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Gérard Valenduc
Patricia Vendramin
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INTRODUCTION 5
4. VISION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL : © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
UNE ENQUÊTE EN BELGIQUE FRANCOPHONE 55
4.1. La position par rapport au temps 56
4.1.1. Le rapport au temps 56
4.1.2. La maîtrise du temps 57
4.1.3. L’importance relative du temps et du revenu 58
4.2. L’imaginaire autour de la réduction du temps de travail 61
4.2.1. Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail 62
4.2.2. Les opinions concernant la réduction du temps de travail 64
4.3. La vision des finalités de la réduction du temps de travail 67
4.3.1. Aperçu général 68
4.3.2. Aperçu comparatif 70
4.4. La perception de la mise en œuvre d’une réduction du temps de travail 71
4.4.1. La perspective d’une réduction de salaire 71
4.4.2. Les modalités de mise en œuvre d’une réduction du temps de travail 73
4.5. Les doutes autour de la réduction du temps de travail 75
CONCLUSION 79
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* L’origine de ce Courrier hebdomadaire se situe dans une recherche relative au temps de travail, menée
1
par la Fondation Travail-Université à la demande de la CSC.
Les résultats de l’enquête de 2010 sont disponibles sur le site Internet d’Eurofound : www.eurofound.europa.eu.
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6 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
2
Les résultats belges sont accessibles sur le site Internet de la Direction générale des Statistiques et de
l’Information économique du SPF Économie : www.statbel.fgov.be. Les résultats européens se trouvent
sur le site Internet d’Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu.
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1. LE TEMPS DE TRAVAIL EN BELGIQUE
AUJOURD’HUI
L’objectif de ce premier chapitre est de décrire la variété des situations des salariés
belges en matière de temps de travail rémunéré. De nombreux salariés travaillent
davantage que leur horaire légal ou conventionnel. Le temps partiel a connu une
expansion considérable au cours des quinze dernières années et concerne surtout
les femmes. La durée habituelle du travail varie fortement d’une branche d’activité
à l’autre, ainsi que d’une profession à l’autre. Tout cela vient brouiller l’image d’un temps
de travail homogène et souligner les écarts entre la théorie, définie par la législation
et les conventions collectives de travail, et la pratique vécue par les salariés.
3
Selon l’enquête LFS, l’horaire hebdomadaire habituel est défini comme l’addition du temps de travail
normal (contractuel) et des heures supplémentaires régulières (rémunérées ou non), en moyenne par
rapport à une période de référence longue (1 à 3 mois) et sans tenir compte des congés, vacances, absences,
ni des navettes entre le domicile et le lieu de travail. On peut dire qu’il s’agit d’une « semaine standard ».
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8 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Hommes Femmes
4% 6%
13 % 5%
2% 10 % 20 %
5%
26 %
30 % 21 %
44 %
5% 8%
1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h 1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 9
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10 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
10 % 12 % 12 % 10 %
14 %
18 % 12 %
21 %
5% 5%
6%
9%
37 % 28 %
1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h 1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h
La durée hebdomadaire du travail des femmes et des hommes varie également selon
leur statut. Le graphique 3 distingue les salariés du secteur public, les employés
du secteur privé et les ouvriers du secteur privé. Les durées ont été regroupées en
trois catégories : longues (>38h), conventionnelles (35-38h) et à temps partiel (<35h) 4.
Ce graphique confirme que les horaires hebdomadaires longs sont majoritairement
masculins. Ils concernent en premier lieu les employés masculins du secteur privé :
près de la moitié d’entre eux (47 %) travaillent plus de 38 heures par semaine. Dans
le secteur public, les horaires longs sont moins fréquents. On notera aussi la proportion
importante d’ouvrières (63 %) qui travaillent à temps partiel (moins de 35 heures
par semaine). D’une manière générale, ce graphique met en évidence les disparités
de genre dans la répartition du temps de travail.
Le tableau 2 présente la même répartition que le graphique 3, mais en distinguant
les trois régions. Il montre que, dans le secteur privé, la proportion d’horaires longs
est plus élevée parmi les salariés flamands que parmi les salariés wallons et bruxellois.
Dans le secteur public, c’est chez les Bruxellois que les horaires sont les plus longs.
La proportion de salariés à temps partiel est nettement plus faible chez les femmes
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Très rares sont les secteurs où la durée hebdomadaire conventionnelle à temps plein est inférieure à
35 heures.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 11
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Jusqu’ici, les données qui ont été présentées et commentées concernent la durée
habituelle du travail, mesurée par des enquêtes qui interrogent les salariés. Que peut-
on dire par ailleurs de la durée contractuelle du travail ? Le tableau 3 montre que
la durée hebdomadaire habituelle de travail est supérieure à la durée hebdomadaire
contractuelle, aussi bien pour les salariés à temps plein que pour les salariés à temps
partiel, et aussi bien pour les femmes que pour les hommes.
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12 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 13
5
Ce tableau 4 ne peut pas être interprété en regard du tableau 3, car il s’agit ici des heures supplémentaires
effectuées lors de la « semaine de référence », alors que le tableau 3 concerne une « semaine standard ».
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14 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
34 35 36 37 38 39 40 41 42
Industrie manufacturière
Énergie
Construction
Transport et logistique
HoReCa
Finance et assurances
Immobilier
Administration publique
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Hommes Femmes
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17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
Industrie manufacturière
Énergie
Construction
Transport et logistique
HoReCa
Finance et assurances
Immobilier
Administration publique
Enseignement
Hommes Femmes
Remarque : La ligne « Eau, déchets, dépollution », présente dans le graphique 4, n’est pas reprise ici, le nombre
de travailleurs à temps partiel concernés étant trop faible.
Source : Enquête LFS 2012.
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Professions intellectuelles et scientifiques : professions supérieures de l’ingénierie, architecture, recherche,
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18 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45
Employés administratifs
Opérateurs et conducteurs
Hommes Femmes
Le tableau 7 montre que, hormis pour les cadres de direction et les professions
intellectuelles et scientifiques, les écarts entre régions sont beaucoup plus faibles que
dans le tableau 5, qui concernait les branches d’activité.
Tableau 7. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle) pour les salariés
à temps plein selon la catégorie professionnelle, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
Wallonie Bruxelles Flandre
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Cadres de direction et gérants 43,7 40,6 45,4 42,4 45,0 42,0
Professions intellectuelles et scientifiques 39,2 35,5 40,9 39,3 40,3 37,1
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Employés administratifs
Opérateurs et conducteurs
Hommes Femmes
Sources : Enquête LFS 2012 ; Direction générale des Statistiques et de l’Information économique du
SPF Économie.
Tableau 8. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle) pour les salariés à
temps partiel selon la catégorie professionnelle, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
Wallonie Bruxelles Flandre
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Cadres de direction et gérants 27,8 25,8 20,6 28,7 25,3 29,8
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20 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
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Depuis 2003, la durée légale du travail est de 38 heures par semaine , mais la loi laisse
la possibilité de négocier des conventions collectives qui maintiennent la durée
hebdomadaire à 40 heures avec des congés compensatoires, ou bien qui définissent
une durée hebdomadaire inférieure à 38 heures, avec diverses modalités de mise en
application (horaires hebdomadaires réels ou congés compensatoires). La législation
consacrait alors un état de fait : la plupart des conventions collectives sectorielles
prévoyaient déjà une durée hebdomadaire du travail inférieure ou égale à 38 heures.
La législation a permis une généralisation de cette norme, notamment aux PME.
Dans la pratique, la négociation de la durée contractuelle de travail s’effectue à
deux niveaux : au niveau des commissions paritaires sectorielles, qui définissent
un socle de normes communes à toutes les entreprises du secteur concerné, déterminées
dans des conventions collectives de travail (CCT) sectorielles, puis au niveau des
entreprises, où des CCT particulières peuvent être négociées 8. Par exemple, des CCT
d’entreprise peuvent fixer une durée du travail de 36 heures par semaine alors que
la CCT négociée en commission paritaire prévoit 38 heures par semaine. Ce processus
décentralisé de négociation de la réduction du temps de travail conduit à des situations
très diversifiées, non seulement au niveau de la norme hebdomadaire, mais aussi dans
les modalités d’application, notamment le choix d’opter pour une durée hebdomadaire
réduite ou pour une durée plus longue avec des congés de compensation. Dans certains
secteurs, il est possible d’aller jusqu’à doubler son quota de congés annuels en effectuant
contractuellement des prestations de 40 heures par semaine avec des jours de congé
de compensation – on ne parle pas ici d’heures supplémentaires récupérées.
À titre d’exemple, quelques commissions paritaires sectorielles ont fixé des normes
de temps de travail significativement inférieures à la durée légale :
- dans le secteur des assurances (CP306), un régime de 35 heures par semaine
a été introduit en 2001, en contrepartie d’une plus grande flexibilité des horaires
journaliers et hebdomadaires, notamment en avant-soirée et le samedi ;
- dans le secteur bancaire (CP310), la durée hebdomadaire du travail, qui était
déjà de 37 heures par semaine depuis 1979, a été réduite à 35 heures à partir de
2001. Elle est désormais calculée sur une base annuelle (1 620 heures par an) ;
- dans le secteur du gaz et de l’électricité (CP326), l’horaire hebdomadaire est
de 35 heures par semaine, avec des modalités d’application particulières pour
les employés qui travaillent par pauses de 8 heures ;
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7
Loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie, Moniteur belge, 15 septembre
er
8
2001 (en vigueur depuis le 1 janvier 2003).
J. VERLY, E. MARTINEZ, « La négociation sectorielle », in É. ARCQ, M. CAPRON, É. LÉONARD, P. REMAN (dir.),
Dynamiques de la concertation sociale, Bruxelles, CRISP, 2010, p. 257-274.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 21
- dans le secteur des soins de santé, le personnel bénéficie depuis 2000 d’une
réduction du temps de travail en fin de carrière, avec maintien du salaire :
36 heures par semaine à partir de 45 ans, 34 heures à partir de 50 ans et
32 heures à partir de 55 ans. Le personnel peut continuer à prester 38 heures
9
par semaine avec des primes salariales .
On notera que dans ces exemples, ce sont les syndicats d’employés (CNE et SETCA)
qui ont été à la manœuvre au moment de négocier ces réductions du temps de travail.
Selon l’Observatoire européen des relations industrielles d’Eurofound (EIRO), la durée
conventionnelle moyenne du travail en Belgique était de 37,8 heures par semaine
en 2012 10. Il faut toutefois préciser que cette estimation tient compte des CCT sectorielles
mais pas des CCT d’entreprise.
L’accent vient d’être mis sur la dimension collective de la réduction du temps de travail.
Toutefois, les dernières années ont été caractérisées par une expansion considérable
de diverses formules de réduction individuelle du temps de travail : le travail à
temps partiel, le crédit-temps (ou pause-carrière dans le secteur public) et les congés
thématiques.
9
10
Ibidem, p. 269.
Eurofound, Developments in Collectively Agreed Working Time 2012, Dublin, European Foundation for
the Improvement of Living and Working Conditions, 2013.
11
12
Enquête LFS 2012.
J. DEUMER, « Flexicurité et qualité de l’emploi : le cas du travail à temps partiel », Courrier hebdomadaire,
CRISP, n° 2074-2075, 2010.
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22 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Pour comprendre dans quelle mesure le travail à temps partiel est utilisé comme
formule de réduction individuelle du temps de travail, il faut s’intéresser aux raisons
du recours au travail à temps partiel 13. Le tableau 9 classe ces raisons en trois catégories :
le temps partiel choisi, le temps partiel contraint (à cause des caractéristiques
du marché du travail, de l’insuffisance des services aux familles ou en raison de statuts
particuliers) et le temps partiel dit « de compromis », c’est-à-dire pour diverses raisons
personnelles ou familiales qui résultent d’un arbitrage entre temps et argent ou d’un
compromis au niveau des ménages. Ces compromis sont fortement marqués par
les rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes dans la répartition des tâches
de soins et des autres charges familiales.
Le temps partiel choisi et le temps partiel de compromis peuvent être considérés comme
des formules de réduction individuelle du temps de travail. Ensemble, ils représentent
38,3 % des temps partiels féminins et 30,4 % des temps partiels masculins (Tableau 9).
Temps partiel contraint : raisons liées au marché du travail 34,1 26,4 28,0
13
Sur le cadre socio-politique général expliquant le recours croissant au travail à temps partiel pour réduire
14
le temps de travail en lieu et place de la réduction collective du temps de travail, cf. infra.
Pour une analyse plus détaillée des inégalités de genre dans le temps partiel, cf. G. VALENDUC, Les femmes
et l’emploi atypique, Bruxelles-Namur, Femmes CSC/Fondation Travail-Université, 2012.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 23
que le travail à temps partiel contraint des hommes est dû à des raisons liées au marché
du travail ou à des statuts particuliers. Le temps partiel « de compromis » est un peu
plus fréquent chez les femmes que chez les hommes.
Le crédit-temps, qui date de 2002 dans sa forme actuelle mais dont les conditions
15
d’accès ont été revues en 2012 , comporte trois formules : interruption à temps plein,
réduction des prestations à mi-temps et réduction des prestations à quatre cinquièmes
temps. Dans le secteur privé, il a succédé au régime de la pause-carrière. Celle-ci est
restée en vigueur dans le secteur public, dans des conditions assez semblables au crédit-
temps. Quant aux congés thématiques, ils concernent le congé parental, le congé pour
soins palliatifs et le congé pour assistance médicale à un proche. S’y ajoute le système
16
de prépension à mi-temps , qui est resté très peu répandu et qui est en cours
d’extinction suite aux mesures gouvernementales prises en 2012. Dans la plupart
des cas, il s’agit de réduction des prestations ; les interruptions complètes ne représentent
que 5 % de l’ensemble des formules.
