manière plus précise la définition de la réussite selon les femmes entrepre-
neures. Les recherches sur la réussite de carrière ont observé de nombreuses évolutions durant
ces dernières années. Ceci est la conséquence du bouleversement de la notion même de car-
rière. Pendant longtemps, les carrières étaient majoritairement gérées par les organisations
et les étapes de carrière étaient organisées en fonction de l’âge des individus (Super, 1957 ;
Levinson, 1986). Mais progressivement, de nouvelles logiques de carrière apparaissent afin de
mieux répondre aux transformations économiques et sociales du marché du travail (Hall, 1976 ;
Arthur et Rousseau, 1996 ; Cadin, Bender et Saint Giniez, 2000). L’accent est désormais mis sur
le rôle central de l’individu dans la construction de son parcours professionnel. Ainsi, un individu
choisira d’évoluer lorsqu’il percevra qu’il n’apprend plus rien dans l’organisation où il se trouve
(Sullivan, 1999). Le passage d’une vision traditionnelle de la carrière linéaire à d’autres formes de
carrière plus nomades fait évoluer le concept de réussite de carrière (Hall, 1996). Les études vont
en effet prendre en compte non seulement les aspects objectifs que sont le salaire et l’évolution
hiérarchique, mais également les aspects subjectifs qui renvoient à la perception d’un individu
concernant la réalisation de sa carrière (Greenhaus, Parasuraman et Wormley, 1990). À la lumière
de cette définition, les recherches tentent d’appréhender plus finement le concept de réussite
de carrière en considérant de multiples critères : le salaire, l’évolution, l’autonomie, l’employabi-
lité, la satisfaction vis-à-vis du travail, la perception d’acquisition de compétences et de connais-
sance, les opportunités de développement personnel, le sentiment d’intégration sociale, la satis-
faction dans sa vie en général (Peluchette, 1993 ; Judge et al., 1995 ; Arthur et al., 2005 ; Hall et

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Chandler, 2005). Le concept de réussite de carrière objective et subjective offre donc une grande
richesse dans la multitude des critères retenus pour le définir (Arthur, Khapova et Wilderom,
2005 ; Hofmans, Dries et Pepermans, 2008 ; Valcour et Ladge, 2008 ; Khapova et Arthur, 2011,
Ng et Feldman, 2014). Malgré ces évolutions, les travaux consacrés à la réussite des entrepre-
neurs n’ont pas considéré les aspects subjectifs (Dyer, 1994 ; De Martino, Barbato, et Jacques,
2006). La plupart des études se focalisent en effet sur les indicateurs de réussite d’une entreprise
(taille, croissance, rentabilité et taux de survie) et consacrent très peu d’attention aux critères de
réussite individuelle (Parasuraman, Purohit, Godshalk et Beutell, 1996 ; Lau, Shaffer et Au, 2007).
Cela a influencé la recherche jusqu’à ce jour, sans doute, faut-il y voir la conséquence du fait que
les recherches sur la réussite de carrière bien qu’elles aient été très abondantes dans le champ

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des sciences sociales (Super, 1957 ; Arthur, Hall et Lawrence, 1989 ; Arthur et Rousseau, 1996 ;
Cadin, Bender, Saint Giniez et Pringle, 1999 ; Sullivan, 1999) ont pendant longtemps ignoré le
champ de l’entrepreneuriat (Dyer, 1994). Cela limite la compréhension de la carrière entrepreneu-
riale des femmes, plus particulièrement la façon dont elles évaluent leur réussite.
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La prise en compte du concept de réussite de carrière, en introduisant des dimen-


sions subjectives, modifie la perception de la réussite et pourrait faire évoluer la hiérarchisation
des réussites entrepreneuriales entre hommes et femmes. Par ailleurs, une meilleure compré-
hension des critères de réussite subjective est importante parce que les entrepreneurs qui ne
parviennent pas à atteindre leurs objectifs personnels sont plus enclins à fermer leur entreprise
même si celle-ci est profitable (Bates, 2005). Notre travail souhaite donc contribuer à enrichir la
littérature sur les critères de réussite de la carrière entrepreneuriale des femmes en introduisant
des dimensions subjectives alors que le succès a jusqu’ici été principalement défini à partir de
mesures objectives.
La réussite subjective de la carrière a été étudiée principalement à l’aide d’études quanti-
tatives et mesurées à partir d’échelles issues d’autres construits comme la satisfaction au travail
ou l’engagement dans la carrière (Pan et Zhou, 2015). Mais ces construits ne représentent pas
toute l’étendue de la réussite subjective de la carrière au niveau individuel (Gunz et Heslin, 2005).
Gunz et Heslin (2005) aux côtés d’autres auteurs (Arthur, Khapova et Wilderom, 2005), ont ainsi
appelé à mener des études qualitatives visant à interroger les individus sur ce que représente
pour eux la réussite de leur carrière. Cette démarche considère ainsi les différences individuelles
et permet d’aboutir à une vision plus large de la réussite subjective de la carrière.
À la suite de cet appel (Arthur, Khapova et Wilderom, 2005 ; Gunz et Heslin, 2005), mais
également de la suggestion de plusieurs chercheurs insistant sur la nécessité de permettre aux
femmes entrepreneures de définir elles-mêmes les critères qu’elles mobilisent pour évaluer leur
réussite (Anna, Chandler, Jansen et Mero, 2000 ; Powell et Eddleston, 2008), cette étude tente
de répondre à la question suivante : quelles sont les principales dimensions de la réussite de car-
rière entrepreneuriale des femmes ?
Afin d’y parvenir, nous nous sommes appuyées sur une revue de littérature et sur une
étude empirique réalisée auprès de dix entrepreneures sur une période de trois années.
Cette recherche contribue à la littérature de plusieurs façons. Premièrement, en mobili-
sant les théories de la carrière pour approcher l’entrepreneuriat des femmes, nous répondons à
l’appel des chercheurs d’établir des ponts entre ces deux champs (Sullivan, 1999 ; Greene, Hart,
Gatewood, Brush et Carter, 2003). L’application du concept de réussite de la carrière à l’entre-
preneuriat est à notre connaissance inédite et permet de positionner les éléments de la réus-
site entrepreneuriale dans un cadre plus large. Deuxièmement, les nouveaux éclairages sur la
réussite entrepreneuriale suggérés dans cette recherche confirment l’intérêt de faire évoluer les
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questionnements en entrepreneuriat afin de considérer « entrepreneurship as social change »


(Calas, Smircich et Bourne, 2009). Troisièmement, cette recherche s’inscrit dans le prolonge-
ment des recherches qui mettent en avant l’importance de considérer les variables perceptuelles
pour étudier le champ de l’entrepreneuriat féminin (Langowitz et Minniti, 2007).
Dans une première partie, nous nous intéressons aux théories de la carrière, pour intro-
duire le concept de réussite de carrière puis proposer celui de réussite de carrière entrepreneu-
riale (RCE). Nous décrirons ensuite le dispositif méthodologique retenu pour enfin exposer et dis-
cuter les résultats de la recherche.

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1. La carrière, au confluent de multiples approches
Boutinet (1995, p. 54) évoquait la perte de repères dans la vie de l’adulte qui est « doré-
navant jalonnée de choix, de perspectives sans cesse à redéfinir, d’accidents à conjurer ou à
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assumer ». Dans cette perspective, la carrière ne peut plus être définie de la même façon. Nous
proposons donc de nous intéresser à ce changement de paradigme des carrières avant d’évo-
quer les spécificités de la carrière entrepreneuriale puis de celle des femmes.

1.1. De la carrière traditionnelle à la carrière nomade


Une carrière correspond au déroulement successif d’expériences professionnelles d’un
individu dans le temps à travers différents postes, employeurs et responsabilités (Arthur, Hall, et
Laurent, 1989). Linéaire, la carrière organisationnelle classique telle qu’elle fut définie dans les
années 1960, imputait une responsabilité importante à l’organisation qui régissait alors la vie
professionnelle de l’individu (Super, 1957). Toutefois, la carrière a progressivement évolué ; elle
relève davantage d’une dynamique individuelle et appréhende l’importance de la sphère non
professionnelle. En 1976, Hall évoque le concept de « Protean Career » (carrière protéenne),
puis les travaux d’Arthur et Rousseau (1996) initient le concept de « Boundaryless Career » (car-
rière sans frontières). Ces deux termes métaphoriques renvoient aux paradigmes de la carrière
contemporaine, encore appelée carrière nomade par les auteurs français (Cadin, Bender et Saint
Giniez, 2000).
Par opposition aux modèles des phases linéaires de la vision organisationnelle tradition-
nelle de la carrière, les approches contemporaines de la carrière développent une conception
plus discontinue où prédominent les mouvements, les bifurcations, les arrêts de la vie profes-
sionnelle (Briscoe et al., 2006). En s’appuyant sur le concept d’« enactment of careers » et de
« sensemaking » de Karl Weick (1996), le courant Boundaryless insiste sur la mise en sens de
son propre parcours professionnel et « entend affranchir la théorie des carrières du poids histo-
rique des organisations » (Cadin, Bender et Saint Giniez, 2000, p. 79). Hall (1996, p. 8) souligne
que « la carrière du XXIe siècle sera protéenne (du dieu grec Protée qui change de forme selon
sa volonté), gérée par l’individu et non par l’organisation et évoluant au fur et à mesure que lui-
même et son environnement changent ». La carrière nomade est donc caractérisée par de nom-
breux changements d’organisations, une grande incertitude quant à l’avenir et une responsabi-
lité importante laissée à l’individu qui doit désormais gérer seul son parcours professionnel.
Le bouleversement des parcours professionnels encourage les chercheurs du champ
de l’entrepreneuriat à établir des ponts avec les théories des carrières. Ainsi, Hernandez (2006)
s’appuie sur les approches nomades de la carrière afin d’interroger les frontières entre travail
indépendant et salariat. Comme l’acteur d’une carrière nomade, l’entrepreneur est entière-
ment responsable de sa vie professionnelle et cherchera à atteindre un nouvel équilibre entre la
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sphère privée et le travail. Du reste, les travaux de Cadin, Bender, Saint Giniez et Pringle (1999)
désignent l’entrepreneuriat comme la carrière nomade par excellence. Les carrières entrepre-
neuriales rappellent les caractéristiques de la carrière protéenne (Hall, 1976) parce que les entre-
preneurs ont un sens élevé de l’accomplissement personnel et désirent garder le contrôle de leur
destin (Heslin, 2005).

1.2. La carrière entrepreneuriale


Le paradigme des nouvelles carrières éclaire le contexte d’émergence dans lequel se
déploient la création et la reprise d’entreprises au XXIe siècle. L’essor de l’économie entrepreneu-

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riale dans les années 1990 entraîne des turbulences importantes : de nombreuses entreprises
sont créées et dans le même temps, nombre d’entre elles disparaissent (Audretsch, 2009). Dans
ce contexte économique incertain où les entreprises ne peuvent plus garantir une stabilité pro-
fessionnelle aussi forte, les individus doivent davantage compter sur eux-mêmes pour construire
leur carrière. Le choix d’une carrière entrepreneuriale est donc à inscrire dans le parcours profes-
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sionnel dynamique de l’individu (Dyer, 1994).


La littérature sur la carrière a très peu abordé l’entrepreneuriat comme choix de car-
rière (Bowen et Hisrich, 1986 ; Dyer, 1994) et il faut noter que les rares recherches menées sur
cette question se sont focalisées sur l’entrée dans la carrière entrepreneuriale (Bowen et Hisrich,
1986). C’est donc principalement à Dyer (1994) que l’on doit le développement d’un modèle
intégré de la carrière entrepreneuriale. Selon cet auteur, la carrière entrepreneuriale renvoie au
choix et à la socialisation de l’individu ainsi qu’à l’orientation et à la progression de la carrière.
La carrière doit être analysée à partir des facteurs (démographiques, économiques et sociaux) à
l’origine du choix d’entrée de l’individu dans la carrière entrepreneuriale, des effets de sa socia-
lisation (éducation, programme d’accompagnement), des différents types d’orientation de car-
rière (l’entrepreneur pourra décider de privilégier le rôle de gestionnaire, de créatif ou encore de
commercial) et des conflits de rôles engendrés par l’aventure entrepreneuriale (les rôles de l’en-
trepreneur incluent celui de propriétaire dirigeant mais également celui d’époux/épouse, père/
mère, manager, employeur, etc.). Dyer (1994) avance que la nature changeante de ces rôles au
cours de la carrière entrepreneuriale provoque des dilemmes personnels, familiaux et profession-
nels. La progression de la carrière entrepreneuriale et le regard que porte l’entrepreneur sur la
satisfaction de sa carrière sont influencés par la façon dont l’individu va gérer la conciliation des
rôles personnel, familial et professionnel. Nous reviendrons sur ce point après nous être intéres-
sées aux recherches menées sur la carrière des femmes.

