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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Gérard Valenduc, Patricia Vendramin

CRISP | « Courrier hebdomadaire du CRISP »

2013/26 n° 2191-2192 | pages 5 à 84


ISSN 0008-9664
DOI 10.3917/cris.2191.0005
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2013-26-page-5.htm
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Courrier hebdomadaire
n° 2191-2192 • 2013

La réduction du temps de travail

Gérard Valenduc
Patricia Vendramin
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ISSN 0008 9664
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 5

1. LE TEMPS DE TRAVAIL EN BELGIQUE AUJOURD’HUI 7


1.1. La durée hebdomadaire du travail selon les trois régions 7
1.2. Les différences de durée du travail selon les branches d’activité 14
1.3. Les différences de durée du travail selon les professions 17
1.4. Les différences dans la durée contractuelle du travail 20
1.5. Les formules de réduction individuelle du temps de travail 21
1.5.1. Le temps partiel comme formule de réduction individuelle
du temps de travail 21
1.5.2. Le crédit-temps, la pause-carrière et les congés thématiques 23
1.6. Les préférences individuelles par rapport au temps de travail 24

2. L’ÉVOLUTION DU TEMPS DE TRAVAIL 26


2.1. Bref historique de l’évolution du temps de travail légal 26
2.1.1. La durée du travail hebdomadaire 27
2.1.2. Les congés payés 28
2.2. Le ralentissement d’une tendance historique 29
2.3. Quelques comparaisons internationales 31

3. UN APERÇU DES RECHERCHES SUR LA RÉDUCTION DU TEMPS


DE TRAVAIL 35
3.1. Les questions posées par les précurseurs 36
3.2. Les processus de création d’emplois ou de redistribution des emplois 37
3.2.1. Les mécanismes d’embauche compensatoire : le cas des 35 heures en France 37
3.2.2. Les mécanismes de redistribution négociée 42
3.2.3. Les politiques de redistribution à travers le travail à temps partiel 44
3.3. Réduction du temps de travail et réorganisation du travail :
l’enjeu de la flexibilité 46
3.4. Réduction du temps de travail et qualité de vie 49
3.4.1. La conciliation entre travail et hors-travail 50
3.4.2. Les impacts des horaires de travail sur la santé 51
3.4.3. Les impacts sur les conditions de travail en général 53
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4. VISION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL : © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
UNE ENQUÊTE EN BELGIQUE FRANCOPHONE 55
4.1. La position par rapport au temps 56
4.1.1. Le rapport au temps 56
4.1.2. La maîtrise du temps 57
4.1.3. L’importance relative du temps et du revenu 58
4.2. L’imaginaire autour de la réduction du temps de travail 61
4.2.1. Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail 62
4.2.2. Les opinions concernant la réduction du temps de travail 64
4.3. La vision des finalités de la réduction du temps de travail 67
4.3.1. Aperçu général 68
4.3.2. Aperçu comparatif 70
4.4. La perception de la mise en œuvre d’une réduction du temps de travail 71
4.4.1. La perspective d’une réduction de salaire 71
4.4.2. Les modalités de mise en œuvre d’une réduction du temps de travail 73
4.5. Les doutes autour de la réduction du temps de travail 75

CONCLUSION 79
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INTRODUCTION

La question de la réduction du temps de travail se trouve au carrefour de plusieurs


préoccupations : la réduction des inégalités dans le temps de travail, la création
d’emplois, l’amélioration de la qualité du travail et le niveau des salaires, mais aussi
l’enjeu collectif de la gestion du temps, la qualité de la vie et la place du travail dans
les parcours de vie.
Le présent Courrier hebdomadaire dresse un état des lieux actualisé de cette question
qui a sensiblement évolué au fil des dernières décennies, notamment parce que sa
dimension collective a largement cédé le pas à des formes individuelles de réduction
du temps de travail. Le premier chapitre décrit, sur la base de données statistiques,
les différentes facettes du temps de travail en Belgique aujourd’hui. Un accent particulier
est mis sur les inégalités dans la répartition du temps de travail, entre les femmes et
les hommes, entre les professions, ainsi qu’entre les secteurs d’activité. Le deuxième
chapitre s’attache à décrire l’évolution du temps de travail au cours des dix dernières
années, caractérisées par un net ralentissement de la tendance historique à la diminution
du nombre d’heures travaillées. Quelques comparaisons internationales permettent
de situer la Belgique par rapport aux pays voisins. Le troisième chapitre dresse un aperçu
des recherches existantes. Trois thèmes sont passés en revue : les processus de création
ou de redistribution des emplois en cas de réduction du temps de travail, les enjeux
liés à la réorganisation du travail et à la flexibilité, les impacts sur les conditions de vie
et de travail. Le quatrième chapitre présente les principaux résultats d’une enquête
réalisée en Wallonie et à Bruxelles en 2012, auprès d’un échantillon de salariés et
de demandeurs d’emploi. L’enquête prend la mesure des opinions actuelles à l’égard
de la réduction du temps de travail.
En conclusion, nous examinerons quelques pistes : la place de la réduction du temps
de travail parmi les autres politiques d’emploi, la perspective de la réduction du temps
de travail au cours du cycle de vie, et l’articulation entre temps de travail et transition
écologique.
Cette étude s’appuie principalement sur trois sources de données. Premièrement,
les résultats de l’enquête européenne sur les conditions de travail de 2010 (EWCS 2010)
relatifs à la Belgique. Cette enquête est réalisée tous les cinq ans par la Fondation
européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) 1.
En 2010, le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale a financé une extension de
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l’échantillon belge à 4 000 répondants ; cela permet de disposer, pour la première fois,
d’une enquête belge d’envergure sur les conditions de travail, tout en offrant une
comparaison aisée avec les autres pays européens. Deuxièmement, les résultats 2012
de l’enquête sur les forces de travail (LFS 2012). Cette enquête européenne, réalisée
dans chaque pays par les administrations statistiques nationales – c’est-à-dire par
la Direction générale des Statistiques et de l’Information économique du SPF Économie

* L’origine de ce Courrier hebdomadaire se situe dans une recherche relative au temps de travail, menée
1
par la Fondation Travail-Université à la demande de la CSC.
Les résultats de l’enquête de 2010 sont disponibles sur le site Internet d’Eurofound : www.eurofound.europa.eu.

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6 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

(DGSIE/Statbel) en Belgique – est menée de manière continue, avec une publication


2
de synthèse chaque année . Lorsqu’il s’agit de réaliser des comparaisons avec
EWCS 2010, ce sont les données 2010 de la LFS qui sont retenues. Troisièmement,
les résultats d’une enquête réalisée en Wallonie et à Bruxelles en 2012, à l’initiative
de la Confédération des syndicats chrétiens en Belgique (CSC). Menée auprès d’un
échantillon de 1 451 personnes, son objectif était de prendre la mesure des perceptions
contemporaines de la réduction du temps de travail dans ces deux régions.
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Les résultats belges sont accessibles sur le site Internet de la Direction générale des Statistiques et de
l’Information économique du SPF Économie : www.statbel.fgov.be. Les résultats européens se trouvent
sur le site Internet d’Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu.

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1. LE TEMPS DE TRAVAIL EN BELGIQUE
AUJOURD’HUI

L’objectif de ce premier chapitre est de décrire la variété des situations des salariés
belges en matière de temps de travail rémunéré. De nombreux salariés travaillent
davantage que leur horaire légal ou conventionnel. Le temps partiel a connu une
expansion considérable au cours des quinze dernières années et concerne surtout
les femmes. La durée habituelle du travail varie fortement d’une branche d’activité
à l’autre, ainsi que d’une profession à l’autre. Tout cela vient brouiller l’image d’un temps
de travail homogène et souligner les écarts entre la théorie, définie par la législation
et les conventions collectives de travail, et la pratique vécue par les salariés.

1.1. LA DURÉE HEBDOMADAIRE DU TRAVAIL


SELON LES TROIS RÉGIONS

Comment mesurer la durée du travail ? Il existe, d’une part, certaines données


administratives fournies par les entreprises et, d’autre part, des enquêtes qui interrogent
directement les travailleurs. Alors que les premières mesurent le temps de travail officiel,
les secondes permettent d’estimer le temps de travail réel. On dispose à ce sujet
de deux sources principales : l’enquête sur les forces de travail (LFS), réalisée sur
une base trimestrielle et dont les résultats sont consolidés sur une base annuelle, et
l’enquête européenne sur les conditions de travail (EWCS), réalisée tous les cinq ans.
Le graphique 1 illustre les différences entre les femmes et les hommes dans la répartition
de la durée hebdomadaire du travail, selon l’enquête LFS 2012.
Le tableau 1 montre la répartition des salariés résidant en Wallonie, à Bruxelles et en
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Flandre, selon leur durée hebdomadaire de travail « habituelle » 3, également d’après
l’enquête LFS 2012.

3
Selon l’enquête LFS, l’horaire hebdomadaire habituel est défini comme l’addition du temps de travail
normal (contractuel) et des heures supplémentaires régulières (rémunérées ou non), en moyenne par
rapport à une période de référence longue (1 à 3 mois) et sans tenir compte des congés, vacances, absences,
ni des navettes entre le domicile et le lieu de travail. On peut dire qu’il s’agit d’une « semaine standard ».

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8 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 1. Durée hebdomadaire habituelle du travail salarié selon le sexe


(Belgique, 2012)

Hommes Femmes

4% 6%
13 % 5%
2% 10 % 20 %
5%

26 %

30 % 21 %

44 %

5% 8%

1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h 1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h

Source : Enquête LFS 2012.

Tableau 1. Répartition des salariés selon la durée hebdomadaire habituelle du travail


et la région de résidence (en %, Belgique, 2012)

Wallonie Bruxelles Flandre Belgique


H F H+F H F H+F H F H+F H+F
Indéterminée 1,7 1,3 1,5 1,2 1,0 1,1 1,6 0,8 1,2 1,3
≤ 20 heures 4,4 21,3 12,3 7,6 15,0 11,2 3,7 20,2 11,6 11,8
21-30 heures 4,8 22,1 13,0 5,2 14,0 9,5 4,9 21,5 12,8 12,6
31-34 heures 2,0 6,7 4,2 1,3 4,3 2,8 2,9 9,0 5,8 5,0
35-36 heures 6,5 6,6 6,5 5,5 5,7 5,6 4,1 4,7 4,4 5,2
37-38 heures 46,1 29,9 38,5 45,6 41,0 43,3 41,4 27,6 34,8 36,7
39-40 heures 23,4 8,2 16,3 17,1 9,7 13,5 28,0 10,6 19,7 18,1
> 40 heures 11,0 4,0 7,7 16,5 9,3 13,0 13,5 5,6 9,7 9,4
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Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Source : Enquête LFS 2012.

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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 9

Le graphique 1 et le tableau 1 mettent en évidence plusieurs constats :


- Les temps de travail hebdomadaires des femmes et des hommes sont très
différents, à cause du travail à temps partiel. Selon l’enquête LFS 2012, 46 %
des femmes salariées ont un statut de travailleuses à temps partiel, contre 10 %
des hommes. Le graphique 1 montre que 41 % des femmes ont un horaire
habituel inférieur ou égal à 30 heures par semaine, contre 9 % des hommes.
Pour les horaires compris entre 31 et 34 heures par semaine, qui concernent
8 % des femmes et 3 % des hommes, il doit y avoir à la fois des temps pleins
et des temps partiels ; en effet, si l’on considérait tous les horaires inférieurs
à 35 heures comme des temps partiels, on arriverait à 49 % de temps partiels
parmi les femmes et 12 % parmi les hommes. La différence ne peut pas
s’expliquer par le seul fait que, dans certains secteurs (électricité, grande
distribution alimentaire), les conventions collectives ont fixé le temps plein
à 34 heures. C’est aussi parce que la notion d’horaire habituel comporte une
part d’appréciation subjective.
- Au niveau national, les durées hebdomadaires habituelles supérieures à
38 heures concernent 39 % des hommes et 16 % des femmes. Pour rappel,
la durée légale du travail est de 38 heures par semaine.
- Lorsque l’on examine les différences entre les régions, les écarts les plus
importants concernent les durées hebdomadaires longues : 44 % des hommes
et 16 % des femmes en Flandre, 34 % des hommes et 19 % des femmes
à Bruxelles, et 34 % des hommes et 12 % des femmes en Wallonie travaillent
plus de 38 heures par semaine. Ces écarts ne peuvent s’expliquer que
partiellement par des différences dans la structure de l’emploi des salariés
résidant dans les trois régions : davantage d’emplois dans le non-marchand
pour les Wallons, davantage d’emplois dans les services marchands et l’industrie
pour les Flamands, et une prédominance des services marchands pour les
Bruxellois. Il faut aussi faire intervenir un autre facteur explicatif, qui sera
développé plus loin : la décentralisation des négociations sur le temps de travail
au niveau des entreprises, qui pourrait avoir donné lieu à des résultats différents
selon les régions.
L’enquête européenne sur les conditions de travail (EWCS 2010), elle aussi, interroge
les répondants sur leur nombre d’heures de travail hebdomadaires habituelles.
Les résultats donnent des durées hebdomadaires sensiblement plus longues que dans
l’enquête LFS, si on se rapporte à la même année de référence 2010 (Graphique 2).
Selon l’enquête EWCS, la proportion de durées supérieures à 38 heures est plus élevée
(33 %, contre 28 % selon LFS), de même que les durées hebdomadaires comprises
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entre 31 et 36 heures (15 %, contre 11 % selon LFS). Il s’agit de données nationales
car la taille de l’échantillon EWCS ne permet pas de distinguer les trois régions
de manière statistiquement significative. Dans les deux enquêtes, il s’agit de données
établies sur la base des déclarations des salariés ; toutefois, l’enquête LFS précise mieux
comment définir une « semaine standard » et se réfère au temps de travail formel,
tandis que l’enquête EWCS laisse la porte ouverte à une interprétation plus large
du temps de travail.

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10 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 2. Durée hebdomadaire habituelle du travail salarié (Belgique, 2010)


Comparaison entre les enquêtes LFS et EWCS

LFS 2010 EWCS 2010

10 % 12 % 12 % 10 %

14 %
18 % 12 %
21 %

5% 5%

6%
9%

37 % 28 %

1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h 1-20h 21-30h 31-34h 35-36h 37-38h 39-40h >40h

Sources : Enquêtes LFS 2010 et EWCS 2010.

La durée hebdomadaire du travail des femmes et des hommes varie également selon
leur statut. Le graphique 3 distingue les salariés du secteur public, les employés
du secteur privé et les ouvriers du secteur privé. Les durées ont été regroupées en
trois catégories : longues (>38h), conventionnelles (35-38h) et à temps partiel (<35h) 4.
Ce graphique confirme que les horaires hebdomadaires longs sont majoritairement
masculins. Ils concernent en premier lieu les employés masculins du secteur privé :
près de la moitié d’entre eux (47 %) travaillent plus de 38 heures par semaine. Dans
le secteur public, les horaires longs sont moins fréquents. On notera aussi la proportion
importante d’ouvrières (63 %) qui travaillent à temps partiel (moins de 35 heures
par semaine). D’une manière générale, ce graphique met en évidence les disparités
de genre dans la répartition du temps de travail.
Le tableau 2 présente la même répartition que le graphique 3, mais en distinguant
les trois régions. Il montre que, dans le secteur privé, la proportion d’horaires longs
est plus élevée parmi les salariés flamands que parmi les salariés wallons et bruxellois.
Dans le secteur public, c’est chez les Bruxellois que les horaires sont les plus longs.
La proportion de salariés à temps partiel est nettement plus faible chez les femmes
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bruxelloises que chez les femmes wallonnes ou flamandes, quel que soit leur statut.
Ces données étayent les explications avancées pour rendre compte des écarts entre
régions dans le tableau 1. Ce sont bien les employés du secteur privé qui « tirent vers
le haut » la proportion d’horaires hebdomadaires supérieures à 38 heures par semaine.

4
Très rares sont les secteurs où la durée hebdomadaire conventionnelle à temps plein est inférieure à
35 heures.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 11

Graphique 3. Durée hebdomadaire du travail salarié selon le statut et le sexe


(Belgique, 2012)

Public F 47,8 % 35,6 % 16,7 %

Public H 17,4 % 56,8 % 25,8 %

Employés F 44,9 % 37,2 % 17,9 %

Employés H 9,1 % 44,2 % 46,7 %

Ouvriers F 62,8 % 29,7 % 7,5 %

Ouvriers H 11,3 % 49,1 % 39,6 %

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

<35h 35-38h >38h

Source : Enquête LFS 2012.

Tableau 2. Durée hebdomadaire habituelle du travail salarié


selon la région de résidence, le sexe et le statut (en %, Belgique, 2012)

<35h 35-38h >38h Total


Secteur public 15,8 62,2 22,0 100
Hommes Secteur privé : employés 9,0 48,1 42,9 100
Secteur privé : ouvriers 10,7 52,9 36,4 100
Wallonie
Secteur public 45,8 40,9 13,3 100
Femmes Secteur privé : employées 47,4 38,2 14,4 100
Secteur privé : ouvrières 68,5 26,1 5,4 100
Secteur public 12,3 53,3 34,4 100
Hommes Secteur privé : employés 12,1 46,7 41,2 100
Secteur privé : ouvriers 19,0 57,4 23,6 100
Bruxelles
Secteur public 27,0 48,5 24,5 100
Femmes Secteur privé : employées 30,7 47,5 21,8 100
Secteur privé : ouvrières 51,1 44,2 4,7 100
Secteur public 19,5 54,0 26,6 100
Hommes Secteur privé : employés 8,6 42,0 49,4 100
Secteur privé : ouvriers 10,7 46,4 42,8 100
Flandre
Secteur public 52,4 30,2 17,4 100
Femmes Secteur privé : employées 45,8 35,3 18,9 100
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Secteur privé : ouvrières 62,1 29,1 8,8 100
Source : Enquête LFS 2012.

Jusqu’ici, les données qui ont été présentées et commentées concernent la durée
habituelle du travail, mesurée par des enquêtes qui interrogent les salariés. Que peut-
on dire par ailleurs de la durée contractuelle du travail ? Le tableau 3 montre que
la durée hebdomadaire habituelle de travail est supérieure à la durée hebdomadaire
contractuelle, aussi bien pour les salariés à temps plein que pour les salariés à temps
partiel, et aussi bien pour les femmes que pour les hommes.

CH 2191-2192
12 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Tableau 3. Durée habituelle moyenne et durée contractuelle moyenne du travail salarié


selon la région de résidence, le régime d’occupation et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2011)
Durée Durée
habituelle contractuelle Différence
moyenne moyenne
Hommes 39,5 38,0 + 1,5
Temps plein Femmes 37,6 36,0 + 1,6
H+F 38,8 37,3 + 1,5
Wallonie
Hommes 23,9 23,5 + 0,4
Temps partiel Femmes 23,2 22,8 + 0,4
H+F 23,5 23,9 + 0,4
Hommes 40,2 38,1 + 2,1
Temps plein Femmes 38,7 37,4 + 1,3
H+F 39,6 37,8 + 1,8
Bruxelles
Hommes 22,7 21,3 + 1,4
Temps partiel Femmes 23,7 23,2 + 0,5
H+F 23,4 22,7 + 0,7
Hommes 40,4 38,3 + 2,1
Temps plein Femmes 38,5 36,7 + 1,8
H+F 39,8 37,7 + 2,1
Flandre
Hommes 24,5 23,9 + 0,6
Temps partiel Femmes 24,2 23,6 + 0,6
H+F 24,3 23,7 + 0,6
Hommes 40,1 38,2 + 1,9
Temps plein Femmes 38,3 36,5 + 1,8
H+F 39,5 37,6 + 1,9
Belgique
Hommes 24,1 23,5 + 0,6
Temps partiel Femmes 23,9 23,4 + 0,5
H+F 23,9 23,4 + 0,5
Source : SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, « Indicateurs de la Stratégie
européenne pour l’emploi », www.emploi.belgique.be (à partir des données de
l’enquête LFS 2011).

L’écart entre la durée habituelle et la durée contractuelle peut s’expliquer par


deux causes, qui peuvent se cumuler. D’une part, dans de nombreuses conventions
collectives sectorielles (cf. infra) ou conventions collectives d’entreprise, le passage
aux 38 heures au début des années 2000 s’est réalisé par l’ajout de jours de congé
plutôt que par la modification de la durée hebdomadaire. Or la « semaine standard »
de l’enquête sur les forces de travail est une semaine sans aucun jour de congé.
Il se peut donc que des salariés travaillent habituellement plus que leur durée
contractuelle de travail mais disposent de périodes de congé plus longues. D’autre
part, cet écart souligne l’importance des heures supplémentaires, rémunérées ou
non. Au niveau national, les salariés belges à temps plein travaillent en moyenne
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près de 2 heures par semaine en plus de leur horaire contractuel ; les Wallons font
un peu moins d’heures en supplément de leur horaire contractuel que les Bruxellois
et les Flamands.
L’enquête LFS demande également si, au cours de la « semaine de référence » où
l’enquête a eu lieu, les salariés ont travaillé un nombre d’heures identique, supérieur
ou inférieur à leur « semaine standard ». Les résultats sont les suivants. Ont un horaire
très variable, qui change de semaine en semaine : 8 % des travailleurs interrogés.
Ont travaillé davantage que pendant la semaine standard : 3 % (essentiellement pour

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 13

des raisons de flexibilité). Ont travaillé un nombre d’heures identique : 69 %. Ont


travaillé moins : 20 % (dans les trois quarts des cas, pour cause de congé, et dans
un cas sur cinq pour cause de situation particulière : maladie, congé de maternité ou
parental, intempéries, etc. Cela confirme le rôle important des congés, particulièrement
des congés de compensation, dans la modulation de la durée hebdomadaire du travail.
Le tableau 4 reprend quelques-unes des rares données officielles disponibles sur
les heures supplémentaires 5. Il indique qu’un faible pourcentage de travailleurs déclarent
effectuer des heures supplémentaires, mais que le nombre d’heures est élevé. Il convient
d’être attentif au fait qu’il peut s’agir d’heures complémentaires pour des temps partiels.
Le nombre d’heures ni rémunérées ni compensées est souvent supérieur au nombre
d’heures rémunérées. Les données de ce tableau doivent cependant être interprétées
avec prudence, compte tenu de leur faible représentativité.