Ensemble, ces formules de réduction individuelle du temps de travail concernent 7 %
des salariés en 2012 (10 % des femmes et 4,5 % des hommes). Elles ont connu un succès
croissant au cours des douze dernières années : elles concernaient 272 704 salariés
en 2012, contre 98 385 en 2000 17. Le tableau 10 retrace cette évolution. Il convient
d’être attentif au fait que ces chiffres ne s’additionnent pas à ceux du travail à temps
partiel (Tableau 9), puisqu’ils y sont inclus.
Les formules de réduction individuelle du temps de travail sont particulièrement
prisées par les travailleurs âgés : 60 % des femmes et 87 % des hommes en crédit-
temps sont des salariés de 50 ans et plus, de même que 60 % des femmes et 89 %
des hommes en pause-carrière. Par rapport à l’ensemble des travailleurs de 50 ans
et plus, les femmes qui ont opté pour une de ces mesures représentent 17 % des
salariées et les hommes 11 % des salariés.
On retrouve dans le crédit-temps des inégalités de genre semblables à celles qui ont
déjà été mises en évidence pour le temps partiel. Pourtant, lors de sa mise en place,
le système d’interruption de carrière avait pour objectif de réduire les inégalités entre
les femmes et les hommes, à travers une modulation plus équitable de la répartition
du travail au cours du parcours de vie. On ne peut pas dire que cet objectif ait été
18
réellement atteint , même si des améliorations ont eu lieu.
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15
Loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, Moniteur belge, 24 janvier
1985 ; Convention collective de travail n° 103 du 27 juin 2012 instaurant un système de crédit-temps,
de diminution de carrière et d’emplois de fin de carrière, ratifiée par l’arrêté royal du 25 août 2012
modifiant le système d’interruption de carrière pour ce qui concerne le secteur public (Moniteur belge,
er
16
31 août 2012) et en vigueur le 1 septembre 2012.
T. CLAES, « La prépension conventionnelle (1974-2012) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2154-2155,
17
2012.
18
ONEM, Base de données statistiques en ligne, www.onem.be.
A. F. THEUNISSEN, « Crédit-temps : la fin d’une utopie », Politique, n° 67, 2010, p. 40-43.
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24 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
L’enquête EWCS 2010 pose la question suivante : « En supposant que vous puissiez
choisir librement vos heures de travail et en tenant compte du besoin de gagner sa vie,
combien d’heures par semaine préféreriez-vous travailler actuellement ? » La réponse
peut être comparée au nombre d’heures hebdomadaires habituelles travaillées par
chaque répondant. En moyenne, pour la Belgique, 63 % souhaitent travailler le même
nombre d’heures qu’actuellement, 23 % souhaitent travailler moins et 14 % souhaitent
travailler plus. Il y a cependant de grandes différences entre les femmes et les hommes,
ainsi qu’entre les personnes à temps plein et celles à temps partiel. De plus, certains
souhaitent une réduction (ou une augmentation) courte, d’autres une réduction (ou
une augmentation) plus importante. Le tableau 11 présente les résultats.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 25
Ce tableau met en évidence plusieurs types de souhaits. Parmi les hommes travaillant
à temps plein, 25 % souhaiteraient travailler moins ; la majorité d’entre eux souhaiterait
une réduction du temps de travail inférieure à une journée (8 heures). Parmi les femmes
travaillant à temps plein, 36 % souhaiteraient travailler moins ; elles sont un peu plus
nombreuses à souhaiter une diminution plus importante de leur horaire. Parmi
les hommes travaillant à temps partiel, seule une faible majorité (55 %) ne souhaiterait
pas de changement, tandis que 39 % souhaiteraient travailler davantage et la plupart
d’entre eux plus de 8 heures par semaine en plus. Cela indique une prévalence
importante de temps partiels contraints. Parmi les femmes travaillant à temps partiel,
les souhaits sont plus contrastés. Alors que 10 % souhaiteraient travailler moins, 28 %
souhaiteraient travailler plus : 9 % jusque 8 heures en plus et 19 % au-delà de 8 heures
en plus. Ici aussi, ces données indiquent une forte prévalence du travail à temps partiel
contraint.
On peut donc dire que, grosso modo, un salarié sur trois souhaiterait un rééquilibrage
de son temps de travail, essentiellement dans le sens d’une diminution pour ceux
qui travaillent à temps plein et d’une augmentation pour ceux qui travaillent à temps
partiel. Deux salariés sur trois s’accommodent bien de leur temps de travail actuel.
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2. L’ÉVOLUTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Avant de se pencher sur l’évolution des années récentes, il n’est pas sans intérêt de
rappeler les grandes lignes de l’évolution de la réglementation belge relative au temps
de travail. Dans ce bref historique 19, qui commence après la Seconde Guerre mondiale 20
avec la construction du modèle de concertation sociale, nous n’envisagerons que
les deux éléments les plus symptomatiques : la durée du travail hebdomadaire et
les congés payés – à l’exclusion, donc, d’autres éléments tels que les jours fériés ou
les congés spéciaux (congés éducation, congés parentaux, congés maladie). Surtout,
l’exposé se concentrera uniquement sur la législation – à l’exclusion, donc, des multiples
conventions collectives de travail, sectorielles ou d’entreprises, relatives au temps
de travail.
On notera d’emblée une constante dans cette évolution historique : la négociation
collective a toujours précédé la loi, celle-ci ayant eu pour rôle d’officialiser les accords
conclus par les interlocuteurs sociaux.
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19
M. JAMOULLE, É. GEERKENS, G. FOXHAL, F. KEFER, S. BREDAEL, Le temps de travail. Transformations du droit
et des relations collectives de travail, Bruxelles, CRISP, 1997 ; L. CICCIA, Réduire collectivement le temps de
travail : pour une plus juste distribution des richesses pour travailler tous et pour vivre mieux !, Bruxelles,
Collectif Solidarité contre l’exclusion, emploi et revenu pour tous, 2001, www.asbl-csce.be.
20
Pour les étapes antérieures, cf. J. NEUVILLE, L’évolution des relations industrielles, tome 2 : La lutte pour
la maîtrise du temps, partie 2 : La conquête des 8 heures et la revendication des 40 heures, Bruxelles,
Éditions Vie ouvrière, 1981.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 27
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28 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Le principe des congés payés a été introduit en Belgique au début des années 1920.
Il a été officialisé par la loi du 8 juillet 1936, qui a accordé une première semaine
de congés payés aux travailleurs, moyennant certaines restrictions liées à l’ancienneté
et à la taille de l’entreprise 30.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les vacances sont de 3 semaines pour
les travailleurs de moins de 18 ans, de 2 semaines pour ceux âgés d’entre 18 et 21 ans
31
et d’une semaine pour ceux de 21 ans et plus . Après diverses dispositions transitoires
32
visant à accorder des congés supplémentaires liés à l’ancienneté , la deuxième semaine
de congés payés est systématisée pour tous les travailleurs de plus de 21 ans par la loi
33
du 4 juillet 1956 . Cette évolution est à mettre en lien avec la recommandation n° 98
de l’Organisation internationale du travail du 23 juin 1954, qui a proclamé le droit
à des vacances d’une durée « au moins égale à deux semaines de travail ».
L’étape vers l’instauration d’une troisième semaine de congés payés – jusqu’alors
donc réservée aux seuls travailleurs âgés de moins de 18 ans – est franchie à la suite
de l’accord interprofessionnel du 12 décembre 1963. Une demi-semaine de vacances
est octroyée en 1964 et une semaine entière l’année suivante. Toutefois, bien que
les CCT aient été rendues obligatoires par arrêté royal, des milliers de travailleurs
restent exclus de cet avantage. La loi du 13 juin 1966 met fin à cette différence de
traitement, en intégrant la troisième semaine de congés payés dans le régime légal 34.
Cette fois, la Belgique a précédé l’OIT. C’est en effet quatre ans plus tard, en 1970,
que la convention n° 132 de l’OIT fixera à 3 semaines la durée minimale du congé
annuel rémunéré.
Enfin, la quatrième semaine de congés payés est obtenue par l’accord interprofessionnel
du 15 juin 1971 (confirmé par l’accord interprofessionnel du 6 avril 1973), qui prévoit
son instauration au plus tard en 1975. Cette évolution est définitivement consacrée
par la loi du 28 mars 1975 35. Ce régime prévaut encore aujourd’hui.
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30
Moniteur belge, 11 juillet 1936 (loi appliquée dès les vacances de l’année en cours). Cf. aussi l’arrêté royal © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
du 6 octobre 1936 et la loi du 20 août 1938.
31 er
Cf. loi du 20 août 1938, Moniteur belge, 21 août 1938 (loi en vigueur à partir du 1 avril 1939) ; loi du
32
16 juin 1947, Moniteur belge, 4 juillet 1947 (loi appliquée dès les vacances de l’année en cours).
er
Cf. loi du 27 mai 1952, Moniteur belge, 30 mai 1952 (loi en vigueur à partir du 1 janvier 1953) ; loi du
er
33
11 mars 1954, Moniteur belge, 29 mars 1954 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1954).
er
Moniteur belge, 8 juillet 1954 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1954). La limite d’âge
sera abaissée à 18 ans par la loi du 28 mars 1964, Moniteur belge, 3 avril 1964 (loi appliquée rétroactivement
er
34
à partir du 1 janvier 1964).
er
35
Moniteur belge, 18 juin 1966 (loi en vigueur à partir du 1 janvier 1967).
er
Moniteur belge, 8 avril 1975 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1975).
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 29
36
G. BOUVIER, F. DIALLO, « Soixante ans de réduction du temps de travail dans le monde », INSEE Première,
n° 1273, janvier 2010.
CH 2191-2192
30 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
1 500
1 480
1 460
1 440
1 420
1 400
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Selon l’enquête LFS (Graphique 9), la durée hebdomadaire moyenne du travail est
restée stable, passant de 35,4 heures en 2000 à 35,1 heures en 2012, pour l’ensemble
des salariés. Pour les travailleurs à temps plein, elle a légèrement augmenté, passant
de 38,6 à 39,2 heures. Pour ceux à temps partiel, elle a augmenté plus significativement,
passant de 22,5 à 24,3 heures.
40
38
36
34
32
30
28
26
24
22
20
© CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 31
Tableau 12. Évolution du nombre d’emplois salariés à temps plein et à temps partiel
selon le sexe (Belgique, 2000, 2006 et 2012)
Pourcentage
Variation Accroissement
2000 2006 2012 de variation
sur 12 ans annuel moyen
sur 12 ans
H 1 841 623 1 811 430 1 825 722 – 15 901 – 0,86 % – 0,01 %
Temps plein F 887 384 917 305 987 694 + 100 310 + 11,30 % + 0,90 %
H+F 2 729 007 2 728 735 2 813 416 + 84 409 + 3,09 % + 0,26 %
H 105 907 150 542 200 803 + 94 896 + 89,60 % + 5,48 %
Temps partiel F 575 739 701 508 841 363 + 265 624 + 46,14 % + 3,21 %
H+F 681 646 852 050 1 042 166 + 360 520 + 52,89 % + 3,60 %
H 1 947 530 1 961 972 2 026 525 + 78 995 + 4,06 % + 0,33 %
Total F 1 463 123 1 618 813 1 829 057 + 365 934 + 25,01 % + 1,88 %
H+F 3 410 653 3 580 785 3 855 582 + 444 929 + 13,05 % + 1,03 %
Source : Enquêtes LFS.
37
Pour rappel, l’Europe des 15 correspond à l’ensemble des pays qui appartenaient à l’Union européenne
entre 1995 et 2004 : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France,
la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède. Quant
à elle, l’Europe des 27 correspond à l’ensemble des pays qui appartenaient à l’Union européenne entre le
er
1 janvier 2007 et le 30 juin 2013, c’est-à-dire les quinze précédemment cités ainsi que la Bulgarie,
Chypre (hormis la partie nord de l’île), l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne,
la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.
CH 2191-2192
32 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
(18,2 heures par semaine) et au Royaume-Uni (19,3 heures par semaine) qu’elle est
la plus courte. La durée hebdomadaire moyenne pour tous les salariés tient compte du
poids du travail à temps partiel dans chaque pays. Elle est la plus courte aux Pays-Bas,
où 48 % des salariés travaillent à temps partiel. La Belgique, l’Allemagne, la France
et le Royaume-Uni se situent dans une fourchette assez étroite : de 34,6 heures en
Allemagne à 36,2 heures au Royaume-Uni.
40
35
30
25
20
15
Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni UE-15 UE-27
Sources : Eurofound, Developments in Collectivelly Agreed Working Time 2012, Dublin, European
Foundation for the Improvment of Living an Working Conditions, 2013 (durée conventionnelle) ;
Enquête LFS 2012 et Eurostat (durée habituelle).
Tableau 13. Nombre d’heures conventionnelles par an des salariés à temps plein (2012)
© CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
Ce tableau montre que la durée conventionnelle du travail à temps plein ne peut pas
être utilisée pour invoquer d’éventuelles distorsions de compétitivité avec les pays
voisins : c’est en Belgique qu’elle est la plus longue. Pour arriver au niveau de
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 33
1 650
1 600
1 550
1 500
1 450
1 400
1 350
1 300
1 250
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Dans la comparaison de la durée du travail entre pays, il faut également tenir compte
de l’inégale distribution de l’emploi, du chômage et de l’inactivité économique au sein
© CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
38
Pour être plus précis : 30 jours de vacances annuelles par an au lieu de la base légale actuelle de 20 jours.
