Vous êtes sur la page 1sur 10

économie verte et emplois verts…

un gisement d’opportunités pour l’afrique

Les pays africains sont aujourd’hui confrontés à deux défis majeurs, caractéristiques
de notre époque. Le premier consiste à réduire le chômage des jeunes par le développement
An’ War Deen Bolarin LAWANI des emplois, la promotion des conditions de travail décentes, et l’inclusion sociale dans
Cet économiste statisticien de 30 ans est un contexte de progrès économique et social. Le second défi consiste à répondre aux
expert en emplois verts et emplois des problèmes liés aux changements climatiques, à la détérioration progressive des ressources
jeunes auprès du Bureau International du naturelles, notamment dans le monde rural (dégradation des terres, pollution,
Travail (BIT), du Programme des Nations désertification, etc..) qui mettent en péril la vie des générations actuelles et futures.
Unies pour le développement (PNUD) et de
l’Organisation Internationale de la Franco-
Face à une telle situation, le passage à une économie plus respectueuse de l’environnement
phonie (OIF). Auprès de ces différentes ins- s’impose pour répondre à ces deux défis.
titutions, il a réalisé des travaux de
recherche et animé des ateliers sur les Les préoccupations environnementales sont au centre du développement
emplois verts dans l’Océan Indien ou en humain durable. Les menaces, notamment les changements climatiques et
Afrique de l’Ouest. Il est l’auteur d’une les risques de catastrophes environnementales que font planer nos modes de
étude sur « L’état de lieux des emplois verts production et de consommation actuels sur le devenir de l’humanité
en Afrique francophone » pour le départe-
témoignent de l’impératif des changements indispensables dans la manière
ment Emploi de l’Organisation Internatio-
nale du Travail (OIT) de mener nos activités économiques et sociales. L’économie verte s’impose
alors, non seulement comme un modèle au niveau des activités, mais aussi
comme une exigence du processus de réduction de notre empreinte
écologique. Cette exigence de promouvoir une économie verte, moins
polluante et protectrice de l’environnement et du cadre de vie est au centre
de la stratégie de développement durable. L’économie verte, tout en étant le
moteur du développement durable, est aussi pourvoyeuse d’emplois. C’est
ainsi, face aux problèmes du chômage, du sous-emploi et de la faible
productivité du travail que connait l’Afrique, qu’il est apparu nécessaire - à
l’instar des rapports du PNUE/BIT sur les emplois verts publiés en 2008
- d’explorer les opportunités d’emplois verts en Afrique.
Plusieurs études sur les opportunités d’emplois verts en Afrique dans les
énergies renouvelables, le reboisement et la gestion des déchets ont été
menées. D’autres domaines méritent tout autant de constituer des pistes de
réflexions utiles pour la promotion des emplois verts comme l’efficacité
énergétique des nouveaux et des anciens bâtiments, les technologies de
transport durables et des systèmes de transports en commun, les infrastructures
écologiques de la terre, l’agriculture durable, y compris biologique.
Ces emplois s’inscrivent dans la logique de la réduction de la pauvreté et de
la durabilité. La promotion des emplois verts se présente comme la voie à
privilégier si l’on souhaite concilier les impératifs économiques et sociaux
et la nécessaire protection de l’environnement. En effet, il s’agit de promouvoir
les emplois dans l’agriculture, l’industrie, les services et l’administration qui
contribuent à préserver, restaurer et valoriser la qualité de l’environnement.
La promotion des emplois verts devrait s’inscrire dans une démarche
volontariste des gouvernements africains. Cela consisterait à adapter les
politiques de l’emploi aux défis et enjeux environnementaux qui, combinés
lawani_deen@yahoo.fr