Tableau 4. Heures supplémentaires (ou complémentaires) au cours de la semaine


de référence de l’enquête LFS selon la région de résidence et le sexe
(Belgique, 2011)

Proportion Moyenne des heures Moyenne des heures


de travailleurs supplémentaires rémunérées supplémentaires
concernés et non compensées ni rémunérées ni compensées
(en %) (en heures/semaine) (en heures/semaine)
Hommes 1,3 10,6 10,0
Wallonie Femmes 1,0 8,7 14,1
H+F 1,1 9,8 11,7
Hommes 2,0 8,1 13,1
Bruxelles Femmes 1,6 7,9 6,4
H+F 1,8 8,0 10,2
Hommes 2,1 8,2 11,7
Flandre Femmes 1,2 5,7 9,6
H+F 1,7 7,5 10,9
Hommes 1,9 9,0 11,6
Belgique Femmes 1,2 7,1 9,9
H+F 1,5 8,3 11,0
Source : SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, « Indicateurs de la Stratégie européenne pour l’emploi »,
www.emploi.belgique.be (à partir des données de l’enquête LFS 2011).
Remarque : Les deux dernières colonnes ne s’additionnent pas.
Lecture : Les hommes wallons qui prestent des heures supplémentaires rémunérées en font en moyenne 10,6
par semaine, ceux qui prestent des heures supplémentaires ni rémunérées ni compensées en font en
moyenne 10 par semaine.
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5
Ce tableau 4 ne peut pas être interprété en regard du tableau 3, car il s’agit ici des heures supplémentaires
effectuées lors de la « semaine de référence », alors que le tableau 3 concerne une « semaine standard ».

CH 2191-2192
14 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

1.2. LES DIFFÉRENCES DE DURÉE DU TRAVAIL


SELON LES BRANCHES D’ACTIVITÉ

La durée hebdomadaire du travail varie d’un secteur d’activité à l’autre, notamment


selon la nature de l’activité économique. C’est aussi une conséquence de la
décentralisation des négociations collectives sur la durée du travail au niveau des
commissions paritaires sectorielles, parfois au niveau des entreprises. Le graphique 4
indique la moyenne de la durée hebdomadaire habituelle du travail par secteur
(classification NACE), pour les salariés à temps plein, hommes et femmes, au niveau
national. Le tableau 5 ventile ces données selon la région de résidence des salariés
à temps plein. Le graphique 5 et le tableau 6 feront le même exercice pour les travailleurs
à temps partiel.

Graphique 4. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps plein selon le secteur et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)

34 35 36 37 38 39 40 41 42

Industrie manufacturière

Énergie

Eau, déchets, dépollution

Construction

Commerce, réparation, garage

Transport et logistique

HoReCa

Médias, télécoms, TIC

Finance et assurances

Immobilier

Services scientifiques et techniques

Services administratifs et de support

Administration publique
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Enseignement

Santé et action sociale

Loisirs, culture, spectacle

Associations et services divers

Hommes Femmes

Source : Enquête LFS 2012.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 15

Tableau 5. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps plein selon le secteur, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)

Wallonie Bruxelles Flandre


Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Industrie manufacturière 39,5 39,0 41,1 40,7 40,0 39,5
Énergie 39,4 38,7 41,6 38,5 40,2 38,2
Eau, déchets, dépollution 39,1 37,9 38,5 40,0 40,0 40,6
Construction 40,0 39,3 39,4 – 40,8 40,2
Commerce, réparation, garage 39,7 38,3 39,9 39,4 40,4 38,5
Transport et logistique 41,1 38,9 39,6 39,9 41,5 38,7
HoReCa 39,6 39,4 39,8 39,2 40,2 39,4
Médias, télécoms, TIC 39,8 39,0 41,2 38,9 41,6 39,6
Finance et assurances 41,1 38,7 41,3 38,6 40,7 38,7
Immobilier 41,3 39,2 37,4 38,2 42,0 40,9
Services scientifiques et techniques 40,3 38,7 39,9 42,2 42,0 39,4
Services administratifs et de support 40,5 37,8 39,4 39,1 39,8 38,9
Administration publique 39,0 38,0 40,1 38,9 39,4 39,0
Enseignement 35,4 34,0 38,8 35,8 37,0 35,3
Santé et aide sociale 39,7 38,8 40,3 39,2 40,0 39,0
Loisirs, culture, spectacle 38,2 37,9 38,3 38,8 39,7 39,0
Associations et services divers 40,9 38,3 42,0 40,6 41,5 37,9
Source : Enquête LFS 2012.

Si on excepte le cas particulier du secteur de l’enseignement, le graphique 4 et le


tableau 5 révèlent que, pour les travailleurs à temps plein, la moyenne des temps
de travail hebdomadaires habituels s’étale de 38 à 42 heures selon les secteurs et
selon les régions. Le temps de travail moyen des femmes est souvent plus proche des
38-39 heures, tandis que celui des hommes est souvent plus long. Dans de nombreux
secteurs, l’amplitude des différences sur une même ligne du tableau, c’est-à-dire entre
les travailleurs wallons, bruxellois et flamands ou entre les hommes et les femmes,
dépasse 2 heures par semaine.
Pour les femmes, la durée hebdomadaire moyenne du travail à temps partiel s’étale
de 18 heures (HoReCa) à 29 heures (énergie). Les temps partiels courts se retrouvent
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dans certains secteurs où les emplois sont souvent plus instables et moins bien rémunérés
(HoReCa, commerce et réparation, services administratifs et de support), tandis que
les temps partiels plus longs se retrouvent dans des secteurs mieux rémunérés (énergie,
finance, médias et TIC, services scientifiques et techniques). Le tableau 6 souligne des
écarts plus accentués lorsqu’on prend en compte la variable régionale.

CH 2191-2192
16 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 5. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps partiel selon le secteur et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)

17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29

Industrie manufacturière

Énergie

Construction

Commerce, réparation, garage

Transport et logistique

HoReCa

Médias, télécoms, TIC

Finance et assurances

Immobilier

Services scientifiques et techniques

Services administratifs et de support

Administration publique

Enseignement

Santé et action sociale

Loisirs, culture, spectacle

Associations et services divers

Hommes Femmes

Remarque : La ligne « Eau, déchets, dépollution », présente dans le graphique 4, n’est pas reprise ici, le nombre
de travailleurs à temps partiel concernés étant trop faible.
Source : Enquête LFS 2012.
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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 17

Tableau 6. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps partiel selon le secteur, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
Wallonie Bruxelles Flandre
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Industrie manufacturière 25,6 26,8 23,3 27,1 27,8 27,0
Énergie 30,5 26,7 – 30,0 27,7 29,7
Construction 25,4 25,3 24,8 15,0 26,4 25,4
Commerce, réparation, garage 23,7 23,2 20,3 24,5 24,8 24,3
Transport et logistique 26,4 25,5 23,6 22,1 27,1 26,8
HoReCa 20,7 18,1 21,0 16,6 18,9 18,6
Médias, télécoms, TIC 28,4 26,1 20,6 22,4 27,1 28,6
Finance et assurances 28,8 27,5 26,1 24,6 26,9 27,8
Immobilier 27,1 24,4 30,0 18,3 22,5 21,8
Services scientifiques et techniques 26,1 25,8 25,0 24,6 26,7 27,4
Services administratifs et de support 22,5 22,2 19,2 23,1 23,1 22,0
Administration publique 24,3 24,6 23,4 25,2 25,4 25,6
Enseignement 22,9 21,7 24,1 22,1 27,1 23,6
Santé et aide sociale 24,3 24,2 22,6 24,4 24,6 24,5
Loisirs, culture, spectacle 19,6 20,5 19,7 24,4 19,5 22,6
Associations et services divers 23,0 22,7 18,6 23,3 19,0 24,2
Source : Enquête LFS 2012.
Remarque : La ligne « Eau, déchets, dépollution », présente dans le tableau 5, n’est pas reprise ici, le nombre de
travailleurs à temps partiel concernés étant trop faible.

1.3. LES DIFFÉRENCES DE DURÉE DU TRAVAIL


SELON LES PROFESSIONS

La durée hebdomadaire du travail varie également selon les professions (classification


internationale ISCO) 6. Le graphique 6 concerne le travail à temps plein. Si on excepte

6
Professions intellectuelles et scientifiques : professions supérieures de l’ingénierie, architecture, recherche,
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gestion, marketing, informatique, justice, sciences sociales, culture, médias ; médecins, cadres infirmiers,
pharmaciens, dentistes, professions paramédicales ; enseignants (tous niveaux).
Techniciens, assistants et superviseurs : techniciens de la comptabilité, finance, immobilier, services
commerciaux ; travailleurs sociaux ; métiers du sport, des arts et des loisirs ; techniciens de l’industrie,
des laboratoires, des transports ; superviseurs, contrôleurs ; techniciens des TIC et médias ; techniciens
et assistants de la médecine et du paramédical ; infirmiers.
Employés administratifs : bureau, accueil, guichet, agences, etc.
Vendeurs et services aux particuliers : vendeurs, commerçants, caissiers, cuisiniers, aides-soignants, services
personnels, services de protection et sécurité.
Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat : ouvriers qualifiés de l’industrie et de la construction.
Opérateurs et conducteurs : ouvriers d’assemblage, opérateurs d’installations industrielles, conducteurs
d’engins ou véhicules.
Métiers peu qualifiés : nettoyage, ménage, manœuvres, livreurs, manutentionnaires, aides en cuisine, etc.

CH 2191-2192
18 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

la catégorie des dirigeants et cadres supérieurs, l’amplitude de la variation est moindre


que selon les secteurs. Des écarts importants sont observés entre les femmes et les
hommes parmi les cadres supérieurs, les professions intellectuelles et scientifiques,
ainsi que dans certains métiers moins qualifiés (opérateurs et conducteurs).

Graphique 6. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps plein selon la catégorie professionnelle et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)

34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45

Cadres de direction et gérants

Professions intellectuelles et scientifiques

Techniciens, assistants et superviseurs

Employés administratifs

Vendeurs et services aux particuliers

Métiers qualifiés de l'industrie et de l'artisanat

Opérateurs et conducteurs

Métiers peu qualifiés

Hommes Femmes

Source : Enquête LFS 2012.

Le tableau 7 montre que, hormis pour les cadres de direction et les professions
intellectuelles et scientifiques, les écarts entre régions sont beaucoup plus faibles que
dans le tableau 5, qui concernait les branches d’activité.

Tableau 7. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle) pour les salariés
à temps plein selon la catégorie professionnelle, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
Wallonie Bruxelles Flandre
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Cadres de direction et gérants 43,7 40,6 45,4 42,4 45,0 42,0
Professions intellectuelles et scientifiques 39,2 35,5 40,9 39,3 40,3 37,1
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Techniciens, assistants et superviseurs 40,0 38,6 40,7 39,3 40,1 39,1
Employés administratifs 38,8 38,2 39,0 38,1 38,7 38,3
Vendeurs et services aux particuliers 39,3 38,6 39,3 38,1 39,6 38,7
Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat 38,9 40,0 39,0 – 39,2 38,5
Opérateurs et conducteurs 40,4 37,3 39,2 38,0 41,0 38,1
Métiers peu qualifiés 38,2 37,5 38,0 38,2 38,6 37,9
Source : Enquête LFS 2012.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 19

Un graphique semblable au graphique 6 peut être construit pour la durée hebdomadaire


du travail à temps partiel (Graphique 7) selon les professions. Pour interpréter
ce graphique, il faut se rappeler que le travail à temps partiel concerne essentiellement
les femmes. Les temps partiels féminins sont plus longs parmi les cadres supérieurs ;
ils sont plus courts dans les métiers de la vente et des services aux particuliers, ainsi
que dans les métiers peu qualifiés – qui sont également moins bien rémunérés.
Les différences ou les asymétries hommes/femmes entre Wallons, Bruxellois et Flamands
(Tableau 8) sont plus réduites que dans le tableau 6, qui concernait les branches
d’activité.

Graphique 7. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle)


pour les salariés à temps partiel selon la catégorie professionnelle et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29

Cadres de direction et gérants

Professions intellectuelles et scientifiques

Techniciens, assistants et superviseurs

Employés administratifs

Vendeurs et services aux particuliers

Métiers qualifiés de l'industrie et de l'artisanat

Opérateurs et conducteurs

Métiers peu qualifiés

Hommes Femmes

Sources : Enquête LFS 2012 ; Direction générale des Statistiques et de l’Information économique du
SPF Économie.

Tableau 8. Durée hebdomadaire moyenne du travail (durée habituelle) pour les salariés à
temps partiel selon la catégorie professionnelle, la région de résidence et le sexe
(en heures/semaine, Belgique, 2012)
Wallonie Bruxelles Flandre
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Cadres de direction et gérants 27,8 25,8 20,6 28,7 25,3 29,8
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Professions intellectuelles et scientifiques 24,4 24,1 23,0 24,5 27,0 25,7
Techniciens, assistants et superviseurs 25,9 25,0 22,0 25,3 28,1 26,3
Employés administratifs 25,4 25,5 24,1 26,1 27,1 26,2
Vendeurs et services aux particuliers 22,6 22,4 20,2 21,3 21,9 23,4
Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat 24,9 25,5 21,1 27,1 26,2 25,5
Opérateurs et conducteurs 22,8 27,1 23,8 – 25,6 26,1
Métiers peu qualifiés 22,5 22,2 21,1 21,5 21,0 21,3
Source : Enquête LFS 2012.

CH 2191-2192
20 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

1.4. LES DIFFÉRENCES DANS LA DURÉE CONTRACTUELLE DU TRAVAIL

7
Depuis 2003, la durée légale du travail est de 38 heures par semaine , mais la loi laisse
la possibilité de négocier des conventions collectives qui maintiennent la durée
hebdomadaire à 40 heures avec des congés compensatoires, ou bien qui définissent
une durée hebdomadaire inférieure à 38 heures, avec diverses modalités de mise en
application (horaires hebdomadaires réels ou congés compensatoires). La législation
consacrait alors un état de fait : la plupart des conventions collectives sectorielles
prévoyaient déjà une durée hebdomadaire du travail inférieure ou égale à 38 heures.
La législation a permis une généralisation de cette norme, notamment aux PME.
Dans la pratique, la négociation de la durée contractuelle de travail s’effectue à
deux niveaux : au niveau des commissions paritaires sectorielles, qui définissent
un socle de normes communes à toutes les entreprises du secteur concerné, déterminées
dans des conventions collectives de travail (CCT) sectorielles, puis au niveau des
entreprises, où des CCT particulières peuvent être négociées 8. Par exemple, des CCT
d’entreprise peuvent fixer une durée du travail de 36 heures par semaine alors que
la CCT négociée en commission paritaire prévoit 38 heures par semaine. Ce processus
décentralisé de négociation de la réduction du temps de travail conduit à des situations
très diversifiées, non seulement au niveau de la norme hebdomadaire, mais aussi dans
les modalités d’application, notamment le choix d’opter pour une durée hebdomadaire
réduite ou pour une durée plus longue avec des congés de compensation. Dans certains
secteurs, il est possible d’aller jusqu’à doubler son quota de congés annuels en effectuant
contractuellement des prestations de 40 heures par semaine avec des jours de congé
de compensation – on ne parle pas ici d’heures supplémentaires récupérées.
À titre d’exemple, quelques commissions paritaires sectorielles ont fixé des normes
de temps de travail significativement inférieures à la durée légale :
- dans le secteur des assurances (CP306), un régime de 35 heures par semaine
a été introduit en 2001, en contrepartie d’une plus grande flexibilité des horaires
journaliers et hebdomadaires, notamment en avant-soirée et le samedi ;
- dans le secteur bancaire (CP310), la durée hebdomadaire du travail, qui était
déjà de 37 heures par semaine depuis 1979, a été réduite à 35 heures à partir de
2001. Elle est désormais calculée sur une base annuelle (1 620 heures par an) ;
- dans le secteur du gaz et de l’électricité (CP326), l’horaire hebdomadaire est
de 35 heures par semaine, avec des modalités d’application particulières pour
les employés qui travaillent par pauses de 8 heures ;
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- dans le commerce de détail, dès 1999, l’horaire hebdomadaire a été réduit à
35 heures dans la grande distribution (CP312, 311, 202a et 202b) et à 36,5 heures
dans le commerce de détail alimentaire (CP202c). Comme les emplois à temps
partiel ont conservé le même volume d’heures, cela a eu pour effet d’augmenter
le salaire des travailleurs à temps partiel ;

7
Loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie, Moniteur belge, 15 septembre
er
8
2001 (en vigueur depuis le 1 janvier 2003).
J. VERLY, E. MARTINEZ, « La négociation sectorielle », in É. ARCQ, M. CAPRON, É. LÉONARD, P. REMAN (dir.),
Dynamiques de la concertation sociale, Bruxelles, CRISP, 2010, p. 257-274.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 21

- dans le secteur des soins de santé, le personnel bénéficie depuis 2000 d’une
réduction du temps de travail en fin de carrière, avec maintien du salaire :
36 heures par semaine à partir de 45 ans, 34 heures à partir de 50 ans et
32 heures à partir de 55 ans. Le personnel peut continuer à prester 38 heures
9
par semaine avec des primes salariales .
On notera que dans ces exemples, ce sont les syndicats d’employés (CNE et SETCA)
qui ont été à la manœuvre au moment de négocier ces réductions du temps de travail.
Selon l’Observatoire européen des relations industrielles d’Eurofound (EIRO), la durée
conventionnelle moyenne du travail en Belgique était de 37,8 heures par semaine
en 2012 10. Il faut toutefois préciser que cette estimation tient compte des CCT sectorielles
mais pas des CCT d’entreprise.

1.5. LES FORMULES DE RÉDUCTION INDIVIDUELLE


DU TEMPS DE TRAVAIL

L’accent vient d’être mis sur la dimension collective de la réduction du temps de travail.
Toutefois, les dernières années ont été caractérisées par une expansion considérable
de diverses formules de réduction individuelle du temps de travail : le travail à
temps partiel, le crédit-temps (ou pause-carrière dans le secteur public) et les congés
thématiques.

1.5.1. Le temps partiel comme formule de réduction individuelle


du temps de travail

En 2012, dans l’ensemble de la Belgique, 46 % des femmes et 10 % des hommes


travaillaient à temps partiel. Quinze ans plus tôt, ces pourcentages étaient respectivement
de 31 % et 3 %. Le travail à temps partiel féminin est moins répandu parmi les
Bruxelloises (32 %) que parmi les Wallonnes (46 %) et les Flamandes (48 %). Le travail
à temps partiel est essentiellement féminin : 81 % des temps partiels sont des femmes.
Quant au travail à temps partiel masculin, il est surtout concentré en fin de carrière,
parmi les travailleurs de 50 ans et plus ; dans cette tranche d’âge, 16 % des hommes
travaillent à temps partiel 11. Considéré dans les années 1980 comme une forme
dégradée du contrat d’emploi, l’emploi à temps partiel fait aujourd’hui l’objet d’une
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réglementation cohérente, qui résulte de compromis négociés entre les interlocuteurs
sociaux de manière à fixer une durée minimale du temps partiel et à garantir les droits
à la sécurité sociale des travailleurs à temps partiel 12.

9
10
Ibidem, p. 269.
Eurofound, Developments in Collectively Agreed Working Time 2012, Dublin, European Foundation for
the Improvement of Living and Working Conditions, 2013.
11
12
Enquête LFS 2012.
J. DEUMER, « Flexicurité et qualité de l’emploi : le cas du travail à temps partiel », Courrier hebdomadaire,
CRISP, n° 2074-2075, 2010.

CH 2191-2192
22 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Pour comprendre dans quelle mesure le travail à temps partiel est utilisé comme
formule de réduction individuelle du temps de travail, il faut s’intéresser aux raisons
du recours au travail à temps partiel 13. Le tableau 9 classe ces raisons en trois catégories :
le temps partiel choisi, le temps partiel contraint (à cause des caractéristiques
du marché du travail, de l’insuffisance des services aux familles ou en raison de statuts
particuliers) et le temps partiel dit « de compromis », c’est-à-dire pour diverses raisons
personnelles ou familiales qui résultent d’un arbitrage entre temps et argent ou d’un
compromis au niveau des ménages. Ces compromis sont fortement marqués par
les rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes dans la répartition des tâches
de soins et des autres charges familiales.
Le temps partiel choisi et le temps partiel de compromis peuvent être considérés comme
des formules de réduction individuelle du temps de travail. Ensemble, ils représentent
38,3 % des temps partiels féminins et 30,4 % des temps partiels masculins (Tableau 9).

