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Étude originale

Transition agroécologique, innovation


et effets de verrouillage :
le rôle de la structure organisationnelle des filières
Le cas de la filière blé dur française

M'hand Fares Résumé


Marie-Benoit Magrini Le système de production agricole français est appelé à évoluer vers une agriculture plus
Pierre Triboulet respectueuse des ressources et de l’environnement. Si la recherche agronomique
Inra développe de nouveaux systèmes de culture en ce sens, leur adoption par la profession
UMR1248 AGIR agricole reste problématique. Le système de production agricole apparaı̂t en effet comme
Chemin de Borde Rouge verrouillé (« lock-in ») autour d’un paradigme technologique, reposant sur un usage
BP 52627 intensif des intrants, dont il est difficile de sortir. Dans cet article, nous formulons
31326 Castanet-Tolosan l’hypothèse, en mobilisant les apports récents de la théorie des coûts de transaction et de la
France
<mfares@toulouse.inra.fr> littérature sur les systèmes sociotechniques, qu’une faible intégration des acteurs d’une
<mbmagrini@toulouse.inra.fr> filière peut en partie expliquer le verrouillage du système. La structure organisationnelle
<pierre.triboulet@toulouse.inra.fr> d’une filière peut en effet constituer un verrou, dans la mesure où des configurations
organisationnelles faiblement intégrées peuvent freiner la mise en place d’investissements
nécessaires pour assurer la transition agroécologique. Cette hypothèse est ensuite
appliquée à une étude de cas en France, la filière blé dur ; filière qui présente un faible
niveau d’intégration ou de quasi-intégration entre les acteurs de l’amont et de l’aval. Nous
nous interrogeons enfin sur les leviers d’actions possibles pour « déverrouiller » la filière.
Une solution au déverrouillage consiste à créer des filières de niche au sein des filières
classiques de production et de commercialisation. Une meilleure valorisation auprès des
consommateurs d’une production à plus haute performance environnementale pourrait
ainsi favoriser l’adoption de nouvelles pratiques. Néanmoins, la question reste de savoir
comment assurer un partage de la valeur qui donne aux agriculteurs les incitations
financières suffisantes pour faire le choix de ces nouvelles pratiques.
Mots clés : blé dur ; filière ; innovation ; intégration ; verrouillage technologique.
Thèmes : économie et développement rural ; productions végétales ; ressources
naturelles et environnement ; transformation, commercialisation.

Abstract
Agroecological transition, innovation and lock-in effects: The impact of the
organizational design of supply chains. The French Durum wheat supply chain case
The French agricultural production system has to evolve towards more environmentally
friendly practices. Although research is developing new agricultural cropping systems,
getting them adopted by the agricultural profession remains difficult. This technological
lock-in effect can be explained by a set of self-reinforcement mechanisms, which
strengthen a productive choice established initially in favor of an agriculture based on
intensive use of inputs, at the expense of other alternatives. This work aims at analyzing the
organizational structure of the durum wheat supply chain to assess the characteristics that
doi: 10.1684/agr.2012.0539

are likely to speed-up or restrain the adoption of new production systems. Our results

Pour citer cet article : Fares M, Magrini MB, Triboulet P, 2012. Transition agroécologique, innovation
et effets de verrouillage : le rôle de la structure organisationnelle des filières. Le cas de la filière blé
dur française. Cah Agric 21 : 34-45. doi : 10.1684/agr.2012.0539
Tirés à part : M. Magrini

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show that the low degree of integration of the supply chain can be viewed as a lock-in
mechanism. Therefore, the organizational structure of the supply chain itself can play the
role of a self-reinforcement mechanism that reduces the incentives to adopt new practices.
The literature on sociotechnical transitions shows that a solution to unlock the system is to
create small and highly integrated supply chains (niches), besides the traditional agro-
industrial supply chains. The question is then how the value generated by these niche
supply chains has to be shared in order to give enough incentives to producers to choose
new (and more costly) practices.
Key words: durum wheat; innovation; integration; supply chain; technological lock-in.
Subjects: economy and rural development; natural resources and environment;
processing, marketing; vegetal productions.

L
a reconnaissance d’externalités cides, etc.) ; système dont il est des moyens de la recherche autour
négatives associées aux systè- difficile de sortir3. La littérature sur le d’un seul et même système de produc-
mes de production conduit lock-in montre qu’en effet un certain tion agricole a fortement contribué
la société occidentale, dans son nombre de mécanismes économiques au phénomène « d’autorenforcement »,
ensemble, à repenser la croissance peuvent décourager les acteurs à conduisant progressivement ce sys-
économique en termes de développe- s’orienter vers des techniques de tème à une situation de verrouillage.
ment durable. Le système de produc- production (c’est-à-dire des technolo- Cependant, une partie de la recherche
tion agricole, de par son fort impact sur gies) différentes des technologies agronomique s’est orientée vers la
l’environnement, est particulièrement dominantes, qui ne correspondraient proposition de pratiques nouvelles,
interpellé pour développer des prati- pas au standard productif. Si cette dites à plus haute performance envi-
ques plus respectueuses des ressources question a été fortement investie dans ronnementale5. Au regard de la littéra-
environnementales. Mais, les change- les domaines de l’industrie (David, ture sur les systèmes sociotechniques
ments ne s’initient pas facilement et 1985 ; Arthur, 1989 ; Arthur, 1994 ; (par exemple, Geels, 2005), ces systè-
ce malgré les préconisations avancées Liebowitz et Margolis, 1995) et de mes de production innovants pour-
par de nombreuses études et rapports l’énergie (Cowan, 1990), très peu raient constituer des niches à partir
(Aubertot et al., 2011 [Expertise col- d’analyses ont été proposées pour le desquelles le système conventionnel
lective Pesticides Inra-Cemagref] ; monde agricole. Rappelons essentiel- de production peut s’hybrider et tran-
Grenelle de l’Environnement, Rapport lement les travaux de Cowan et Gunby siter vers un nouveau système. Cette
Tuot 20071 ; Plan Ecophyto 20182. . .). (1996) et ceux de Vanlocqueren et analyse de la transition permet de
Pourtant, la recherche agronomique Baret (2009) qui montrent comment la relativiser, en un sens, la théorie du
propose des modes de production recherche scientifique agricole s’est verrouillage technologique, en mon-
alternatifs visant à réduire les externa- concentrée principalement sur un type trant que même si la technologie
lités négatives de l’agriculture conven- de paradigme scientifique, orienté vers agricole dominante freine l’adoption
tionnelle, telles que les pratiques l’agrochimie et l’ingénierie génétique, de nouvelles pratiques, ces dernières
limitant l’usage des pesticides (Burger au détriment de celui fondé sur peuvent quand même être adoptées
et al., 2008) ou la fertilisation chimique l’agroécologie4. Cette concentration par des acteurs à la recherche d’une
des sols (Justes et al., 2009). différenciation sur le marché. Mais le
Au regard de la théorie économique, 3 problème majeur reste alors celui du
A côté de ce modèle de production agricole
le système de production agricole dominant, il existe des modèles de production
coût de ce changement. Il est en effet
dominant peut être caractérisé comme « dominés ». Le plus connu est celui de l’agri- difficile d’envisager qu’un agriculteur
un système verrouillé (« lock-in ») culture biologique, qui cherche à promouvoir change son système de production s’il
autour d’un paradigme technologique des pratiques agricoles réduisant au maximum ne trouve pas une contrepartie finan-
reposant sur un usage intensif des le recours aux intrants chimiques. Malgré le cière qui le conforte dans cette volonté
intrants (fertilisants, herbicides, pesti- développement important de la demande pour de s’orienter vers une nouvelle forme
les produits issus de ce modèle de production
agricole, la part de la superficie agricole utile
d’agriculture. Une première source
consacrée à l’agriculture biologique est encore directe de financement est le bénéfice
très faible (En 2010, elle était de 3,1 % en réalisé par la vente de sa production
France).
4
1
Les niveaux de verrouillage technologique
« L’agriculture doit se voir donner les moyens dans l’utilisation d’intrants peuvent cependant
en même temps que l’obligation de respecter les 5
varier selon les pays et les régions (par exemple, Voir par exemple, le guide STEPHY (STraté-
milieux dans lesquels elle se déploie en réduisant Gunby et Cowan, 1996), notamment selon les gies de protection des cultures Economes en
les apports de produits phytosanitaires et formes d’investissements publics ou collectifs produits PHYtosanitaires) élaboré dans le cadre
d’engrais. » (page 16 du rapport). dans le développement de technologies alter- du RMT (Réseau mixte technologique) « Systè-
2
http://agriculture.gouv.fr/ecophyto-2018 natives. mes de Cultures Innovants ».

