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L’ACCOMPAGNEMENT INSTITUTIONNEL DES FEMMES

ENTREPRENEURES
Quel modèle d’accompagnement pour les femmes créatrices de très petites
entreprises ?

Typhaine Lebègue

De Boeck Supérieur | « Revue de l’Entrepreneuriat »

2015/2 Vol. 14 | pages 109 à 138


ISSN 1766-2524
ISBN 9782807301054
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 2-3, vol. 14, 2015

L’accompagnement institutionnel
des femmes entrepreneures
Quel modèle d’accompagnement
pour les femmes créatrices de très petites entreprises ?
Typhaine LEBÈGUE, Dr1
Enseignant-Chercheur
ESCEM, Tours
COMUE Centre Val de Loire
1 rue Léo Delibes – 37200 Tours
tlebegue@escem.fr
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L
es recherches menées sur l’accompagnement institutionnel des femmes entre-
preneures demeurent marginales dans la littérature et ce malgré le rôle avéré des
dispositifs de soutien dans le développement de l’entrepreneuriat des femmes.
Cet article vise donc à proposer un modèle d’accompagnement qui correspond à
la démarche entrepreneuriale des créatrices de TPE.
Nos résultats révèlent que leur démarche entrepreneuriale nécessite des pratiques d’ac-
compagnement adaptées, au risque que les femmes entrepreneures refusent d’inté-
grer les dispositifs de soutien à la création d’entreprises. Nous montrons que la prise en
compte du genre, en tant que catégorisation socialement construite, permet de propo-
ser de nouveaux modèles d’accompagnement. Cette recherche soulève également l’in-
térêt d’un accompagnement différencié qui combine plusieurs méthodes et pratiques
d’apprentissage.

—— Mots-clés : entrepreneuriat féminin, accompagnement de l’entrepreneuriat, démarche


entrepreneuriale, genre, création d’entreprise

1. Typhaine Lebègue est docteur en Sciences de Gestion, elle est enseignant-chercheur à l’ESCEM Tours. Elle est une
spécialiste des problématiques liées à l’entrepreneuriat féminin, ses travaux de thèse ayant étudié plus spécifiquement le
processus entrepreneurial des femmes en France. Elle s’intéresse aux problématiques de carrière et d’accompagnement
des femmes entrepreneures. Elle cherche à répondre aux préoccupations managériales qui en découlent et intervient régu-
lièrement lors de conférences publiques et auprès des femmes entrepreneures pour des missions d’accompagnement.
Ses travaux ont été publiés dans des revues francophones et des ouvrages internationaux spécialisés sur la question des
femmes entrepreneures.

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ery little research has been carried out on institutional support for women entre-
preneurs despite the recognized role of support plans in developing female
entrepreneurship. This study thus aims to identify the terms and conditions of
this support, so specific to the female entrepreneurial process of very small
business creation.
Our results show that the female entrepreneurial process requires specific and relevant
support services and that a lack of provision of this specific aid means that female entre-
preneurs may not wish to benefit from the support for business initiatives that is available.
We show that gender sensitivity, as a socially constructed categorization, can help offer
new types of support. This research also describes the importance of particular support
programs including several different learning methods and practices.

—— Keywords: women entrepreneurship, entrepreneurship support, entrepreneurial process,


gender, business creation
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En France, la signature de plusieurs accords-cadres (2006 et 2012) ainsi que les actions
engagées par le monde politique depuis quelques années, témoignent du souhait de susciter
davantage de vocations entrepreneuriales féminines. Les pays les plus actifs dans l’adaptation
de l’accompagnement aux femmes entrepreneures (FE) voient systématiquement le nombre de
ces dernières progresser (Stevenson, 2004). C’est sans conteste la raison qui a poussé le gou-
vernement français à faire de l’accompagnement un axe prioritaire de son plan de promotion de
l’entrepreneuriat des femmes (Ministère des Droits des femmes, 2013).
Si les programmes de soutien occupent un rôle central, la littérature académique sur le
sujet demeure relativement marginale et provient majoritairement de sources anglo-saxonnes
(Pettersson, 2012). Ces recherches mettent en évidence que les femmes manquent de connais-
sances sur les compétences nécessaires au développement de leur entreprise et doivent comp-
ter plus souvent sur elles-mêmes ou sur leurs réseaux relationnels pour accroître leurs compé-
tences (Ettl et Welter, 2010). Lorsque les femmes se font accompagner, elles ne vont pas pour
autant jusqu’à l’étape de création de leur entreprise. Ainsi, une étude menée par Chabbert et
Deyris (2009) observe qu’il y a autant de femmes que d’hommes aux réunions d’information qui
se déroulent en amont de la création d’entreprise. Malgré cela, à la fin du parcours, seulement
29 % des créateurs d’entreprises sortant de ce dispositif sont des femmes. Les recherches n’ont
pas permis jusqu’ici d’identifier les raisons de cette déperdition, les organismes d’accompagne-
ment disposant de peu de données sexuées.
Dans cette perspective, cette étude exploratoire vise à proposer un modèle d’accompa-
gnement qui correspond à la démarche entrepreneuriale des créatrices de TPE. Il s’agit donc de
répondre aux questions suivantes : quelle est la logique entrepreneuriale des créatrices de TPE ?
L’accompagnement actuel est-il adapté aux besoins des créatrices ? Comment les créatrices de
TPE se représentent-elles l’accompagnement idéal ?
Pour ce faire, nous avons mené une étude auprès de 10 femmes qui se situent en phase
ante création. Nous avons également conduit des entretiens avec des conseillers qui travaillent
dans un organisme d’accompagnement généraliste, celui auquel les créatrices, interrogées dans
le cadre de cette étude, se sont adressées.
Cet article apporte trois contributions principales à la littérature sur l’entrepreneuriat
des femmes. Il expose, tout d’abord, une recension des travaux sur l’accompagnement de
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l’entrepreneuriat des femmes qui met en évidence une évolution critique dans les questionne-
ments. Ensuite, il insiste sur la pertinence de mobiliser le concept de genre pour interroger les
situations d’accompagnement. La prise en compte du genre, en tant que catégorisation socia-
lement construite, permet de proposer de nouveaux modèles d’accompagnement. Enfin, cet
article montre l’intérêt d’un accompagnement différencié qui combine plusieurs méthodes et
pratiques d’apprentissage.
La première partie de cet article présente le cadrage théorique de l’étude. Nous expo-
sons les travaux consacrés à la diversité des accompagnements entrepreneuriaux avant de
mettre en lumière les spécificités des femmes entrepreneures (FE), et de nous pencher sur les
résultats des études empiriques consacrées à l’accompagnement des FE. Après avoir présenté,
dans la seconde partie, les aspects méthodologiques de la recherche, nous exposons les résul-
tats dans la troisième partie. Nous dévoilons d’abord la logique entrepreneuriale des femmes
créatrices de TPE. Nous plongeons ensuite au cœur d’une situation d’accompagnement qui
nous permet de faire émerger les premiers éléments de compréhension des attentes des FE
concernant le soutien institutionnel. Enfin, ces éléments sont approfondis avec une présenta-
tion des caractéristiques de l’accompagnement « idéal » selon la perception des répondantes.
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La dernière partie s’attache à discuter les résultats avant d’évoquer les implications théoriques
et managériales de ce travail.

1. Revue de littérature
Dans la première partie de ce travail, nous commençons par rendre compte de la néces-
sité d’adapter l’accompagnement au profil des entrepreneurs (1.1) puis nous nous intéressons
aux obstacles spécifiques auxquels sont confrontées les FE (1.2) avant d’exposer une recension
des travaux portant sur l’accompagnement des FE (1.3).

1.1. La nécessité d’adapter l’accompagnement aux profils


des entrepreneurs
L’accompagnement des entrepreneurs augmente significativement les chances de
succès des entreprises créées, aussi occupe-t-il une place importante sur l’agenda des pou-
voirs publics et de la communauté académique depuis une dizaine d’années (Sammut, 2003 ;
Messeghem, Carrier, Sammut, Thurik et Chabaud, 2013). Longtemps sous-exploré dans les
recherches sur l’entrepreneuriat (Léger-Jarniou et Saporta, 2006), l’accompagnement des
entrepreneurs fait aujourd’hui l’objet de multiples travaux qui interrogent l’adaptation de l’ac-
compagnement au profil des accompagnés. Ceux-ci ne se ressemblent pas : ils ont des pro-
fils particuliers, des attentes différentes et des problématiques singulières à résoudre (Chabaud,
Messeghem et Sammut, 2010). Les travaux sur l’entrepreneuriat des immigrés (Lévy-Tadjine,
2004), des éco-entrepreneurs (Berger-Douce, 2006), des jeunes (Léger-Jarniou, 2008),
des entrepreneurs par nécessité (Nakara et Fayolle, 2012) et des mampreneurs (Richomme-
Huet et d’Andria, 2013) mettent en lumière des spécificités qui permettent d’envisager le déve-
loppement de dispositifs d’accompagnement propres à chaque groupe. Nakara et Fayolle
(2012) observent par exemple que les structures d’accompagnement parviennent difficilement
à répondre aux demandes spécifiques des entrepreneurs par nécessité. Ceux-ci se tournent
alors vers les réseaux solidaires et les médias sociaux pour répondre à leurs interrogations.
Les entrepreneurs sociaux initient pour leur part un modèle d’accompagnement fondé sur
des apprentissages collaboratifs (Fabbri et Charue-Duboc, 2013). Les recherches sur l’adap-
tation de l’accompagnement montrent finalement qu’il apparaît pertinent de concevoir des
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dispositifs de soutien plus personnalisés, en fonction des types de profils de créateurs (Léger-
Jarniou, 2005).