Tableau 9. Raisons du travail à temps partiel selon le sexe


(en % de l’emploi salarié à temps partiel, Belgique, 2012)
Hommes Femmes H+F
Temps partiel choisi
6,7 10,8 10,0
(choix volontaire de ne pas exercer un travail à temps plein)

Temps partiel contraint : raisons liées au marché du travail 34,1 26,4 28,0

Pas trouvé d’emploi à temps plein 13,7 8,3 9,3


Emploi souhaité offert uniquement à temps partiel 11,8 14,0 13,6
Pour compléter un autre temps partiel 6,4 2,6 3,4
Suite à la situation économique 1,1 0,6 0,7
Mauvaises conditions de travail 1,1 0,9 1,0
Temps partiel contraint : raisons liées aux services aux familles
5,1 22,0 18,7
(services de soins non disponibles : garderie, aide aux personnes)
Temps partiel contraint : raisons liées à des statuts particuliers 20,1 8,3 10,5
Prépensionné 5,1 1,3 2,0
Temps partiel lié à une incapacité de travail 8,1 4,6 5,2
Combinaison formation/emploi 6,9 2,4 3,3
Temps partiel de compromis
23,7 27,5 26,7
(autres raisons personnelles ou familiales)
Autres raisons ou pas de réponse 10,3 5,0 6,1

Total 100 100 100


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Source : Enquête LFS 2012.

Le tableau 9 illustre bien la répartition inégalitaire des différentes formes de travail


à temps partiel entre les femmes et les hommes 14. Le travail à temps partiel contraint
des femmes est essentiellement dû à des raisons liées aux services aux familles, tandis

13
Sur le cadre socio-politique général expliquant le recours croissant au travail à temps partiel pour réduire
14
le temps de travail en lieu et place de la réduction collective du temps de travail, cf. infra.
Pour une analyse plus détaillée des inégalités de genre dans le temps partiel, cf. G. VALENDUC, Les femmes
et l’emploi atypique, Bruxelles-Namur, Femmes CSC/Fondation Travail-Université, 2012.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 23

que le travail à temps partiel contraint des hommes est dû à des raisons liées au marché
du travail ou à des statuts particuliers. Le temps partiel « de compromis » est un peu
plus fréquent chez les femmes que chez les hommes.

1.5.2. Le crédit-temps, la pause-carrière et les congés thématiques

Le crédit-temps, qui date de 2002 dans sa forme actuelle mais dont les conditions
15
d’accès ont été revues en 2012 , comporte trois formules : interruption à temps plein,
réduction des prestations à mi-temps et réduction des prestations à quatre cinquièmes
temps. Dans le secteur privé, il a succédé au régime de la pause-carrière. Celle-ci est
restée en vigueur dans le secteur public, dans des conditions assez semblables au crédit-
temps. Quant aux congés thématiques, ils concernent le congé parental, le congé pour
soins palliatifs et le congé pour assistance médicale à un proche. S’y ajoute le système
16
de prépension à mi-temps , qui est resté très peu répandu et qui est en cours
d’extinction suite aux mesures gouvernementales prises en 2012. Dans la plupart
des cas, il s’agit de réduction des prestations ; les interruptions complètes ne représentent
que 5 % de l’ensemble des formules.
Ensemble, ces formules de réduction individuelle du temps de travail concernent 7 %
des salariés en 2012 (10 % des femmes et 4,5 % des hommes). Elles ont connu un succès
croissant au cours des douze dernières années : elles concernaient 272 704 salariés
en 2012, contre 98 385 en 2000 17. Le tableau 10 retrace cette évolution. Il convient
d’être attentif au fait que ces chiffres ne s’additionnent pas à ceux du travail à temps
partiel (Tableau 9), puisqu’ils y sont inclus.
Les formules de réduction individuelle du temps de travail sont particulièrement
prisées par les travailleurs âgés : 60 % des femmes et 87 % des hommes en crédit-
temps sont des salariés de 50 ans et plus, de même que 60 % des femmes et 89 %
des hommes en pause-carrière. Par rapport à l’ensemble des travailleurs de 50 ans
et plus, les femmes qui ont opté pour une de ces mesures représentent 17 % des
salariées et les hommes 11 % des salariés.
On retrouve dans le crédit-temps des inégalités de genre semblables à celles qui ont
déjà été mises en évidence pour le temps partiel. Pourtant, lors de sa mise en place,
le système d’interruption de carrière avait pour objectif de réduire les inégalités entre
les femmes et les hommes, à travers une modulation plus équitable de la répartition
du travail au cours du parcours de vie. On ne peut pas dire que cet objectif ait été
18
réellement atteint , même si des améliorations ont eu lieu.
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15
Loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, Moniteur belge, 24 janvier
1985 ; Convention collective de travail n° 103 du 27 juin 2012 instaurant un système de crédit-temps,
de diminution de carrière et d’emplois de fin de carrière, ratifiée par l’arrêté royal du 25 août 2012
modifiant le système d’interruption de carrière pour ce qui concerne le secteur public (Moniteur belge,
er
16
31 août 2012) et en vigueur le 1 septembre 2012.
T. CLAES, « La prépension conventionnelle (1974-2012) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2154-2155,
17
2012.
18
ONEM, Base de données statistiques en ligne, www.onem.be.
A. F. THEUNISSEN, « Crédit-temps : la fin d’une utopie », Politique, n° 67, 2010, p. 40-43.

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24 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Tableau 10. Évolution du nombre de salariés en crédit-temps, pause-carrière ou congé


thématique selon la formule de réduction individuelle du temps de travail et le sexe
(Belgique, 2000 et 2012)
2000 2012
Hommes Femmes H+F Hommes Femmes H+F
Interruption complète 4 064 17 722 21 786 3 112 9 753 12 865
Réduction des prestations 10 278 55 689 65 967 67 097 129 596 196 693
Congés thématiques 676 8 864 9 540 17 669 44 791 62 459
Prépension à mi-temps 889 203 1 092 523 163 686
Total 15 907 82 478 98 385 88 401 184 304 272 704
Source : ONEM, Base de données statistiques en ligne, www.onem.be.

1.6. LES PRÉFÉRENCES INDIVIDUELLES PAR RAPPORT AU TEMPS


DE TRAVAIL

L’enquête EWCS 2010 pose la question suivante : « En supposant que vous puissiez
choisir librement vos heures de travail et en tenant compte du besoin de gagner sa vie,
combien d’heures par semaine préféreriez-vous travailler actuellement ? » La réponse
peut être comparée au nombre d’heures hebdomadaires habituelles travaillées par
chaque répondant. En moyenne, pour la Belgique, 63 % souhaitent travailler le même
nombre d’heures qu’actuellement, 23 % souhaitent travailler moins et 14 % souhaitent
travailler plus. Il y a cependant de grandes différences entre les femmes et les hommes,
ainsi qu’entre les personnes à temps plein et celles à temps partiel. De plus, certains
souhaitent une réduction (ou une augmentation) courte, d’autres une réduction (ou
une augmentation) plus importante. Le tableau 11 présente les résultats.

Tableau 11. Préférences individuelles des salariés en termes de diminution


ou d’augmentation de la durée hebdomadaire du travail selon le sexe
(en %, Belgique, 2010)
Temps plein Temps partiel Total
Hommes Femmes Hommes Femmes H+F
Diminution ≥8h 9 14 ns 4 9
Travailler moins
Diminution <8h 16 22 ns 6 14
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Pas de changement 67 60 55 62 63
Augmentation <8h 4 ns 12 9 6
Travailler plus
Augmentation ≥8h 4 ns 27 19 8
Total 100 100 100 100 100
Source : Enquête EWCS 2010.
Légende : ns = non significatif.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 25

Ce tableau met en évidence plusieurs types de souhaits. Parmi les hommes travaillant
à temps plein, 25 % souhaiteraient travailler moins ; la majorité d’entre eux souhaiterait
une réduction du temps de travail inférieure à une journée (8 heures). Parmi les femmes
travaillant à temps plein, 36 % souhaiteraient travailler moins ; elles sont un peu plus
nombreuses à souhaiter une diminution plus importante de leur horaire. Parmi
les hommes travaillant à temps partiel, seule une faible majorité (55 %) ne souhaiterait
pas de changement, tandis que 39 % souhaiteraient travailler davantage et la plupart
d’entre eux plus de 8 heures par semaine en plus. Cela indique une prévalence
importante de temps partiels contraints. Parmi les femmes travaillant à temps partiel,
les souhaits sont plus contrastés. Alors que 10 % souhaiteraient travailler moins, 28 %
souhaiteraient travailler plus : 9 % jusque 8 heures en plus et 19 % au-delà de 8 heures
en plus. Ici aussi, ces données indiquent une forte prévalence du travail à temps partiel
contraint.
On peut donc dire que, grosso modo, un salarié sur trois souhaiterait un rééquilibrage
de son temps de travail, essentiellement dans le sens d’une diminution pour ceux
qui travaillent à temps plein et d’une augmentation pour ceux qui travaillent à temps
partiel. Deux salariés sur trois s’accommodent bien de leur temps de travail actuel.
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2. L’ÉVOLUTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Depuis un quart de siècle, la tendance historique à la diminution du temps de travail


marque le pas. En Belgique, c’est à l’expansion du travail à temps partiel que l’on doit
la très légère diminution du nombre moyen d’heures travaillées par salarié, depuis
2000. La situation est semblable dans les pays voisins.

2.1. BREF HISTORIQUE DE L’ÉVOLUTION DU TEMPS


DE TRAVAIL LÉGAL

Avant de se pencher sur l’évolution des années récentes, il n’est pas sans intérêt de
rappeler les grandes lignes de l’évolution de la réglementation belge relative au temps
de travail. Dans ce bref historique 19, qui commence après la Seconde Guerre mondiale 20
avec la construction du modèle de concertation sociale, nous n’envisagerons que
les deux éléments les plus symptomatiques : la durée du travail hebdomadaire et
les congés payés – à l’exclusion, donc, d’autres éléments tels que les jours fériés ou
les congés spéciaux (congés éducation, congés parentaux, congés maladie). Surtout,
l’exposé se concentrera uniquement sur la législation – à l’exclusion, donc, des multiples
conventions collectives de travail, sectorielles ou d’entreprises, relatives au temps
de travail.
On notera d’emblée une constante dans cette évolution historique : la négociation
collective a toujours précédé la loi, celle-ci ayant eu pour rôle d’officialiser les accords
conclus par les interlocuteurs sociaux.
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19
M. JAMOULLE, É. GEERKENS, G. FOXHAL, F. KEFER, S. BREDAEL, Le temps de travail. Transformations du droit
et des relations collectives de travail, Bruxelles, CRISP, 1997 ; L. CICCIA, Réduire collectivement le temps de
travail : pour une plus juste distribution des richesses pour travailler tous et pour vivre mieux !, Bruxelles,
Collectif Solidarité contre l’exclusion, emploi et revenu pour tous, 2001, www.asbl-csce.be.
20
Pour les étapes antérieures, cf. J. NEUVILLE, L’évolution des relations industrielles, tome 2 : La lutte pour
la maîtrise du temps, partie 2 : La conquête des 8 heures et la revendication des 40 heures, Bruxelles,
Éditions Vie ouvrière, 1981.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 27

2.1.1. La durée du travail hebdomadaire


21
Au début des années 1950, la durée hebdomadaire du travail est de 48 heures , avec
une réduction à 40 heures dans les industries nécessitant un travail dans des conditions
22
insalubres, dangereuses ou éreintantes .
Suite à une campagne menée essentiellement par la CSC, la loi du 20 juillet 1960
23
instaure la semaine de 5 jours, en garantissant le salaire hebdomadaire . Très
logiquement, les syndicats œuvrent alors à obtenir la généralisation de la semaine
de 40 heures. La première étape de ce cheminement est franchie par la loi du 15 juillet
24
1964, qui réduit la durée normale du travail de 48 à 45 heures par semaine . Cette loi
trouve son origine dans un accord social conclu en 1955 au sein du Conseil national
du travail. La seconde étape est atteinte avec les accords interprofessionnels du 7 février
1969 et du 6 avril 1973. Le premier prescrit la réduction du temps de travail d’1 heure
par semaine en 1969 en cas de semaine de travail de 44-45 heures, puis d’1 heure
par semaine en 1970-1971 en cas de semaine de travail de 43-44 heures. Le second
25
instaure le régime de 40 heures par semaine en 1975 . Cette évolution est consacrée
26
par la loi du 20 juillet 1978 .
La loi du 26 juillet 1996 abaisse la durée du travail hebdomadaire à 39 heures 27.
Les secteurs et les entreprises ont jusqu’au 1er janvier 1999 pour conclure des CCT
concrétisant cette mesure. La durée de travail peut être abaissée de manière équivalente
sur une base autre qu’hebdomadaire (mois, trimestre, semestre ou année). L’arrêté
royal du 11 décembre 1998 garantit le droit aux 39 heures par semaine pour
les travailleurs non liés par une telle CCT 28.
Enfin, par la loi du 10 août 2001, la durée du travail hebdomadaire est réduite à
er
38 heures à partir du 1 janvier 2003, moyennant diverses modalités particulières
d’application dans certains secteurs 29. Cette loi vient officialiser une situation de fait,
car la plupart des conventions collectives de travail sectorielles prévoyaient déjà
une durée hebdomadaire du travail égale ou inférieure à 38 heures. Telle est d’ailleurs
la raison pour laquelle rien de particulier n’apparaît en 2003 dans nos séries statistiques
(cf. infra).
Actuellement, la durée légale du travail est donc de 8 heures par jour et de 38 heures
par semaine (en moyenne, sur une base annuelle). Le dépassement de ces limites ne
peut excéder 1 heure par jour et 7 heures par semaine.
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21
22
Cf. loi du 14 juin 1921, Moniteur belge, 20 juin 1921.
23
Cf. loi du 9 juillet 1936, Moniteur belge, 11 juillet 1936.
Moniteur belge, 22 juillet 1960.
24
Moniteur belge, 24 octobre 1964. Cette loi sera incorporée plus tard dans la loi du 16 mars 1971 sur le travail
25
(Moniteur belge, 30 mars 1971).
Cf. aussi l’accord interprofessionnel du 15 juin 1971, qui appelait à ce régime de 40 heures par semaine à
partir de 1975, et les conventions collectives de travail n° 14 du 22 novembre 1973 et n° 14 bis du 26 mars
26
1975.
Moniteur belge, 29 septembre 1978.
27 er
28
Moniteur belge, 1 août 1996.
29
Moniteur belge, 17 décembre 1998.
Moniteur belge, 15 septembre 2001.

CH 2191-2192
28 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

2.1.2. Les congés payés

Le principe des congés payés a été introduit en Belgique au début des années 1920.
Il a été officialisé par la loi du 8 juillet 1936, qui a accordé une première semaine
de congés payés aux travailleurs, moyennant certaines restrictions liées à l’ancienneté
et à la taille de l’entreprise 30.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les vacances sont de 3 semaines pour
les travailleurs de moins de 18 ans, de 2 semaines pour ceux âgés d’entre 18 et 21 ans
31
et d’une semaine pour ceux de 21 ans et plus . Après diverses dispositions transitoires
32
visant à accorder des congés supplémentaires liés à l’ancienneté , la deuxième semaine
de congés payés est systématisée pour tous les travailleurs de plus de 21 ans par la loi
33
du 4 juillet 1956 . Cette évolution est à mettre en lien avec la recommandation n° 98
de l’Organisation internationale du travail du 23 juin 1954, qui a proclamé le droit
à des vacances d’une durée « au moins égale à deux semaines de travail ».
L’étape vers l’instauration d’une troisième semaine de congés payés – jusqu’alors
donc réservée aux seuls travailleurs âgés de moins de 18 ans – est franchie à la suite
de l’accord interprofessionnel du 12 décembre 1963. Une demi-semaine de vacances
est octroyée en 1964 et une semaine entière l’année suivante. Toutefois, bien que
les CCT aient été rendues obligatoires par arrêté royal, des milliers de travailleurs
restent exclus de cet avantage. La loi du 13 juin 1966 met fin à cette différence de
traitement, en intégrant la troisième semaine de congés payés dans le régime légal 34.
Cette fois, la Belgique a précédé l’OIT. C’est en effet quatre ans plus tard, en 1970,
que la convention n° 132 de l’OIT fixera à 3 semaines la durée minimale du congé
annuel rémunéré.
Enfin, la quatrième semaine de congés payés est obtenue par l’accord interprofessionnel
du 15 juin 1971 (confirmé par l’accord interprofessionnel du 6 avril 1973), qui prévoit
son instauration au plus tard en 1975. Cette évolution est définitivement consacrée
par la loi du 28 mars 1975 35. Ce régime prévaut encore aujourd’hui.
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30
Moniteur belge, 11 juillet 1936 (loi appliquée dès les vacances de l’année en cours). Cf. aussi l’arrêté royal © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
du 6 octobre 1936 et la loi du 20 août 1938.
31 er
Cf. loi du 20 août 1938, Moniteur belge, 21 août 1938 (loi en vigueur à partir du 1 avril 1939) ; loi du
32
16 juin 1947, Moniteur belge, 4 juillet 1947 (loi appliquée dès les vacances de l’année en cours).
er
Cf. loi du 27 mai 1952, Moniteur belge, 30 mai 1952 (loi en vigueur à partir du 1 janvier 1953) ; loi du
er
33
11 mars 1954, Moniteur belge, 29 mars 1954 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1954).
er
Moniteur belge, 8 juillet 1954 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1954). La limite d’âge
sera abaissée à 18 ans par la loi du 28 mars 1964, Moniteur belge, 3 avril 1964 (loi appliquée rétroactivement
er
34
à partir du 1 janvier 1964).
er
35
Moniteur belge, 18 juin 1966 (loi en vigueur à partir du 1 janvier 1967).
er
Moniteur belge, 8 avril 1975 (loi appliquée rétroactivement à partir du 1 janvier 1975).

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 29

2.2. LE RALENTISSEMENT D’UNE TENDANCE HISTORIQUE


36
La diminution du temps de travail est une tendance historique longue . En soixante ans,
de 1950 à 2010, la durée annuelle moyenne du travail en Belgique est passée de plus
de 2 000 heures à moins de 1 450 heures. Trois périodes historiques peuvent être
distinguées.
Jusqu’au début des années 1970, la diminution de la durée du travail est principalement
due à l’augmentation de la productivité du travail, liée au progrès technique. Dans
le modèle fordien, qui connaît ses heures de gloire à cette époque, la négociation
collective permet de redistribuer les gains de productivité, d’une part en accumulation
du capital, d’autre part en indexation des salaires et en diminution collective de
la durée du travail. De plus, lorsqu’on calcule la durée annuelle moyenne sur tous
les travailleurs, salariés ou indépendants, un autre phénomène intervient, à savoir
l’expansion de l’emploi salarié au détriment de l’emploi indépendant ; ce facteur
contribue également à réduire le nombre total d’heures travaillées.
À partir du premier choc pétrolier (1973), la tendance à la diminution du temps de
travail salarié se poursuit, mais les causes changent. La diminution est due non seulement
aux gains de productivité, mais aussi à une réduction des heures supplémentaires
dans l’industrie, à une augmentation du nombre de jours de congé et aux premières
mesures négociées de réduction collective de la durée hebdomadaire du travail, pour
faire face à la crise du modèle fordien et à la montée du chômage structurel. Le célèbre
slogan « 36 heures sans perte de salaire, tout de suite et pour le plein emploi » date
de cette époque (1976) – et donc aussi d’une génération entrée sur le marché du
travail dans un contexte de crise de l’emploi, qui est devenu permanent depuis lors.
À partir du milieu des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, la durée hebdomadaire
du travail des salariés à temps plein n’a quasiment plus diminué ; elle stagne légèrement
en dessous de 40 heures. Si, de 1985 à 2011, la durée hebdomadaire moyenne est
passée de près de 40 heures à moins de 36, c’est à cause de l’expansion du travail
à temps partiel, essentiellement parmi les femmes. Sur cette période, le nombre de
femmes travaillant à temps partiel a quasiment doublé, et la proportion de travailleuses
à temps partiel parmi les salariées est passée de 21 % à 46 %.
Depuis 1985, la tendance historique a donc changé de nature. Ce n’est plus à
l’accroissement de la productivité et à ses conséquences qu’il faut attribuer la réduction
de la durée du travail, puisque le « temps plein standard » ne diminue plus, mais au
développement du travail à temps partiel des femmes. De collective, la diminution
de la durée du travail s’est faite essentiellement individuelle.
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Les graphiques 8 (données OCDE) et 9 (données LFS) illustrent cette tendance au cours
des douze dernières années. Selon l’OCDE, le temps de travail annuel des salariés
belges est resté assez stable entre 2000 et 2012, les fluctuations n’ayant pas excédé
2 %. Il a très légèrement augmenté, passant de 1 422 heures en 2000 à 1 443 heures
en 2012 – mais si on prend l’année 2001 comme référence de départ, il s’agit d’une
légère diminution.

36
G. BOUVIER, F. DIALLO, « Soixante ans de réduction du temps de travail dans le monde », INSEE Première,
n° 1273, janvier 2010.

CH 2191-2192
30 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 8. Évolution de la durée annuelle moyenne du travail salarié


(en nombre d’heures, Belgique, 2000 à 2012)

1 500

1 480

1 460

1 440

1 420

1 400
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Source : Base de données « emploi » de l’OCDE, www.oecd.org.

