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vers une
transition
agroécologique
Vers une transition agroécologique
dans les Parcs nationaux d’Algérie
projet d’appui aux communautés paysannes
des parcs nationaux / 2019
Ont contribué à la rédaction :
acppAchour Mohamed : arboriculteur, maraîcher, producteur au marché paysan de Torba
Arfa Abdelmajid : maraîcher- jardinier, fils de céréaliculteur, trésorier de Torba
Beghoul Adila : biologiste, formatrice et animatrice à Torba
Belaïd Djamel : ingénieur agronome et animateur d’un blog dédié à l’agriculture algérienne
Kethiri Karim : maraîcher-jardinier, responsable des Jardins partagés de Torba
Rahal Karim : vétérinaire, coordinateur des formations et président de Torba
Sommaire
L’association TORBA contribue à sen- Présentation................................................................................................03
sibiliser le consommateur algérien à Sommaire.....................................................................................................03
vivre dans le respect de la terre, de la Préface..........................................................................................................04
nature et de l’environnement. Parmi
ses objectifs :
• Promotion de l’agriculture urbaine (depuis Partie 1. Introduction à l’agroécologie.............................................................. 05
2014, plus de 700 citoyennes et citoyens Qu’est-ce que le design en permaculture ?............................................06
ont été formés à l’agroécologie)
• Pratique de la permaculture en jardins par- Partie 2. Techniques agroécologiques.................................................................07
tagés (une centaine d’adhérents disposent Sol vivant.....................................................................................................07
d’une petite parcelle de jardin dans trois Gestion de la production agroécologique.............................................08
sites différents autour d’Alger) Semences paysannes..................................................................................10
• Consommer sain en participant au maintien Gestion optimisée de l’eau.......................................................................11
de l’activité paysanne (une centaine d’adhé- La santé des plantes....................................................................................13
rents bénéficient d’un couffin hebdomadaire Notions d’agroforesterie...........................................................................16
de produits agroécologiques, sans compter L’animal rustique, fidèle ami de la ferme..............................................19
le lancement d’un marché paysan ouvert au
grand public).
Dans le présent projet d’Appui aux Commu- Partie 3. Diversification économique dans la ferme.........................................21
nautés paysannes des Parcs nationaux Transformation des produits agricoles..................................................21
(ACPP), Torba a eu à diffuser, à quelque 200 La commercialisation en agroécologie..................................................22
paysannes et paysans, les grands principes Conclusion..................................................................................................25
de l’agroécologie et de la diversification des Références....................................................................................................26
activités (écotourisme, transformation…).
Puis une sélection de 60 agriculteurs/agricul-
trices a bénéficié d’une formation de terrain Cette brochure est parue en juin 2020
dans des fermes locales (avec démonstrations
de techniques sur place). Notre démarche a
consisté à proposer une intensification de la
production agroécologique et un développe-
ment de nouveaux marchés. Des rencontres
d’échanges d’expériences ont été organisées,
notamment par la visite d’une ferme agroéco-
logique au Parc national de Chréa, qui com- facebook : Collectif Torba facebook.com/AREAED/
Torba
area-ed
Préface
C
ette publication tombe à un mo- nique; tirés par les bêtes, très maniables
ment où les sociétés humaines se et faciles à réparer. Ces principes, ces sa-
posent des questions cruciales: voirs et savoir-faire, fruits d’expériences
quand surviennent des crises séculaires ont été déployés par ces socié-
imprévues comme la pandémie du co- tés paysannes qui ont su forger le socle
ronavirus actuelle et une rupture des d’une agriculture durable.
approvisionnements, comment assurer Cette brochure est rafraichissante car
la sécurité alimentaire des ménages ou elle remet en perspective ces pratiques
Omar Bessaoud des territoires ? Comment produire une éprouvées ; elle réhabilite, à la lumière
Économiste agricole alimentation saine et durable adaptée de l’agroécologie moderne, des modes
aux besoins des populations ? Com- de gestion des productions agricoles,
ment protéger notre environnement et des prophylaxies et traitements des
Nos ancêtres conserver les habitats naturels, la biodi-
versité et les ressources naturelles dont
plantes, des associations (agroforesterie
et élevage), des modes de valorisation
nous ont légué nous disposons ? Comment employer et de transformation des produits et de
des systèmes plus d’hommes et de femmes dans l’ac- commercialisation (marchés paysans,
agricoles tivité économique afin de pérenniser les
revenus des familles ?
