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Olivia Guillon
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culturels : Une analyse empirique
des comportements d’assiduité et d’adhésion
au Parc de La Villette
Olivia Guillon*
1. Introduction
Dans de nombreux secteurs d’activité, les firmes cherchent à fidéliser le
consommateur car une clientèle fidèle exprime une demande stable et rela-
tivement prévisible. Pourtant, la fidélité est une notion difficile à cerner : elle
est fondée sur la répétition du comportement d’achat, mais pas seulement.
L’ancienneté ou l’exclusivité de la relation entre le producteur et le consom-
mateur importent autant que la fréquence des achats. Par exemple, on peut
appeler « fidèle » le lecteur qui achète chaque numéro d’un magazine,
même s’il lit d’autres journaux parallèlement : c’est la régularité de la
consommation qui compte. Au contraire, pour une banque, le client fidèle
est surtout un client ancien, même si ses opérations bancaires sont rares ou
irrégulières. Pour une enseigne de grande distribution, c’est plutôt l’exclusi-
vité qui caractérise la fidélité : ce qui importe, c’est que le client réalise
presque toujours ses achats auprès de l’enseigne plutôt que chez ses
concurrents… On s’aperçoit donc que la fidélité est une notion pluri-
dimensionnelle et différente d’un marché à l’autre, en fonction de la struc-
ture de l’offre.
Comprendre les comportements fidèles est un enjeu fort pour tous les
marchés différenciés, puisque la fidélité de la clientèle distingue un produc-
teur de ses concurrents. Les biens culturels constituent un domaine d’étude
particulièrement pertinent pour analyser les comportements de fidélité
puisqu’ils sont différenciés à l’extrême : chaque bien est unique et les pos-
sibilités de créer de nouveaux biens n’ont pas de limites. En outre, la fidélité
est un enjeu spécialement important pour les institutions culturelles
puisque, compte tenu du caractère « adhocratique » de leur production
[Mintzberg, 1982], qui est organisée « par projets », elles subissent une in-
certitude sur le comportement de fréquentation de leurs publics.
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2. Revue de la littérature
Les travaux sur la demande de produits culturels expliquent généralement
les choix des individus par leurs revenus, leurs pratiques sociales ou leur
REP 119 (2) mars-avril 2009
La fidélité du consommateur de biens culturels ———————————————————— 303
éducation. D’abord, les choix culturels peuvent s’expliquer par les variables
de prix et de revenus. Ainsi, Throsby et Withers [1979] montrent que la
demande est généralement élastique au prix, quoique inégalement selon les
genres considérés. Evrard, Bourgeon et Petr [2000] rappellent que la con-
sommation culturelle est coûteuse en temps, variable à laquelle les consom-
mateurs sont plus ou moins sensibles selon leur situation professionnelle.
Gapinski [1986] s’intéresse aux substitutions entre arts vivants et défend
l’idée que la demande adressée à une compagnie dépend partiellement des
prix pratiqués dans les autres formes d’art. Heilbrun [1993] pose la question
des substitutions entre moyens d’accès et met en évidence l’effet du prix des
équipements de retransmission sur la demande de spectacle. Les détermi-
nants économiques traditionnels de la demande peuvent donc s’appliquer
aux consommations culturelles.
Cependant, les pratiques culturelles ont également une dimension sym-
bolique et sociale importante. Dans la tradition initiée par Bourdieu [1979],
l’Art assure des fonctions sociales et la hiérarchie des genres correspond
fortement à la hiérarchie sociale des consommateurs. Des catégories de
public présentant une homogénéité de capital humain sont amenées à
fréquenter les mêmes salles de spectacle. Des travaux empiriques comme
ceux de Donnat [1998] montrent que la segmentation sociale persiste pour
bon nombre de pratiques culturelles. Ces travaux mettent en évidence les
déterminismes sociaux qui peuvent caractériser le public d’une salle mais ils
passent sous silence le rôle de l’expérience personnelle dans la formation
des préférences individuelles.
Ce manque est pallié par les théories de l’apprentissage qui expliquent la
quantité de biens culturels consommés par l’expérience passée. Abbé-
Decarroux [1995] met en avant un processus de détermination endogène
des préférences via la formation et l’éducation. Ses résultats empiriques
confirment que presque toutes les formes d’éducation artistique ont un im-
pact sur la consommation présente. Le Département des études et de la
prospective [1969], Guy et Mironer [1988] ou Doublet [2003] concluent à un
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beaucoup plus difficile à isoler à l’échelle d’une ville ou d’une région. Le Parc
de la Villette représente en quelque sorte un « mini-marché » ou un « labo-
ratoire2 » culturel.