Selon l’enquête LFS (Graphique 9), la durée hebdomadaire moyenne du travail est
restée stable, passant de 35,4 heures en 2000 à 35,1 heures en 2012, pour l’ensemble
des salariés. Pour les travailleurs à temps plein, elle a légèrement augmenté, passant
de 38,6 à 39,2 heures. Pour ceux à temps partiel, elle a augmenté plus significativement,
passant de 22,5 à 24,3 heures.

Graphique 9. Évolution de la durée hebdomadaire moyenne du travail salarié


(durée habituelle) selon le régime d’occupation
(en heures/semaine, Belgique, 2000 à 2012)
42

40

38

36

34

32

30

28

26

24

22

20
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2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Travailleurs à temps plein Travailleurs à temps partiel Total

Source : Enquêtes LFS.

L’explication de la légère diminution de la durée hebdomadaire moyenne réside dans


l’augmentation considérable du nombre d’emplois à temps partiel par rapport à
une relative stagnation de l’emploi à temps plein, chez les hommes et chez les femmes,
de 2000 à 2012 (Tableau 12).

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 31

Tableau 12. Évolution du nombre d’emplois salariés à temps plein et à temps partiel
selon le sexe (Belgique, 2000, 2006 et 2012)
Pourcentage
Variation Accroissement
2000 2006 2012 de variation
sur 12 ans annuel moyen
sur 12 ans
H 1 841 623 1 811 430 1 825 722 – 15 901 – 0,86 % – 0,01 %
Temps plein F 887 384 917 305 987 694 + 100 310 + 11,30 % + 0,90 %
H+F 2 729 007 2 728 735 2 813 416 + 84 409 + 3,09 % + 0,26 %
H 105 907 150 542 200 803 + 94 896 + 89,60 % + 5,48 %
Temps partiel F 575 739 701 508 841 363 + 265 624 + 46,14 % + 3,21 %
H+F 681 646 852 050 1 042 166 + 360 520 + 52,89 % + 3,60 %
H 1 947 530 1 961 972 2 026 525 + 78 995 + 4,06 % + 0,33 %
Total F 1 463 123 1 618 813 1 829 057 + 365 934 + 25,01 % + 1,88 %
H+F 3 410 653 3 580 785 3 855 582 + 444 929 + 13,05 % + 1,03 %
Source : Enquêtes LFS.

La légère augmentation de la durée hebdomadaire moyenne du travail à temps plein


au cours de la période 2000-2012 a concerné tous les secteurs et toutes les professions.
Les disparités entre secteurs et entre professions, mises en évidence dans les graphiques
4 à 7 à propos des données 2012, existaient déjà douze ans plus tôt.

2.3. QUELQUES COMPARAISONS INTERNATIONALES

Le graphique 10 compare la durée hebdomadaire du travail en Belgique, dans des pays


voisins (Allemagne, France, Pays-Bas et Royaume-Uni), dans les pays de l’ancienne
Europe des 15 et dans l’Europe des 27 37, en 2012. La durée habituelle du travail
(au sens de l’enquête LFS, cf. supra) est comparée à la durée conventionnelle moyenne
du travail, établie par une étude Eurofound sur la base des conventions collectives
de travail nationales et sectorielles.
Il en ressort un écart systématique entre la durée conventionnelle et la durée habituelle
du travail à temps plein. C’est en France et au Royaume-Uni que cet écart est le plus
important : en moyenne, la durée habituelle du travail à temps plein y est supérieure,
respectivement, de 4,2 heures et de 4,7 heures à la durée conventionnelle. Le
graphique 10 met également en évidence des écarts importants en matière de durée
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du travail des travailleurs à temps partiel. C’est en Belgique que la durée moyenne
du temps partiel est la plus longue (24 heures par semaine), et c’est en Allemagne

37
Pour rappel, l’Europe des 15 correspond à l’ensemble des pays qui appartenaient à l’Union européenne
entre 1995 et 2004 : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France,
la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède. Quant
à elle, l’Europe des 27 correspond à l’ensemble des pays qui appartenaient à l’Union européenne entre le
er
1 janvier 2007 et le 30 juin 2013, c’est-à-dire les quinze précédemment cités ainsi que la Bulgarie,
Chypre (hormis la partie nord de l’île), l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne,
la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

CH 2191-2192
32 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

(18,2 heures par semaine) et au Royaume-Uni (19,3 heures par semaine) qu’elle est
la plus courte. La durée hebdomadaire moyenne pour tous les salariés tient compte du
poids du travail à temps partiel dans chaque pays. Elle est la plus courte aux Pays-Bas,
où 48 % des salariés travaillent à temps partiel. La Belgique, l’Allemagne, la France
et le Royaume-Uni se situent dans une fourchette assez étroite : de 34,6 heures en
Allemagne à 36,2 heures au Royaume-Uni.

Graphique 10. Durée hebdomadaire du travail salarié (en heures/semaine, 2012)


45

40

35

30

25

20

15
Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni UE-15 UE-27

Durée conventionnelle Durée habituelle (temps plein)


Durée habituelle (temps partiel) Durée habituelle moyenne (tous)

Sources : Eurofound, Developments in Collectivelly Agreed Working Time 2012, Dublin, European
Foundation for the Improvment of Living an Working Conditions, 2013 (durée conventionnelle) ;
Enquête LFS 2012 et Eurostat (durée habituelle).

On ajoutera que, de 2000 à 2012, la durée hebdomadaire habituelle du travail à temps


plein n’a pas beaucoup évolué. Elle est restée stable en Belgique et aux Pays-Bas, elle a
légèrement augmenté en France (+ 1,1 heure) et en Allemagne (+ 0,8 heure), alors
qu’elle a diminué au Royaume-Uni (– 1,1 heure).
Concernant la durée conventionnelle du travail à temps plein en Europe, l’étude
Eurofound a tenté de tenir compte non seulement de la durée conventionnelle
hebdomadaire, mais aussi des différences entre pays européens sur le plan des
vacances annuelles et des jours fériés légaux. Elle aboutit à une estimation de la durée
conventionnelle annuelle moyenne, qui est reprise dans le tableau 13.

Tableau 13. Nombre d’heures conventionnelles par an des salariés à temps plein (2012)
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Moyenne Moyenne
Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni
UE-15 UE-27
Heures 1738,8 1658,8 1573,5 1699,2 1701,8 1677,9 1711,9
Source : Eurofound, Developments in Collectively Agreed Working Time 2012, Dublin, European Foundation for the Improvement
of Living and Working Conditions, 2013, p. 22.

Ce tableau montre que la durée conventionnelle du travail à temps plein ne peut pas
être utilisée pour invoquer d’éventuelles distorsions de compétitivité avec les pays
voisins : c’est en Belgique qu’elle est la plus longue. Pour arriver au niveau de

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 33

l’Allemagne, il faudrait introduire en Belgique une cinquième et une sixième semaine


de congés payés supplémentaires (on descendrait alors à 1 654,4 heures annuelles, selon
la méthode de calcul Eurofound) 38.
Si l’on s’intéresse à l’évolution du nombre annuel moyen d’heures travaillées par salarié
(à temps plein et à temps partiel), on n’observe qu’une faible diminution au cours
des dernières années (Graphique 11). En dix ans (2002-2012), la durée annuelle moyenne
du travail a diminué de 9 heures en Belgique, de 35 heures en Allemagne, de 29 heures
aux Pays-Bas et de 31 heures au Royaume-Uni – mais elle a augmenté de 14 heures
en France (où l’année 2002 marque la fin de la période légale de passage aux 35 heures).
Il s’agit ici du nombre d’heures habituelles (au sens de l’enquête LFS) et non pas
des heures conventionnelles comme dans le tableau 13.

Graphique 11. Évolution de la durée annuelle moyenne du travail salarié


(en nombre d’heures, 2000 à 2012)
1 700

1 650

1 600

1 550

1 500

1 450

1 400

1 350

1 300

1 250
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni

Source : Base de données « emploi » de l’OCDE, www.oecd.org.

Dans la comparaison de la durée du travail entre pays, il faut également tenir compte
de l’inégale distribution de l’emploi, du chômage et de l’inactivité économique au sein
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de la population. La comparaison a été effectuée pour la population entre 20 et 64 ans
(Graphique 12). La partie inférieure de la colonne représente le taux d’emploi, c’est-à-
dire le pourcentage de personnes en emploi (salarié ou indépendant) dans la population
concernée. La partie supérieure de la colonne représente le taux d’inactivité, c’est-à-
dire le pourcentage de personnes qui ne sont ni en emploi ni demandeuses d’emploi ;
il s’agit notamment des personnes en maladie ou en incapacité de travail, des pensionnés,

38
Pour être plus précis : 30 jours de vacances annuelles par an au lieu de la base légale actuelle de 20 jours.
La méthode de calcul Eurofound ne tient pas compte d’éventuels congés conventionnels liés à l’ancienneté.

CH 2191-2192
34 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

des prépensionnés, des chômeurs âgés et des personnes au foyer. La partie intermédiaire
représente les demandeurs d’emploi. La Belgique se caractérise par un taux d’emploi
des 20-64 ans légèrement inférieur à la moyenne européenne et nettement inférieur
à l’Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, notamment à cause du très faible taux
d’emploi des 55-64 ans (37 %), qui tire le score vers le bas.

Graphique 12. Répartition de la population entre 20 et 64 ans selon l’activité


(en emploi, demandeur d’emploi ou en inactivité) (2012)
100 %

90 % 19 % 19 % 20 %
23 % 23 % 24 %
27 %
80 % 4% 4%
6%
7% 8% 8%
70 % 5%

60 %

50 %

40 % 77 % 77 % 74 %
67 % 69 % 69 % 68 %
30 %

20 %

10 %

0%
Belgique Allemagne France Pays-Bas Royaume-Uni UE-15 UE-27

En emploi Demandeur d'emploi En inactivité

Sources : Enquête LFS 2012 ; Base de données Eurostat.

En termes de répartition du travail, la lecture conjointe du graphique 11 et du


graphique 12 permet de dresser, par exemple, le constat suivant : les 1 443 heures
annuelles moyennes des Belges concernent 67 % de la population entre 20 et 64 ans,
tandis que les 1 334 heures annuelles moyennes des Néerlandais et les 1 317 heures
annuelles moyennes des Allemands concernent dans chaque cas 77 % de la population.
Autrement dit, dans ces deux derniers cas, davantage de personnes travaillent qu’en
Belgique mais, dans les deux cas, moins longtemps, en moyenne annuelle, que dans
notre pays.
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CH 2191-2192
3. UN APERÇU DES RECHERCHES SUR
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Ce chapitre passe en revue les principaux axes de recherche qui ont été développés
dans le domaine de la réduction du temps de travail et de ses impacts. Une abondante
littérature a été produite à ce sujet dans les années 1990, avec un « tir groupé » entre
1993 et 1998 dans les publications en français 39. Un accent particulier a été mis sur
les modalités négociées de réduction collective du temps de travail, dans une perspective
comparative européenne. Dans de nombreux pays européens, les organisations
syndicales ont largement contribué à ces recherches 40. Par ailleurs, au début des
années 2000, l’expérience française de l’instauration des 35 heures a fait l’objet de
nombreuses analyses ex post et a laissé une forte empreinte sur la recherche socio-
économique française en matière d’emploi et de travail. La polémique sur les 35 heures
a été rallumée en 2007 lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui a
attaqué frontalement le principe et les modalités de la réduction du temps de travail.
En Belgique francophone, pour des raisons culturelles évidentes, les débats français
ont eu un impact beaucoup plus important que dans la partie néerlandophone du
pays, où les 35 heures « à la française » n’ont pas suscité d’intérêt particulier.
L’aperçu proposé ici tente d’éviter deux écueils : d’une part, se laisser piéger par
un retour en arrière dans la façon de poser le problème dans les années 1990, qui ferait
l’impasse sur les transformations profondes que le monde du travail a connues au cours
des dix dernières années ; d’autre part, accorder une trop grande centralité au cas des
35 heures françaises et, avec lui, au mécanisme très particulier de création d’emplois
qui avait été mis en place à cette époque.
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39
J.-Y. BOULIN, G. CETTE, D. TADDÉI (dir.), Le temps de travail, Paris, Futuribles/Syros, 1993 ; G. CETTE, © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
D. TADDÉI, Réduire la durée du travail : de la théorie à la pratique, Paris, Le Livre de Poche, 1997 ; G. CETTE,
D. TADDÉI, Temps de travail, modes d’emplois : vers la semaine des quatre jours ?, Paris, La Découverte, 1994 ;
R. HOFFMANN, J. LAPEYRE (dir.), Le temps de travail en Europe : organisation et réduction, Paris, Syros, 1995 ;
D. MÉDA, « Le partage du travail », Problèmes politiques et sociaux, n° 780-781, 1997 ; J.-Y. BOULIN,
G. CETTE, « Les politiques du temps de travail en Europe », Futuribles, n° 237, 1998, p. 5-16 ; Conseil
supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts, Durées du travail et emplois : les 35 heures, le temps partiel,
l’aménagement du temps de travail, Paris, La Documentation française, 1998 ; D. TADDÉI, Réduction du
temps de travail : une revue de la littérature, Dublin, European Foundation for the Improvement of Living
40
and Working Conditions, 1998.
R. HOFFMANN, J. LAPEYRE (dir.), Le temps de travail en Europe : organisation et réduction, op. cit.

CH 2191-2192
36 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

3.1. LES QUESTIONS POSÉES PAR LES PRÉCURSEURS

Éviter ces écueils ne veut pas dire faire table rase du passé. Comme expliqué plus haut,
la tendance historique à la réduction du temps de travail s’infléchit avec la crise
économique consécutive aux chocs pétroliers de 1973-1974 et l’explosion du chômage
à partir de 1975.
À cette époque, la réflexion sur le temps de travail est influencée par une forte
contestation des conditions de travail épuisantes, résumée dans le slogan « Ne plus
perdre sa vie à la gagner ». Une série de grandes grèves et de mouvements sociaux
stigmatisent partout en Europe ce que le syndicat français CFDT (Confédération
française démocratique du travail) appellera, dans un ouvrage devenu célèbre,
41
les « dégâts du progrès » . Les questions liées au temps de travail et à la qualité de vie
au travail viennent à l’avant-plan : réduction de la durée hebdomadaire du travail,
mise en évidence des nuisances pour la santé et l’environnement, nécessité de rompre
avec la déshumanisation du travail. On voit se développer à la fois un programme
de revendications syndicales en faveur de la réduction collective du temps de travail,
assortie d’une embauche compensatoire, et une réflexion plus radicale sur la place et le
sens du temps de travail dans la vie des salariés, envisagée d’un point de vue individuel.
Le ton de cette réflexion radicale est bien illustré par l’ouvrage du collectif ADRET
Travailler deux heures par jour 42. Les auteurs développent une critique de l’aliénation
dans le travail et se placent dans une perspective résolument utopique, celle d’une
société où ne serait produit que ce qui est réellement nécessaire et utile à la collectivité.
Ils distinguent le travail lié, qui demeure indispensable pour faire fonctionner la société,
même s’il est pénible ou ennuyeux, et le travail libre, c’est-à-dire le travail qui a du sens,
l’activité créatrice, les tâches utiles pour la communauté à laquelle on appartient. Ils
estiment la durée du travail lié, dans un pays développé comme la France, à 2 heures
par jour. La distinction entre travail lié et travail libre trouve une élaboration
théorique plus développée chez André Gorz, dans Adieux au prolétariat 43. Celui-ci
distingue, à la suite des travaux d’Ivan Illich, un temps de travail dans la sphère
hétéronome et un temps de travail dans la sphère autonome. Le travail dans la sphère
hétéronome doit être réduit à un minimum, afin de favoriser le développement
d’activités créatrices, libres et socialement utiles dans la sphère autonome. « Il ne peut
donc s’agir de supprimer le travail hétéronome, mais seulement de le faire servir
à l’élargissement de la sphère d’autonomie tant par la nature de ses produits que par
les modalités de leur production. Il servira d’autant mieux cet élargissement qu’il
fournira au secteur autonome un maximum d’outils à la fois performants et conviviaux,
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et qu’il réduira au minimum la durée du travail hétéronome que chacun doit
44 45
accomplir. » D’autres auteurs, comme Guy Aznar ou Jean Rousselet , s’inscrivent
dans la même lignée.

41
Confédération française démocratique du travail, Les dégâts du progrès : les travailleurs face au changement
42
technique, Paris, Seuil, 1977.
ADRET, Travailler deux heures par jour, Paris, Seuil, 1977.
43
44
A. GORZ, Adieux au prolétariat, Paris, Galilée, 1980.
45
Ibidem, p. 142.
G. AZNAR, Tous à mi-temps, Paris, Seuil, 1980 ; J. ROUSSELET, L’allergie au travail, Paris, Seuil, 1974.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 37

Dans ces réflexions des années 1970, on trouve déjà les principales questions qui sont
aujourd’hui sur la table. Primo, comment la réduction du temps de travail peut-elle
conduire à un partage plus équitable du travail et combattre l’exclusion sociale
générée par le chômage ? Comment envisager, dans cette optique, le lien entre travail
et revenu ? Secundo, comment la réduction du temps de travail peut-elle améliorer
les conditions de travail, ainsi que la qualité de vie, dans le travail et en dehors du
travail – le work-life balance, selon la terminologie actuelle ? Comment penser le temps
de travail en relation avec les autres temps sociaux ? Tertio, comment la réduction
du temps de travail peut-elle transformer le rapport au travail, la place du travail dans
l’existence des femmes et des hommes, le rôle du travail au fil d’un parcours de vie ?
Quarto, comment intégrer dans la problématique du temps de travail des questions
telles que les rapports de genre, les inégalités face au travail liées à l’éducation et aux
qualifications professionnelles, le développement inégal des territoires ?
On trouve aussi deux approches qui traversent encore les débats actuels et qui ne sont
pas incompatibles. D’une part, une approche plutôt pragmatique, qui considère la
réduction et la redistribution du temps de travail comme un domaine-clé des politiques
en faveur de l’emploi, de l’amélioration de la qualité du travail et de la réduction
des inégalités sociales. D’autre part, une approche plutôt idéologique, dans laquelle
la réduction du temps de travail conduit à remettre en cause les fondements du
modèle actuel de production, de consommation, de prospérité et de vie en société.

3.2. LES PROCESSUS DE CRÉATION D’EMPLOIS


OU DE REDISTRIBUTION DES EMPLOIS

Les organisations syndicales soutiennent que la réduction collective du temps de travail


a un impact positif sur l’emploi. Cet impact positif peut provenir d’emplois créés, à
travers un mécanisme d’embauche compensatoire éventuellement assorti d’aides
publiques, comme dans le cas des 35 heures en France, ou bien de licenciements évités
en cas de restructuration ou de crise, comme dans de nombreux accords négociés
en Allemagne, ou encore d’une amélioration des conditions d’emploi à temps partiel,
assortie de compensations financières et de droits sociaux étendus, comme dans les pays
nordiques.

3.2.1. Les mécanismes d’embauche compensatoire :


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le cas des 35 heures en France

Sans entrer dans trop de détails, la réduction du temps de travail s’est opérée en France
en trois étapes.
En 1982, durant le premier mandat du président François Mitterrand (PS), le gou-
vernement fixe par ordonnance la durée hebdomadaire du travail à 39 heures au lieu

CH 2191-2192
38 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

46
de 40 et introduit une cinquième semaine de congés payés ; un an plus tard, il fixe
l’âge de la retraite à temps plein à 60 ans. La combinaison des deux mesures crée
des emplois, mais elle réduit très peu le chômage, à cause d’une augmentation simultanée
du taux d’activité, c’est-à-dire de la proportion de la population qui est sur le marché
du travail. La réduction du temps de travail s’accompagne d’un assouplissement
important des réglementations en matière de flexibilité des horaires. Les employeurs
et les syndicats sont invités à conclure des accords sectoriels ou d’entreprise qui peuvent
réduire davantage le temps de travail, en contrepartie d’une augmentation de la
flexibilité. L’horizon annoncé par le gouvernement socialiste est celui des 35 heures.
Durant le second mandat de F. Mitterrand, deux lois incitent à la réduction du temps
47
de travail, sans toutefois réaliser l’objectif ultime .
La mise en place proprement dite des 35 heures (cf. tableau 14) se fait par voie législative,
durant le premier mandat du président Jacques Chirac (RPR). Elle commence par
48
la loi Robien du 11 juin 1996 qui, adoptée sous le gouvernement de majorité
présidentielle d’Alain Juppé, permet aux entreprises de réduire le temps de travail
de leurs salariés, soit pour effectuer de nouvelles embauches, soit pour éviter un plan
de licenciement ; en contrepartie, elles bénéficient d’un allègement des charges patronales
de sécurité sociale. Elle s’affirme avec les lois Aubry du 13 juin 1998 et du 19 janvier
2000 49 qui, adoptées sous le gouvernement, dit de la troisième cohabitation, de Lionel
Jospin, sont dues à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité Martine Aubry (PS).
Elles instituent la semaine de 35 heures et ouvrent un large espace de négociation
des modalités concrètes d’application (horaires, réorganisation du travail, jours de
« congé RTT (réduction du temps de travail) ») au niveau des secteurs et des entreprises.
Durant le second mandat de J. Chirac (UMP), la loi Fillon du 17 janvier 2003 50,
adoptée sous le gouvernement de majorité présidentielle de Jean-Pierre Raffarin, procède
au détricotage des lois Aubry. Les dispositions de celles-ci sont rendues moins
contraignantes, les dérogations sont multipliées, les heures supplémentaires sont à
nouveau favorisées, mais les 35 heures restent la norme légale de base et peu d’entreprises
osent remettre en question les « jours de RTT », devenus populaires.