La méthode de calcul Eurofound ne tient pas compte d’éventuels congés conventionnels liés à l’ancienneté.
CH 2191-2192
34 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
des prépensionnés, des chômeurs âgés et des personnes au foyer. La partie intermédiaire
représente les demandeurs d’emploi. La Belgique se caractérise par un taux d’emploi
des 20-64 ans légèrement inférieur à la moyenne européenne et nettement inférieur
à l’Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, notamment à cause du très faible taux
d’emploi des 55-64 ans (37 %), qui tire le score vers le bas.
90 % 19 % 19 % 20 %
23 % 23 % 24 %
27 %
80 % 4% 4%
6%
7% 8% 8%
70 % 5%
60 %
50 %
40 % 77 % 77 % 74 %
67 % 69 % 69 % 68 %
30 %
20 %
10 %
0%
Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni UE-15 UE-27
CH 2191-2192
3. UN APERÇU DES RECHERCHES SUR
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Ce chapitre passe en revue les principaux axes de recherche qui ont été développés
dans le domaine de la réduction du temps de travail et de ses impacts. Une abondante
littérature a été produite à ce sujet dans les années 1990, avec un « tir groupé » entre
1993 et 1998 dans les publications en français 39. Un accent particulier a été mis sur
les modalités négociées de réduction collective du temps de travail, dans une perspective
comparative européenne. Dans de nombreux pays européens, les organisations
syndicales ont largement contribué à ces recherches 40. Par ailleurs, au début des
années 2000, l’expérience française de l’instauration des 35 heures a fait l’objet de
nombreuses analyses ex post et a laissé une forte empreinte sur la recherche socio-
économique française en matière d’emploi et de travail. La polémique sur les 35 heures
a été rallumée en 2007 lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui a
attaqué frontalement le principe et les modalités de la réduction du temps de travail.
En Belgique francophone, pour des raisons culturelles évidentes, les débats français
ont eu un impact beaucoup plus important que dans la partie néerlandophone du
pays, où les 35 heures « à la française » n’ont pas suscité d’intérêt particulier.
L’aperçu proposé ici tente d’éviter deux écueils : d’une part, se laisser piéger par
un retour en arrière dans la façon de poser le problème dans les années 1990, qui ferait
l’impasse sur les transformations profondes que le monde du travail a connues au cours
des dix dernières années ; d’autre part, accorder une trop grande centralité au cas des
35 heures françaises et, avec lui, au mécanisme très particulier de création d’emplois
qui avait été mis en place à cette époque.
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39
J.-Y. BOULIN, G. CETTE, D. TADDÉI (dir.), Le temps de travail, Paris, Futuribles/Syros, 1993 ; G. CETTE, © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
D. TADDÉI, Réduire la durée du travail : de la théorie à la pratique, Paris, Le Livre de Poche, 1997 ; G. CETTE,
D. TADDÉI, Temps de travail, modes d’emplois : vers la semaine des quatre jours ?, Paris, La Découverte, 1994 ;
R. HOFFMANN, J. LAPEYRE (dir.), Le temps de travail en Europe : organisation et réduction, Paris, Syros, 1995 ;
D. MÉDA, « Le partage du travail », Problèmes politiques et sociaux, n° 780-781, 1997 ; J.-Y. BOULIN,
G. CETTE, « Les politiques du temps de travail en Europe », Futuribles, n° 237, 1998, p. 5-16 ; Conseil
supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts, Durées du travail et emplois : les 35 heures, le temps partiel,
l’aménagement du temps de travail, Paris, La Documentation française, 1998 ; D. TADDÉI, Réduction du
temps de travail : une revue de la littérature, Dublin, European Foundation for the Improvement of Living
40
and Working Conditions, 1998.
R. HOFFMANN, J. LAPEYRE (dir.), Le temps de travail en Europe : organisation et réduction, op. cit.
CH 2191-2192
36 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Éviter ces écueils ne veut pas dire faire table rase du passé. Comme expliqué plus haut,
la tendance historique à la réduction du temps de travail s’infléchit avec la crise
économique consécutive aux chocs pétroliers de 1973-1974 et l’explosion du chômage
à partir de 1975.
À cette époque, la réflexion sur le temps de travail est influencée par une forte
contestation des conditions de travail épuisantes, résumée dans le slogan « Ne plus
perdre sa vie à la gagner ». Une série de grandes grèves et de mouvements sociaux
stigmatisent partout en Europe ce que le syndicat français CFDT (Confédération
française démocratique du travail) appellera, dans un ouvrage devenu célèbre,
41
les « dégâts du progrès » . Les questions liées au temps de travail et à la qualité de vie
au travail viennent à l’avant-plan : réduction de la durée hebdomadaire du travail,
mise en évidence des nuisances pour la santé et l’environnement, nécessité de rompre
avec la déshumanisation du travail. On voit se développer à la fois un programme
de revendications syndicales en faveur de la réduction collective du temps de travail,
assortie d’une embauche compensatoire, et une réflexion plus radicale sur la place et le
sens du temps de travail dans la vie des salariés, envisagée d’un point de vue individuel.
Le ton de cette réflexion radicale est bien illustré par l’ouvrage du collectif ADRET
Travailler deux heures par jour 42. Les auteurs développent une critique de l’aliénation
dans le travail et se placent dans une perspective résolument utopique, celle d’une
société où ne serait produit que ce qui est réellement nécessaire et utile à la collectivité.
Ils distinguent le travail lié, qui demeure indispensable pour faire fonctionner la société,
même s’il est pénible ou ennuyeux, et le travail libre, c’est-à-dire le travail qui a du sens,
l’activité créatrice, les tâches utiles pour la communauté à laquelle on appartient. Ils
estiment la durée du travail lié, dans un pays développé comme la France, à 2 heures
par jour. La distinction entre travail lié et travail libre trouve une élaboration
théorique plus développée chez André Gorz, dans Adieux au prolétariat 43. Celui-ci
distingue, à la suite des travaux d’Ivan Illich, un temps de travail dans la sphère
hétéronome et un temps de travail dans la sphère autonome. Le travail dans la sphère
hétéronome doit être réduit à un minimum, afin de favoriser le développement
d’activités créatrices, libres et socialement utiles dans la sphère autonome. « Il ne peut
donc s’agir de supprimer le travail hétéronome, mais seulement de le faire servir
à l’élargissement de la sphère d’autonomie tant par la nature de ses produits que par
les modalités de leur production. Il servira d’autant mieux cet élargissement qu’il
fournira au secteur autonome un maximum d’outils à la fois performants et conviviaux,
© CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
41
Confédération française démocratique du travail, Les dégâts du progrès : les travailleurs face au changement
42
technique, Paris, Seuil, 1977.
ADRET, Travailler deux heures par jour, Paris, Seuil, 1977.
43
44
A. GORZ, Adieux au prolétariat, Paris, Galilée, 1980.
45
Ibidem, p. 142.
G. AZNAR, Tous à mi-temps, Paris, Seuil, 1980 ; J. ROUSSELET, L’allergie au travail, Paris, Seuil, 1974.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 37
Dans ces réflexions des années 1970, on trouve déjà les principales questions qui sont
aujourd’hui sur la table. Primo, comment la réduction du temps de travail peut-elle
conduire à un partage plus équitable du travail et combattre l’exclusion sociale
générée par le chômage ? Comment envisager, dans cette optique, le lien entre travail
et revenu ? Secundo, comment la réduction du temps de travail peut-elle améliorer
les conditions de travail, ainsi que la qualité de vie, dans le travail et en dehors du
travail – le work-life balance, selon la terminologie actuelle ? Comment penser le temps
de travail en relation avec les autres temps sociaux ? Tertio, comment la réduction
du temps de travail peut-elle transformer le rapport au travail, la place du travail dans
l’existence des femmes et des hommes, le rôle du travail au fil d’un parcours de vie ?
Quarto, comment intégrer dans la problématique du temps de travail des questions
telles que les rapports de genre, les inégalités face au travail liées à l’éducation et aux
qualifications professionnelles, le développement inégal des territoires ?
On trouve aussi deux approches qui traversent encore les débats actuels et qui ne sont
pas incompatibles. D’une part, une approche plutôt pragmatique, qui considère la
réduction et la redistribution du temps de travail comme un domaine-clé des politiques
en faveur de l’emploi, de l’amélioration de la qualité du travail et de la réduction
des inégalités sociales. D’autre part, une approche plutôt idéologique, dans laquelle
la réduction du temps de travail conduit à remettre en cause les fondements du
modèle actuel de production, de consommation, de prospérité et de vie en société.
Sans entrer dans trop de détails, la réduction du temps de travail s’est opérée en France
en trois étapes.
En 1982, durant le premier mandat du président François Mitterrand (PS), le gou-
vernement fixe par ordonnance la durée hebdomadaire du travail à 39 heures au lieu
CH 2191-2192
38 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
46
de 40 et introduit une cinquième semaine de congés payés ; un an plus tard, il fixe
l’âge de la retraite à temps plein à 60 ans. La combinaison des deux mesures crée
des emplois, mais elle réduit très peu le chômage, à cause d’une augmentation simultanée
du taux d’activité, c’est-à-dire de la proportion de la population qui est sur le marché
du travail. La réduction du temps de travail s’accompagne d’un assouplissement
important des réglementations en matière de flexibilité des horaires. Les employeurs
et les syndicats sont invités à conclure des accords sectoriels ou d’entreprise qui peuvent
réduire davantage le temps de travail, en contrepartie d’une augmentation de la
flexibilité. L’horizon annoncé par le gouvernement socialiste est celui des 35 heures.
Durant le second mandat de F. Mitterrand, deux lois incitent à la réduction du temps
47
de travail, sans toutefois réaliser l’objectif ultime .
La mise en place proprement dite des 35 heures (cf. tableau 14) se fait par voie législative,
durant le premier mandat du président Jacques Chirac (RPR). Elle commence par
48
la loi Robien du 11 juin 1996 qui, adoptée sous le gouvernement de majorité
présidentielle d’Alain Juppé, permet aux entreprises de réduire le temps de travail
de leurs salariés, soit pour effectuer de nouvelles embauches, soit pour éviter un plan
de licenciement ; en contrepartie, elles bénéficient d’un allègement des charges patronales
de sécurité sociale. Elle s’affirme avec les lois Aubry du 13 juin 1998 et du 19 janvier
2000 49 qui, adoptées sous le gouvernement, dit de la troisième cohabitation, de Lionel
Jospin, sont dues à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité Martine Aubry (PS).
Elles instituent la semaine de 35 heures et ouvrent un large espace de négociation
des modalités concrètes d’application (horaires, réorganisation du travail, jours de
« congé RTT (réduction du temps de travail) ») au niveau des secteurs et des entreprises.
Durant le second mandat de J. Chirac (UMP), la loi Fillon du 17 janvier 2003 50,
adoptée sous le gouvernement de majorité présidentielle de Jean-Pierre Raffarin, procède
au détricotage des lois Aubry. Les dispositions de celles-ci sont rendues moins
contraignantes, les dérogations sont multipliées, les heures supplémentaires sont à
nouveau favorisées, mais les 35 heures restent la norme légale de base et peu d’entreprises
osent remettre en question les « jours de RTT », devenus populaires.
46
Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés, Journal officiel
de la République française, 17 janvier 1982 (ordonnance adoptée sous le gouvernement de majorité
présidentielle de Pierre Mauroy). La réduction du temps de travail fait partie des idéaux traditionnels de
la gauche française. Le passage aux 35 heures figurait dans « 110 propositions pour la France », texte
d’orientation politique présenté par le candidat François Mitterrand (PS) pour l’élection présidentielle
47
de 1981.
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CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 39
51
C. ERHEL, Les politiques de l’emploi, Paris, PUF, 2009.
CH 2191-2192
40 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
du nombre total d’heures travaillées. Le raisonnement est assez intuitif au niveau macro-
économique : pour assurer le même niveau de production ou de service avec un plus
petit nombre d’heures travaillées, il faut embaucher. Il est cependant contre-intuitif
au niveau micro-économique, en termes de postes de travail : on crée difficilement
un nouveau poste avec 9 morceaux de 4 heures pris à 9 autres postes, sauf à supposer
que les travailleurs soient interchangeables et que le temps constitue une mesure
correcte de leur activité. C’est pourquoi la redistribution des heures de travail nécessite
le plus souvent une réorganisation du travail. Ensuite, une réorganisation des entreprises
ou institutions. En théorie, plusieurs formes de réorganisation sont possibles : une
extension de la durée d’utilisation des équipements ou de la durée d’ouverture
des services, une augmentation de la productivité individuelle grâce à des horaires
moins fatigants et plus agréables, une flexibilité mieux adaptée à la demande des clients
ou des marchés, une plus grand polyvalence dans la répartition des tâches, une plus
grande mobilité interne. Dans la pratique, l’extension de la durée d’utilisation des
équipements est peu réaliste dans des industries où la capacité de production existante
est déjà sous-utilisée par rapport à la demande du marché. Dans de nombreuses
entreprises et dans certains services publics (hôpitaux, enseignement, police, transports),
la réorganisation ne va pas de soi. La réorganisation a aussi un coût : consultance,
formation, requalification du personnel. Enfin, une compensation salariale. Comme
le maintien d’un niveau de salaire identique ou, à tout le moins, acceptable par
les travailleurs renchérit le coût horaire du travail, les entreprises attendent des
mesures de compensation de la part des pouvoirs publics : réduction de cotisations
sociales et blocage des salaires sur plusieurs années.
