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LE DIDACTÈME, CONCEPT-CLÉ DE LA DIDACTOLOGIE ?

Claude Germain

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Klincksieck | « Ela. Études de linguistique appliquée »

2001/3 n° 123-124 | pages 455 à 465


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ISSN 0071-190X
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http://www.cairn.info/revue-ela-2001-3-page-455.htm
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!Pour citer cet article :


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Claude Germain, « Le didactème, concept-clé de la didactologie ? », Ela. Études de linguistique
appliquée 2001/3 (n° 123-124), p. 455-465.
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LE DIDACTÈME,
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CONCEPT-CLÉ DE LA DIDACTOLOGIE ?

Résumé : Partant du constat qu’il n’y a pas de théorie de l’enseignement des


langues, l’auteur s’interroge sur les conditions minimales de la scientificité
d’une discipline telle que la didactologie des langues-cultures : adopter une
attitude non normative, construire son objet d’étude, se donner une unité
d’analyse (en l’occurrence : l’activité didactique – AD), délimiter son
domaine d’étude et élaborer des concepts scientifiques. C’est ainsi qu’a été
définie l’unité de base minimale de l’étude de l’enseignement des langues, à
savoir le concept de « didactème » : la plus petite unité d’enseignement,
dotée à la fois d’une forme (une activité observable en salle de classe) et
d’un contenu d’apprentissage (une portion de la matière enseignée). À partir
de l’analyse de corpus constitués de leçons de langue seconde ou étrangère
enregistrées sur cassettes, l’auteur en arrive à identifier sept types distincts
d’activités didactiques. Dès lors, toute leçon paraît être constituée d’une série
de didactèmes organisés autour d’une double structure : séquentielle et
hiérarchique. L’auteur en fait l’illustration à partir d’exemples tirés de ses
données empiriques d’observation.

Robert Galisson a consacré l’essentiel de sa carrière à réfléchir aux


conditions d’élaboration d’une didactologie des langues et des cultures
(par exemple : 1990, 1994, 1997). Le texte qui suit, écrit en son
hommage, se veut une modeste contribution à la constitution du projet
galissonnien : l’un des concepts clés de la didactologie ne pourrait-il pas
être le concept de « didactème », tel que défini ci-dessous ?

1. UN CONSTAT : L’ABSENCE D’UNE THÉORIE DE L’ENSEI-


GNEMENT DES LANGUES
D’entrée de jeu, il convient de formuler un simple constat, lourd de
conséquences : l’absence d’une théorie de l’enseignement des langues.
Assez curieusement, il existe de nombreuses théories sur la langue, sur
l’acquisition ou sur l’apprentissage de la langue, sur l’usage de la langue,
mais nous ne disposons toujours d’aucune véritable théorie de l’enseigne-
ment des langues et, plus précisément, de l’enseignement d’une langue
seconde ou étrangère (L2). Il y a donc là un déséquilibre certain qu’il faut
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tendre à rompre dans la mesure, surtout, où l’on désire en arriver éven-
tuellement à articuler une théorie de l’enseignement des langues sur une
théorie de l’apprentissage des langues (Germain, 1995a).
Les conséquences de cet état de choses sont importantes et nombreuses.
Cependant, qu’il suffise ici d’attirer brièvement l’attention sur quatre de

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ces conséquences :
1. les didacticiens des langues sont en possession d’un ensemble disparate
de données, difficiles à interpréter faute d’un cadre théorique ou
conceptuel unifié ;
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2. les très nombreuses variables qui interviennent dans l’apprentissage et


l’enseignement d’une L2 sont, pour la plupart, considérées comme étant
d’une importance relativement égale : elles sont non hiérarchisées, faute
de principes permettant de prioriser telle ou telle variable ;
3. les programmes de formation des maîtres sont sans fondement valide :
ils reposent davantage sur des opinions personnelles ou des idées reçues
que sur des données empiriques interprétables dans le cadre d’une
théorie de l’enseignement des langues ;
4. la profession enseignante souffre d’un manque de prestige : « le pres-
tige social d’une profession est lié à son caractère de scientificité…
Sans base scientifique, l’enseignement restera une profession sans pres-
tige » (Crahay, 1986 : 23).

