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50 | décembre 2021
Anthropologie de l’expérience de l’accouchement dans le monde
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/22874
ISSN : 1961-859X
Éditeur
Université des Antilles
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Reconquête de
l’agrodiversité tropicale par les
semences
Reconquest Tropical Agrodiversity Through Seeds
Introduction
Contexte général : Importance des semences dans l’agriculture
1 La biodiversité végétale englobe les espèces sauvages et cultivées se retrouvant dans les
exploitations agricoles et dans les jardins familiaux ou résidentiels (Comtois, 2013). Les
semences sont à la fois le commencement et la fin du cycle de vie d’une plante. La
semence correspond à une graine ou un fruit ou autre partie du végétal, adaptée pour
assurer la dissémination de l’espèce après semis ou enfouissement (Leprince 2019). Le
tubercule d’igname est donc une semence tout comme le grain de maïs, ou la bouture
de canne à sucre ou de manioc. À l’origine du végétal, les semences font partie des
grandes solutions dont nous disposons aujourd’hui pour relever les défis auxquels sont
confrontées l’agriculture et, plus généralement, notre société. C’est un travail collectif,
dans lequel les semenciers, industriels ou artisans, les paysans et agriculteurs, les
distributeurs et les jardiniers, sont tous engagés. L’enjeu de la reconquête des semences
locales répond à trois défis majeurs (Deprez 2019) :
• Le premier défi, est répondre aux besoins de la population en termes de quantité de
nourriture, mais également en termes de qualité et de diversité des produits consommés.
Ces aspects sont exacerbés par les défis sanitaires – i.e. crise du COVID-19 - et les problèmes
de santé publique.
• Le second défi, est celui de la raréfaction de la ressource, qu’il s’agisse des terres agricoles,
mais également de l’eau dans un contexte de changement climatique avéré.
• Le troisième défi est celui de la circulation accrue des hommes et des marchandises, qui
s’accompagne d’une dissémination de nouvelles pestes et de nouveaux ravageurs.
2 Dans ce contexte, la priorité consiste à disposer de variétés de semences plus
résistantes, rustiques et productives, garantissant des niveaux de rendement élevés et
stables dans le temps. Une seconde priorité, à l’adresse des semenciers, consiste à
mettre à disposition des variétés adaptées aux besoins des agriculteurs, qu’il s’agisse de
modes de production conventionnels, ou s’inspirant des principes de l’agroécologie.
L’agriculture évolue majoritairement vers une diversification (Desclaux 2019), en lien
avec :
• la diversité des territoires, des lieux de culture, l’évolution du climat, la diversité des modes
de production allant de l’agriculture conventionnelle aux pratiques de rupture (agriculture
biologique, agroforesterie, agriculture de conservation, permaculture, etc.) ;
• la diversité des techniques de transformation de produits (filière paysanne, filière
artisanale, filière industrielle) ;
• la diversité des circuits de commercialisation (des grandes surfaces aux marchés locaux,
circuits courts)…
3 Une filière, c’est un ensemble d’acteurs qui concourent à l’élaboration d’un produit, à
destination des utilisateurs. La filière a deux impératifs, celui d’identifier les attentes
des utilisateurs, et celui de permettre aux acteurs de la filière de construire une
réponse à ces attentes (Pages, 2019). L’organisation en filière permet de mieux
identifier les besoins et les contraintes des producteurs, tout en évaluant les besoins
des utilisateurs. La spécificité de la filière semence, c’est d’être une filière longue, qui
intègre vraiment tous les maillons, depuis la création des variétés, jusqu’à l’utilisateur
final qui va cultiver sa variété. La filière semence en France correspond ainsi à une
chaine d’acteurs, que sont les sélectionneurs, les agriculteurs-multiplicateurs, les
producteurs, les distributeurs et enfin les utilisateurs (agriculteurs, jardiniers
amateurs). Le constat est la difficulté d’accès à la diversité des espèces et variétés pour
le développement agricole. Les semences font ainsi partie des solutions que la filière
peut apporter aux grands enjeux des transitions agroécologique, alimentaire et
climatique.
4 La diversité recueillie dans ces formes sauvages, ancestrales ou anciennes est devenue
une ressource génétique indispensable à l’amélioration des plantes modernes (David,
2019). Des exemples très nombreux peuvent être donnés des verrous agronomiques,
industriels ou sanitaires que les ressources génétiques ont permis de lever. Leur
utilisation permet de réinjecter régulièrement de la diversité dans nos champs par le
travail des sélectionneurs. Mais il s’agit là d’une vision minière des ressources
génétiques. Nous vivons sur le patrimoine multimillénaire accumulé, mais nous ne le
faisons plus fructifier.