1.2. Les spécificités et difficultés des femmes entrepreneures


Les spécificités des femmes entrepreneures ont été mises au jour dans la littérature aca-
démique (Brush, 1992 ; De Bruin Brush et Welter, 2007), les études insistant sur le fait qu’elles
bénéficient d’un environnement entrepreneurial moins favorable (Wilson et al., 2007 ; Jennings
et Brush 2013). L’accès au financement est identifié comme un obstacle important dans le déve-
loppement des entreprises dirigées par les femmes. Celles-ci disposent d’un capital réduit au
moment d’entreprendre car elles ont été moins bien rémunérées quand elles étaient salariées
(Carter et Rosa, 1998 ; Boden et Nucci, 2000 ; Cornet et Constantinidis, 2004 ; Fairlie et Robb,
2009). Par ailleurs, elles utilisent davantage leurs ressources personnelles et font très peu appel
aux sources de financement externe à la fois pour le financement du démarrage et lorsqu’il s’agit
de réinjecter de l’argent dans l’entreprise (Coleman et Robb, 2009). Elles sont très peu nom-
breuses à bénéficier du capital-risque puisque seulement 0,1 % des entreprises créées par les
femmes en bénéficient contre 1 % des entreprises détenues par les hommes (Brush, Carter,
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Greene, Gatewood, Hart, 2002). Le financement est un déterminant non négligeable de la crois-
sance de l’entreprise et de la performance (Berger et Udell, 1998). Cette réalité a sans nul doute
poussé les pouvoirs publics à mettre en place une politique d’accompagnement ainsi qu’un
ensemble d’outils financiers spécifiques aux FE pour pallier cet accès inégal entre les hommes
et les femmes à des ressources nécessaires à la création et au développement de leurs entre-
prises (Greer et Greene, 2003).
Toujours moins impliquées dans des activités de réseautage (Hampton, Cooper et
Mc Gowan, 2009), les FE sont pénalisées dans l’augmentation de leur stock de connaissance
et la croissance de leur entreprise (Hamouda, Henry et Johnston, 2003). Du fait de l’existence
de freins reconnus dans d’accès aux réseaux (responsabilités familiales, distance géographique,
moindre accès à l’information), Hamouda, Henry et Johnston (2003) insistent sur l’intérêt de
développer des réseaux axés sur les besoins spécifiques des femmes. C’est ainsi que de nom-
breux réseaux d’affaires exclusivement féminins sont apparus sur le territoire français durant les
dernières années. Ces réseaux visent à permettre aux FE de sortir de l’isolement et d’échan-
ger sur des problématiques communes liées aux nouvelles attentes de leur rôle professionnel
(Hampton, Cooper et Mc Gowan, 2009 ; Richomme-Huet et d’Andria, 2013).
Plus éduquées, les FE manquent néanmoins de formation en gestion, ont une expérience
professionnelle et managériale moins conséquente que celles des créateurs (Carter, Anderson et
Shaw, 2001 ; Carrier, Julien et Menvielle, 2006). Les études montrent également que les FE ont
une croyance plus faible en leurs capacités à devenir et réussir en tant qu’entrepreneure (Wilson,
Kickul et Marlion, 2007 ; Dempsey et Jennings, 2014). Wilson et al. (2007) concluent que les
étudiantes limitent leurs aspirations de carrières entrepreneuriales parce qu’elles sentent qu’elles
n’ont pas les compétences requises. Le manque de confiance en soi, certainement le plus grand
obstacle au cheminement des femmes à la tête de très petites entreprises (Fielden, Davidson,
Dawe et Makin, 2003), influe sur leur intention entrepreneuriale et joue également sur les déci-
sions prises par la suite (Kirkwood, 2009). Elles peuvent limiter l’expansion de leur entreprise,
de peur de perdre le contrôle, sentiment étroitement lié à la confiance en soi (Kirkwood, 2009).
Les dispositifs de soutien ont donc un rôle important en ce qu’ils peuvent modifier le niveau de
confiance en soi des FE et, par là même, accroître leur intention entrepreneuriale et le dévelop-
pement de leur entreprise (Kirkwood, 2009).

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En effet, les femmes créent majoritairement de petites structures (Lee-Gosselin et Grise,


1990 ; Robichaud, Mc Graw et Roger, 2005). L’essor des petites entreprises est d’ailleurs
perçu comme un moyen d’encourager le développement des territoires locaux et l’emploi des
femmes (Nilsson, 1997). Les spécificités des petites entreprises ont été repérées dans la littéra-
ture (Marchesnay, 2003 ; Torrès, 2003 ; Robichaud, Mc Graw et Roger, 2005 ; Jaouen, 2010).
La création de très petites entreprises correspond à un projet de vie et devient donc un mode
de réalisation des objectifs personnels de l’entrepreneur (Jaouen, 2010). Les TPE poursuivent
moins des objectifs de profitabilité que de succès définis à partir de la satisfaction des dirigeants
(Jaouen, 2010). Ainsi, l’accompagnement des petites entreprises revêt un caractère spécifique
(Rouault, 2006).
Les secteurs d’activité majoritairement investis par les FE sont ceux de la santé, des ser-
vices aux particuliers et aux entreprises, de l’éducation et du commerce de détail (Anna, Chandler,
Jansen et Mero, 2000 ; APCE, 2014). Ces secteurs d’activité sont traditionnellement qualifiés de
féminins dans la mesure où ils comptent davantage de femmes tandis que les secteurs d’activité
masculins font référence à la technologie, l’industrie et la construction (Anna, Chandler, Jansen
et Mero, 2000). Le secteur d’activité a un effet sur le processus de reconnaissance d’opportu-
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nités, la taille de l’entreprise ainsi que la croissance de celle-ci. Ainsi, les femmes se trouvant
dans les secteurs traditionnellement féminins, seraient davantage motivées par des opportunités
offertes par leur situation personnelle plutôt que par un processus de recherche délibérée (Anna,
Chandler, Jansen et Mero, 2000). Elles ont de plus petites entreprises et développent une crois-
sance plus lente que les femmes qui exercent leur activité dans des secteurs d’activité qualifiés
de masculins (Buttner et Moore, 1997). La situation des femmes entrepreneures fait apparaître
des aspirations et des pratiques de gestion différentes (Anna, Chandler, Jansen et Mero, 2000 ;
Morris, Miyasaki, Watters et Coombes, 2006). Certaines dirigent des entreprises de haute crois-
sance dans les domaines industriels et technologiques et ont des ambitions de croissance éle-
vée ainsi qu’une appétence pour le risque (Morris, Miyasaki, Watters et Coombes, 2006). Tandis
que d’autres créent de plus petites structures dans les secteurs d’activité du service et du com-
merce et privilégient une gestion prudentielle de leur activité (Anna, Chandler, Jansen et Mero,
2000). Aussi, des incubateurs à destination des porteuses de projets innovants sont apparus sur
le territoire français au côté de structures d’accompagnement se focalisant sur d’autres types
de créatrices.
Il est donc important de considérer que les FE ne constituent pas un groupe homogène
(Constantinidis, 2010) au risque que les processus d’accompagnement ne reproduisent des sté-
réotypes de genre (Ahl, 2006). Toutefois la structure genrée de notre société et le fait de consi-
dérer que la norme entrepreneuriale implicite est masculine, conduit à la rencontre de difficultés
semblables pour les femmes (Mirchandani, 1999). Celles-ci sont motivées pour devenir entre-
preneures en raison de “gender splitting” qui sont des barrières culturelles, sociales et sexuées
(Riebe, 2005). Elles perçoivent un salaire inférieur à celui de leurs homologues masculins et le
plafond de verre freine leur accès à des postes à responsabilités. Une fois entrées dans la car-
rière entrepreneuriale, elles font face à ces “gender splitting” qui se manifestent par un moindre
accès à des ressources importantes pour le développement de leurs entreprises : elles ren-
contrent en effet des difficultés d’accès au réseau, à l’information et au capital (Green et al.,
2003 ; Carrier, Julien et Menvielle, 2006).
Par conséquent, bien que les FE ne forment pas un ensemble aux caractéristiques simi-
laires, elles ont en commun de rencontrer des difficultés liées à la persistance d’obstacles légaux,
culturels et institutionnels. Aussi, pour aider les FE à surmonter ces barrières spécifiques qui
affectent la reconnaissance et l’exploitation des opportunités entrepreneuriales (De Bruin, Brush
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et Welter, 2007 ; Manolova, Brush et Edelman, 2008), les politiques nationales et régionales de
soutien à l’entrepreneuriat, et les services d’appui proposés sont prépondérants (Costin, 2012).
L’accompagnement institutionnel peut, en effet, permettre aux FE de soutenir le développement
de leur entreprise et d’en assurer la pérennité (Treanor et Henry, 2011).

1.3. L’accompagnement des femmes entrepreneures


L’accompagnement des FE, et a fortiori des créatrices de très petites entreprises, est
une question très peu explorée dans la littérature en entrepreneuriat. Nous avons donc procédé à
une recension des travaux portant sur cette thématique. Le tableau 1 met en évidence les ques-
tions de recherche soulevées ainsi que les principaux résultats.
Les études proviennent majoritairement des pays de l’Europe de l’Ouest. Les pouvoirs
publics de ces pays se sont en effet interrogés sur l’intérêt de mettre en place des activités de
conseils et de formations spécifiques aux femmes (Wilson, Whittam et Deakins 2004). Une ques-
tion majeure dont les recherches se font l’écho. Les motivations des FE ainsi que les obstacles
spécifiques auxquels elles sont confrontées constituent des éléments solides pour justifier de la
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nécessité de mettre en place des programmes d’accompagnement spécifiques (Pardo-del-Val,
2010 ; Drine et Grach, 2012).
Les recherches s’accordent pour observer que les valeurs socio-culturelles sexuées
sont profondément enracinées et intégrées dans l’environnement légal et les mécanismes de
soutien institutionnel. Le genre a une influence sur l’entrepreneuriat des femmes et doit donc
être pris en considération dans leur accompagnement (Treanor et Henry, 2010). Toutefois, les
recherches divergent sur la façon dont on peut parvenir à intégrer le genre dans l’accompagne-
ment. Si certaines études prônent la mise en place de programmes d’accompagnement spéci-
fiques, d’autres au contraire insistent sur la nécessité d’intégrer la problématique du genre dans
les dispositifs d’accompagnement généralistes.
Ainsi, Nilsson (1997) observe que les structures d’appui spécifiques aux femmes peuvent
avoir des difficultés à obtenir une reconnaissance des autres acteurs de l’accompagnement pré-
sents sur leur territoire. Ces structures doivent alors faire appel au soutien des organismes réser-
vés aux femmes se situant dans les régions voisines pour asseoir leur positionnement et conso-
lider leur légitimité au sein de l’écosystème entrepreneurial. Les processus de sélection des
femmes dans les incubateurs exclusivement composés de créatrices ne sont pas exclus de
partialité et tendent aussi à considérer que la norme entrepreneuriale est masculine (Tillmar,
2007). Il faut être, de plus, attentif au fait que les programmes d’accompagnement réservés aux
femmes peuvent reproduire les stéréotypes de genre en situant les femmes dans une position
secondaire par rapport aux hommes (Pettersson, 2012).
Tillmar (2007) avance que des programmes spécifiques pour les femmes sont néces-
saires mais les conseillers doivent avoir une haute compréhension de ces mécanismes de genre
afin qu’ils n’influencent pas le processus de sélection (Tillmar, 2007). Dans cette même optique,
Treanor et Henry (2010) soulignent que les incubateurs ont intérêt à cibler les activités de sensi-
bilisation pour y augmenter la proportion d’entreprises dirigées par les femmes. Ceux-ci peuvent
également recruter des femmes, conseillères en affaires ou formatrices, et veiller à ce que le sou-
tien et les services offerts répondent aux besoins des femmes (Treanor et Henry, 2010). Pour
Drine et Grach (2012), l’accompagnement a un effet positif sur la satisfaction des FE, laquelle
influe sur la performance des entreprises (Lee, Sohn et Ju, 2011). Toutefois les FE ne consti-
tuent pas un groupe homogène et par conséquent ne trouvent pas toujours dans les disposi-
tifs d’accompagnement qui leur sont réservés les réponses à leurs attentes. Certaines décident
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Tableau 1. Approche comparée d’études sur l’accompagnement des femmes entrepreneures