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aux acteurs de l’aval des filières agro- la capacité d’innovation des acteurs, rappelons en quoi l’agriculture peut
industrielles, le premier acteur étant et plus particulièrement la capacité de présenter une situation de verrouil-
souvent une coopérative agricole6. l’amont agricole à s’engager dans la lage technologique et quels sont
On comprend dès lors que les liens transition agroécologique. Autrement les principaux mécanismes d’auto-
contractuels de commercialisation dit, nous considérons que cette transi- renforcement identifiés dans la litté-
peuvent avoir un impact direct sur la tion ne peut s’initier si les acteurs de la rature qui peuvent expliquer ce
propension à innover des acteurs7 filière, et tout particulièrement ceux de verrouillage.
(Fares, 2010). Une deuxième source l’amont, ne trouvent pas de ressources
de financement peut transiter via des financières suffisantes pour investir
logiques d’intégration verticale des dans des actifs spécifiques liés à de Le concept de verrouillage
filières par les groupes coopératifs ou nouvelles pratiques. L’étude de cas du clavier QWERTY
industriels. La détention de capital Nous illustrons notre analyse à partir (AZERTY dans le cas français) par Paul
social, et donc d’actifs, dans des d’une étude de cas en France – la filière David (1985) illustre, sans nul doute,
entreprises à l’amont des filières blé dur – qui est confrontée à un enjeu le mieux le concept de verrouillage.
par les acteurs de l’aval leur permet de réduction d’intrants dans la produc- L’ordonnancement des lettres sur le
de financer et d’orienter les choix avec tion amont, tout particulièrement en ce clavier QWERTY a été initialement
des possibilités de contrôle associées qui concerne la fertilisation azotée, pensé pour réduire les conflits de
(Morin, 1994). pour répondre aux exigences environ- frappe des machines à écrire de la fin
La littérature en théorie des organisa- nementales. Or, nous observons que la du XIXe siècle. Depuis, d’autres claviers
tions, et notamment l’approche en structure organisationnelle de cette plus ergonomiques et efficaces,
terme de coûts de transaction initiée filière présente une très faible intégra- comme le DVORAK, dont l’utilisation
par Coase (1937 ; 2005) et Williamson tion entre les acteurs de l’amont et de est rendue possible avec l’avènement
(1975 ; 2002), a largement mis en avant l’aval interrogeant les conditions d’une de l’ère informatique, ont été propo-
le fait que ces liens contractuels et transition agroécologique de la filière. sés. Pour autant, nous continuons tous
financiers déterminaient la qualité ou L’article s’organise comme suit. La à taper sur des claviers informatiques
l’efficacité de la coordination verticale première partie revient sur le concept de type QWERTY. Cette situation
des acteurs (Sykuta et James, 2004) ; de verrouillage (lock-in) en rappelant correspond typiquement à un ver-
tout particulièrement pour leurs choix brièvement les différents mécanismes rouillage technologique : il existe une
d’investissement dans des actifs spéci- d’autorenforcement déjà identifiés technologie jugée plus efficace, mais
fiques qui soutiennent les processus dans la littérature. La partie suivante la technologie jugée moins efficace
d’innovation. Nous proposons ainsi propose d’étudier, à partir de l’apport reste le standard. En d’autres termes,
d’appréhender plus spécifiquement de la théorie des organisations, « une fois la solution atteinte, il est
cette question du lien entre la structure l’effet de la structure organisationnelle difficile d’en sortir »8 (Arthur, 1994).
organisationnelle d’une filière et les des acteurs d’une filière comme un Précisons ici que le terme de « tech-
incitations à innover des acteurs qui la mécanisme spécifique pouvant jouer nologie » renvoie dans cette littérature
constituent, pour dépasser les limites sur le verrouillage d’un système, méca- à une définition large : le verrouillage
soulevées par les théories de la transi- nisme que nous relions à l’analyse technologique peut s’appliquer à un
tion (Kemp, 1994 ; Geels, 2002), des systèmes sociotechniques pour choix de technique de production,
notamment au regard d’une absence en comprendre le rôle clé. La d’un produit, d’une norme, ou encore
d’analyse de la structuration organisa- dernière partie illustre cette réflexion d’un paradigme, qui font référence.
tionnelle des niches (Smith et al., 2010). en analysant la structure organi- Cette technologie est devenue un tel
Plus précisément, nous définissons la sationnelle de la filière blé dur en standard pour la société qu’il semble
structure organisationnelle d’une filière France. Nous concluons en nous difficile d’en changer, même s’il existe
comme l’ensemble des liens financiers interrogeant sur les possibles amen- d’autres technologies qui pourraient
et contractuels qui modulent fortement dements de la structure organisation- s’avérer efficaces. On comprend alors
les règles de partage de la valeur entre nelle de cette filière afin qu’elle assure que le verrouillage d’un système de
l’amont et l’aval. Suivant ce cadre une répartition de la valeur incitant production est un obstacle majeur à la
d’analyse, l’hypothèse que nous for- les acteurs à innover dans de nouvelles diffusion d’innovations.
mulons ici est que la structure organi- pratiques.
sationnelle d’une filière peut constituer
en elle-même un mécanisme de ver- Le verrouillage technologique
rouillage, si cette structure freine la Verrouillage de l'agriculture :
diffusion de la valeur issue de la
commercialisation des produits agrico- technologique quelles autres alternatives ?
les transformés, et de ce fait, réduit
et mécanismes Un verrouillage technologique sup-
pose qu’il existe au moins une tech-
6
Coop de France, l’organisation professionnelle d'autorenforcement nologie alternative considérée comme
des coopératives agricoles, revendique 40 % de plus efficace que celle qui fait office de
parts de marché dans l’agroalimentaire en 2010 :
http://www.coopdefrance.coop Après avoir rappelé la définition
7
Fares M, 2010. Greening the supply chains que la théorie économique donne 8
‘‘Once a ‘‘solution’’ is reached, it is difficult to
(mimeo). au concept de verrouillage, nous exit from’’, page 112.