5 Les ressources phytogénétiques sont non seulement un atout dans la recherche de
résilience face aux changements globaux, mais elles apparaissent aussi comme un
élément important de l’innovation dans la production, la transformation, la
distribution au service d’une société en évolution rapide, d’une part à la recherche de
goût et d’usage nouveau, mais aussi, d’autre part, à la recherche de son passé, d’identité
et de rapport au terroir (Dreyfus, 2019).
La situation locale
13 Le site d’étude est localisé en Guadeloupe, Département français, constitutif des Petites
Antilles dans la mer des Caraïbes (Latitude : 16°59′45″ Nord - Longitude : 62°04′03″
Ouest). C’est un archipel constitué de sept îles (1 702 km 2). Dans tout l’archipel on
distingue deux saisons, une saison sèche appelée « carême » qui va de janvier à juin et
une saison humide dite « hivernage » qui s’étale de juillet à décembre. Concernant la
température, avec une moyenne de 27 °C, il n’y a que peu de différence entre les mois
les plus chauds (de 25 °C à 32 °C) et les mois les plus froids (de 23 °C à 29 °C). La
Guadeloupe et les Antilles constituent un hot spot de biodiversité.
14 La Guadeloupe en chiffres (d’après AGRESTE, 2020) :
• 52 165 hectares de surface agricole utilisée, soit 30 % du territoire ;
• 74 500 hectares d’espaces forestiers, soit 40 % du territoire ;
• 7 000 exploitations agricoles, dont 81 % de petites exploitations ;
• 12 000 actifs permanents ;
• 592 000 tonnes de canne à sucre produites ;
• 75 270 tonnes de bananes produites.
• 28 245 tonnes de légumes produits
• 4091 tonnes de tubercules produits
• 4436 tonnes de fruits
• Balance produits agricoles bruts - 45 040 milliers d’euro
• Balance des produits agricoles transformés - 431 243 milliers d’euro
• 265 446 tonnes de produits importés pour l’alimentation humaine et animale
15 Le taux de couverture des importations par les exportations est élevé (de l’ordre de
80 %). Le taux de chômage en Guadeloupe est important (23,7 % de la population active
en 2015). L’agriculture (canne à sucre, banane, melon, café, vanille), autrefois moteur
économique de l’île, ne survit que grâce aux subventions de l’État et des collectivités
locales. Et les deux plus grosses productions de l’île, la canne à sucre et la banane sont
en crise. L’étude « ChlEauTerre » dévoilée en mars 2018 conclut que 37 molécules
anthropogéniques différentes (dont plus de la moitié est issue des résidus de pesticides
désormais interdits, comme le chlordécone) ont été retrouvées sur « 79 % des bassins
versants analysés en Grande-Terre et 84 % sur la Basse-Terre » 35. Un rapport de
l’Office de l’eau de Guadeloupe fait état en 2019 d’une « dégradation généralisée des
masses d’eau ». En termes de gastronomie, la cuisine guadeloupéenne est une cuisine
métissée des influences africaine, européenne et asiatique. (Wikipédia, Guadeloupe).
16 En Guadeloupe, la fréquence des cyclones est élevée. La pression des bio-agresseurs et
les épidémies contraignent l’agriculture (Citrus Greenning, maladie du Huanglonghbing
des agrumes, la Cercosporiose noire et le charançon noir du bananier, les flétrissements
bactériens des solanacées ou encore de nombreuses viroses et l’Anthracnose de
l’igname). Les contraintes pédoclimatiques (forte pluviométrie, hygrométrie et
températures annuelles élevées, faible amplitude thermique jour/nuit vs sols à
contraintes physiques ou chimiques) provoquent également une instabilité de la
production et des risques accrus de perte de récolte. Par ailleurs, ces contraintes
affectent sévèrement la qualité et la durabilité de la production et, incidemment, les
revenus de la profession agricole.
