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Bernard P ECQUEUR
UMR PACTE
Université de Grenoble
Institut de Géographie Alpine
14 bis, avenue Marie Reynoard
38100 Grenoble
bernard.pecqueur@ujf-grenoble.fr
rticle on line 2010 - N◦ 4 - pp. 613-623 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 613
Fondements interdisciplinaires et systémiques de l’approche territoriale
L’énigme du territoire piégé entre, d’une part, sa polysémie ambigüe et, d’autre
part, sa puissance évocatrice et explicative, ne peut se résoudre à travers une unique
lunette disciplinaire. T. PAQUOT et C. YOUNÈS (2009) ont récemment produit
la démonstration de l’investissement de la notion de territoire par la pensée
philosophique du XXème siècle. De la géographie aux autres sciences humaines
et sociales, la notion de territoire comme outil d’analyse des dynamiques humaines
dans l’espace, chemine et les approches systémiques en constituent un vecteur solide.
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Enfin, la question couvrante des débats et recherches depuis plusieurs années est
celle de la gouvernance (locale, territoriale, « bonne », raisonnée, etc.). Le colloque
de Grenoble-Chambéry a également fortement contribué à éclaircir et tenter de
simplifier cette question.
Les articles repris ici ne sont qu’une représentation restreinte de la diversité des
thématiques qui ont été amenées à cette occasion. D’une part, ils illustrent une
même mise en perspective des territoires comme réalités multidimensionnelles et
évolutives, jusqu’à devenir l’objet d’une spécification qui transcende en quelque sorte
les approches disciplinaires, et contribuent ainsi à faire valoir l’enjeu interdisciplinaire.
D’autre part, ils mobilisent une même forme d’analyse appuyée sur la dynamique
des systèmes ; celle-ci sera plus particulièrement questionnée ici car elle permet de
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Rendre compte des dynamiques territoriales :
un enjeu interdisciplinaire
La confrontation de l’économie et de la géographie n’est jamais simple malgré
des efforts variables et plus ou moins productifs selon les époques. Dans le processus
de production, l’économie explique le « pourquoi » et la géographie précise le « où »
(THRIFT, 2000). La théorie de la localisation vient figer définitivement le rapport
entre économie et géographie en soumettant la question du lieu de la production à
la simple exigence de minimisation de la distance entre le lieu où l’on produit et le
lieu où l’on consomme (le marché). De ce point de vue, le modèle de VON THÜNEN
apparaît comme une épure où l’on comprend que la localisation des productions
agricoles est ordonnée en cercles concentriques autour du marché en fonction unique
des coûts de transport. Puis les cercles se tordent, se contractent ou se dilatent en
fonction des conditions imposées par la réalité. Ils deviennent des « isolignes » qui
tendent à traduire la complexité des situations empiriques. Mais on est bien dans
ce que l’économie a trop souvent comme méthode de prédilection : le modèle
théorique préexiste autour d’hypothèses robustes mais rustiques et le réel s’adapte à
la capacité explicative du modèle.
L’hypothèse de base sous jacente à ce propos, est que les conditions de structu-
ration du post-fordisme impliquent l’émergence de la question territoriale, comme
fondement du lien nouveau entre géographie, économie et culture.
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Les contributions qui suivent rendent compte d’une certaine manière de l’enjeu
de cette synthèse interdisciplinaire (R. KAHN) mais aussi de la difficulté qu’il y a à
combiner entre elles les approches dans une période où la construction territoriale
s’élabore à partir de la complexité des systèmes humains (F. LELOUP), à partir
de la mise en débat de ses contenus spécifiques (D. REQUIER-DESJARDINS), de la
question de l’imbrication des échelles et des problématiques notamment en matière
d’aménagement (C. VOIRON-CANICIO et al.), de la confrontation des trajectoires
(R.WOESSNER) et de l’actualité des interrogations sur la nature même des dynamiques
à l’œuvre en termes de mutatibilité ou de durabilité (L. ANDRES et B. BOCHET).
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L’analyse systémique comme expérience
d’approches spatiales-territoriales
L’analyse dynamique des systèmes tient lieu explicitement d’approche commune
à grand nombre de travaux actuels sur la question territoriale, et sans doute à
tous, implicitement, si l’on veut convenir qu’elle a été d’emblée celle des « pères
fondateurs » à partir de l’idée de dynamique bottom up (on pense, en particulier, à J.
FRIEDMANN et C. WEAVER (1979) et W. STÖHR et D. TAYLOR (1981).
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inégalitaire, par le jeu des milieux innovateurs, des communautés de projets, des
rattrapages peuvent se faire et des trajectoires peuvent s’inventer. Mais parfois les
irréversibilités pèsent, les boucles de rétroactions s’amplifient et les systèmes peinent
à trouver une résilience. Des mouvements se font, des cycles plus ou moins longs,
et des trajectoires multiples. Celles-ci mêmes sont pour une part indéterminées,
R. WOESSNER décrit notamment l’existence de « bifurcations », où s’introduit une
innovation, ou encore des phénomènes d’« émergence », qu’il définit comme « une
rupture radicale qui bouleverse tous les éléments et relations composant le système,
ce qui renvoie au territoire-archétype qui crée un nouveau ‘modèle’ ». Par ailleurs,
nous dit F. LELOUP, « non seulement l’évolution particulière dépend des circonstances
de chaque situation mais le même facteur exogène appliqué à divers ‘territoires’ en
devenir a-t-il des impacts différents : ainsi il peut créer un effet d’aubaine, un effet
de renforcement et de consolidation d’une dynamique émergente, un effet retardé
voire encore ne pas produire aucun effet. »
spécificité culturelle des systèmes locaux. Ceux-ci se redéfinissent comme des systèmes
complexes qui ne sont pas reproductibles, et pour lesquels l’on ne dispose pas de
modèle optimisateur. La comparabilité devient alors insaisissable dans ce monde
de différenciation où chaque contexte s’invente ses solutions. Dès lors le territoire
devient, comme le propose C. LACOUR (1996), l’ « intermédiation », c’est-à-dire
comme « la concrétisation d’un grand nombre d’enchaînements plus ou moins
permanents, apparents, repérables, formés de comportements et de sa globalité
environnementale » (p. 35).
Bibliographie
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Notes
1 - On peut consulter à ce propos deux petits ouvrages sur ces notions vues par des géographes
anglais : CRESSWELL T., 2004, Place, a Short Introduction, Blackwell Publishing, 168 pages et
DELANEY D., 2005, Territory, a Short Introduction, Blackwell Publising, 176 pages.
2 - F. PERROUX (1964), par exemple, évoque « l’emploi de l’idée de structure dans les textes
économiques » (pp. 327-336).
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