Auteurs Questions Pays Démarche de recherche Principaux résultats


Nilsson Mise en œuvre d’un programme Suède Étude qualitative auprès de La perception d’un manque de légitimité est
(1997) d’accompagnement 10 femmes accompagnatrices réelle.
gouvernemental spécifiquement Pour construire leur légitimité,
conçu pour les FE les accompagnatrices n’ont pas pu
Revue de

discutée à partir d’une perspective s’appuyer sur le réseau des organismes


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féministe et néo-institutionnelle d’accompagnement de leur territoire mais ont


Question soulevée : eu recours aux organismes spécifiques aux FE
Pourquoi existe-t-il un problème des autres régions.
de légitimité perçue dans les
l’Entrepreneuriat

programmes FE, alors que le


nombre d’entreprises gérées par
des femmes est en constante
augmentation ?

Bliss et Accompagnement des pays Pologne Analyses de 12 associations de FE Proposition d’un cadre de travail pour une
Garratt en transition et identification de + Historique de l’accompagnement association polonaise de FE et élaboration de
(2001) recommandations pour faire des FE en Pologne. recommandations pour les pays
progresser le nombre de FE en transition économique.
Peu de soutien formel auprès 1/ définir des objectifs clairs dès la création des
des entrepreneurs hommes ou associations, 2/ une approche « best practice »
femmes, expliqué par le fait que permet de passer outre les différences/
la Pologne est récemment passée méfiances culturelles, 3/ le benchmark doit
d’une économie socialiste au inclure des organisations de pays en transition
capitalisme économique, pas seulement d’économies
matures, 4/ il faut former les membres
fondateurs au marketing, levées de fonds, 5/
les efforts initiaux doivent se focaliser sur le fait
d’intégrer de nouveaux membres et
de lever de fonds.

Wilson, Analyse critique du développement Royaume-Uni Mobilisation de trois approches Le paradigme interventionniste de réduction
Whittam récent des politiques publiques théoriques développées en de la pauvreté est très présent dans la
et Deakins d’accompagnement des FE sciences politiques politique du Royaume-Uni car il met l’accent
(2004) 1/ paradigme néolibéral sur l’hétérogénéité des femmes (expérience,
2/ feminist empowerment paradigm origine ethnique et motivations).
3/ paradigme interventionnisme de
réduction de la pauvreté

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Auteurs Questions Pays Démarche de recherche Principaux résultats

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Tillmar Étude approfondie d’un projet Suède Étude longitudinale de deux années Les programmes d’accompagnement
(2007) destiné aux femmes propriétaires auprès de femmes en projet et de spécifiques aux FE ne garantissent pas une
de petites entreprises gérées par conseillers à la création d’entreprise impartialité dans la sélection des femmes
la grande organisation suédoise de accompagnées.
soutien aux entreprises. Les organismes d’accompagnement doivent
Question soulevée : avoir un haut niveau de compréhension
Dans quelle mesure le système de des attentes des FE pour éviter l’influence
genre a-t-il influé sur le processus de normes masculines. Cela implique que
de sélection des femmes les accompagnateurs soient conscients de
Typhaine LEBÈGUE

accompagnées ? leurs propres préjugés avant de débuter la


sélection mais également d’intégrer FE dont
les entreprises se situent dans des secteurs
d’activité variés.

Treanor et Étude auprès de tous les Irlande Étude quantitative et qualitative La faible proportion d’entreprises dirigées par
Henry (2010) incubateurs financés par menée auprès des dirigeants des femmes au sein des incubateurs en Irlande
l’organisme public « Enterprise d’incubateurs et des entrepreneurs vient essentiellement du fait que les démarches
Ireland » incubés de « recrutement » des entreprises incubées ne
Question soulevée : s’adressent pas spécifiquement aux femmes.
Pourquoi les femmes sont-elles Méconnaissance des besoins :
sous-représentées dans les l’accompagnement proposé est standard, et
incubateurs basés sur les campus les représentants des incubateurs estiment
irlandais ? à 88 % que les besoins des hommes et des
femmes accompagnés sont les mêmes.
Les entreprises appartenant à des femmes ne
jouissent pas du même soutien ni des mêmes
avantages que celles de leurs homologues
masculins.
Revue de

N° 2-3, vol. 14, 2015


l’Entrepreneuriat

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Auteurs Questions Pays Démarche de recherche Principaux résultats


Pardo- Démarche entrepreneuriale des Espagne Étude qualitative auprès de Les politiques de soutien aux femmes
del-Val femmes entrepreneures 25 experts travaillant sur entrepreneures devraient se focaliser sur :
(2010) Trois questions soulevées : l’accompagnement des FE au sein 1/ un niveau et un type de formations plus
1/ Ont-elles des spécificités ? des chambres de Commerce en adaptés à la demande, 2/ la disponibilité des
2/ Quelles motivations ont-elles ? Espagne. financements.
3/ Quels sont les obstacles Spécificités : 60 % des FE sont au chômage
Revue de

spécifiques auxquels elles se lorsqu’elles se lancent.


N° 2-3, vol. 14, 2015

heurtent ? Motivations : consensus pour dire que la raison


principale est la difficulté de trouver un emploi
correctement rémunéré.
Principal obstacle : manque de moyens
l’Entrepreneuriat

financiers, et mauvais accès au financement


extérieur.

Dhaliwal Identification des principaux défis Royaume-Uni Étude quantitative auprès de Inadéquation entre l’offre d’accompagnement
(2010) que connaissent les femmes qui 1000 FE et les attentes des FE.
entreprennent La focalisation sur le résultat crée des
approches standardisées d’accompagnement.
Méconnaissance des services proposés par les
organismes d’accompagnement.
Besoin d’être conseillées par des personnes
ayant l’expérience de direction d’entreprise.

Lee, Sohn et Efficacité des politiques Corée du Sud Étude quantitative auprès de Les FE sont beaucoup plus satisfaites grâce
Ju (2011) d’accompagnement mises en 120 FE coréennes au processus de soutien gouvernemental.
place par le gouvernement coréen Entretiens face à face et Cependant, le degré de soutien du
à partir du degré de satisfaction questionnaires internet gouvernement est faible et doit donc être
des FE. augmenté.
La vie de famille, le réseau social,
l’environnement professionnel,
l’accompagnement mis en place par les
pouvoirs publics ont des effets directs sur la
satisfaction des FE.

117
Typhaine LEBÈGUE

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Auteurs Questions Pays Démarche de recherche Principaux résultats

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Drine et Degré de satisfaction des Tunisie Étude quantitative et qualitative Les services d’appui existants ne sont pas
Grach (2012) entrepreneurs (H/F) concernant auprès de 50 hommes et 50 FE, adéquats pour promouvoir l’entrepreneuriat
les 3 facteurs-clés de succès de détenant une majorité dans le féminin.
l’accompagnement : information, capital de l’entreprise, et gérant 47 % des personnes interrogées (H/F)
formation, financement. effectivement l’activité. pensent que les mesures d’aide permettent
d’augmenter le taux de survie des entreprises.
84 % disent avoir bénéficié des aides.
Information : les FE n’ont pas beaucoup
utilisé les aides par manque d’information/
Typhaine LEBÈGUE

compréhension de ces mesures d’aide.


Formation : 66 % des femmes interrogées
avaient connaissance des programmes de
formation (57 % des H). Problème vient du
coût de ces formations et de leur emplacement
dans peu de régions, et le manque de
formations adaptées.
Capitaux : les femmes sont désavantagées
car elles n’ont pas les compétences
requises. Il apparaît clairement que des biais
et discriminations empêchent les femmes
d’accéder aux capitaux. Le fait que les
entreprises dirigées par des femmes soient
plus petites et sous-capitalisées explique en
partie cela. La plupart de ces entreprises ont
été financées par de l’argent emprunté à leur
famille.
Revue de

N° 2-3, vol. 14, 2015


l’Entrepreneuriat

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Auteurs Questions Pays Démarche de recherche Principaux résultats


Pettersson Analyse des programmes publics Pays 14 rapports rédigés par les pouvoirs Les programmes d’accompagnement des
(2012) d’accompagnement des FE à nordiques :Norvège publics et de 8 sites internet FE ont tendance à situer la femme dans une
partir de trois paradigmes : Danemark position secondaire par rapport aux hommes.
1/ paradigme néolibéral Islande Tous les pays étudiés ont un programme
2/ feminist empowerment Suède Finlande d’accompagnement sauf l’Islande. La Norvège
paradigm et la Suède sont les pays les plus avancés,
Revue de

3/ paradigme interventionnisme de avec des objectifs et budgets dédiés.


N° 2-3, vol. 14, 2015

réduction de la pauvreté Norvège : son programme est celui qui


s’appuie le plus sur le paradigme « feminist
empowerment ».
Le Danemark s’appuie sur le paradigme
l’Entrepreneuriat

néolibéral.
Les 3 autres pays considérés (Suède, Finlande,
Islande) se situent entre ces deux extrêmes.

Richomme- Un accompagnement spécifique France Étude qualitative autour de la Un accompagnement entrepreneurial


Huet et aux mampreneurs est-il pertinent ? seule organisation active en différencié a émergé faute de structures et de
d’Andria France (« étude de cas unique »), réponses adaptées aux besoins et attentes des
(2013) et qui plus est en développement mampreneurs (maman et entrepreneur)
(Mampreneurs) Ces femmes qui se revendiquent mères
et entrepreneures se rassemblent entre
elles et créent leurs propres méthodes
d’accompagnement.