17 La biodiversité, et plus particulièrement l’agrodiversité des agricultures domiennes,
constitue un levier puissant de valorisation alimentaire ou non alimentaire des
Problématique de recherche :
21 Le Réseau Semences Gwada ayant mené l’étude, est basé à l’unité de recherche ASTRO
du Centre INRAE des Antilles Guyane. Ce réseau a été conçu pour tenter de répondre
aux problématiques des semences tropicales et de leur filière agricole en Guadeloupe
avec l’implication de tous les acteurs et de tous les secteurs d’activité liés aux
Questionnement
24 Afin de mener à bien cette mission, deux questions scientifiques ont été au préalable
identifiées par le Copil (Étienne, 2009) :
• Quels sont les principaux acteurs qui semblent pouvoir ou devoir jouer un rôle décisif dans
la gestion des semences de ce territoire ? Quelles sont les principales dynamiques en jeu, en
quoi ces dynamiques sont elles affectées par ces acteurs ?
• Quelles sont les principales ressources du territoire et les informations essentielles à
connaître pour en garantir une utilisation durable ?
25 Un état des lieux via une enquête était nécessaire. Dans cet article, la synthèse de cette
enquête est présentée sous la forme suivante :
• Le cahier des charges et la formulation du questionnaire pour la réalisation d’un diagnostic
du réseau
• Le matériel et les méthodes
• Les résultats
• Les perspectives du projet et les futures actions envisagées par Réseau Semences Gwada
27 L’idée étant d’associer à ce projet tous les acteurs qui pourraient apporter leurs savoirs
et leurs savoir-faire, leurs ressources et leurs besoins. Le développement de la filière
semence doit démarrer par la compréhension de la logique de ses acteurs pour qu’elle
soit durable.
28 Le diagnostic global envisagé permettra d’avancer suffisamment dans le repérage de
conflits d’usages et dans leur résolution. Le diagnostic a été fait en Guadeloupe dans un
premier temps. Le diagnostic dit global est divisé en trois sous diagnostics : le
diagnostic « ressource » que nous développerons dans cet article, le diagnostic «
compétences » et le diagnostic « filières ». L’enquête a été ouverte à tous les acteurs et
parties prenantes du développement agricole et plus particulièrement du secteur des
semences végétales, aux passionnés et autres acteurs voulant s’impliquer.
29 Un diagnostic, de quoi ?
• Du questionné : Environnement de travail et géographique, centres d’intérêt, savoir-faire
• Ressources possédées : type, obtention, mode de culture, échanges
• Besoins : accessibilité, attentes pour le développement de la filière
• Plantes et semences jugées utiles pour demain
• Nature de l’engagement dans la filière
30 C’est une enquête conçue par le Copil (voir annexe 1 : Structuration du
questionnaire V5) est matérialisé par un questionnaire en ligne. En dehors de l’aspect
innovant, il permet de toucher un plus large public. C’est aussi une démarche moins
intrusive qui permet à l’enquêté de répondre aux questions à son rythme et au moment
où il le souhaite. Cette méthode permettra également un traitement plus aisé des
données récoltées.
2. Matériel et méthodes
2.1. Questionnaire
31 Le logiciel d’enquête choisi est Lime Survey. Quelques options ont été sélectionnées afin
de respecter la vie privée des enquêtés, de faciliter le déroulé, et d’avoir des éléments
utiles pour une analyse fine des enquêtes. Ainsi les réponses à ce questionnaire sont
anonymes. La présentation des questions se fait groupe par groupe. Les réponses sont
datées. Des cookies sont utilisés pour le contrôle d’accès. Les participants peuvent
sauvegarder un questionnaire partiellement complété. La notification de participation
à l’enquête est envoyée à l’administrateur responsable de l’enquête.
32 Le déroulé des questions ne suit pas forcement l’ordre chronologique des groupes de
questions. Ceci a été fait volontairement pour éviter d’influencer des choix liés à un
même groupe. Pour faciliter le traitement de l’enquête, les données quantitatives ont
été privilégiées.
33 Trente-huit questions ont été réparties dans sept groupes de questions :
• Qui êtes-vous ?
• Quels sont vos centres d’intérêt ?
• Quel est votre savoir-faire ?
• Quelles sont vos ressources ?
• Quels sont vos besoins ?
• Quelles plantes et semences jugez-vous utiles pour demain ?
36 Deux administrateurs ont été choisis pour le suivi des réponses et pour l’administration
du site. L’enquête a été clôturée le 4 juin 2019 soit 239 jours après son ouverture le 08
octobre 2018. Il y a eu 247 soumissions au total. Nous avons choisi, par souci d’équité,
de ne traiter que les 108 soumissions complètes, c’est-à-dire celles pour lesquelles
toutes les questions étaient renseignées.