Selon Christine Erhel, « pour être efficace en termes d’emploi de manière durable,
la RTT doit remplir un certain nombre de conditions : il faut que la hausse des coûts
soit limitée, ce qui implique des gains de productivité significatifs, une aide publique
(réduction de cotisations sociales) et une modération salariale en contrepartie de
la baisse de la durée du travail. Enfin, l’aide apportée par l’État doit respecter les
conditions d’équilibre, c’est-à-dire assurer l’équilibre des comptes publics une fois
que la RTT a produit tous ses effets. À cette condition, les effets sur l’emploi peuvent
être maximaux. La RTT est alors globalement neutre sur le volume de production,
les prix, les comptes des entreprises et les comptes publics » 52.
Le bilan que tire cette auteure est positif, de même que les évaluations de nombreux
autres chercheurs 53. Un consensus s’est établi sur le chiffre de 300 000 à 350 000 emplois
créés entre 1998 et 2002 grâce aux lois Aubry et à leurs effets indirects sur l’économie
française, notamment en termes d’accroissement de la productivité, d’extension de
la flexibilité et de développement du secteur des loisirs 54. Ces effets s’ajoutent à l’impact
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CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 41
de travail a été effectivement réduit, le processus d’embauche compensatoire n’a pas fait l’objet d’un
55
engagement financier suffisant de la part de l’État.
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CH 2191-2192
42 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
avance qui s’est maintenue dans les négociations ultérieures sur la réduction de
la durée du travail. Dans les années qui ont suivi, les termes de la négociation ont
changé : la réduction du temps de travail a servi de monnaie d’échange à l’accroissement
de la flexibilité plutôt qu’à des mécanismes d’embauche.
En Allemagne, les conventions collectives conclues en 1984, 1987 et 1990 dans la
métallurgie et l’imprimerie organisaient le passage de 39 à 35 heures par semaine
à l’horizon 1995, avec une compensation salariale partielle et une clause d’emploi :
maintien de l’emploi dans les entreprises en difficulté, volume d’embauche à négocier
dans les autres. La réduction du temps de travail s’accompagnait de diverses mesures
de flexibilité : annualisation des horaires de travail, heures supplémentaires compensées
61
mais non payées, etc. La réunification allemande, en 1990, a fait passer cet objectif
au second plan, car les écarts entre l’Est et l’Ouest en matière de temps de travail
étaient très importants. La priorité a donc été donnée à la réduction des inégalités,
mais celles-ci n’ont toujours pas disparu aujourd’hui : la durée conventionnelle moyenne
du travail est toujours supérieure de une heure et demi à l’Est. La décentralisation de
la négociation collective a engendré des écarts importants non seulement entre secteurs,
comme en Belgique, mais également entre Länder. En 2004, 20 % des travailleurs
allemands bénéficiaient des 35 heures, 10 % avaient une durée conventionnelle de
36 ou de 37 heures, 45 % étaient à 38 heures (plus ou moins une demi-heure) et 25 %
au-delà de 39 heures 62.
61
62
G. CETTE, D. TADDÉI, Réduire la durée du travail : de la théorie à la pratique, op. cit.
R. BISPINCK, « Germany: Working Time and its Negotiation », in M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective
63
Bargaining on Working Time, op. cit., p. 114-115.
Cité par J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs. Réglementation du temps de travail et innovation au
e
21 siècle, Rapport de la conférence de la Confédération européenne des syndicats, Bruxelles, 2010, p. 11.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 43
En Belgique, les données montrent que le chômage partiel pour raisons économiques
a joué ce rôle pendant la période d’application des mesures anti-crise, de fin 2008
à mi-2011 (Tableau 15). Certaines conventions collectives de travail, notamment dans
le secteur du métal, prévoient que l’entreprise ajoute un complément à l’indemnité
de chômage économique.
Des systèmes similaires ont été mis en œuvre en Allemagne, en Autriche, en France,
en Italie et aux Pays-Bas (système de Kurzarbeit). Les cadres légaux existaient déjà
avant la crise, mais avec une portée plus limitée, souvent restreinte aux fluctuations
saisonnières de l’activité économique. Les mesures de crise ont consisté à réduire
la durée hebdomadaire du travail grâce à un recours au chômage économique pour
compenser partiellement la perte de revenu 64. Toutefois, comme le note une étude
comparative réalisée par l’Institut syndical européen 65, ce type de mesure a fortement
pénalisé l’emploi intérimaire. C’est pourquoi les syndicats allemands revendiquent
une extension du système de Kurzarbeit aux entreprises de travail intérimaire.
Par ailleurs, le Kurzarbeit mérite une attention plus particulière, car il va au-delà
du seul chômage partiel pour raisons économiques. Il inclut également des mesures
de formation continue ou de reconversion professionnelle. En 2009, le Kurzarbeit
a bénéficié en Allemagne d’un budget fédéral de 5,1 milliards d’euros, qui a permis
de compenser les pertes de revenu de 1,4 million de travailleurs et sauvé près de
500 000 emplois 66.
Toujours en Allemagne, les comptes d’épargne temps, généralisés depuis 2004, se sont
avérés efficaces pour redistribuer le temps de travail en cas de crise. Il existe deux types
de comptes d’épargne temps : des comptes à long terme, qui servent à planifier l’usage
du temps au long du parcours de vie, en fonction des besoins personnels (charges
familiales, formation, fin de carrière), et des comptes à court terme (ou comptes
flexibles), qui ont pour but de niveler les variations du temps de travail en fonction
des cycles de production ou des fluctuations des marchés, en évitant à la fois le paiement
d’heures supplémentaires et le risque de mise au chômage économique temporaire.
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64
V. GLASSNER, M. KEUNE, « Collective Bargaining Responses to the Economic Crisis in Europe », ETUI
65
Policy Brief, n° 1, 2010.
V. GLASSNER, B. GALGÓZCI, « Plant-Level Responses to the Crisis: Can Jobs Be Saved by Working Less? »,
ETUI Policy Brief, n° 1, 2009.
66
J.-M. PERBOST, Travailler plus ? Travailler moins ? Que faut-il faire pour travailler tous et mieux ?, Bruxelles,
Green European Foundation (Green New Deal Series, n° 8), 2011, p. 38-39 ; J. PILLINGER, Travailler pour
des temps meilleurs, op. cit., p. 13.
CH 2191-2192
44 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Au début de la crise, les comptes à court terme étaient en général assez largement en
boni. Les surplus auraient permis de réduire le temps de travail sans perte de revenu
dans près d’un tiers des entreprises allemandes 67.
L’Allemagne a une longue tradition de réduction négociée du temps de travail pour
prévenir les pertes d’emploi. L’accord Volkswagen de décembre 1993 est souvent cité
en exemple. Le passage de 35 à 28,8 heures sur quatre jours, assorti de 140 variantes
d’horaires flexibles, a permis de sauver 30 000 emplois sur les différents sites allemands
de la firme de construction automobile, avec une perte de salaire moyenne de 10 %.
En 2006, la direction de Volkswagen a supprimé cette semaine de quatre jours
en échange de la sécurité de l’emploi jusqu’en 2011 et du maintien en activité des
six usines allemandes. Elle a accru la flexibilité : les ouvriers travaillent de 26 à 40 heures
par semaine sans compensation salariale, avec des comptes d’épargne temps. Ce n’est
qu’au-delà de 40 heures qu’ils sont payés en heures supplémentaires.
Cependant, ces exemples positifs ne doivent pas occulter une situation beaucoup plus
conflictuelle en matière de temps de travail en Allemagne. Certaines conventions
collectives de grandes entreprises du secteur du métal (Siemens et Daimler Chrysler,
en 2004) ont conduit à un abandon des acquis historiques des 35 heures et à une
augmentation du temps de travail, par élargissement de la marge de flexibilité des
horaires hebdomadaires ou annuels. Les employeurs allemands mettent en évidence
certains effets négatifs de la réduction du temps de travail sur la compétitivité des
entreprises industrielles orientées vers l’exportation. La logique « temps de travail
plus court mais plus flexible » est entrée en conflit avec une logique « temps de travail
plus flexible mais plus long ». Si la réduction du temps de travail est aujourd’hui
acceptée comme moyen conjoncturel d’atténuer les effets de la crise, son utilisation
comme outil structurel de redistribution des emplois est de plus en plus discréditée 68.
Les pays scandinaves et les Pays-Bas ont développé une autre approche de la
redistribution du travail, dans laquelle l’emploi à temps partiel joue un rôle important.
Le principe consiste à favoriser le travail à temps partiel volontaire, en étendant
aux travailleurs à temps partiel tous les droits sociaux dont bénéficient les travailleurs
à temps plein, à la fois sur le plan de la sécurité sociale, des indemnités de chômage,
de l’accès à la formation et de l’attribution des avantages extra-salariaux 69. En Suède,
les mesures politiques ont également visé à réduire l’écart entre le travail à temps plein
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67
J. CLASEN, D. CLEGG, J. KVIST, « European Labour Market Policies in (the) Crisis », ETUI Workingpaper,
68
n° 12, 2012, p. 13.
69
R. BISPINCK, « Germany: Working Time and its Negotiation », op. cit., p. 128.
C. FAGAN, « Le temps de travail sur le cycle de vie : rôle potentiel du travail à temps partiel »,
in J.-Y. BOULIN, R. HOFFMANN (dir.), Les nouvelles pistes du temps de travail [Actes du colloque organisé
par l’Institut syndical européen et la Confédération européenne des syndicats], Reuil-Malmaison, Liaisons,
2000, p. 61-88.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 45
70
à temps partiel, ce qui devait réduire les inégalités de revenu . Au Canada et aux
États-Unis également, les alternatives en matière de redistribution du temps de travail
sont souvent envisagées à travers une amélioration des conditions du travail à temps
71
partiel volontaire . Ces politiques ont connu des évolutions en sens divers au cours
des dernières années.
Aux Pays-Bas, la semaine de 36 heures est un objectif ancien. Un accord inter-
professionnel de 1982 engage les entreprises à généraliser la semaine de 38 heures
dans les deux années à venir et encourage des conventions sectorielles à 36 heures ;
en 1995, celles-ci concernaient plus de la moitié des salariés néerlandais. La situation
n’a plus évolué depuis lors. Aucun mécanisme d’embauche compensatoire n’est prévu
aux Pays-Bas, car c’est l’augmentation de l’emploi à temps partiel qui sert de
72
régulateur . Effectivement, la proportion de travailleurs à temps partiel n’a cessé
d’augmenter : de 2001 à 2011, elle est passée de 70 % à 75 % pour les femmes et
de 15 % à 20 % pour les hommes. La réduction du temps de travail à temps plein
devait se traduire par une revalorisation du salaire des travailleurs à temps partiel
et par un allongement de la durée moyenne du travail à temps partiel. Cet objectif ne
s’est pas traduit dans la réalité. En 2011, la durée hebdomadaire habituelle du travail
est en moyenne de 19,9 heures pour les travailleurs à temps partiel (en Belgique :
24 heures) et 39 heures pour les travailleurs à temps plein (en Belgique : 39,2 heures),
sans grande différence entre les femmes et les hommes 73. Les emplois à temps partiel
aux Pays-Bas sont donc restés courts, contrairement aux objectifs annoncés.
Au Danemark, la réduction collective du temps de travail à 37 heures est intervenue,
via une convention collective nationale, entre 1985 et 1990. Depuis lors, la politique
en matière de temps de travail a consisté, d’une part, à favoriser les emplois à temps
partiel long, de manière à réduire l’écart entre le travail à temps plein et celui à temps
partiel, et d’autre part, depuis 1994, à développer des congés longs : congés parentaux,
congés de formation, aménagements de fin de carrière, etc. La contrepartie pour
les entreprises a été un élargissement de la flexibilité des horaires ; la référence de
37 heures hebdomadaires, qui était initialement calculée sur une moyenne de 6 semaines,
est passée en 1995 à 6 mois et en 1998 à 12 mois. L’embauche compensatoire est
organisée pour les congés longs, mais pas pour des réductions collectives du temps
de travail en dessous de 37 heures 74. Les obligations d’embauche ont cependant été
assouplies au cours des dernières années 75. Les données récentes montrent que
la durée habituelle du travail à temps plein est la plus courte d’Europe : 37,7 heures,
à peine plus que la durée conventionnelle de 37 heures 76. En revanche, il n’y a pas eu
d’allongement de la durée moyenne du travail à temps partiel, qui est restée très
courte : 14,5 heures pour les hommes, 20,5 heures pour les femmes. La proportion
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70
Les accords négociés en Belgique dans le secteur du commerce, sous l’impulsion de la CNE, vont dans © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
cette direction « suédoise » : la réduction du temps de travail des employés à temps plein permet de
revaloriser le salaire des employés à temps partiel (très largement majoritaires parmi les femmes dans
71
ce secteur) et de réduire les inégalités entre le temps plein et le temps partiel.
J. B. SCHOR, Plenitude, the New Economics of True Wealth, New York, Penguin Press, 2010.
72
I. VAN DEN BURG, C. PASSCHIER, « Le travail à temps partiel aux Pays-Bas », in J.-Y. BOULIN, R. HOFFMANN
73
(dir.), Les nouvelles pistes du temps de travail, op. cit., p. 99-120.
Enquête LFS 2011.
74
75
J.-Y. BOULIN, G. CETTE, « Les politiques du temps de travail en Europe », op. cit., p. 12-15.
76
M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective Bargaining on Working Time, op. cit.
Enquête LFS 2011.