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standard. Or la reconnaissance de 2010b ; Justes et al., 2009). Il n’existe structure organisationnelle des acteurs
modes de production agricole alterna- donc pas d’alternative unique à l’agri- comme un mécanisme supplémentaire
tifs à l’agriculture conventionnelle fait culture conventionnelle, mais un conti- de compréhension des effets de lock-in
l’objet de nombreux débats et contro- nuum de pratiques permettant de dans la section suivante.
verses (Roger, 2002). En effet, si des mieux répondre aux exigences envi- Les rendements croissants d’adoption
formes d’agricultures alternatives affi- ronnementales. Toutefois, la transition renvoient à deux types d’effets inter-
chent des technologies de production des pratiques vers de nouvelles solu- dépendants : les effets de réseaux et
efficaces pour répondre à des exigen- tions agronomiques peut être freinée d’apprentissage. Les effets de réseaux
ces environnementales, telles que par des mécanismes économiques qui contribuent à renforcer la valeur
l’agriculture biologique ou l’agriculture verrouillent le système productif sur les d’usage d’un produit ou d’une techno-
raisonnée, leur efficacité productive pratiques conventionnelles. logie en lien avec l’augmentation du
est souvent relative au type d’espèces nombre d’utilisateurs. L’augmentation
cultivées (en ce qui concerne la pro- du nombre d’agriculteurs en système
duction végétale). Selon le niveau de Mécanismes économiques conventionnel a favorisé l’affinement
contraintes agronomiques, l’arbitrage d'autorenforcement des connaissances dans ce domaine
nécessaire entre l’efficacité productive d'un choix initial (learning by using, learning by doing).
et l’efficacité environnementale peut se Ces apprentissages ont contribué à
révéler défavorable à certaines prati- Pour comprendre le verrouillage, la fortement accroı̂tre les rendements au
ques alternatives. Ainsi, concernant littérature sur le lock-in a identifié cours des dernières décennies, incitant
le blé dur, les exigences qualitatives plusieurs mécanismes économiques les agriculteurs à poursuivre dans cette
en termes de taux de protéines et (figure 1). voie. Par ailleurs, plus une technologie
de mitadinage sont difficiles à attein- Ces mécanismes dits « d’autorenforce- est répandue et plus des technologies
dre sans une utilisation importante ment » ont été essentiellement identi- complémentaires se développent, ren-
d’engrais azoté, ce qui est particulière- fiés à partir d’études de cas (David, forçant sa position dominante. Ces
ment problématique en agriculture 1985). La seule étude de cas relative au effets cumulatifs augmentent ainsi la
biologique pour laquelle les engrais monde agricole est celle de Cowan et valeur d’adoption de la technologie
minéraux sont proscrits. En revanche, Gunby (1996). Nous proposons de initialement choisie. En l’absence de
de nouvelles alternatives, telles que le rappeler les trois principaux mécanis- tels rendements, l’agriculteur choisirait
mélange de blé dur avec une légumi- mes d’autorenforcement – les rende- la technologie la plus efficace, et non
neuse à graine (pois protéagineux ou ments croissants à l’adoption, la pas forcément celle qui est choisie par
féverole) permettent d’atteindre ces compatibilité technologique, l’état de le plus grand nombre.
objectifs qualitatifs tout en réduisant la connaissance – en les appliquant au Les connaissances des agents jouent un
la fertilisation azotée (Bedoussac et choix de l’agriculture conventionnelle, rôle important dans le mécanisme
Justes, 2010a ; Bedoussac et Justes, avant de proposer l’analyse de la d’autorenforcement, et cela à différents
niveaux. D’abord, les parcours de
formation des agents, et de ceux qui
assurent un service de conseil auprès
Choix initial : d’eux, influencent fortement leur capa-
technologie A préférée à B en t0
cité à utiliser telle ou telle technologie.
Chacun choisit ainsi la technologie qui
lui semble la « meilleure » compte tenu
Mécanismes
d’autorenforcement
de ce qu’il sait. Cela a conduit les
agriculteurs et les conseillers agricoles
à orienter les choix productifs en faveur
- Économies d’échelle de l’agriculture conventionnelle qui
Verrouillage
- Économies de réseaux reste le paradigme principalement
technologique
- Effets d’apprentissage
A > B en t0
diffusé dans l’enseignement agricole.
- État de Ia connaissance
mais non en t0 +n,
Or, Dosi (1988) rappelle que « ce que la
- Incertitude
et
firme peut espérer faire technologi-
- Droits de propriété
A est réversible
quement dans le futur est fortement
- Coûts du changement
mais B n’est pas adopté
contraint parce qu’elle a été en mesure
- Etc. de faire par le passé »9. En ce sens, le
Choix de A prévaut en t0 +n cœur de compétences (core capabili-
ties) des agriculteurs et/ou des entre-
Choix sous-optimal prises agro-industrielles peut générer
problème de verrouillage des rigidités qui limiteront leurs
Schéma des auteurs

9
‘‘What the firm can hope to do technologically
Figure 1. Verrouillage technologique et mécanismes d'autorenforcement. in the future is narrowly constrained by what it
has been capable of doing in the past.’’ (page
Figure 1. Technological lock-in and self-reinforcement mechanisms. 1130).

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capacités à innover et à changer de des habitudes des consommateurs. priori, la logique de ce système
technologie. Ensuite, comme le montre Pour comprendre cette dynamique imbriqué à trois niveaux implique
Labarthe (2010), le conseil technique des innovations au travers des organi- que le niveau le plus élevé est le plus
aux agriculteurs est aussi encastré dans sations, Kemp (1994) et Geels (2002 ; stable et le plus résistant au change-
des rapports de force institutionnalisés 2005) proposent de centrer l’analyse ment, du fait d’interactions et de liens
qui verrouillent la capacité d’évolution sur le régime sociotechnique qui, selon entre les éléments formant cette
des connaissances vers des systèmes Rip et Kemp (1998) « constitue une configuration. De ce fait, ce niveau
alternatifs. Enfin, l’incertitude relative grammaire, c’est-à-dire un ensemble impose des contraintes sur la direction
au manque de connaissances pratiques de règles définies dans un complexe du changement intervenant aux
d’une technologie alternative réduit sa de produits, de qualifications et de niveaux du dessous, générant ainsi
probabilité d’adoption. procédures [. . .] imbriqués dans des le phénomène d’autorenforcement
Au-delà de ces mécanismes d’auto- institutions et des infrastructures ». des choix technologiques existant.
renforcement du choix technologique Cette définition rend clair le fait qu’un L’isolement des niches permet une
initial, nous proposons, dans un cadre régime consiste pour une large part en maturation des innovations et, sous
conceptuel élargi à la théorie des coûts un ensemble de routines institution- certaines conditions, leur diffusion.
de transaction et à la littérature sur les nelles utilisées par des acteurs. Ainsi, si un processus « d’accumula-
systèmes sociotechniques, de nous Cependant, comme un régime n’est pas tion » de niches survient, l’innova-
intéresser plus précisément à un autre toujours totalement homogène, des tion radicale se propage alors à
mécanisme d’autorenforcement défini niches apparaissent créant un espace plusieurs marchés. Si ces marchés
par les liens qui structurent les acteurs partiellement isolé du fonctionnement deviennent suffisamment importants,
d’une filière de production. normal du régime, et notamment du un nouveau régime sociotechnique
processus de sélection des marchés par peut émerger, et l’innovation radicale
le standard technologique dominant. finit par devenir le nouveau standard
Niches, déverrouillage Ces niches peuvent alors servir d’incu-
bateurs à des innovations radicales
technologique.