37 Les données de l’enquête ont été extraites sous la forme d’un fichier EXCEL brut
contenant le détail des réponses par question pour chaque soumission complète. Un
traitement uni varié des données a été pratiqué. Des filtres ont été créés pour chaque
question, afin que chaque sous-question y soit compilée. D’autres tableaux ont ainsi été
créés. Les résultats obtenus ont alors été représentés par des graphiques avec des
pourcentages lorsqu’on veut voir la répartition des réponses, avec le nombre de
réponses lorsqu’on veut voir l’intensité des réponses. Lorsque le nombre de réponses
est important et très varié, les réponses sont classées par thème dans un tableau
comprenant le nombre de réponses.
3. Résultats et commentaires
3.1. Qui êtes-vous ?
Figure 1. Sexe
Figure 2. Âge
Figure 5. Emploi
39 La vision des intérêts recensés (Figure 7) par cette enquête révèle une nette position
pour l’utilisation actuelle et à venir des produits locaux. La diversité est cultivée pour le
plaisir d’être cuisinée et par conviction. Le nombre de fruits et légumes sur les marchés
semble satisfaire les enquêtés.
40 Le critère majeur du choix des plantes (Figure 8) est le bon impact sur la santé et
l’utilisation pour l’alimentation. En troisième plan viennent les critères agronomiques
et patrimoniaux. Les capacités de commercialisation ont moins d’importance.
41 Les enquêtés ne se sentent pas experts de la gestion des plantes qu’ils conservent chez
eux (Figure 9).
42 La figure 10 résume les utilisations pour la cuisine et pour les autres usages, ainsi que
l’éthique attachée à la conservation des plantes. Ainsi, les plantes sont utilisées en
majeure partie pour la cuisine. Elles sont cultivées davantage en jardin familial qu’en
agriculture.
43 Les échanges de savoir-faire se font majoritairement dans la famille (Figure 11). Les
autres transmissions se font lors de manifestations ou via le monde associatif.
44 La Figure 12 représente les plantes possédées par les enquêtés. Trente-sept plantes ont
été proposées. Le choix a été de mettre dans cette liste des plantes cultivées et
consommées couramment (ex : laitue, tomate, concombre), des plantes vivrières (ex :
banane plantain, ignames, patate douces), des plantes à forte valeur patrimoniale (ex :
citron pays, manioc, pois boucoussou, sapotille, cacao), des plantes sans précision sur la
variété ou espèce (fruits, haricot), des plantes peu cultivées par les agriculteurs (ex :
café, madères, corrossol, topinanbour, banane pomme, christophine verte, arbre
d’ébénisterie), des épices (ex : piment fort, poivre, cannelle), des plantes importées «
récemment » (ex : clémentine, longane, combava), et enfin des plantes rares, peu
connues ou anciennes (ex : tomadose, surette, girofle).
45 Les critères les plus importants dans le choix des plantes sont leurs qualités pour la
santé et pour le goût (Figure 13). Les critères de conduite agronomique de culture
agroécologique sont bien présents (culture aisée et adaptée au climat, plante résistante)
ne sont pas en reste. Les plantes multiservices représentent également un intérêt.
47 Pour l’agencement des cultures (Figure 15) on constate que la majorité des plantes sont
cultivées à proximité de l’habitation et sur de petites surfaces.
48 Les pratiques bio sont privilégiées avec usage de fumier ou de compost (Figure 16). Les
plantes sont cultivées majoritairement du type urban farmer (en pot) ou du type
traditionnel en jardin créole.
50 Pour le développement d’une filière semence durable, il fallait identifier les éléments
qui y contribueraient, car, par développement, on entend l’amélioration des
performances (techniques, économiques, sociales, etc.). Ainsi on retrouve dans la
Figure 18 les contraintes subies par les producteurs dans leurs cultures. Les maladies et
les ravageurs sont les problématiques majeures. Pour les semences, leur disponibilité et
la perte variétale sont à prendre en compte.
51 Les enjeux d’une future filière semence sont identifiés dans la Figure 19. On y retrouve
les points d’amélioration des performances des critères techniques en majorité (qualité,
conservation, traitements, quantité, traitement de semences), les critères économiques
(prix) et sociaux (filière, accès à tous) sont du même taux.
barbadine, muscadier, cannelier, etc.), des plantes où les variétés sont précisées
(piment bonda man Jack, igname patte à chouval, pois carré, citron caviar, etc.) et des
plantes pas courantes (poncorius, riz de montagne, luffa, mansoa alliacea, etc.).