119
Typhaine LEBÈGUE

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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

donc de se regrouper et de créer leurs propres outils d’accompagnement (Richomme-Huet et


d’Andria, 2013).
Cet exposé de la littérature a renforcé l’intérêt de questionner l’accompagnement des
FE, et plus particulièrement des créatrices de petites entreprises largement majoritaires (Fouquet,
2005). La suite de cet article tentera donc de circonscrire la logique entrepreneuriale de ces FE
et d’examiner si l’accompagnement actuel est adapté à leurs besoins. Nous verrons finalement
comment les créatrices de TPE se représentent l’accompagnement idéal. Avant d’exposer les
résultats de l’étude empirique, nous présentons la méthodologie utilisée pour collecter et analy-
ser les données.

2. Méthodologie
97 % des entreprises en France sont des très petites entreprises (TPE) et plus de la moi-
tié des femmes travailleures indépendantes (55 %) sont dirigeantes de micro-entreprises n’em-
ployant qu’elles-mêmes (Fouquet, 2005, Bernard, Le Moigne et Nicolaï, 2013). Parce qu’elle
concerne plus de la moitié des femmes chefs d’entreprise, la structure juridique micro-entre-
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prise sans salarié a retenu notre attention ; toutes les créatrices interrogées envisageant de créer
seules.
Étant donné le nombre limité de travaux sur cette question, une étude exploratoire
nous a semblé être une solution adaptée (Wacheux, 1996). Nous avons privilégié une logique
qualitative inductive visant à écouter les porteuses de projet et les accompagnants pour éclai-
rer la dynamique de cette relation et comprendre les raisons de son succès ou de son échec
(Wacheux, 1996). Nous avons retenu dix créatrices en prédémarrage, dont la présentation est
proposée dans le tableau 2. Les secteurs d’activité sont ceux majoritairement investis par les
femmes, à savoir les activités commerciales, les services aux particuliers et les services aux
entreprises. Cinq femmes sur les dix créatrices interrogées ont bénéficié de l’accompagnement
d’une même structure. Le choix a été fait d’accueillir également les témoignages des femmes
non accompagnées (cinq femmes) afin de comprendre les raisons qui les ont poussées à ne pas
suivre d’accompagnement institutionnel. Léger-Jarniou (2005) recommande en effet de mener
des recherches auprès des créateurs qui refusent d’être accompagnés afin qu’ils identifient les
caractéristiques de l’accompagnement idéal.
L’organisme d’accompagnement retenu est celui auquel les créatrices se sont adres-
sées. Il faut noter qu’elles ont eu recours à la même structure d’accompagnement. Celle-ci a été
créée en 1989 à l’initiative d’entrepreneurs qui ne trouvaient pas la réponse à leurs besoins dans
les dispositifs existants. Ces entrepreneurs souhaitaient offrir aux porteurs de projets une aide à
l’émergence de leur idée. Pionnière de l’accompagnement à la création d’entreprise, cette struc-
ture s’étend sur 53 structures associatives et 450 implantations de proximité sur toute la France.
Elle accueille des individus qui ont un projet de création et propose des accompagnements indi-
vidualisés de trois mois avec des conseillers en création d’entreprise. Tous les créateurs y sont
accompagnés de la même façon sans qu’il ait été défini de parcours spécifique pour les femmes.
Concernant plus particulièrement la structure avec laquelle nous avons travaillé, elle se situe en
région Bretagne et accueille environ 1 200 personnes en information collective sur une année.
800 accompagnements sont effectués et près de 250 entreprises sont ainsi créées. Les conseil-
lers interrogés dans le cadre de cette recherche ont un profil juridique pour le premier (homme
âgé de 55 ans) et comptable (femme âgée de 35 ans) pour la seconde.
Nous avons interrogé les créatrices sur leur parcours entrepreneurial, leurs motivations,
leurs perceptions de l’accompagnement – notamment les effets qu’il avait sur elles-mêmes et
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 2-3, vol. 14, 2015

leur projet – et leurs attentes quant à un accompagnement « idéal ». Pour celles qui n’ont pas
été accompagnées par un organisme, des questions ont été posées sur les raisons de ce choix.
Nous avons questionné les accompagnants sur leurs pratiques, la forme et le contenu de l’ac-
compagnement, la mesure de son efficacité, le processus de sélection et leurs perceptions de
l’entrepreneuriat des femmes. Des questions sur les projets des cinq créatrices ayant suivi l’ac-
compagnement ont également été posées. Cela nous a permis de confronter les perceptions
des créatrices et des accompagnateurs sur le projet de création d’entreprise de ces femmes.

Tableau 2. Présentation des cas

Age Situation Dernier emploi Nombre Statut Accompagnement


de famille occupé d’années
de salariat
CAS A1 48 Célibataire Assistante 28 Travailleur OUI
Françoise de direction indépendant
Micro-entreprise
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CAS A2 38 Mariée Conductrice 15 Profession NON
Valérie 3 enfants de travaux libérale
CAS A3 37 Séparée Vendeuse et 10 Travailleur NON
Gabrielle 2 enfants Mère au foyer indépendant
CAS A4 38 Mariée Sage-femme 14 Profession NON
Sylvaine 2 enfants à l’hôpital libérale
CAS A5 32 En couple Journaliste 6 Profession OUI
Christelle libérale
CAS A6 46 Célibataire Responsable 23 Entreprise NON
Célia de production individuelle
et des achats
CAS A7 40 Mariée Ingénieure 17 EURL OUI
France 2 enfants chef de projet
CAS A8 47 Mariée Couturière et 18 Entreprise OUI
Élisabeth 1 enfant secrétaire individuelle
CAS A9 26 Célibataire Monteuse 4 Profession OUI
Suzie et réalisatrice libérale
CAS A10 44 Mariée Psychologue 19 Plusieurs NON
Sylvie 6 enfants libéral/Consultante statuts

26 entretiens d’une durée moyenne de 120 minutes ont été conduits avec les dix créa-
trices. Il faut noter que cette recherche sur l’accompagnement s’intègre dans une recherche
plus longue que la seule période de création puisqu’elle étudie le processus entrepreneurial des
femmes sur une durée de trois années. Nous avons mené entre deux et quatre entretiens avec
chaque créatrice. Les questions sur les motivations entrepreneuriales et sur l’accompagnement
tel qu’il était vécu par les femmes étaient posées au cours du premier entretien tandis que le
thème des caractéristiques de l’accompagnement idéal était évoqué au cours des entretiens
suivants. Quatre entretiens avec la directrice et avec deux de ses salariés ont été menés. Nous
avons eu l’occasion d’échanger avec la directrice et ses salariés de manière plus informelle lors
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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

des salons sur la création d’entreprise. Il faut noter que la directrice de la structure a aussi un
rôle d’accompagnatrice. Tous les entretiens ont été enregistrés et ont fait l’objet d’une retrans-
cription intégrale
La méthode retenue pour le traitement des données est l’analyse de contenu thématique
(Miles et Huberman, 2003). Nous avons élaboré une liste de codes : ce sont des « étiquettes »
ayant pour fonction de contribuer au traitement des données. La progression de notre analyse a
observé le passage du codage descriptif au codage plus explicatif.
Alors que le codage descriptif consiste à synthétiser des segments de données, le
codage explicatif vise à « regrouper ces résumés en un nombre plus réduit de thèmes ou d’élé-
ments conceptuels plus synthétiques » (Miles et Huberman, 2003 : 133). L’utilisation d’un logi-
ciel de traitement des données qualitatives – le logiciel Nvivo 8 – a facilité la structuration du tra-
vail d’analyse.
Cette démarche méthodologique, associant d’un côté les discours sur les pratiques qui
caractérisent une structure d’appui et, de l’autre, les récits des femmes sur leurs attentes en
matière d’accompagnement et le rôle qu’a pu y jouer la structure d’appui, nous paraît particuliè-
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rement adaptée à l’objectif de cette recherche. Celle-ci vise à identifier les termes d’un accom-
pagnement qui correspond à leur démarche entrepreneuriale.

3. Résultats
Afin d’atteindre cet objectif, nous répondrons aux questions suivantes :
—— Quelle est la logique entrepreneuriale des créatrices de TPE ? (3.1)
—— L’accompagnement actuel est-il adapté aux besoins des créatrices ? (3.2)
—— Comment les créatrices de TPE se représentent-elles l’accompagnement idéal ?
Recommandent-elles de mettre en place un accompagnement spécifique à l’entre-
preneuriat des femmes ? (3.3)

3.1. Créer son entreprise pour donner du sens à sa vie


Les femmes interrogées ont exprimé le souhait d’investir leur domaine de créativité et de
créer un projet en rapport avec ce qui les anime profondément :
« Je décide de faire un travail qui me plaît et que j’aime. On est davantage dans
l’accomplissement personnel » (Gabrielle).
Selon Denave (2006 : 91), « Être heureux dans son travail passe par l’actualisation d’une
partie de ses dispositions […] le changement professionnel peut correspondre à la résurgence
d’un désir professionnel enfoui depuis plusieurs années ». Ces FE souhaitent en effet développer
leurs compétences afférentes à l’« être » plus qu’au « faire ». Elles poursuivent le but de « se faire
plaisir, pour être épanouies et être bien avec elles-mêmes » (Élisabeth).
C’est certainement aussi la raison du changement d’activité puisque nous notons que
la plupart des créatrices (sept créatrices sur dix) ont entrepris dans un secteur complètement
différent de celui dans lequel elles évoluaient auparavant. Une étude de l’APCE (2007) confirme
d’ailleurs ce phénomène. Ingénieur dans le domaine des cosmétiques, France est aujourd’hui
mosaïste d’art ; assistante de direction dans le froid industriel, Françoise est désormais organi-
satrice de voyages ; secrétaire, Élisabeth se forme au stylisme et crée son entreprise dans ce
domaine.
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 2-3, vol. 14, 2015