souks…), caractéristiques de la robus-
tesse de ces agricultures de montagnes.
relativement La crise sanitaire que nous traversons Nos ancêtres ont laissé en héritage des
durables, mais nous invite en effet, aujourd’hui plus systèmes agricoles relativement du-
que jamais, à repenser nos approches et rables, mais qui restent fragiles face à la
qui restent représentations des pratiques agricoles, mondialisation des marchés et à la libé-
fragiles et à renouer à la lumière des acquis scien- ralisation des politiques publiques.
tifiques de l’agroécologie, notamment Les règles évoquées ici invitent le pu-
en zones de montagne. Ces espaces blic intéressé par l’activité agricole à re-
stratégiques pour l’Algérie, densément mettre sur l’ouvrage les processus d’ap-
habités, ont été à la fois des lieux de vie, prentissage, d’expérimentation et de
de résistance, d’expression identitaire et vulgarisation et contribuent à repenser
politique. nos liens avec l’environnement, et nos
Intensément exploités dans certaines interactions avec le vivant.
régions, les champs étaient, par le passé, Il est temps de redonner à l’agriculture
cultivés avec des techniques culturales de montagne les moyens de son déve-
perfectionnées ; les montagnards uti- loppement, dans une approche mul-
lisaient avec précaution le sol et l’eaux tisectorielle, valorisant nos ressources
disponibles. Il convient enfin de signaler naturelles mal exploitées, avec l’aide
la simplicité des instruments aratoires : d’une paysannerie et de ménages ruraux
instruments rudimentaires, mais com- maîtrisant leurs terroirs, disposant de
bien adaptés au relief et au niveau tech- précieux savoirs et savoirs-faire.
5
INTRODUCTION À L’AGROÉCOLOGIE
C
L’agroécologie est le carrefour entre Écologie et Agriculture, ’est un modèle alternatif, qui
mais elle ne se résume pas qu’à des pratiques culturales res- prône le développement local,
pectueuses de l’environnement et de la santé humaine. l’intégration de l’homme dans
son environnement et le retour
à la Nature comme source de richesse
durable. Plus concrètement, on parle
d’agroécologie pour toute ferme
paysanne de petite taille qui vise l’au-
tonomie, c’est-à-dire qui minimise
les intrants et qui commercialise
ses produits au niveau local (circuit
court). Ces fermes existent encore
dans nos montagnes, mais force est de
reconnaître qu’elles ont pratiquement
toutes perturbé leur écosystème natu-
rel par l’introduction de techniques
agricoles conventionnelles (monocul-
ture, produits chimiques de synthèse,
semences importées)...
La production agroécologique n’a pas
encore un label pour les produits frais
et en petites quantités, elle n’obéit pas
à un cahier des charges strict comme
l’agriculture biologique certifiée. Le
label pourra concerner à l’avenir plus
les productions transformées, conser-
vées et produites en grandes quantités,
par une coopérative de producteurs
par exemple (fruits secs, huile d’olive,
miel…).
L’approche agroécologique obéit à des
critères simples et ne demandant pas
beaucoup d’investissements, puisqu’il
s’agit de faire comme la Nature.
6
Dix critères peuvent résumer toute vie (herbicides, fongicides, la couverture du sol et les
ferme agroécologique1 : insecticides, pesticides) et sans aménagements.