53 Pour les plantes et semences de demain 3 enjeux majeurs prédominent (Figure 20). Il
s’agira de cultiver des plantes qui puissent résister aux maladies et aux ravageurs des
cultures et d’avoir des semences de qualité et des plantes qui entreraient dans la
diversification de l’agriculture. Pour les enjeux de conservation (Figure 21), les critères
de qualité prédominent avec une importance pour des plantes bénéfiques pour la santé
et ayant bon goût. La préservation du patrimoine est également un enjeu d’importance.
54 Nous avons demandé de choisir 12 plantes d’intérêt (Tableau 2). En fonction des
réponses, ces plantes ont été classées en 8 types, avec pour chacune le nombre de
plantes et le score obtenu. Les plus nombreux sont les fruits. Les tubercules ont été
séparés des légumes, car ils ont eu un intérêt majeur. Aditionnés aux légumes, ces deux
types auraient eu le score le plus élevé. Les épices, bananes, citrons, pois, tomates ont
beaucoup d’intérêt. On remarque quelques plantes « exotiques » ou pas communes.
55 Le diagnostic étant construit dans un esprit partagé. Le point de vue des enquêtés sur
leur engagement potentiel et les points sur lesquels ils pourraient s’engager étaient
très important à recenser. Des propositions ont été faites et des besoins ou idées ont
également été émis. Peu sont opposés à s’engager (Figure 22), et la moitié « attend pour
voir ».
56 Avec la question ouverte « Dans quels domaines proposeriez-vous des actions ? », nous
avons proposé cinq domaines (Figure 23). Les propositions sont majoritairement dans
le savoir-faire, majoritairement dubitatifs.
57 Les besoins et propositions sont répertoriés dans le tableau 3. Ainsi, dans le domaine de
la conservation certains détiennent quelques semences ou possèdent une collection
(pois, plantes médicinales, exotiques, aromatiques, potagères). D’autres se proposent
comme multiplicateurs. D’autres encore proposent de partager leur savoir dans la
conservation de plantes. La nécessité de la création d’un conservatoire, de la
conservation des plantes mères, de la mise en place de chantiers techniques partagés et
accessibles pour l’identification des contraintes de conservation, a été évoquée. Dans le
domaine de la distribution et du partage certains s’engagent à mettre à disposition
(gratuit ou en achat) leurs excédents de culture et des semences, plants et graines
paysannes dites non hybride et non stériles, de plantes endémiques patrimoniales et
médicinales. D’autres proposent l’organisation de marchés/trocs de semences locales.
Des besoins ont été évoqués en semences bio locales, pour la mise en place de circuits
courts ou d’une banque de troc, et pour l’accès à tous. Dans le domaine des actions
collectives, les propositions vont dans le domaine de la formation, du conseil et de
l’encadrement : ces actions pourraient prendre la forme de conférences, d’échanges de
58 Ceux qui n’ont pas pu se prononcer ne l’ont pas fait, car n’ayant pas reçu suffisamment
d’informations sur les actions ; d’autres ne se prononceront qu’en fonction du temps
d’investissement. D’autres encore, sont ouverts à propositions ou pourront se
positionner dans le secrétariat la communication ou encore la distribution.
Conclusion
59 L’agriculture d’aujourd’hui et de demain devra relever de nombreux défis face aux
problématiques liées au changement climatique, à la réduction des intrants chimiques
et aux besoins en autosuffisance alimentaire. Les hommes changent également, et leurs
besoins avec. Ils sont à la recherche de goûts plus perceptibles et moins monotones
dans les fruits et légumes commercialisés ainsi que d’usages nouveaux, d’une part, mais
aussi à la recherche du passé de ses richesses végétales d’identité et de rapport au
terroir, d’autre part. L’érosion, la disparition d’espèces, la faible valorisation de plantes
patrimoniales conservées par des passionnés (en voie de disparition) impose une
sécurisation dynamique pour innover dans la production, la transformation et la
distribution. Le patrimoine naturel et la biodiversité cultivable remarquable de la
Guadeloupe doivent être valorisés par les semences qui sont un élément moteur de la
diversification agricole. En outre, la diversité des espèces et des variétés répondrait aux
Perspectives
63 Suite à cette enquête, un atelier sur la problématique du développement des filières
semencières sera organisé sous la forme d’un colloque. Il aura pour objectif, le cas
échéant, d’approfondir et de valider les résultats de l’enquête. Il s’agira aussi et surtout
de trouver les stratégies pour que ces résultats soient pris en compte par les différents
acteurs et parties prenantes dans leurs efforts spécifiques de redynamisation de la
filière semencière en Guadeloupe. L’atelier réunira principalement les participants de
l’enquête qui se seront distingués par la qualité et la contribution de leurs
interventions à l’enrichissement du débat. Tous les autres acteurs identifiés comme
pouvant interagir sur le choix des plantes à privilégier et sur la stratégie de mise en
place d’une filière semence durable seront invités.