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 115


à ceux du chômage des jeunes, répondraient aux La mobilisation de ces ressources financières va bien au-delà
problématiques les plus pressantes de ce siècle. des mécanismes mondiaux négociés dans le cadre de la
Convention Cadre des Nations Unies sur les changements
Une transformation structurelle de l’économie africaine
climatiques. Elle exigera également des efforts aux niveaux
impliquant la création d’un grand nombre d’emplois verts
local et national en vue de travailler de concert avec le
et ayant des effets positifs majeurs sur le développement
secteur privé pour parvenir aux investissements et aux flux
humain durable est possible…
financiers supplémentaires nécessaires.
Pour la réussite de la transition verte, l’Afrique doit toutefois
L’accès aux fonds disponibles pour les jeunes porteurs de
relever le défi de mobilisation des ressources nécessaires.
projets demeure un grand défi. En dehors des financements
Les investissements consécutifs à la transition vers une
extérieurs, il appartient aux pays en voie de développement
croissance verte supposent la mobilisation de ressources
eux-mêmes d’assurer leur croissance verte et leur
nouvelles et additionnelles afin de saisir réellement les
développement équitable. De cette responsabilité découle
opportunités d’un développement durable au niveau
la nécessité de créer des conditions qui permettent de réunir
continental. Il n’existe aucune évaluation complète des
les ressources financières nécessaires à investir.
coûts d’une transition vers l’économie verte pour l’Afrique,
mais les estimations récentes du coût des mesures qui Les voies choisies par les décideurs nationaux déterminent
doivent être prises pour mettre l’Afrique sur une trajectoire l’état de la gouvernance, les politiques macroéconomiques
de croissance moins productrice de carbone font état de et microéconomiques, l’état des finances publiques, du
montant de 9 à 12 milliards de dollars américain par an système financier, et les autres éléments fondamentaux de
d’ici à 2017 dont la mobilisation s’annonce difficile. Les l’environnement économique. En effet, une politique
nations africaines auront donc clairement besoin de sources budgétaire saine, des dépenses sociales responsables et un
extérieures de financement par l’intermédiaire à la fois des système financier compétitif sans aléas sont des conditions
fonds publics et des investissements privés et de l’aide indispensables du développement économique et social
publique au développement qui doivent demeurer une respectueux de l’environnement.
source essentielle de financement (malgré l’incertitude
Les pénuries de compétences font obstacle à l’accélération
suscitée par les contraintes budgétaires dans les pays
des transitions vers des économies plus vertes. Nous pouvons
donateurs et qui ont conduit au fléchissement de l’aide
citer les deux principaux obstacles suivants :
publique cette année).
1) Absence de synergie entre les politiques relatives
aux compétences et les politiques environnementales
La plupart des pays disposent de politiques environnementales
mais rares sont ceux qui ont établi des stratégies de
développement des compétences. Faute de cohérence, des
goulots d’étranglements se créent et cela peut bloquer la
transition verte. Dans les pays en voie développement, il est
rare que des stratégies de développement de compétences
soient incluses dans les plans nationaux d’adaptation aux
changements climatiques. Cela est notamment lié à la
mauvaise coordination entre la planification nationale et
les ministères, au manque de ressources adéquates et de
capacités institutionnelles pour mettre en œuvre de telles
stratégies.
2) Nécessité d’une évolution structurelle verte qui
devra être profonde dans certains secteurs
L’écologisation de l’agr iculture aura d’énor mes
conséquences pour les travailleurs, en particulier dans les
pays en voie de développement, où le secteur agricole est
le plus grand employeur. Il est aussi responsable d’importantes
émissions de gaz à effet de serre et pour les réduire, il est
Installation du Centre Songhai (Bénin), Photo : ENERGIES 2050