2. UNE SOLUTION : JETER LES BASES D’UNE THÉORIE DE


L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES
Devant l’ampleur et l’importance des conséquences qui découlent de
l’absence d’une théorie de l’enseignement des langues, il va de soi qu’une
solution possible consiste, précisément, à tenter de jeter les bases d’une
théorie de l’enseignement des langues. Pour cela, il convient de respecter
un certain nombre de conditions, comme nous le révèle l’épistémologie
contemporaine. Quelles sont donc, peut-on se demander, les conditions
minimales de la scientificité d’une discipline ?
L’attitude scientifique s’oppose à l’attitude normative. Pourtant, la très
grande majorité des études actuelles, tant en didactique des langues qu’en
éducation, visent avant tout à améliorer la pratique de l’enseignement,
comme si toute forme d’enseignement était nécessairement déficiente. Il y
a là un point de vue normatif qui ne peut que nuire à l’avènement d’une
véritable théorie scientifique de l’enseignement qui se devrait d’être désin-
téressée. Le concept de registre didactique serait peut-être à explorer : tout
comme il existe, pour les langues, non pas une mais des normes ou registres
de langue, qui varient notamment en fonction des milieux et des situations
socioculturelles de communication, de la même manière, il existe peut-être
des normes didactiques, ou mieux : des registres didactiques, qui varient en
fonction des milieux scolaires socioculturels et socioéconomiques.
Quoi qu’il en soit, méthodologiquement, ce n’est que dans un second
temps que l’on devrait pouvoir en arriver à retirer d’une théorie de l’en-
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seignement des langues tout ce qui pourra paraître pertinent pour
améliorer, s’il y a lieu (c’est-à-dire suite à un examen poussé de chacune
des situations) les conditions scolaires de l’apprentissage d’une L2. À cet
égard, le concept de pertinence aurait certainement intérêt à remplacer les
concepts flous et inappropriés d’implication ou d’application des disci-

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plines contributoires à l’enseignement des langues (Germain, 1995b).
Comme le fait observer pertinemment D. Allwright : « Clearly, prescrip-
tion is inappropriate if descriptive techniques are inadequate » (1988 : 53).
Toute théorie scientifique élabore, construit son objet d’étude. L’objet
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d’étude d’une science n’est pas une donnée objective qu’il suffirait tout
simplement de découvrir ; il s’agit, au contraire, d’un objet qui doit être
construit par le chercheur, à partir d’un certain nombre de présuppositions.
C’est d’ailleurs ce qui explique la possibilité d’une multiplicité de théo-
ries portant sur un même objet. Dans le domaine qui nous occupe, il y a
pourtant un champ d’étude qui ne relève d’aucune autre discipline : le
processus de l’enseignement. Une théorie de l’enseignement des langues
doit viser, avant tout, à mieux définir et comprendre le processus de l’en-
seignement d’une L2 et, partant, de l’apprentissage d’une L2 (but premier
de l’enseignement).
Tout comme l’objet de la science est un construit, l’unité propre d’ana-
lyse que se donne toute discipline scientifique est un construit. L’unité
propre d’analyse de l’enseignement d’une L2 sera ici conçue comme l’ac-
tivité didactique, unité de base de l’enseignement, dotée à la fois d’une
forme (une activité observable en salle de classe, comme un jeu de rôle,
une simulation, une révision systématique de la matière vue, une présen-
tation d’un nouveau point de grammaire, etc.) et d’un contenu d’appren-
tissage (ou portion de la matière enseignée).
Pour se constituer en discipline scientifique, l’étude de l’enseignement
d’une L2 (qu’il ne faut pas confondre avec l’activité pratique d’enseigner,
objet de cette étude) se doit de délimiter son domaine d’étude. À cette fin,
précisons que le concept d’enseignement est entendu ici dans un sens très
large, de manière à englober, par exemple, à la fois la planification, l’en-
semble des activités curriculaires, l’activité pratique d’enseigner (qui se
déroule en salle de classe), et l’évaluation. Toutefois, pour des raisons
pratiques et méthodologiques, il ne sera question, dans la suite de cet
exposé, que de la portion de l’enseignement qui se réalise effectivement
dans une classe de L2 : les activités didactiques proprement dites (d’en-
seignement ou d’apprentissage) telles qu’effectuées par un enseignant ou
par des apprenants dans une salle de classe.
Une éventuelle théorie de l’enseignement des langues ne saurait se
constituer en l’absence de concepts scientifiques. Pour le moment, compte
tenu de l’état embryonnaire dans lequel se trouve l’étude de l’enseigne-
ment, nous nous contenterons de faire la distinction entre deux grands
ordres de concepts : ceux qui se rapportent à la FORME (en majuscules,
pour ne pas confondre avec le plan de la forme d’une activité didactique,
dont il vient d’être question) et ceux qui relèvent plutôt du CONTENU
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(en majuscules). Sur le premier plan, les deux principaux concepts sont
ceux de cours (de 45 heures, par exemple) et de leçon (un période de 50
minutes, par exemple). Sur la plan du CONTENU, on aurait intérêt à faire
la distinction entre une série hiérarchisée de concepts, en partant du
contenu global d’un cours (de 45 heures) où cours relève à la fois de la