1.3. La carrière des femmes


Les nouvelles approches de la carrière sont davantage adaptées à l’exploration des
trajectoires professionnelles moins linéaires des femmes (Gattiker et Larwood, 1986 ; Sullivan,
1999 ; Mallon et Cohen, 2001). Les femmes sont plus enclines que les hommes à effectuer des
pauses dans leur parcours professionnel, à réduire leur nombre d’heures passées au travail et à
changer plus souvent d’organisations (Mainiero et Sullivan, 2005 ; Cocandeau-Bellanger, 2008).
Selon Mainiero et Sullivan (2005), bien que le concept de Boundaryless Career ne se soit imposé
que depuis dix ans au niveau de la recherche, ce modèle est depuis longtemps utilisé par les
femmes, par nécessité. Les recherches montrent que les femmes seraient mieux disposées à
réussir des Boundaryless Careers : « Certains traits du caractère féminin relatifs à la coopéra-
tion, l’ouverture, et au soin particulier porté aux rapports entre les êtres sont certainement les
plus utiles dans un contexte exigeant de Boundaryless Career » (Cabrera, 2007, p. 222). Les
hommes et les femmes suivent des modèles de carrière différents (Mainiero et Sullivan, 2005).
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Alors que la carrière des hommes est linéaire, celle des femmes est sinusoïdale et elle est reliée
aux autres sphères de leur vie comme la sphère familiale ou personnelle. En effet, comme l’ob-
servent Le Loarne-Lemaire, Cupillard, Rahmouni Benhida, Nikina et Shelton (2012, p. 161), « les
femmes sont par essence multifacettes : elles se réalisent sur plusieurs fronts – la famille, en tant
que mère et épouse, dans leurs loisirs et bien sûr leur vie professionnelle ». La maternité semble
jouer un rôle prépondérant dans la carrière des femmes (Bastid, 2007). Les femmes font égale-
ment face à des barrières culturelles, sociales et sexuées contraignant leur choix de carrière mais
plus encore son évolution (Laufer, 1982 ; Levinson, 1996). Sullivan (1999) avance, par ailleurs,
que les femmes sont davantage exposées aux discriminations et au harcèlement sexuel sur le
lieu de travail. De nombreux facteurs pull et push agissent en tandem pour créer les schémas

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non linéaires, interrompus, qui caractérisent les carrières des femmes (Cabrera, 2007). Multiples,
ces facteurs renvoient aux vies personnelle et familiale (comme le fait d’avoir un troisième enfant
ou de déménager pour suivre le conjoint) et à la sphère professionnelle (comme le souhait, pour
les femmes, de faire un travail qui ait un sens ou encore de quitter une organisation dans laquelle
elles ne pourraient pas exprimer toutes leurs compétences).
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La dimension relationnelle joue également un rôle prépondérant dans les cheminements


de carrière des femmes (Spain et Hamel, 1994). Plusieurs auteurs mettent en évidence une
orientation relationnelle des femmes qui influe sur leurs décisions et pratiques professionnelles
(Gilligan, 1982 ; Gallos, 1989 ; Spain et Hamel, 1994 ; Mainiero et Sullivan, 2005). Là où les
hommes tendent à prendre leurs décisions de carrière en fonction de leurs objectifs, indépen-
damment des autres facteurs (familiaux et personnels), les femmes font entrer le lien relationnel
en ligne de compte. Ainsi, elles prennent en considération les besoins de leurs enfants, conjoints,
parents, amis, et même ceux de leurs collègues ou de leurs clients pour construire leur trajectoire
de carrière. Finalement, si la progression de la carrière a une importance pour les femmes, celles-
ci s’intéressent davantage au fait que leur carrière leur corresponde, sans la laisser prendre le pas
sur leur vie (Mainiero et Sullivan, 2005).

2. La réussite de carrière
Les nouvelles formes de carrière exacerbent les enjeux du choix professionnel et de ses
éventuels échecs, l’individu ne pouvant les reporter sur l’organisation, mais uniquement sur lui-
même. L’individu se voit donc assigner la responsabilité de conduire sa carrière jusqu’à sa réus-
site. Mais que signifie au juste la réussite de carrière ? Nous examinerons cette dernière avant de
nous pencher plus spécifiquement sur celle des entrepreneures.

2.1. La définition de la réussite de carrière


Selon Arthur, Khapova et Wilderom (2005, p. 179) : « La réussite de carrière est le résul-
tat des expériences liées à la carrière d’un individu. La réussite d’une carrière peut se définir
comme l’atteinte de résultats désirables en lien avec la carrière, à un moment donné de sa vie
professionnelle et tout au long de celle-ci. » Deux approches se partagent les recherches sur la
réussite de carrière : la première est qualifiée de « réussite objective de la carrière » et appréhende
des éléments objectifs tels que la rémunération, le niveau de poste, la progression hiérarchique.
La seconde, qualifiée de « réussite subjective de la carrière », examine les perceptions que les
individus ont de leur carrière (Arthur, Khapova et Wilderom, 2005).
Si la réussite objective de la carrière est encore très largement observée, les chercheurs
insistent désormais sur la nécessité de prendre en compte les aspects subjectifs pour définir

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la réussite de carrière (Hall, 1996 ; Cadin, Bender et Saint Giniez, 2000 ; Arthur, Khapova et
Wilderom, 2005 ; Hall et Chandler, 2005 ; Dries, 2011). La recherche traditionnelle positiviste qui
observait les aspects objectifs n’est en effet plus adaptée pour capturer la réalité complexe et
dynamique des carrières postmodernes (Dries, 2011).
La réussite subjective de la carrière se mesure notamment grâce à la satisfaction au tra-
vail, au développement de la connaissance de soi, aux facultés d’adaptation et d’apprentissage
(Hall et Chandler, 2005). Les approches contemporaines de la carrière ont participé à la refonte
des critères de réussite de carrière, intégrant les aspects subjectifs qu’elles élèvent au premier
rang (Cadin, Bender et Saint Giniez, 2000). Comme l’indiquent Arthur, Khapova et Wilderom

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(2005), dans le paradigme de la Boundaryless Career, les critères de réussite objective de la car-
rière tendent à être moins influents que ceux dévolus à la réussite subjective. Il en est de même
dans le paradigme de la Protean Career développée par Hall (1996) qui introduit la notion de
succès psychologique. Le succès psychologique implique que l’individu choisisse lui-même un
challenge, un objectif ayant un sens, fournisse un effort visant à réaliser cet objectif, pour enfin y
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parvenir (Hall et Chandler, 2005). Parce que le succès psychologique est lié à l’appréciation de
chaque individu, il existe « plusieurs façons de l’atteindre, autant qu’il existe de besoins humains
différents » (Hall, 1996, p. 8).
L’enjeu majeur de la carrière du troisième millénaire résiderait dans l’atteinte du succès
psychologique plutôt que dans celle des succès objectifs tels qu’un salaire, un titre ou un pou-
voir (Hall, 1996, 2002). Dans cette perspective, notons que les recherches intègrent peu à peu
les dimensions attachées à la sphère non professionnelle de l’individu pour mesurer la réussite
de sa carrière (Hall, 1996 ; Mainiero et Sullivan, 2005 ; Bastid, 2007).

2.2. Réussite objective versus réussite subjective de la carrière


Les chercheurs se sont intéressés à la dualité « objective-subjective » dans une pers-
pective d’observation des interrelations entre ces deux aspects de la réussite de carrière (Judge,
Cable, Boudreau et Bretz, 1995 ; Arthur, Khapova et Wilderom, 2005 ; Hall et Chandler, 2005).
Judge, Cable, Boudreau et Bretz (1995) ont noté l’influence des aspects objectifs (salaire, fonc-
tion hiérarchique occupée) sur le degré de satisfaction qu’éprouve l’individu face à sa carrière.
La réciproque, à savoir l’influence des éléments subjectifs sur la réussite objective de la carrière,
est moins fréquemment analysée. Peluchette (1993) démontre que les individus ayant le sen-
timent de réussir seront plus efficaces au travail. À l’inverse, les personnes qui pensent ne pas
réussir seront moins performantes. Hall et Chandler (2005) évoquent l’idée que la réussite sub-
jective de la carrière conduirait à la réussite objective quand la carrière est perçue comme une
vocation, « a calling », c’est-à-dire « un travail perçu par l’individu comme étant ce qu’il était des-
tiné à accomplir » (Hall et Chandler, 2005, p. 160). Selon ces auteurs, la réussite subjective pour-
rait donc se mesurer en examinant sous quelles conditions la carrière d’un individu a le sens
d’une vocation.
Nous pouvons noter une tendance qui émane des théoriciens des nouvelles approches
de la carrière. Alors que les relations positives entre la réussite objective de la carrière et la réus-
site subjective de la carrière ont été mises en lumière, les chercheurs tentent, désormais, d’ex-
plorer les impacts potentiellement négatifs de cette relation. Hall et Chandler (2005) ont montré
que la réussite objective de la carrière ne conduit pas de manière inéluctable à la satisfaction des
individus. Le cas des cadres qui ont réussi leur ascension professionnelle, mais dont la vie privée
en a pâti, illustre cette situation. Par conséquent, il est important de considérer la dualité « objec-
tive-subjective » ainsi que ses interrelations afin de définir la réussite de carrière d’un individu.

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3. La réussite de carrière chez les entrepreneures


La réussite des entrepreneurs est, le plus souvent, évaluée à partir des critères associés
à la performance de l’entreprise. Toutefois, les recherches ont intégré peu à peu des éléments
d’appréciation plus subjectifs, souhaitant ainsi proposer un cadre d’analyse plus globale de la
mesure du succès des entrepreneurs. C’est cette conception que les chercheurs sur l’entrepre-
neuriat des femmes ont défendue dans leurs travaux (Brush, 1992 ; Buttner et Moore, 1997).

3.1. Vers une redéfinition de la performance

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L’étude de la réussite des entrepreneurs fait référence à la notion de performance de l’en-
treprise et intègre les indicateurs économiques de l’efficacité, comme le niveau du chiffre d’af-
faires, le nombre d’années de vie de l’entreprise et les bénéfices. Les recherches conduites sur la
performance entrepreneuriale ont néanmoins progressivement intégré d’autres critères relatifs à
la performance sociale et environnementale (Saint-Pierre et Cadieux, 2011). À cet égard, l’appa-
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rition des notions telles que « entreprise d’insertion », « responsabilité sociétale des entreprises »
ou « économie sociale et solidaire » (Emin et Schieb-Bienfait, 2009) a renforcé la nécessité d’une
redéfinition des critères de performance d’une entreprise (Paturel, 2007).
Bien que les recherches consacrées au succès des entrepreneurs aient pendant long-
temps ignoré les aspects subjectifs (Dyer, 1994 ; DeMartino, Barbato, et Jacques, 2006), des
travaux apparaissent et évaluent la réussite de l’entrepreneur, non plus à partir de la performance
de l’entreprise, mais à partir de la satisfaction éprouvée à la fois par l’entrepreneur (approche
subjective de la réussite de carrière) et les parties prenantes de l’entreprise, notamment les
clients (Dyer, 1994).
Comme indiqué précédemment, Dyer (1994) suggère de prendre en compte la satis-
faction dans les vies personnelle et familiale de l’individu afin d’évaluer la réussite de l’entre-
preneur. Après avoir effectué une étude sur les déterminants de la satisfaction, Cooper et Artz
(1995) rapportent trois résultats intéressants. Tout d’abord, ces auteurs observent que les entre-
preneurs les plus optimistes au départ sont ceux qui atteignent le niveau de satisfaction le plus
élevé. Ils concluent ensuite que les individus dont les attentes seraient les moins hautes en
termes économiques sont ceux qui seraient le plus satisfaits après trois années d’exercice. Ils
remarquent enfin que les femmes entrepreneures dégagent un indice de satisfaction plus impor-
tant. En dépit d’un niveau de performance économique plus bas, les femmes témoignent d’une
réussite subjective de leur carrière plus élevée que celle des hommes. Selon ces auteurs, ce
résultat est dû au fait que les femmes apprécieraient d’autant plus l’entrepreneuriat qu’il leur
permettrait de concilier vie professionnelle et vie personnelle. À ce propos, Arthur, Khapova et
Wilderom (2005) font état d’une appréciation très différente de la réussite objective et de la réus-
site subjective de leur carrière, de la part des femmes, lorsqu’elles ont des enfants. En effet,
nonobstant les expériences de mobilité interorganisationnelles plus importantes et un niveau
plus faible de réussite objective de la carrière chez ces femmes, elles observent toujours un
niveau de réussite subjective élevé. Dans cette perspective, Powell et Mainiero (1992, p. 220)
soutiennent que « les femmes se focalisent davantage sur une mesure de satisfaction corres-
pondant à leur propre ressenti au sujet de leurs carrières, plutôt que sur l’apparence objective
de celles-ci ». Elles intègrent notamment la satisfaction de l’équilibre entre la vie personnelle
et la vie professionnelle pour évaluer la réussite de leur carrière (Gatticker et Larwood, 1986 ;
Gallos, 1989 : Powell et Mainiero, 1992). Bastid (2007) conclut que l’atteinte de l’équilibre entre
la sphère professionnelle et la vie privée est prépondérante dans l’évaluation de la réussite de
carrière des cadres. Après avoir réalisé une étude auprès de 916 femmes employées, Valcour