• Un modèle économique à taille labour profond. • Agroforesterie : replacer l’arbre au
humaine : commencer petit, et • Biodiversité : favorise les cœur de toute agriculture.
progresser jusqu’à une « taille mécanismes de régulation • Animaux d’élevage : font partie de
optimale » qui autorise un naturelle des agrosystèmes par l’écosystème, et sont sources de
revenu convenable au fermier, l’amélioration des conditions revenus complémentaires à la
sans aller jusqu’à bouleverser permettant d’augmenter la ferme (lait, viande, laine, miel,
l’environnement. diversité dans la ferme. fumier…).
• Commercialisation de proximité : • Santé des plantes : repose sur
les circuits courts permettent de la gestion des équilibres des Dans la Partie II seront présentées les
restaurer un lien social entre les populations d’agresseurs, avec des techniques agroécologiques simpli-
consommateurs et les producteurs. mesures préventives plutôt que sur fiées qui ont été abordées lors des
• Valorisation par la transformation leur éradication. sessions de formation / vulgarisation
des produits : peut donner de la • Semences : l’utilisation de semences avec plus de 60 familles paysannes
valeur ajoutée à un produit brut et paysannes reproductibles est le des Parcs nationaux de Tlemcen,
aller vers la labellisation. premier pas vers l’autonomie et la Djurdjura et Babors-Tababort. Ces
souveraineté alimentaire. techniques qui concilient producti-
• Un sol vivant : respecte la vie du vité et gestion durable des ressources
sol, sans engrais chimiques ni • Gestion optimisée de l’eau : par de sont, pour la plupart, connues des
produits qui détruisent cette meilleurs rétention et stockage de paysans de l’ancienne génération,
l’eau de pluie à travers l’humus, mais ont malheureusement tendance
1. https://terre-humanisme.org/association/ à disparaître de nos jours.
agroecologie/
Pour entretenir
la vie du sol
• Éviter le labour profond, qui
retourne le sol et perturbe sa vie,
jusqu’à provoquer à la longue une
diminution son taux de matière
organique.
• Maintenir le sol couvert toute Paillage d’une parcelle de maraîchage en association avec des arbres fruitiers, chez Zineb (Rabat)
Légumes (solanacées,cucurbitacées...)
Tomate,poivron,aubergine,courges,
courgettes,pomme de terre, fraises.
Légumineuses :
Petits pois,fèves,haricots.
Légumes racines :
Carottes,navets,betteraves.
Navet local (left essaidi) du Parc national de Poivrons d’Aïn Ghoraba (Parc national de Haricots de Oued el Bared (Parc national de
Babor Tababort Tlemcen), très prisés dans l’ouest algérien Babor Tababort)
10
L
es semences locales sont suf- et nécessitent de démarrer avec des
fisamment adaptées au mi- variétés génétiquement complètes
lieu qu’elles ont besoin de (non hybride et non modifiée). A
moins de traitements, d’arro- l’issue de plusieurs cycles de cultures,
sage et de fertilisation par rapport on arrive à une stabilité de phéno-
aux semences importées, surtout si type.
elles sont hybrides. De ce fait il sera S’il est possible, et même recomman-
toujours préférable d’utiliser les se- dé de gérer ses stocks de semence
mences locales pour les variétés en- pour les variétés maraîchères, il sera
démiques (exemple: olives, figues, difficile de le faire pour les arbres
dattes, certains blés du sud algérien), fruitiers et les céréales, qu’il faudra
ou si ce n’est pas disponible utiliser chercher dans des écosystèmes sem-
les variétés acclimatées (c’est le cas blables, en préférant les variétés rus-
des cultures maraîchères). tiques.
Dans tous les cas et pour une ques- L’initiative d’échanger ses semences
tion d’autonomie en semences et de avec celles d’autres agriculteurs
trésorerie, il préférable de se consti- agroécologiques est recommandée,
tuer son stock de graines pour ses pour augmenter les variétés pro-
propres cultures. duites de chacun et améliorer le ren-
Les techniques de production de dement des cultures.