CH 2191-2192
46 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
d’emplois à temps partiel a peu augmenté au cours des dix dernières années (2001-
2011) : elle est passée de 29 % à 33 % pour les femmes (nettement moins qu’en Belgique)
et de 7 % à 10 % pour les hommes (comme en Belgique).
La situation de la Suède est assez proche de celle de la Belgique. La négociation collective
sectorielle y joue un rôle prédominant en matière de réduction du temps de travail
et c’est le développement du travail à temps partiel qui explique la légère diminution
du temps de travail au cours des dix dernières années (cf. supra). La durée hebdomadaire
habituelle du travail à temps partiel est en moyenne de 25,5 heures pour les femmes
et de 21,5 heures pour les hommes, alors qu’elle est de 39,9 heures pour les travailleurs
à temps plein, hommes ou femmes. Au cours des dix dernières années, la proportion
de travailleurs à temps partiel est passée de 31 % à 38 % chez les femmes, de 8 %
à 11 % chez les hommes.
La redistribution du temps de travail via le développement du travail à temps partiel
est une des pistes proposées dans une étude récente de la Green European Foundation
sur la réduction du temps de travail en Europe 77. L’auteur de cette étude envisage une
configuration du marché du travail qui comporterait 75 % d’emplois à temps plein
et 25 % d’emplois à mi-temps, ce qui correspond, selon lui, au cas des cinq pays
européens qui ont le plus faible taux de chômage et le taux d’emploi le plus élevé
(Autriche, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni). Il établit cette proposition
après avoir constaté qu’il n’y a pas de corrélation entre la durée annuelle du travail
et le taux de chômage, ni entre la durée hebdomadaire à temps plein et le taux de
chômage, mais bien entre la durée hebdomadaire effective (travail à temps plein et
travail à temps partiel confondus) et le taux de chômage. Il considère cependant que
cette répartition 75 %/25 % n’est pas équitable sur le plan des revenus et il plaide pour
une réduction de la durée du travail à temps plein et une augmentation de la durée
du travail à temps partiel, ce qui constitue un retour aux sources du « modèle nordique »
initial.
Les horaires atypiques ou flexibles sont très répandus en Belgique, comme le montre © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
le tableau 16, qui indique aussi dans quelle mesure les femmes sont ou non
particulièrement exposées à ces horaires atypiques. Ce tableau compare également
la situation des femmes travaillant à temps partiel avec la moyenne des femmes
77
J.-M. PERBOST, Travailler plus ? Travailler moins ? Que faut-il faire pour travailler tous et mieux ?, op. cit.
Les données de l’enquête LFS présentées par J.-M. Perbost diffèrent de celles de notre étude car cet auteur
a pris en compte toutes les personnes en emploi (salariés et indépendants) alors que nous n’avons pris
en compte que les salariés. Les écarts sont parfois importants.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 47
salariées, sans mettre en évidence des différences significatives. Ces données permettent
de se faire une image de l’état actuel de la flexibilité des horaires. Il est toutefois
impossible d’établir un lien avec les régimes de temps de travail conventionnel.
Les syndicats reconnaissent que, depuis la fin des années 1990, les négociations sur
le temps de travail se sont focalisées sur la question de la flexibilité, sous une forte
pression des employeurs 78. Entre les deux enquêtes menées par Eurofound en 2004 et
en 2009, le pourcentage des entreprises belges du secteur marchand déclarant mettre
en œuvre des arrangements de temps de travail flexible est passé de 23 % à 40 % 79.
D’une manière générale, l’augmentation de la flexibilité des horaires de travail peut
se manifester à travers plusieurs tendances.
Premièrement, un calcul du temps de travail moyen sur des périodes plus longues.
En Allemagne, en Autriche et dans les pays nordiques, cet allongement s’est effectué
par l’intermédiaire des comptes d’épargne temps. En Belgique, cette pratique est encore
peu répandue : selon Eurofound, elle ne concerne que 5 % des entreprises du secteur
marchand 80. Au Danemark, en une dizaine d’années, la période de référence est passée
de 6 semaines à 12 mois. En France, la loi Aubry II a laissé le choix entre une norme
de 35 heures hebdomadaires ou une norme de 1 600 heures par an. Cet allongement
de la période de référence n’est pas nécessairement défavorable aux travailleurs, car
elle permet de négocier des compromis entre les demandes de flexibilité des entreprises
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78
E. LEBEAU, S. ROBEET, « Fin de l’histoire ou début d’une nouvelle histoire », Politique, n° 67, 2010, p. 16-19 ;
79
D. RICHARD, « Travailler moins pour gagner tous ! », Politique, n° 67, 2010, p. 20-23.
Eurofound, European Company Survey 2009: Overview, Dublin, European Foundation for the
80
Improvement of Living and Working Conditions, 2010, p. 9.
81
Ibidem, p. 8.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit.
CH 2191-2192
48 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
82
C. GAVINI, La métamorphose du travail : gagnants et perdants des 35 heures, Paris, Liaisons, 2001 ; C. ERHEL, © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, Paris, PUF, 2003.
83
84
P. VENDRAMIN, « Petits arrangements avec le temps », Tempos, n° 1, 2003, p. 41-47.
85
V. PINTO, « Les attitudes des cadres face à la réduction du temps de travail », Quatre pages, n° 55, 2003.
I. MAHIOU, « Flexibilité du temps de travail chez les cadres français : paradoxes et dérives du forfait-jour »,
86
HesaMag, n° 5, 2012, p. 36-39.
Cet index d’intensité du travail est calculé par F. Green et T. Mostafa à partir des composantes suivantes :
travailler à des rythmes élevés, travailler dans des délais serrés, ne pas avoir assez de temps pour faire
87
son travail, devoir cacher ses sentiments, devoir affronter des clients fâchés.
F. GREEN, T. MOSTAFA, Trends in Job Quality in Europe. A report based on the 5th EWCS, Dublin,
European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2012, p. 59 et 90-91.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 49
Le temps de travail est étroitement lié à la qualité de vie. Intuitivement, il est clair que
les horaires de travail exercent une influence sur la capacité à concilier les activités
professionnelles et les activités personnelles, familiales ou sociales. Les horaires longs
ou atypiques ont également un impact sur la santé et sur les conditions de travail en
général. L’enquête européenne sur les conditions de travail (EWCS) permet de mettre
des chiffres derrière ces intuitions.
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88
C. ERHEL, C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, op. cit. ; F.-X. DEVETTER,
« Les mutations du temps de travail », Alternatives économiques, n° 257, 2007.
89
90
M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective Bargaining on Working Time, op. cit., p. 15.
91
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 28-38.
Ibidem, p. 28-38.
CH 2191-2192
50 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Quand on examine les liens entre temps de travail et qualité de vie, la question de
la conciliation entre travail et hors-travail vient souvent au premier plan. Elle est
abordée explicitement par deux questions de l’enquête EWCS 2010. La première porte
sur la concordance : elle demande dans quelle mesure les horaires de travail s’accordent
bien ou mal avec les engagements sociaux et familiaux en dehors du travail. La seconde
est relative aux petits arrangements : elle demande s’il est plus ou moins facile
de prendre une heure ou deux sur son temps de travail pour traiter des problèmes
personnels ou familiaux.
Dans l’ensemble des salariés belges, 13 % des femmes et 17 % des hommes estiment
que la concordance n’est pas bonne, et 37 % des femmes et 34 % des hommes trouvent
difficiles les petits arrangements. Les résultats en fonction de l’âge (Tableau 17) montrent
que les salariés de 50 ans et plus sont moins mal lotis que les plus jeunes en matière
de concordance ou de petits arrangements. Les différences entre les hommes et
les femmes sont peu prononcées, sauf chez les 50 ans et plus.
L’enquête EWCS 2011 fournit d’autres indicateurs des difficultés d’équilibre entre le
travail et la vie familiale, qui se rapportent ici à la fois aux salariés et aux indépendants 92.
Reviennent du travail trop fatigués pour accomplir des tâches domestiques qu’ils
auraient dû faire (au moins plusieurs fois par mois) : 49 %. Éprouvent des difficultés
à accomplir leurs tâches familiales à cause de la quantité de temps passée au travail
(au moins plusieurs fois par mois) : 28 %. Éprouvent des difficultés de concentration
au travail à cause des responsabilités familiales (au moins plusieurs fois par mois) : 12 %.
Les longues heures de travail accentuent nettement les difficultés de conciliation.
Selon l’enquête EWCS 2010, parmi les salariés belges qui travaillent habituellement
plus de 40 heures par semaine, 31 % des hommes (contre 17 % en moyenne) et 29 %
des femmes (contre 13 % en moyenne) considèrent que la concordance entre leurs
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92
Eurofound, Quality of Life: Impacts of the Crisis. Third European Quality of Life Survey, Dublin,
European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2012, p. 58.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 51
des enfants, 13 et 8 heures aux tâches domestiques, 5 et 4 heures aux soins à des proches
93
âgés ou dépendants .
Lorsque l’on met en relation les difficultés de conciliation avec le sentiment de pouvoir
faire encore le même travail à l’âge de 60 ans (Tableau 18), il apparaît clairement que
les salariés qui éprouvent des difficultés de conciliation sont nettement plus nombreux
à penser ne plus pouvoir faire encore le même travail à 60 ans.
Tableau 18. Réponses négatives des salariés à la question « Pensez-vous pouvoir faire
le même travail qu’actuellement quand vous aurez 60 ans ? »
selon l’âge et le sexe (en %, Belgique, 2010)
Moins de 35 ans De 35 à 49 ans De 50 à 59 ans
H F H+F H F H+F H F H+F
Pourcentage de réponses « Non » 54 51 52 38 48 43 32 41 35
Concordance :
* pas bonne ou pas bonne du tout 74 69 72 58 66 61 50 56 51
* bonne ou très bonne 50 47 49 34 45 40 28 39 33
Petits arrangements :
* très difficiles ou plutôt difficiles 68 60 64 44 58 51 40 54 46
* pas trop difficiles ou pas du tout difficiles 47 45 46 35 42 39 27 34 30
Source : P. VENDRAMIN, G. VALENDUC, « Le vieillissement au travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2185, 2013, p. 42 ;
Enquête EWCS 2010.
Lecture : Parmi les femmes de 50-59 ans, 56 % de celles qui vivent une mauvaise concordance entre travail et hors-travail
ont une opinion négative sur la possibilité de faire encore le même travail à 60 ans, contre seulement 39 % de
celles qui vivent une bonne concordance.
Les difficultés de conciliation ressortent clairement comme un facteur qui rend le travail
moins soutenable – et qui risque donc de pousser les travailleurs âgés à se retirer
partiellement (via le travail à temps partiel ou le crédit-temps) ou entièrement du marché
du travail 94.
Les preuves s’accumulent pour montrer que divers facteurs liés aux horaires de travail
contribuent à de nombreuses atteintes à la santé. Les longues heures de travail ont
une incidence sur la santé mentale, l’hypertension et l’insomnie. Le travail de nuit est
connu depuis longtemps pour provoquer un vieillissement accéléré des travailleurs
et pour contribuer aux maladies cardiovasculaires, aux troubles digestifs et aux troubles
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93
94
Ibidem, p. 58. Cf. également G. VALENDUC, Les femmes et l’emploi atypique, op. cit., p. 67-70.
95
P. VENDRAMIN, G. VALENDUC, « Le vieillissement au travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2185, 2013.
L. VOGEL, « Le temps en trois dimensions », HesaMag, n° 5, 2012, p. 17-21.
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52 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Tableau 19. Problèmes de santé associés par les salariés à de longues heures de travail
(plus de 40 heures par semaine) selon le sexe (en %, Belgique, 2010)
Hommes Femmes
Personnes Personnes
prestant plus prestant plus
En moyenne En moyenne
de 40 de 40
heures/semaine heures/semaine
Estimer que le travail constitue un risque pour sa santé
25 33 20 35
ou sa sécurité
Estimer que son travail affecte sa santé de manière
24 29 19 21
principalement négative
Avoir souffert d’insomnies ou de troubles du sommeil
19 27 23 27
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert d’une fatigue généralisée
32 36 38 46
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de dépression ou d’anxiété
7 8 10 15
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de douleurs musculaires dans les épaules, le
37 40 47 56
cou ou les membres supérieurs au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de maux de dos
45 47 45 49
au cours des 12 derniers mois
Source : Enquête EWCS 2010.
Au niveau européen, le constat est semblable, si ce n’est que le seuil inférieur des
« longues heures de travail » est mis à 48 heures par semaine, c’est-à-dire la limite
prévue par la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail 97,
dont la révision est actuellement en cours de discussion (cf. infra). Les salariés qui
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96
97
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 20-24.
Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains
aspects de l’aménagement du temps de travail, Journal officiel de l’Union européenne, L 299, 18 novembre
98
2003.
Eurofound, Fifth European Working Conditions Survey: Overview, Dublin, European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions, 2012.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 53
La question de l’impact des horaires de travail sur la santé est fortement marquée par
les rapports de genre. L’inégale répartition des tâches de soins et des tâches domestiques
ajoute une charge de travail supplémentaire aux femmes, en sus de la charge de travail
liée à leur profession. Il s’agit non seulement d’une charge physique, mais aussi d’une
charge psychologique. Une étude réalisée en Catalogne sur les déterminants sociaux
de la santé des femmes montre que ce sont les travailleuses les plus défavorisées (salaires
peu élevés, horaires flexibles, emploi à temps partiel) qui sont davantage victimes
99
de cette « double charge » .