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l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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et Ladge (2008) suggèrent que pour elles, la possibilité de mener de front vie professionnelle et
vie familiale, sans avoir à retarder la formation de leur famille, contribue à leur sentiment de réus-
site professionnelle.
En ce qui concerne les entrepreneures, Buttner et Moore (1997) rapportent que la
mesure du succès des entrepreneures est davantage guidée par des critères subjectifs comme
la croissance personnelle, l’accomplissement de soi et l’augmentation de ses compétences, plu-
tôt que par des mesures objectives comme le profit ou la croissance économique. Les entrepre-
neures intégrant leur entreprise à leur stratégie de vie (Noble, 1986) et à leurs réseaux relation-
nels (Brush, 1992) évaluent d’abord leur réussite à partir des bénéfices que l’entrepreneuriat a

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générés dans leur vie, avant de considérer les résultats économiques de l’entité créée (Buttner
et Moore, 1997). Ces deux auteures montrent, notamment, que les femmes cherchant à conci-
lier la famille et le travail vont mesurer leur succès en fonction de l’atteinte ou non de cet équilibre
souhaité. La réussite de carrière est donc à mettre en corrélation avec les motivations des entre-
preneures (Buttner et Moore, 1997 ; Eddleston et Powell, 2008).
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3.2. Vers la réussite de carrière entrepreneuriale (RCE)


Les études menées sur la réussite des entrepreneures intègrent des éléments objectifs
et subjectifs. Bien que porteurs de sens et ouvrant de nouvelles pistes, les résultats des études
présentées précédemment sont à inscrire dans la vision que les chercheurs ont de la réussite
entrepreneuriale. Ainsi, les chercheurs menant des travaux sur l’entrepreneuriat des femmes
ayant identifié que celles-ci accordaient une large place aux éléments d’appréciation plus subjec-
tive interrogent les entrepreneures sur cette vision de la réussite. Et dès lors, le risque est impor-
tant de considérer que la compréhension de la réussite de carrière par les chercheurs renvoie
véritablement à l’expérience des individus. Comme le mentionnent Arthur, Khapova et Wilderom
(2005), les critères de mesure de réussite de carrière sont propres aux individus. Or la recherche
empirique ne leur laisse quasiment jamais la parole – si ce n’est au travers d’un ensemble d’items
proposés dans des questionnaires – et ne leur permet donc pas de définir leurs propres critères.
C’est ainsi que sur 68 articles concernant la réussite de carrière, parus dans les revues acadé-
miques les plus prestigieuses en sciences sociales (voir article d’Arthur, Khapova et Wilderom,
2005), aucun ne propose une approche qui laisserait aux individus la possibilité de définir leurs
critères de réussite. Selon Arthur, Khapova et Wilderom (2005), c’est un manque important dans
les recherches menées sur la réussite de carrière. Les individus ont en effet des aspirations de
carrière singulières et en fonction de leurs valeurs, ils vont s’appuyer sur des standards d’éva-
luation différents pour évaluer leur réussite subjective de carrière (Arthur, Khapova et Wilderom,
2005). Aussi ces trois auteurs (2005) insistent-ils sur la nécessité de mener des recherches quali-
tatives afin d’explorer les critères subjectifs que les individus mobilisent pour évoquer leur propre
réussite de carrière. Dans cette perspective, Gunz et Heslin (2005) proposent d’affiner la défini-
tion de la réussite de carrière à travers les approches objectivistes et subjectivistes. L’approche
objectiviste implique que le chercheur ait préalablement défini les critères de la réussite qu’il
soumettra aux personnes interrogées. L’approche subjectiviste suppose que les individus défi-
nissent eux-mêmes les critères à partir desquels ils vont évaluer la réussite de leur carrière. Selon
cette seconde approche, le chercheur n’identifie pas auparavant les critères de la réussite et
pose de la sorte une question ouverte : « Que signifie pour vous réussir votre carrière ? » Notre
recherche s’inscrit dans cette perspective et fait ainsi écho à l’appel lancé par Anna, Chandler,
Jansen et Mero (2000). Ces chercheurs invitent à explorer la question d’une définition non éco-
nomique, autoperçue, de la réussite des femmes entrepreneures (Anna, Chandler, Jansen et
Mero, 2000).

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Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 1, vol. 14, 2015

Plutôt que de s’intéresser aux aspects objectifs de la réussite entrepreneuriale, cette


recherche interroge les perceptions des entrepreneures sur la RCE à partir d’une question
ouverte et non d’un cadre prédéfini. En outre, les motivations des femmes pour la création de
leurs entreprises ont également été observées car elles influencent leurs perceptions de la RCE
(Buttner et Moore, 1997 ; Eddleston et Powell, 2008). Aussi, afin de parvenir à une compré-
hension fine de la RCE des créatrices, il est important de mettre en perspective les raisons qui
poussent les femmes à créer avec les critères qu’elles retiennent pour témoigner de leur réussite.

4. Le dispositif méthodologique

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Nous présentons à présent le contexte de la recherche ainsi que la collecte et l’analyse
des données.

4.1. Le contexte de la recherche


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Phénomène récemment pris en compte dans les statistiques françaises, le portrait quan-
titatif de l’entrepreneuriat des femmes reste difficile à dresser, la diversité des formes entrepre-
neuriales complexifiant le travail des producteurs de statistiques françaises. Nous retenons néan-
moins le chiffre de 29 % pour approcher la part des femmes chefs d’entreprises en France, chiffre
qui se situe dans la moyenne des pays européens (Conseil économique, social et environnemen-
tal, 2009). Depuis les années 2000, le modèle démographique français est atypique : il combine
des taux de fécondité élevés – en 2009, il atteint 2,01 enfants par femme alors que la moyenne
des pays européens se situe à 1,59 (Minni, 2012) – et une forte implication des femmes dans la
vie professionnelle (Méda, 2001). La population active féminine a, en effet, augmenté de plus de
5 millions entre 1971 et 2006 (passant de 7,6 millions en 1971 à 12,8 millions en 2006) et les
femmes représentent aujourd’hui en France 46 % de la population active (Conseil économique,
social et environnemental, 2009). Alors qu’elles représentaient 9 % des entrepreneurs en 1986,
elles comptent aujourd’hui pour 30 % des chefs d’entreprises et si l’on se réfère aux chiffres de la
création, elles sont 36 % (Hagège et Masson, 2011). La dernière décennie a donc permis d’obser-
ver une multiplication des réseaux et des clubs d’affaires au féminin qui dénote une réelle volonté
pour les femmes d’investir l’entrepreneuriat. La création de salons dédiés à l’entrepreneuriat
des femmes et l’instauration d’espaces réservés à ce public lors de salons sur l’entrepreneuriat,
notamment le salon des entrepreneurs de Paris, tendent à se généraliser sur le territoire français.
Les recherches menées sur les femmes entrepreneures demeurent rares en France et
si les premières études furent quantitatives (Duchéneaut et Ohran, 2000), l’appel lancé par la
communauté qui constatait le manque de recherches qualitatives sur le sujet des femmes entre-
preneures (Cornet et Constantinidis, 2004 ; Borgues, Simard et Filion, 2005 ; Carrier, Julien et
Menvielle, 2006) a eu ses effets, plusieurs recherches adoptant une approche qualitative (Le
Loarne-Lemaire, Cupillard, Rahmouni Benhida, Nikina et Shelton, 2012 ; Richomme et d’Andria,
2013 ; Chasserio, Pailot et Poroli, 2014). Cette démarche est en outre cohérente avec le peu de
travaux menés sur le sujet en France. C’est donc dans ce contexte que nous avons réalisé une
recherche qualitative auprès d’entrepreneures françaises, choix adapté à notre projet d’étudier la
RCE à partir des éléments identifiés par les entrepreneures elles-mêmes et non par le chercheur.

4.2. La collecte des données


Une stratégie de recherche dont les principes se fondent sur la démarche de la « théo-
rie enracinée » (Strauss et Corbin, 2004) a été mobilisée. Cette démarche vise à accorder une

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l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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large place au terrain à partir duquel le chercheur fera émerger des concepts et des idées
(Strauss et Corbin, 2004). La littérature scientifique est conçue non comme un cadre rigide à
l’intérieur duquel les chercheurs seraient contraints d’observer les connaissances issues du ter-
rain, mais plutôt comme une aide non négligeable pour approcher et exploiter au mieux les don-
nées (Strauss et Corbin, 2004). Afin de mettre en œuvre une stratégie conforme aux principes
de la théorie enracinée, nous avons mené une étude de cas multiples. Le choix d’une étude de
cas multiples vise ainsi à dépasser le caractère idiosyncrasique de chaque cas ; il permet à la
fois de mieux comprendre la RCE des femmes et de procéder à un examen systématique des
différences entre les cas (Eisenhardt, 1989 ; Yin, 1989). Nous avons retenu dix cas, nombre qui
semble satisfaisant au regard des recommandations de Eisenhardt (1989) et de Yin (1989). Une

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présentation des dix cas est proposée en annexe 1. Notre choix s’est porté sur les très petites
entreprises qui ne comportaient aucun salarié à leur début. Notons que c’est généralement le
cas d’une entreprise en création. En effet, celles qui se créent d’emblée avec des salariés sont
plutôt représentatives des reprises d’activité ou de branches préexistantes (Insee, 2014). Nous
avons mis en place une collecte des données sur trois années. Il est admis que le nombre de
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trois années représente un seuil critique pour la pérennisation des entreprises en création. Le fait
d’interroger les entrepreneures à plusieurs reprises et sur plusieurs années a permis d’aboutir
à une compréhension fine du phénomène observé. Il s’agissait donc de garantir une exhausti-
vité et de pouvoir identifier, pour les dix entrepreneures interrogées, les motivations pour la créa-
tion de leurs entreprises et toutes les dimensions et sous-dimensions de la RCE. Les entrepre-
neures identifiées faisaient toutes partie du même club de femmes entrepreneures1 que nous
avons contribué à créer en 2006. Notre rencontre avec le cas pilote a été déterminante dans la
constitution de notre échantillon. Le cas pilote « permet de déterminer la composition et la taille
de l’échantillon de cas qui dépendent des conditions de réplications littérales et théoriques et de
l’ampleur des différences entre la théorie et l’observation » (Royer et Zarlowski, 2003, p. 219). Ce
cas pilote est une multi entrepreneure qui poursuivait le projet de créer un club de femmes entre-
preneures. Après plusieurs échanges avec cette créatrice, nous faisons officiellement naître le
club en juin 2006. Cette organisation poursuit trois activités majeures que sont la mise en place
d’une réunion mensuelle, le développement de voyages d’études afin de découvrir d’autres
cultures entrepreneuriales féminines, et la création d’événements autour de l’entrepreneuriat des
femmes. Il est très important de retenir que ce club ne pratique pas d’accompagnement, mais
ambitionne principalement de promouvoir et soutenir l’entrepreneuriat des femmes.
Dans le cadre de cette recherche, notre implication dans le club de femmes entrepre-
neures, a été utile pour construire un rapport intense avec le terrain. En effet, nous avions l’occa-
sion de rencontrer fréquemment les dix créatrices au cours des réunions mensuelles organisées
par le réseau de femmes entrepreneures. Il nous était ainsi permis de mener des observations et
des entretiens « spontanés », par opposition aux entretiens « formels » que nous avons conduits.
Ces entretiens « spontanés » furent très précieux pour la recherche. Les informations recueil-
lies à cette occasion étaient consignées et reprises par la suite, au cours des entretiens « for-
mels ». Les observations et entretiens « spontanés » ont enrichi le matériau de cette recherche.
Les échanges informels ont été très nombreux : nous avons en effet mené une vingtaine d’en-
tretiens spontanés avec chaque femme entrepreneure interrogée, ce qui représente approxima-
tivement 200 entretiens spontanés. Au côté de ces échanges, nous avons conduit 26 entretiens
formels, lesquels ont été enregistrés et ont fait l’objet d’une retranscription intégrale. Dix entre-
tiens de validation avec les entrepreneures ont été proposés lors de la phase finale de l’ana-
lyse. Il était demandé aux créatrices de commenter l’analyse et de soumettre des éléments