semences maraîchères sont diverses
11
Confection de rigoles
L’aménagement le plus simple à réa-
liser est la création de rigoles conve-
nablement localisées. La fonction
de ces rigoles est de récupérer toutes
les eaux de pluie qui s’écoulent en
amont. L’eau s’y accumulant pénètre
plus en profondeur, le surplus res-
tant dans la rigole, permettant ainsi
À gauche et ci-dessus : minibarrages dans le Parc de Babor Tababort pour ralentir l’écoulement aux arbres et autres plantes en aval
des eaux. Des plantations d’arbres en amont permettront d’éviter l’érosion de la terre
d’avoir cette ressource à disposition
sur une plus grande durée et des mi-
A - « GESSOURS » (diguette + déversoirs) COUPE nibarrages de pierre ou autres levées
de cailloux, visant à freiner l’écoule-
Zones à sédimentation progressive ment des eaux.
le sommet des collines,
des montagnes doit Forte pluie
La rigole peut également permettre
toujours être boisé. levée de terre
+ cailloux de protéger une zone de culture
d’une éventuelle inondation lors de
Déversoir fortes précipitations, en réorientant
le flux d’eau.
Aménagement de baissières
Filtration grâce à la
rétention de l’eau La baissière, qui est un fossé perpen-
Zone humide
Déversoir renforcé
avec des pierres
diculaire à la pente, va permettre de
remplir les fonctions suivantes :
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• Captage et stockage de l’eau
• Recharge des nappes phréatiques
• Évacuation du surplus d’eau
et atténuation des effets des
inondations
• Récupération de la terre végétale
• Réduction ou même l’arrêt de
l’érosion des sols
• Création de microclimats.
L’ouvrage en rapport avec la su-
perficie concernée peut être réalisé
manuellement ou avec engin méca-
nique. Une observation et une lec-
ture minutieuses du paysage sont
importantes avant d’entamer les tra- Niveau ou «triangle égyptien »
vaux d’aménagement de baissière.
Le fossé sera tracé selon des courbes
Une baissière alimentée par les eaux de niveau grâce à un outil très facile
hivernales à Bouzguène à confectionner appelé « niveau ou
triangle égyptien ».
Aménagement de demi-lunes
Jeune plant
COUPE
Position en quinconce
Contre-pente
Eau
Les demi-lunes autour des arbres ments fertiles lors des précipitations.
consistent en un aménagement en Il peut être complété par le creuse-
pierres installées en demi-cercle en ment d’un petit bassin en amont de
aval (voir illustration) de manière à l’arbre.
récupérer l’eau des pluies et les élé-
Demi-lune à l’ancienne à Aïn Ghoraba
13
Aït Bouaddou. Préparation du purin à base de feuilles de tomates, efficace pour réguler la En cas d’attaque, il conviendra de
population des pucerons, altises, teigne du poireau et piéride du chou. réduire la population des ravageurs
sans pour autant les exterminer afin
de laisser les prédateurs s’installer.
Mieux vaut prévenir que guérir Pour cela, il faudra maintenir leur
habitat en installant des haies, des
Pour maintenir un verger ou un potager en bonne santé, il convient de favo-
amas de bois et de pierres, des talus,
riser l’équilibre de l‘écosystème faune et flore. Cet équilibre met du temps à
bassins ou marécages... et maintenir
s’installer; pour cela il faudra progressivement (1) bannir la monoculture (2)
aussi une partie raisonnable de leur
effectuer des rotations de cultures (3) des associations de plantes, enrichir la
nourriture, qui n’est autre que ces
biodiversité, et (4) choisir des semences locales rustiques, ainsi que des plants
nuisibles qu’on cherche générale-
du terroir qui sont plus adaptés au contexte de la région. (5) apporter aux
ment à éliminer.
plants des soins à base d’extraits végétaux qui peuvent améliorer leur crois-
sance ainsi que leur capacité à se défendre contre maladies et ravageurs.
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Quelques ravageurs et le moyen de réguler leur population
Chenilles de noctuelles
Si les attaques sont récurrentes :
• installer des filets anti insectes
• pulvériser avec du purin
d’absinthe ()الشيبة.
Teigne du poireau
• Etaler les poireaux 24 heures par
terre sous le soleil, ça durcit la
peau. La teigne aura du mal à y
pondre ses oeufs.
