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Économie rurale

Agricultures, alimentations, territoires


341 | mai-juin 2014
341

L’agriculture écologiquement intensive. Une


approche économique
Ecologically intensive agriculture: An economic approach

Mohamed Ghali, Karine Daniel, François Colson et Stéphane Sorin

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/economierurale/4338
DOI : 10.4000/economierurale.4338
ISSN : 2105-2581

Éditeur
Société Française d'Économie Rurale (SFER)

Édition imprimée
Date de publication : 15 mai 2014
Pagination : 83-99
ISSN : 0013-0559

Référence électronique
Mohamed Ghali, Karine Daniel, François Colson et Stéphane Sorin, « L’agriculture écologiquement
intensive. Une approche économique », Économie rurale [En ligne], 341 | mai-juin 2014, mis en ligne le
15 mai 2016, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/4338 ;
DOI : 10.4000/economierurale.4338

© Tous droits réservés


L’agriculture écologiquement intensive
Une approche économique
Mohamed GHALI ● École supérieure d’Agriculture d’Angers, LARESS ; Université d’Angers, GRANEM
m.ghali@groupe-esa.com
Karine DANIEL ● École supérieure d’Agriculture d’Angers, LARESS ; INRA Smart-Lereco UR1134, Nantes
François COLSON ● Agrocampus-Ouest, Rennes
Stéphane SORIN ● Terrena, Ancenis

L’agriculture française doit relever un double déi, environnemental et productif. Suite au Grenelle
de l’environnement, le terme d’Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI) est apparu comme
un concept susceptible de répondre à ce double déi. Cet article analyse le concept d’AEI, son
émergence et ses spéciicités, en privilégiant une approche économique. Il discute la pertinence
des notions d’intensiication écologique et de productivité des ressources naturelles à l’échelle de
l’exploitation. Il présente l’analyse de l’eficience productive des exploitations comme un cadre
méthodologique pour l’évaluation de la démarche AEI.
MOTS-CLÉS : agriculture écologiquement intensive, intensiication écologique, ressources natu-
relles, eficience productive, eficience environnementale.
Ecologically intensive agriculture: An economic approach
French agriculture is now facing a dual challenge of environmental sustainability and productivity.
Further to the Grenelle Environment Conference (Environment roundtables organized in 2007 by
the French government), Ecologically Intensive Agriculture (EIA) has emerged as a new concept to
reach this dual challenge. This paper uses an economic approach to analyse the emerging concept of
EIA and its speciicities. It discusses the relevance of ecological intensiication and natural resources
productivity concepts at the farm level. It shows the measurement of productive eficiency of farms
as a methodological framework for assessing the EIA approach. (Q16, Q29, Q32, Q40, Q57)
KEYWORDS: ecologically intensive agriculture, ecological intensiication, natural resources,
productive eficiency, environmental eficiency.

’intensiication de l’agriculture au des limites de leur exploitation aux XIXe et


L XXe  siècle a permis aux pays dévelop-
pés de satisfaire leurs besoins alimentaires
début du XXe siècle.
Malgré ses succès, l’agriculture a été
par une simpliication des systèmes et une progressivement confrontée à des pro-
homogénéisation des pratiques. Ce modèle blèmes écologiques, économiques, so-
de développement a largement contribué à ciaux et éthiques (Kiley-Worthington,
l’augmentation des volumes de production 1981). Elle doit aujourd’hui relever des
par unité de surface et d’emploi, et dans déis pouvant apparaître opposés  ; proté-
une moindre mesure par unité de capital ger l’environnement et produire plus pour
et de consommation intermédiaire. Cette satisfaire l’accroissement de la demande.
croissance a été jusque récemment éva- Ainsi, l’agriculture doit opérer une muta-
luée par rapport aux seuls facteurs, terre, tion, basée sur des nouvelles technologies
capital, travail et consommations inter- et pratiques fondées sur une agronomie
médiaires, ignorant l’utilisation des res- et une écologie scientiique où les agri-
sources naturelles et leur pérennité. Ceci culteurs doivent gérer la production et les
est dû principalement à la méconnaissance écosystèmes (Pretty, 2008).

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L’agriculture écologiquement intensive

Ainsi, ce concept de «  révolution dou- une liste de techniques agricoles ou à un


blement verte » a été reformulé en France type d’exploitation de référence, mais à
sous le terme d’«  Agriculture écologi- une démarche d’évolution des pratiques
quement intensive  » (AEI) à la suite du mises en œuvre par les agriculteurs en-
Grenelle de l’environnement (Griffon, gagés dans des processus d’innovation.
2007). Il est repris par les dirigeants d’une L’AEI se présente comme une démarche
coopérative de l’Ouest de la France pour en se basant sur l’utilisation des capaci-
proposer à ses adhérents et à ses salariés tés spéciiques des écosystèmes (Griffon,
une stratégie de développement qui répond 2007, 2013). Ceci constitue une originalité
aux enjeux environnementaux, en mainte- qui ne se résume pas à un système de tech-
nant les volumes de production garants de niques spéciiques, mais qui peut englober
l’équilibre économique des exploitations un ensemble de techniques provenant de
et des ilières. L’AEI connaît un réel inté- différents modes de production et implique
rêt de la part des industriels, des agricul- l’ensemble des métiers agricoles. La mise
teurs et des organisations professionnelles en œuvre de l’AEI place les agriculteurs au
notamment dans l’Ouest de la France, cœur du processus d’expérimentation. À
mais elle suscite aussi certaines critiques cet effet, une coopérative de l’Ouest de la
(Bonny, 2011 ; Goulet, 2012). France a dénommé ses adhérents les plus
Jusqu’alors, le concept d’AEI a été illus- innovants «  sentinelles de la terre  ». Ces
tré par des expériences de terrain, des pra- derniers forment un réseau d’exploitants et
tiques agronomiques et doit faire l’objet d’un testent de nouvelles solutions techniques,
travail de conceptualisation scientiique, y compris des combinaisons complexes
notamment économique ain de monter en (changements d’itinéraires et de systèmes
généralités, tout en tenant compte de la di- techniques). L’expérimentation qu’ils
versité des milieux dans lesquels opèrent les mettent en œuvre permet une adaptation à
exploitations agricoles (Bonny, 2011). la diversité des conditions pédoclimatiques
et une meilleure diffusion des innovations
Dans cet article, nous proposons une
sur le territoire de la coopérative. Cette
lecture approfondie du concept d’AEI.
initiative constitue une rupture par rap-
Nous exposons dans la première partie
port aux discours et pratiques dominants
l’intérêt porté à celui-ci, ses principes de
et présente la relation à l’environnement
base et leurs rapports avec la notion de la
et aux équilibres naturels comme un atout
durabilité agricole. Dans la seconde par-
à mieux valoriser et non plus comme un
tie, nous apportons à travers un cadrage
obstacle au développement et la compé-
théorique, des éléments de discussion et de
titivité des activités agricoles. De plus, le
compréhension de l’intensiication écolo-
circuit de l’innovation et de la diffusion du
gique en économie agricole.
progrès technique n’est plus conçu comme
descendant des laboratoires de recherche
L’agriculture écologiquement et des irmes d’approvisionnement vers les
intensive exploitants agricoles, mais comme un pro-
Un concept original cessus itératif prenant en compte les initia-
tives des agriculteurs pour expérimenter la
1. Intérêt et principes de l’AEI diversité des territoires, leur potentiel pé-
L’intérêt pour l’AEI s’explique par deux doclimatique et écologique. De ce fait, le
raisons principales, (i) il n’oppose pas la mouvement de cette coopérative constitue
préservation des ressources environne- un trait d’union entre la théorie de l’inten-
mentales et le maintien ou l’amélioration siication écologique et la mise en relation
des rendements, (ii) il ne se réfère pas à avec la réalité du terrain.