et structure (Schot, 1998). En effet, en fonctionnant


L'effet de la structure
avec des normes et des règles institu-
organisationnelle tionnellement différentes, les niches organisationnelle
fournissent des lieux de réalisation
des filières des processus d’apprentissage ainsi sur le verrouillage technologique
que la possibilité de construire des Si l’on s’intéresse au processus d’émer-
La conception de « niches » dans la réseaux économiques capables de gence d’une innovation au sein d’une
littérature sur les régimes sociotechni- supporter des innovations, comme niche, le modèle de Geels (2002)
ques ouvre une perspective de déver- des filières de production et/ou de suggère qu’un minimum de coordina-
rouillage des systèmes de production commercialisation. Ces niches peuvent tion entre les acteurs doit exister.
via une forme de « transition » qui alors apparaı̂tre comme des voies de Ainsi, des connexions fortes entre les
s’apparente à un mécanisme de diffu- déverrouillage et interrogent sur la différents réseaux de producteurs,
sion progressive de l’innovation au manière dont elles peuvent se structu- d’utilisateurs finaux et financiers doi-
sein du système conventionnel. Pour rer pour dépasser les effets d’auto- vent être établies. Cependant, Geels
autant, la pertinence économique de renforcement (rappelés en première (2002) ne propose pas d’approche
cette diffusion interpelle quant aux partie) du régime sociotechnique stan- théorique explicite permettant de
incitations économiques nécessaires à dard. définir des modes de coordination
cette transition. Celles-ci peuvent être Selon Geels (2002 ; 2005) ces niches efficace des acteurs dans ces niches.
analysées, comme nous le proposons sont imbriquées dans les régimes et Nous proposons donc une approche
ici, au travers des liens qui structurent paysages (landscapes) existants, tout théorique de la structuration organi-
les relations entre les acteurs des en étant partiellement isolées10. A sationnelle de ces niches. Nous enten-
filières sur les marchés. dons par structure organisationnelle
de la filière, les liens verticaux et
horizontaux11 qui coordonnent les
10
Kemp (1994) et Geels (2002) proposent un
La transition : régimes modèle explicatif, à trois niveaux d’emboı̂te- acteurs économiques sur les marchés
ment. Le paysage (landscape) représente le
sociotechniques et niches niveau supérieur constitué par les institutions,
et tels qu’ils sont classiquement ana-
les normes sociales, politiques et culturelles qui lysés par la théorie des organisations.
Le processus de développement de guident le système sociotechnique existant. Le Plus précisément, la coordination
nouvelles technologies de production régime sociotechnique représente le niveau entre les acteurs des différents maillons
est aussi largement influencé par les intermédiaire où se produisent les interactions
cadres organisationnels et institution- entre ces institutions et ces normes du niveau
11
nels dans lesquels il s’insère. Cela supérieur et les acteurs. Ces interactions génè- Les liens verticaux renvoient aux liens entre
implique que le processus d’adoption rent les règles et procédures de régulation du les entreprises intervenant à différents stades du
régime sociotechnique dominant. Les niches processus de production, transformation et
et de diffusion d’innovations dépend représentent le niveau inférieur où se créent et commercialisation d’un produit, tandis que les
certes de ses caractéristiques propres, s’organisent les innovations radicales ; le régime liens horizontaux sont ceux entre entreprises
mais aussi de celles du marché initial, sociotechnique dominant produisant, quant à intervenant à un même stade de la chaı̂ne de
de facteurs institutionnels, ainsi que lui, des innovations incrémentales. valeur d’un produit.