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FORME et du CONTENU, pour découper en quelque sorte la matière du
cours en chapitres, puis en unités, en phases et, enfin, en activités didac-
tiques (A.D.), dont certaines seront minimales. Comme il n’y a pas d’iso-
morphisme entre ces deux plans, une des difficultés de l’activité pratique
d’enseigner consiste précisément à tenter de faire entrer un certain
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CONTENU, ou portion de la discipline enseignée, dans une FORME,


c’est-à-dire dans une période temporelle fixe. Schématiquement, ce type
de distinctions pourrait être représenté comme suit :
FORME
Cours (ex. : 45 h.)
Leçon (ex. : 50 min.)

CONTENU
Cours
Chapitres
Unités
Phases (macro A.D.)
Activités didactiques (A.D.)
Figure 1 – La FORME et le CONTENU de l’enseignement

Quoi qu’il en soit de ces distinctions, il reste que toute théorie scienti-
fique repose sur des régularités qui se présentent, la plupart du temps,
sous la forme de structures. À ce sujet, Carl Hempel, le grand épistémo-
logue contemporain, nous rappelle que, même dans le domaine des
sciences de la nature,
le but des théories est d’exprimer des régularités […]. En tout état de cause, c’est
en plongeant sous la surface des phénomènes familiers que les sciences de la nature
ont obtenu leurs vues les plus profondes et de la portée la plus grande ; il n’est donc
pas surprenant que certains penseurs considèrent les structures, les forces et les
processus sous-jacents comme les seuls éléments réels qui constituent le monde.
(Hempel, 1972 : 109 et 121)

Il en va de même, semble-t-il, dans le domaine des Sciences humaines.


Par exemple, la linguistique actuelle prend sa source lointaine dans la
phonologie structurale de Troubetzkoy et son concept de phonème. C’est
ainsi que la linguistique structurale a permis l’émergence de la morpho-
logie (ou structure) du conte avec Propp, de l’analyse dite structurale du
récit avec Barthes, Greimas, Bremond, Eco, Todorov, Genette, du système
ou structure de la mode avec Barthes et son concept de vestème, et ainsi
de suite avec l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss et le concept de
mythème ou encore, plus près de nous, avec le concept de colorème
propre à la sémiologie du langage visuel de F. Saint-Martin (1993) ou à
la structure de la conversation telle que construite par l’équipe des cher-
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cheurs réunis à Genève autour d’E. ROULET (1991). Dans chacun de ces
cas, c’est l’étude de la structure qui a permis de hiérarchiser les concepts,
de les ordonner, tout comme cela se produit, nous rappelle encore
Hempel, dans les sciences de la nature :
Une bonne théorie scientifique permet de rendre compte de phénomènes très divers

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en les unifiant systématiquement. Elle les rattache en totalité aux mêmes processus
sous-jacents. (Hempel, 1972 : 117)