64 Identifier les acteurs concernés au niveau des agriculteurs ou acteurs à même de
participer. L’enjeu consistera selon nous à prendre en compte leur insertion dans
quatre types de réseaux, de façon à couvrir une large gamme de situations : le réseau
sociotechnique, le réseau de pouvoir, le réseau de dialogue professionnel, le réseau
d’échanges de conseil autour de l’usage des semences et variétés.
65 Un autre diagnostic destiné à la profession portant sur l’organisation et les
compétences dans la filière semence pourra être mis en place. Ce diagnostic «
compétence » consistera à caractériser, avec diplomatie, là où en est la filière, et de le
faire avec différents avis, pour constituer une représentation réaliste. Il devra répondre
aux questions suivantes :
• Quels sont les savoir-faire essentiels des cultivateurs ? Sont-ils clairs pour tous ? Seront-ils
les mêmes demain ?
• Quelles sont les grandes aspirations des cultivateurs ?
• Les cultivateurs ne font-ils que produire ? Gèrent-ils de l’information ? Interviennent-ils sur
des problématiques de la filière ? Prennent-ils des initiatives ? Quels sont les interactions
(pratiques, semences) ? Gèrent-ils des imprévus ? Dans quelle mesure ?
• Quelle appréciation des uns et des autres sur les pratiques de la filière semence actuelles ?
• Quel est leur impact et leur perception sur l’agrodiversité ?
66 Enfin, un diagnostic filières finalisera le projet. Il permettra de caractériser les marchés
et d’étudier des actions de développement :
• Étude de marché :
◦ Caractérisation des types de marchés et impact sur la diversité qui y transite
◦ Organisation de la diversité entre producteurs/vendeurs/marché/saison
◦ Étude d’acceptabilité de nouvelles denrées
◦ Caractérisation de la répartition des plantes sur le territoire
◦ Étude des besoins globaux du fonctionnement
• Développement :
◦ Projection sur des modèles de filière (organisationnels et économiques)
◦ Étude de viabilité (taille du marché, coût de production, besoins dans le temps, revenu des
agriculteurs, étude d’impacts/viabilité)
BIBLIOGRAPHIE
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Étienne M., (2009). Co-construction d’un modèle d’accompagnement selon la méthode ARDI : guide
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(http://crb-tropicaux.com/Portail)
(https://agriculture.gouv.fr/guadeloupe-un-archipel-lagriculture-singuliere)
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Guadeloupe)
10 idées reçues sur les semences, Réseau semences paysannes, septembre 2013, 2 p.
Inf’OGM - Veille citoyenne sur les OGM > Actualités > n°128, mai/juin 2014 > La recherche
participative : paysans et chercheurs, partenaires Stratégie Nationale pour la biodiversité
2011-2020,
Leprince, O., Deprez, F., Desclaux, D., Pages, P., David ; J., Dreyfus, F., Didier, A., (2019) MOOC «
Semences végétales, quels enjeux pour notre avenir ? », GNIS, Agreenium, Agro campus Ouest,
FUN France université numérique.
N° 140 SÉNAT. SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016. 12 mai 2016 PROJET DE LOI pour la reconquête
de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Ortíz Pérez, R., Miranda Lorigados, S., Rodríguez Miranda, O., Díaz, V. G., Márquez Serrano, M., &
Guevara Hernández, F. (2015). « The fairs of agrobiodiversity in the context of participatory plant
breeding-Local Agricultural Innovation Program in Cuba. Meaning and impact”. Cultivos
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Ozier-Lafontaine, H., Joachim, R., Bastié, J. P., & Grammont, A. (2018). De l’agroécologie à la
bioéconomie : des alternatives pour la modernisation du système agricole et alimentaire des Outre-Mer.