46
Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés, Journal officiel
de la République française, 17 janvier 1982 (ordonnance adoptée sous le gouvernement de majorité
présidentielle de Pierre Mauroy). La réduction du temps de travail fait partie des idéaux traditionnels de
la gauche française. Le passage aux 35 heures figurait dans « 110 propositions pour la France », texte
d’orientation politique présenté par le candidat François Mitterrand (PS) pour l’élection présidentielle
47
de 1981.
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Loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 relative à l’emploi, au développement du travail à temps partiel et à
er
l’assurance chômage, Journal officiel de la République française, 1 janvier 1993 (loi adoptée sous le gou-
vernement de majorité présidentielle de Pierre Bérégovoy) ; Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre
1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, Journal officiel de la République
française, 21 décembre 1993 (loi adoptée sous le gouvernement, dit de la deuxième cohabitation,
48
d’Édouard Balladur).
Loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction
49
conventionnels du temps de travail, Journal officiel de la République française, 12 juin 1996.
Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail,
Journal officiel de la République française, 14 juin 1998 ; Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à
50
la réduction négociée du temps de travail, Journal officiel de la République française, 20 janvier 2000.
Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi,
Journal officiel de la République française, 18 janvier 2003.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 39

Tableau 14. Résumé de la mise en place des 35 heures en France (1996-2003)


Portée de la loi Nature de la réduction Formes d’aide publique Formes de négociation
Toutes les Réduction de 10 % du temps Allégement des cotisations Uniquement dans
entreprises, de travail, sociales de 40 % les entreprises volontaires.
Robien mais uniquement embauche de 10 %, maintien la première année
(1996) Négociation de
sur une base du niveau d’emploi pendant et de 30 % les six années la compensation salariale
volontaire. 2 ans. suivantes. au niveau de l’entreprise.
er
Avant le 1 janvier Norme de 35 heures par Allégement de cotisations Incitant à conclure
2000 : entreprises semaine, à atteindre sociales de 50 % des conventions d’entreprise
de plus de début 2000 pour la première année dès 1998-1999,
20 personnes. les entreprises de plus et de 40 % les six années pour anticiper la loi.
er
Avant le 1 janvier de 20 personnes, et suivantes, si les 35 heures Application de la loi via
2002 : toutes début 2002 pour les autres. sont mises en place en 1998 un accord négocié,
les entreprises. Contingentement ou 1999 par des conventions validé par l’État.
des heures supplémentaires : d’entreprise. Aides majorées en cas
compensation obligatoire Aides majorées en cas de négociation de RTT
Aubry I par des jours de RTT au-delà d’embauche de demandeurs de 15 % et plus.
(1998) de 130 heures par an. d’emploi prioritaires Négociation
Embauche de 6 % au moins (chômeurs de longue durée, de la compensation salariale
et maintien du niveau handicapés, jeunes au niveau de l’entreprise.
d’emploi pendant 2 ans peu qualifiés).
en cas d’aide publique. Subventions pour
Pas d’obligation pour des consultances
les accords non aidés. en cas de réorganisation.
Pour les accords aidés :
contrôle de l’inspection.
Modération salariale de 2 ans.
Toutes Horaire collectif à 35 heures Allégement des cotisations Obligation d’accord sur
les entreprises, par semaine ou 1 600 heures sociales dégressif le nombre d’emplois créés
à l’horizon 2002. par an (possibilité en fonction du salaire ou préservés afin d’obtenir
d’annualisation flexible), et moins important que l’allégement de cotisations.
respect du contingentement dans Aubry I. Négociation obligatoire
Aubry II des heures supplémentaires à des modalités
(2000) 130 heures par an. d’annualisation.
Introduction d’un forfait Règles établies pour
maximum pour les cadres le maintien du revenu
(217 jours par an). des travailleurs payés
Engagement à embaucher, au salaire minimum.
sans obligation quantitative.
Toutes Relèvement du contingent Réduction de l’allégement Plus d’obligation
les entreprises. d’heures supplémentaires des cotisations, qui n’est plus de négocier.
à 180 heures par an en 2003. lié à l’obligation de réduire
Passage à 35 heures pour le temps de travail.
les petites entreprises (moins
Fillon de 20 salariés) repoussé à
(2003) 2006.
Suppression progressive
de la majoration des charges
sociales sur les heures
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supplémentaires
excédentaires.
Sources : C. ERHEL, C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, Paris, PUF, 2003 ; P. ARTUS, P. CAHUC,
A. ZYLBERBERG, Temps de travail, revenu et emploi, Paris, Conseil d’analyse économique, 2007.

Dans le cas de la réduction du temps de travail de 39 à 35 heures, le processus


d’embauche compensatoire a comporté trois aspects 51. Tout d’abord, une redistribution

51
C. ERHEL, Les politiques de l’emploi, Paris, PUF, 2009.

CH 2191-2192
40 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

du nombre total d’heures travaillées. Le raisonnement est assez intuitif au niveau macro-
économique : pour assurer le même niveau de production ou de service avec un plus
petit nombre d’heures travaillées, il faut embaucher. Il est cependant contre-intuitif
au niveau micro-économique, en termes de postes de travail : on crée difficilement
un nouveau poste avec 9 morceaux de 4 heures pris à 9 autres postes, sauf à supposer
que les travailleurs soient interchangeables et que le temps constitue une mesure
correcte de leur activité. C’est pourquoi la redistribution des heures de travail nécessite
le plus souvent une réorganisation du travail. Ensuite, une réorganisation des entreprises
ou institutions. En théorie, plusieurs formes de réorganisation sont possibles : une
extension de la durée d’utilisation des équipements ou de la durée d’ouverture
des services, une augmentation de la productivité individuelle grâce à des horaires
moins fatigants et plus agréables, une flexibilité mieux adaptée à la demande des clients
ou des marchés, une plus grand polyvalence dans la répartition des tâches, une plus
grande mobilité interne. Dans la pratique, l’extension de la durée d’utilisation des
équipements est peu réaliste dans des industries où la capacité de production existante
est déjà sous-utilisée par rapport à la demande du marché. Dans de nombreuses
entreprises et dans certains services publics (hôpitaux, enseignement, police, transports),
la réorganisation ne va pas de soi. La réorganisation a aussi un coût : consultance,
formation, requalification du personnel. Enfin, une compensation salariale. Comme
le maintien d’un niveau de salaire identique ou, à tout le moins, acceptable par
les travailleurs renchérit le coût horaire du travail, les entreprises attendent des
mesures de compensation de la part des pouvoirs publics : réduction de cotisations
sociales et blocage des salaires sur plusieurs années.
Selon Christine Erhel, « pour être efficace en termes d’emploi de manière durable,
la RTT doit remplir un certain nombre de conditions : il faut que la hausse des coûts
soit limitée, ce qui implique des gains de productivité significatifs, une aide publique
(réduction de cotisations sociales) et une modération salariale en contrepartie de
la baisse de la durée du travail. Enfin, l’aide apportée par l’État doit respecter les
conditions d’équilibre, c’est-à-dire assurer l’équilibre des comptes publics une fois
que la RTT a produit tous ses effets. À cette condition, les effets sur l’emploi peuvent
être maximaux. La RTT est alors globalement neutre sur le volume de production,
les prix, les comptes des entreprises et les comptes publics » 52.
Le bilan que tire cette auteure est positif, de même que les évaluations de nombreux
autres chercheurs 53. Un consensus s’est établi sur le chiffre de 300 000 à 350 000 emplois
créés entre 1998 et 2002 grâce aux lois Aubry et à leurs effets indirects sur l’économie
française, notamment en termes d’accroissement de la productivité, d’extension de
la flexibilité et de développement du secteur des loisirs 54. Ces effets s’ajoutent à l’impact
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52
Ibidem, p. 84.
53
A. GUBIAN, S. JUGNOT, F. LERAIS, V. PASSERON, « Les effets de la RTT sur l’emploi : des simulations ex ante
aux évaluations ex post », Économie & statistiques, n° 376-377, 2004, p. 25-54 ; P. ASKENAZY, Les effets emploi
des 35 heures : une rapide revue critique des évaluations ex post, Paris, Conservatoire national des arts et
métiers, 2005 ; E. HEYER, « Le (bon) bilan des 35 heures », Alternatives économiques, hors-série n° 92 :
54
L’état de l’économie 2012, février 2012.
Il est difficile d’estimer un pourcentage d’emplois créés, car il faudrait calculer le rapport entre le nombre
d’emplois créés jusqu’en 2002 et le nombre d’emplois initialement concernés par la mesure en 1998.
C’est ici que réside la difficulté, car les 35 heures n’ont finalement pas été appliquées (sauf sur une base
volontaire) dans les entreprises de moins de 20 personnes. De plus, dans le secteur public, si le temps

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 41

sur l’emploi du niveau exceptionnel de croissance économique entre 1998 et 2002


– ce qui a pu faire dire à certains que la RTT avait créé 600 000 emplois. Il y a eu une
synergie certaine entre l’effet RTT et l’effet de la croissance économique, à tel point
que certains se demandent si l’opération RTT aurait pu connaître une telle réussite
55
sans une croissance forte . L’impact sur le chômage a été moins spectaculaire : le taux
de chômage n’a diminué que de 0,5 point de pourcentage (environ 200 000 chômeurs
en moins) au terme de la période 1998-2002. La création d’emplois a peu bénéficié
aux chômeurs de longue durée, mais elle a bénéficié aux jeunes diplômés, aux chômeurs
qui avaient perdu récemment leur emploi, ainsi qu’aux « entrants » sur le marché du
travail : principalement des femmes, mais aussi des travailleurs migrants 56.
57
Les évaluations les plus critiques ne contestent pas tant la création d’emplois que son
coût pour les finances publiques ; selon les auteurs de celles-ci, la réduction
du temps de travail serait une forme de politique d’emploi nettement plus chère que
toutes les autres. Notons toutefois que la campagne de dénigrement des 35 heures,
qui s’est renforcée lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2007,
ne s’est jamais appuyée sur des arguments empiriques convaincants 58. En conclusion,
pour reprendre les termes de Denis Clerc : « Les 35 heures n’ont donc été pour
la société française ni une panacée – le chômage de masse est demeuré bien
présent, même s’il s’est réduit – ni une catastrophe. Elles ont modifié en profondeur
l’organisation du travail dans bon nombre d’entreprises, ce qui explique que, même
lorsque l’occasion leur a été donnée d’en sortir, la plupart d’entre elles s’y sont
montrées réticentes, voire hostiles : pas question de changer brutalement des règles
du jeu qu’il avait fallu négocier péniblement et qui avaient abouti, dans la grande
majorité des cas, à des compromis acceptables de part et d’autre. » 59 Si l’expérience
française des 35 heures occupe une place aussi importante dans la réflexion sur le lien
entre réduction du temps de travail et création d’emplois, c’est parce que son succès
est resté un cas singulier en Europe. Pourtant, la France n’est ni le premier ni le seul
pays à avoir mis en pratique une réduction collective du temps de travail assortie
d’un processus d’embauche 60.
En Belgique, en 1983-1984, les « accords 5/3/3 » ont promu, via la négociation collective,
un processus de réduction du temps de travail de 5 % (c’est-à-dire environ 2 heures
par semaine) en échange d’une limitation à 3 % des augmentations salariales (indexation
comprise) et d’une réduction de cotisations sociales de 3 % pour les employeurs.
Les secteurs ou les entreprises qui sont entrés dans ce processus ont souvent pris une

de travail a été effectivement réduit, le processus d’embauche compensatoire n’a pas fait l’objet d’un
55
engagement financier suffisant de la part de l’État.
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A. ZYLBERBERG, « Temps de travail et emploi », Cahiers français, n° 353 : Travail, emploi, chômage, 2009,
56
p. 37-42.
57
D. CLERC, « Travailler plus pour travailler tous ? », Alternatives économiques, n° 259, 2007.
J.-P. MARTIN, M. DURAND, A. SAINT-MARTIN, La réduction du temps de travail : une comparaison de la
politique des 35 heures avec les politiques d’autres pays membres de l’OCDE, Paris, OCDE, 2003 ; P. ARTUS,
L. MAILLARD, P. OLIER, H. NOVELLI, V. DELACRE, « Vers une remise en cause de la réduction du temps de
travail ? », Problèmes économiques, n° 2870, 2005, p. 46-64.
58
59
E. HEYER, « Le (bon) bilan des 35 heures », op. cit.
D. CLERC, « Travailler plus ? », Alternatives économiques, dossier web n° 23, 2010, www.alternatives-
economiques.fr.
60
Pour un panorama européen plus détaillé et actualisé jusqu’en 2006, cf. M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.),
Collective Bargaining on Working Time. Recent European Experiences, Bruxelles, Institut syndicat européen,
2007.

CH 2191-2192
42 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

avance qui s’est maintenue dans les négociations ultérieures sur la réduction de
la durée du travail. Dans les années qui ont suivi, les termes de la négociation ont
changé : la réduction du temps de travail a servi de monnaie d’échange à l’accroissement
de la flexibilité plutôt qu’à des mécanismes d’embauche.
En Allemagne, les conventions collectives conclues en 1984, 1987 et 1990 dans la
métallurgie et l’imprimerie organisaient le passage de 39 à 35 heures par semaine
à l’horizon 1995, avec une compensation salariale partielle et une clause d’emploi :
maintien de l’emploi dans les entreprises en difficulté, volume d’embauche à négocier
dans les autres. La réduction du temps de travail s’accompagnait de diverses mesures
de flexibilité : annualisation des horaires de travail, heures supplémentaires compensées
61
mais non payées, etc. La réunification allemande, en 1990, a fait passer cet objectif
au second plan, car les écarts entre l’Est et l’Ouest en matière de temps de travail
étaient très importants. La priorité a donc été donnée à la réduction des inégalités,
mais celles-ci n’ont toujours pas disparu aujourd’hui : la durée conventionnelle moyenne
du travail est toujours supérieure de une heure et demi à l’Est. La décentralisation de
la négociation collective a engendré des écarts importants non seulement entre secteurs,
comme en Belgique, mais également entre Länder. En 2004, 20 % des travailleurs
allemands bénéficiaient des 35 heures, 10 % avaient une durée conventionnelle de
36 ou de 37 heures, 45 % étaient à 38 heures (plus ou moins une demi-heure) et 25 %
au-delà de 39 heures 62.

3.2.2. Les mécanismes de redistribution négociée

La crise financière et économique de 2008 a remis en avant la réduction du temps de


travail comme outil pour éviter ou limiter les licenciements dans les entreprises en
difficulté. Il s’agit ici encore de réduction collective, mais la taille du collectif est
réduite à l’entreprise. Le chômage partiel, étendu à toutes les catégories de salariés,
constitue une voie privilégiée de redistribution du temps de travail face à la crise.
La nouvelle ligne de conduite syndicale est bien illustrée par cette résolution adoptée
par la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) lors de son congrès de
novembre 2009 : « L’objectif des syndicats est d’éviter les fermetures d’usines et
les licenciements. La politique en matière de temps de travail représente un outil
essentiel pour protéger l’emploi dans la crise actuelle. Les mesures incluent des
instruments flexibles, tels que le compte épargne temps, le chômage partiel, le travail
à temps partiel, le chômage temporaire, des programmes de formation, mais aussi
la réduction du temps de travail hebdomadaire convenu par des conventions
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63
collectives. » Une incarnation symptomatique est fournie par la convention collective
du secteur du métal en Allemagne, qui prévoit une réduction collective de la durée
hebdomadaire du travail à 30 heures à l’Ouest et à 33 heures à l’Est, pour éviter
les licenciements ; la compensation salariale provient du chômage partiel.

61
62
G. CETTE, D. TADDÉI, Réduire la durée du travail : de la théorie à la pratique, op. cit.
R. BISPINCK, « Germany: Working Time and its Negotiation », in M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective
63
Bargaining on Working Time, op. cit., p. 114-115.
Cité par J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs. Réglementation du temps de travail et innovation au
e
21 siècle, Rapport de la conférence de la Confédération européenne des syndicats, Bruxelles, 2010, p. 11.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 43

En Belgique, les données montrent que le chômage partiel pour raisons économiques
a joué ce rôle pendant la période d’application des mesures anti-crise, de fin 2008
à mi-2011 (Tableau 15). Certaines conventions collectives de travail, notamment dans
le secteur du métal, prévoient que l’entreprise ajoute un complément à l’indemnité
de chômage économique.

Tableau 15. Évolution du chômage temporaire pendant la période d’application


des mesures anti-crise (en nombre de travailleurs concernés, Belgique, 2007-2011)
Pic en 2009 par
2007 2008 2009 2010 2011
rapport à 2007
Hommes 97 738 108 362 172 578 138 997 107 994 + 74 840
Femmes 22 211 26 375 38 287 34 289 32 853 + 16 076
H+F 119 949 134 737 210 865 173 286 140 847 + 90 916
Source : Base de données ONEM, www.onem.be.

Des systèmes similaires ont été mis en œuvre en Allemagne, en Autriche, en France,
en Italie et aux Pays-Bas (système de Kurzarbeit). Les cadres légaux existaient déjà
avant la crise, mais avec une portée plus limitée, souvent restreinte aux fluctuations
saisonnières de l’activité économique. Les mesures de crise ont consisté à réduire
la durée hebdomadaire du travail grâce à un recours au chômage économique pour
compenser partiellement la perte de revenu 64. Toutefois, comme le note une étude
comparative réalisée par l’Institut syndical européen 65, ce type de mesure a fortement
pénalisé l’emploi intérimaire. C’est pourquoi les syndicats allemands revendiquent
une extension du système de Kurzarbeit aux entreprises de travail intérimaire.
Par ailleurs, le Kurzarbeit mérite une attention plus particulière, car il va au-delà
du seul chômage partiel pour raisons économiques. Il inclut également des mesures
de formation continue ou de reconversion professionnelle. En 2009, le Kurzarbeit
a bénéficié en Allemagne d’un budget fédéral de 5,1 milliards d’euros, qui a permis
de compenser les pertes de revenu de 1,4 million de travailleurs et sauvé près de
500 000 emplois 66.
Toujours en Allemagne, les comptes d’épargne temps, généralisés depuis 2004, se sont
avérés efficaces pour redistribuer le temps de travail en cas de crise. Il existe deux types
de comptes d’épargne temps : des comptes à long terme, qui servent à planifier l’usage
du temps au long du parcours de vie, en fonction des besoins personnels (charges
familiales, formation, fin de carrière), et des comptes à court terme (ou comptes
flexibles), qui ont pour but de niveler les variations du temps de travail en fonction
des cycles de production ou des fluctuations des marchés, en évitant à la fois le paiement
d’heures supplémentaires et le risque de mise au chômage économique temporaire.
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64
V. GLASSNER, M. KEUNE, « Collective Bargaining Responses to the Economic Crisis in Europe », ETUI
65
Policy Brief, n° 1, 2010.
V. GLASSNER, B. GALGÓZCI, « Plant-Level Responses to the Crisis: Can Jobs Be Saved by Working Less? »,
ETUI Policy Brief, n° 1, 2009.
66
J.-M. PERBOST, Travailler plus ? Travailler moins ? Que faut-il faire pour travailler tous et mieux ?, Bruxelles,
Green European Foundation (Green New Deal Series, n° 8), 2011, p. 38-39 ; J. PILLINGER, Travailler pour
des temps meilleurs, op. cit., p. 13.

CH 2191-2192
44 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Au début de la crise, les comptes à court terme étaient en général assez largement en
boni. Les surplus auraient permis de réduire le temps de travail sans perte de revenu
dans près d’un tiers des entreprises allemandes 67.
L’Allemagne a une longue tradition de réduction négociée du temps de travail pour
prévenir les pertes d’emploi. L’accord Volkswagen de décembre 1993 est souvent cité
en exemple. Le passage de 35 à 28,8 heures sur quatre jours, assorti de 140 variantes
d’horaires flexibles, a permis de sauver 30 000 emplois sur les différents sites allemands
de la firme de construction automobile, avec une perte de salaire moyenne de 10 %.
En 2006, la direction de Volkswagen a supprimé cette semaine de quatre jours
en échange de la sécurité de l’emploi jusqu’en 2011 et du maintien en activité des
six usines allemandes. Elle a accru la flexibilité : les ouvriers travaillent de 26 à 40 heures
par semaine sans compensation salariale, avec des comptes d’épargne temps. Ce n’est
qu’au-delà de 40 heures qu’ils sont payés en heures supplémentaires.
Cependant, ces exemples positifs ne doivent pas occulter une situation beaucoup plus
conflictuelle en matière de temps de travail en Allemagne. Certaines conventions
collectives de grandes entreprises du secteur du métal (Siemens et Daimler Chrysler,
en 2004) ont conduit à un abandon des acquis historiques des 35 heures et à une
augmentation du temps de travail, par élargissement de la marge de flexibilité des
horaires hebdomadaires ou annuels. Les employeurs allemands mettent en évidence
certains effets négatifs de la réduction du temps de travail sur la compétitivité des
entreprises industrielles orientées vers l’exportation. La logique « temps de travail
plus court mais plus flexible » est entrée en conflit avec une logique « temps de travail
plus flexible mais plus long ». Si la réduction du temps de travail est aujourd’hui
acceptée comme moyen conjoncturel d’atténuer les effets de la crise, son utilisation
comme outil structurel de redistribution des emplois est de plus en plus discréditée 68.