3. LE DIDACTÈME, L’UNITÉ DE BASE MINIMALE DE


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L’ÉTUDE DE L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES


Lorsque l’activité d’enseignement observée est minimale, elle sera dési-
gnée comme étant un didactème. Ainsi, le didactème sera défini comme
étant la plus petite unité d’enseignement, dotée à la fois d’une forme (une
activité observable en salle de classe) et d’un contenu d’apprentissage
(une portion de la matière enseignée).
Méthodologiquement, la principale difficulté revient donc à identifier
les didactèmes, à en faire la segmentation. En phonologie structurale, on
sait que l’une des façons de procéder à la segmentation des phonèmes
consiste à appliquer la technique de la commutation. C’est ainsi que, dans
l’analyse systématique de l’enseignement d’une L2 inspirée de la phono-
logie structurale (sans que l’on postule, pour autant, l’isomorphisme de
ces deux types distincts d’analyse), on peut recourir à un principe de perti-
nence, la fonction didactique (but et contenu d’apprentissage) et à une
technique d’analyse, l’épreuve de la commutation. En procédant de la
sorte à partir d’un corpus constitué essentiellement de leçons de L2 enre-
gistrées sur cassettes, puis transcrites, nous en sommes ainsi arrivés à
dégager un certain nombre d’activités didactiques (A.D.) récurrentes, sous
la forme des sept types suivants d’A.D. :
Types d’A.D.
P = Présentation
Pra = Pratique
Tra = Transposition
Exp = Exploitation
Rév = Révision
Cor = Correction
Vér = Vérification

Figure 2 – Types d’A.D. (activités didactiques)

L’A.D. /présentation/ a pour but de « présenter » des éléments (langa-


giers) nouveaux, non appris jusqu’ici, soit sous la forme d’un exposé
magistral, soit sous la forme de questions-réponses ou d’interactions avec
les élèves, soit sous la forme d’explications, etc.
L’A.D. /pratique/ a pour but de « faire pratiquer » les éléments (langa-
giers) nouvellement appris, de manière à mieux les faire assimiler. Une
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/pratique/ peut prendre diverses formes, identifiables par leur fonction
distincte. Par exemple :
/Pratique : jeu de rôle/
/Pratique : jeu/
/Pratique : simulation/

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/Pratique : écoute (dialogue)/
/Pratique : production écrite/
etc.
L’A.D. /exploitation/ a pour but « d’exploiter », c’est-à-dire de mieux
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faire comprendre, soit le texte enregistré d’un dialogue, soit le texte écrit
d’un manuel, soit le contenu d’une série d’illustrations. Cette activité
consiste en une série de questions-réponses à partir d’images, d’enregis-
trements, etc.
L’A.D. /transposition/ a pour but de « faire transposer » dans la vie
personnelle de l’élève les éléments (langagiers) nouvellement appris et, le
cas échéant, pratiqués. Il s’agit d’une sorte d’activité d’appropriation
personnelle impliquant directement les élèves dans leur vie. Cette activité
se rapproche de l’usage de la langue visé dans la vie réelle : c’est pour-
quoi elle fait appel, le plus souvent, au je.
L’A.D. /révision/ a pour but de « réviser » les éléments (langagiers)
déjà appris, le plus souvent au cours de leçons antérieures, mais pas
nécessairement.
L’A.D. /correction/ a pour but de « corriger », c’est-à-dire de reprendre
de façon systématique et relativement élaborée la production de formes
linguistiques erronées.
L’A.D. /vérification/ a pour but de « vérifier » de façon systématique
et relativement élaborée les éléments (langagiers) appris et, le plus
souvent, déjà pratiqués.
Dans l’exemple fourni à l’Appendice 2, on observe, dans cette partie de la
leçon, les cinq didactèmes suivants (par convention, la forme du didactème
figure entre traits obliques alors que le contenu figure entre guillemets) :

Forme Contenu
/Révision : exploitation (images)/ « Gr. + Voc. : identité ; il/elle + adj. »
/Révision : transposition/ « Lgue : formules (identité : Comment
il s’appelle ?) »
/Présentation/ « Lgue : formule (identité : Quelle est
[nationalité] ?) »
/Exploitation (images)/ « Gr. + Voc. : Identité »
/Présentation/ « Gr. : il a/il est (âge) »