Les créatrices que nous avons rencontrées cherchent à donner du sens à leur action,
qu’elles inscrivent dans un véritable projet de vie. Il est intéressant de relever que plusieurs entre-
preneures dans notre échantillon font référence au terme « tripal » pour qualifier leur entrepreneu-
riat. Le terme « tripal » se rapporte à celui de « tripe » qui signifie dans ce contexte « ce qu’il y a
de plus intime, de plus profond en soi »2.
« Demain, on m’aurait dit “bon voilà écoute j’ai un super plan, on ouvre une
entreprise de vente de chaussures High-Tech avec des bulles d’air. J’ai un ami
qui a ouvert la même chose, il est milliardaire. Cela va marcher”. Je n’y serais
pas allée. Parce que c’est tripal, il y aurait eu la motivation de gagner de l’argent
certes, mais il n’y aurait pas eu la motivation d’un mieux-être dans ma vie, c’est-
à-dire pas un mieux-être matériel mais un mieux-être personnel » (Suzie).
Ainsi, l’authenticité et le souhait de vérité avec soi-même animent la démarche entrepre-
neuriale de ces femmes. Le souci des autres qui renvoie à la notion d’altruisme, est également
manifeste. L’analyse des données met en évidence une propension des entrepreneures à utiliser
leur expérience entrepreneuriale afin de faire progresser la société.
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Ce qui apparaît très prégnant est la volonté des femmes de contribuer, non seulement
à leur propre épanouissement, mais également à celui des autres : les proches, les femmes,
les jeunes, les hommes. Les résultats de notre recherche nous amènent donc à qualifier la
logique entrepreneuriale des femmes de logique socio-émancipatrice dans le sens où elles sou-
haitent donner du sens à leur vie, tout en intégrant le souci des autres dans leur démarche
entrepreneuriale.
Les propos de la directrice de l’organisme d’accompagnement illustrent clairement cette
logique :
« Les femmes vont oser faire un projet en accord avec soi. Parce que, pour les
femmes, cela doit partir plus d’elles et elles ne vont pas vouloir partir du marché.
[…] Une femme souvent crée son entreprise parce qu’elle aime ce qu’elle fait.
Soit elle aime ce qu’elle fait, soit il y a une considération sociale, ce qu’elle fait
sera bien pour d’autres individus » (Organisme d’accompagnement).
La logique entrepreneuriale socio-émancipatrice est sous-tendue par l’idée que les
femmes entreprennent non seulement pour elles-mêmes, mais cette expérience devra leur per-
mettre d’être un véritable vecteur de l’épanouissement de nombreux individus (famille, clients,
jeunes, femmes, porteurs de projets, etc.). En somme, l’entrepreneuriat de ces créatrices de TPE
est engagé et engageant. Il s’inscrit donc dans une quête de sens, laquelle implique d’approfon-
dir le travail sur l’intention et la vision du projet durant l’accompagnement. L’organisme d’appui
retenu dans le cadre de cette recherche observe-t-il cette réalité ?

3.2. Inadéquation des pratiques d’accompagnement avec les attentes


des créatrices de très petites entreprises
Après avoir caractérisé la démarche entrepreneuriale des créatrices de TPE, nous expo-
sons les premiers éléments de compréhension de leurs attentes concernant l’accompagnement
institutionnel. Pour cela, nous observons les besoins couverts par la structure d’appui : celle-ci
tente-t-elle de travailler sur les aspirations de la porteuse de projet ? Apporte-t-elle des ressources
afin de pallier un manque ? Et étudie-t-elle l’environnement du projet, quelle que soit sa nature ?

2. Le Nouveau Littré. Edition augmentée du Petit Littré. (2004), Paris : Editions Garnier, p. 1440.

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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

3.2.1. Une demande focalisée sur les aspirations face à une offre concentrée
sur l’environnement
La logique socio-émancipatrice dans laquelle les créatrices inscrivent leur entrepreneu-
riat les conduit à vouloir travailler prioritairement sur leurs aspirations avant de se questionner
sur leurs ressources ou leur environnement. Mais l’offre proposée ne semble pas aller dans cette
direction. Au contraire, l’organisme d’accompagnement se focalise sur l’étude de l’environne-
ment sectoriel et sa composante : l’étude de marché.
« À la réunion d’information, les statistiques sont toujours évoquées en premier.
C’est important mais quand même, une entreprise commence par une idée, ça
ne commence pas par des chiffres. Les chiffres viennent après. Eux font l’in-
verse » (Françoise).
« L’accompagnement est bien perçu par les créateurs qui savent ce qu’ils
veulent faire, mais sans avoir aucune idée de l’environnement de la création
d’entreprises » (Organisme d’accompagnement).
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C’est souvent avec une grande réserve que les créatrices interrogées passent la porte
d’un organisme d’accompagnement et qu’elles présentent leur projet, le plus souvent pour la
première fois, à un regard extérieur, qualifié d’expert en gestion de la création d’entreprises. Nos
répondantes attendent donc une ouverture et une compréhension de la part de leurs conseillers.
Mais la difficulté à appréhender les « nouveaux métiers » qui découlent de cette logique entrepre-
neuriale socio-émancipatrice (secteurs du bien-être et du service à la personne) rend délicate la
rencontre avec leurs conseillers, comme le montrent les deux extraits suivants :
« Quand ce sont des profils comme une commerçante, il n’y a aucun souci. Ces
projets sont plus mis en avant et montrés en exemple par rapport à quelqu’un
qui s’installe pour faire du massage » (Organisme d’accompagnement).
« Parce qu’ils ne croient pas encore aux nouveaux métiers. Comme le métier n’a
pas de code, cela n’existe pas » (Christelle).
Christelle qui souhaitait proposer des prestations d’audio-biographie, Suzie dont le pro-
jet était de s’installer comme massothérapeute ou Françoise qui poursuivait l’objectif de créer
des voyages à thèmes n’ont pas perçu un écho favorable de la part des conseillers. Deux d’entre
elles (Suzie et Françoise) ont alors préféré ne pas poursuivre l’accompagnement.
Les créatrices observent la nécessité d’aborder l’étude de marché, mais elles préco-
nisent que cela soit réalisé dans un deuxième temps, après avoir clarifié la question des aspira-
tions. De même pour la question des finances que les créatrices souhaitent traiter plus tard dans
l’accompagnement. Si ces questions sont évoquées trop tôt dans le cadre de l’accompagne-
ment, cela aura un effet négatif selon les répondantes. Elles se sentent en effet mises sous pres-
sion et peuvent rompre l’accompagnement, les créatrices préférant ne plus revenir, comme nous
le relate Gabrielle :
« Je suis partie de ce rendez-vous complètement stressée et j’ai dit : “non, je ne
pourrai pas aller là-dedans”. Si on me met la pression, cela ne me correspond
pas » (Gabrielle).
Entraînées par la passion et la quête de sens, les créatrices arrivent dans la structure avec
beaucoup d’envies et d’aspirations qu’elles souhaitent évoquer et travailler. La rencontre avec
l’organisme davantage focalisé sur l’analyse du marché se révèle peu satisfaisante pour les FE.
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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3.2.2. Une demande de personnalisation et d’aide au montage du projet face


à une offre normée et évaluative
Dans la mesure où les femmes recherchent une personnalisation, l’approche classique
et normée de la structure d’accompagnement ne semble pas réellement correspondre aux
attentes de celles que nous avons rencontrées.
« Je parle par rapport à l’organisme d’accompagnement qui pour moi n’est pas
un bon accompagnement parce qu’ils font dans le tout basique. Moi je pense
qu’on ne pourra jamais monter une entreprise de pain comme on monte une
entreprise de chaussures […] il y a aussi une sensibilité de chacun, ce ne sont
pas les mêmes produits, donc ce n’est pas possible de faire un manuel de A
à Z et vous faites ça et c’est comme ça. Et si vous oubliez le D, cela ne va pas
marcher » (Suzie).
La directrice de l’organisme d’accompagnement explique que la méthodologie est « très
précise, écrite mot pour mot ». Elle a conscience que « le côté négatif de cela est qu’il n’y a pas
beaucoup d’adaptabilité dans l’accompagnement » mais comme elle le remarque « le côté posi-
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tif est qu’un conseiller peut en remplacer un autre ». Cette structuration de l’accompagnement
est perçue par nos répondantes comme « rigide » et ne permettant pas de satisfaire aux besoins
parfois distincts des entrepreneures. Gabrielle utilise d’ailleurs la métaphore des figures géomé-
triques pour illustrer cette inadaptation.
« Il faut que ton profil de femme et ton cursus professionnel entrent dans une
case, comme si c’était une ligne droite. Mais je ne suis pas une ligne droite, moi
je suis en rondeur et en courbe » (Gabrielle).
La responsable de l’organisme d’accompagnement observe d’ailleurs les limites :
« Il y a quand même plusieurs types de personnes et c’est évident que
tout le monde ne peut pas se retrouver dans un cadre rigide » (organisme
d’accompagnement).
La mission donnée initialement à la structure d’accompagnement qui visait l’aide à
l’émergence de l’idée, a été supplantée par des objectifs plus quantitatifs d’installation d’entre-
prises. L’organisme d’accompagnement opère ainsi une sélection pour retenir les projets les plus
aboutis, comme nous le confirme un des salariés de l’organisme d’accompagnement.
« Alors que la structure a été créée au départ pour accompagner les projets en
amont, on s’oriente davantage vers un accompagnement qui mène à une instal-
lation juridique d’activité […] Et ceux qui ne sont pas prêts, il leur est conseillé de
mûrir leur projet avant de venir » (Organisme d’accompagnement).
France qui souhaitait créer une entreprise de décoration d’intérieur observe que l’orga-
nisme d’accompagnement « était là pour vérifier la viabilité de l’idée et du processus, mais ils ne
sont pas là pour aider à monter le projet ». Cette fonction d’aide à la prise de décision qui est
supplantée au profit d’une démarche évaluative a des conséquences dommageables selon les
créatrices de TPE. Célia qui a décidé de ne pas suivre l’accompagnement rapporte :
« Souvent aussi, on se frotte à ça dans les organismes d’accompagnement.
Donc à force de se casser le nez à ne pas rentrer dans leur case, tu ne vas
plus te casser le nez du tout et tu fais ton bonhomme de chemin comme ça »
(Célia).
125
Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

Ce témoignage montre les réticences des FE à s’adresser à une structure de soutien par
peur de vivre cette évaluation-sélection de leur projet, certaines préférant alors ne pas faire appel
à leurs services. Pour celles qui ont bénéficié de l’appui institutionnel, le fait d’inscrire leur projet
de création d’entreprise dans un véritable projet de vie rend d’autant plus difficile la prise de recul
par rapport à l’évaluation de l’organisme. En phase d’émergence d’idées, elles font appel à l’or-
ganisme d’accompagnement afin de les aider à faire aboutir ce projet de vie. Toutefois, l’étude
empirique montre que la structure d’appui peine à adapter sa démarche d’accompagnement à
ces modèles entrepreneuriaux et leur permet difficilement de passer « du rêve à la réalité ».