1. Il est à noter que le club de femmes entrepreneures a été intégré dans l’ouvrage de Gagliardi et Montay (2007).

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supplémentaires, susceptibles d’éclairer la définition de la RCE. Il faut noter que toutes les
entrepreneures ont témoigné de la complétude des résultats, ne procédant à aucun ajout ni à
aucune suppression. Au total, nous avons conduit 36 entretiens, lesquels représentent environ
70 heures d’enregistrement2. Six femmes ont été interrogées à trois moments différents. Deux
autres femmes ont été interrogées à quatre moments différents et deux femmes ont été interro-
gées à cinq moments différents.
En cohérence avec notre stratégie de recherche, nous avons conduit des entretiens qui
débutaient par une question ouverte sur la réussite, accordant une place prépondérante à l’inat-
tendu, à la nouveauté et à la découverte (Strauss et Corbin, 2004). Nous avons ainsi pu faire

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émerger les dimensions de la RCE que nous avons validées lors des entretiens suivants, les-
quels étaient alors semi-directifs. À travers ce processus, la saturation théorique a pu être obte-
nue (Glaser et Strauss, 1967). Elle est obtenue à partir du moment où le chercheur ne trouve plus
d’informations supplémentaires capables d’enrichir la théorie (Glaser et Strauss, 1967). Il est à
noter que le cas pilote a été utilisé à des fins exploratoires et confirmatoires, parachevant ainsi la
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saturation théorique de la recherche.

4.3. L’analyse des données


La stratégie de la théorie enracinée encourage le chercheur à débuter l’analyse dès le
premier entretien, ceci afin de faire émerger immédiatement les catégories et par la suite de pou-
voir les approfondir en retournant sur le terrain (Glaser et Strauss, 1967). Nous avons ainsi fait
émerger les catégories à partir des données issues du terrain (Glaser et Strauss, 1967). Cette
démarche rejoint notre positionnement théorique qui est de ne pas inscrire la RCE dans une
vision préétablie mais au contraire de laisser aux femmes la possibilité de définir leurs propres cri-
tères. La première étape du processus de codage a été de procéder à une lecture flottante afin
de pouvoir avoir une idée générale des données et de mettre en évidence les premiers codes
pertinents. Nous avons ensuite débuté le codage en rattachant chaque unité de sens à un code.
Nous inscrivant dans la méthode de la théorie enracinée, nous avons fait évoluer le codage tout
au long de l’analyse (Glaser et Strauss, 1967) : certains codes qui décrivaient la même réalité
ont notamment été supprimés tandis que d’autres ont été fragmentés. Cette étape nous a per-
mis de dégager 32 codes (pour exemple, nous avons identifié les codes suivants : garder les
vieux métiers, être un modèle, vivre une expérience, apporter du bien-être, reconnaissance du
conjoint). Par la suite, nous avons regroupé ces codes de premiers niveaux (appelé également
nœuds libres) en un nombre plus restreint de codes, appelés méta codes (ou nœuds hiérar-
chiques). Nous avons ainsi pu faire émerger les concepts (9 dimensions de la réussite), les pro-
priétés (22 sous-dimensions) et les indicateurs (les verbatim associés) de la réussite de la car-
rière entrepreneuriale.
La stratégie de la théorie enracinée encourage le chercheur à débuter l’analyse dès le
premier entretien, ceci afin de faire émerger les catégories et de pouvoir ainsi les approfondir et
les valider leur intérêt lors des suivants. Une démarche similaire a été menée pour analyser les
motivations et les perceptions de la RCE des femmes entrepreneures. Toutefois, si les motiva-
tions ont été analysées à partir des dix premiers entretiens, nous avons mobilisé les 36 entre-
tiens pour l’analyse de la RCE. L’utilisation du logiciel d’analyse de données qualitatives, NVivo8,
a permis d’automatiser le traitement des données et de gagner en rigueur d’analyse.

2. Et 644 pages de transcription.

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l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 1, vol. 14, 2015

5. Les résultats de la recherche


L’entrepreneuriat s’inscrit dans la dynamique de la carrière professionnelle des individus.
En effet, les créatrices avaient toutes une expérience professionnelle en tant que salariée, plus
ou moins conséquente (quatre années pour la créatrice la plus jeune de l’échantillon et vingt-huit
années pour la plus âgée). Ainsi le regard que les créatrices portent sur leur situation profession-
nelle antérieure a une influence sur leur façon de percevoir leur réussite. Aussi et afin de mieux
comprendre la réussite telle qu’elle est définie par les entrepreneures interrogées, nous propo-
sons d’appréhender les éléments qui les ont motivées à se lancer dans une carrière entrepreneu-
riale avant d’exposer les dimensions de la RCE.

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5.1. Le choix d’une carrière entrepreneuriale
Le choix d’une carrière entrepreneuriale est motivé par une pluralité de mobiles, mêlant
les facteurs liés à l’organisation et les éléments inhérents à la sphère personnelle.
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5.1.1. L’influence des facteurs liés à l’organisation


Ce premier ensemble de motivations se réfère aux facteurs liés à l’organisation dans
laquelle les femmes se trouvaient avant leur entrée dans une carrière entrepreneuriale.

5.1.1.1. Des désaccords importants avec l’organisation


Des différends avec l’organisation professionnelle dans laquelle évoluent les femmes
interrogées peuvent être à l’origine du souhait de se tourner vers l’entrepreneuriat.
Il peut s’agir de désaccords afférents à la quantité de travail demandée, à la pression
trop importante supportée par l’individu ou encore à la rigidité du fonctionnement des entreprises
dans lesquelles travaillaient les femmes.
« À l’hôpital, je ne me sentais plus à ma place parce qu’on passait trois heures
avec les patients et six ou sept heures avec les papiers […] il faut faire un maximum
de soins pour rentabiliser l’entreprise hôpital et il n’y a absolument plus de place
pour ce qui ne rapporte pas d’argent c’est-à-dire l’écoute et l’humain » (Sylvaine).
Un conflit de valeurs entre l’organisation professionnelle et l’individu peut également
constituer une source de motivation majeure.

5.1.1.2. Le manque de reconnaissance


Le manque de reconnaissance professionnelle agit comme un véritable catalyseur de
sortie d’une carrière salariale, comme le montre le verbatim ci-dessous :
« À l’époque je me suis dit : “moi c’est fini je ne veux plus m’investir pour des
imbéciles qui ne veulent pas reconnaître la professionnelle que je suis” » (Valérie).
Cette motivation renvoie également à la discrimination subie par les femmes sur le mar-
ché du travail, notamment au moment de la maternité :
« Quand j’ai eu mes enfants je n’ai pas eu d’augmentation de salaire […] j’étais
en grossesse avec menace d’accouchement prématuré. Je travaillais quand
même alors que j’aurais dû être en arrêt de travail. Donc, il y a vraiment une réa-
lité, il faut se battre quand on a ses enfants » (France).

105
Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 1, vol. 14, 2015

5.1.1.3. La santé en question


Les ennuis de santé qui apparaissent au cours de l’expérience de travail précédant l’en-
trée dans l’entrepreneuriat sont perçus par les femmes interrogées comme un signal de malaise
professionnel. À la suite d’un souci de santé, une occlusion intestinale, Célia décide de créer son
entreprise :
« L’élément déclencheur a été mon occlusion intestinale et sur le lit d’hôpital, j’ai
dit “j’arrête tout et je crée ma société” » (Célia).
La créatrice la plus jeune de l’échantillon relate, elle aussi, des ennuis de santé qui la

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poussent à reconsidérer sa situation professionnelle :
« En fait, je me suis rendu compte que je ne m’épanouissais pas du tout dans le
montage. […] J’étais souvent malade ou pas très en forme […] Donc, il y a un
moment où c’était, je n’irais pas dire vital, mais il fallait que je change aussi par
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rapport à ma santé, sans parler de problèmes graves » (Suzie).

5.1.1.4. La lassitude professionnelle


La lassitude professionnelle, éprouvée par les personnes interrogées, constitue égale-
ment un facteur de motivation ; notons que la lassitude n’est pas réservée aux femmes dont l’ex-
périence professionnelle est la plus conséquente. Qu’elles aient 30 ou 45 ans, les femmes inter-
rogées relatent leur besoin de « mouvement » et de « changement ».
« J’ai travaillé pendant 6 ans en radio et j’éprouvais vraiment une très grande las-
situde ; mon dernier poste était une radio à Brest, je n’en avais pas fait complè-
tement le tour mais malgré tout je m’y ennuyais en fait » (Christelle).
Il est certain que les mobiles liés à l’organisation ne revêtent pas une portée analogue.
Nous observons, en effet, que le manque de reconnaissance, les désaccords avec l’organisation,
et les problèmes de santé sont évoqués comme des éléments importants, déclencheurs de l’en-
vie de se mettre à son compte alors que la lassitude professionnelle arrive en soutien à d’autres
types de motivations, inhérents à l’organisation, mais également aux aspirations personnelles.

5.1.2. L’influence des facteurs liés à l’individu


Les souhaits d’épanouissement et de liberté professionnels constituent les deux facteurs
de motivation liés à l’individu.

5.1.2.1. L’épanouissement professionnel


Les velléités d’épanouissement professionnel constituent l’un des attraits majeurs pré-
pondérants de l’entrée dans l’entrepreneuriat. Afin d’affiner la nature de ce facteur motivation-
nel, nous avons distingué trois sous-groupes : le premier renvoie à la passion et à la créativité,
le deuxième se réfère aux besoins personnels de la créatrice tandis que le troisième évoque la
recherche de plaisir professionnel.

5.1.2.2. Passion et créativité


Plusieurs des femmes ont exprimé le souhait d’investir leur domaine de créativité et de
passion dans leur activité indépendante.

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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 1, vol. 14, 2015

« C’est en train de rejoindre, je dirais, une autoroute qui était là depuis beaucoup
plus longtemps, celle de l’enfance et de l’envie de devenir architecte d’intérieur
ou océanographe » (France).
La situation d’Élisabeth est significative. Ancienne secrétaire, elle décide en 1997 d’inté-
grer une formation de couture afin de faire ce qui lui plaît. Elle est, par la suite, salariée dans ce
domaine, mais cela ne suffit pas à combler son besoin de créativité :
« J’étais salariée et quand même assez restreinte sur le plan professionnel. J’ai
donc rencontré des personnes qui m’encourageaient à m’installer et finalement,
il était grand temps que je travaille dans mon domaine de créativité » (Élisabeth).

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5.1.2.3. La concrétisation des besoins personnels de la créatrice
La création d’entreprises peut également relever d’une dynamique personnelle qui
amène les individus à créer une activité en rapport avec leurs besoins propres. À l’image
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de France qui a imaginé le projet alors qu’elle recherchait des solutions pour l’aménagement
de sa maison. Revenue en Bretagne à la suite d’un licenciement, cette ancienne ingénieure
débute la rénovation de sa maison secondaire qu’elle souhaite transformer en résidence prin-
cipale. C’est en recherchant des matériaux originaux pour sa maison qu’elle a l’idée de créer
une entreprise autour de la mosaïque d’art. Cette volonté de créer des prestations en réponse
à leurs besoins se retrouve chez la plupart des créatrices. Soulignons que cette envie participe
du souhait de proposer des biens ou services considérés comme suffisamment rares (selon
les femmes interrogées) pour qu’apparaisse la nécessité d’envisager la création d’une activité
dans ce domaine.
« Je me suis dit, je vais créer une entreprise qui répond à un besoin auquel on ne
répond pas actuellement. Mon travail quotidien, c’est de répondre à des besoins
auxquels les autres ne répondent pas » (France).

5.1.2.4. La recherche de l’hédonisme


La recherche de plaisir professionnel est inéluctablement consubstantielle aux deux
autres types de motivation que nous venons d’évoquer. Le souhait d’œuvrer dans son domaine
de créativité ou de créer des produits ou services en accord avec ses besoins personnels
conduira, en effet, les créatrices à intégrer le plaisir dans leur démarche de création. On note
même, dans certains cas, que la quête de plaisir professionnel est un facteur déclencheur.
« Les femmes, on va aller vers quelque chose qui nous comble, en se trompant
parfois, mais on va plus aller vers l’entrepreneuriat du plaisir d’être. […] Il y a l’en-
trepreneuriat du 2e millénaire, de la position sociale. Et il y a celui du 3e millénaire,
du plaisir, de la conviction, de l’axe d’identité » (Sylvie).