116 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE


indispensable d’adopter des pratiques agricoles durables qui
nécessiteront aussi de nouvelles compétences.
L’écologisation de l’économie présente des difficultés mais
offre aussi un potentiel considérable en matière de création
d’emplois qui pourrait ainsi réduire l’important chômage
présent dans les pays en développement.
Le développement des compétences vertes est déterminant
Centre Songhai (Bénin), Photo : ENERGIES 2050
pour garantir le passage à une économie sobre en carbone.
Il est aussi essentiel pour aider les travailleurs à s’adapter à L’agriculture verte offre des milliers d’opportunités
l’évolution rapide du monde du travail. Une telle démarche d’emplois en milieu rural. La démarche du centre Songhaï
ne procède pas seulement d’une logique réactive mais cela qui combine agriculture, élevage, pèche et production de
constitue un important facteur de changement. Promouvoir bioénergie est une référence en Afrique et dans le monde
les compétences vertes renforce les investissements dans les en matière de création d’emplois verts et d’activités
activités vertes et accélère l’écologisation. La nécessité génératrices de revenus. Ce système est basé sur le principe
d’avoir des politiques adaptées mais aussi des compétences de synergie (interaction entre l’agriculture, l’élevage et la
et des technologies pour la mise en œuvre ne doit pas être pisciculture). Le système intégré de production recycle et
sous-estimée. Les stratégies axées sur les compétences pour valorise les déchets provenant des différentes unités de
appuyer la croissance verte peuvent en elles-mêmes être production. Ce système possède de nombreux avantages,
un facteur de changement : la présence d’une main d’œuvre techniques, écologiques, économiques et sociaux.
dotée de compétences adéquates attire les investisseurs et,
la sensibilité à l’environnement encouragée par l’éducation En effet, les déchets issus de la production animale (fientes
et la formation augmente la demande des produits et des des volailles) sont récupérés et transformés en compost
services verts. (engrais naturels) fertilisant pour le maraichage (production
de salades, tomates, maïs, manioc, mangue, ananas, melons,
L’identification et l’anticipation des compétences nécessaires papayes). Un système d’irrigation goutte-à-goutte alimenté
pour une économie à faibles émissions de carbone devraient par énergie solaire permet d’arroser les cultures. Les matières
précéder les décisions en matière de formation de sorte fécales issues de l’élevage des porcs et des vaches servent à
que les compétences acquises soient pertinentes pour le produire les asticots riches en protéines qui sont utilisés
marché du travail. Ainsi, il serait souhaitable de mettre en pour la pisciculture (l’élevage de poissons). La bioénergie
place une équipe de veille stratégique chargée d’identifier (biogaz) est produite suite à la méthanisation des déchets
les besoins en compétences pour le marché du travail. En issus de la production animale. Le biogaz ainsi obtenu est
effet, les fournisseurs de services et de formations ont besoin utilisé pour la cuisson dans le restaurant du centre Songhaï.
de savoir les programmes d’études à actualiser et les De plus, les panneaux solaires servent à l’électrification des
nouvelles compétences requises, et d’élaborer des nouveaux dortoirs. Ce centre est donc un système complet où rien
curricula portant sur des domaines comme le recyclage et ne se perd mais tout se transforme.
les énergies renouvelables. Quant aux pouvoirs publics qui
proposent des initiatives en faveur de l’économie verte, ils
devront analyser les besoins et les inclure dans un plan
exposant la manière pour y répondre.
Le système intégré de production du centre
Songhaï au Bénin
Pour répondre aux défis liés aux changements climatiques
l’Afrique doit se doter d’un nouveau modèle économique
qui prend en compte la protection de l’environnement, une
production sobre en carbone. Le système intégré du centre
Songhaï au Benin s’inscrit dans cette dynamique. Songhaï
est un centre de formation, de production, de recherche et
développement en agriculture durable qui repose sur un
système intégré de production.
Panneau solaire au Centre Songhai (Bénin), Photo : ENERGIES 2050

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 117


En plus, de la production primaire (production animale et après le coucher du soleil. Les élèves ont la possibilité
végétale), le centre dispose aussi d’usines de transformation d’étudier plus tard dans la journée et un accroissement du
des produits agricoles (jus de manges, d’ananas, de papayes) taux de réussite scolaire dans ce village a été constaté.
et de conception d’emballages. La production secondaire
comprend aussi la fabrication des machines (moulins de Conclusion
transformation des produits agricoles) et la construction
des serres pour la culture du piment. Enfin, la production A travers les « initiatives vertes » que nous avons relatées,
tertiaire se charge de la commercialisation, du transport et l’économie verte et les emplois verts représentent sans
du marketing des produits agro-alimentaires. aucun doute, un gisement de création d’emplois et
d’activités génératrices de revenus. Mais cela nécessite un
Pour assurer la production, deux cents jeunes et femmes ont vrai engagement politique de l’ensemble des différents
été recrutés et formés pour accomplir les différentes tâches. acteurs (gouvernement, société civile, ONG, collectivités
Initiative « Lampes solaires pour les élèves locales, chercheurs, secteur privé) afin de poser les règles
de Koulweogo-Tansogo » au Burkina Faso nécessaires permettant d’organiser tous les secteurs
concernés (déchets, agriculture, énergie…). Il importe donc
En ce qui concerne l’énergie solaire et les foyers améliorés, d’encourager les investissements dans les filières vertes en
l’association française « Un village trois luttes (UVTL) » a vue de les transformer en secteurs économiques attractifs,
initié le projet « Lampes solaires pour les élèves de qui contribuent à la création de valeurs ajoutées, d’activités
Koulweogo-Tansogo ». Elle s’est engagée à soutenir génératrices de revenus et d’emplois pour les jeunes et les
financièrement le projet porté par les paysans et les parents femmes.
d’élèves de ce village rural au nord du Burkina Faso. Le
projet a pour objectif de fournir 150 lampes solaires aux Des « compétences vertes » suivies de bonnes « politiques
élèves et aux enseignants à la place de lampes tempêtes publiques vertes » tel est le chemin pour que l’économie
nocives à la santé humaine. Des jeunes ont été recrutés pour verte et les emplois verts deviennent un véritable gisement
la fabrication, l’entretien et la maintenance de ces lampes. d’opportunités.
Les enseignants peuvent ainsi dispenser les cours même