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L’intérêt pour ce concept est donc réel, un système de production caractérisé par
cependant, ni ses bases scientiiques ni ses un ensemble de techniques et de techno-
performances techniques et économiques logies ayant pour objectif d’intensiier les
ne sont bien connues. Ainsi, nous ana- fonctions d’un écosystème de production,
lysons le concept d’AEI, son fondement permettant de maximiser la production
théorique, les notions qu’il mobilise et dis- agricole et les aménités environnemen-
cutons l’intérêt économique éventuel qu’il tales, de réduire les externalités négatives
peut engendrer. et d’améliorer la gestion des ressources
naturelles.
2. Un concept mobilisant agronomie, L’AEI repose sur l’idée que les méca-
écologie et économie nismes biologiques naturels, au cœur des
Selon Griffon (2007), le principe de base processus productifs, peuvent être mieux
de l’AEI est l’intensiication écologique valorisés (igure 1). Elle suppose une ges-
qui est l’obtention d’un rendement plus tion des techniques agricoles et des amé-
élevé par unité de biosphère pour un en- nagements du paysage plus complexe
semble d’objectifs de viabilité recherché. qu’en agriculture conventionnelle, même
Ainsi, l’AEI peut être appréhendée comme si elle reste dans une logique de maintien

Figure 1. Comparatif de l’agriculture conventionnelle et de l’agriculture dans une démarche AEI

Produits agricoles
Intrants de (Services de
synthèse production)

Activité
agricole :
Fonctionnalités Itinéraires Aménités
écologiques techniques environnementales
conventionnels
Ressources Externalités
naturelles négatives

Produits
Intrants de agricoles
synthèse (Services de
production)
Fonctionnalités
écologiques

Activité Aménités
agricole : environnementales
itinéraires
AEI

Ressources Externalités négatives


naturelles

Source : adaptée et modifiée à partir de Griffon (2013).


Source : adaptée et modiiée à partir de Griffon (2013).

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ou d’augmentation des rendements et des l’exploitation. Il propose des principes


revenus. Il s’agit de trouver des innova- fondamentaux de la durabilité qui re-
tions systémiques qui sont attachées à joignent l’AEI sur de nombreux points tels
chaque écosystème tel qu’il est dans la que la nécessité d’intégrer les processus
réalité, mais qui sont également délicates biologique et écologique dans la produc-
à concevoir (des itinéraires techniques à tion agricole, celle de réduire les intrants
bas intrants) que des innovations ponc- non renouvelables, la promotion et la
tuelles (une nouvelle variété végétale par valorisation des compétences des agricul-
exemple). Ces innovations doivent per- teurs. Le rapport du Millenium Ecosystem
mettre aux agriculteurs de se déplacer d’un Assessment (2005), Balmford et al. (2008),
état stable antérieur « agriculture conven- Lavorel et Sarthou (2008), démontrent
tionnelle » à un état stable futur « agricul- l’importance des services écosystémiques
ture durable » (Griffon, 2012). Ainsi, l’AEI et de la biodiversité pour le bien-être hu-
s’inscrit dans une dynamique de change- main. Gliessman (2004) évoque l’intégra-
ment nécessitant un environnement pro- tion des processus agro-écologiques dans
pice. En effet, les pouvoirs publics peuvent les systèmes de cultures, Cassman (1999,
contribuer au développement de l’AEI en 2008), la FAO (2009), cités dans Bonny
investissant dans la recherche et le déve- (2011), font référence, sous différentes
loppement et en participant à la réduction formes, à l’intensiication écologique pour
de l’incertitude et des risques pris par les améliorer la production agricole. En ce qui
agriculteurs, donc en stabilisant leur envi- concerne le risque et l’incertitude liés à
ronnement économique. l’innovation, Ridier et al. (2013) montrent
que la variabilité des rendements et le
L’enjeu de l’AEI est donc que les agri- facteur temps de travail peuvent être des
culteurs se réapproprient l’optimisation barrières à l’adoption des pratiques agri-
des fonctionnalités des écosystèmes, en environnementales, de même les travaux
réduisant le recours aux intrants de syn- de Chambers et al. (1989) ; Uphoff (1998),
thèse et aux ressources non renouvelables, Olsson et Folke (2001) montrent que les
sans pénaliser la production et la viabilité systèmes agricoles avec des niveaux éle-
des exploitations. Ainsi, la réussite de la vés en capital social et humain sont plus
démarche AEI peut améliorer l’eficience en mesure d’innover dans un contexte
productive des exploitations et générer d’incertitude.
une rente indirecte de l’innovation qui
L’AEI correspond aujourd’hui à un
peut engendrer des produits de meilleure
ensemble d’expériences ponctuelles qui
qualité environnementale sans augmenta-
doivent être mises en commun et validées
tion des prix. Ceci stimulera une nouvelle
pour prouver sa capacité à assurer la via-
demande pour des produits innovants, qui bilité des systèmes agricoles. Elle souffre
augmentera le volume des ventes et assure- d’un manque d’ancrage, en particulier sur
ra une meilleure formation de la rentabilité le plan économique, pour lui donner une
économique. base crédible. Les seuls éléments éco-
Ces éléments structurant l’AEI ont nomiques auxquels font référence l’en-
été abordés dans des travaux portant sur semble des systèmes agricoles alternatifs
les formes d’agriculture durable ou sur est la théorie mathématique de viabilité
l’intensiication écologique. Pretty (2008) permettant d’intégrer les caractéristiques
insiste sur l’importance de trouver de nou- du développement durable, notamment
velles technologies et pratiques pour assu- celle de l’équité intergénérationnelle pre-
rer une agriculture durable et qui doivent nant en compte un horizon temps inini
être adaptées aux conditions locales de (Aubin, 1991). Cette théorie ne s’attache