Figure 3 – Exemples de didactèmes

4. LA STRUCTURE SÉQUENTIELLE
L’ensemble des didactèmes d’une leçon forme une suite, un déroule-
ment linéaire, chronologique. À l’examen, il paraît possible de dégager
461
une structure séquentielle, faite de régularités de combinaisons de didac-
tèmes (du moins, chez un même enseignant ; de nouvelles études, portant
sur d’autres enseignants, permettront éventuellement de vérifier l’étendue
de cette caractéristique). C’est ainsi qu’à partir du corpus examiné
jusqu’ici, on peut dégager la régularité suivante :

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P + Pra
Tra
Exp

Fig. 4 – Structure séquentielle


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Autrement dit, en règle générale (ce qui n’exclut pas la présence de


quelques rares exceptions), une activité de pratique (Pra), de transposition
(Tra) ou d’exploitation (Exp) est précédée d’une activité de présentation
(P) des éléments à faire acquérir.
Par ailleurs, les activités de correction (Cor), de révision (Rév) ou de
vérification (Vér) sont plutôt mobiles : elles sont relativement autonomes,
de sorte que leur apparition est peu prévisible. À ce noyau de base, ou
structure séquentielle, il convient d’ajouter deux types de phénomènes qui
viennent compliquer, pour ainsi dire, le déroulement linéaire d’une leçon.
Il s’agit des phénomènes de l’enchâssement, de l’alternance et de la
simultanéité. L’exemple fourni à l’Appendice 2 comprend deux exemples
d’enchâssement : le deuxième didactème (/Révision : transposition/
« Lgue : formules… ») est enchâssé dans le premier didactème. En effet,
le deuxième didactème se produit des lignes 038 à 056 alors que le
premier va de la ligne 001 à la ligne 140. Il en va de même du cinquième
didactème (lignes 246-300), enchâssé dans le quatrième (lignes 180-320).
L’exemple fourni à l’Appendice 1 signale un cas d’alternance : les deux
didactèmes qui vont des lignes 317 à 442 alternent entre eux (altern.).
Cela signifie que l’enseignant fait faire tout d’abord une activité pratique
d’écoute d’un extrait de dialogue, puis en fait l’exploitation en s’appuyant
sur les images d’un manuel ; puis, l’enseignant revient à l’écoute d’un
autre passage du dialogue, qu’il exploite en alternance, et ainsi de suite.
Enfin, il arrive à l’occasion, notamment lorsque l’enseignant assigne
des travaux différents à des sous-groupes d’élèves travaillant en équipe,
que se produisent simultanément deux ou plusieurs A.D.

5. LA STRUCTURE HIÉRARCHIQUE
Le projet de recherche sur lequel reposent les données rapportées ici est
intitulé : ASHILE (Analyse de la Structure Hiérarchique de Leçons). En
effet, un des présupposés fondamentaux de l’étude est que l’activité
pratique d’enseigner serait articulée autour de deux types complémentaires
de structures : une structure de surface séquentielle (linéaire) et une struc-
ture profonde, d’ordre hiérarchique (Germain, 1990). Autrement dit, une
fois la segmentation du corpus réalisée, se dégage un certain déroulement
séquentiel dont on peut tenter de dégager une structure, comme on vient
462
de le voir. Toutefois, tout porte à croire que l’on peut poursuivre l’analyse
à un autre niveau, plus abstrait, permettant cette fois de regrouper
plusieurs didactèmes, de manière à constituer des A.D. non minimales,
voire des macro A.D. Cela revient, en quelque sorte, à reconstituer a
posteriori la planification de la leçon telle que celle-ci s’est effectivement