Des élèves en visite au Centre Songhai (Bénin), Photo : ENERGIES 2050

118 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE


Économie verte en Afrique pour le développement durable et l’éradication de la pauvreté
Le programme Économie verte en Afrique est une initiative de l’Institut de la Francophonie pour le développement
durable (IFDD), le Centre International des Technologies de l’Environnement de Tunis (CITET), l’Université Senghor
(US) et l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS). Il vise le renforcement des capacités des pays francophones d’Afrique
sur l’économie verte, afin de promouvoir l’intégration des politiques vertes dans les stratégies nationales de développement
durable.
Ces capacités concernent notamment la régulation juridique de l’accès aux ressources naturelles, l’utilisation d’instruments
économiques basés sur le marché comme les quotas de pollution et la fiscalité pour intégrer les coûts environnementaux
et sociaux. Pour cela, la maîtrise de différents outils analytiques est nécessaire. Il s’agit, entre autres, de l’évaluation des
services écosystémiques, de l’analyse économique des actifs et des services environnementaux, de l’analyse coût-avantage
des politiques et des investissements sur l’environnement.
Pour atteindre cet objectif global, le programme prévoit différents modes d’intervention, selon les acteurs et leurs rôles :
le renforcement des capacités par la formation et la mise à disposition de supports de vulgarisation; le plaidoyer auprès
des décideurs clés, dans les pays mais aussi au niveau régional, dans le but de renforcer l’engagement politique et d’encourager
l’adoption de mesures économiques, juridiques, sociales et environnementales; la création de nouvelles connaissances sur
les résultats probables de la mise en œuvre des politiques; la mise en place d’une plateforme d’échange d’expériences et
de savoirs et enfin, l’accompagnement des pays pilotes pour l’utilisation des nouvelles connaissances acquises.
Le lancement du programme a été fait à Tunis, les 4 et 5 mai 2015 à l’occasion d’une conférence internationale dédiée
et qui a réuni plusieurs acteurs parmi lesquels des cadres de l’administration publique des pays africains francophones, des
banques, des opérateurs privés et des représentants de la société civile.