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pas à l’utilisation optimale des ressources, microéconomie l’intensiication se réfère


mais considère l’ensemble des utilisations à une unité de facteur de production à
viables de la ressource, la viabilité étant laquelle on combine des quantités accrues
déinie par le respect d’objectifs écono- d’autres facteurs. Il distingue, par rapport
miques, écologiques et sociaux (Martinet, au facteur limitant «  terre  » 1, les formes
2010  ; Martinet et Doyen 2007). Griffon d’intensiication appelées, par les Anglo-
(2007) se réfère à cette théorie pour déi- Saxons, Labor-intensive, dans lesquelles
nir les limites de l’intensiication écolo- l’exploitation intensive du sol est obtenue
gique. Il parle de viabilité de l’écosystème par un accroissement de la main-d’œuvre,
quand on peut, par sa gestion, garantir le et les formes Capital-intensive dans les-
renouvellement des ressources naturelles quelles l’intensiication est obtenue par
renouvelables (eau, biodiversité, structure une augmentation du capital (consomma-
et fertilité du sol) et équilibrer les recettes tions intermédiaires, matériels, bâtiments)
et les dépenses. Ce cadre théorique de la (Tirel, 1983 ; Tirel, 1987). Ainsi, une agri-
viabilité est important dans la mesure où culture écologiquement intensive repose
il permet d’identiier les champs des pos- sur une forme d’intensiication basée sur
sibilités d’évolution des exploitations agri- une utilisation accrue des fonctionnalités
coles engagées dans l’AEI. Ces dernières écologiques par rapport aux facteurs limi-
doivent pouvoir évoluer vers et dans ce tants que sont les ressources naturelles,
cadre de «  contrôle viable  » (Martinet, dont la terre. Ainsi, l’originalité du concept
2010) en se basant sur l’adoption des tech- AEI est de spéciier les fonctionnalités
nologies et des pratiques agricoles issues écologiques et les ressources naturelles
de l’intensiication des processus biolo- (RN) comme des facteurs de production
giques et écologiques. spéciiques et qu’au-delà des critères habi-
tuels, la performance économique doit être
Cependant, les instruments d’analyse
évaluée par le niveau de productivité de ces
et d’évaluation de la démarche restent à
facteurs.
identiier et plusieurs questions peuvent
alors se poser, à savoir : comment peut-on Analyser cette hypothèse nécessite en
apprécier l’eficacité économique et envi- amont d’éclaircir les relations entre les
ronnementale des changements de techno- fonctionnalités de l’écosystème et les res-
logies et de pratiques agricoles préconisés sources naturelles ain d’évaluer la possi-
par l’AEI ? Et comment peut-on détermi- bilité de les considérer comme des facteurs
ner l’eficience des exploitations agricoles de production.
en termes d’utilisation des fonctionnalités
Les fonctionnalités écologiques
écologiques et des ressources naturelles ?
de l’écosystème
Elles se déinissent comme les processus
Analyse économique de l’AEI biologiques de fonctionnement et de main-
tien de l’écosystème et assurent sa capacité
1. Intégrer l’intensiication écologique
à faire face à des perturbations et à se main-
et les ressources naturelles
tenir dans un état favorable à la production
L’AEI interpelle par la juxtaposition des (MEEDDM, 2010). Selon Balmford et al.
termes «  écologie  » et «  intensif  ». Le (2008), ces fonctionnalités correspondent
terme intensif emprunté à l’économie veut à des processus participant à la production
que l’agriculture de demain soit intensive
en écologie. Or la déinition sur laquelle
1. Butault et al. (1985) considèrent l’intensiication
il y a le plus de consensus est celle de comme «  la croissance du produit par unité de
Tirel (1983,1987) qui rappelle qu’en surface ».