3.2.3. Les politiques de redistribution à travers le travail


à temps partiel

Les pays scandinaves et les Pays-Bas ont développé une autre approche de la
redistribution du travail, dans laquelle l’emploi à temps partiel joue un rôle important.
Le principe consiste à favoriser le travail à temps partiel volontaire, en étendant
aux travailleurs à temps partiel tous les droits sociaux dont bénéficient les travailleurs
à temps plein, à la fois sur le plan de la sécurité sociale, des indemnités de chômage,
de l’accès à la formation et de l’attribution des avantages extra-salariaux 69. En Suède,
les mesures politiques ont également visé à réduire l’écart entre le travail à temps plein
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et le travail à temps partiel en augmentant la durée hebdomadaire moyenne de celui

67
J. CLASEN, D. CLEGG, J. KVIST, « European Labour Market Policies in (the) Crisis », ETUI Workingpaper,
68
n° 12, 2012, p. 13.
69
R. BISPINCK, « Germany: Working Time and its Negotiation », op. cit., p. 128.
C. FAGAN, « Le temps de travail sur le cycle de vie : rôle potentiel du travail à temps partiel »,
in J.-Y. BOULIN, R. HOFFMANN (dir.), Les nouvelles pistes du temps de travail [Actes du colloque organisé
par l’Institut syndical européen et la Confédération européenne des syndicats], Reuil-Malmaison, Liaisons,
2000, p. 61-88.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 45

70
à temps partiel, ce qui devait réduire les inégalités de revenu . Au Canada et aux
États-Unis également, les alternatives en matière de redistribution du temps de travail
sont souvent envisagées à travers une amélioration des conditions du travail à temps
71
partiel volontaire . Ces politiques ont connu des évolutions en sens divers au cours
des dernières années.
Aux Pays-Bas, la semaine de 36 heures est un objectif ancien. Un accord inter-
professionnel de 1982 engage les entreprises à généraliser la semaine de 38 heures
dans les deux années à venir et encourage des conventions sectorielles à 36 heures ;
en 1995, celles-ci concernaient plus de la moitié des salariés néerlandais. La situation
n’a plus évolué depuis lors. Aucun mécanisme d’embauche compensatoire n’est prévu
aux Pays-Bas, car c’est l’augmentation de l’emploi à temps partiel qui sert de
72
régulateur . Effectivement, la proportion de travailleurs à temps partiel n’a cessé
d’augmenter : de 2001 à 2011, elle est passée de 70 % à 75 % pour les femmes et
de 15 % à 20 % pour les hommes. La réduction du temps de travail à temps plein
devait se traduire par une revalorisation du salaire des travailleurs à temps partiel
et par un allongement de la durée moyenne du travail à temps partiel. Cet objectif ne
s’est pas traduit dans la réalité. En 2011, la durée hebdomadaire habituelle du travail
est en moyenne de 19,9 heures pour les travailleurs à temps partiel (en Belgique :
24 heures) et 39 heures pour les travailleurs à temps plein (en Belgique : 39,2 heures),
sans grande différence entre les femmes et les hommes 73. Les emplois à temps partiel
aux Pays-Bas sont donc restés courts, contrairement aux objectifs annoncés.
Au Danemark, la réduction collective du temps de travail à 37 heures est intervenue,
via une convention collective nationale, entre 1985 et 1990. Depuis lors, la politique
en matière de temps de travail a consisté, d’une part, à favoriser les emplois à temps
partiel long, de manière à réduire l’écart entre le travail à temps plein et celui à temps
partiel, et d’autre part, depuis 1994, à développer des congés longs : congés parentaux,
congés de formation, aménagements de fin de carrière, etc. La contrepartie pour
les entreprises a été un élargissement de la flexibilité des horaires ; la référence de
37 heures hebdomadaires, qui était initialement calculée sur une moyenne de 6 semaines,
est passée en 1995 à 6 mois et en 1998 à 12 mois. L’embauche compensatoire est
organisée pour les congés longs, mais pas pour des réductions collectives du temps
de travail en dessous de 37 heures 74. Les obligations d’embauche ont cependant été
assouplies au cours des dernières années 75. Les données récentes montrent que
la durée habituelle du travail à temps plein est la plus courte d’Europe : 37,7 heures,
à peine plus que la durée conventionnelle de 37 heures 76. En revanche, il n’y a pas eu
d’allongement de la durée moyenne du travail à temps partiel, qui est restée très
courte : 14,5 heures pour les hommes, 20,5 heures pour les femmes. La proportion
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70
Les accords négociés en Belgique dans le secteur du commerce, sous l’impulsion de la CNE, vont dans © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
cette direction « suédoise » : la réduction du temps de travail des employés à temps plein permet de
revaloriser le salaire des employés à temps partiel (très largement majoritaires parmi les femmes dans
71
ce secteur) et de réduire les inégalités entre le temps plein et le temps partiel.
J. B. SCHOR, Plenitude, the New Economics of True Wealth, New York, Penguin Press, 2010.
72
I. VAN DEN BURG, C. PASSCHIER, « Le travail à temps partiel aux Pays-Bas », in J.-Y. BOULIN, R. HOFFMANN
73
(dir.), Les nouvelles pistes du temps de travail, op. cit., p. 99-120.
Enquête LFS 2011.
74
75
J.-Y. BOULIN, G. CETTE, « Les politiques du temps de travail en Europe », op. cit., p. 12-15.
76
M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective Bargaining on Working Time, op. cit.
Enquête LFS 2011.

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46 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

d’emplois à temps partiel a peu augmenté au cours des dix dernières années (2001-
2011) : elle est passée de 29 % à 33 % pour les femmes (nettement moins qu’en Belgique)
et de 7 % à 10 % pour les hommes (comme en Belgique).
La situation de la Suède est assez proche de celle de la Belgique. La négociation collective
sectorielle y joue un rôle prédominant en matière de réduction du temps de travail
et c’est le développement du travail à temps partiel qui explique la légère diminution
du temps de travail au cours des dix dernières années (cf. supra). La durée hebdomadaire
habituelle du travail à temps partiel est en moyenne de 25,5 heures pour les femmes
et de 21,5 heures pour les hommes, alors qu’elle est de 39,9 heures pour les travailleurs
à temps plein, hommes ou femmes. Au cours des dix dernières années, la proportion
de travailleurs à temps partiel est passée de 31 % à 38 % chez les femmes, de 8 %
à 11 % chez les hommes.
La redistribution du temps de travail via le développement du travail à temps partiel
est une des pistes proposées dans une étude récente de la Green European Foundation
sur la réduction du temps de travail en Europe 77. L’auteur de cette étude envisage une
configuration du marché du travail qui comporterait 75 % d’emplois à temps plein
et 25 % d’emplois à mi-temps, ce qui correspond, selon lui, au cas des cinq pays
européens qui ont le plus faible taux de chômage et le taux d’emploi le plus élevé
(Autriche, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni). Il établit cette proposition
après avoir constaté qu’il n’y a pas de corrélation entre la durée annuelle du travail
et le taux de chômage, ni entre la durée hebdomadaire à temps plein et le taux de
chômage, mais bien entre la durée hebdomadaire effective (travail à temps plein et
travail à temps partiel confondus) et le taux de chômage. Il considère cependant que
cette répartition 75 %/25 % n’est pas équitable sur le plan des revenus et il plaide pour
une réduction de la durée du travail à temps plein et une augmentation de la durée
du travail à temps partiel, ce qui constitue un retour aux sources du « modèle nordique »
initial.

3.3. RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET RÉORGANISATION


DU TRAVAIL : L’ENJEU DE LA FLEXIBILITÉ

En Belgique comme partout en Europe, la négociation du temps de travail est


étroitement liée à la négociation de la flexibilité. La flexibilité des horaires a été
la monnaie d’échange de la réduction du temps de travail, indépendamment du fait
qu’il y ait eu ou non des clauses de création d’emplois.
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Les horaires atypiques ou flexibles sont très répandus en Belgique, comme le montre © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
le tableau 16, qui indique aussi dans quelle mesure les femmes sont ou non
particulièrement exposées à ces horaires atypiques. Ce tableau compare également
la situation des femmes travaillant à temps partiel avec la moyenne des femmes

77
J.-M. PERBOST, Travailler plus ? Travailler moins ? Que faut-il faire pour travailler tous et mieux ?, op. cit.
Les données de l’enquête LFS présentées par J.-M. Perbost diffèrent de celles de notre étude car cet auteur
a pris en compte toutes les personnes en emploi (salariés et indépendants) alors que nous n’avons pris
en compte que les salariés. Les écarts sont parfois importants.

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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 47

salariées, sans mettre en évidence des différences significatives. Ces données permettent
de se faire une image de l’état actuel de la flexibilité des horaires. Il est toutefois
impossible d’établir un lien avec les régimes de temps de travail conventionnel.

Tableau 16. Fréquence des horaires atypiques ou flexibles


(en % des salariés concernés, Belgique, 2010)
Total Femmes Femmes
H+F salariées salariées à
salariés (moyenne) temps partiel
Ne pas travailler le même nombre d’heures chaque jour 46 48 53
Ne pas avoir les mêmes horaires chaque jour 35 32 27
Travailler en soirée (au moins 2 heures après 18h) au moins 4 fois par mois 30 28 22
Travailler le samedi au moins 2 fois par mois 27 27 25
Ne pas travailler le même nombre d’heures chaque semaine 27 24 22
Ne pas travailler le même nombre de jours chaque semaine 20 20 21
Travailler le dimanche au moins 2 fois par mois 16 16 14
Travailler sur appel ou sous astreinte (périodes de garde, etc.) 16 16 11
Travailler à pauses 16 14 11
Devoir faire face à des changements d’horaires annoncés la veille ou le jour même 16 13 11
Travailler la nuit (au moins 2 heures entre 22h et 5h) au moins 4 fois par mois 13 8 5
Sources : Enquête EWCS 2010 ; G. VALENDUC, Les femmes et l’emploi atypique, Bruxelles-Namur, Femmes CSC/Fondation
Travail-Université, 2012, p. 56 et p. 61.

Les syndicats reconnaissent que, depuis la fin des années 1990, les négociations sur
le temps de travail se sont focalisées sur la question de la flexibilité, sous une forte
pression des employeurs 78. Entre les deux enquêtes menées par Eurofound en 2004 et
en 2009, le pourcentage des entreprises belges du secteur marchand déclarant mettre
en œuvre des arrangements de temps de travail flexible est passé de 23 % à 40 % 79.
D’une manière générale, l’augmentation de la flexibilité des horaires de travail peut
se manifester à travers plusieurs tendances.
Premièrement, un calcul du temps de travail moyen sur des périodes plus longues.
En Allemagne, en Autriche et dans les pays nordiques, cet allongement s’est effectué
par l’intermédiaire des comptes d’épargne temps. En Belgique, cette pratique est encore
peu répandue : selon Eurofound, elle ne concerne que 5 % des entreprises du secteur
marchand 80. Au Danemark, en une dizaine d’années, la période de référence est passée
de 6 semaines à 12 mois. En France, la loi Aubry II a laissé le choix entre une norme
de 35 heures hebdomadaires ou une norme de 1 600 heures par an. Cet allongement
de la période de référence n’est pas nécessairement défavorable aux travailleurs, car
elle permet de négocier des compromis entre les demandes de flexibilité des entreprises
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et celles de leurs salariés 81.

78
E. LEBEAU, S. ROBEET, « Fin de l’histoire ou début d’une nouvelle histoire », Politique, n° 67, 2010, p. 16-19 ;
79
D. RICHARD, « Travailler moins pour gagner tous ! », Politique, n° 67, 2010, p. 20-23.
Eurofound, European Company Survey 2009: Overview, Dublin, European Foundation for the
80
Improvement of Living and Working Conditions, 2010, p. 9.
81
Ibidem, p. 8.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit.

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48 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Deuxièmement, une élimination des temps périphériques au travail. En France, dans


les entreprises où les 35 heures ont été appliquées, la question de la mesure exacte
du temps de travail a été un des thèmes de négociation les plus difficiles. La réduction
du temps de travail a donné lieu à une remise en question de la comptabilisation
de tous les temps liés au travail : les pauses, les temps de préparation (vêtements de
travail, équipements de protection), les déplacements pendant la journée de travail, etc.
82
Il en est résulté un resserrement de la notion de temps de travail , mais simultanément,
83
une nouvelle pratique s’est développée : celle des « petits arrangements avec le temps » ,
qui peuvent faciliter ponctuellement la conciliation entre travail et vie privée en cas
d’imprévus.
Troisièmement, de nouveaux modes de calcul du temps de travail. C’est le cas
du régime de « forfait jours » négocié pour les cadres lors du passage aux 35 heures en
France, qui contourne les difficultés juridiques de comptabilisation du temps de travail
(et de surtravail) des cadres en proposant une compensation sous la forme de « jours
RTT » 84. Cette formule doit être négociée au niveau des entreprises. Elle s’est
progressivement élargie à d’autres catégories professionnelles que les cadres, au risque
de connaître des dérives, et elle concernerait, en 2011, 12 % des salariés français
à temps plein 85.
Quatrièmement, une intensification croissante du travail. Une analyse des résultats
de l’enquête EWCS montre que, de 1995 à 2010, l’index d’intensité du travail 86
a augmenté en Belgique, passant de 33,2 à 40,2 points, aussi bien pour les femmes
(de 28,0 à 36,6 points) que pour les hommes (de 36,7 à 43,1 points). Cette augmentation
est plus forte qu’en Allemagne et en France. En revanche, au Royaume-Uni, l’intensité
du travail a légèrement reculé au cours de cette période, tout en gardant des valeurs
élevées : de 47,3 à 43,6 points. Les Pays-Bas figurent parmi les pays où l’index d’intensité
du travail est le plus faible et est resté constant : 38,5 points en 2010 87.
En France, le système de cumul des récupérations de RTT, négocié dans la plupart des
entreprises pour développer la flexibilité organisationnelle, s’est avéré particulièrement
favorable pour les cadres et les employés qualifiés, qui peuvent gérer leurs horaires
de façon relativement autonome. Il s’est également avéré favorable aux parents qui
ont de jeunes enfants, car il a facilité la conciliation entre vie professionnelle et charges
familiales (assurées majoritairement par les femmes, notamment en cas d’imprévus
avec les enfants). En revanche, la RTT a accru les tensions liées à la flexibilité dans
certains secteurs. Les hôpitaux ont mal digéré les 35 heures, auxquelles sont attribués
de nombreux dysfonctionnements organisationnels, ainsi qu’une lourde intensification
du travail du personnel paramédical. Dans l’administration publique, le temps de
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82
C. GAVINI, La métamorphose du travail : gagnants et perdants des 35 heures, Paris, Liaisons, 2001 ; C. ERHEL, © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, Paris, PUF, 2003.
83
84
P. VENDRAMIN, « Petits arrangements avec le temps », Tempos, n° 1, 2003, p. 41-47.
85
V. PINTO, « Les attitudes des cadres face à la réduction du temps de travail », Quatre pages, n° 55, 2003.
I. MAHIOU, « Flexibilité du temps de travail chez les cadres français : paradoxes et dérives du forfait-jour »,
86
HesaMag, n° 5, 2012, p. 36-39.
Cet index d’intensité du travail est calculé par F. Green et T. Mostafa à partir des composantes suivantes :
travailler à des rythmes élevés, travailler dans des délais serrés, ne pas avoir assez de temps pour faire
87
son travail, devoir cacher ses sentiments, devoir affronter des clients fâchés.
F. GREEN, T. MOSTAFA, Trends in Job Quality in Europe. A report based on the 5th EWCS, Dublin,
European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2012, p. 59 et 90-91.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 49

travail a été réduit sans réorganisation en profondeur, ce qui a généré de nombreuses


insatisfactions. Quant aux ouvriers de l’industrie manufacturière et aux travailleurs
occupant des emplois atypiques, ils ont davantage perçu un poids croissant de la
88
flexibilité et de l’intensification du travail qu’un gain de temps libre . Ces inégalités
expliquent en partie la raison pour laquelle, aujourd’hui, les 35 heures sont plus
populaires parmi les cadres, les travailleurs intellectuels et les employés des grandes
entreprises de services que parmi les ouvriers des petites et moyennes entreprises et
les travailleurs précaires.
L’arbitrage entre réduction du temps de travail et augmentation de la flexibilité peut
donner lieu à des solutions innovantes. En Autriche, les syndicats ont donné la priorité
à la négociation d’arrangements de travail flexible dans une perspective de parcours de
vie : « La stratégie actuelle de négociation des syndicats consiste à n’accorder davantage
de flexibilité du travail qu’en échange de modèles de temps de travail plus innovants,
qui tiennent compte de l’ensemble de la vie professionnelle du travailleur et qui
contiennent donc des dispositifs de congé de formation, d’éducation et de garde,
de congé sabbatique ou de mise à la retraite partielle. » 89 À une échelle plus large,
la Confédération européenne des syndicats (CES) a relevé récemment une série
d’initiatives innovantes de négociation du temps de travail flexible, dans divers
pays européens 90. Ces initiatives visent à trouver un équilibre entre la perspective
organisationnelle, qui met l’accent sur les avantages pour les entreprises en termes
d’adaptation rapide aux fluctuations des marchés, et la perspective des travailleurs,
qui souhaitent disposer d’une marge de choix pour répondre à leurs besoins ou
aspirations en dehors du travail. Le point de convergence entre ces deux perspectives
se situe au niveau de la motivation : « Lorsque les travailleurs sont en mesure d’exercer
une influence accrue sur leur travail et disposent de flexibilité, ils sont davantage
susceptibles de faire preuve de motivation, de loyauté et d’engagement. » 91

3.4. RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET QUALITÉ DE VIE

Le temps de travail est étroitement lié à la qualité de vie. Intuitivement, il est clair que
les horaires de travail exercent une influence sur la capacité à concilier les activités
professionnelles et les activités personnelles, familiales ou sociales. Les horaires longs
ou atypiques ont également un impact sur la santé et sur les conditions de travail en
général. L’enquête européenne sur les conditions de travail (EWCS) permet de mettre
des chiffres derrière ces intuitions.
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88
C. ERHEL, C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, op. cit. ; F.-X. DEVETTER,
« Les mutations du temps de travail », Alternatives économiques, n° 257, 2007.
89
90
M. KEUNE, B. GALGÓZCI (dir.), Collective Bargaining on Working Time, op. cit., p. 15.
91
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 28-38.
Ibidem, p. 28-38.

CH 2191-2192
50 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

3.4.1. La conciliation entre travail et hors-travail

Quand on examine les liens entre temps de travail et qualité de vie, la question de
la conciliation entre travail et hors-travail vient souvent au premier plan. Elle est
abordée explicitement par deux questions de l’enquête EWCS 2010. La première porte
sur la concordance : elle demande dans quelle mesure les horaires de travail s’accordent
bien ou mal avec les engagements sociaux et familiaux en dehors du travail. La seconde
est relative aux petits arrangements : elle demande s’il est plus ou moins facile
de prendre une heure ou deux sur son temps de travail pour traiter des problèmes
personnels ou familiaux.
Dans l’ensemble des salariés belges, 13 % des femmes et 17 % des hommes estiment
que la concordance n’est pas bonne, et 37 % des femmes et 34 % des hommes trouvent
difficiles les petits arrangements. Les résultats en fonction de l’âge (Tableau 17) montrent
que les salariés de 50 ans et plus sont moins mal lotis que les plus jeunes en matière
de concordance ou de petits arrangements. Les différences entre les hommes et
les femmes sont peu prononcées, sauf chez les 50 ans et plus.

Tableau 17. Indicateurs de difficultés de conciliation entre travail et hors-travail


selon l’âge et le sexe (en %, Belgique, 2010)
Moins de 35 ans De 35 à 49 ans 50 ans et plus
H F H F H F
Concordance : pas bonne ou pas bonne du tout 17 15 17 14 17 10
Petits arrangements : très ou plutôt difficiles 35 39 35 37 29 32
Source : Enquête EWCS 2010.

L’enquête EWCS 2011 fournit d’autres indicateurs des difficultés d’équilibre entre le
travail et la vie familiale, qui se rapportent ici à la fois aux salariés et aux indépendants 92.
Reviennent du travail trop fatigués pour accomplir des tâches domestiques qu’ils
auraient dû faire (au moins plusieurs fois par mois) : 49 %. Éprouvent des difficultés
à accomplir leurs tâches familiales à cause de la quantité de temps passée au travail
(au moins plusieurs fois par mois) : 28 %. Éprouvent des difficultés de concentration
au travail à cause des responsabilités familiales (au moins plusieurs fois par mois) : 12 %.
Les longues heures de travail accentuent nettement les difficultés de conciliation.
Selon l’enquête EWCS 2010, parmi les salariés belges qui travaillent habituellement
plus de 40 heures par semaine, 31 % des hommes (contre 17 % en moyenne) et 29 %
des femmes (contre 13 % en moyenne) considèrent que la concordance entre leurs
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horaires et leurs engagements personnels n’est pas bonne ou pas bonne du tout.
La question de la conciliation est indissociable de celle de l’inégale répartition des charges
de soin et des charges domestiques entre les femmes et les hommes. En Belgique, selon
l’enquête EWCS 2011, les femmes et les hommes en emploi (quel que soit leur statut)
consacrent respectivement, en moyenne, 23 et 14 heures par semaine aux soins

92
Eurofound, Quality of Life: Impacts of the Crisis. Third European Quality of Life Survey, Dublin,
European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2012, p. 58.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 51

des enfants, 13 et 8 heures aux tâches domestiques, 5 et 4 heures aux soins à des proches
93
âgés ou dépendants .
Lorsque l’on met en relation les difficultés de conciliation avec le sentiment de pouvoir
faire encore le même travail à l’âge de 60 ans (Tableau 18), il apparaît clairement que
les salariés qui éprouvent des difficultés de conciliation sont nettement plus nombreux
à penser ne plus pouvoir faire encore le même travail à 60 ans.