• Semer des carottes en association
• Décoction de prêle, la prêle est
riche en silice qui forme une
couche difficile à franchir par
un ravageur ou un champignon
parasite.
• Purin de feuilles tomates.
notions d’AGROFORESTERIE
Parc national du Djurdjura, commune de Aït Bouaddou. Verger associant les cultures maraîchères à l’arboriculture fruitière
L’agroforesterie est l’association des arbres et des cultures terme agroforesterie. Ce sont des sys-
et/ou d’animaux sur une même parcelle. C’est une pratique tèmes simples en adéquation avec les
très ancienne, toujours répandue dans nos contrées. Il s’agit moyens disponibles et les capacités
du système “pré-verger” où les arbres fruitiers (principale- des agriculteurs.
ment oliviers et figuiers) sont bien espacés et entre lesquels Cependant, les agriculteurs ont beau-
sont cultivés des céréales/fourrages pour les moissons et/ou coup à gagner en adoptant certaines
pâturage des ovins/bovins durant les saisons d’été-automne. règles d’agroforesterie moderne qui
ont pour objectif l’optimisation des
L’
agroforesterie moderne a Réalité du Terrain ressources du milieu :
montré par de l’expérimenta- et Possibilités • La plantation des arbres en
tion (INRA France) qu’une d’amélioration courbes de niveau (comme déjà
parcelle agroforestière de 100 ha vu plus haut) permettra aussi
pouvait produire autant de biomasse Les activités agricoles au sein des de mieux maitriser les eaux de
(bois et produits agricoles) qu’une parcs nationaux du Djurdjura et ruissellement et en même temps
parcelle de 136 ha, où arbres et des Babors alliant les plantations une meilleure irrigation des arbres.
cultures auraient été séparés, soit un d’arbres, les jardins maraichers et • L’arbre a, durant sa croissance,
gain de 36% ; aussi l’agroforesterie dans certains cas l’élevage, sont des besoin d’être taillé et entretenu
est plus rentable, quel que soit le type activités traditionnelles qui exis- selon des règles bien établies, et en
de culture. taient bien avant la création du particulier à lui donner une forme
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pour qu’il ne gêne pas les cultures • L’introduction de la culture contribuerait à approvisionner
tout autour. de plantes aromatiques et d’autres régions ou entités pour
• Favoriser la plantation d’arbres médicinales, qui permet de le reboisement dont le pays a tant
de variétés rustique et autochtone diversifier les revenus de besoin.
tout en introduisant la diversité l’agriculteur. • La mise en place d’un programme
des espèces et aussi des arbres qui • La création de pépinières de formation adapté aux besoins
donnent une plus grande variété de plants, arbustes et arbres des agriculteurs des parcs
de produits tels que les fruits, le autochtones en coopérative nationaux, ce qui va leur permettre
bois d’œuvre, le fourrage, les fleurs pour les besoins de densification d’adopter les pratiques agricoles
mellifères, la nutrition fourragère en couvert végétal des régions les plus appropriées aux conditions
(acacia, caroube…). montagneuses, afin de perpétuer du terrain.
les variétés de la flore locale ; cela
Parc national du Djurdjura – Parcelle d’agroforesterie avec de jeunes oliviers au premier plan.
18
Apport de l’arbre en milieu agricole
Amélioration de la quantité
et qualité de l’eau
Vent
Véritables filtres, les arbres limitent une
partie du lessivage des nitrates, réduisant
ainsi la pollution des nappes phréatiques.
Confort de Travail De plus, les systèmes racinaires augmen-
Brise vent tent la réserve utile en eau (exploitable par
Diversité de production
la plante) des sols, améliorent l’infiltration
Environnement favorable
aux des ruissellements et limitent l’évaporation
auxiliaires et polinisateurs
des eaux du sol.