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de services écologiques ayant un impact di- rivière propre). Ainsi, l’évaluation séparée
rect sur le bien-être humain. Ils distinguent de chaque catégorie de service mène à un
deux types de processus : (i) les processus double comptage de la valeur de puriica-
de base des écosystèmes, Core’ ecosystem tion de l’eau (Balmford et al., 2008). Cette
process (ex. cycle des nutriments (azote, limite est soulignée par Fisher et al. (2009),
phosphore, carbone), cycle de l’eau, inte- Balmford et al. (2008). Lavorel et Sarthou
raction inter- et intra-organismes, la pro- (2008) proposent trois catégories plus opé-
duction de biomasse, etc.) et (ii) les proces- rationnelles pour l’analyse économique (1)
sus bénéiques de l’écosystème, Beneicial les services intrants contribuant à la fourni-
ecosystem processes, qui sont des proces- ture de ressources et au maintien des sup-
sus spéciiques soutenant directement les ports physico-chimiques de la production
bénéices tirés par l’Homme (ex. produc- et assurant la régulation des interactions
tion de biomasse primaire « biomasse des biotiques  ; (2) les services de production
plantes  » et secondaire «  biomasse ani- contribuant au revenu agricole en considé-
male  », épuration des eaux, régulation du rant son niveau et sa stabilité temporelle,
climat, régulation de l’érosion, la formation (3) les services des produits hors revenu
des sols, etc.). Les services de l’écosystème agricole direct, incluant le contrôle de la
beneits correspondent plutôt aux produits qualité des eaux, la séquestration du car-
marchands ou non marchands ayant un im- bone ou la valeur des paysages notamment.
pact direct sur le bien-être humain (alimen- En agriculture, les écosystèmes de pro-
tation, eau douce, matière primaire telle que duction sont gérés de manière à maximiser
le bois et les ibres, l’énergie «  biocarbu- les services de production (Zhang et al.,
rant, charbon », la santé et le bien-être psy-
2007) qui dépendent de nombreuses fonc-
chologique). Cette classiication est établie
tionnalités écologiques appartenant aux
dans un objectif d’évaluation économique
services de soutien et de régulation, tels
des écosystèmes et de la biodiversité.
que la fertilité des sols et la pollinisation
La classiication proposée par le (Millenium Ecosystem Assessment, 2005).
Millenium Ecosystem Assessment (2005) Cependant, l’agriculture est également in-
repose sur la nature des liens entre le fonc- luencée par des fonctionnalités écosysté-
tionnement de l’écosystème et le bien-être miques néfastes « ecosystem dis-services »
humain et distingue quatre grandes caté- (Zhang et al., 2007) telles que celles assu-
gories de services (de production, de régu- rées par les ravageurs des cultures, les ad-
lation, culturels et de support). Elle est un ventices ou d’autres types de plantes.
outil éducatif et politique utile (Balmford et
Ces éléments précisent les frontières et
al., 2008), mais a été critiquée par Wallace
les interactions existantes entre les fonc-
(2007), Boyd et Banzhaf (2007), Fisher et
tionnalités écologiques et les services
al. (2009) qui soulignent qu’elle n’est pas
écosystémiques, notamment en agricul-
adaptée à une évaluation économique, no-
ture, ce qui peut complexiier l’analyse
tamment à cause du lou des déinitions des
microéconomique. En effet, certaines
services de régulation et services support
caractéristiques des fonctionnalités écolo-
et du problème de double comptage qui
giques telles que sa complexité et sa dyna-
se pose entre les valeurs d’usages écono-
miques directes et indirectes de ces services. mique spatio-temporelle (hétérogène dans
Par exemple, le service de régulation (puri- l’espace et évolutif dans le temps)2 sont
ication de l’eau) fournit une valeur ajoutée
au service support (production primaire via 2. Voir Fisher et al. (2009) pour plus d’informations
la puriication de l’eau d’irrigation) ou au sur les caractéristiques des fonctionnalités éco-
service culturel (bénéice touristique d’une logiques.

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incompatibles avec les caractéristiques sol, l’eau, les minéraux et l’énergie fossile
économiques d’un facteur de production (carburant, engrais) et a un impact sur leur
tel que le travail ou le capital (mesurable renouvellement (eau, biodiversité…).
en unité physique, homogène, divisible, Les économistes néoclassiques ont re-
substituable et adaptable). Bien que ces considéré ces ressources en les intégrant
processus interviennent dans la fonction comme des actifs naturels impliquant des
de production, les intégrer comme un fac- choix d’allocation d’usage pour assurer
teur reste dificile puisque nous ignorons leur disponibilité future (Faucheux et Noël,
leur contribution quantitative à la produc- 1995). L’état des ressources naturelles et
tion. Par exemple, la pollinisation est une leur contribution à la production ne sont
fonction écologique nécessaire au service pas considérés comme un facteur de déve-
de production, mais le pollen nécessaire à loppement. Cependant, leur protection, à
la production d’un quintal de blé ainsi que
travers l’introduction d’une réglementa-
sa valeur monétaire est impossible à quan-
tion environnementale, a été intégrée, soit
tiier. Au-delà, certains processus écolo-
comme une opportunité permettant aux
giques tels que la structuration des sols ou
producteurs d’améliorer leur productivité
le contrôle des bio-agresseurs (habitat pour
globale en leur offrant une forte incitation
les auxiliaires) se déroulent sur un pas de
à modiier leurs pratiques ou à adopter de
temps supérieur à celui d’un cycle de pro-
nouvelles technologies (Porter et Van der
duction, ce qui complexiie leur intégration
Linde, 1995), soit comme une contrainte
dans la fonction de production.
où les réglementations environnementales
Néanmoins, la recherche des technolo- peuvent engendrer des coûts supplémen-
gies et de pratiques agricoles permettant la taires (Palmer et al., 1995). À la considé-
valorisation des mécanismes écologiques ration de la productivité s’ajoute l’analyse
et la substitution de ceux-ci, même partiel- des effets secondaires de la production sur
lement, à certains autres inputs chimiques l’environnement et sur l’activité écono-
et phytosanitaires, est un objectif de l’AEI mique.
qu’il convient d’appréhender.
Ces effets non intentionnels sont for-
Les ressources naturelles (RN) malisés par l’économie de l’environne-
Déinies par Kerry Smith et al. (1979) ment comme externalité et par l’écono-
comme l’ensemble de « tous les éléments mie écologique comme production jointe/
originaux qui composent les dotations na- conjointe. La différence entre ces deux
turelles de la terre », les RN se distinguent notions complémentaires réside dans la
par leurs capacités propres de régénéra- nature de la relation entre les agents éco-
tion et n’ont de sens que par rapport à une nomiques (Baumgärtner et al., 2006). En
technologie donnée et à des conditions effet, l’externalité déinie par Buchanan
économiques favorables (Rotillon, 2005). et Stubblebine (1962) implique une inter-
On distingue (1) les ressources naturelles dépendance des fonctions d’utilité. Selon
épuisables présentées sous la forme de Baumol et Aotes (1988), l’externalité est
stocks physiques inis (ex. énergie fossile, présente dès que l’activité d’un agent (A)
les minéraux) et (2) les ressources renou- inclut des variables réelles (non moné-
velables ayant une capacité de reproduc- taires) dont les valeurs ont été choisies par
tion propre, indépendante de l’intervention d’autres sans attention particulière à leurs
humaine (ex. l’eau, la fertilité des sols, la effets sur le bien-être de A. Une externalité
biodiversité, etc.). L’activité agricole est négative considère le dommage environne-
particulièrement concernée par l’utilisa- mental comme une perte de bien-être ou
tion des ressources naturelles comme le d’utilité causée par un agent économique