3.3. Regard des créatrices sur l’accompagnement « idéal »


Pour pouvoir aller plus loin dans la compréhension de l’accompagnement des créatrices
de TPE, nous avons cherché à identifier les caractéristiques d’un accompagnement « idéal »
correspondant à leurs attentes. En effet, qu’elles aient obtenu ou non un soutien institutionnel,
les dix répondantes vont finalement créer leur entreprise. Pourtant, elles témoignent toutes de la
nécessité de mettre en œuvre un dispositif d’appui dont les termes sont à présent développés.
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3.3.1. Un accompagnement qui intègre les sphères personnelle et professionnelle
Selon les créatrices de TPE, il est essentiel que l’accompagnement aborde les implica-
tions d’une carrière entrepreneuriale aux niveaux personnel et professionnel.

3.3.1.1. Au-delà d’un appui technique, l’importance du soutien psychologique


Durant la phase de projet et les débuts de la vie de l’entreprise, les créatrices soulignent
avoir particulièrement besoin de mener une réflexion plus personnelle sur leur positionnement et
la reconnaissance de ce qu’elles sont capables de faire. Le témoignage suivant révèle en effet
qu’il s’agit de contribuer à leur propre valorisation et au développement de leur légitimité.
« Je crois que je suis ma pire ennemie. C’est le fait de ne pas croire en moi. Ne
pas avoir eu une caution de quelqu’un, une personne-ressource qui puisse me
légitimer dans ce que je faisais a été difficile » (Christelle).
Pour les aider à surmonter le manque de confiance en soi qui constitue un obstacle impor-
tant à l’entrée des femmes dans l’entrepreneuriat et à leur progression (Fielden, Davidson, Dawe
et Makin, 2003 ; Koellinger, Minniti et Schade, 2006), les créatrices attendent de se voir proposer
des outils afin d’apprendre à se positionner et à décider dans leur nouveau rôle d’entrepreneure.
L’entrepreneuriat implique une plus grande liberté dans la gestion de l’agenda et cette
totale maîtrise décisionnelle signifie que les femmes ne peuvent imputer la cause de leur absence
à d’autres personnes. Cela peut donc renforcer le sentiment de culpabilité qu’elles éprouvent à
l’égard de leur famille. Celles-ci travaillent beaucoup et sont parfois amenées à rentrer tardive-
ment le soir afin de rencontrer des clients. France nous fait part de son sentiment de culpabilité
à l’égard de ses enfants qui lui font d’ailleurs remarquer son absence. Selon cette entrepreneure,
« l’accompagnement peut aussi aider à sortir d’un sentiment de culpabilité ».
D’autres thématiques comme la conciliation des vies professionnelle et personnelle, la
gestion du stress et la relation à l’argent sont aussi mises en avant par les répondantes.
« Il faudrait aborder la gestion du développement personnel. Des conférences sur
la gestion du temps et la gestion du stress, la relation à l’argent. […] Comment
je mets mon travail à côté de ma porte d’entrée, à la maison ? Parce que sinon,
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

N° 2-3, vol. 14, 2015

on ne le débranche jamais. Ça c’est très important. Fondamental. Fon-da-men-


tal. C’est un accompagnement précieux » (France).
L’accompagnement doit également aborder une dimension en lien avec le développe-
ment professionnel. Les questions de compétences techniques requises pour développer son
entreprise se posent avec insistance au bout de quelques semaines, voire quelques mois après
le lancement. Mais comme le constatent les entrepreneures, il est pourtant important de mûrir le
projet entrepreneurial et d’explorer la majorité des points liés à la création de l’entreprise, préala-
blement au lancement juridique. Celles qui n’ont pas suffisamment travaillé leur « projet d’entre-
prendre » en amont, témoignent d’un manque de savoir-faire opérationnel et font part de leurs
regrets. Des actions de formation très spécifiques sur le métier d’entrepreneure et les compé-
tences opérationnelles sont donc sollicitées par les créatrices.
Les points à aborder concernent par exemple la définition de l’offre, l’identification des
canaux de distribution et de communication, la négociation d’un prêt bancaire, la tenue d’une
comptabilité ainsi que la relation aux clients. Les créatrices souhaitent « apprendre à se vendre »,
une compétence qu’elles jugent indispensable pour créer leurs entreprises et pour laquelle elles
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estiment avoir besoin d’être formées.
« Du commercial, du marketing, il faut qu’on apprenne à se vendre. Ça, c’est
très important, c’est la clé de tout […] La démarche prospection car ce n’est
pas facile, je dois me faire violence. J’ai besoin d’être encouragée et valorisée »
(France).
Les FE ont pour la plupart d’entre elles changé de secteur d’activité et doivent donc
construire un nouveau réseau professionnel. Elles soulèvent leurs difficultés à approcher les
organisations professionnelles auprès desquelles elles auraient tout intérêt à faire connaître leur
offre. Un appui dans la mise en réseau est donc souhaité, comme le révèle l’extrait ci-dessous.
« Apprendre à faire et à avoir des réseaux, c’est important je pense. Ce n’est
pas quelque chose d’inné non plus […] Que l’accompagnateur décide qu’il a
quelqu’un à te faire rencontrer » (Suzie)
Les créatrices reconnaissent l’importance de traiter les aspects financiers du projet
durant l’accompagnement mais insistent sur la nécessité de ne pas aborder cette thématique en
priorité. Il est en effet difficile pour elles de traiter les questions liées au financement ou au modèle
de revenu de leur projet alors même que celui-ci n’est pas encore abouti.
« L’accompagnement idéal serait de ne pas mettre de pression financière. C’est
comme une épée de Damoclès. On n’est même pas encore inscrite à l’Urssaf
qu’on nous dit : c’est quoi votre chiffre d’affaires la première année ? […] Je
trouve que cela met une pression vraiment importante » (Gabrielle).
Finalement les extraits illustrent la complexité du rôle d’entrepreneur et la mise en avant
d’un accompagnement dépassant largement les frontières techniques de la création d’entre-
prise pour appréhender le développement de compétences comportementales. L’objectif est
ainsi d’amener les créatrices à gérer au mieux les dilemmes et potentiels conflits afférents à leur
changement de rôle.
3.3.1.2. La prise en compte de l’environnement familial
Les répondantes recommandent également d’intégrer le conjoint mais également les
enfants dans l’accompagnement. Christelle dont le conjoint a été d’un fort soutien émotionnel et
opérationnel dans le développement du projet entrepreneurial observe :
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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

« Il s’agit juste de les faire parler de la façon dont ils comprennent le défi que
s’est lancé la personne. Comment le vivent-ils ? Qu’en pensent-ils ? […]
Sont-ils prêts car on sait que se lancer dans la création d’une entreprise, c’est
un défi […] Dire à la famille comment être armé pour vivre ça. Je ne sais pas
quels mots il faudrait utiliser avec des enfants » (Christelle).
Le conjoint est perçu par les créatrices comme ayant un rôle très important dans le déve-
loppement de leur projet entrepreneurial. Elles insistent particulièrement sur l’importance d’obte-
nir le soutien et la compréhension de la personne qui partage leur vie. Selon les répondantes, les
dispositifs d’appui pourraient développer des modules de formation à destination des proches
afin de leur expliquer les conséquences d’un choix de carrière entrepreneuriale et de leur don-
ner des conseils pour soutenir au mieux la créatrice. L’implication du conjoint dans l’accompa-
gnement est, par conséquent, considérée par les FE comme pouvant réellement améliorer les
chances de succès du projet de création (Chasserio, Lebègue et Poroli, 2014).

3.3.2. La forme de l’accompagnement : le groupe pour apprendre


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En ce qui concerne la forme de l’accompagnement, les créatrices mettent toutes
l’accent sur le besoin de prévoir une période d’accompagnement d’une année en amont du pro-
jet. Elles insistent également sur la nécessité d’être suivies à la suite du lancement pendant deux
années. L’entrepreneuriat implique de nombreux changements dans la vie conjugale et familiale
et la mise en place d’un accompagnement sur une durée relativement longue permettrait aux
femmes de gérer ces changements au mieux : Sylvie et France témoignent ainsi :
« Est-ce que c’est juste financièrement ? Pour mes enfants ? Pour mon mari ?
Comment j’organise ma vie ? […] Sincèrement je dis 3 ans c’est bien » (Sylvie).
« N’importe qui peut créer une entreprise mais après, la pérenniser, n’importe
qui ne peut pas le faire. Et l’accompagnement il est utile, parce qu’après, le chef
d’entreprise, il est extrêmement seul. Et il est précieux cet accompagnement »
(France).
L’accompagnement pourrait concilier des méthodes d’apprentissage collectif et indivi-
duel. Les créatrices observent, en effet, que des séances de groupe sont parfaitement adaptées
dans le cas où il s’agit de transmettre des informations générales. Le groupe, lieu d’échanges
féconds, contribue également à l’enrichissement mutuel, comme le souligne Suzie :
« Les deux : un petit peu d’individuel et beaucoup de groupe. Pour moi, cela
a été vraiment plus important sur la fin d’échanger. Je me dis que si j’avais
échangé plus, si j’avais pu entendre les questionnements de certains ou les
avancements de certains, j’aurais été plus dans l’action » (Suzie).
La plupart des créatrices démarrent leurs activités de chez elles (huit d’entre elles).
Bien que cette pratique réduise les frais engagés, au début de l’activité, les entrepreneures en
observent très rapidement les limites. En effet, la vie professionnelle est parasitée par les tâches
domestiques. Le fait de travailler chez soi peut renforcer l’isolement vécu par les créatrices. Aussi,
certaines proposent la mise en place de pôles privés dédiés à l’entrepreneuriat des femmes.
« Je rêve toujours d’un pôle privé à l’entrepreneuriat, une sorte de pépinière
d’entreprises mais pas telle qu’elle existe aujourd’hui. […] Un bouillon d’éner-
gie. Un lieu où on puisse travailler en synergie les unes avec les autres. […] C’est
l’énergie qu’ensemble on peut développer » (Valérie).
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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Elles insistent sur le sentiment de solitude qu’elles éprouvent tout au long de ce parcours
de création d’entreprise et les effets positifs que génèrent les discussions avec d’autres FE.
La notion d’échange est donc au cœur du processus d’apprentissage entrepreneurial, selon les
FE, et renvoie à leur volonté de pouvoir se retrouver autour de problématiques communes et ainsi
de bénéficier de l’expérience des unes et des autres.