Humidité de l’air
Exemple de l’élevage
du poulet fermier
Parc national de Babor Tababort. Élevage caprin de race locale à Oued el Bared
L
es élevages intensifs de type in-
dustriel ne sont pas très recom-
mandés en agroécologie, pour Nous prenons en exemple la volaille
plusieurs raisons : parce que c’est l’élevage le plus éco-
• Indisponibilité de l’alimentation logique en termes d’efficacité énergé-
fourragère, peu développée ou tique et de prix. Un projet d’élevage
en concurrence avec d’autres de poulet fermier n’exige pas de gros
productions d’Algérie. capitaux pour la mise en place et les
• il est reconnu que les animaux retours sur investissement sont as-
sont de grands consommateurs sez rapides (3 à 6 mois pour la phase
d’eau et destructeurs de la nature d’engraissement ou de ponte).
(notamment lors de surpâturage) Un petit élevage de poulet fermier
en milieu semi-aride. est à la portée de toute famille qui
vit à la campagne. Élever 250 poules
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maladies virales se propagent très
rapidement et peuvent décimer
tous les non-vaccinés (maladie de
Newcastle, Gumboro, etc.).
Aspects à améliorer
• Recommandation 1 : La parcelle
devrait être divisée en deux par
un grillage, dans laquelle une
rotation est effectuée tous les 2
mois. Profiter des déjections sur
Poules élevées en plein air au Parc National de Chréa parcours pour cultiver (fientes =
engrais azoté). Mettre en œuvre
pondeuses est suffisamment rentable à condition de respecter certaines des rotations maraîchères ( 1
pour apporter un bon complément règles : tout d’abord, réfléchir à la saison volaille / 1 saison légume)
de salaire. Dans la ferme agroécolo- place que va occuper l’élevage parmi
gique, associer élevage et verger est les autres productions de la ferme, et • Recommandation 2 : construire une
profitable aux deux productions, commencer toujours petit. cabane mobile à déplacer après
une culture (moins de risque
Cas d’un élevage de poules en plein air sanitaire, plus d’herbe à pâturer)
au Parc national de Chréa et des clôtures mobiles (les
meilleures sont celles électrifiées).
Cet élevage, visité par les paysans des avec un complément en saison
trois Parcs nationaux, a montré des sèche (été) ou froide (hiver). • Recommandation 3 : le bâtiment
points forts et des points faibles, qui • Le parcours est aménagé de façon doit être suffisamment aéré et
ont été passés en revue : à respecter la charge maximale nettoyé de ses fientes tous les mois
• La zone d’élevage est clôturée, (4 m2/ poulet) et une rotation est (renouveler les litières pour que
de manière à limiter les contacts prévue tous les 2 mois. La volaille le sol soit toujours sec et sain).
avec la faune sauvage (risque de explore intégralement le terrain. Zones de ponte équipées de nids
prédation / maladie, etc.). La zone Les oliviers constituent des abris en nombre suffisant (1 nid pour
est proche de l’habitation, de tous les 5 à 10 mètres : ombrage, 5 poules) et situé dans la zone la
manière à optimiser la surveillance protection, nourriture. plus calme et sèche du poulailler...
et l’entretien du poulailler...). • l’Eau est propre (puits) et Les perchoirs (20 cm par poule)
• L’alimentation est à base de disponible, aussi bien dans le sont situés au plus proche des
céréales locales (issues en partie bâtiment que sur les parcours, zones des trappes d’entrée et sortie
de la ferme). L’éleveur compte surtout en été. Par contre, les des volailles et doivent être prévus
cultiver des compléments azotés ustensiles ne sont pas souvent de manière à ce que les volailles
(pois chiches, lentilles, fèverole nettoyés. ne puissent être en contact avec
ou luzerne). L’essentiel de • Le protocole de vaccination les déjections en dessous (zone
l’alimentation se fait sur parcours, est respecté, sachant que les grillagée sous les perchoirs).