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L’agriculture écologiquement intensive

sur un autre en dehors d’un échange vo- suppose que les ressources échangées
lontaire entre eux, ce qui représente une soient déinies, protégées, exclusives et li-
description basée sur l’effet. La production brement transférables. Ainsi, l’instauration
jointe considère plutôt la cause de l’effet, de droits de propriété échangeables entre
où souvent on observe que l’origine du pollueurs et pollués (théorème de Coase),
dommage environnemental est une pro- ou bien les écotaxes qui renvoient à l’ana-
duction non intentionnelle commune aux lyse pigouvienne, sufiraient à résoudre
deux agents (Baumgärtner et al., 2006). le problème de l’internalisation des coûts
La production jointe relève d’un processus sociaux. Or les ressources naturelles et
productif qui mobilise plusieurs inputs et l’environnement considérés comme biens
génère plusieurs outputs qui peuvent être publics et libres ne sont pas soumis aux
des biens désirables, mais souvent, ils droits de propriété et la solution décrite par
causent des dommages à l’environnement. Coase, par exemple, n’est applicable que
Ainsi, l’utilisation de certaines ressources dans un nombre limité de cas de pollution
naturelles génère de la pollution (ex. uti- (Vallée, 2007). D’autre part, l’approche
lisation du pétrole, émission de CO2, fer- hétérodoxe propose une valorisation phy-
tilisation minérale, lixiviation d’azote) sique de l’externalité et l’intègre dans une
(Baumgärtner et al., 2006, 2001). Ainsi, logique d’optimisation économique sous
le rendement ne dépend pas seulement des contraintes environnementales exprimées
intrants et des techniques mobilisés pour en grandeur physique (Barde, 1991). Cette
la production, mais aussi, à long terme approche renvoie à l’économie écologique
d’autres outputs tels que l’érosion ou le ni- développée surtout dans les pays anglo-
trate lessivé. La pollution des eaux causée saxons et scandinaves, où certains auteurs
par les résidus d’azote est généralement appellent à un rapprochement multidis-
analysée comme une externalité négative ciplinaire entre les sciences du vivant et
affectant le bien-être des consommateurs, les sciences sociales (Boulding, 1966  ;
sans faire le lien avec l’utilisation des Georgescu-Roegen, 1966  ; Daly, 1968).
ressources naturelles mobilisées pour la L’évaluation physique considère donc la
production (terre, minéraux, énergies). Il capacité et le rythme de reproduction des
existe alors une dualité entre l’explication ressources renouvelables et leur risque
basée sur l’effet et l’explication à partir de d’épuisement. Elle est utilisée pour esti-
la cause (Baumgärtner et al., 2006). mer un seuil au-dessus duquel aucun dom-
Dans cette logique, on trouve deux ap- mage ne se produit et permet de ixer des
proches d’évaluation des externalités envi- objectifs environnementaux ou des limites
ronnementales et des ressources naturelles supérieures à ne pas dépasser pour assurer
(Louhichi et al., 2007). D’une part, l’ap- une durabilité des écosystèmes (Barde,
proche classique basée sur la valorisation 1991 ; Louhichi et al., 2007).
monétaire des dommages environnemen- Ainsi, la démarche AEI peut reposer sur
taux qui internalise les effets externes dans le concept de production jointe pour consi-
la sphère marchande. Elle renvoie à l’éco- dérer ces ressources en termes de rareté et
nomie de l’environnement qui s’attache d’impacts environnementaux qu’engendre
essentiellement au problème des rejets leur utilisation massive. Par exemple, la
engendrés par les activités économiques terre ne peut être considérée uniquement
et considère que les problèmes environ- comme un support de la production, mais
nementaux, assimilés à des gaspillages de son niveau de fertilité doit être conservé
ressources naturelles, proviennent d’une ain de maintenir la productivité. Elle peut
insufisante déinition des responsabilités être altérée à long terme par l’érosion ou
des acteurs économiques. Cette approche des dégradations agro-chimiques, d’où

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l’intérêt de considérer son utilisation en agricole nécessite à la fois des ressources