Le graphique 13 indique le degré de satisfaction des salariés belges par rapport à leurs
conditions de travail en général, en fonction de la durée hebdomadaire habituelle
de leur travail. C’est parmi ceux qui travaillent plus de 40 heures par semaine que l’on
trouve à la fois le plus de salariés insatisfaits (15,5 %) et le plus de salariés très satisfaits
(30,8 %).
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Très satisfait Satisfait Pas satisfait
99
L. ARTAZCOZ, I. CORTÈS, C. BORRELL, « Travail et famille : une trop lourde double charge pour la santé
des femmes », HesaMag, n° 3, 2011, p. 23-27.
CH 2191-2192
54 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
rapport à leurs conditions de travail est nettement plus fréquente lorsqu’elles ont
des horaires atypiques. C’est en premier lieu le travail du dimanche, puis le travail sur
appel, les changements d’horaires imprévus, le travail en soirée, le travail du samedi
et les horaires hebdomadaires irréguliers qui sont des facteurs d’insatisfaction à l’égard
des conditions de travail. Le pourcentage moyen de femmes insatisfaites de leurs
conditions de travail est de 12 %, ce qui permet de prendre la mesure des écarts.
En revanche, il n’y a pas de corrélation entre l’insatisfaction par rapport aux conditions
de travail et le travail à pauses ou les horaires flexibles d’un jour à l’autre. Dans le cas
du travail de nuit, les nombres sont trop petits pour établir une corrélation avec
l’insatisfaction par rapport aux conditions de travail.
Par ailleurs, l’expérience française des 35 heures, qui a combiné réduction de la durée
hebdomadaire du travail et augmentation de la flexibilité des horaires, permet de
dresser quelques constats instructifs sur le lien entre réduction du temps de travail,
conditions de travail et qualité de vie. En matière de conditions de travail, les opinions
sont partagées : 26 % des salariés français pensent que la RTT a amélioré leurs conditions
de travail, 28 % pensent le contraire et 46 % n’ont constaté aucun changement. Lorsque
la RTT a permis d’augmenter les effectifs dans l’unité de travail, les opinions positives
sur l’amélioration des conditions de travail montent à 33 %. Les plus satisfaits sont
ceux pour qui la RTT a permis de mieux s’organiser dans leur travail (43 % d’opinions
positives) ou de gagner en autonomie (40 % d’opinions positives) ; les plus insatisfaits
sont ceux pour qui la RTT a signifié un accroissement de la polyvalence (36 % d’opinions
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100
C. ERHEL, C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, op. cit., p. 100-105.
CH 2191-2192
4. VISION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS
DE TRAVAIL : UNE ENQUÊTE EN BELGIQUE
FRANCOPHONE
101
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CH 2191-2192
56 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Dans l’enquête, la mesure du rapport au temps est approchée à partir de trois questions.
La première sonde le sentiment de manque de temps ou d’argent, ou le manque
des deux. La deuxième interroge sur le sentiment d’être dominé par le temps ou de
dominer celui-ci. La troisième demande aux personnes interrogées quels sont les temps
plus ou moins importants pour eux : le temps pour les proches, pour le travail, pour
les loisirs, etc.
Déclarer manquer de temps comme d’argent fait partie d’une certaine normalité.
Les pourcentages élevés qui suivent ne doivent pas être interprétés comme l’expression
d’un état majoritairement insoutenable de tensions temporelles et de privations
matérielles. L’intérêt de ces données tient à la fois au sentiment général exprimé mais
surtout aux comparaisons qui font ressortir la spécificité de certaines situations et/ou
l’effet positif de certaines autres (avoir un emploi, exercer un type de métier particulier,
être dans une situation familiale spécifique, etc.).
La première question (Graphique 14) montre que si le manque d’argent est exprimé
de manière prioritaire, le manque de temps est également une réalité qui concerne
79,0 % des salariés (23,4 % qui manquent de temps + 55,6 % qui manquent de temps
et d’argent) et 55,2 % des demandeurs d’emploi (9,2 % + 46,0 %). Au total, ce sont
44,8 % des demandeurs d’emploi qui échappent à la pression du temps (41,7 % qui
manquent d’argent + 3,1 % qui ne manquent ni de temps ni d’argent) et 21,0 %
des salariés (17,7 % + 3,3 %). Près d’un quart des salariés (23,4 %) disent manquer
de temps mais pas d’argent, tandis que 41,7 % des demandeurs d’emploi affirment
manquer d’argent mais pas de temps.
D’une manière générale, parmi les salariés, on constate peu de différences entre les
hommes et les femmes. L’âge rend compte de plus de différences. Les moins de 35 ans
sont plus nombreux à déclarer manquer principalement de temps (33 %, contre 24 %
dans les autres catégories d’âge). Les 35 à 49 ans sont plus nombreux à déclarer manquer
à la fois de temps et d’argent (58 %, contre 47 % chez les plus jeunes et 26 % chez
les plus âgés).
Toujours parmi les salariés, les niveaux de formation 104 – et donc le type de métier
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104
Les niveaux de formation seront désignés par « diplômés du supérieur » pour les diplômés du supérieur
court et long (Isced 5-6), « diplômés CESS » pour les diplômés ayant le certificat d’enseignement
secondaire supérieur (Isced 3-4), « diplômés CEB ou CESI » pour les diplômés ayant soit le certificat
d’études de base soit le certificat d’enseignement secondaire inférieur (Isced 1-2).
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 57
90 %
80 %
46,0 %
55,6 %
70 %
60 %
3,1 %
50 %
3,3 %
40 %
17,7 %
30 % 41,7 %
20 %
10 % 23,4 %
9,2 %
0%
Salariés Demandeurs d'emploi
Le sentiment d’être dominé par le temps est plus fréquent parmi les salariés (64,3 %)
que parmi les demandeurs d’emploi (49,4 %) (Graphique 15). Ce constat confirme
l’impact de l’activité professionnelle sur le rapport au temps. Toutefois, les rythmes de
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CH 2191-2192
58 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
100 %
90 %
35,7 %
80 %
50,6 %
70 %
60 %
50 %
40 %
64,3 %
30 %
49,4 %
20 %
10 %
0%
Salariés Demandeurs d'emploi
Une question demandait aux répondants dans quelle mesure une série de propositions
relatives au temps et au revenu étaient importantes, non pas dans l’absolu mais par
rapport à leur vie au moment de l’enquête. Cette question permet de saisir l’importance
relative des deux dimensions.
Les salariés
Le graphique 16 montre que, pour les salariés, les temps qualifiés de très importants
sont d’abord ceux pour la famille et les proches (73,7 %) et ceux pour le couple
(56,2 %). Vient ensuite le souci d’épargner pour l’avenir, suivi du temps libre et
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105
Dans le contexte de l’enquête, l’hypothèse sous-jacente à « travailler le plus possible » est de travailler
plus pour gagner plus.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 59
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Très important Important Peu important Pas du tout important Sans avis
Un peu plus de femmes pensent qu’il est très important de disposer de temps pour
la famille et les proches, et de pouvoir épargner pour l’avenir, et de même qu’il est
important de travailler le plus possible. Les hommes sont un peu plus nombreux
que les femmes à déclarer qu’il est important voire très important d’avoir du temps
pour les loisirs.
Ce sont les 35 à 49 ans qui déclarent le plus souvent qu’il est très important de gagner
beaucoup d’argent et les moins de 50 qu’il est très important d’épargner pour l’avenir.
Disposer de temps pour son partenaire est très important pour plus d’un actif sur deux ;
ce pourcentage décroît avec l’avancée en âge : il est de 67 % avant 35 ans et de 51 %
après 50 ans.
Le niveau de formation – et donc le type de métier exercé – a davantage d’incidence
que le sexe ou l’âge sur les réponses. Travailler plus est important pour 43 % des moins
diplômés (CEB ou CESI), pour 38 % des diplômés CESS et pour 30 % des diplômés
de l’enseignement supérieur. Pour 25 % de ces derniers, travailler plus n’est pas
du tout important. La hauteur des salaires est, en effet, liée au diplôme et au type
de métier exercé. Pour atteindre un même niveau de revenu, il est donc nécessaire
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CH 2191-2192
60 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les couples avec enfant sont ceux qui déclarent le plus souvent qu’il est très important
d’avoir du temps pour sa famille et pour ses proches (81 %). Les isolés avec enfant
déclarent plus fréquemment (45 %) qu’il est important de travailler plus. Ici encore,
on peut postuler que les besoins financiers influencent sensiblement ce que les
répondants aimeraient pouvoir faire de leur temps.
En conclusion, le temps pour la cellule familiale et le couple est le plus important,
avec des arbitrages temps/argent qui sont influencés par le type de métier exercé et
la situation familiale, principalement.
Très important Important Peu important Pas du tout important Sans avis
Pour les demandeurs d’emploi, comme pour les salariés, les femmes sont un peu plus
nombreuses à déclarer qu’il est très important de disposer de temps pour la famille
et les proches. Les hommes sont de leur côté un peu plus nombreux que les femmes
à déclarer que le temps libre et de loisir est très important, de même que gagner
beaucoup d’argent et épargner pour l’avenir.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 61
Mais ici aussi, comme dans le cas des salariés, l’âge introduit plus de différences que
le sexe. Les demandeurs d’emploi âgés de moins de 35 ans sont plus nombreux que
leurs homologues plus âgés à déclarer qu’il est très important d’avoir du temps pour
la famille et les proches (64,2 %, contre 50,6 % pour les personnes âgées de 50 ans
et plus), de travailler le plus possible (24,2 %, contre 12,9 %) et de gagner beaucoup
d’argent (39,7 %, contre 26,7 %). Les demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus sont
aussi un peu plus nombreux que les jeunes à considérer le temps libre et le temps
de loisir comme très importants. Chacun de ces avis s’ancre dans une période du cycle
de vie qui, dans le cas des jeunes, est celle de l’installation dans la vie adulte et dans
la vie indépendante, qui nécessitent des ressources financières, et qui, pour les plus
âgés, est celle où l’installation est faite et où les charges financières, souvent, commencent
à diminuer. Dans le même ordre d’idée, les demandeurs d’emploi de moins de 35 ans
sont 63,9 % à déclarer qu’il est très important d’épargner pour l’avenir, contre 60,7 %
pour ceux de 35 à 49 ans et 45,3 % pour ceux de 50 ans et plus. Cette observation est
donc inversée par rapport à celle posée plus haut à propos des salariés.
La situation familiale est également une variable qui influence les attentes à l’égard
du temps. Disposer de temps pour la famille et les proches est jugé très important
essentiellement par les isolés avec enfant (69,0 %) ou les couples avec enfant (64,1 %).
Les couples sans enfant, quant à eux, sont proportionnellement plus nombreux à
considérer le temps de loisir comme étant important ou très important (78,1 % au
total, contre 57,8 % dans le cas des isolés avec enfant et 62,2 % dans le cas des couples
avec enfant). Ils sont aussi proportionnellement les plus nombreux à déclarer qu’il est
peu important ou pas du tout important (41,4 % au total) de travailler le plus possible.
Gagner beaucoup d’argent et épargner pour l’avenir est proportionnellement plus
souvent déclaré comme étant très important chez les demandeurs d’emploi vivant
chez leurs parents. Les situations familiales se caractérisent surtout par la présence
plus importante des moins de 35 ans parmi ceux qui habitent chez leurs parents.
La présence ou non d’enfants dans la cellule familiale et le fait d’habiter chez les parents
a une incidence sur le temps potentiellement valorisé : s’occuper de ses enfants, assurer
son indépendance.
Les temps forts du débat autour de la réduction du temps de travail datent des années
1980 et 1990, lorsque certaines majorités au pouvoir en France faisaient de la réduction
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CH 2191-2192
62 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Une première question, assez générale, demande aux répondants s’ils ont déjà entendu
parler de la réduction du temps de travail. À ceux qui ont répondu positivement, une
autre question demande s’ils ont une idée plutôt claire ou plutôt vague de ce qu’est
la réduction du temps de travail. Enfin, une troisième question, adressée à tous, suggère
une série de propositions et demande aux répondants s’ils sont plus ou moins d’accord
avec ce qui est exprimé.
Le graphique 18 montre que 86,0 % des salariés déclarent avoir déjà entendu parler
de la réduction du temps de travail et qu’un peu plus d’1 sur 2 (52,6 %) pense en avoir
une idée claire 106. Du côté des demandeurs d’emploi, ce sont 58,0 % des répondants
qui déclarent avoir déjà entendu parler de la réduction du temps de travail et un peu
moins d’1 sur 4 (24,0 %) qui pense en avoir une idée claire.
90 %
80 %
70 %
60 %
50 %
86,0 %
40 %
30 % 58,0 %
52,6 %
20 %
24,0 %
10 %
0%
Salariés Demandeurs d'emploi
Parmi les salariés, la même proportion d’hommes que de femmes déclarent connaître
la réduction du temps de travail. Parmi les demandeurs d’emploi, les hommes sont
plus nombreux à déclarer en avoir entendu parler (66,5 % contre 50,9 %).
106
Somme des réponses « idée très claire » et « idée assez claire ».
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 63
Pour les salariés comme pour les demandeurs d’emploi, le sentiment de connaître
la réduction du temps de travail est fortement lié à l’âge. Si 96,8 % des salariés et 84,3 %
des demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans déclarent en avoir entendu parler,
les moins de 35 ans sont 70,3 % parmi les salariés et 35,0 % parmi les demandeurs
d’emploi (Graphique 19). Quant à penser en avoir une idée claire, ils sont 38,6 %
parmi les salariés de moins de 35 ans et 9,7 % parmi les demandeurs d’emploi
du même groupe d’âge.
Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail est également lié au niveau
de diplôme du répondant, encore plus dans le cas des demandeurs d’emploi. Si de 84
à 90 % des salariés (selon le niveau du diplôme) déclarent en avoir déjà entendu
parler, ceux qui pensent en avoir une idée claire sont 60,5 % parmi les diplômés
du supérieur, 53,0 % parmi les diplômés CESS et 38,5 % parmi les diplômés CEB
ou CESI (Graphique 20). Parmi les demandeurs d’emploi, moins d’1 diplômé CEB ou
CESI sur 5 (18,8 %) pense avoir une idée claire de ce qu’est la réduction du temps
de travail, contre plus d’1 sur 2 (53,0 %) dans le cas des diplômés du supérieur.
Les salariés qui exercent un mandat syndical sont 67,4 % à penser avoir une idée claire de
la réduction du temps de travail, contre 57,1 % parmi ceux qui n’exercent pas un tel
mandat. Il y a donc un effet de culture ou de formation syndicale, sans que celui-ci
soit cependant le facteur le plus déterminant. L’âge apparaît plus discriminant.
90 % 90 %
80 % 80 %
70 % 70 %
60 % 60 %
50 % 96,8 %
50 %
87,2 % 84,3 %
40 % 40 %
70,3 %
62,7 % 64,0 %
30 % 30 %
55,1 %
48,0 %
20 % 38,6 % 20 %
35,0 %
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A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT
CH 2191-2192
64 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
90 % 90 %
80 % 80 %
70 % 70 %
60 % 60 %
50 % 50 %
90,3 %
84,3 % 84,4 %
40 % 40 %
75,0 %
65,7 %
30 % 60,5 % 30 %
53,0 % 53,0 %
48,4 %
20 % 38,5 % 20 %
27,5 %
10 % 10 % 18,8 %
0% 0%
CEB ou CESI CESS Supérieur CEB ou CESI CESS Supérieur
A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 65
Une question proposait donc une série d’affirmations et demandait aux répondants
d’exprimer leur accord ou leur désaccord par rapport à chacune de ces affirmations.
Ces dernières sont de divers ordres.
Un premier groupe de propositions touche à une vision positive du futur, à travers
les propositions suivantes : « La réduction du temps de travail est
- une solution pour avoir plus de temps libre ;
- un moyen pour arriver à mettre en place une société plus juste ;
- une manière de se construire un avenir plus agréable. »
Un deuxième groupe de propositions mesure le scepticisme, à l’aide les affirmations
suivantes : « La réduction du temps de travail est
- une idée dépassée ;
- une idée qui concerne d’abord les Français ;
- un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste. »
Deux propositions touchent à deux éléments clés de la mise en œuvre : « La réduction
du temps de travail est
- quelque chose qui risque de diminuer les revenus ;
- un dispositif réservé à certains types de travail. »
Deux dernières propositions concernent la vision des porteurs d’un projet de réduction
du temps de travail : « La réduction du temps de travail est
- un projet qui est développé par les syndicats ;
- une décision qui relève surtout du monde politique. »
Pour chacune de ces propositions, les répondants avaient le choix entre les réponses
suivantes : tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord,
sans avis.
Les salariés
C’est autour d’une vision du futur que les salariés interrogés expriment le plus
largement leur accord, avec des perspectives positives en termes de temps libre
(Graphique 21). Les avis sont plus partagés lorsqu’il s’agit de se prononcer sur les
porteurs d’un projet de réduction du temps de travail, même si, pour une majorité,
le projet est associé au syndicat. Le scepticisme est largement minoritaire. Quant à
la mise en œuvre, les avis sont plus partagés en ce qui concerne la restriction à certains
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66 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
VISION DU FUTUR
Une manière de se construire un avenir plus agréable
Un moyen pour arriver à une société plus juste
Une solution pour avoir plus de temps libre
MISE EN ŒUVRE
Un dispositif réservé à certains types de travail
Quelque chose qui risque de diminuer les revenus
SCEPTICISME
Un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste
Une idée qui concerne d’abord les Français
Une idée dépassée
PORTEURS
Une décision qui relève surtout du monde politique
Un projet qui est développé par les syndicats
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Sans avis
Les réponses des demandeurs d’emploi se distinguent d’abord par les pourcentages
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 67
VISION DU FUTUR
Une manière de se construire un avenir plus agréable
Un moyen pour arriver à une société plus juste
Une solution pour avoir plus de temps libre
MISE EN ŒUVRE
Un dispositif réservé à certains types de travail
Quelque chose qui risque de diminuer les revenus
SCEPTICISME
Un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste
Une idée qui concerne d’abord les Français
Une idée dépassée
PORTEURS
Une décision qui relève surtout du monde politique
Un projet qui est développé par les syndicats
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Sans avis
Les femmes demandeuses d’emploi sont plus nombreuses que les hommes à se dire
« sans avis » aux trois propositions qui essaient d’apprécier le niveau de scepticisme
à l’égard de la réduction du temps de travail ; c’est également le cas pour les moins
de 35 ans.
La proportion importante de réponses « sans avis » à plusieurs propositions est ce qui,
globalement, distingue le plus les demandeurs d’emploi des salariés. Cela s’explique
par le fait que la part des demandeurs d’emploi pensant avoir une idée claire de
la réduction du temps de travail est nettement plus faible.
CH 2191-2192
68 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
- objectifs économiques :
- améliorer la compétitivité des entreprises ;
- créer de nouveaux emplois ;
- permettre de travailler quand on est plus vieux ;
- développer le secteur des loisirs.
- objectifs idéologiques :
- aller vers un nouveau modèle de croissance économique ;
- mieux répartir la richesse.
Pour chacun des 13 objectifs, les répondants devaient, à partir d’une échelle de 1 à 5,
dire si la réduction du temps de travail pouvait selon eux aider à atteindre l’objectif
suggéré. Dans les données qui suivent, des scores ont été calculés : 1 signifie que
la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 signifie qu’elle « aide
beaucoup ». Dans la lecture des résultats, les scores doivent être considérés comme
des opinions positives significatives au-delà de 3 (score qui marque une position médiane
peu tranchée). Dans la présentation des résultats, nous avons systématiquement
précisé les pourcentages de réponses « sans avis » car, pour certaines propositions,
ils sont très élevés, ce qui est également un indicateur intéressant du degré de
(mé)connaissance de la signification de la réduction du temps de travail (les réponses
« sans avis » ne rentrent pas dans le calcul de la moyenne).
Le point 4.3.1 donne un aperçu général des réponses et le point 4.3.2 développe
une analyse comparative des réponses autour des quatre groupes d’objectifs généraux.
Une première lecture globale montre que, de l’avis tant des salariés que des demandeurs
d’emploi, la réduction du temps de travail peut aider à atteindre l’ensemble des objectifs
suggérés, de manière plus ou moins significative : aucun des scores n’est inférieur
à 3 et un seul est égal à cette valeur. Les scores les plus élevés concernent les objectifs
de qualité de vie ; les objectifs de répartition de l’emploi viennent ensuite.
Les objectifs de qualité de vie sont ceux pour lesquels tant les salariés que les demandeurs
d’emploi considèrent le plus que la réduction du temps de travail peut apporter
une aide significative : tous les scores sont au-delà de 4 (Tableau 21). En ce qui concerne
les objectifs de répartition de l’emploi, les scores vont de 3,5 à 3,9, avec un peu plus
de scepticisme parmi les demandeurs d’emploi sur la capacité de la réduction du temps
de travail à contribuer à une diminution du chômage. Les objectifs économiques
sont ceux pour lesquels on relève le plus de réponses « sans avis » et pour lesquels,
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CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 69
(scores de 3,6 à 4 pour les diverses propositions dans le cas des demandeurs d’emploi,
et de 3 à 3,7 dans le cas des salariés).
Graphique 23. Vision des finalités de la réduction du temps de travail : scores moyens
(Belgique francophone, 2012)
Objectifs idéologiques
Objectifs économiques
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1 2 3 4 5
Salariés Demandeurs d'emploi
Remarque : 1 signifie que la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 qu’elle « aide
beaucoup ». On considère qu’une réponse positive ferme s’exprime au-delà de 3.
Source : Enquête FTU 2012.
CH 2191-2192
70 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
L’approche comparative distingue les salariés et les demandeurs d’emploi. Elle observe
dans quelle mesure certaines caractéristiques socio-démographiques interviennent dans
la perception des finalités de la réduction du temps de travail (âge, sexe, niveau d’études,
exercice d’un mandat syndical).
Les opinions des répondants sont assez convergentes lorsqu’il s’agit de se prononcer sur
l’utilité de la réduction du temps de travail en termes de répartition de l’emploi. Tant
chez les salariés que chez les demandeurs d’emploi, il y a peu de différences entre
hommes et femmes, jeunes et plus âgés, avec des scores moyens de 3,8 ou 3,9.
Le niveau de diplôme est le facteur qui a l’incidence la plus forte sur la perception de
l’utilité de la réduction du temps de travail par rapport à des objectifs de répartition
de l’emploi, particulièrement parmi les demandeurs d’emploi : score moyen de 3,6 pour
les diplômés CEB et CESI, contre 4,1 pour les diplômés de l’enseignement supérieur.
Pour les salariés, ces scores sont respectivement de 3,7 et 3,9. Parmi les salariés, ce sont
aussi les répondants qui exercent, ou qui ont exercé, un mandat syndical qui ont
le score le plus élevé (3,9, contre 3,7 pour les autres), reflet probable d’une culture
syndicale ; cet écart est toutefois limité.
L’opinion selon laquelle la réduction du temps de travail est utile par rapport à des
objectifs de qualité de vie est unanimement partagée par tous les répondants, quel
que soit le sous-groupe ; les scores moyens sont supérieurs à 4, avec peu de variations
entre les sous-groupes considérés.
L’utilité de la réduction du temps de travail pour servir des objectifs économiques
obtient des scores moyens assez équivalents pour les hommes et les femmes et pour
toutes les catégories d’âge, tant parmi les salariés que parmi les demandeurs d’emploi.
Parmi les salariés, le score moyen des répondants qui ont une expérience syndicale
(mandat syndical) est un peu plus élevé : 3,6, contre 3,4 pour les autres.
L’utilité de la réduction du temps de travail pour soutenir des objectifs idéologiques
est reconnue par tous (scores moyens de 3,3 à 3,8), mais avec des proportions
importantes de réponses « sans avis », tant pour les salariés que pour les demandeurs
d’emploi.
Dans certains sous-groupes, la proportion de « sans avis » est importante,
particulièrement parmi les demandeurs d’emploi où elle atteint plus d’1 salarié sur 3
pour les objectifs économiques et idéologiques dans le cas des moins de 35 ans.
Pour les deux échantillons de répondants, les femmes, les jeunes et les moins diplômés
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CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 71
Une réduction de salaire en lien avec une politique de réduction du temps de travail
est refusée par 45,0 % des salariés et 47,2 % des demandeurs d’emploi (Graphique 24).
Les salariés sont 45,9 % à accepter l’hypothèse (28,0 % une réduction de 5 % maximum
du salaire et 17,9 % une réduction de 10 % maximum). Parmi les demandeurs d’emploi,
31,6 % acceptent l’hypothèse d’une réduction de salaire (18,8 % une réduction de
5 % maximum et 12,8 % une réduction de 10 % maximum). Notons qu’un peu plus
d’1 demandeur d’emploi sur 5 (21,3 %) n’a pas su répondre à cette question.
17,9 %
80 %
12,8 %
70 %
60 % 28,0 %
18,8 %
50 %
40 %
30 %
45,0 % 47,2 %
20 %
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10 %
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0%
Salariés Demandeurs d'emploi
CH 2191-2192
72 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les salariés
Pour les demandeurs d’emploi, comme pour les salariés, la situation économique du
ménage est un facteur qui a une incidence forte sur les réponses : les plus aisés sont 39,7 %
à refuser l’hypothèse d’une réduction de salaire, tandis que les moins aisés sont 53,2 %.
CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 73
Les moins de 35 ans sont les plus nombreux à refuser l’hypothèse d’une réduction
de salaire (52,1 %).
Une situation familiale moins aisée (être isolé avec enfant, avoir un conjoint qui ne
travaille pas) rend également plus réticent à l’hypothèse d’une diminution de salaire.
Les demandeurs d’emploi isolés avec enfant sont 57,4 % à se dire opposés à une
réduction de salaire. On constate la même chose dans le cas des demandeurs d’emploi
vivant seuls (56,3 %) ou ayant un conjoint qui ne travaille pas (49,0 %).
La formule qui recueille le plus de succès est la réduction du temps de travail en fin
de carrière avec un score de 4,4, tant pour les salariés que pour les demandeurs d’emploi
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74 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les salariés
Parmi les salariés, on constate peu de différences entre les hommes et les femmes.
Font toutefois exception trois propositions, qui ont des scores plus élevés parmi
les femmes : les cinq journées plus courtes par semaine, le travail à temps partiel
et l’annualisation du temps de travail.
Quelques variations sont observées entre les groupes d’âge. Limiter les heures
supplémentaires obtient un score plus élevé parmi les 50 ans et plus, tandis que c’est
le cas pour la semaine de quatre jours parmi les plus de 35 ans (4,3, contre 3,9 parmi
les moins de 35 ans). Par contre, la formule de cinq journées plus courtes par semaine
obtient un score de 3,5 parmi les moins de 35 ans, et de 3,1 et 3 pour les autres
groupes d’âge.