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déroulée, avec tout ce que cela implique de déviation par rapport à ce qui
avait été initialement prévu.
En procédant ainsi, on voit mieux toute la complexité de l’activité d’en-
seigner, qui consiste à opérer un certain nombre de retours sur ce qui a
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déjà été vu, à interrompre soudainement un déroulement planifié afin de


répondre à la question d’un élève (dans le modèle ASHILE, ces A.D. sont
désignées comme des incidentes), à corriger les productions des élèves, à
faire pratiquer les formes langagières nouvellement présentées, à les faire
transposer dans la vie personnelle de l’élève, sous la forme d’activités de
jeux, de simulations ou de jeux de rôles, etc. Les A.D. obtenues peuvent
être de divers types, comme on pourra le constater en examinant
l’exemple de la structure hiérarchique d’une portion de leçon, fourni à
l’Appendice 3. C’est ainsi qu’on en arrive à dégager trois grands types
principaux d’A.D. : des A.D. DIRECTRICES (dir.), SUBORDONNÉES
(sub.), et COORDONNÉES (coord.). Les A.D. sub. peuvent être prépa-
ratoires (A.D. prép.) ou rétroactives (A.D. rétro), incidentes (non prévues,
spontanées), enchâssées, en alternance, simultanées et discontinues.
Les exemples fournis dans les trois appendices ne visent qu’à donner un
bref aperçu du type de résultats obtenus dans le cadre du modèle ASHILE
(voir Germain, 1999 et Pambianchi, 1999). À l’heure actuelle, l’équipe
d’ASHILE en est à rassembler un corpus plus vaste et diversifié, constitué
à la fois d’enregistrements sur cassettes de classes de L2 et d’enregistre-
ments, sous la forme d’interviews, des enseignants observés. Toutefois, il
convient de signaler que les données ne consistent pas tout simplement en
extraits de quelques minutes d’une même leçon, ou en quelques leçons
éparses, comme cela est souvent le cas dans les recherches empiriques
(surtout américaines) en éducation. Le type d’analyse pratiquée, sous la
forme d’une double structure, requiert des enregistrements d’une série de
leçons consécutives d’un même enseignant : de préférence, au moins trente
heures consécutives. Or, comme il faut compter au moins 10 heures de
transcription pour chaque heure d’enregistrement, on comprendra qu’il
s’agit là d’un projet d’une certaine envergure.
Malgré le temps énorme requis par ASHILE pour transcrire et analyser
les données recueillies, cela a permis de mettre à jour, à partir de quelques
données empiriques, une double structure, linéaire et hiérarchique, des
leçons de L2. Comme notre corpus porte autant sur l’enseignement de l’an-
glais (L2) que sur l’enseignement du français (L2), et qu’il est constitué de
données provenant non seulement de la région de Montréal, mais égale-
ment de l’Australie et de la Chine (Pambianchi, 1994), il y a tout lieu de
croire que nous pourrons éventuellement en arriver à dégager un certain
nombre de tendances générales, c’est-à-dire des régularités ou structures
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propres à l’enseignement d’une L2. C’est, du moins, ce que laissent entre-
voir les résultats préliminaires de nos analyses, qui peuvent de ce fait être
considérées comme une contribution à l’élaboration d’une véritable didac-
tologie des langues-cultures dans le cadre du projet galissonnien.