tant que facteur de production et d’inté- renouvelables (terre, eau, air, énergie so-
grer sa dégradation comme une production laire) et des ressources non renouvelables
jointe ou externalité négative. Cependant, comme le pétrole et les minéraux (N, K).
considérer les différentes ressources natu- Bien que ces minéraux soient relativement
relles comme facteur de production peut disponibles dans la nature, leurs extrac-
poser un problème puisque certaines res- tions et traitements nécessitent beaucoup
sources sont des biens sans valeur mar- d’énergie.
chande et dificiles à quantiier y compris L’intégration de la plupart de ces res-
au plan technique. Pour cela, la suite de sources dans la fonction de production est
l’analyse est centrée sur les ressources effectuée dans une logique d’intensiica-
naturelles marchandes qui interviennent tion du capital par rapport à la terre. Elles
directement dans la production. sont considérées comme des consomma-
tions intermédiaires. Par ailleurs, l’AEI
2. Les ressources naturelles doit améliorer leur productivité et cer-
dans les fonctions de production taines d’entre elles comme le carburant,
Solow (1974) et Stiglitz (1979) ont cherché l’azote et le phosphate, devraient sortir de
à intégrer des ressources naturelles dans la l’ensemble des charges intermédiaires et
fonction de production en considérant une leur productivité devrait être analysée de
dimension « Ressources » dans une fonc- manière spéciique.
tion Cobb-Douglas qui compte alors trois Ainsi, une fonction de production inté-
dimensions : Q = Kα1Rα2Lα3 avec Q, le pro- grant les facteurs capital «  K  » et travail
duit, K le capital, R le lux de ressources «  L  », les ressources naturelles renouve-
naturelles utilisé dans la production, L le
travail et α1+α2+α3=1. Ils estiment qu’à
lables (RNR), terre « T » et eau « E », et
non renouvelables (RNNR), carburant et
population constante, une consommation engrais minéraux, prend la forme :
soutenue de la ressource par habitant est
possible si α1>α2, soit si l’élasticité du
Q = F (K, W, RNR, RNNR) équation (1)
La contribution de l’ensemble des res-
capital est supérieure à celle des ressources
sources naturelles (RN) au processus pro-
naturelles.
ductif peut être appréciée en moyenne (Q/
Cette représentation est critiquée RN) ou à la marge (ΔQ/ΔRN).
par Georgenscu-Roegen (1975, 1979)
Leur intégration dans une fonction de
puisqu’elle suppose une substitution ini-
type Cobb-Douglas peut être formulée
nie entre le capital et la ressource naturelle,
comme suit :
alors que la production même du capital
épuisera le stock des ressources. Ainsi, le Q = Kα Lβ Eγ1 Tγ2 Fγ3 G γ4 équation (2)
problème de l’allocation intergénération- Avec E la quantité d’eau d’irrigation, T
la terre, F l’énergie fossile et G les fertili-
sants ; (α, β, γ1, γ2, γ3, γ4) sont les coefi-
nelle n’est pas résolu. On note également
que Stiglitz (1979) ne s’intéressait ni aux
ressources renouvelables après utilisation cients d’élasticité qui relètent leur contri-
(stocks de poisson par exemple) ni aux res- bution dans la fonction de production.
sources qu’il appelait inexhaustible but no- Avec ce type de formulation, seules les
naugmentable (comme la terre) ni aux re- variables marchandes sont considérées et
cyclable ressources (comme l’air propre), certaines autres variables demeurent au-
mais plutôt aux ressources naturelles épui- jourd’hui dificiles à évaluer. On considère
sables et non renouvelables comme le pé- également que le produit Q ne doit pas être
trole, le fer et le charbon. Or la production pris en compte en termes d’unité physique

ÉCONOMIE RURALE 341/MAI-JUIN 2014 • 91


L’agriculture écologiquement intensive

(Georgenscu-Roegen, 1979), mais plutôt consommer plus de facteurs, ou bien ré-


en valeur économique (Stiglitz, 1997). Le duire l’utilisation d’au moins un de ces fac-
changement de pratiques ou de technolo- teurs tout en conservant le même niveau de
gies peut alors diminuer la quantité utili- production (Atkinson et Cornwell, 1994).
sée d’une ressource tout en maintenant la Pour aller plus loin dans cette approche
même valeur économique, ceci en aug- économique de l’AEI, nous mobilisons le
mentant l’eficience d’utilisation de cette concept d’eficience initié par Koopmans
ressource. (1951) et Debreu (1951) et développé par
Un autre élément à intégrer est le fac- Farrell (1957).
teur temporel renvoyant à l’équité intergé-
nérationnelle. En effet, l’amélioration de 3. L’eficacité et l’eficience
la productivité des ressources naturelles pour l’analyse de la démarche AEI
renouvelables et non renouvelables doit L’objectif de la démarche AEI est de
être continue et évoluer dans un cadre de conserver voire augmenter l’eficacité des
viabilité permettant une équité entre les exploitations agricoles, soit leur capacité à
générations. Dans cette perspective de produire des quantités importantes d’ali-
prise en compte effective de la productivité ments, mais aussi à améliorer leur efi-
des ressources naturelles, la démarche AEI cience d’utilisation des ressources natu-
doit être évaluée en termes d’analyse glo- relles, notamment celles qui ne sont pas
bale de l’eficience productive des exploi- renouvelables.
tations agricoles et non pas uniquement en La mesure de l’eficience d’utilisation des
termes d’eficience de la technologie et/ ressources non renouvelables telles le car-
ou de la pratique agricole adoptée. Ainsi, burant et les engrais permet d’identiier les
la mesure de l’eficience d’une unité de améliorations qui pourraient être apportées
production permet de déterminer si cette au niveau des exploitations. Il existe deux
dernière peut accroître sa production sans composantes de l’eficience formalisées

Figure 2. Mesure de l’eficience technique et allocative. Cas de deux facteurs

X2/Y S

A Q
Q’
R S’
A’

O
X1/Y
Source : d’après Farrell, 1957
L’efficience technique (ET) correspond à une frontière de produc
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Figure 3. Changements
Cha ge e tde
de pratiques
p ati ues etet
p productivité
oductivité des des ressources
essou naturelles
ces atu elles

A D’ A
Y= G(x)

Y= G(x)
G C’ G
B B
C Cha ge e t de C
D D
p ati ues

X2 X= RN X1 X2 X= RN

Instant T Instant T+n


Axe Temporel

Source : les auteurs.


Source : les auteurs.