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de la filière peut être appréhendée par de définir les incitations suffisantes importants entre les deux cultures.
le degré d’intégration verticale de celle- pour la mise en place d’innovations Ainsi on peut considérer qu’un des
ci. Ce degré d’intégration évalue si les technologiques, qu’elles soient de enjeux spécifiques de la transition
activités de la chaı̂ne de valeur d’un process ou de produit. agroécologique pour la filière blé
produit sont réalisées par des firmes À partir de cette réflexion théorique dur est l’adoption de pratiques agrico-
indépendantes les unes des autres reliant les processus d’innovation, de les moins consommatrices d’azote.
(Porter, 1999) ou dépendantes par verrouillage et de structuration orga- Comme nous l’indiquions précédem-
des liens spécifiques, comme des liens nisationnelle des acteurs des filières ment, les cultures associées de type
financiers ou des liens contractuels de au sein des régimes sociotechniques, « légumineuses/blé dur » constituent
long terme. Nous considérons, en effet, nous proposons une étude de cas : un exemple de pratique alternative
que deux types de liens définissent le celle de la filière blé dur en France. plus agroécologique. Ces associations
degré d’intégration d’une filière : i) les de cultures, permettent au blé dur
liens financiers, à travers la propriété d’atteindre des taux de protéines
des actifs physiques (Hart, 1995) ; ii) les Verrouillage comparables à ceux d’un blé dur
liens contractuels, à travers des contrats fertilisé, mais avec des apports externes
de long terme allouant un certain
pouvoir de décision12 (Aghion et al.,
et structure d’azote nettement réduits (Bedoussac
et Justes, 2010a ; Bedoussac et Justes,
1994 ; Fares, 2006). Comme le souligne organisationnelle 2010b ; Justes et al., 2009)16.
Morin (1994) les liens financiers ou de Au-delà de la capacité agronomique
propriété constituent des « vecteurs dans la filière blé dur de ces pratiques alternatives à attein-
organisateurs de pouvoir » dans la dre des exigences de production, de
mesure où le lien financier définit un récents travaux ont fait état de diffi-
Après avoir présenté l’enjeu de réduc-
rapport de propriété, « mais également cultés que pouvaient avoir les coopé-
tion d’intrants pour la production de
des formes de coordination inter- ratives agricoles à valoriser ces
blé dur, nous analysons la structure
acteurs ». De même, les contrats ne productions issues d’association de
organisationnelle de la filière blé dur en
constituent pas de simples mécanismes cultures. Ces difficultés viennent de
France et nous discutons des spécifi-
de coordination définissant prix et problèmes techniques et organisation-
cités de son organisation qui peuvent
quantité. Ils allouent aussi un pouvoir nels liés aux opérations de stockage et
contribuer à un verrouillage technolo-
de décision assez semblable à celui de de tri des graines. Ces problèmes
gique de la production de blé dur.
la propriété, même si ce dernier est tiennent à une inadaptation de l’appa-
limité par le contrat, notamment reillage technico-organisationnel des
lorsque la relation est de long terme L'enjeu de réduction coopératives (Magrini et al., 2011). Il
et que les parties doivent donc souvent conviendrait alors que les coopérati-
renégocier afin d’adapter le contrat aux d'intrants à l'amont ves réalisent des investissements spé-
événements non anticipés (Hart et de la filière blé dur cifiques pour s’adapter à ces nouvelles
Moore, 1988 ; Fares, 2009). L’intégra- pratiques agricoles. Au regard des
tion, ou la quasi-intégration, permet de L’essentiel de la production de blé dur développements théoriques présentés
réduire les asymétries d’information est destiné à la fabrication de pâtes dans la précédente section, nous
entre acteurs (Hennessy, 1996), mais alimentaires pour lesquelles les tech- proposons de nous pencher sur les
surtout de résoudre le problème du niques de cuisson actuelles nécessi- liens économiques entre les coopéra-
hold-up lié aux « effets de verrouillage » tent des seuils élevés de teneur en tives et les autres acteurs de la
générés par la spécificité des investis- protéines des grains13. Ces teneurs transformation, à l’aval de la filière,
sements mis en place par les acteurs élevées en protéines (de 13 à 14 %) par lesquels des incitations financières
(Hart et Holmström, 1987). En effet, comparativement à celles qui sont pourraient transiter pour favoriser de
l’intégration ou la quasi-intégration exigées en blé tendre pour la panifica- tels investissements.
permet d’allouer à la partie qui investit tion (de 10 à 11 %)14, nécessitent un
des droits de contrôle sur les actifs et/ usage intensif d’azote. En effet, rap-
porté au tonnage, il faut en moyenne
ou des droits de décision lors de la
2,3 unités d’azote pour produire un Une filière blé dur concentrée
renégociation. Cela permet d’empê-
cher l’opportunisme du partenaire et quintal de blé tendre contre 3,7 dans le à l'aval mais peu intégrée
de limiter toute forme d’expropriation cas du blé dur soit 1,6 fois plus15.
Concernant le recours aux phytosani- L’étendue de la filière est facile à
du rendement des investissements en déterminer car le blé dur est destiné
actifs spécifiques, à l’origine du sous- taires, les écarts moyens sont moins
exclusivement àl’alimentation humaine,
investissement dans les innovations essentiellement sous la forme de
(effet de hold-up). Autrement dit, en 13
Nous ne détaillons pas ici les autres critères de
contrôlant la répartition de la valeur qualité technologique tels que le taux de
16
créée au sein de la filière, l’intégration mitadinage, taux de moucheture, indice de Le principe agronomique de base étant que le
ou la quasi-intégration peut permettre jaune, etc. Nous renvoyons le lecteur à rendement de blé dur est moindre en association
Magrini et al. (2011) pour plus de précisions. du fait de la compétition exercée par la
14
Voir Lamine et al. (2010) pour un rappel des légumineuse alors que la quantité d’azote
seuils d’exigences de protéines en blé tendre. disponible est comparable grâce à un taux de
12 15
Dans ce cas, on parle alors de quasi-intégra- D’après les enquêtes « Pratiques Culturales fixation symbiotique de la légumineuse élevé
tion. 2006 ». (de l’ordre de 80 % environ).

Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012 39


semoule de couscous et de pâtes17. de coordination entre acteurs, et plus marché qui offre de faibles perspecti-
C’est une filière relativement récente en spécifiquement ceux qui interviennent ves de croissance. Panzani devient le
France où les premières productions de au dernier maillon de l’amont et aux leader, dès les années 1960, suite à des
blé dur ont démarré dans les années deux premiers maillons de l’aval, au fusions-acquisitions et à son implica-
1960. C’est au cours des années 1980 regard de la structure de marché. C’est tion dans l’activité de semoulerie22. La
que la recherche agronomique est la coordination de ces maillons qui concentration de la semoulerie avec
parvenue à proposer des variétés de contribue fortement à définir le degré une prise de contrôle par les pastiers va
blé dur suffisamment adaptées aux d’intégration de la filière, car c’est à se poursuivre pour aboutir dans les
conditions pédoclimatiques et permet- cette intersection que la valeur ajoutée années 1990 à une situation de duo-
tant d’assurer des volumes et des seuils du blé dur se crée pour l’amont dans la pole avec deux groupes qui maı̂trisent
de qualité du blé dur requis pour négociation des critères de qualité du 90 % de la semoulerie française, et près
les industries semoulière et pastière. blé dur. À partir de recherches sur des de 80 % de la fabrication de pâtes
La production annuelle de blé dur a bases de données d’entreprises cou- alimentaires (Braun, 1995 ; Le Bail,
augmenté au cours des 15 dernières plées avec des recherches sur Inter- 2001)23. En 2010, la filière est toujours
années avec une quantité d’environ net19, nous avons construit le schéma très concentrée, avec un acteur domi-
2 millions de tonnes en 2009, dont suivant qui illustre la structure des nant Panzani, leader sur les segments
plus de la moitié est exportée principaux acteurs de l’aval de la de la semoulerie avec environ 2/3 des
(figure 2). L’industrie semoulière triture filière20 (figure 4). volumes pour l’approvisionnement
annuellement environ 600 000 tonnes L’aval présente une structure de mar- national (Le paysan tarnais, 2007),
de grains, chiffre très stable sur le ché très concentrée, de type oligo- des pâtes et du couscous. L’activité
long terme (Le Bail, 2001), avec polistique avec trois acteurs intégrant semoulerie est répartie sur six usines,
une production française d’environ la semoulerie et la production de pâtes dont cinq appartiennent à des semou-
250 000 tonnes de pâtes et 80 000 ton- et de couscous. Panzani occupe une liers-pastiers et une seule est indé-
nes de couscous (chiffres de 2008). La position de leader tant pour la semou- pendante des pastiers, « GMM »,
France se situe ainsi au deuxième rang lerie que pour la pasterie, puis vien- résultant de restructurations récentes.
européen pour la fabrication de pâtes nent ensuite les sociétés Pastacorp et Enfin, les pastiers non-semouliers sont
(loin derrière l’Italie, leader mondial Alpina Savoie21. Les autres pastiers de minoritaires.
avec plus de 3 millions de tonnes de taille industrielle opérant en France Quant à la structure amont, notre
pâtes) et au premier rang européen sont des fabricants de pâtes aux œufs analyse nous a permis d’identifier
pour la production de couscous. Quant situés en Alsace qui représentent que moins d’une vingtaine de collec-
à la filière export, ce sont les progrès moins de 5 % de part de marché teurs, dont deux tiers sont des coo-
continus d’amélioration de la qualité chacun. Il existe également un fabri- pératives agricoles, assurait la majeure
des blés et des rendements qui ont cant de couscous Tipiak. Enfin, on partie de la collecte de blé dur en
fortement contribué à la développer au dénombre beaucoup de petites entre- France. Cela résulte d’une enquête
cours de la dernière décennie. prises artisanales qui ont chacune téléphonique auprès des collecteurs
La filière blé dur suit une chaı̂ne de d’entre elles moins de 1 % du marché. dans les quatre grands bassins de
valeur typique de l’industrie agroali- L’industrie aval du blé dur est donc production du blé dur (Centre, Ouest-
mentaire, en s’organisant depuis les très concentrée avec une intégration Océan, Sud-Ouest, Sud-Est), ce qui
semenciers jusqu’aux transformateurs totale des deux étapes clés de fabrica- témoigne d’un nombre réduit de
industriels des biens de consomma- tion : la semoulerie et la pasterie. collecteurs pour chaque bassin, pré-
tion alimentaire18. L’amont de la filière Cette concentration industrielle de la figurant là aussi une structure oligo-
est caractérisé par les grandes étapes filière des pâtes alimentaires est un polistique à l’échelle régionale.
de production et de collecte du blé phénomène ancien qui s’explique tant Si la filière s’organise donc autour d’un
dur, tandis qu’à l’aval la transformation par la nécessité de maı̂triser l’étape de nombre d’acteurs limités à l’aval
en semoule est une étape préalable à la semoulerie, que par la maturité du
la fabrication des pâtes et du couscous 22
http://www.panzani.fr/monde-panzani/his-
(figure 3). toire-panzani/annees-60,19.html
La structure organisationnelle de la 19
En particulier, base de données BvDEP Diane, 23
Dans les années 2000, cette concentration
filière est caractérisée à partir des liens site de FranceAgriMer (http://www.franceagri- s’est poursuivie et a fait l’objet d’un accord
mer.fr) et site commun du Comité français de la original suite aux difficultés du numéro 2
semoulerie industrielle et du Syndicat des français, le groupe Lustucru (DGCCRF -
17
Il existe d’autres débouchés alimentaires du industries fabricants de pâtes alimentaires de BOCCRF du 20 mai 2003). Panzani a été
blé dur comme le blé précuit, le blé vert et la France (http://www.cfsi-sifpaf.com). autorisée à reprendre les activités Pâtes fraı̂ches
20
farine de blé dur. Mais leur importance sur le Pour simplifier la présentation des pastiers, et Riz du groupe, en exploitant pour son compte
marché en termes de volumes consommés est nous ne présentons que les principaux opérant la marque Lustucru sur ces activités tandis qu’il a
négligeable par rapport à ceux de la semoule et sur le segment des pâtes sèches. Les pâtes été demandé à ce que l’activité semoulerie et
des pâtes. fraı̂ches représentent un marché bien moins pâtes sèches continue à être exploitée par une
18
Nous n’abordons pas ici le maillon final de important et dominé par les pastiers pâtes société indépendante sous la marque Lustucru.
l’aval de la filière qui est la distribution sèches. Si l’objectif était d’empêcher Panzani d’avoir une
21
alimentaire, dans la mesure où la distribution Les deux principaux acteurs sont possédés position dominante sur le marché des pâtes
des biens alimentaires en blé dur est commune à par des groupes agroalimentaires étrangers de sèches, la solution trouvée a abouti à l’auto-
la plupart des autres biens alimentaires, à savoir taille mondiale (le groupe espagnol Ebro Foods risation d’utiliser la même marque sur le même
la grande distribution, les magasins d’épicerie pour le premier, le groupe Skalli pour le territoire par deux opérateurs indépendants
spécialisés, etc. second). (Nouvel et Simic, 2003).