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 119


Des normes pour un tourisme durable :
défis et opportunités
Le projet « Des Normes pour un tourisme durable en Afrique »
constitue une réponse opérationnelle aux attentes, aux besoins et au regain
d’intérêt constatés depuis plusieurs années pour l’expertise française en
Jean-Marc LUSSON matière de développement durable du tourisme. Le partenariat ORAN/
Socio-économiste freelance sénior spécia- ARSO-RNF1, rejoint par l’Initiative de la Francophonie pour un tourisme
lisé dans la gestion de projet, les études et
durable, conduite par l’IFDD, coordonnera les activités de l’ensemble des
le conseil, Jean-Marc Lusson a exercé ses
compétences dans la gestion de projets partenaires des infrastructures de qualité des pays africains et des PEID2,
institutionnels ou privés dans les pays en notamment les ONN3. Le projet vise à produire un premier ensemble de
développement/transition (Caraïbes et documents à caractère normatif, de référentiels et de codes de conduite dans
Amérique centrale, Afrique et océan Indien, le domaine du tourisme durable en Afrique.
Cambodge), sur financements gouverne-
mentaux, bilatéraux, multilatéraux, ou
privés. Il a notamment assuré douze DÉFIS : vers un nouvel équilibre
missions pour l’Organisation Mondiale du
Tourisme. Ses principaux domaines de spé- La présence francophone s’intègre dans un contexte de croissance forte et
cialisation sont la planification et l’aména- continue du tourisme dans le monde : l’OMT/UNWTO4 indique en effet
gement touristique durable, l’audit des que le seuil d’un milliard de touristes internationaux a été dépassé en 2014,
systèmes d’information, l’élaboration et la
mise en œuvre de systèmes de statistiques/
sur un total de 3 milliards de passagers aériens et, qu’à l’horizon 2035, nous
classification et de comptes satellites du compterons plus de 7 milliards de passagers aériens dont 2 milliards de
tourisme (SST-CST), de balance des touristes ! En 2050, les francophones dépasseront les 700 millions de personnes,
paiements, d’études d’impact économique, notamment sur le continent africain.
financier, environnemental et de formation.
Il est auteurs d’articles pour AFNOR-BI- Sous l’impulsion de l’ORAN-ARSO, l’harmonisation des Normes et des
VI-QUALITE et la Revue Qualitique. Pour référentiels francophones et anglophones a été lancée au travers de plusieurs
l’ORAN/ARSO-RNF, il est Pilote du Projet
processus. Le projet « Des Normes pour un tourisme durable en
« Des Normes pour un tourisme durable en
Afrique » au sein du Comité Technique Afrique » est issu d’une collaboration avec l’Association RNF ; il a été élaboré
« Système de management durable ». en 2013 et validé par un Mémorandum signé par les deux parties. Un
rapprochement avec l’IFDD et son programme Tourisme durable en faveur
des PEID est également en cours.
Ce projet vise à constituer un cadre normatif et de bonnes pratiques en vue
de contribuer au développement économique et durable du tourisme en
Afrique. Il représente un exercice de synthèse et d’harmonisation de l’essentiel
des principes, règles, normes et bonnes pratiques retenus au niveau mondial
et régional pour promouvoir le tourisme durable. Si l’ancienne économie
touristique pouvait s’analyser au travers d’une dialectique classique entre
offre et demande, il convient désormais d’ajouter le nouveau champ
économique constitué par l’économie de partage et le tourisme solidaire/
responsable, ces trois pôles devant eux-mêmes être considérés au sein de
processus plus globaux englobant la chaîne de valeurs et le cycle de vie des
produits, équipements et infrastructures caractéristiques des activités
touristiques.

1 Organisation Africaine de Normalisation - Réseau Normalisation & Francophonie :


www.lernf.org
2 Petits États Insulaires en Développement
3 Organisme Nationaux de Normalisation
jeanmarclusson@ymail.com
4 Organisation Mondiale du Tourisme : http://www2.unwto.org/fr

120 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE


Face aux grands défis du développement durable, aux enjeux liés au réchauffement climatique ainsi qu’à la part importante
prise par le tourisme, la mise en œuvre de ce projet en Afrique implique la participation active de l’ensemble des parties
prenantes concernées, y compris les bailleurs de fonds. Il s’agit de relever ces défis en produisant des outils normatifs
susceptibles d’accompagner un développement durable du tourisme et d’influer significativement sur les impacts climatiques
des activités touristiques5, d’encadrer les efforts en matière de réduction des consommations énergétiques et de rejets, et
de viser à l’horizon 2030 ou 2050 le « zéro rejet non contrôlé » pour l’essentiel de la filière touristique.

CADRE CONCEPTUEL DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TOURISME


Le premier cadrage des concepts et pratiques du développement durable remonte au Rapport Bruntland, publié en 1987.
Aujourd’hui, une nouvelle approche géographique nationale et régionale ainsi qu’un élargissement à de nouvelles thématiques
affinant le cadre des démarches RSE/RSO6 et QHSE7 a fortement enrichi et approfondi le cadre de réflexion initial. La
transposition dans le domaine du tourisme durable ajoute une dimension temporelle supplémentaire afin de prendre en
compte les cycles de vie des produits ainsi qu’une vision dynamique au niveau de la chaîne des valeurs :

La typologie des parties prenantes pourra par ailleurs être abordée selon les principaux axes suivants :

5 Voir notamment le programme européen neZEH : Nearly Zero Energy Hotels - www.nezeh.eu
6 Responsabilité Social(Sociétale) des Entreprises - Organisations
7 Qualité, Hygiène, Sécurité, Environnement