21
P
ratiquement toutes les familles • produits laitiers (Beurre, fromage, but ultime est de créer et de partager
paysannes rencontrées dans les smen), la richesse localement.
trois Parcs nationaux transfor- • produits de la ruche,
maient leurs productions : • transformation des céréales (pain,
• Conserves d’olives (à l’huile), fric, mermez, couscous, maârek…),
• confiture de tous les fruits • Caroube en poudre
(melons, abricots, pêches, • séchage de la viande
oranges…), • plantes aromatiques
• jus de fruits en bouteille (raisins, • produits de la ruche…
pommes, tomates, betteraves…), • vente de plants (pépinière).
• séchage des fruits (noix, amandes, Ces produits sont écoulés directe-
raisins, prunes…) et légumes ment dans les mêmes circuits courts
(tomates…), que les produits frais ou alors, comme
Séchage traditionnel de Aït
la figue à Aït Bouaddou,
ils ont une durée de conservation pourCaroube de
la consommation Bouaddou
familiale
22
La Commercialisation en agroécologie
Le commerce de proximité a tou- Vente à la ferme ture et une offre très diversifiée en
jours existé avec les proches, les gens Les produits sont commercialisés di- termes de produits. C’est cependant
de confiance et les consommateurs rectement aux consommateurs qui l’activité la plus rentable.
avertis. C’est le principe du circuit font le déplacement. Cela suppose Rachid Boutebal, par exemple, fer-
court, qui peut être développé. que la ferme soit accessible et dis- mier à Sidi Serhane et premier par-
Un circuit court, c’est la relation la ponible pour cette activité. Elle ne tenaire de Torba dans les TAFAS,
plus courte possible entre un produc- permet cependant pas d’écouler de accueille du public dans sa ferme très
teur (ou un groupe de producteurs) grandes quantités. diversifiée lors d’évènements orga-
et des consommateurs intéressés par nisés par les gestionnaires du Parc
des produits sains, locaux, de saison. Agrotourisme ou Écotourisme National de Chréa. Avec l’associa-
L’initiative d’un circuit court peut Une variante de cette option est d’as- tion Torba, des visites régulières sont
venir des consommateurs, comme socier aux activités à la ferme une ac- organisées pour voir de plus près un
elle peut venir de producteurs. tivité touristique ou de ferme péda- exemple vivant de ferme intégrée
Les différents modes de circuit court gogique, en recevant des visiteurs et dans son milieu, visiter les différentes
que l’on connaît en Algérie sont (du leur vendre des repas pris sur place. cultures, les animaux d’élevages et
plus simple au plus complexe) : Cela suppose toute une infrastruc- font des parcours dans la montagne
où ils explorent la biodiversité du
Parc. Le midi, les visiteurs (ou éco-
touristes) sont conviés au repas où ils
dégustent la cuisine mettant à contri-
bution les produits de la ferme. Ils
peuvent même en acheter en repar-
tant légumes, fruits, galettes, œufs,
poulet fermier, petit lait ou fromage.
Banderole de présentation du marché paysan organisé par Torba à Zéralda (Alger)
23
Marché de proximité (souk) a été initié dans le cadre du projet
ACPP au centre-ville de Tlemcen,
le producteur ou un groupe de pro-
qui a attiré de nombreux consom-
ducteurs peuvent louer une table et y
mateurs de la ville, et qui a fini par
vendre leurs produits frais ou conser-
séduire les autorités locales, qui sou-
vés. Les producteurs de Oued Bared
haitent pérenniser ce genre d’activi-
(Sétif ) ont décidé de s’engager dans
té du cycle court. Les communautés
cette voie.
paysannes de la commune de Aït
Bouaddou, qui ont suivi les sessions
Marché paysan de formation, ont souhaité créer
Ici ce sont les producteurs qui s’or- une association ou coopérative de
ganisent entre eux pour créer un lieu producteurs et instaurer un marché
de vente commun pour diversifier la paysan susceptible de rayonner dans
vente des produits et attirer plus de la région.
consommateurs. Un marché paysan
Conclusion
Face aux défis qui sont déjà là et qui vont s’accélérer (crises plantes et l’agroforesterie. De même
économique et sanitaire, réchauffement climatique, perte ont été discutés les moyens à mettre
de la biodiversité…), la transition agroécologique s’impose en œuvre pour transformer et valori-
comme une nécessité incontournable pour les populations ser les surplus et les commercialiser
paysannes en zone de montagne. Il s’agit là d’un réflexe de dans des circuits courts.