par Farrell (1957)  : l’eficience technique nécessaires pour produire la même quantité
(igure 2) et l’eficience allocative. en modiiant les combinaisons de facteurs.
L’eficience technique (ET) correspond Dans la igure 2, si la droite AA’ représente
à une frontière de production indiquant le la pente correspondant au ratio des prix
niveau maximum de production à réaliser des facteurs, le point Q’ et non Q corres-
avec une combinaison donnée d’intrants pond alors au point de production alloca-
(SS’). Chaque combinaison d’inputs située tivement le plus eficient. L’entreprise se
à la frontière est techniquement eficiente3. trouvant au point Q peut réduire ses coûts
Tout point au-dessus et à droite de celle-ci de production d’une proportion égale au
est techniquement ineficient. L’entreprise segment RQ sans réduire son niveau d’efi-
P est alors considérée comme technique- cience technique. En appliquant le même
ment ineficiente puisqu’elle peut réduire raisonnement de l’eficience technique, la
les quantités de ces deux intrants de la pro- réduction potentielle des coûts des intrants
portion représentée par le segment PQ. Le est le rapport (EA= OR/OQ) qui représente
segment OP représente le ratio constant de l’eficience allocative de l’entreprise avec :
l’utilisation des deux facteurs. Ainsi, la ré- QR OQ – OR OR
duction potentielle pour l’entreprise P est = =1–
OQ OQ OQ
déterminée de la manière suivante :
Ain de représenter l’intérêt de la dé-
PQ OP – OQ OQ marche AEI, on considère une fonction
= =1–
OP OP OP de production qui tient compte d’un seul
Le ratio OQ/OP est déini comme étant facteur de production et un seul produit4.
le niveau d’eficience technique de l’entre- On suppose que cette frontière est relative
prise P. L’eficience allocative (EA) permet à l’utilisation d’une ressource naturelle à
d’évaluer la façon dont l’exploitant choisit l’instant T et correspondant aux technolo-
la combinaison des facteurs en fonction gies de l’agriculture conventionnelle. Soit
des prix de marché et permet d’étudier le
pourcentage des coûts variables réellement 4. Pour simpliier, la fonction de production
présentée dans la igure 3 compte un seul facteur et
un seul produit, alors que la fonction de production
3. Le terme eficacité technique est aussi utilisé de l’exploitation agricole est multi-produits/multi-
pour désigner l’eficience technique. facteurs.

ÉCONOMIE RURALE 341/MAI-JUIN 2014 • 93


L’agriculture écologiquement intensive

G la courbe qui déinit cette relation efi- Dans le même registre, la modélisation
ciente entre le produit Y (rendement) et la des maladies du blé assistée par ordinateur
ressource naturelle X (igure 3). Les exploi- permet aux agriculteurs d’adapter ine-
tations A et B, sur cette courbe, sont tech- ment leurs fongicides, aboutissant à une
niquement eficientes alors que C et D sont économie d’énergie (moins de carburant)
techniquement ineficientes, C utilisant la et une diminution totale de 20  % de pro-
quantité X2 de ressource correspond à un duits utilisés (Terrena, 2010).
processus de production ineficace puisque Le changement de pratiques agricoles ne
le niveau d’eficience pour le même niveau se fait pas sans prise de risques et la non-
de la ressource permet d’être en A. maîtrise des nouvelles pratiques peut s’avé-
Les exploitations ineficientes (C et D) rer dommageable pour les exploitations.
peuvent augmenter leur productivité glo- Par exemple, les pratiques de travail de sol
bale par une meilleure allocation des fac- simpliiées sont techniquement plus com-
teurs de production ou par un changement pliquées et plus risquées que la pratique du
de pratiques. Dans ce cas, les exploitations labour et peuvent engendrer des pertes de
sous la frontière de production peuvent rendement. Pour cette raison, la démarche
augmenter leur production pour la même AEI ne propose pas un changement bru-
quantité de facteur naturel (C vers A), ou tal, mais progressif nécessitant un temps
garder la même production avec moins d’apprentissage pour les agriculteurs et un
de ressources (C vers C’). Par exemple, si temps d’adaptation pour les ressources na-
l’on considère la ressource naturelle cor- turelles et les fonctionnalités écologiques
respondant à l’énergie fossile (carburant), pour rétablir une activité biologique nor-
le passage d’une technique de travail du male. Par ailleurs, l’intérêt de développer
sol avec labour à un travail de sol simpli- de l’AEI dans un cadre collectif (coopéra-
ié (TCS) peut réduire la quantité de gasoil tive) offre la possibilité de mutualiser ces
utilisée de 100 L/ha en labour à 75 L/ha en risques pris au niveau des exploitations.
TCS et à 50 L/ha en semis direct. Un autre
exemple concerne la valorisation des fer- Pour les exploitations à la frontière de
tilisants organiques permettant de réduire production (A et B), l’augmentation de la
l’utilisation des engrais minéraux en gar- productivité des facteurs ne peut avoir lieu
dant les mêmes niveaux de production. qu’avec un progrès technique repoussant le

Figure 4. Progrès techniques et productivité des ressources naturelles


. Progrès techniques et productivité des ressources naturell
Y= C’’
A’
G(x) B’ G2

D’ A
C’ B
G1
C
D

X=RN
X1 X2
Source : les auteurs.Source : les auteurs.