3.3.3. Quelle relation d’accompagnement pour un soutien satisfaisant :


le point de vue des créatrices
La suite de ce travail consiste à caractériser la philosophie de l’accompagnement et
à insister sur la mise en place de modules réservés aux FE. Nous verrons comment les méca-
nismes de genre doivent être considérés dans la conception des dispositifs de soutien.

3.3.3.1. La philosophie de l’accompagnement : une écoute respectueuse


des femmes entrepreneures
Selon ces FE, projet et porteur de projet ne peuvent être dissociés. L’individu porte le
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projet, lui donne corps, le conceptualise, le cartographie, le présente, le fait évoluer, le trans-
forme, le crée. Ainsi, l’accompagnement doit mener à un travail en profondeur au côté de la
femme porteuse de projet. L’acceptation du parcours de chaque créatrice est une composante
évoquée par toutes les répondantes : elles souhaitent en effet être accompagnées à leur rythme
et être soutenues dans le choix du secteur d’activité. Gabrielle observe :
« Moi je n’avais pas envie d’être brusquée, qu’on me mette de la pression et
pour moi c’était clair que j’irais à mon rythme » (Gabrielle).
Les créatrices attendent que les conseillers fassent alliance avec elles afin de tendre vers
la réussite de leurs projets. Les conseillers sont alors invités à se poser non en « sachant » mais
en « conseiller-tuteur ». Les propos de Sylvie sont ici éloquents :
« Cela veut dire on cherche ensemble ce qui va être le mieux pour toi, ton projet.
C’est la pédagogie de l’alliance. On cherche ensemble pour que l’autre se réa-
lise, pose son projet au bon endroit et avec les bons clients » (Sylvie).
L’importance de laisser l’entrepreneure prendre toutes ses décisions est également
manifeste dans les témoignages. Elles remarquent ainsi que, dans le cas où l’entreprise ne fonc-
tionnerait pas, c’est à elle qu’appartient la décision de clôturer l’entreprise et non au conseil-
ler. L’adaptation aux besoins de chaque accompagnée est essentielle selon nos répondantes
car il est impossible de « fonctionner de la même manière avec des personnes différentes ».
Écoute, confiance et stimulation sont également perçues comme des éléments indispensables
à la construction d’une relation d’accompagnement satisfaisante. Les créatrices insistent finale-
ment sur le respect de leurs projets et de leurs aspirations :
« [Les organismes d’accompagnement] devraient être plus dans la motiva-
tion, c’est-à-dire qu’ils devraient porter des projets pas parce qu’ils aiment bien
ce que font les gens mais parce qu’ils sentent que ce sont des projets qui
leur tiennent à cœur et que du coup il faut amener [les créatrices] dans la
bonne lignée de ce qu’elles font, de ce qu’elles sont, de ce qu’elles ont envie »
(Suzie).
Selon les répondantes, l’accompagnement doit intégrer des valeurs féminines et mascu-
lines (Bem, 1974), comme l’expose Françoise :
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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

« Aux étapes de la création, il faut au début comme on est fragile un côté plus
féminin. Mais très vite quand tu es dans le concret, c’est un côté plus mascu-
lin qui se développe dans l’action, la décision. Donc je pense que c’est complé-
mentaire. Et c’est dans l’accompagnement où tu as besoin qu’il y ait les deux
versions » (Françoise).
Par conséquent, les créatrices qui souhaitent être encouragées avec dynamisme et dou-
ceur, dans la prise en compte de ce qu’elles sont, insistent sur l’idée de mettre la créatrice au
cœur de la démarche d’accompagnement.

3.3.3.2. Une demande de modules spécifiquement réservés aux femmes


Si les créatrices ne s’accordent pas sur le besoin de mettre en place un processus d’ac-
compagnement exclusivement réservé aux femmes, elles insistent toutes sur l’importance de
concevoir des modules qui leur permettraient de se retrouver « entre elles » et ainsi d’aborder
« des réalités purement féminines ». L’exemple de Sylvaine dont l’époux est également entrepre-
neur est ici intéressant :
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« Le fait de mettre en commun ses expériences entre entrepreneures, cela a
un côté très sécurisant. On voit qu’on vit des choses et des difficultés relati-
vement communes. Ce sont des choses qu’on ne peut pas partager avec les
créateurs masculins d’entreprises parce qu’ils ne le vivent pas comme ça […]
Il y a des vérités qu’on a besoin d’entendre, justement sur les schémas-types,
les attentes de la société face aux femmes, sur les croyances qu’on peut avoir,
on a besoin de dépoussiérer tout ça et cela fait partie de l’accompagnement ».
Les normes sociales sexuées peuvent avoir, selon les répondantes, des répercussions
négatives sur la mise en œuvre de leur projet entrepreneurial. Selon Françoise :
Celles-ci viennent « de l’éducation, de la société, de toutes les formes de pensées.
Même si nous avons eu la révolution féminine, le féminisme, je trouve qu’on est en train de faire
marche arrière ».
La prise de conscience par les femmes que leur réalité entrepreneuriale est affectée par
les mécanismes de genre semble constituer un préalable nécessaire pour pouvoir mener plus
sereinement leur création d’entreprise. L’élaboration de modules réservés aux femmes pourrait
s’inscrire dans cet objectif.
Pour conclure cette partie consacrée à la relation d’accompagnement, nous revenons
sur la nécessité d’intégrer les mécanismes de genre à deux niveaux différents dans l’accompa-
gnement. Le premier concerne la philosophie de l’accompagnement : celui-ci doit être élaboré
à partir de valeurs masculines et féminines. Le deuxième niveau renvoie à la pression normative
de genre qui s’exerce sur les FE et l’intérêt de sensibiliser ces dernières sur l’effet que peuvent
avoir les normes sexuées sur leur démarche entrepreneuriale. En somme, il s’agit de concevoir
un accompagnement par le genre et un accompagnement au genre.

4. Discussion
Le soutien institutionnel auprès des FE connaît des résultats mitigés, tant au niveau de
leur fréquentation des dispositifs d’appui, qu’au nombre de femmes décidant de créer leur entre-
prise après avoir été accompagnées. Il y a donc un réel besoin de mieux comprendre les attentes
des FE concernant le soutien institutionnel. La question du possible décalage entre les attentes
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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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des femmes créatrices de TPE et la posture de la structure d’accompagnement se trouve éga-


lement posée.
Nous avons constaté qu’un organisme généraliste, reconnu pour sa volonté de soute-
nir les créateurs en phase ante création, peine à leur proposer un accompagnement qui réponde
à leurs attentes, d’aucunes préférant alors ne pas se faire accompagner. L’approche de soutien
souhaitée par ces FE impliquerait de concilier leur double identité de femme et d’entrepreneure
(Jennings et Brush, 2013). Comme l’ont montré de nombreux auteurs, l’entrepreneur doit être
considéré dans une perspective dynamique et intégrative, prenant en considération le contexte
immédiat personnel et professionnel (Aldrich et Cliff, 2003 ; Dimov, 2007) et, par extension, les
interactions entre ses rôles multiples (Brush, de Bruin et Welter, 2009). Cette situation est d’au-
tant plus importante pour les femmes qui assument, encore aujourd’hui dans notre société, la
majorité des tâches domestiques et doivent faire face à un conflit plus intense entre la vie pro-
fessionnelle et la vie personnelle (Powell et Eddleston, 2013). Les créatrices souhaitent donc à la
fois acquérir des compétences techniques liées à leur nouveau rôle d’entrepreneure et des com-
pétences comportementales inhérentes la gestion de ces différents rôles. Ce processus peut
prendre beaucoup de temps et c’est pourquoi l’accompagnement doit être pensé sur une durée
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suffisamment longue qui coïncide avec les besoins des femmes (Palmer et Schoorman, 1999).
Cette recherche confirme les résultats de Dobiecki (2007) qui observe qu’il faut du temps pour
concrétiser un rêve, en faire ressortir tous les aspects, bien en saisir toutes les implications et
toutes les conséquences.
Les femmes qui évaluent l’impact de leur projet entrepreneurial sur leur environnement
proche (Jennings et Mc Dougald, 2007 ; Powell et Eddleston, 2013 ; Chasserio, Lebègue et
Poroli, 2014) recommandent d’intégrer leur conjoint et leurs enfants dans l’accompagnement.
Celui-ci doit être élaboré dans une démarche personnalisée et intégrative de sorte qu’il puisse
les guider dans les sphères personnelle et professionnelle, considérer leurs dilemmes, leurs états
d’âmes, leurs peurs et leurs forces. Dans cette perspective, ce sont davantage les pratiques
de formation et de coaching qui semblent convenir aux FE. Notre recherche confirme les résul-
tats d’autres études sur le bien-fondé du coaching entrepreneurial féminin (Dobiecki, 2007 ;
Tillmar, 2007), qui est une méthode efficace pour éviter le double écueil de considérer les entre-
preneurs selon l’hypothèse implicite d’une norme masculine et les FE comme un groupe homo-
gène (Tillmar, 2007).
La mise en place de modules d’accompagnement réservés aux femmes répond à un
besoin des FE d’aborder des thématiques spécifiques et ainsi d’être soutenues dans leur réalité de
femme et d’entrepreneure. Cette démarche s’inscrit dans une logique analogue à celle qui s’est
développée autour de l’essor des réseaux d’affaires féminins. Ceux-ci traduisent en effet le besoin
des femmes de se rassembler « entre soi », afin non seulement d’échanger sur des sujets parti-
culiers, mais également d’œuvrer pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin (Constantinidis,
2010). La pertinence de formations entrepreneuriales mixtes a été mise en doute car elles contri-
bueraient à renforcer les clivages entre hommes et femmes (Du Rietz et Henrekson, 2000). Ces
dernières, plus réservées dans leurs questionnements à l’égard des accompagnateurs, laisse-
raient à leurs homologues masculins la place d’interroger leurs formateurs. Les hommes pour-
raient, de cette façon, acquérir davantage de connaissances et ainsi mieux progresser dans le
développement de leurs entreprises. De plus, le modèle mixte dissimule la tendance à la créa-
tion d’un entrepreneur de genre masculin. Aussi, les programmes d’accompagnement réservés
aux femmes permettent de répondre aux limites des modèles d’accompagnement généralistes.
Selon Schmidt and Parker (2003), les femmes n’ont pas toujours conscience des problèmes qui
se posent ou se poseront à elles, ce qui peut rendre l’accompagnement plus difficile. Il appartient
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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
N° 2-3, vol. 14, 2015