ANNEXES
Annexe 1 : Structuration du questionnaire en Copil RSG V5
RÉSUMÉS
La Guadeloupe, comme de nombreux pays de la Caraïbe, montre une très forte dépendance aux
importations alimentaires. Une des alternatives consisterait à mieux connaître la richesse de nos
ressources agricoles pour mieux les domestiquer et les valoriser dans notre alimentation, notre
culture et nos paysages. L’agrodiversité peut prendre des formes diverses – type, nombre,
agencement d’espèces - en lien avec les influences culturelles des agriculteurs ou des jardiniers,
leurs finalités, et les conditions pédoclimatiques des zones d’implantation. Il devient urgent
d’inventorier cette agrodiversité et d’organiser la collecte, la conservation et l’accès à la diversité
en semences locales. Réseau Semences Gwada propose une démarche originale pour dynamiser
de façon durable, la filière des semences en Guadeloupe. Un premier état des lieux de
l’agrodiversité cultivée et cultivable a été réalisé en mettant l’accent sur la perception de la
diversité et sa conservation par les acteurs concernés. Un questionnaire web a été élaboré et
soumis à l’interprofession agricole, aux agro-transformateurs, à la recherche agronomique, aux
associations œuvrant au profit de l’agriculture paysanne ou de l’agriculture biologique, ou encore
à des groupes de discussion locaux de jardins hébergés par les médias sociaux d’internet. Nos
résultats ont démontré que la tradition, le goût, la rupture avec le mode de consommation
conventionnel, et l’expertise sont liés avec la diversité cultivée dans les jardins. L’utilisation
pratique des plantes est structurée en niches de motivations des cultivateurs (valeur
agronomique, éligibilité et propriétés médicinales). Le partage d’expertises est en attente d’une
structuration pour un engagement durable.
Guadeloupe, like many Caribbean countries, is very dependent on food imports. One of the
alternatives would be to gain a better understanding of the richness of our agricultural resources
in order to better domesticate them and make use of them in our food, our culture and our
landscapes. Agrodiversity can take various forms - type, number, arrangement of species - in
relation to the cultural influences of farmers or gardeners, their purposes, and the soil and
climate conditions of the areas where they are planted. It is becoming urgent to inventory this
agrodiversity and to organise the collection, conservation and access to local seed diversity.
Réseau Semences Gwada proposes an original approach to boost the seed sector in Guadeloupe in
a sustainable manner. An initial inventory of cultivated and cultivable agrodiversity was carried
out, focusing on the perception of diversity and its conservation by the stakeholders. A web
questionnaire was developed and submitted to the agricultural interprofession, agro-processors,
agronomic research, associations working for the benefit of peasant agriculture or organic
farming, and local garden discussion groups hosted by the internet social media. Our results have
shown that tradition, taste, break with conventional consumption patterns, and expertise are
linked to the diversity grown in gardens. The practical use of plants is structured in niches of
motivations of growers (agronomic value, eligibility and medicinal properties). The sharing of
expertise is waiting for structuring and a sustainable commitment.
INDEX
Mots-clés : agrodiversité, semences, organiser, filière, questionnaire, motivations, expertise
Keywords : agro-diversity, seeds, access, questionnaire, motivation, expertise
AUTEURS
DAVID LANGE
Animateur du projet Réseau Semences Gwada, UR ASTRO, INRAE, Prise d’Eau, 97170 Petit-Bourg,
Guadeloupe France, UR ASTRO : Unité de Recherche Agro Systèmes TROpicaux, INRAE : Institut
National de Recherche pour l’Agriculture l’alimentation et l’Environnement,
david.lange@inrae.fr
HARRY OZIER-LAFONTAINE
Chercheur, UR ASTRO, INRAE, Prise d’Eau, 97170 Petit-Bourg, Guadeloupe France, UR ASTRO :
Unité de Recherche Agro Systèmes TROpicaux, INRAE : Institut National de Recherche pour
l’Agriculture l’alimentation et l’Environnement
LAURENT PENET
Chercheur, UR ASTRO, INRAE, Prise d’Eau, 97170 Petit-Bourg, Guadeloupe France, UR ASTRO :
Unité de Recherche Agro Systèmes TROpicaux, INRAE : Institut National de Recherche pour
l’Agriculture l’alimentation et l’Environnement