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stade de rendements décroissants des fac- technologie. En effet, une technologie dis-
teurs. Ceci se traduit par un changement de ponible est déinie comme un ensemble
courbe de production correspondant à un de techniques disponibles et le progrès
état différent de la technologie (igure 4). technique est un changement dans cet
Il ne s’agit pas uniquement de recher- ensemble. L’apparition d’une nouvelle
cher un progrès technique permettant technique implique un changement dans
d’augmenter la productivité de la terre, la technologie disponible. En ce sens, la
mais de faire évoluer les processus et sys- technologie disponible change continuel-
tèmes de production ain de réduire les lement ce qui rend son utilité comme base
effets nocifs sur l’environnement (Beise et de référence assez limitée. De plus, la
Rennings, 2005). Ainsi, la démarche AEI mise en œuvre, par exemple, d’une nou-
devrait, dans ce cadre d’analyse, permettre velle technologie peut inluencer le calcul
aux exploitations d’obtenir avec la même de l’eficience de l’exploitation et la pro-
quantité de ressource naturelle une quan- ductivité des facteurs ; cela ne dépend pas
tité supérieure d’output, ce qui minimisera uniquement de la technologie et de sa mise
l’impact environnemental du processus en place, mais aussi des contraintes tech-
de production. La courbe G2 correspond niques et des conditions du marché (élas-
à une nouvelle frontière de production et ticité de l’offre et de la demande des pro-
les exploitations (A, B, C et D) peuvent duits, prix des facteurs) (Mundlak, 2001).
améliorer dans le temps leur productivité Ce cadre d’analyse offre une opportuni-
globale. té pour l’évaluation économique de l’efi-
Les exploitations à la frontière de pro- cience des ressources naturelles et la véri-
ication de la faisabilité de l’intensiication
duction présentent une combinaison de
écologique à l’échelle de l’exploitation.
facteurs eficiente, mais, celle-ci n’est pas
Même si certaines conditions nécessaires
forcément celle qui minimise les coûts
à cette évaluation demeurent inconnues
de l’exploitation d’où l’intérêt d’étudier
telles que l’absence de prix et de quanti-
l’eficience allocative en intégrant une
ication physique des ressources naturelles
fonction de coût variable qui indique s’il
comme la fertilité des sols ou l’azote natu-
est possible de se déplacer sur la même
rel, le suivi de l’eficience globale et envi-
courbe, d’un point techniquement eficient
ronnementale des exploitations peut relé-
vers un autre point pour lequel les coûts
ter l’eficacité de la démarche AEI à travers
sont minimisés.
l’analyse de l’évolution des revenus et de la
Considérer que l’AEI implique un ac- productivité d’autres ressources naturelles
croissement de la production agricole est à quantiiables. Ceci semble être étroitement
prendre avec réserve pour deux raisons : la lié au concept d’éco-eficacité ou l’éco-ef-
première repose sur le fait que le progrès icience qui a émergé dans les années 1990
technologique (y compris une technolo- comme un concept opérationnel pour per-
gie environnementale) est généralement mettre une approche pratique de la dura-
caractérisé par un processus intégrant trois bilité (Schaltegger, 1996 in Picazo-Tadeo
étapes : invention, innovation et diffusion et al., 2011). Il a été déini par l’OCDE
(Jaffe et al., 2002  ; Del Rio, 2009). Or (1998) comme l’eficience avec laquelle
il n’existe pas aujourd’hui d’inventions les ressources écologiques sont utilisées
clairement identiiées comme écologique- pour répondre aux besoins de l’Homme.
ment intensives qui démontrent une amé- Ainsi, l’AEI peut être considérée comme
lioration de la production. Une deuxième une des voies possibles vers la durabilité et
raison relève de la dificulté de distinguer ses impacts au niveau microéconomique et
une technologie disponible d’une nouvelle macroéconomique peuvent être évalués à

ÉCONOMIE RURALE 341/MAI-JUIN 2014 • 95


L’agriculture écologiquement intensive

travers l’analyse de l’eficience technique, considérées dans la fonction de produc-


économique et environnementale. tion. Pour atteindre cet objectif, il est
* nécessaire de développer les recherches
permettant de caractériser les ressources
**
naturelles et les fonctionnalités écolo-
Cet article présente les conditions giques et l’identiication de leurs relations
d’émergence de l’AEI et ses perspectives avec les rendements, il s’agit d’identiier
de développement en proposant un cadre la relation « input-output » qui détermine
d’analyse économique adapté. Il met en la fonction de production. Il est également
évidence l’originalité du concept d’AEI qui nécessaire d’identiier les pratiques et les
correspond à une démarche dynamique de technologies qui valorisent le fonctionne-
changement plutôt qu’un ensemble de tech- ment des ressources naturelles en permet-
niques agricoles. L’AEI repose sur la valo- tant l’amélioration des rendements et des
risation des fonctionnalités écologiques et performances économiques.
des ressources naturelles en les plaçant au
centre du fonctionnement économique du La mesure de l’eficacité technique
secteur agricole et impose un changement des exploitations permettra d’apprécier
dans l’analyse des systèmes de production. le niveau d’eficience et de productivité
Cette démarche repose sur l’hypothèse des facteurs de production issus des res-
forte de considérer les fonctionnalités éco- sources naturelles non renouvelables telles
logiques et les ressources naturelles comme que l’énergie fossile (pétrole, minéraux)
des facteurs spéciiques de production et non qui sont jusqu’à présent intégrées à l’en-
comme des externalités et induit un proces- semble des consommations intermédiaires
sus d’innovation et de valorisation de nou- sans établir de lien direct avec la rareté de
velles pratiques issues du terrain. L’analyse la ressource et l’effet de sa dégradation.
économique montre qu’il est dificile actuel- Elle permettra d’identiier les marges de
lement de considérer les fonctionnalités manœuvre des agriculteurs vis-à-vis la
écologiques comme un facteur de produc- réduction d’utilisation de ces facteurs et
tion à part entière étant donné les limites de cibler certaines innovations qui pour-
qu’elles présentent en termes de quantii- ront augmenter la productivité de ces res-
cation physique et valorisation monétaire. sources. Ainsi, il deviendra possible d’ana-
Cependant, des analyses pluridisciplinaires lyser l’impact réel de l’AEI sur l’eficience
reliant approches économique, sociale et des exploitations. Par exemple, le suivi
environnementale telles que la modélisation d’un échantillon d’agriculteurs engagés
bioéconomique ou l’analyse multicritères dans la démarche AEI tel que les exploi-
peuvent renseigner sur les impacts de cer- tations recensées dans les « sentinelles de
taines pratiques relevant de l’AEI à l’échelle la terre » pourrait nous renseigner sur leur
de l’exploitation. Ces approches permet- eficacité productive, en comparaison avec
tront, à travers des indicateurs économiques des exploitations utilisant des techniques
et environnementaux d’apprécier les effets agricoles plus conventionnelles.
des pratiques AEI sur les fonctionnalités Enin, la réussite de la démarche AEI
écologiques de l’écosystème et de faire le ne dépend pas uniquement des résultats
lien avec l’eficacité économique. économiques obtenus, mais aussi d’autres
En ce qui concerne les ressources facteurs techniques, géographiques, pédo-
naturelles, l’analyse théorique suggère climatiques ou sociaux qui peuvent déter-
que seules les ressources naturelles pré- miner l’engagement des agriculteurs dans
sentant les caractéristiques économiques la démarche et leur manière de raisonner
d’un facteur de production peuvent être la relation production-environnement. ■

96 • ÉCONOMIE RURALE 341/MAI-JUIN 2014


RECHERCHES
Mohamed GHALI, Karine DANIEL, François COLSON, Stéphane SORIN

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RECHERCHES
Mohamed GHALI, Karine DANIEL, François COLSON, Stéphane SORIN

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ÉCONOMIE RURALE 341/MAI-JUIN 2014 • 99

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