donc aux structures de soutien d’identifier les besoins réels des entrepreneures concernant la
structure genrée de la société et d’intégrer ces connaissances aux programmes destinés aux
FE. Si cette information n’est pas communiquée aux entrepreneures, celles-ci ne peuvent effec-
tuer aucune avancée dans leur façon d’appréhender leur nouveau rôle de femme entrepre-
neure (Tillmar, 2007). Une démarche d’accompagnement mettant en avant la coopération entre
les créatrices et l’échange d’expériences concernant l’impact des processus de genre sur la
démarche entrepreneuriale semble donc bien adaptée. La pratique de l’accompagnement entre
paires paraît dans ce cas être une solution adéquate pour amener les FE à évoluer dans leur
positionnement d’entrepreneure à travers la co-construction de leurs expériences (Richomme-
Huet et d’Andria, 2013). Il s’agit par exemple d’instaurer des temps d’échanges sur la manière de
gérer l’influence des normes genrées sur le processus entrepreneurial. Les créatrices qui déve-
loppent une réflexion sur la socialisation sexuée et ses implications, seront, en effet, plus à même
de s’affranchir des croyances et attentes que la société entretient vis-à-vis des femmes.
Les répondantes témoignent finalement de leur souhait de recevoir un accompagne-
ment équilibré, conjuguant action, alliance et adaptation, intégration des problématiques profes-
sionnelles et personnelles, implication de l’entourage proche et mise en relation avec d’autres
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entrepreneurs ainsi que structuration du projet et respect des étapes propres à chacune.
Dans cette perspective et par analogie avec la proposition de Bird et Brush (2002)
concernant la maturité liée au genre de l’entrepreneur, cette recherche met en évidence l’impor-
tance accordée à la maturité liée au genre de l’accompagnateur. Cette maturité correspondrait
à la conscience que le conseiller a de l’influence de la socialisation sexuée, mais aussi à l’inté-
gration qu’il fera des qualités masculines et féminines dans les rôles sociaux et les comporte-
ments attendus de l’entrepreneur. Plus le conseiller sera au fait des problématiques du genre,
plus grande sera la probabilité qu’il conçoive un accompagnement équilibré tenant compte de la
nécessité d’intégrer le masculin et le féminin dans le processus de création d’entreprise.
L’accompagnement des créatrices de TPE implique une combinaison d’approches indi-
viduelle et collective, de modules mixte et non-mixte, requérant majoritairement des formes de
coaching, de formation et d’accompagnement par les pairs. La mise en œuvre de modules spé-
cifiquement féminins, demande élaborée par les dix FE, met en évidence leur besoin de forma-
tion concernant la structure genrée de notre société. Il s’agit plus particulièrement d’aider les
femmes à appréhender l’impact de la construction sociale des sexes sur leur réalité d’entrepre-
neure. Elles peuvent ainsi puiser dans les mécanismes de genre pour comprendre leur situation
et progresser dans le développement de leur entreprise (Lewis, 2006).
Les résultats de cette recherche concernant les termes d’un accompagnement idéal,
selon les créatrices, peuvent donc être synthétisés comme suit.

Tableau 3. L’accompagnement « idéal » des créatrices de TPE

Englobant
Approche de Considération de la femme entrepreneure dans les sphères professionnelle
l’accompagnement et personnelle
Intégration de la dimension genrée
Développement personnel
(valorisation de soi, conciliation des vies personnelle et professionnelle,
Thématiques de
gestion du temps, relation à l’argent)
l’accompagnement
Développement professionnel
(comptabilité, relation aux clients)

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Revue de
l’Entrepreneuriat Typhaine LEBÈGUE

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Temporalité Longue : une année avant le démarrage et deux années après le démarrage
Séances individuelles et collectives
Méthodes Modules spécifiques réservés aux femmes
Séances avec les proches de l’entrepreneure (conjoint, enfants, etc.)
Coaching
Pratiques de soutien Formation
Accompagnement par les pairs
Alliance
Relation
Action
d’accompagnement
Adaptation

Conclusion
Souhaitant saisir la complexité du phénomène d’accompagnement des femmes créa-
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trices de très petites entreprises, nous avons interrogé des accompagnateurs et des créatrices
d’entreprises. Cette recherche exploratoire a montré que la démarche entrepreneuriale carac-
térisant la création de très petites entreprises par les femmes s’inscrit dans une logique socio-
émancipatrice qui nécessite des pratiques d’accompagnement adaptées. Sans cela, les créa-
trices pourraient refuser de recourir à l’accompagnement institutionnel dont on sait pourtant qu’il
améliore les chances de survie des entreprises.
Sur le plan théorique, la première contribution de cette recherche est d’exposer une
approche comparée des travaux sur l’accompagnement de l’entrepreneuriat des femmes qui
à notre connaissance n’avait jusqu’alors jamais été proposée. Ensuite, sur ce sujet encore très
peu développé dans la littérature internationale, nos résultats montrent que l’accompagnement
ne doit pas nécessairement être totalement spécifique mais il doit néanmoins comporter des
modules exclusivement réservés aux femmes. Les approches standards de l’accompagnement
peuvent en effet omettre de considérer les besoins spécifiques ainsi que les obstacles rencontrés
par les FE (Manolova, Brush et Edelman, 2008). La deuxième contribution théorique de ce travail
est de mettre en évidence que la prise en compte du concept de genre est pertinente pour étu-
dier l’accompagnement des FE. L’intégration du genre amène à dépasser la dichotomie homme-
femme pour tendre vers la considération du masculin et du féminin dans l’accompagnement,
que ce soit au niveau des valeurs prônées par la structure de soutien, de l’approche de soutien,
du comportement de l’accompagnateur ou de la vision qu’il a du processus de création d’en-
treprise. Un accompagnateur dont la vision de la réussite entrepreneuriale est principalement
masculine aura quelques difficultés à soutenir une porteuse de projet avec une autre vision de la
réussite. Ce faisant, l’accompagnée se sentant incomprise et insatisfaite pourrait quitter le dis-
positif. Concernant la troisième contribution théorique, cet article s’intègre dans les recherches
qui étudient l’adaptation des pratiques de soutien aux profils des accompagnés. Notre travail va
dans le sens d’un accompagnement différencié comprenant plusieurs pratiques. La majorité des
recherches menées sur les pratiques de soutien dévoilent des démarches d’apprentissage indi-
viduel ou collectif mais cet article montre la pertinence d’intégrer les deux méthodes dans l’ac-
compagnement, les pratiques n’étant pas exclusives les unes des autres.
Sur le plan managérial, cette recherche comporte des implications pour les structures
d’accompagnement et, plus généralement pour les pouvoirs publics. Ces derniers doivent
être attentifs aux objectifs qu’ils assignent à l’entrepreneuriat et aux moyens qu’ils mettent à
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Revue de
Typhaine LEBÈGUE l’Entrepreneuriat
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disposition car ni les objectifs ni les moyens ne sont neutres pour le développement de l’en-
trepreneuriat des femmes. Les politiques publiques sont, en effet, sous-tendues par diverses
approches que sont notamment les paradigmes néolibéraux et féministes (Wilson, Whittam et
Deakins, 2004 ; Pettersson, 2012). Si les pouvoirs publics poursuivent des objectifs de crois-
sance économique, les femmes doivent être encouragées à contribuer à cette croissance, via un
meilleur accès au capital et aux réseaux. Mais si le but des pouvoirs publics est aussi de partici-
per au changement du caractère genré de l’entrepreneuriat et de faire en sorte que l’accompa-
gnement bénéficie réellement aux femmes, les programmes d’accompagnement doivent profon-
dément évoluer pour s’adapter aux attentes de ces dernières.
En s’appuyant sur les approches du féminisme libéral et du féminisme social, les acteurs
politiques pourraient construire des programmes d’accompagnement répondant à ce double
objectif. Il s’agirait donc d’identifier et d’éliminer les obstacles empêchant les FE d’accéder aux
ressources importantes pour le développement de leur projet tout en respectant leur « voix » et
ainsi de soutenir que « la façon de faire des femmes, et spécifiquement l’approche féminine de
l’entrepreneuriat, doit être célébrée comme un apport unique et précieux » (Barrett, 1995 : 323).
Si le passé s’est construit autour de la pensée entrepreneuriale des hommes, le futur ne peut
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s’écrire qu’avec les femmes.
Ce travail présente un certain nombre de limites. Nous avons en effet mené cette
recherche auprès de FE qui travaillent dans des secteurs d’activité qualifiés de féminins. Or, ces
secteurs ont des caractéristiques particulières et ne peuvent donc être confondus avec les sec-
teurs moins traditionnels, comme ceux de l’industrie ou de la technologie. Ils sont notamment
caractérisés par un plus faible niveau d’innovation et une probabilité plus élevée pour les femmes
de tendre vers une conciliation des vies personnelle et professionnelle (Ruiz-Arroyo, Fuentes,
Bojica et Rodriguez-Ariza, 2012). Soulignons que ces secteurs sont très généralement investis
par les femmes. Une autre limite provient de la focalisation sur les entreprises qui ne compor-
taient aucun salarié à leur début. Ceci s’explique par notre souhait d’appréhender la phase de
l’accompagnement ante création et le fait de ne pas avoir de salarié est généralement le cas des
entreprises en création.
Les perspectives de recherche qu’offre ce travail exploratoire sont nombreuses. En s’ap-
puyant sur les résultats de cette étude, nous pourrions observer si l’accompagnement proposé
par des structures spécialisées3, est plus adapté à leur démarche entrepreneuriale. À la suite du
travail mené par Richomme-Huet et d’Andria (2013) sur l’accompagnement des mampreneurs, il
serait également souhaitable de mener des travaux concernant l’accompagnement d’autres pro-
fils de FE, notamment celles qui développent un entrepreneuriat de haute croissance (Manolova,
Brush et Edelman, 2008). Notre travail s’est intéressé à l’accompagnement ante création, une
phase majoritairement investiguée dans les recherches et il semble donc nécessaire de mener
des recherches sur les autres étapes du processus entrepreneurial. D’autres recherches pour-
raient également observer la façon dont les programmes d’accompagnement sont conçus et
comment ils positionnent la femme entrepreneure (Ahl, 2006). En outre, l’accompagnement ins-
titutionnel n’est qu’une forme de soutien et il paraît opportun d’interroger les autres types de sou-
tien à l’entrepreneuriat des femmes (soutiens financiers, par les réseaux et par les proches) afin
de pouvoir dresser un tableau global de l’accompagnement des femmes entrepreneures.

3. La fédération Pionnières est par exemple une structure dédiée à l’accompagnement des femmes entrepreneures, plus
spécifiquement de celles qui créent une entreprise innovante.

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