5.1.2.5. La liberté professionnelle


La liberté professionnelle (gestion du temps et autonomie professionnelle) constitue éga-
lement une motivation pour créer une entreprise. La gestion de son temps est le plus souvent
citée par les créatrices ayant des enfants.
« Chez les femmes, il y a cette envie de liberté, de maîtriser un emploi du temps »
(Sylvie).

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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
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L’entrepreneuriat leur permet d’assurer une flexibilité importante dans les horaires. En
revanche, l’autonomie professionnelle qui se réfère au fait d’être son propre chef et de maîtriser
tout le processus décisionnel concerne toutes les répondantes.
Force est de reconnaître que les contraintes sont nombreuses sur le chemin de la créa-
tion d’entreprises ; toutefois, celles-ci ne sont alors plus imposées par une autorité supérieure,
mais sont gérées par la créatrice.
« Pour moi c’est important de pouvoir gérer mon planning […] en tout cas de
mettre les contraintes là où j’ai envie de les mettre, dans un maximum de pos-
sibilités » (Suzie).

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L’entrepreneuriat doit donc permettre de disposer d’une plus grande liberté profession-
nelle que les femmes semblent apprécier et considérer comme l’un des atouts majeurs de la
création d’entreprises.
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5.1.3. Conclusion sur les motivations : des facteurs multiples et ancrés dans les sphères
personnelle et professionnelle des créatrices
L’analyse des entretiens fait donc émerger la combinaison de motivations liées à l’orga-
nisation professionnelle et aux aspirations plus personnelles. Les facteurs conduisant à la déci-
sion sont afférents aux valeurs personnelles, à une passion pour l’activité, à des désaccords
sur le plan éthique avec l’organisation dans laquelle elles se trouvaient, à un manque de recon-
naissance, à un sentiment de lassitude professionnelle et à un désir de liberté professionnelle.
L’expérience du terrain fait apparaître de manière évidente que les femmes créent un projet en
rapport avec ce qui les anime profondément comme le souligne justement Gabrielle : « Je décide
de faire un travail qui me plaît et que j’aime. On est davantage dans l’accomplissement person-
nel. » C’est certainement aussi la raison du changement d’activité puisque nous notons que la
plupart des créatrices interrogées ont entrepris dans un secteur complètement différent (sept
créatrices sur dix) de celui dans lequel elles évoluaient auparavant. Il est à noter qu’une étude de
l’APCE de 2007 révèle que la moitié des femmes entrepreneures ont entrepris dans un secteur
complètement différent de celui dans lequel elles évoluaient auparavant.
Selon la créatrice la plus jeune de l’échantillon, les femmes créent dans une autre acti-
vité « parce qu’elles écoutent plus leurs propres besoins dans ce qu’elles ont envie d’être et de
faire. Moi je verrais plus les choses comme ça, faire les choses en accord avec ce qu’elles sont »
(Suzie). À la suite des résultats proposés par Mainiero et Sullivan (2005) et Cabrera (2007), il sem-
blerait que les femmes qui se lancent dans la carrière entrepreneuriale tendent toutes à intégrer la
recherche de l’authenticité, quels que soient leur âge et leur expérience professionnelle.

5.2. Les éléments de la réussite


Nous rappelons que nous nous intéressons à la réussite de carrière à partir d’une
approche subjectiviste ; en ce sens, nous n’avons pas déterminé préalablement les critères de la
réussite mais avons laissé à l’entrepreneure le soin de les définir elle-même.
Les réponses des dix répondantes ont permis d’identifier les dimensions de la RCE.
Deux grandes catégories d’éléments inhérents à la question de la RCE ont émergé, avec :
•• les éléments de la réussite du point de vue personnel ;
•• les éléments de la réussite du point de vue sociétal.

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L’analyse de nos données a permis de proposer un cadre d’analyse multidimensionnel


de la RCE des femmes présenté ci-dessous. Nous revenons ensuite sur chacune des dimen-
sions identifiées dans notre recherche.

Tableau 1. Les dimensions de la réussite selon les créatrices

Dimensions Sous-dimensions
Équilibre de la vie personnelle et Gérer l’amplitude horaire
de la vie professionnelle Instaurer une sérénité dans la vie de famille
Reconnaissance de l’entourage Être reconnue par le conjoint

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Être reconnue par les amis
Être reconnue par la famille
Les éléments de la
Développement de soi-même et S’affirmer
réussite d’un point de
de ses compétences Acquérir une sagesse
vue personnel
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S’épanouir
Développer la confiance en soi
Oser
Critères économiques Dégager un revenu suffisant pour
l’entrepreneure
Développer une croissance responsable

Apport du bien-être aux clients Faire en sorte que les clients soient heureux
Travail sur le sens de sa Œuvrer pour les générations futures
profession Préserver les savoir-faire territoriaux
Instaurer une démarche éthique à tous les
niveaux de l’entreprise
Les éléments de la Insufflation de l’esprit Être un exemple pour les jeunes
réussite d’un point de d’entreprise
vue sociétal Être un modèle pour les femmes
Participation au développement Travailler en partenariat avec des femmes
économique des femmes Recruter des femmes
Création de stratégies de Créer des partenariats avec d’autres
collaborations entreprises
Instaurer un management collaboratif

5.2.1. Les éléments de la réussite du point de vue personnel


D’un point de vue personnel, la réussite est évaluée à partir de critères purement sub-
jectifs comme le développement de soi, le fait d’être reconnue par son entourage, l’atteinte de
l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La réussite s’évalue également à la lumière de
critères objectifs inhérents au revenu dégagé par l’entreprise.

5.2.1.1. Atteindre un équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle


Les créatrices ont à cœur de ne pas se laisser piéger par l’amplitude horaire qu’offre
l’entrepreneuriat. En effet, si elles peuvent ainsi gérer leur emploi du temps comme elles le sou-
haitent, le risque de consacrer tout son temps à l’entreprise constitue, en quelque sorte, l’ef-
fet « pervers » de cette nouvelle liberté professionnelle. Prise en compte dans les raisons qui
poussent les femmes à créer une entreprise, l’atteinte de l’équilibre entre vie personnelle et vie
professionnelle est appréhendée comme un élément de la RCE.
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Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
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« C’est clair, je me suis installée en libérale avec l’idée que ce n’était pas grave
si je gagnais moins d’argent, il n’était pas question que je me fasse des plan-
nings pas possibles, il fallait que ce soit confortable. […] L’avantage est que cela
a entraîné une sérénité dans la vie de famille. […] Il faut que je trouve l’équilibre
entre le professionnel et le personnel » (Sylvaine).
Les créatrices qui ont des enfants remarquent que la charge de travail imputable à leur
entreprise est parfois difficile à concilier avec leur souhait de se rendre disponible pour eux.
« Si tu passes ton temps à vouloir être avec tes enfants, ton entreprise elle ne va
pas fonctionner non plus. Donc, il faut trouver le juste milieu » (Gabrielle).

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5.2.1.2. Être reconnue par l’entourage au cœur du sentiment de réussite
Pour les entrepreneures, un des éléments de la réussite réside dans la reconnaissance
qu’elles vont obtenir de leur entourage. Elles témoignent, en effet, des attentes qu’elles nour-
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rissent à l’égard de leurs relations proches :


« Ma famille me dit “on est fiers de toi, tu es vraiment la seule à avoir mis en place
ce projet, à l’avoir fait naître jusqu’à son aboutissement” » (Élisabeth).
« Parce que je n’ai pas qu’un besoin de reconnaissance de mon activité sur le
marché. Ma plus belle réussite sera que mon mari soit content et fier d’être avec
moi […] heureux de ce que j’aurai fait » (France).
« Je sais que j’ai recherché la reconnaissance a posteriori de mon père et mon
époux » (Sylvie).
Il peut paraître surprenant de constater que la reconnaissance de l’entourage est plus
souvent évoquée que la reconnaissance des clients, pour aborder la réussite entrepreneuriale.

5.2.1.3. Progresser dans le développement de soi


L’item inhérent au développement de soi est nettement plus fourni que les trois autres,
en ce qui concerne les éléments de la réussite d’un point de vue personnel.
Les créatrices soulignent l’importance de l’« avoir fait » et ainsi d’avoir concrétisé une
envie professionnelle. Le passage à l’acte d’entreprendre constitue donc déjà un premier niveau
de réussite. L’entrepreneuriat s’apparente à un véritable « acte de libération » qui permet aux
entrepreneures d’exprimer tout ce qu’elles sont, leur nature profonde.
« Pour moi, réussir c’est d’avoir contrôlé et maîtrisé la naissance, la vie et la fin
de ce que j’avais à créer. C’est aussi, avoir pu prospérer financièrement. En ce
sens, ce serait un deuxième niveau. […] Comme si réussir c’était réussir à s’of-
frir ce rêve-là » (Sylvie).
« Je suis passée à l’acte, j’ai osé. Cela se résume à ça et c’est énorme. […]
Je me suis libérée de ma prison. […] Je pense que je ne me limite plus du tout
comme avant » (Sylvaine).
« La satisfaction d’avoir fait ce que j’avais envie dans un univers qui me plaît,
d’avoir accompli un parcours personnel et professionnel. Ce n’est pas parce
qu’on arrête, qu’on est en état d’échec » (Élisabeth)

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Les créatrices interrogées mettent en avant des éléments d’appréciation subjectifs. Le


sentiment de développement de soi semble se situer à la croisée des apprentissages nouveaux
développés dans l’entrepreneuriat. Maturité, sagesse et affirmation de soi sont ainsi évoquées
par les entrepreneures qui révèlent également avoir vécu une expérience enrichissante à plu-
sieurs niveaux.
« J’ai évolué au niveau maturité et sagesse. Je suis plus zen. Je suis peut-être
moins en attente des autres, enfin je sais que je peux me débrouiller toute seule.
La confiance en soi s’est élevée » (Célia).
« Trois ans après, je m’aperçois que j’ai beaucoup travaillé sur moi et je me suis

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bien développée. […] Elle [la réussite] est dans le développement de soi-même,
dans l’estime de soi, dans l’estime de ses compétences. […] Cela m’a appris
à me positionner ; à dire non à des choses qui ne me convenaient plus. Quel
chemin ! C’est une réussite dans l’épanouissement de soi. Cette expérience de
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création me permet de dire que, quelque part, j’ai réussi ma vie » (Françoise).
« Si demain cela ferme, je ne le vivrai pas comme un échec. J’aurai fait des
choses qui m’auront fait progresser, avancer et qui m’auront appris à faire les
choses différemment dans ma vie au quotidien » (Suzie).
Les entrepreneures recherchent ainsi à faire croître leur employabilité et tentent de tirer
au maximum les bénéfices de cette expérience. Celle-ci n’est pas seulement analysée en termes
de savoir-faire, mais concerne également les savoir-être : l’épanouissement, la maturité, la séré-
nité et la sagesse.

5.2.1.4. Une réussite économique à redéfinir


Les critères économiques jouent également un rôle dans la définition de la réussite entre-
preneuriale. Ceux-ci renvoient au souhait des entrepreneures de développer une clientèle et de
dégager un revenu correct de leur travail. Loin d’avoir des ambitions économiques importantes,
les femmes interrogées notent vouloir gagner correctement leur vie afin de pouvoir honorer les
dépenses de la vie quotidienne sans difficulté.
« Mes points de repère ils sont là, c’est-à-dire que je veux pouvoir payer ma
maison sans problème, faire mes travaux sans problème, partir en vacances
sans problème et élever mes enfants. Et manger, pas forcément du low cost »
(France).
« C’est le jour où tu vis de ton activité, que tu vis correctement de ton activité
et ce cela va te payer tes factures, ta maison, nourrir tes enfants et partir en
vacances, là je serais super fière. Là j’aurais réussi. Pour moi c’est à ça que je
veux arriver. » (Gabrielle)
Aucune évocation de la croissance et du profit n’est proposée par les entrepreneures.
Les ambitions économiques sont donc évaluées du point de vue personnel et de celui de l’en-
treprise. Par ailleurs, les répondantes témoignent de leur souhait de développer une croissance
responsable, comme le souligne Sylvie :
« Pour moi, le chiffre d’affaires d’une entreprise n’est plus un critère d’évaluation
des entreprises. Ce n’est pas le critère de santé d’une entreprise. Il y a d’autres
critères à prendre en compte et si l’on fait encore des modèles de performance
en se basant sur celui qui fait le plus d’argent on est encore dans la compétition.
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Alors que les femmes ne font pas cela. Elles sont dans la prospérité d’elle, de
leurs salariés. […] Pour moi, la réussite elle est dans la joie, la créativité. […] Ce
n’est pas le tout d’avoir une entreprise qui fait des millions de bénéfices et qui
rechigne à acheter des fauteuils corrects à ses employés. La réussite est à redé-
finir. C’est le bien-être au travail, la santé au travail, la créativité, l’innovation, l’ab-
sence de stress. Tout ce qui est très coûteux dans la société. »
La prise de conscience par les FE de la nécessité d’instaurer de nouveaux critères de
réussite économique contribue à un changement de paradigme sur le rôle dévolu à l’argent
dans le processus entrepreneurial. Les répondantes ne remettent pas en question la nécessité

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pour l’entreprise d’être rentable, mais dans leur conception, l’argent devient un moyen et non
un objectif à atteindre.