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Claude GERMAIN
Université du Québec à Montréal (UQAM)
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BIBLIOGRAPHIE
ALLWRIGHT, Dick. 1988. Observation in the language Classroom. London,
Longman.
CRAHAY, Marcel. 1986. L’art et la science de l’enseignement. Bruxelles, Éditions
Labor.
GALISSON, Robert. 1997. « Les concepts fondateurs de la didactologie sont-ils des
passeurs de gué légitimes ? », Études de linguistique appliquée, 105, janv.-
mars.
—. 1994. « Un espace disciplinaire pour l’enseignement/apprentissage des
langues-cultures en France. État des lieux et perspectives », Revue Française
de Pédagogie, 108, juillet-août-sept.
—. 1990. « De la linguistique appliquée à la didactologie des langues-cultures en
France. Vingt ans de réflexion disciplinaire », Études de linguistique appli-
quée, 60, oct.-déc.
GERMAIN, Claude. 1999. « Structure fondamentale de l’enseignement d’une
langue étrangère ou seconde », Études de linguistique appliquée, 114, p. 171-
187.
—. 1995a. « De la nécessité d’une théorie de l’enseignement des langues »,
Revue de l’ACLA [Association canadienne de linguistique appliquée], 16/2,
p. 25-38.
—. 1995b. « Implications or applications versus relevancy of linguistics to second
language teaching », Revue de l’ACLA, 16/2, p. 39-48.
—. 1990. « La structure hiérarchique d’une leçon en classe de langue seconde »,
Bulletin de l’ACLA 12/2, p. 75-87.
HEMPEL, Carl G. 1972. Éléments d’épistémologie. Traduit de l’anglais par
B. Saint-Sernin. Paris, Colin.
PAMBIANCHI, Gabriella. 1999. « Description d’une démarche d’observation pour
l’analyse de l’enseignement de l’anglais langue étrangère en Chine », Études
de linguistique appliquée, 114, p. 189-208.
—. 1994. L’enseignement de l’anglais en milieu universitaire chinois : observa-
tions de leçons et entrevues avec des enseignants chinois. Mémoire de maîtrise
en linguistique (concentration didactique des langues), Montréal, Université du
Québec à Montréal (UQAM).
ROULET, Eddy. 1991. « L’enseignement-apprentissage de la compétence discur-
sive et l’analyse du discours », Revue de l’ACLA, 13/2, p. 7-22.
SAINT-MARTIN, Fernande. 1994. Sémiologie du langage visuel. Québec, Presses
de l’Université du Québec.
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464
ANNEXE 1. — EXEMPLES DE DIDACTÈMES
Forme Contenu
001-013 P-Es /Présentation/ « Lgue : formules (identité : Je m’appelle / vous) »
014-069 E-E /Transposition/ « «
[…] […]
317-442 Es /Pratique : Écoute (dial.)/ « Gr. + Voc. : identité (date de naissance, nationalité…) »
(altern.)
P-Es /Exploitation « «
(dialogue + images)/
442-483 E-E /Pratique : lecture (dial. à compléter), « «
P-Es rép. Orale, puis écrite/
484-618 E-E /Pratique : jeu de rôle/ « «

Appendice 2 - Exemples de structures enchâssées

Forme Contenu
001- 140 P-Es /Révision : exploitation (images)/ « Gr. + Voc. : identité ; il/elle + adj. »
038- 056 P-Es /Révision : transposition/ « Lgue : formules (identité : Comment il s’appelle ?) »
141- 179 P-Es /Présentation/ « Lgue : Formule (identité : Quelle est [nationalité] ?) »
180- 320 P-Es /Exploitation (images)/ « Gr. + Voc. : identité »
246- 300 P-Es /Présentation/ « Gr. : il a/il est (âge) »

Les chiffres réfèrent aux numéros de lignes du corpus transcrit et les données de la deuxième colonne servent
à identifier le type d’interaction : P = professeur ; Es = élèves)

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465
ANNEXE 3. — LA STRUCTURE HIÉRARCHIQUE
D’UNE LEÇON (EXTRAIT)

OUVERTURE

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OUVERTURE

A.D. prép. [devoir à faire hors classe]


/Pratique : lecture (journal)/ « Lgue : emploi »
N
N
A.D. dir.
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A.D. prép.
/Pratique : discussion (ss-groupes)/ « Lgue : emploi »
O
A.D. rétro
/Présentation/ « Voc. »
Y
A.D. dir. A.D. dir.
A /Pratique : exposé/ « Lgue : emploi »
O
A.D. coord. 1
U A.D. rétro
/Pratique : questions-comment./ « Voc. »

A.D. dir.
- /Pratique : exposé/ « Lgue : emploi »

Y
A.D. rétro incidente
A.D. coord. 2
/Correction/ « Gr. »
T
A.D. rétro
H /Pratique : questions-comment./
« Lgue : emploi »

E A.D. dir.
A /Pratique : exposé/ « Lgue : emploi »
A.D. coord. 3
M A.D. rétro
/Pratique : questions-comment./
« Lgue : général »
E

A.D. dir.
A.D. coord. 4
/Pratique : exposé/ « Lgue : emploi »
U I
A.D. rétro
/Correction/ « Phonétique »
CLÔTURE

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