Le pourcentage moyen de « sans avis » est de 7,7 %, avec un maximum de 16,7 % pour
l’annualisation du temps de travail. C’est parmi les moins de 35 ans que ce pourcentage
moyen est le plus élevé (11,3 %, contre 5,4 % parmi les salariés âgés de 50 ans et plus).
Les couples, avec ou sans enfant, et les isolés avec enfant sont ceux qui accordent
les scores les plus hauts à la formule de la semaine des quatre jours (respectivement 4,3
à 4,4 et 4,1). La limitation des heures supplémentaires obtient également des scores
plus élevés pour ces derniers, particulièrement parmi les couples (3,3). La perspective
de cinq journées plus courtes par semaine obtient des scores ne dépassant pas 3,2,
moins que dans le cas des demandeurs d’emploi.
Sur les modalités de mise en œuvre de la réduction du temps de travail, les ouvriers
et les employés ont des scores assez proches, qui ne varient guère plus que de 0,1 pour
la plupart des formules suggérées. On constate juste une préférence plus marquée
parmi les employés pour la semaine de quatre jours (score de 4,3, contre 4,1 parmi
les ouvriers) et une préférence un peu plus marquée parmi les ouvriers pour la formule
des cinq journées plus courtes avec congés (score de 3,3, contre 3,1 parmi les employés).
Il y a peu de différences entre hommes et femmes parmi les demandeurs d’emploi. © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
Cependant, les femmes accordent un score un peu plus élevé à la semaine de quatre
jours. L’âge montre davantage de différences. Les répondants âgés de 50 ans et plus
accordent des scores plus faibles à la proposition de cinq journées plus courtes par
semaine (3,2, contre 3,9 pour les autres classes d’âge), de même qu’à davantage de
travail à temps partiel (3,2, contre 3,6 et 3,7 pour les autres classes d’âge). Les travailleurs
de plus de 35 ans accordent un score plus élevé à la semaine de quatre jours (4,3, contre
3,9 parmi les autres).
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 75
La proportion de « sans avis » est importante parmi les demandeurs d’emploi, avec
un pourcentage moyen de 17,6 % pour l’ensemble des propositions, et des pics à 30,2 %
pour l’annualisation du temps de travail et à 22,5 % pour l’expansion du travail à temps
partiel. Les plus âgés sont ceux qui ont les proportions les plus élevées de « sans avis ».
Pour les demandeurs d’emploi, la situation familiale a une incidence plus marquée
sur le caractère plus ou moins souhaitable des différentes modalités de mise en œuvre de
la réduction du temps de travail. Les couples ou isolés avec enfant sont les plus favorables
à la semaine de quatre jours avec des scores, respectivement, de 4,3 et 4,4 (contre 3,7
pour les couples sans enfant).
Réduire le temps de travail en fin de carrière recueille des scores similaires, quelle
que soit la situation familiale (4,4 ou 4,5). Les couples sans enfant et les demandeurs
d’emploi vivants chez leurs parents accordent le score le plus élevé (3,9, contre
3,2 pour les isolés avec enfant et 3,6 pour les couples avec enfant) à la formule de
cinq journées plus courtes par semaine. Les isolés avec enfant sont les plus favorables
à la perspective de développer des congés spéciaux (4,7).
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76 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Dans la lecture des réponses à cette question, il faut se rappeler que seul 1 actif sur 2
pense avoir une idée claire de ce qu’est la réduction du temps de travail, et un peu moins
d’1 demandeur d’emploi sur 5 (cf. supra). Les réponses montrent également que
la connaissance de la réduction du temps de travail est plutôt vague, surtout parmi
les plus jeunes.
Au niveau plus individuel, il y a tout d’abord un accord, tant chez les salariés que
les demandeurs d’emploi, pour considérer que la réduction du temps de travail
diminue les revenus de tous les travailleurs (respectivement 62,3 % et 61,3 %).
Un tiers des salariés ne sont cependant pas d’accord ; c’est également le cas d’un quart
des demandeurs d’emploi (Tableau 23).
En ce qui concerne la suppression des heures supplémentaires, les salariés et les
demandeurs d’emploi sont assez partagés. Une faible majorité des salariés (47,0 %)
n’est pas d’accord, tandis que 42,0 % sont d’accord. Parmi les demandeurs d’emploi,
plus de la moitié (54,3 %) pensent que la réduction du temps de travail supprime
les heures supplémentaires.
Un impact négatif sur les inégalités de salaires n’est pas envisagé par 52,2 % des salariés ;
il l’est en revanche par un bon tiers d’entre eux (35,4 %). Parmi les demandeurs
d’emploi, un tel impact négatif est plus largement redouté (44,4 % sont d’accord avec
cette hypothèse, contre 33,2 % d’avis opposé). Notons que plus d’1 répondant sur 5
ne sait pas se prononcer (22,4 % de « sans avis »).
Les salariés ont davantage de craintes concernant la qualité de vie au travail : 58,1 %
d’entre eux pensent que la réduction du temps de travail oblige à faire le même travail
en moins de temps et 61,4 % qu’elle augmente la flexibilité des horaires. Par contre,
60,9 % ne sont pas d’accord avec l’idée selon laquelle elle obligerait à changer souvent
de poste de travail. La tendance est la même chez les demandeurs d’emploi, avec
cependant des proportions plus importantes de réponses « sans avis » (en moyenne,
1 demandeur d’emploi sur 5).
Au niveau de l’entreprise, les salariés sont assez partagés sur l’idée selon laquelle
la réduction du temps de travail compliquerait l’organisation de l’entreprise : 46,9 %
sont d’accord et 48,3 % ne sont pas d’accord. Parmi les demandeurs d’emploi, une
majorité est d’accord (42,8 %, contre 35,6 % qui ne sont pas d’accord), mais il faut
noter aussi qu’un demandeur d’emploi sur cinq est « sans avis » (21,6 %). L’hypothèse
selon laquelle la réduction du temps de travail affaiblirait les entreprises est peu
partagée parmi les salariés : 16,4 % sont d’accord avec cette affirmation, mais 65,6 %
ne la partagent pas. Notons ici que le pourcentage des « sans avis » est de 18,1 %.
Pour les demandeurs d’emploi, la tendance est identique mais moins tranchée, avec
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 77
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78 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Remarque : Doutes = d’accord avec les propositions concernées ; Pas de doute = pas d’accord avec
les propositions concernées.
Source : Enquête FTU 2012.
Au terme de ce parcours dans les données de l’enquête, nous retiendrons que, pour
les salariés comme pour les demandeurs d’emploi, le sentiment de connaître la réduction
du temps de travail est fortement lié à l’âge et au niveau de diplôme du répondant ;
il serait, en quelque sorte, « une affaire d’intellectuels d’âge mûr ». Parmi les objectifs
attribuables à la réduction du temps de travail, ceux qui touchent à la qualité de vie
obtiennent les scores les plus élevés ; les objectifs liés à la répartition de l’emploi viennent
ensuite. Parmi les formules qui ont été suggérées pour réduire le temps de travail,
celle qui recueille le plus de succès est la réduction du temps de travail en fin de carrière,
suivie par la semaine de quatre jours et les congés spéciaux. Ces réponses expriment
une aspiration au temps libre plutôt qu’à un aménagement journalier du temps de
travail. Enfin, c’est la capacité de la réduction du temps de travail à améliorer la qualité
de vie au travail (surcharge, flexibilité accrue) qui suscite le plus de doutes. Globalement,
il est indéniable que la réduction du temps de travail figure bel et bien parmi les
aspirations des salariés et des demandeurs d’emploi.
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CONCLUSION
Le modèle actuel de temps de travail est devenu très différent de celui qui était encore
dominant au début des années 1980. L’emploi à temps partiel a acquis une importance
considérable, avant tout chez les femmes, mais aussi, plus récemment, chez les hommes,
notamment en fin de carrière. Les horaires flexibles se sont diversifiés. Le temps
de travail est de plus en plus mesuré sur des périodes plus longues. Les formules de
réduction individuelle du temps de travail (temps partiel, volontaire ou non, crédit-
temps et congés thématiques) se sont multipliées.
La durée hebdomadaire réelle du travail est restée stable au cours des dix dernières
années, à un niveau supérieur à la durée conventionnelle du travail. Cet écart entre
la durée hebdomadaire réelle et la durée conventionnelle s’explique par trois facteurs,
qui peuvent se cumuler : les formes de compensation en heures ou jours de congé
se sont multipliées et diversifiées, à travers des arrangements formels ou informels ;
les heures complémentaires (pour les travailleurs à temps partiel) ou supplémentaires
se sont banalisées ; les salariés travaillent davantage que le nombre d’heures pour
lesquelles ils sont rémunérés, en raison du fait que les frontières du temps de travail
sont devenues plus floues.
La répartition du temps de travail se caractérise par de nombreuses inégalités. L’inégalité
la plus évidente se situe entre les femmes et les hommes. L’emploi à temps partiel en
est la cause principale. Les inégalités entre secteurs d’activité sont également importantes.
Elles concernent à la fois la durée hebdomadaire réelle du travail à temps plein,
qui varie de 37 à plus de 40 heures, et la durée moyenne du travail à temps partiel.
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80 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les comparaisons internationales présentées dans le point 2.3 se sont limitées aux pays
voisins, mais elles ont néanmoins fait apparaître des disparités importantes, à la fois
en matière de durée du travail à temps plein et de durée moyenne du travail à temps
partiel. Si l’on étend la comparaison à l’Europe des 27, les écarts sont bien plus
importants. Une approche convergente du temps de travail en Europe est souvent
considérée comme un élément-clé d’une harmonisation des politiques sociales.
Cependant, les négociations dans ce domaine semblent une nouvelle fois bloquées
depuis décembre 2012, puisque le processus de consultation en vue de la révision
de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail 107 a été
momentanément arrêté suite à un constat de désaccord entre interlocuteurs sociaux.
En bref, la directive européenne de 2003 fixe une durée maximale moyenne de
48 heures par semaine, en autorisant un calcul sur quatre mois, un congé annuel payé
d’au moins quatre semaines, des périodes minimales de repos et une limitation de
la durée du travail de nuit 108. Plusieurs amendements, permettant diverses dérogations,
allongeant la durée de calcul ou portant sur les temps de garde, ont été adoptés entre
2004 et 2008. Ces dérogations permettent notamment de ne pas appliquer la limite
des 48 heures, sur la base d’accords volontaires individuels avec les travailleurs
(opt-out). Elles ont été introduites sous la pression du Royaume-Uni et de quelques
autres États membres. Entre-temps, la Cour de justice de l’Union européenne a créé
une jurisprudence en matière de temps de garde et de temps de repos qui va à l’encontre
des dérogations instaurées par les amendements, si bien qu’une révision de la directive
s’impose. La Commission européenne a entamé, en décembre 2010, une consultation
des organisations d’employeurs et de travailleurs, préalable à cette révision. Ce processus
permet une négociation directe entre employeurs et syndicats. La Confédération
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107
Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains
aspects de l’aménagement du temps de travail, Journal officiel de l’Union européenne, L 299, 18 novembre
108
2003.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 39.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 81
Pour terminer, nous présentons ici quelques questions qui n’ont pas pu être traitées
dans le cadre de cette étude, mais qui découlent assez logiquement des constats
qui ont été dressés. Il s’agit de pistes à explorer, à la fois dans la recherche et dans
la négociation collective.
109
M. LALLEMENT, « Les régulations du temps de travail en France », Informations sociales, n° 153, 2009,
110
p. 56-64.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit.
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82 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 83
119
G. CETTE, D. MÉDA, « Réduction du temps de travail et qualité de vie : le bilan des salariés », Tempos, n° 1,
120
2003.
A. WATT, « Work less to Pollute less? What Contribution Can or Must Working Time Reduction Play in
121
Reducing Carbon Emissions? », ETUI Workingpaper, n° 8, 2012.
122
D. MÉDA, « Réduire le temps de travail reste la solution », Projet, n° 336-337, novembre 2013, p. 119-129.
T. JACKSON, Prospérité sans croissance, Bruxelles, De Boeck, 2010, p. 138-141.
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84 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
de savoir si la quantité totale de travail à répartir sera plus grande ou plus petite reste
123
controversée .
En conclusion, face à ces trois questions – la place de la réduction du temps de travail
dans les politiques d’emploi, la perspective de la réduction du temps de travail
au cours du cycle de vie, le temps de travail et la transition écologique –, les chantiers
restent ouverts.
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123
J. GADREY, Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Paris, Les petits matins/Alternatives
économiques, 2010.
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Derniers numéros parus
2190 L’évaluation des politiques publiques en Wallonie
Pol Fyalkowski et David Aubin
2188-2189 Les décrets « inscriptions » et « mixité sociale »
de la Communauté française
Nathalie Ryelandt
2186-2187 L’enseignement en Communauté flamande (1988-2013)
Pieter Fannes, Bart Vranckx, Frank Simon et Marc Depaepe
2185 Le vieillissement au travail
Patricia Vendramin et Gérard Valenduc
2183-2184 Le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères
et la Politique de sécurité
Antoine Feron
2182 Le secteur des assurances
Anne Vincent
2180-2181 Le financement des entités fédérées dans l’accord de réformes
institutionnelles du 11 octobre 2011
Benoît Bayenet et Giuseppe Pagano
2179 Les fédérations sportives
Thierry Zintz et Mathieu Winand
2177-2178 Vingt ans de politique portuaire à Bruxelles (1993-2012)
I. Le contexte et les prémices
Geneviève Origer
2176 La régulation des ondes GSM
Caroline Deblander et Nathalie Schiffino
2174-2175 Grèves et conflictualité sociale en 2012
II. Secteur public et questions européennes
Iannis Gracos