5.2.2. Les éléments de la réussite du point de vue sociétal


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Les créatrices interrogées rapportent d’autres critères pour attester de leur réussite.
Ceux-ci font référence à l’impact que les femmes souhaitent avoir sur la société, au travers de
leur entreprise. Les entretiens ont, en effet, révélé une grande préoccupation des entrepreneures
pour les aspects sociétaux qu’elles entendent intégrer dans leur définition de la réussite de car-
rière entrepreneuriale.

5.2.2.1. Apporter un mieux-être à ses clients


La notion de bien-être pour soi, mais plus encore pour les clients, se révèle d’une grande
importance aux yeux des femmes interrogées. Celles-ci témoignent de la satisfaction person-
nelle qu’elles retirent lorsqu’elles perçoivent que le sens de leur travail est compris et apprécié
par leurs clients : « Réussir mon activité, c’est faire en sorte que les gens qui sortent de chez moi
soient beaucoup mieux que quand ils y sont entrés » (Suzie).
« Un homme, c’est par le côté financier qu’il trouvera qu’il a réussi. La femme
c’est parce qu’elle aura fait quelque chose de beau, qui va plaire, qu’elle va se
sentir avoir réussi » (Élisabeth).
« Je suis là pour gagner de l’argent mais je ne veux pas le gagner à n’importe
quel prix. Je veux le gagner en faisant partager mon enthousiasme du voyage
aux gens » (Françoise).
Il est intéressant de relever que le souhait d’apporter du bien-être n’est pas exclusi-
vement réservé aux entreprises des secteurs du service à la personne. Ainsi, France qui est
mosaïste d’art et décoratrice d’intérieur souligne son envie d’œuvrer pour le développement per-
sonnel de ses clients :
« Et quand je vois mes clients, le plaisir qu’ils peuvent avoir avec leurs mosaïques.
[…] Donc cette démarche d’accomplissement personnel s’accompagne d’une
envie de communiquer cet accomplissement à mes clients » (France).

5.2.2.2. Mettre en sens sa démarche entrepreneuriale


Travailler sur le sens de son action semble constituer un critère tout aussi important de
réussite. Les entrepreneures interrogées poursuivent le but d’œuvrer pour les générations sui-
vantes qui travailleront dans leur domaine.

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« Dans 15 ans ou dans 20 ans, la réussite sera de partager des connaissances


et d’avoir fait comprendre au plus grand nombre qu’il existait d’autres possibili-
tés de soin » (Suzie).
La préservation des savoir-faire est également un critère d’ancrage de la réussite des
entrepreneures. En témoigne Élisabeth :
« C’est une passion, c’est un vieux métier qui devrait continuer à vivre. […] Les
vieux métiers gagnent à être reconnus aujourd’hui, il est grand temps parce que
nous sommes en train de tout perdre : les tisseurs, les dentellières » (Élisabeth).

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Enfin, les créatrices souhaitent respecter une éthique qui se retrouve aussi dans le circuit
de fabrication et de distribution des produits qu’elles commercialisent :
« Par rapport à l’éthique de l’entreprise, ce qui est important c’est de ne pas
travailler avec des entreprises qui délocalisent en Chine ou des entreprises qui
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font travailler des petits enfants, même si ça les fait vivre, mais ça je ne veux pas
entrer là-dedans. […] Travailler avec l’entreprise Sicis qui est entièrement travail-
lée par des artisans d’art est important » (France).
La réussite c’est donc, non seulement avoir engagé une mise en sens de son action
entrepreneuriale, mais également œuvrer afin de préserver les savoir-faire territoriaux et instaurer
une démarche éthique à tous les niveaux de l’entreprise.

5.2.2.3. Donner envie aux autres d’entreprendre


Dans la lignée de la quête de sens se trouve la volonté d’insuffler l’esprit d’entreprise,
prioritairement aux femmes et aux jeunes générations.
« C’est vraiment un de mes objectifs, non seulement de réussir mon entreprise et
de prouver qu’à tout âge, c’est possible de recommencer une vie » (Françoise).
« [Réussir] c’est avoir quelque chose de vivant qui évolue. C’est une entreprise
qui se vit dans le bonheur, qui donne envie aux autres de se réaliser à leurs
manières et dans leurs domaines. […] Mon objectif n’est pas d’être un modèle
mais d’être inspirante plutôt » (Sylvaine).
« Ce qu’il faut c’est que cela [mon entreprise] apporte à quelqu’un, à des enfants,
à des écoles, à ton entourage, aux clients aussi. […] Oui, il y a une mission der-
rière ça. Donc est-ce que c’est une continuité de la femme, ou est-ce que c’est
une continuité de l’entrepreneur ? » (France).

5.2.2.4. Œuvrer pour participer au développement économique des femmes


Un quatrième aspect constitutif de la réussite d’un point de vue sociétal est la participa-
tion au développement économique des femmes. Au regard de cet item, on perçoit le souhait
des créatrices de faire vivre leur rôle de citoyenne œuvrant en direction du déploiement écono-
mique de leurs consœurs.
« Actuellement, je développe la création d’une association pour venir en aide
aux femmes nomades. […] Ce que je veux absolument, c’est leur permettre de
subvenir à leurs besoins et qu’elles puissent faire quelque chose de leur vie »
(Françoise).

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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
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« Maintenant, si j’ai le choix, je ferai travailler une femme » (Célia).


« C’est important d’œuvrer pour les autres femmes qui suivent derrière » (Suzie).
Les créatrices interrogées témoignent d’une sensibilité importante en direction de l’essor
des femmes du point de vue économique. Qu’il s’agisse de travailler avec des femmes ou encore
de les aider afin qu’elles puissent exploiter leur savoir-faire, les entrepreneures manifestent à ce
sujet des ambitions socialement élevées.

5.2.2.5. Réussir à plusieurs

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En somme, et ce point parachèvera la présentation des éléments de la réussite d’un
point de vue sociétal, les résultats de l’analyse mettent en lumière la notion de partage.
« Mon rêve, vraiment, serait d’avoir un lieu assez grand où moi où il y aurait
d’autres personnes qui y travailleraient. Voilà, d’avoir vraiment des échanges »
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(Suzie).
« La notion de réseau avec les artisans d’art est importante et pour moi. […] Je
ne conçois pas ce projet comme le projet d’une personne unique, mais comme
le projet d’une personne au milieu d’un univers » (France).
Pour l’unique employeure de l’échantillon (France), le management collaboratif
qu’elle instaure lui permet de s’assurer d’un profond sentiment de satisfaction personnelle et
professionnelle.
« C’est ce que je viens de faire lorsque j’ai dit “ma collaboratrice”. Je n’ai pas dit
“mon assistante” mais je dis “ma collaboratrice, mon bras droit”. Je positionne,
j’encourage, je fais confiance. […] Pour moi, [le fait d’avoir une salariée] c’est
déjà une récompense en soi. J’en ai les larmes qui viennent. […] Au quotidien,
quand je viens ici, je suis plus contente de travailler en équipe que de travailler et
d’avoir accompli un super truc moi toute seule » (France).
La réussite de l’entrepreneure d’un point de vue sociétal se mesure donc à partir de ce
qu’elle aura pu apporter non seulement à ses clients, ses partenaires, ses collaborateurs, mais
également aux plus jeunes générations ainsi qu’aux femmes.
« Réussir, c’est une entreprise qui se tienne financièrement. Avec une chef d’en-
treprise qui arrive à mener à terme des projets qu’elle a envie de mener et que
ses clients lui demandent de mener. Qu’elle arrive à les mener avec une équipe
épanouie […] où chacun participe et se trouve bien à sa place » (France).

6. Discussion
Une définition de la RCE des femmes est présentée avant de discuter les résultats de la
recherche.

6.1. Proposition de définition de la RCE des femmes


À la suite de Anna, Chandler, Jansen et Mero (2000) qui constatent que les mesures
traditionnelles de la performance économique sont inopérantes pour saisir la RCE des femmes
entrepreneures, notre étude confirme que celles-ci s’appuient sur des éléments moins tangibles.

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l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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Les résultats montrent que la RCE repose sur l’atteinte d’un équilibre entre les vies per-
sonnelle et professionnelle, sur la reconnaissance de l’entourage, sur le développement de soi-
même et sur les résultats économiques. La RCE a également été appréciée par les créatrices à
travers les critères intrinsèques de la contribution sociétale : la participation au développement
économique des femmes, le fait d’offrir du bien-être au client, le travail sur le sens de sa profes-
sion, la volonté d’insuffler l’esprit d’entreprise ainsi que la création de stratégies de collaboration
en constituent des éléments déterminants.
L’analyse des entretiens a permis de révéler un lien ténu entre les motivations et les per-
ceptions de la réussite. En effet, l’équilibre de la vie personnelle et de la vie professionnelle est à

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mettre en corrélation avec la liberté professionnelle. Le manque de reconnaissance profession-
nelle peut amener les femmes à considérer que l’obtention de la reconnaissance de leur entou-
rage est un élément important dans l’évaluation de la RCE. Les perceptions des femmes quant
à la lassitude professionnelle participent à leur souhait de parvenir à un développement de leur
compétence. Quant aux critères économiques de la réussite, il semble que ces derniers soient
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liés à la quête d’épanouissement personnel des femmes. La volonté d’intégrer leur passion et
de répondre à un besoin personnel en se faisant plaisir est en effet concomitante du souhait
des femmes d’atteindre un seuil économique satisfaisant mais sans pour autant rechercher une
croissance élevée. Ces trois éléments de motivations ainsi que les désaccords avec l’organisa-
tion sont à mettre en relation avec les critères de réussite concernant le travail sur le sens de sa
profession et l’insufflation de l’esprit d’entreprise. Les créatrices qui ont vécu des désaccords
importants avec leur ancienne organisation, en termes de valeurs par exemple et qui souhaitent
s’épanouir professionnellement vont considérer que la réussite de leur carrière se définit à l’aune
d’un travail sur le sens de leurs actions et en parvenant à insuffler l’esprit d’entreprise. Quant à
la motivation concernant la santé des femmes, celle-ci influence leur souhait d’apporter du bien-
être aux clients. Par ailleurs, la participation au développement économique des femmes consi-
dérée comme un critère de la réussite est à rapprocher du manque de reconnaissance profes-
sionnelle qu’elles ont perçu dans leur ancienne vie professionnelle. Enfin, la création de stratégies
de collaboration doit être associée aux désaccords avec leur ancienne organisation et à leur
quête d’épanouissement.
Force est de constater que la réussite est multidimensionnelle puisqu’elle intègre non
seulement le développement de l’entrepreneure, mais également celui de l’entreprise ainsi que
le fait d’avoir contribué au développement des autres lesquels sont représentés par les clients,
les futur(e)s entrepreneur(e)s, les femmes, les jeunes, les partenaires, les fournisseurs et les sala-
riés. L’analyse des résultats met donc en évidence l’importance de la valeur sociétale créée
par les entrepreneures. Une des créatrices témoigne d’ailleurs : « La réussite de l’entreprise est
quand tu parviens à jongler avec tes rôles et en même temps tu apportes une contribution socié-
tale » (Cas A4). Trop souvent omis dans les études qui explorent davantage la mesure objective
de la carrière entrepreneuriale, les éléments comme le développement de ses compétences ou
encore la contribution sociétale sont d’un intérêt suffisamment important (selon les créatrices)
pour pouvoir être intégrés dans la RCE.
La RCE se présente donc comme une notion complexe, englobante et multidimension-
nelle. L’analyse empirique a permis de faire émerger neuf dimensions et vingt-deux sous dimen-
sions que nous proposons de réunir sous quatre grandes sphères. La RCE est le résultat des
expériences vécues par l’entrepreneure qui concernent les niveaux personnel, familial, écono-
mique et sociétal. Puisque la perception de la RCE est propre à chaque individu, nous admet-
tons que c’est à l’entrepreneure de définir les éléments constitutifs de sa RCE et ce que signi-
fient, pour elle, les contributions de l’entrepreneuriat aux niveaux personnel, familial, économique

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et sociétal. Pour les dix femmes interrogées, la RCE repose sur les neuf dimensions identifiées
mais on peut penser que d’autres dimensions apparaîtront et viendront ainsi enrichir le cadre
d’analyse de la RCE des femmes. Notre objectif de recherche est d’identifier les dimensions de
la RCE et conformément à l’approche retenue à savoir le fait de laisser les individus définir leurs
propres critères de RCE, nous admettons que d’autres recherches sont nécessaires afin d’affiner
et de compléter le cadre d’analyse. Ainsi, nous proposons une définition de la RCE sous forme
de matrice opérationnelle qui devrait justement permettre de poursuivre les travaux sur ce sujet.