40 Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012


la structure du marché éclatée de
Collecte grains Exportation grains Importation grains Utilisation semoulerie
l’amont en quatre grands bassins,
l’industriel n’a donc pas besoin d’assu-
en 000 tonnes rer le partage du risque climatique.
2 500
De même, ce risque climatique peut
expliquer pourquoi les coopératives
agricoles, ancrées dans des bassins de
production et donc fortement soumi-
2 000
ses à ce risque, ne sont pas présentes à
l’aval des filières alors même que c’est
une composante essentielle de leurs
1 500 stratégies de recherche de valeur
ajoutée dans de nombreuses filières24.
Des liens de quasi-intégration auraient
1 000 pu se développer, amenant à un
partage de la valeur en faveur de
l’amont, si l’aval de la filière avait eu
500 besoin de contrôler le processus de
production amont, comme cela se
pratique, par exemple, dans le secteur
0 vitivinicole s’agissant de la qualité
organoleptique ou sanitaire des pro-
4

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duits. L’aval peut cependant préférer
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se servir de l’interprofession comme
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20

20
Années un moyen d’imposer un certain nom-
Source : d'après AGRESTE - Bilans
bre de standards de production, ce qui
permet d’éviter de recourir aux contrats
pour inciter l’amont, et notamment les
Figure 2. Quantités annuelles de blé dur collectées et utilisées en semoulerie en France de 1993 à 2009. agriculteurs, à respecter le processus de
production souhaité.
Figure 2. Annual quantities of Durum wheat collected and used by semolina millers in France from 1993 to La question posée est donc de savoir si
2009.
la demande pour des produits agrico-
les plus respectueux de l’environne-
ment peut générer de la valeur pour la
comme à l’amont, sa forte spécificité notre connaissance, les contrats de filière ; et si oui, sous quelles condi-
apparaı̂t dans la séparation nette entre commercialisation entre l’amont et tions le partage de cette valeur peut
les acteurs de l’amont et de l’aval, l’aval sont de court terme et non générer des incitations au changement
révélée par l’absence de liens d’inté- spécifiques. Cette séparation nette des pratiques au niveau des exploita-
gration (liens financiers, liens contrac- des actifs, et ce non-engagement dans tions. En premier lieu, il faut rappeler
tuels de long terme). la durée, témoignent d’une forte au vu de la structure actuelle de la
segmentation entre l’amont et l’aval filière, qu’il paraı̂t difficile aux acteurs
qui indique que cette filière, même si de l’amont de s’engager seuls dans
Segmentation amont/aval elle peut apparaı̂tre très structurée du des pratiques plus respectueuses,
et diffusion des incitations point de vue de l’organisation inter- étant donné qu’ils ne maı̂trisent ni
à l'innovation professionnelle, reste non intégrée les procédés de transformation, ni
dans sa logique de répartition de la les stratégies de segmentation sur le
Les maillons clés de l’amont et de valeur. marché. Or, changer de pratiques
l’aval de la filière blé dur sont donc Une explication possible à cette présente des coûts avec des risques
caractérisés par une structure de absence d’intégration ou de quasi- associés qu’il paraı̂t difficile d’assumer
marché concentrée, avec un degré intégration réside dans la stratégie des en l’absence d’une visibilité straté-
de concentration de l’aval beaucoup industriels de répartition des risques. gique sur la valorisation du blé
plus fort cependant. Ce qui, de fait, lui En effet, en situation d’incertitude dur. De ce fait, ce sont les acteurs
octroie un pouvoir de négociation climatique, l’industriel cherche à limi- industriels, à l’interface entre les
plus grand. Cela peut expliquer en ter ce risque et à sécuriser ses collecteurs et les distributeurs, qui
partie le choix de ne pas développer approvisionnements, en recourant à seraient le mieux à même d’impulser
de liens d’intégration vers l’amont. des coopératives et collecteurs des
L’absence de liens d’intégration entre quatre grands bassins de production.
les maillons de l’amont et de l’aval est Cette stratégie de portefeuille le 24
Les coopératives agricoles développent des
en effet patente dans cette filière. pousse donc plutôt à signer de simples stratégies alternatives de contrats de commer-
D’une part, on n’observe pas de liens contrats annuels, et non des contrats cialisation du blé dur à l’export, comme en
financiers qui seraient le signe d’une pluriannuels avec quelques coopéra- témoigne l’augmentation des exportations au
recherche d’intégration. D’autre part, à tives d’un même bassin. En jouant sur cours des cinq dernières années.

Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012 41


5 obtenteurs de semences

Producteurs de semences
Producteurs Surfaces 2008 : 16 940 hectares Exportation de semences
multiplicateurs (source : Gnis)

Distributeurs de semences
Vente campagne 2007-2008 : 56 300 tonnes Importation de semences
(source : Gnis)

Producteurs de grains
Surface 2007 : 455 000 hectares
Production 2007 : 1 989 000 tonnes
(source : Onigc)

Exportation de grains
18 collecteurs principaux Vers UE : 743 000 tonnes
Blé précuit Récolte 2007 : 1 921 000 tonnes Vers pays tiers : 415 000 tonnes
(source : Onigc) (source : Onigc 2007-2008)

Importation de grains
5 semouleries 104 000 tonnes
Blé dur trituré : 670 796 tonnes (source : Onigc, 2007)
Semoule : 505 018 tonnes
(source : CFSI, 2008) Exportation de semoule
162 267 tonnes
(source : CFSI, 2008)

Couscous Pâtes fraîches


Pâtes sèches et préparées Exportation
non préparé
7 fabricants Pâtes : 26 677 tonnes
4 fabricants Production 2008 : …..
Production : 252 756 tonnes Couscous : 19 581 tonnes
Production : 81 149 tonnes tonnes
(source : Sifpaf - année (source : Sifpaf - 2008)
(source : Sifpaf - 2008) (source : ….. -, 2008)
2008)

Importation :
Distribution alimentaire pâtes : 294 937 tonnes
couscous : 18 359 tonnes
(source : Sifpaf - 2008)

Figure 3. L'organisation de la filière blé dur en France.

Figure 3. Organisation of the Durum wheat supply chain in France.

une transition environnementale de de marché. Le développement des mieux offrant25. Il existe à ce jour un
l’ensemble de la filière. pâtes sous label AB dans la grande seul acteur industriel résolument
Si la maı̂trise des critères technologi- distribution montre qu’il existe un engagé dans une démarche de
ques des variétés de blé dur a potentiel que les principaux acteurs
constitué un point de contrôle néces- industriels ont identifié. Mais actuel- 25
saire pour les acteurs industriels, le lement, l’offre française en blé dur bio Il est important ici de signaler le rôle de
l’interprofession blé dur dans la définition du
renforcement des exigences environ- est insuffisante et la filière peu orga- standard technologique de la qualité protéique
nementales peut les inciter à explorer nisée, à la différence de la filière du blé dur. On peut aussi s’interroger sur le rôle
de nouveaux modes de coordination italienne. Il est donc plus facile pour de la production des connaissances (conseil,
et à développer de nouvelles niches l’industriel de s’approvisionner au recherche appliquée) impulsée par l’État.

42 Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012


3 acteurs intégrés

Groupe
Groupe Groupe Groupe
Champagne
Ebro Foods Skalli Galapagos
céréales

Panzani Ferico Pastacorp Alpina Moulins G.M.M.


Savoie de Savoie
775 M euros 44 M euros 80 M euros 49 M euros 14 M euros 43 M euros
736 salariés 63 salariés 241 salariés 182 salariés 4 salariés 73 salariés

3 semouleries 1 semoulerie 1 semoulerie 1 semoulerie


2 usines de pâtes 1 usine de pâtes 2 usines de pâtes
1 usine de couscous 1 usine de couscous 1 usine de couscous

Groupe Groupe Groupe


Tipiak Heimburger D.A.A.T.

Tipiak Valfleuri Heimburger Thirion


épicerie
55 M euros 28 M euros 24 M euros 2 M euros
157 salariés 100 salariés 90 salariés 10 salariés

1 usine de couscous 1 usine de pâtes 1 usine de pâtes 1 usine de pâtes

Sources : SIFPAF & CFSI – Les structures industrielles en 2010; BvDEP Diane; sites internet Valfleuri et Heimburger
* Chiffres 2009 ou derniers chiffres disponibles dans BvDEP Diane

Figure 4. Les principaux semouliers et pastiers en 2010.

Figure 4. The main semolina millers and pastry-makers in 2010.

partenariat avec les organismes de une qualité spécifique de blé à plus nous conduit à proposer un enrichis-
collecte, et qui joue la carte de haute performance environnementale, sement de la théorie des transitions
l’agriculture durable. Il s’agit d’Alpina la question reste posée de la valeur (Kemp, 1994 ; Geels, 2002 ; Smith
Savoie qui a développé un partenariat ajoutée créée par ce label puis de la et al., 2010) sur deux points. D’une
avec les coopératives locales du Sud- mise en œuvre concrète du partage part, nous suggérons que la structura-
Est, et ce depuis plus d’une dizaine de cette valeur entre les différents tion organisationnelle des filières peut
d’années (Bocquet, 2010). Son objec- acteurs et maillons de la filière ; cela constituer un mécanisme spécifique
tif26 de développer des filières locales afin d’inciter les agriculteurs à adopter de verrouillage technologique, au côté
reposant sur des modes de production ces innovations dans leur système de des autres mécanismes d’autorenfor-
biologiques ou raisonnés est claire- culture. La diffusion de l’innovation cement développés dans les théories
ment affiché. Encore faut-il que cet reste ainsi très liée à celle de la valeur du lock-in. D’autre part, nous déve-
objectif soit économiquement viable ajoutée qui est largement conditionnée loppons une approche des modes
sur le long terme. par les contrats établis entre les acteurs de coordination qui expliquerait l’effi-
Cependant, même s’il est possible de de la filière. cacité organisationnelle des niches.
développer un nouveau label signalant Cette réflexion contribue aussi à
de façon crédible au consommateur mettre en exergue toute la complexité
de la transition agroécologique, car les
Conclusion conditions de sa réussite interpellent
26
Les rendements en blé dur, et en conséquence l’ensemble des acteurs de la filière,
les niveaux de fertilisation, sont traditionnelle- Cet article a pour but d’analyser particulièrement les acteurs de l’aval
ment bas dans la zone Sud-Est du fait des fortes certaines conditions économiques de agro-industriel.
contraintes climatiques. Ces conditions sont la transition agroécologique en mobi- Plus précisément, cette réflexion met
donc a priori favorables à une réduction des
intrants mais posent cependant la question de la
lisant les apports de la littérature sur en évidence le rôle crucial de l’aval
régularité du rendement qui constitue le point l’économie des coûts de transaction, dans l’orientation des choix de l’amont
critique pour le revenu de l’agriculteur et pour la celle sur le verrouillage technologique des filières agro-industrielles, ce qui
maı̂trise des coûts pour la filière. et les régimes sociotechniques. Cela amène la recherche à adopter de

Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012 43


nouvelles postures de recherche plus notamment financière, du secteur coo- N availability during early growth. Plant and Soil
330 : 19-35.
systémiques (Abecassis et Bergez, pératif qui ne peut être réaliste que
2009). Ce que nous proposons ici, dans le cas d’une production de niche. Bedoussac L, Justes E, 2010b. Dynamic analysis of
competition and complementarity for light and N
dans l’analyse de ces systèmes agro- En ce sens, la solution de la quasi- use to understand the yield and the protein content
industriels mêlant les acteurs de intégration apparaı̂t comme moins of a durum wheat-winter pea intercrop. Plant and
l’amont et de l’aval, peut se résumer exigeante d’un point de vue financier, Soil 330 : 37-54.
au travers de deux vecteurs explicatifs et donc plus souple à mettre en œuvre. Bocquet AM, 2010. L'intégration du développe-
majeurs : la signalisation des produits Ainsi, Fares (2010) 27 montre qu’une ment durable dans les PME : le cas Alpina Savoie,
et la coordination des acteurs. Le chaı̂ne de contrats de long terme peut une PME familiale avec un engagement ancien.
Note de recherche 10-19, mai 2010, université de
vecteur « signalisation » indique que permettre : i) de fournir les incitations Savoie, IREGE.
la transition agroécologique repose suffisantes au développement des
Braun P, 1995. Le blé dur en France. In : Fonzo N,
sur l’existence d’un signal auprès du investissements spécifiques nécessai- Kaan F, Nachit M, eds. Durum wheat quality in the
consommateur final qui lui permet de res à la culture, la collecte et la Mediterranean region. Options Méditerranéennes,
s’assurer que le surplus de prix transformation des produits issus de Ser A (22) : 93-102.
éventuellement exigé répond à des système de culture à haute perfor- Bürger J, de Mol F, Gerowitt B, 2008. The
biens alimentaires issus de produc- mance environnementale ; ii) d’assu- ''necessary extent'' of pesticide use - Thoughts
tions à plus haute performance envi- rer une gestion efficace du risque. about a key term in German pesticide policy. Crop
Protection 27 : 343-51.
ronnementale, et consolide ainsi le Ce travail ouvre ainsi la voie à une
développement d’une niche de pro- réflexion plus large sur les arrange- Coase R, 1937. The nature of the firm. Economica
4: 386-405.
duction. Le vecteur « coordination » ments institutionnels susceptibles
explique comment les acteurs le long d’améliorer la coordination des acteurs Coase R, 2005. L'entreprise, le marché et le droit.
Paris : éditions d'organisation.
d’une filière sont liés, et sa valeur en faveur d’une transition vers des
correspond au degré d’intégration des choix productifs plus durables. & Cowan R, 1990. Nuclear power reactors : A study
in technological lock-in. The Journal of Economic
acteurs le long de la filière. La force de History 50 : 541-67.
ces deux vecteurs dans l’aboutisse-
ment de la transition agroécologique Cowan R, Gunby P, 1996. Sprayed to death: Path
Remerciements dependence, lock-in and pest control strategies.
est étroitement liée. En effet, la force Ce travail a bénéficié d’une aide de The Economic Journal 106 : 521-42.
d’un signal de marché pour favoriser l’Agence nationale de la recherche au David P, 1985. Clio and the economics of
cette transition n’a d’effet que si la travers des programmes de recherche QWERTY. American Economic Review 75 : 332-7.
coordination des acteurs est suffisam- SYSTERRA Perfcom (réf. ANR-08-STRA- Dosi G, 1988. Sources, procedures, and micro-
ment intégrée (par des liens financiers 11) et MicMac-Design (réf. ANR-09-STRA- economic effects of innovation. Journal of Econo-
ou des liens contractuels spécifiques) 06). Les auteurs remercient tout particu- mic Literature 26 : 1120-71.
pour diffuser vers l’amont la valeur lièrement Laurent Bedoussac, ainsi que les Fares M, 2006. Renegotiation design and contrac-
ajoutée qui peut être retirée du marché deux rapporteurs anonymes pour leurs tual solutions to the hold-up problem. Journal of
aval ; et donc, rendre le changement commentaires avisés. Economic Surveys 20 : 731-56.
de pratiques par les agriculteurs moins Fares M, 2009. Specific performance, hold-up and
incertain. En analysant la structure de separability condition. Economics Bulletin 29 :
la filière blé dur, la forte séparation 2055-62.
des acteurs de l’amont et de l’aval Geels F, 2002. Technological transitions as evolu-
du fait d’une absence d’intégration Références tionary reconfiguration processes : a multi- level
perspective and a case-study. Research Policy 31 :
laisse ainsi supposer que l’adoption de 1257-74.
Abecassis J, Bergez JN, eds, 2009. Les filières
nouvelles pratiques par l’amont sera céréalières. Organisation et nouveaux défis. Ver-
difficile à défaut d’incitations financiè- sailles : éditions Quae. Geels F, 2005. Technological transitions and
system innovations: A co-evolutionary and socio-
res venant de l’aval. Aghion P, Dewatripont M, Rey P, 1994. Renegotia- technical analysis. Cheltenham : Edward Elgar.
De fait, la nature concrète que doit tion design with unverifiable information. Econome-
Hart O, 1995. Firms, contracts, and financial
prendre cette intégration des filières est trica 62 : 257-82.
structure. Oxford : Oxford University Press.
variable selon les auteurs. Hendrikse et Arthur W, 1994. Increasing returns and path
Hart O, Holmstrom B, 1987. The theory of
Bijman (2002) montrent que les coo- dependence in the economy. Ann Arbor (Michigan):
contracts. In : Bewley T, ed. Advances in econo-
pératives laitières qui ont cherché à University of Michigan Press.
mic theory. Fifth World Congress. Cambridge :
développer le lait bio ont mis en place Artur W, 1989. Competing technologies, increas- Cambridge University Press.
une filière de niche en intégrant l’aval ing returns, and lock-in by historical events.
Economic Journal 99 : 116-31. Hart O, Moore J, 1988. Incomplete contracts and
par la création de filiales de transfor- renegotiation. Econometrica 56 : 755-86.
mation et de commercialisation. La Aubertot JN, Barbier JM, Carpentier A, Gril JJ,
Guichard L, et al., eds, 2011. Pesticides, agriculture Hendrikse G, Bijman J, 2002. Ownership structure
concentration de la propriété permet- et environnement. Réduire l'utilisation des pestici- in agrifood chains: The marketing cooperative.
trait selon les auteurs de fournir les des et en limiter les impacts environnementaux. American Journal of Agricultural Economics 84 :
104-19.
incitations suffisantes pour que les Expertise scientifique collective Inra-Cemagref,
2005. Versailles : éditions Quae.
différents maillons de cette microfilière Hennessy D, 1996. Information asymmetry as a
reason for food industry vertical integration.
(éleveurs, collecteurs, transformateurs) Bedoussac L, Justes E, 2010a. The efficiency of a
American Journal of Agricultural Economics 78 :
durum wheat-winter pea intercrop to improve yield
développent des investissements spé- and wheat grain protein concentration depends on 1034-43.
cifiques à cette qualité de lait particu-
Justes E, Bedoussac L, Prieur L, 2009. Est-il
lière. Cette solution d’intégration totale possible d'améliorer le rendement et la teneur en
27
implique une capacité de mobilisation, Fares M, 2010. op. cit. protéines du blé en agriculture biologique au moyen

44 Cah Agric, vol. 21, n8 1, janvier-février 2012


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