Tableau 18. Réponses négatives des salariés à la question « Pensez-vous pouvoir faire
le même travail qu’actuellement quand vous aurez 60 ans ? »
selon l’âge et le sexe (en %, Belgique, 2010)
Moins de 35 ans De 35 à 49 ans De 50 à 59 ans
H F H+F H F H+F H F H+F
Pourcentage de réponses « Non » 54 51 52 38 48 43 32 41 35
Concordance :
* pas bonne ou pas bonne du tout 74 69 72 58 66 61 50 56 51
* bonne ou très bonne 50 47 49 34 45 40 28 39 33
Petits arrangements :
* très difficiles ou plutôt difficiles 68 60 64 44 58 51 40 54 46
* pas trop difficiles ou pas du tout difficiles 47 45 46 35 42 39 27 34 30
Source : P. VENDRAMIN, G. VALENDUC, « Le vieillissement au travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2185, 2013, p. 42 ;
Enquête EWCS 2010.
Lecture : Parmi les femmes de 50-59 ans, 56 % de celles qui vivent une mauvaise concordance entre travail et hors-travail
ont une opinion négative sur la possibilité de faire encore le même travail à 60 ans, contre seulement 39 % de
celles qui vivent une bonne concordance.

Les difficultés de conciliation ressortent clairement comme un facteur qui rend le travail
moins soutenable – et qui risque donc de pousser les travailleurs âgés à se retirer
partiellement (via le travail à temps partiel ou le crédit-temps) ou entièrement du marché
du travail 94.

3.4.2. Les impacts des horaires de travail sur la santé

Les preuves s’accumulent pour montrer que divers facteurs liés aux horaires de travail
contribuent à de nombreuses atteintes à la santé. Les longues heures de travail ont
une incidence sur la santé mentale, l’hypertension et l’insomnie. Le travail de nuit est
connu depuis longtemps pour provoquer un vieillissement accéléré des travailleurs
et pour contribuer aux maladies cardiovasculaires, aux troubles digestifs et aux troubles
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du sommeil. Les horaires irréguliers constituent une des premières causes des absences
pour maladie chez les ouvriers après 40 ans. Au-delà d’un seuil de temps de travail
qui varie de 7 à 9 heures par jour selon les personnes, le risque d’accident de travail
augmente de manière très significative 95. Ce ne sont pas seulement les longues heures
de travail qui ont un impact négatif sur la santé, mais aussi les horaires intermittents,
le travail en soirée, l’absence de repos dominical, les longues heures de garde ou

93
94
Ibidem, p. 58. Cf. également G. VALENDUC, Les femmes et l’emploi atypique, op. cit., p. 67-70.
95
P. VENDRAMIN, G. VALENDUC, « Le vieillissement au travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2185, 2013.
L. VOGEL, « Le temps en trois dimensions », HesaMag, n° 5, 2012, p. 17-21.

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52 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

d’astreinte (c’est-à-dire de périodes de mise à disposition de l’employeur, en attente


96
d’une intervention) .
L’effet des longues heures de travail sur la santé est particulièrement significatif, comme
le montre le tableau 19. Aussi bien chez les femmes que chez les hommes, les risques
perçus pour la santé sont plus élevés parmi les salariés qui travaillent habituellement
plus de 40 heures par semaine que dans la moyenne des salariés. Les réponses à
la question « Estimez-vous que votre travail constitue un risque pour votre santé ou
votre sécurité ? » révèlent, chez ceux et celles qui travaillent plus de 40 heures par
semaine, des écarts très importants par rapport à la moyenne. On notera quelques
différences particulièrement accentuées : chez les femmes, la fatigue généralisée,
les douleurs musculaires dans les épaules, le cou ou les membres supérieurs ; chez
les hommes, les troubles du sommeil.

Tableau 19. Problèmes de santé associés par les salariés à de longues heures de travail
(plus de 40 heures par semaine) selon le sexe (en %, Belgique, 2010)
Hommes Femmes
Personnes Personnes
prestant plus prestant plus
En moyenne En moyenne
de 40 de 40
heures/semaine heures/semaine
Estimer que le travail constitue un risque pour sa santé
25 33 20 35
ou sa sécurité
Estimer que son travail affecte sa santé de manière
24 29 19 21
principalement négative
Avoir souffert d’insomnies ou de troubles du sommeil
19 27 23 27
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert d’une fatigue généralisée
32 36 38 46
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de dépression ou d’anxiété
7 8 10 15
au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de douleurs musculaires dans les épaules, le
37 40 47 56
cou ou les membres supérieurs au cours des 12 derniers mois
Avoir souffert de maux de dos
45 47 45 49
au cours des 12 derniers mois
Source : Enquête EWCS 2010.

Au niveau européen, le constat est semblable, si ce n’est que le seuil inférieur des
« longues heures de travail » est mis à 48 heures par semaine, c’est-à-dire la limite
prévue par la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail 97,
dont la révision est actuellement en cours de discussion (cf. infra). Les salariés qui
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travaillent plus de 48 heures par semaine rapportent plus fréquemment des problèmes
de conciliation (38 %, contre 16 % pour les autres) et pensent plus fréquemment que
leur travail a un impact négatif sur leur santé (37 %, contre 23 % pour les autres) 98.

96
97
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 20-24.
Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains
aspects de l’aménagement du temps de travail, Journal officiel de l’Union européenne, L 299, 18 novembre
98
2003.
Eurofound, Fifth European Working Conditions Survey: Overview, Dublin, European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions, 2012.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 53

La question de l’impact des horaires de travail sur la santé est fortement marquée par
les rapports de genre. L’inégale répartition des tâches de soins et des tâches domestiques
ajoute une charge de travail supplémentaire aux femmes, en sus de la charge de travail
liée à leur profession. Il s’agit non seulement d’une charge physique, mais aussi d’une
charge psychologique. Une étude réalisée en Catalogne sur les déterminants sociaux
de la santé des femmes montre que ce sont les travailleuses les plus défavorisées (salaires
peu élevés, horaires flexibles, emploi à temps partiel) qui sont davantage victimes
99
de cette « double charge » .

3.4.3. Les impacts sur les conditions de travail en général

Le graphique 13 indique le degré de satisfaction des salariés belges par rapport à leurs
conditions de travail en général, en fonction de la durée hebdomadaire habituelle
de leur travail. C’est parmi ceux qui travaillent plus de 40 heures par semaine que l’on
trouve à la fois le plus de salariés insatisfaits (15,5 %) et le plus de salariés très satisfaits
(30,8 %).

Graphique 13. Degré de satisfaction des salariés à l’égard de leurs conditions


de travail en général selon la durée hebdomadaire habituelle de leur travail
(Belgique, 2010)

1-20 h 28,6 % 61,8 % 9,6 %

21-30 h 30,2 % 58,1 % 11,7 %

31-34 h 25,3 % 61,8 % 12,9 %

35-36 h 29,0 % 63,0 % 8,0 %

37-38 h 25,7 % 62,8 % 11,4 %

39-40 h 26,8 % 64,5 % 8,6 %

>40 h 30,8 % 53,8 % 15,5 %

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Très satisfait Satisfait Pas satisfait

Source : Enquête EWCS 2010.


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Hormis ce constat, la variation du degré de satisfaction en fonction de la durée du
travail ne permet pas de tirer d’autres conclusions claires. On peut alors tester une autre
hypothèse à propos du temps de travail : ce n’est pas tellement la durée hebdomadaire
du travail qui influence la satisfaction à l’égard des conditions de travail, mais plutôt
le fait d’avoir des horaires atypiques. Cette hypothèse a été testée dans le cas du travail
des femmes. Les résultats (Tableau 20) montrent que l’insatisfaction des femmes par

99
L. ARTAZCOZ, I. CORTÈS, C. BORRELL, « Travail et famille : une trop lourde double charge pour la santé
des femmes », HesaMag, n° 3, 2011, p. 23-27.

CH 2191-2192
54 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

rapport à leurs conditions de travail est nettement plus fréquente lorsqu’elles ont
des horaires atypiques. C’est en premier lieu le travail du dimanche, puis le travail sur
appel, les changements d’horaires imprévus, le travail en soirée, le travail du samedi
et les horaires hebdomadaires irréguliers qui sont des facteurs d’insatisfaction à l’égard
des conditions de travail. Le pourcentage moyen de femmes insatisfaites de leurs
conditions de travail est de 12 %, ce qui permet de prendre la mesure des écarts.

Tableau 20. Proportion de femmes salariées déclarant être insatisfaites de leurs


conditions de travail en général selon le fait d’avoir ou non des horaires atypiques
(en %, Belgique, 2010)
Femmes Femmes
insatisfaites insatisfaites
parmi les salariées parmi les salariées
concernées non concernées
Travail du dimanche au moins 2 fois par mois 29 10
Travail sur appel ou sous astreinte (périodes de garde, etc.) 18 11
Fait de devoir faire face à des changements d’horaires annoncés la veille ou le jour même 18 11
Travail en soirée (au moins 2 heures après 18h) au moins 4 fois par mois 17 10
Travail le samedi au moins 2 fois par mois 17 10
Fait de ne pas travailler le même nombre d’heures chaque semaine 17 10
Fait de ne pas travailler le même nombre de jours chaque semaine 16 11
Sources : Enquête EWCS 2010 ; G. VALENDUC, Les femmes et l’emploi atypique, Bruxelles-Namur, Femmes CSC/Fondation
Travail-Université, 2012, p. 57.

En revanche, il n’y a pas de corrélation entre l’insatisfaction par rapport aux conditions
de travail et le travail à pauses ou les horaires flexibles d’un jour à l’autre. Dans le cas
du travail de nuit, les nombres sont trop petits pour établir une corrélation avec
l’insatisfaction par rapport aux conditions de travail.
Par ailleurs, l’expérience française des 35 heures, qui a combiné réduction de la durée
hebdomadaire du travail et augmentation de la flexibilité des horaires, permet de
dresser quelques constats instructifs sur le lien entre réduction du temps de travail,
conditions de travail et qualité de vie. En matière de conditions de travail, les opinions
sont partagées : 26 % des salariés français pensent que la RTT a amélioré leurs conditions
de travail, 28 % pensent le contraire et 46 % n’ont constaté aucun changement. Lorsque
la RTT a permis d’augmenter les effectifs dans l’unité de travail, les opinions positives
sur l’amélioration des conditions de travail montent à 33 %. Les plus satisfaits sont
ceux pour qui la RTT a permis de mieux s’organiser dans leur travail (43 % d’opinions
positives) ou de gagner en autonomie (40 % d’opinions positives) ; les plus insatisfaits
sont ceux pour qui la RTT a signifié un accroissement de la polyvalence (36 % d’opinions
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négatives) ou une intensification du travail (moins de temps pour faire les mêmes
tâches : 68 % d’opinions négatives). En revanche, les opinions sur l’amélioration de
la vie quotidienne sont plus largement positives : 59 % des salariés déclarent avoir
connu une amélioration de leur vie quotidienne, 13 % une dégradation, et 28 % n’avoir
100
pas constaté de changement .

100
C. ERHEL, C. GAVINI, L. LIZÉ, La réduction du temps de travail : travailler moins ?, op. cit., p. 100-105.

CH 2191-2192
4. VISION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS
DE TRAVAIL : UNE ENQUÊTE EN BELGIQUE
FRANCOPHONE

Ce chapitre reprend les résultats d’une enquête réalisée en Belgique francophone au


deuxième semestre 2012 dans le but d’apprécier l’imaginaire contemporain autour
de la réduction du temps de travail 101. L’enquête a interrogé les salariés mais aussi
les demandeurs d’emploi pour prendre la mesure de leur degré de connaissance
du dispositif, de leurs difficultés, de leurs contraintes et de leurs aspirations dans
ce domaine.
L’enquête s’intitulait « Travailler plus, travailler moins, travailler tous » et était introduite
par un petit paragraphe évoquant la perspective d’une réduction collective du temps
de travail. C’est donc bien à une approche collective et non individuelle de la réduction
du temps de travail que cette enquête faisait référence.
La diffusion des questionnaires s’est faite sur la base de quotas (sexe, âge, branche
d’activité, taille d’entreprise) et par l’intermédiaire de représentants syndicaux.
Au total, 1 451 questionnaires ont été récoltés, émanant de 1 112 salariés 102 et de
339 demandeurs d’emploi 103. En effet, nous avons choisi de distinguer dans l’analyse
les résultats des salariés et ceux des demandeurs d’emploi, mais nous avons veillé
à inclure également ces derniers à l’enquête car nous émettons l’hypothèse que
la perception de la réduction du temps de travail est liée aussi à la participation ou
à l’exclusion du marché du travail.

101
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L’enquête a été réalisée par la Fondation Travail-Université à la demande de la CSC.
102
L’échantillon des salariés est représentatif de la population mère sur une série de variables mais présente
certaines limites sur d’autres ; principalement, il comprend une population un peu plus âgée que
la population de référence, un nombre insuffisant de salariés de petites entreprises et du secteur
public, une proportion élevée d’affiliés à une organisation syndicale (94 %, tous syndicats confondus)
et plus spécifiquement de salariés exerçant ou ayant exercé un mandat syndical (65 %). Cette dernière
caractéristique s’explique par le canal de diffusion de l’enquête (via des militants et responsables
syndicaux). Afin d’apprécier les biais éventuels liés à ces limites de représentativité, nous avons
systématiquement fait des comparaisons en fonction des principales variables concernées : l’âge, la taille
de l’entreprise, l’exercice d’un mandat syndical.
103
L’échantillon des demandeurs d’emploi est un peu plus âgé que la population mère. Il comprend également
une proportion importante de répondants affiliés à un syndicat (90 %, tous syndicats confondus). Ici
aussi, cela s’explique par le mode de diffusion via un canal syndical.

CH 2191-2192
56 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

4.1. LA POSITION PAR RAPPORT AU TEMPS

Dans l’enquête, la mesure du rapport au temps est approchée à partir de trois questions.
La première sonde le sentiment de manque de temps ou d’argent, ou le manque
des deux. La deuxième interroge sur le sentiment d’être dominé par le temps ou de
dominer celui-ci. La troisième demande aux personnes interrogées quels sont les temps
plus ou moins importants pour eux : le temps pour les proches, pour le travail, pour
les loisirs, etc.
Déclarer manquer de temps comme d’argent fait partie d’une certaine normalité.
Les pourcentages élevés qui suivent ne doivent pas être interprétés comme l’expression
d’un état majoritairement insoutenable de tensions temporelles et de privations
matérielles. L’intérêt de ces données tient à la fois au sentiment général exprimé mais
surtout aux comparaisons qui font ressortir la spécificité de certaines situations et/ou
l’effet positif de certaines autres (avoir un emploi, exercer un type de métier particulier,
être dans une situation familiale spécifique, etc.).

4.1.1. Le rapport au temps

La première question (Graphique 14) montre que si le manque d’argent est exprimé
de manière prioritaire, le manque de temps est également une réalité qui concerne
79,0 % des salariés (23,4 % qui manquent de temps + 55,6 % qui manquent de temps
et d’argent) et 55,2 % des demandeurs d’emploi (9,2 % + 46,0 %). Au total, ce sont
44,8 % des demandeurs d’emploi qui échappent à la pression du temps (41,7 % qui
manquent d’argent + 3,1 % qui ne manquent ni de temps ni d’argent) et 21,0 %
des salariés (17,7 % + 3,3 %). Près d’un quart des salariés (23,4 %) disent manquer
de temps mais pas d’argent, tandis que 41,7 % des demandeurs d’emploi affirment
manquer d’argent mais pas de temps.
D’une manière générale, parmi les salariés, on constate peu de différences entre les
hommes et les femmes. L’âge rend compte de plus de différences. Les moins de 35 ans
sont plus nombreux à déclarer manquer principalement de temps (33 %, contre 24 %
dans les autres catégories d’âge). Les 35 à 49 ans sont plus nombreux à déclarer manquer
à la fois de temps et d’argent (58 %, contre 47 % chez les plus jeunes et 26 % chez
les plus âgés).
Toujours parmi les salariés, les niveaux de formation 104 – et donc le type de métier
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exercé – ont davantage d’incidence que le sexe ou l’âge sur la position par rapport
au temps. Les plus diplômés déclarent plus souvent manquer principalement de temps :
38 % pour les diplômés du supérieur contre 15 % pour les diplômés CEB (certificat
d’études de base) ou CESI (certificat d’enseignement secondaire inférieur), et 20 %
pour les diplômés CESS (certificat d’enseignement secondaire supérieur). Pour ceux

104
Les niveaux de formation seront désignés par « diplômés du supérieur » pour les diplômés du supérieur
court et long (Isced 5-6), « diplômés CESS » pour les diplômés ayant le certificat d’enseignement
secondaire supérieur (Isced 3-4), « diplômés CEB ou CESI » pour les diplômés ayant soit le certificat
d’études de base soit le certificat d’enseignement secondaire inférieur (Isced 1-2).

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 57

qui ne sont pas diplômés de l’enseignement supérieur, ce sont à la fois le temps et


l’argent qui manquent (62 %, contre 43 % pour les diplômés du supérieur). Les isolés
avec enfant sont ceux qui déclarent le plus souvent manquer à la fois de temps et d’argent
(65 %, contre 50 à 55 % dans les autres configurations familiales).
Pour les salariés, le rapport au temps est donc surtout marqué par le métier exercé et
la situation familiale.

Graphique 14. Sentiment de manquer de temps et/ou d’argent


(Belgique francophone, 2012)
100 %

90 %

80 %
46,0 %
55,6 %
70 %

60 %

3,1 %
50 %

3,3 %
40 %

17,7 %
30 % 41,7 %

20 %

10 % 23,4 %

9,2 %
0%
Salariés Demandeurs d'emploi

Temps Argent Aucun des deux Les deux

Source : Enquête FTU 2012.

4.1.2. La maîtrise du temps

Le sentiment d’être dominé par le temps est plus fréquent parmi les salariés (64,3 %)
que parmi les demandeurs d’emploi (49,4 %) (Graphique 15). Ce constat confirme
l’impact de l’activité professionnelle sur le rapport au temps. Toutefois, les rythmes de
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la vie actuelle dépassent la seule activité professionnelle, comme le confirment les
réponses des demandeurs d’emploi, et l’harmonie des temps et des rythmes est un défi
contemporain.
Il est intéressant de constater que, tant pour les salariés que pour les demandeurs
d’emploi, il y a peu de différences entre hommes et femmes en ce qui concerne le
sentiment d’être dominé par le temps ou de le maîtriser. C’est dans le groupe d’âge
médian (35 à 49 ans), et lorsqu’il y a des enfants à charge, que le sentiment d’être
dominé par le temps est un peu plus fréquent.

CH 2191-2192
58 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 15. Sentiment de maîtriser le temps (Belgique francophone, 2012)

100 %

90 %

35,7 %
80 %
50,6 %
70 %

60 %

50 %

40 %

64,3 %
30 %
49,4 %
20 %

10 %

0%
Salariés Demandeurs d'emploi

Sentiment d'être dominé par le temps Sentiment de maîtriser le temps

Source : Enquête FTU 2012.

4.1.3. L’importance relative du temps et du revenu

Une question demandait aux répondants dans quelle mesure une série de propositions
relatives au temps et au revenu étaient importantes, non pas dans l’absolu mais par
rapport à leur vie au moment de l’enquête. Cette question permet de saisir l’importance
relative des deux dimensions.

Les salariés

Le graphique 16 montre que, pour les salariés, les temps qualifiés de très importants
sont d’abord ceux pour la famille et les proches (73,7 %) et ceux pour le couple
(56,2 %). Vient ensuite le souci d’épargner pour l’avenir, suivi du temps libre et
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des loisirs, et enfin le fait de gagner beaucoup d’argent et le fait de travailler le plus
possible 105.

105
Dans le contexte de l’enquête, l’hypothèse sous-jacente à « travailler le plus possible » est de travailler
plus pour gagner plus.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 59

Graphique 16. Importance relative du temps et du revenu chez les salariés


(Belgique francophone, 2012)

Travailler le plus possible

Gagner beaucoup d’argent

Avoir du temps pour ses loisirs

Avoir du temps libre pour soi

Épargner pour l'avenir

Temps pour son/sa partenaire

Temps pour sa famille et ses proches

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

Très important Important Peu important Pas du tout important Sans avis

Source : Enquête FTU 2012.