Figure 1. Proposition de matrice opérationnelle pour définir la RCE

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SPHÈRE PERSONNELLE
- Développement
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de soi-même
- Travail sur le sens
de sa profession
- Reconnaissance
de l’entourage

SPHÈRE SOCIÉTALE
- Apport du bien-être
SPHÈRE FAMILIALE
- Insufflation de l’esprit - Equilibre des vies
d’entreprise professionnelle et personnelle
- Participation au développement RCE
économique des femmes
- Création de stratégies
de collaboration

SPHÈRE ECONOMIQUE
- Critères économiques

6.2. Discussion
Cette recherche ambitionne de répondre à l’appel lancé par la communauté académique
pour développer des travaux visant à définir au mieux la réussite des entrepreneures (Anna,
Chandler, Jansen et Mero, 2000 ; Powell et Eddleston, 2008). D’aucuns, à partir d’approches
principalement quantitatives, avaient en effet insisté sur la nécessité de considérer d’autres fac-
teurs de réussite (Buttner et Moore, 1997 ; Anna, Chandler, Jansen et Mero, 2000 ; Eddleston
et Powell, 2008). Mobilisant le concept de réussite de carrière, nous inscrivons également cette
étude dans le prolongement de la suggestion des auteurs qui insistent sur la nécessité de mener
des recherches qualitatives afin d’explorer les critères subjectifs que les individus mobilisent pour
évoquer leur propre réussite de carrière (Arthur, Khapova et Wilderom, 2005 ; Gunz et Heslin,
2005). Il demeure en effet un manque important de travaux empiriques sur la façon de mesu-
rer la réussite subjective de la carrière, ce malgré l’appel de la communauté académique (Pan
et Zhou, 2015).
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Comme nous l’avons souligné précédemment, peu de recherches ont étudié la réussite
subjective des femmes entrepreneures et ces dernières ont mobilisé une méthodologie quantita-
tive. Buttner et Moore (1997) qui interrogent des femmes entrepreneures ayant occupé aupara-
vant des postes à responsabilité étudient la réussite à partir de six critères prédéfinis. Leur étude
conclut que les femmes entrepreneures évaluent leur réussite à partir tout d’abord de la réalisa-
tion de soi puis de l’atteinte de leurs objectifs. Les indicateurs économiques arrivent en troisième
et quatrième position avec le profit et la croissance. L’atteinte d’un équilibre entre les vies pro-
fessionnelle et personnelle arrive en cinquième position, et enfin le fait d’apporter une contribu-
tion sociale est perçu comme le critère le moins important. Notre étude confirme l’importance
du développement de soi et clarifie ce que revêt exactement cette notion régulièrement mise

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en avant dans les recherches consacrées à la réussite des femmes entrepreneures mais rare-
ment étudiée en profondeur. À travers l’identification des cinq sous-dimensions que sont l’af-
firmation de soi, la sagesse, l’épanouissement, la confiance en soi et l’audace, nous pouvons
proposer une compréhension plus fine du développement de soi. En ce qui concerne l’équi-
libre entre les vies personnelle et professionnelle, ce critère a également été proposé dans notre
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recherche. En revanche, nous montrons que les indicateurs économiques retenus – le profit et la
croissance – ne semblent pas être les plus adaptés à la mesure de RCE de ces femmes entre-
preneures. En effet, celles-ci n’y font pas mention, mais retiennent plutôt des éléments d’appré-
ciation plus personnelle comme le fait de pouvoir dégager un revenu suffisant pour vivre correc-
tement. Il est donc notable que les indicateurs retenus pour attester de la réussite économique
devraient être modifiés ou du moins complétés. Notre recherche permet également de proposer
d’autres critères de réussite. Ainsi, la reconnaissance de l’entourage n’avait jamais été évoquée
pour justifier la réussite entrepreneuriale des femmes. De même que le travail sur le sens de sa
profession, l’insufflation de l’esprit d’entreprise, la participation au développement économique
des femmes et la création de stratégies de collaboration. Le développement d’une contribution
sociétale est proposé dans les recherches mais celles-ci ne précisent pas ce qu’elle implique. Or
notre étude met en lumière toute la richesse de cette notion considérée comme une dimension
importante de la réussite selon les femmes entrepreneures. Nos résultats se distinguent donc de
ceux mis en avant par Buttner et Moore (1997), la contribution sociale étant positionnée en der-
nière position dans leurs travaux. Il faut toutefois souligner que la démarche de recherche consis-
tant à interroger les femmes entrepreneures à partir de critères prédéfinis peut largement biaiser
la définition que celles-ci donnent de leur réussite de carrière entrepreneuriale (Arthur, Khapova
et Wilderom, 2005).
Peu nombreuses, les recherches qui ont étudié la réussite des femmes entrepreneures
en tentant d’intégrer des éléments d’appréciation plus subjectifs ont permis de modifier la vision
hégémonique de la réussite généralement définie à travers le prisme de la performance écono-
mique de l’entreprise. Toutefois, la définition que ces études retiennent de la réussite subjective
s’avère limitée. Elle renvoie notamment à la mesure de la satisfaction globale vis-à-vis de la réus-
site de l’entreprise (Eddleston et Powell, 2008) ou encore la satisfaction vis-à-vis du statut et des
relations avec les employés (Powell et Eddleston, 2012). Quant aux éléments objectifs, ceux-ci
se réfèrent toujours à l’entreprise, notamment au profit, à la croissance ou encore à la progres-
sion du nombre d’employés (Buttner et Moore, 1997 ; Eddleston et Powell, 2008 ; Powell et
Eddleston, 2012). Les résultats de notre étude invitent à étendre largement ces critères de réus-
site afin de proposer un cadre d’analyse multidimensionnel, à même de saisir davantage d’infor-
mations pour rendre compte de la nature complexe de la RCE.
Finalement, les entrepreneures appréhendent les aspects objectifs mais notons que
ceux-ci sont à relier aux éléments subjectifs. Comme nous l’avons constaté, la possibilité de

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dégager un revenu suffisant pour honorer les dépenses de la vie quotidienne ne relève pas d’une
démarche ambitieuse en termes de performance économique, mais ce critère est à mettre en
relation avec les éléments subjectifs. Nous constatons donc une grande cohérence entre la réus-
site d’un point de vue objectif et subjectif. Ce résultat permet de proposer de nouvelles voies
de compréhension concernant le paradoxe de la femme entrepreneure satisfaite développé par
Eddleston et Powell (2008). Ces deux auteurs avaient en effet montré que même si les entre-
prises qu’elles dirigent atteignent des niveaux de performances inférieurs, les femmes entrepre-
neures se déclarent aussi satisfaites de la réussite de leurs entreprises que leurs homologues
masculins. Ainsi, pour comprendre la réussite entrepreneuriale des femmes et éventuellement
mettre fin à ce paradoxe, il faudrait une définition plus inclusive des critères de mesure qui sont

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particulièrement valorisés par les femmes (Eddleston et Powell, 2008). Notre recherche, qui per-
met justement aux femmes de définir ce que représente pour elles la réussite de leur carrière
entrepreneuriale, fait apparaître une grande cohérence entre les résultats objectifs et la mesure
de la satisfaction des femmes entrepreneures.
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Les critères de la RCE considérés par les entrepreneures se rapprochent de ceux qui
ont été mis en avant dans les recherches sur les carrières contemporaines. Ainsi, les créa-
trices que nous avons interrogées cherchent à donner du sens à leur action, qu’elles inscrivent
dans un véritable projet de vie. La quête de sens a été largement développée par les sociolo-
gues (Ehrenberg, 1998), mais également par les chercheurs en sciences de gestion qui y voient
le fondement des nouvelles approches de la carrière (Cadin, Bender et Saint Giniez, 2000) dont
l’une des figures de proue serait l’entrepreneur postmoderne (Hernandez et Marco, 2006). Notre
recherche montre que les aspects subjectifs sont prépondérants dans la définition de la réus-
site de carrière proposée par les entrepreneures. Dans leur projet de carrière entrepreneuriale,
il ne s’agit plus seulement de gravir les échelons hiérarchiques et de prospérer économique-
ment, mais d’atteindre un équilibre personnel et professionnel. La recherche du succès psy-
chologique est manifeste dans le sens où le fait d’avoir pu choisir un projet et de l’avoir réalisé
constitue déjà un élément de la réussite selon les femmes entrepreneures. L’idée de vivre une
expérience contribuant au développement de ses compétences s’inscrit bien dans la démarche
de la Boundaryless Career (Arthur, Khapova et Wilderom, 2005). Les liens entre le champ de l’en-
trepreneuriat des femmes et celui des nouvelles carrières se trouvent donc ici réaffirmés.
Comme nous l’avons souligné, les théories de la carrière des femmes ont insisté sur
l’importance que celles-ci accordent à la préservation du lien, à l’inclusion de l’entourage dans
les décisions professionnelles et aux préoccupations à l’égard d’autrui (Gallos, 1989 ; Gilligan,
1982 ; Spain et Hamel, 1994). « Il y a cette notion extrêmement positive de ne pas faire cava-
lier seul c’est-à-dire d’emmener avec toi tout ton environnement microscopique et macrosco-
pique » déclare Mme LA (Cas A4). Eddleston et Powell (2008) observent que des études exami-
nant la relation entre les motivations des individus pour démarrer leur entreprise et leur définition
de la réussite pourraient améliorer la compréhension de la façon dont les entrepreneurs font
vivre leur valeur dans l’entreprise. Notre recherche montre en effet que la recherche d’authenti-
cité des femmes entrepreneures influence leur perception de la réussite. Dans le même temps,
ces éléments rendent compte de leurs valeurs personnelles qui sont résolument tournées vers
les autres. Les recherches mettent en évidence l’importance de considérer les éléments contex-
tuels et relationnels pour analyser la carrière des femmes. Ainsi, la réussite s’évalue à partir de
la préservation des relations avec les personnes (Gilligan, 1982 ; Spain et Hamel, 1994). La
volonté des femmes de contribuer au bien-être de leurs clients, des femmes et de leurs salariés
est manifeste de cette orientation relationnelle, de même que leur souhait d’être reconnues par
leur entourage. C’est sans conteste pourquoi les femmes entrepreneures accordent une grande

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importance au fait de créer des stratégies de collaboration ou de participer au développement


économique des femmes. En somme, elles souhaitent apporter une contribution positive à la
société. La réussite de la carrière entrepreneuriale implique donc pour les femmes de pouvoir uti-
liser leur expérience entrepreneuriale afin de faire progresser la société. Il faut noter que la sphère
sociétale regroupe quatre dimensions sur les neuf qui ont émergé dans la recherche.
La conception de la réussite de la carrière entrepreneuriale des femmes s’ancre finale-
ment dans la morale du care (Gilligan, 2008). Habituellement soutenue par les théories de la jus-
tice, la morale renvoie à des principes universels que sont notamment la règle et la loi. Toutefois,
Gilligan (1982) établit l’existence d’un autre type de morale qui n’est pas fondée sur la préémi-

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nence et l’universalité des droits de l’individu, mais sur un sentiment très fort de responsabilité
envers le monde. L’entrepreneuriat des femmes doit ainsi être analysé en relation avec le rôle
que jouent les entrepreneures en contribuant au développement économique, en générant de
l’inclusion sociale et de l’emploi, souvent pour d’autres femmes (Welter, Smallbone et Isakova,
2006). Les interconnexions entre l’entrepreneuriat féminin et l’entrepreneuriat social apparaissent
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ici ténues. Levie et Hart (2013) ont en effet mis en évidence que les femmes étaient davantage
motivées que les hommes pour s’engager dans l’entrepreneuriat social, poussés par le souhait
d’améliorer l’environnement socio-économique de la communauté au sein de laquelle elles évo-
luent. À la suite de Jennings de Brush (2013) qui ont identifié cette thématique comme porteuse
de voie nouvelle, il nous semble pertinent d’approfondir cette relation.