survie pour notre souveraineté alimentaire, pour la préserva- A l’issue de ces sessions de vulgari-
tion des ressources naturelles et celle d’un biotope unique sation/formation, apparaît claire-
pour les générations à venir. ment un besoin d’accompagnement
L
approfondi et de suivi/conseil, idéa-
es actions de vulgarisation au- ciennes/traditionnelles et parfois lement par des animateurs ruraux,
près des communautés pay- innovantes ont été présentées et comme celles et ceux formés dans le
sannes de trois Parcs natio- discutées avec les paysans, tels que la cadre de ce projet ACPP. Ce suivi est
naux ont permis de mettre en gestion de la fertilité organique du à faire en temps réel sur de petites
évidence tout le potentiel agroé- sol, l’importance des semences pay- surfaces, afin que les paysannes et
cologique que recèlent ces régions sannes, l’aménagement et la récupé- paysans puissent mesurer et compa-
montagneuses. Des techniques an- ration des eaux pluviales, la santé des rer les résultats de leur action, même
si l’on sait que l’agroécologie est une
approche qui donne des résultats sur
le long terme. Des parcours de pro-
fessionnalisation seraient par la suite
intéressants à mettre en place en ma-
raîchage, élevage (poulet fermier,
élevage ovin/caprin, apiculture), ar-
boriculture fruitière (taille, greffage
d’amandiers, pommiers, noyers…) et
gestion économique d’exploitation
(calcul de marge).
Une chose est sûre à l’issue du projet
ACPP, c’est que les paysannes et pay-
sans ont été convaincus que l’agroé-
cologie dans les zones de montagne
est une voie économique d’avenir.
Pause-discussion à l’ombre tutélaire d’un figuier
26
Références
• Agrisud International, 2010. Guide : • Rabhi P., 2012. Le manuel des jardins Webographie
l’agroécologie en pratiques. Ed. Agrisud, agroécologiques : Soigner la terre, mieux
• http://terre-humanisme.org/agroecologie/
188 pages nourrir les hommes. France : Actes Sud/
philosophie
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pour l’autosuffisance et les exploitations de
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toutes tailles. Paris : Debard, 186 pages.
C
e projet est une action financée par la Commis- la biodiversité. Pour atteindre cet objectif, le projet
sion européenne dans le cadre du Programme propose des activités visant, notamment :
d’actions pilote pour le développement rural
• Le maintien et la promotion d’une agriculture tra-
et l’agriculture (PAP-ENPARD, programme
ditionnelle basée sur des pratiques agroécolo-
de coopération entre le gouvernement algérien et
giques ;
l’Union européenne). Il est initié par l’association de
Réflexion d’Échanges et d’Actions pour l’Environne- • Une diversification des activités paysannes à tra-
ment et le Développement (AREA ED) en partenariat vers le tourisme rural chez l’habitant, la valorisa-
avec l’association BEDE et l’association TORBA et tion des produits issus de l’agriculture paysanne
avec la collaboration de la Direction générale des fo- et de l’artisanat, le développement de nouvelles
rêts, l’Institut national de la recherche agronomique activités à impact environnemental nul ;
d’Algérie, le Parc national de Tlemcen, le Parc na- • La participation et l’implication des communautés
tional du Djurdjura et la Conservation des forêts de paysannes dans la gouvernance des Parcs natio-
la wilaya de Sétif ainsi que les communes de Ain naux et la gestion de la conservation ;
Ghoraba (Tlemcen), d’Ait Bouaddou (Tizi Ouzou), de
Babor et d’Oued Bared (Sétif). • L’amélioration des connaissances sur la biodiver-
sité cultivée des Parcs nationaux et sa protection
Le projet a pour but de concilier, dans les Parcs na- et valorisation.
tionaux, les activités humaines et la conservation de