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 121


Ces dimensions et critères d’analyse traduisent la complexité du secteur tourisme et expliquent en partie les difficultés
rencontrées pour collecter les données requises et produire des informations pertinentes sur le plan stratégique et utiles
pour l’ensemble des parties prenantes. Par ailleurs, le secteur tourisme subit les effets des principaux cycles économiques,
et d’autres facteurs exogènes influent également sur les dynamiques propres au secteur, rendant délicats les exercices de
prévision.
Rappelons également que les Normes s’inscrivent dans une hiérarchie de documents accompagnés de contraintes croissantes,
allant de simples recommandations au niveau des fascicules de documentation à des contraintes légales, comme illustré
ci-dessous :

CADRE OPÉRATIONNEL DE LA NORMALISATION APPLIQUÉ AU TOURISME


ISO – CEN/CENELEC – ORAN/ARSO – AFNOR, DIN, BS, BNQ, etc. figurent parmi les principaux acteurs produisant
des normes internationales, continentales ou nationales. Le nombre et la diversité des parties prenantes n’ont cessé de croitre
et une hiérarchie du droit international du développement durable s’est progressivement mise en place. Ainsi, à côté des
États, les membres des collèges actifs ou observateurs au sein des Comités, Sous-comités et Groupes de Travail chargés du
processus d’élaboration des Normes sont-ils devenus de véritables « producteurs de droit ». La place des Normes au sein
de l’infrastructure « Qualité » africaine s’insère au sein de plusieurs fonctions essentielles, telles l’accréditation et la métrologie :

122 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE


L’infrastructure africaine de la Qualité fonctionne selon le schéma international suivant :

Le réseau des organismes nationaux de normalisation en espace francophone, en Afrique et dans les PEID comprend des
membres de différents niveaux et, selon les pays, les activités de normalisation, de métrologie, d’accréditation ou de contrôle
sont parfois absentes. Des coopérations internationales, régionales ou entre pays voisins compensent très souvent ces lacunes.
Un besoin d’harmonisation ainsi qu’une meilleure couverture de l’ensemble des pays et des secteurs économiques sont
désormais reconnus, et de nombreux efforts sont en cours dans ces domaines.
Le processus de normalisation requiert la participation d’un large panel de parties prenantes regroupées en « Collèges »
(opérateurs économiques, pouvoirs publics, organisations professionnelles, organismes de formation professionnelle, ONG,
etc.). Afin d’être efficace, le processus de production de normes et de référentiels doit s’appuyer sur trois principes
complémentaires indispensables : motivation, participation et consensus. Ces trois principes sont mis en œuvre par un leader
et le contenu des travaux est suivi et enregistré par un Secrétariat afin d’assurer une totale transparence. Ce principe requiert
une attention toute particulière pour le secteur tourisme qui est très « transversal ». Par exemple, au niveau du Collège
« pouvoirs publics », on ne devra pas se contenter de travailler uniquement avec les représentants du ministère en charge du
tourisme, mais également avec ceux des principaux ministères concernés tels que le transport, la sécurité intérieure et aux
frontières, l’artisanat, la protection de l’environnement, etc. Ceci explique pourquoi il est parfois difficile de trouver
rapidement un consensus au sein de cette multiplicité d’intervenants.

OPPORTUNITÉS
Le programme ORAN/RNF-PEID : « Des Normes pour un tourisme durable en Afrique » constitue une avancée
et une opportunité pour doter les décideurs de référentiels destinés à les aider pour conduire un développement touristique
réellement durable. Potentiellement, ce sont 95 pays et territoires qui sont concernés par ce programme, pour l’ensemble
des activités/services participant du tourisme durable.
Le projet de programme d’activité dédié au développement du tourisme durable en Afrique a été établi en partenariat par
l’Association RNF et l’Organisation ORAN/ARSO. Il a été présenté en février 2015 au Programme-cadre décennal du
PNUE « 10YFP-Tourisme ». Il comprend quatre avant-projets de documents normatifs portant sur le développement
du tourisme durable. Ces avant-projets de normes matérialisent pour le continent africain les axes du Mémorandum « Des
Normes pour un Tourisme durable en Afrique » signé en juillet 2013. Ils synthétisent l’essentiel des orientations,
principes, règles et bonnes pratiques que différentes organisations ont retenus au niveau mondial et régional. La durée du
projet est de trois ans et au moins deux réunions annuelles d’experts africains permettront d’arriver à un consensus pour
la production des documents à caractère normatif. Les travaux se dérouleront selon la méthodologie de l’ISO et les plate
formes collaboratives du RNF et de l’ORAN/ARSO seront utilisées en permanence pour les échanges d’idées et de
documents.