6.3. Implications, limites et perspectives


Nous proposons à présent de discuter les implications théoriques et managériales de
cette étude ainsi que ses limites et perspectives.
La première contribution théorique de la recherche concerne la mobilisation des théories
de la carrière pour approcher l’entrepreneuriat des femmes. En 2003, Greene, Hart, Gatewood,
Brush et Carter soutiennent que les théories de la carrière pourraient donner un nouveau souffle
aux recherches sur l’entrepreneuriat des femmes. À notre connaissance, aucune recherche n’a
exploré cette relation et celle-ci nous semble pourtant pouvoir réellement enrichir les connais-
sances sur l’entrepreneuriat des femmes. Selon Hall (1996), les individus qui ont une orientation
de carrière protéiforme souhaitent se consacrer à un travail qui réponde à leurs valeurs person-
nelles et contribue à leur épanouissement. Les femmes interrogées s’inscrivent bien dans cette
démarche. Ainsi, les recherches sur la carrière nomade qui insistent sur la mise en sens de sa
carrière, l’accumulation de compétences dans un objectif d’apprentissage continu et d’adapta-
tion (Arthur et Rousseau, 1996) et dont la vision de la réussite renverrait à sa vision personnelle
et à ses valeurs (Hall, 1996) permettent de proposer de nouvelles voies de compréhension de la
carrière des femmes entrepreneures. L’application du concept de réussite de la carrière à l’entre-
preneuriat est à notre connaissance inédite et permet de positionner les éléments de la réussite
dans un cadre plus large que celui généralement proposé dans les recherches en entrepreneu-
riat. À la suite de Valcour et Ladge (2008) qui observent le besoin de développer des modèles
suffisamment flexibles pour appréhender la diversité des trajectoires de carrière et des définitions
de la réussite associées, nous avons proposé une définition de la RCE dynamique, suffisamment
large et opérationnelle pour approcher la diversité des RCE des femmes.
La deuxième contribution théorique concerne l’inscription de l’entrepreneuriat des
femmes dans les recherches qui considèrent « entrepreneurship as social change » (Calas,
Smircich et Bourne, 2009). Alors que l’entrepreneuriat renvoie à une diversité de phénomènes et
est donc observé à travers des voies de compréhension multiples, parfois divergentes (Steyaert

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Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
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et Hjorth, 2003 ; Tedmanson, Verduyn, Essers et Gartner, 2012), la majorité des recherches
le définissent à travers le prisme de l’activité économique souvent positive (Calas, Smircich et
Bourne, 2009). Ainsi, et comme le soulignent Tedmanson, Verduyn, Essers et Gartner (2012),
des recherches ont donné à entendre d’autres « histoires entrepreneuriales » que celles géné-
ralement mises en avant (Imas, Wilson et Weston, 2012). Ces études ont souvent comme point
commun de montrer que l’entrepreneuriat peut participer à une redéfinition des relations de pou-
voirs et contribuer à des changements sociétaux. À cet effet, Calas, Smircich et Bourne (2009)
proposent de modifier le questionnement et ainsi au lieu de percevoir l’entrepreneuriat comme
une activité économique avec de possibles changements sociétaux, ces auteurs invitent à pen-
ser l’entrepreneuriat comme moteur de changement sociétal produisant des résultats variés. Les

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nouveaux éclairages sur la réussite des femmes entrepreneures que propose notre recherche
semblent finalement s’inscrire dans cette perspective et nous pensons qu’il serait utile de pour-
suivre les recherches sur l’entrepreneuriat féminin dans ce sens.
La troisième contribution théorique renvoie au renouvellement des perspectives engagé
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dans les recherches sur l’entrepreneuriat des femmes. En ne déterminant pas auparavant de cri-
tères de réussite mais en laissant le soin aux entrepreneures de les identifier, nous nous sommes
ainsi éloignés des recherches qui apprécient le succès des entrepreneurs à partir d’éléments
objectifs. Ce positionnement s’inscrit dans les recherches qui appréhendent l’entrepreneuriat
des femmes à partir des variables perceptuelles. Afin d’intégrer de nouvelles approches suscep-
tibles de faire progresser les études, la recherche sur l’entrepreneuriat des femmes semble avoir
opéré un véritable tournant paradigmatique. Les travaux descriptifs qui étudient les caractéris-
tiques et les motivations se retrouvent supplantés au profit d’études compréhensives qui ana-
lysent en profondeur les effets des variables perceptuelles dont les effets sur le comportement
entrepreneurial sont avérés (Langowitz et Minniti, 2007). En examinant les perceptions que les
femmes ont de la RCE, cette recherche s’inscrit dans ce renouvellement des perspectives.
Les implications managériales issues de ce travail concernent les entrepreneures, les
organismes d’accompagnement de la création et les pouvoirs publics. Aspirées par le tourbil-
lon entrepreneurial, les créatrices n’ont ni le recul ni le temps de réfléchir à leurs objectifs réels,
eux-mêmes liés à la RCE. Or les perceptions que les entrepreneures ont de la RCE influeront sur
les décisions et actions prises au cours de leur démarche entrepreneuriale. Aussi, nous encou-
rageons les femmes entrepreneures à mener un travail sur la RCE à partir des quatre sphères
et des neuf dimensions identifiées dans la recherche. Cela pourra les aider à mieux définir leurs
objectifs et évaluer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir.
Cette recherche a aussi des implications pour les organismes de soutien à la création
et au développement d’entreprises. Notre recherche montre en effet que les femmes définissent
leur RCE à travers les dimensions de la contribution sociétale, familiale et personnelle, et pas
seulement économique. Les acteurs de l’accompagnement doivent en être conscients afin de
l’intégrer dans leurs dispositifs, et mieux accompagner les entrepreneures par la prise en compte
des aspects subjectifs et objectifs. Comme nous l’avons montré, il y a une cohérence entre ces
deux types d’aspects. Aussi, si les accompagnateurs aident les entrepreneures à définir leurs
perceptions de la RCE, ils pourraient identifier avec elles des actions leur permettant d’atteindre
non seulement une satisfaction importante quant à leur carrière entrepreneuriale mais aussi une
pérennisation de leur activité. En effet, des entrepreneurs satisfaits travaillent plus efficacement
avec leurs clients et employés et leur sentiment de réussite personnelle mène à une réussite plus
élevée de l’entreprise (Schmitt-Rodermund, 2004). En mobilisant la définition de la réussite pro-
posée à la suite de notre étude, les accompagnateurs parviendront à adapter leurs dispositifs au
regard des objectifs de chacun. La finalité étant de dépasser le cadre des entreprises créées par

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l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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des femmes afin d’intégrer cette réflexion dans les programmes d’accompagnement à destina-
tion de tous : hommes et femmes.
Cette étude permet d’envisager que la moindre réussite entrepreneuriale des femmes
dont font régulièrement écho les mondes des affaires et de la politique renvoie plutôt à une
absence de désir de réussite telle qu’elle est généralement entendue. Selon Spain et Hamel
(1994, p. 35), « dans un monde où le succès se définit par faire mieux que les autres, les pré-
occupations relationnelles des femmes iraient en sens inverse de la signification sociale du suc-
cès ». Les acteurs étatiques qui appuient les actions soutenant le développement de l’entrepre-
neuriat doivent avoir à l’esprit que le modèle dominant essentiellement fondé sur la croissance

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semble peu adapté aux créatrices. La connaissance de la définition que les femmes donnent de
la RCE permettrait d’insuffler de nouveaux modèles, aidant les créatrices en sommeil à franchir
le pas. Les femmes entrepreneures représentent un potentiel économique et si elles ne créent
pas majoritairement des entreprises de croissance et innovantes (une entreprise innovante sur
dix est créée par une femme), « la femme entrepreneure génère, au moins, son propre emploi et
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une activité. Aussi réduite soit-elle, elle compte dans la vie économique » (Le Loarne-Lemaire,
Cupillard, Rahmouni Benhida, Nikina et Shelton, 2012, p. 91). À ce titre, il est fondamental que
le monde politique et celui de l’accompagnement leur donnent les aides adaptées au respect de
leurs valeurs et de leur vision de la RCE.
Notre étude présente des limites qui sont majoritairement liées à l’approche qualitative.
La contextualisation rend difficile la généralisation des résultats. Nous nous sommes intéres-
sées à de très petites entreprises sans salarié, et il paraît donc difficile d’étendre nos résultats à
d’autres catégories d’entrepreneures. Toutefois, le croisement de la littérature scientifique avec
nos données empiriques amène à penser que nos résultats dépassent le cadre des très petites
entreprises. Ce travail ouvre donc des perspectives pour de futures recherches. Il est envisa-
geable d’affiner et de compléter les dimensions de la RCE en procédant à d’autres études qua-
litatives auprès de femmes entrepreneures afin d’observer notamment si les critères de réussite
varient en fonction de la taille ou du secteur des entreprises. Nous pourrions observer si toutes
les femmes partagent cette définition de la réussite et si de possibles configurations de percep-
tions apparaissent. À travers la mobilisation d’un nombre important de cas, il deviendrait envisa-
geable d’esquisser une typologie des femmes entrepreneures au regard de la façon dont elles
définissent la réussite de leur carrière entrepreneuriale. Des études longitudinales auprès d’en-
trepreneures, en suivant leur carrière entrepreneuriale de l’entrée à la sortie pourraient également
s’avérer fécondes et permettre de parvenir à accroître les connaissances sur la RCE des femmes.

Conclusion
En conclusion, notre recherche a permis de mieux comprendre la façon dont les femmes
entrepreneures définissent leur réussite de carrière entrepreneuriale. Plus particulièrement, nos
résultats montrent que la RCE doit s’inscrire dans un cadre d’analyse multidimensionnel per-
mettant de tenir compte des critères d’appréciation propres aux individus. La RCE peut donc se
définir comme le résultat des expériences vécues par l’entrepreneure qui concernent les niveaux
personnel, familial, économique et sociétal. Cette présente étude suggère le développement
d’une approche plus large intégrant des dimensions subjectives pour comprendre la réussite
de carrière entrepreneuriale des femmes. Les implications théoriques et managériales de ce tra-
vail sont nombreuses. Les chercheurs et les praticiens qui souhaitent stimuler l’entrepreneuriat
des femmes doivent en effet intégrer cette orientation subjective de la RCE afin de proposer une
approche entrepreneuriale porteuse de sens pour les créatrices.
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Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 1, vol. 14, 2015

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Annexe 1. Présentation des cas

Création :
Nombre
Âge en Situation de Date de Simultanée (SI)
Activité Dernier emploi occupé d’années Statut
2007 famille création et/ou
de salariat
Successive (SU)
Revue de

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Françoise 48 Célibataire Mai 2007 Organisation de Assistante de direction 28 Travailleur SU


2 entreprises voyages indépendant ;
Micro-entreprise
Valérie 38 Mariée Mai 2005 Écriture de biographies Conductrice de travaux 15 Profession
l’Entrepreneuriat

1 entreprise 3 enfants libérale


Gabrielle 37 Séparée Mai 2005 Encadrement de Vendeuse et 10 Travailleur SU
2 entreprises 2 enfants tableaux Mère au foyer indépendant
Sylvaine 38 Mariée Septembre Sage-femme libérale et Sage-femme à l’hôpital 14 Profession
1 entreprise 2 enfants 2006 formatrice libérale
Christelle 32 En couple Mai 2006 Audio-biographe Journaliste 6 Profession
1 entreprise libérale
Célia 46 Célibataire Octobre Organisation logistique Responsable de 23 Entreprise SI et SU
3 entreprises 2005 de séminaires production et des achats individuelle
France 40 Mariée Septembre Mosaïste d’art ; Ingénieure chef de projet 17 EURL SI
2 entreprises 2 enfants 2007 Décoratrice d’intérieur
Élisabeth 47 Mariée Février Créatrice styliste et Couturière et secrétaire 18 Entreprise
1 entreprise 1 enfant 2007 plisseuse individuelle
Suzie 26 Célibataire Mars 2008 Bien-être Monteuse et réalisatrice 4 Profession
1 entreprise Massage libérale
Sylvie 44 Mariée 1994 Psychologue libérale 8 Plusieurs SU et SI
3 entreprises 6 enfants 2000 Consultante statuts
2002 2 Entreprises familiales : librairie papeterie presse

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