D’abord, nous menons une étude économétrique à partir des données
d’une enquête réalisée en 1996-1997 sur le site. Cette enquête, qui a duré un
an, a permis d’interroger des visiteurs à tous les points du Parc, à tous les
moments (y compris la nuit). Les publics interrogés ne font pas tous le
même usage du Parc : certains usagers n’y viennent qu’en promenade,
d’autres dans le but de fréquenter un établissement, d’autres enfin y travail-
lent ou ne font qu’y passer3. Nous nous concentrerons sur les usages cul-
turels du site. Les enquêtés ont été sollicités au hasard au moment de leur
passage aux points d’enquête. 2427 individus ont répondu au questionnaire
mais nous n’avons pas l’information sur le nombre de refus de répondre.
Parmi ces 2427 observations, nous n’en retenons que 1178 pour notre étude
économétrique. En effet, une partie des 2427 enquêtés n’ont pas répondu à
toutes les questions ; certaines de ces questions étant centrales dans notre
analyse (description de leurs sources d’information par exemple), on néglige
les observations pour lesquelles elles ne sont pas renseignées. L’annexe 1
présente les statistiques descriptives de l’échantillon.
Par ailleurs, deux enquêtes ont été menées spécifiquement sur les
adhérents et les ex-adhérents de la Carte Villette : une enquête quantitative
en 1999 et une enquête qualitative par entretiens en 2003. En contrepartie
d’un coût d’entrée forfaitaire, l’adhésion à la Carte offre des avantages (en-
voi d’information à domicile, invitations à des événements) et des tarifs
réduits sur les manifestations culturelles du Parc ainsi que de certains éta-
blissements partenaires (voir annexe 2). L’enquête de 1999 a été réalisée par
l’envoi par courrier d’un questionnaire aux 3416 adhérents à la Carte Villette
de l’année 1999. 266 y ont répondu. Les statistiques descriptives de
l’échantillon sont présentées en annexe 3. L’enquête de 2003 a consisté en
28 entretiens téléphoniques auprès d’adhérents et d’ex-adhérents de l’année
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0 25 %
1à5 45 %
6 à 10 57 %
> 10 63 %
4. Le questionnaire ne précise toutefois pas la notion d’« habitude » : la question est seule-
ment formulée de la façon suivante : « Quelles sont vos sources d’information habituelles ? »
5. On pourrait craindre que cette variable de fréquence des visites au Parc ne se confonde
avec celle d’assiduité aux manifestations. Mais la construction des deux variables est indé-
pendante. La fréquence des visites au Parc est codée de « jamais » à « tous les jours » et
mesure essentiellement l’usage de loisir (espaces verts, jardins d’enfants…) qui peut être fait
du Parc. L’assiduité aux manifestations ne concerne que les visites culturelles et ne peut
donner lieu à une fréquence plus que bimestrielle. Par conséquent, un individu assidu aux
manifestations peut très bien ne pas fréquenter souvent le Parc, et vice-versa.
et on estime l’assiduité zi :
zi = zi si zi > 0, = 0 sinon.
* *
5. Résultats
La comparaison entre adhésion et assiduité (tableau 2) appelle un constat
principal : ce sont deux modes de fidélité différents malgré quelques points
communs. Toutefois, comme nous allons le voir, dans les deux cas, le com-
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6. Conclusion
Références bibliographiques
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Revue Economique, vol. 46, n° 3, p. 983-992
ABBE-DECARROUX F. et GRIN F. [1992], « Risk, risk aversion and the demand for
performing arts », in Cultural economics, Towse, Khakee(ed/.), Berlin : Springer
verlag, p. 125-140.
ADLER M. [1985], « Stardom and talent », American Economic Review, vol. 75, n° 1,
p. 208-212
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l’avenir. Types d’épargnants, Revue économique, vol. 56, n° 2, p. 393-416
BECKER G. [1996], Accounting for Tastes, Harvard University Press, p. 3-23
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American Economic Review vol. 67, p. 76-90.
BERNHEIM B. D. [1994], « A Theory of Conformity », Journal of Political Economy,
vol. 104, p. 841-871
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Annexe 1
Annexe 2
Description de la Carte villette
Tarifs et avantages en 2008
Les caractéristiques de la carte Villette sont les suivantes (source : www.villet-
te.com) :
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Au total, ce sont environ 4000 personnes distinctes qui ont adhéré à la Carte entre
1997 et 1999 (certaines plusieurs années de suite).
Annexe 3