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 123


Les experts africains se réuniront dans le Sous-comité PRINCIPAUX PARTENARIATS
« Tourisme durable » créé par l’ORAN/ARSO au sein
de son Comité technique 09 « Management Le Réseau Normalisation et Francophonie a été mis en
environnemental ». Ce Groupe de travail va se réunir en place depuis 2007 par l’Association Française de
2015 dans le cadre des travaux annuels de l’ISO TC 228 Normalisation (AFNOR) et le Bureau de Normalisation
« Tourisme et activités connexes ». du Québec (BNQ), avec le soutien de l’Organisation
internationale de la Francophonie (OIF) et de l’Organisation
Les documents de travail qui ont été produits répondent : Internationale de Normalisation (ISO). Doté du statut
• aux grands objectifs de l’Organisation mondiale du d’association à but non lucratif depuis mars 2014, il constitue
Tourisme (OMT/UNWTO), de l’OMC1, du PNUE un réseau international d’organismes nationaux de
et des autres agences des Nations Unies en matière de normalisation et de leurs parties prenantes dans la
réduction de la pauvreté et des impacts du changement Francophonie. Le RNF regroupe près de 80 membres dans
climatique, de facilitation des échanges, d’aide au les pays francophones. Il a pour principale mission de mener
développement ; des actions diversifiées pour renforcer la capacité des
organismes nationaux de normalisation (ONN) et des
• aux objectifs spécifiques du Programme 10YFP (cadre autres acteurs de l’infrastructure Qualité qui s’appuient sur
décennal pour la consommation et la production les Normes comme outil de développement des échanges.
durable) sur le Tourisme Durable, géré par le PNUE/
UNEP; L’ORAN/ARSO, quant à elle, est l’Organisation Africaine
de Normalisation soutenue par l’Union Africaine. Elle
• aux objectifs et recommandations des précédentes réunit les organismes nationaux de 35 pays du continent
organisations ainsi que du BIT/ILO en matière de africain. Sa mission est de faciliter le commerce intra-africain
renforcement des capacités, de formation professionnelle/ et international en fournissant des normes harmonisées au
continue, d’éducation de base, de réduction de la continent africain et en aidant à leur mise en œuvre avec
pauvreté et de création d’emplois durables dans le un objectif de développement économique.
tourisme ainsi que dans les principaux secteurs connexes ;
Parmi les grandes organisations partenaires du projet, citons :
Les documents de travail structurent les activités proposées PNUE/10YFP ; OMT, Chef de fil du 10YFP-Tourisme ;
et portent principalement sur les quatre thèmes suivants : OIF-IFDD ; ISO-ORAN-AFNOR ; RAPAC-RNF ;
Principes généraux pour renforcer le tourisme durable en BM-OMC ; UE : SEC-2010 ; CFTD, co-chef de file
Afrique ; Orientations et bonnes pratiques pour les autorités 10YFP-Tourisme ; ONU et grandes organisations
publiques ; Bonnes pratiques à respecter par les opérateurs internationales spécialisées productrices de classifications et
du tourisme professionnel ; et Bonnes pratiques de nomenclatures ; GSTC et grands producteurs ou
comportement pour un touriste responsable. Un cinquième certificateurs de référentiels/Labels mondiaux ou régionaux.
volet couvre les activités en relation avec la formation Le financement sera assuré par plusieurs institutions
professionnelle et les autres modalités de formation. A ces spécialisées.
fins, un cahier de recommandations consensuelles sera
produit.
Les résultats attendus constituent le développement de
nouvelles normes – référentiels, notamment : Normes du
tourisme durable (management – produits ou services, pour
un secteur d’activité spécifique), Chartes, Codes de conduite
et indicateurs, fascicules de documentation et de
terminologie, etc. Les principaux domaines qui seront
potentiellement couverts comportent notamment :
Environnement – RSE/RSO – Économies d’énergie et
énergies douces, économie de partage – sociale – solidaire,
slow tourisme, cycles de vie des produits et services, chaîne
des valeurs, etc.

1 Organisation Mondiale du Commerce

124 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE

Vous aimerez peut-être aussi