Un peu plus de femmes pensent qu’il est très important de disposer de temps pour
la famille et les proches, et de pouvoir épargner pour l’avenir, et de même qu’il est
important de travailler le plus possible. Les hommes sont un peu plus nombreux
que les femmes à déclarer qu’il est important voire très important d’avoir du temps
pour les loisirs.
Ce sont les 35 à 49 ans qui déclarent le plus souvent qu’il est très important de gagner
beaucoup d’argent et les moins de 50 qu’il est très important d’épargner pour l’avenir.
Disposer de temps pour son partenaire est très important pour plus d’un actif sur deux ;
ce pourcentage décroît avec l’avancée en âge : il est de 67 % avant 35 ans et de 51 %
après 50 ans.
Le niveau de formation – et donc le type de métier exercé – a davantage d’incidence
que le sexe ou l’âge sur les réponses. Travailler plus est important pour 43 % des moins
diplômés (CEB ou CESI), pour 38 % des diplômés CESS et pour 30 % des diplômés
de l’enseignement supérieur. Pour 25 % de ces derniers, travailler plus n’est pas
du tout important. La hauteur des salaires est, en effet, liée au diplôme et au type
de métier exercé. Pour atteindre un même niveau de revenu, il est donc nécessaire
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aux personnes peu ou pas diplômées de travailler davantage que celles ayant décroché
un diplôme plus élevé. Dans le même ordre d’idées, gagner beaucoup d’argent est
très important ou important pour 79 % des diplômés CEB ou CESI, pour 80 %
des diplômés CESS et pour 62 % des diplômés de l’enseignement supérieur. Cela est
logique dans la mesure où ce sont aussi les plus diplômés qui sont les moins nombreux
à déclarer manquer d’argent. Pouvoir épargner pour l’avenir est également plus souvent
jugé comme très important par ceux qui ne sont pas diplômés du supérieur (49 %
pour les diplômés CEB ou CESI, 48 % pour les diplômés CESS et 32 % pour les diplômés
du supérieur).

CH 2191-2192
60 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Les couples avec enfant sont ceux qui déclarent le plus souvent qu’il est très important
d’avoir du temps pour sa famille et pour ses proches (81 %). Les isolés avec enfant
déclarent plus fréquemment (45 %) qu’il est important de travailler plus. Ici encore,
on peut postuler que les besoins financiers influencent sensiblement ce que les
répondants aimeraient pouvoir faire de leur temps.
En conclusion, le temps pour la cellule familiale et le couple est le plus important,
avec des arbitrages temps/argent qui sont influencés par le type de métier exercé et
la situation familiale, principalement.

Les demandeurs d’emploi


Les réponses des demandeurs d’emploi à la même question (Graphique 17) montrent
que c’est toujours le temps familial qui est le plus souvent considéré comme étant très
important. Travailler le plus possible, épargner pour l’avenir, gagner beaucoup d’argent
sont plus fréquemment considérés comme très importants que dans le cas des salariés.
La tendance inverse s’observe pour le temps libre ou le temps des loisirs. Ces tendances
sont en phase évidemment avec les situations économiques différentes des salariés
et des demandeurs d’emploi.
Notons cependant que le temps de la famille est celui qui reste le premier du classement
malgré la situation économique plus difficile des demandeurs d’emploi.
Graphique 17. Importance relative du temps et du revenu chez les demandeurs d’emploi
(Belgique francophone, 2012)

Travailler le plus possible

Gagner beaucoup d’argent

Avoir du temps pour ses loisirs

Avoir du temps libre pour soi

Épargner pour l'avenir

Temps pour son/sa partenaire

Temps pour sa famille et ses proches


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0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

Très important Important Peu important Pas du tout important Sans avis

Source : Enquête FTU 2012.

Pour les demandeurs d’emploi, comme pour les salariés, les femmes sont un peu plus
nombreuses à déclarer qu’il est très important de disposer de temps pour la famille
et les proches. Les hommes sont de leur côté un peu plus nombreux que les femmes
à déclarer que le temps libre et de loisir est très important, de même que gagner
beaucoup d’argent et épargner pour l’avenir.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 61

Mais ici aussi, comme dans le cas des salariés, l’âge introduit plus de différences que
le sexe. Les demandeurs d’emploi âgés de moins de 35 ans sont plus nombreux que
leurs homologues plus âgés à déclarer qu’il est très important d’avoir du temps pour
la famille et les proches (64,2 %, contre 50,6 % pour les personnes âgées de 50 ans
et plus), de travailler le plus possible (24,2 %, contre 12,9 %) et de gagner beaucoup
d’argent (39,7 %, contre 26,7 %). Les demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus sont
aussi un peu plus nombreux que les jeunes à considérer le temps libre et le temps
de loisir comme très importants. Chacun de ces avis s’ancre dans une période du cycle
de vie qui, dans le cas des jeunes, est celle de l’installation dans la vie adulte et dans
la vie indépendante, qui nécessitent des ressources financières, et qui, pour les plus
âgés, est celle où l’installation est faite et où les charges financières, souvent, commencent
à diminuer. Dans le même ordre d’idée, les demandeurs d’emploi de moins de 35 ans
sont 63,9 % à déclarer qu’il est très important d’épargner pour l’avenir, contre 60,7 %
pour ceux de 35 à 49 ans et 45,3 % pour ceux de 50 ans et plus. Cette observation est
donc inversée par rapport à celle posée plus haut à propos des salariés.
La situation familiale est également une variable qui influence les attentes à l’égard
du temps. Disposer de temps pour la famille et les proches est jugé très important
essentiellement par les isolés avec enfant (69,0 %) ou les couples avec enfant (64,1 %).
Les couples sans enfant, quant à eux, sont proportionnellement plus nombreux à
considérer le temps de loisir comme étant important ou très important (78,1 % au
total, contre 57,8 % dans le cas des isolés avec enfant et 62,2 % dans le cas des couples
avec enfant). Ils sont aussi proportionnellement les plus nombreux à déclarer qu’il est
peu important ou pas du tout important (41,4 % au total) de travailler le plus possible.
Gagner beaucoup d’argent et épargner pour l’avenir est proportionnellement plus
souvent déclaré comme étant très important chez les demandeurs d’emploi vivant
chez leurs parents. Les situations familiales se caractérisent surtout par la présence
plus importante des moins de 35 ans parmi ceux qui habitent chez leurs parents.
La présence ou non d’enfants dans la cellule familiale et le fait d’habiter chez les parents
a une incidence sur le temps potentiellement valorisé : s’occuper de ses enfants, assurer
son indépendance.

4.2. L’IMAGINAIRE AUTOUR DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Les temps forts du débat autour de la réduction du temps de travail datent des années
1980 et 1990, lorsque certaines majorités au pouvoir en France faisaient de la réduction
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du temps de travail un objectif politique et que le débat public prenait le relais de
cette idée qui dépassait largement les frontières de la France. Aujourd’hui, la réduction
du temps de travail n’est plus au cœur du débat public. Dès lors, quelle en est sa
perception actuelle, à la fois pour ceux qui étaient sur le marché du travail dans
les années 1980 et 1990, mais aussi pour ceux, plus jeunes, qui n’y étaient pas encore ?
Trois questions dans l’enquête visent à cerner l’imaginaire autour de la réduction
du temps de travail. L’objectif est d’évaluer dans quelle mesure le répondant pense
avoir une connaissance de la réduction du temps de travail et de savoir ce qu’elle évoque
pour lui.

CH 2191-2192
62 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Une première question, assez générale, demande aux répondants s’ils ont déjà entendu
parler de la réduction du temps de travail. À ceux qui ont répondu positivement, une
autre question demande s’ils ont une idée plutôt claire ou plutôt vague de ce qu’est
la réduction du temps de travail. Enfin, une troisième question, adressée à tous, suggère
une série de propositions et demande aux répondants s’ils sont plus ou moins d’accord
avec ce qui est exprimé.

4.2.1. Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail

Le graphique 18 montre que 86,0 % des salariés déclarent avoir déjà entendu parler
de la réduction du temps de travail et qu’un peu plus d’1 sur 2 (52,6 %) pense en avoir
une idée claire 106. Du côté des demandeurs d’emploi, ce sont 58,0 % des répondants
qui déclarent avoir déjà entendu parler de la réduction du temps de travail et un peu
moins d’1 sur 4 (24,0 %) qui pense en avoir une idée claire.

Graphique 18. Sentiment de connaître la réduction du temps de travail


(Belgique francophone, 2012)
100 %

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %
86,0 %
40 %

30 % 58,0 %
52,6 %
20 %

24,0 %
10 %

0%
Salariés Demandeurs d'emploi

A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT


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Source : Enquête FTU 2012.

Parmi les salariés, la même proportion d’hommes que de femmes déclarent connaître
la réduction du temps de travail. Parmi les demandeurs d’emploi, les hommes sont
plus nombreux à déclarer en avoir entendu parler (66,5 % contre 50,9 %).

106
Somme des réponses « idée très claire » et « idée assez claire ».

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 63

Pour les salariés comme pour les demandeurs d’emploi, le sentiment de connaître
la réduction du temps de travail est fortement lié à l’âge. Si 96,8 % des salariés et 84,3 %
des demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans déclarent en avoir entendu parler,
les moins de 35 ans sont 70,3 % parmi les salariés et 35,0 % parmi les demandeurs
d’emploi (Graphique 19). Quant à penser en avoir une idée claire, ils sont 38,6 %
parmi les salariés de moins de 35 ans et 9,7 % parmi les demandeurs d’emploi
du même groupe d’âge.
Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail est également lié au niveau
de diplôme du répondant, encore plus dans le cas des demandeurs d’emploi. Si de 84
à 90 % des salariés (selon le niveau du diplôme) déclarent en avoir déjà entendu
parler, ceux qui pensent en avoir une idée claire sont 60,5 % parmi les diplômés
du supérieur, 53,0 % parmi les diplômés CESS et 38,5 % parmi les diplômés CEB
ou CESI (Graphique 20). Parmi les demandeurs d’emploi, moins d’1 diplômé CEB ou
CESI sur 5 (18,8 %) pense avoir une idée claire de ce qu’est la réduction du temps
de travail, contre plus d’1 sur 2 (53,0 %) dans le cas des diplômés du supérieur.
Les salariés qui exercent un mandat syndical sont 67,4 % à penser avoir une idée claire de
la réduction du temps de travail, contre 57,1 % parmi ceux qui n’exercent pas un tel
mandat. Il y a donc un effet de culture ou de formation syndicale, sans que celui-ci
soit cependant le facteur le plus déterminant. L’âge apparaît plus discriminant.

Graphique 19. Sentiment de connaître la réduction du temps de travail selon l’âge


(Belgique francophone, 2012)

Salariés Demandeurs d'emploi


100 % 100 %

90 % 90 %

80 % 80 %

70 % 70 %

60 % 60 %

50 % 96,8 %
50 %
87,2 % 84,3 %
40 % 40 %
70,3 %
62,7 % 64,0 %
30 % 30 %
55,1 %
48,0 %
20 % 38,6 % 20 %
35,0 %
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10 % 10 % 21,0 %
9,7 %
0% 0%
< 35 ans 35-49 ans 50+ < 35 ans 35-49 ans 50+

A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT

Source : Enquête FTU 2012.

CH 2191-2192
64 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 20. Sentiment de connaître la réduction du temps de travail


selon le niveau de formation (Belgique francophone, 2012)
Salariés Demandeurs d'emploi
100 % 100 %

90 % 90 %

80 % 80 %

70 % 70 %

60 % 60 %

50 % 50 %
90,3 %
84,3 % 84,4 %
40 % 40 %
75,0 %
65,7 %
30 % 60,5 % 30 %
53,0 % 53,0 %
48,4 %
20 % 38,5 % 20 %
27,5 %
10 % 10 % 18,8 %

0% 0%
CEB ou CESI CESS Supérieur CEB ou CESI CESS Supérieur

A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT A entendu parler de la RTT A une idée claire de la RTT

Source : Enquête FTU 2012.

Le sentiment de connaître la réduction du temps de travail est plus répandu parmi


les salariés qui travaillent dans de grandes entreprises que parmi ceux de petites
entreprises. Cela est à mettre en rapport avec le fait que la moyenne d’âge est plus
élevée dans les grandes entreprises.
C’est dans le secteur privé non marchand que le sentiment de connaître la réduction
du temps de travail est le plus répandu : 90,0 % des travailleurs de ce secteur déclarent
en avoir entendu parler, contre 80,3 % dans le secteur public. Le secteur privé marchand
se situe entre les deux autres. C’est aussi dans le secteur public que l’on constate la plus
grande proportion de répondants déclarant avoir entendu parler de la réduction du
temps de travail mais en avoir une idée vague (44,2 %, contre 32,6 % dans le secteur
privé non marchand). Enfin, c’est dans le secteur de l’industrie que les répondants
qui déclarent avoir déjà entendu parler de la réduction du temps de travail sont les plus
nombreux à penser en avoir une idée claire (71 %, contre 66 % dans le secteur de
la santé et de l’action sociale et 63 % dans le secteur du commerce).
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4.2.2. Les opinions concernant la réduction du temps de travail

À quoi est associée la perception de la réduction du temps de travail ? Il ne s’agit pas


ici d’interroger les répondants sur les finalités concrètes de la réduction du temps
de travail, mais de cerner un imaginaire autour d’un concept certes largement connu,
surtout parmi les plus âgés, mais souvent de manière assez vague.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 65

Une question proposait donc une série d’affirmations et demandait aux répondants
d’exprimer leur accord ou leur désaccord par rapport à chacune de ces affirmations.
Ces dernières sont de divers ordres.
Un premier groupe de propositions touche à une vision positive du futur, à travers
les propositions suivantes : « La réduction du temps de travail est
- une solution pour avoir plus de temps libre ;
- un moyen pour arriver à mettre en place une société plus juste ;
- une manière de se construire un avenir plus agréable. »
Un deuxième groupe de propositions mesure le scepticisme, à l’aide les affirmations
suivantes : « La réduction du temps de travail est
- une idée dépassée ;
- une idée qui concerne d’abord les Français ;
- un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste. »
Deux propositions touchent à deux éléments clés de la mise en œuvre : « La réduction
du temps de travail est
- quelque chose qui risque de diminuer les revenus ;
- un dispositif réservé à certains types de travail. »
Deux dernières propositions concernent la vision des porteurs d’un projet de réduction
du temps de travail : « La réduction du temps de travail est
- un projet qui est développé par les syndicats ;
- une décision qui relève surtout du monde politique. »
Pour chacune de ces propositions, les répondants avaient le choix entre les réponses
suivantes : tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord,
sans avis.

Les salariés

C’est autour d’une vision du futur que les salariés interrogés expriment le plus
largement leur accord, avec des perspectives positives en termes de temps libre
(Graphique 21). Les avis sont plus partagés lorsqu’il s’agit de se prononcer sur les
porteurs d’un projet de réduction du temps de travail, même si, pour une majorité,
le projet est associé au syndicat. Le scepticisme est largement minoritaire. Quant à
la mise en œuvre, les avis sont plus partagés en ce qui concerne la restriction à certains
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types de métiers et l’impact potentiel sur le revenu.
Il y a peu de différences entre hommes et femmes sur la plupart des propositions,
hormis les suivantes. Davantage d’hommes (21 %) que de femmes (15 %) considèrent
qu’il s’agit d’un projet de rêveurs. Par contre, davantage de femmes (65 %) que
d’hommes (58 %) pensent que cela diminue les revenus. Les femmes sont aussi plus
nombreuses à se déclarer « sans avis » lorsqu’on leur demande s’il s’agit selon elles
d’un projet développé par les syndicats ou d’une décision qui relève du monde politique.
Sur cette même question, ce qui distingue le plus les groupes d’âge est le nombre plus
élevé de réponses « sans avis » parmi les moins de 35 ans. Cela reflète aussi la moindre

CH 2191-2192
66 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

connaissance de la réduction du temps de travail (près de 30 % de « sans avis » pour


une série de propositions).
Le niveau de diplôme introduit certaines variations sur quelques propositions. Les
moins diplômés sont proportionnellement plus nombreux à penser que la réduction
du temps de travail est une idée qui concerne d’abord les Français (20 %, contre 7
à 12 % pour les autres répondants). Ils sont aussi, de même que les diplômés CESS,
21 % à penser qu’il s’agit d’un projet de rêveurs, contre 13 % parmi les diplômés
du supérieur. Les moins diplômés sont aussi plus d’1 sur 2 (53 %) à considérer que
la réduction du temps de travail est réservée à certains types de travail (contre 45 à
46 % pour les autres catégories de diplômés).
Les différenciations les plus fortes parmi les salariés sont la part plus importante de
« sans avis » parmi les plus jeunes, et celle des sceptiques parmi les moins diplômés.

Graphique 21. Opinion des salariés concernant la réduction du temps de travail


(Belgique francophone, 2012)

VISION DU FUTUR
Une manière de se construire un avenir plus agréable
Un moyen pour arriver à une société plus juste
Une solution pour avoir plus de temps libre
MISE EN ŒUVRE
Un dispositif réservé à certains types de travail
Quelque chose qui risque de diminuer les revenus
SCEPTICISME
Un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste
Une idée qui concerne d’abord les Français
Une idée dépassée
PORTEURS
Une décision qui relève surtout du monde politique
Un projet qui est développé par les syndicats

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Sans avis

Source : Enquête FTU 2012.

Les demandeurs d’emploi

Les réponses des demandeurs d’emploi se distinguent d’abord par les pourcentages
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élevés de réponses « sans avis », ce qui est cohérent avec les plus faibles pourcentages
de personnes qui pensaient avoir une idée claire de la réduction du temps de travail.
La vision positive du futur associée à la réduction du temps de travail est également
largement partagée (Graphique 22). La proportion de sceptiques est un peu plus
élevée parmi les demandeurs d’emploi, mais surtout aussi celle de « sans avis ».
L’association de la réduction du temps de travail au syndicalisme est moins largement
répandue que dans le cas des salariés.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 67

Graphique 22. Opinion des demandeurs d’emploi


concernant la réduction du temps de travail (Belgique francophone, 2012)

VISION DU FUTUR
Une manière de se construire un avenir plus agréable
Un moyen pour arriver à une société plus juste
Une solution pour avoir plus de temps libre
MISE EN ŒUVRE
Un dispositif réservé à certains types de travail
Quelque chose qui risque de diminuer les revenus
SCEPTICISME
Un projet de rêveurs qui n’est pas réaliste
Une idée qui concerne d’abord les Français
Une idée dépassée
PORTEURS
Une décision qui relève surtout du monde politique
Un projet qui est développé par les syndicats

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Sans avis

Source : Enquête FTU 2012.

Les femmes demandeuses d’emploi sont plus nombreuses que les hommes à se dire
« sans avis » aux trois propositions qui essaient d’apprécier le niveau de scepticisme
à l’égard de la réduction du temps de travail ; c’est également le cas pour les moins
de 35 ans.
La proportion importante de réponses « sans avis » à plusieurs propositions est ce qui,
globalement, distingue le plus les demandeurs d’emploi des salariés. Cela s’explique
par le fait que la part des demandeurs d’emploi pensant avoir une idée claire de
la réduction du temps de travail est nettement plus faible.

4.3. LA VISION DES FINALITÉS DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Pourquoi soutenir éventuellement une politique de réduction du temps de travail ?


À quoi peut-elle servir ? Dans l’enquête, ont été suggérés 13 objectifs, regroupés en
quatre groupes d’objectifs généraux :
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- objectifs de répartition de l’emploi :
- diminuer le chômage ;
- donner une place aux jeunes sur le marché du travail ;
- partager le travail.
- objectifs de qualité de vie :
- améliorer la qualité de vie en travaillant moins ;
- avoir un meilleur équilibre entre la vie de travail et la vie de famille ;
- rendre le travail moins pénible dans certains métiers ;
- augmenter le temps libre.

CH 2191-2192
68 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

- objectifs économiques :
- améliorer la compétitivité des entreprises ;
- créer de nouveaux emplois ;
- permettre de travailler quand on est plus vieux ;
- développer le secteur des loisirs.
- objectifs idéologiques :
- aller vers un nouveau modèle de croissance économique ;
- mieux répartir la richesse.
Pour chacun des 13 objectifs, les répondants devaient, à partir d’une échelle de 1 à 5,
dire si la réduction du temps de travail pouvait selon eux aider à atteindre l’objectif
suggéré. Dans les données qui suivent, des scores ont été calculés : 1 signifie que
la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 signifie qu’elle « aide
beaucoup ». Dans la lecture des résultats, les scores doivent être considérés comme
des opinions positives significatives au-delà de 3 (score qui marque une position médiane
peu tranchée). Dans la présentation des résultats, nous avons systématiquement
précisé les pourcentages de réponses « sans avis » car, pour certaines propositions,
ils sont très élevés, ce qui est également un indicateur intéressant du degré de
(mé)connaissance de la signification de la réduction du temps de travail (les réponses
« sans avis » ne rentrent pas dans le calcul de la moyenne).
Le point 4.3.1 donne un aperçu général des réponses et le point 4.3.2 développe
une analyse comparative des réponses autour des quatre groupes d’objectifs généraux.

4.3.1. Aperçu général

Une première lecture globale montre que, de l’avis tant des salariés que des demandeurs
d’emploi, la réduction du temps de travail peut aider à atteindre l’ensemble des objectifs
suggérés, de manière plus ou moins significative : aucun des scores n’est inférieur
à 3 et un seul est égal à cette valeur. Les scores les plus élevés concernent les objectifs
de qualité de vie ; les objectifs de répartition de l’emploi viennent ensuite.
Les objectifs de qualité de vie sont ceux pour lesquels tant les salariés que les demandeurs
d’emploi considèrent le plus que la réduction du temps de travail peut apporter
une aide significative : tous les scores sont au-delà de 4 (Tableau 21). En ce qui concerne
les objectifs de répartition de l’emploi, les scores vont de 3,5 à 3,9, avec un peu plus
de scepticisme parmi les demandeurs d’emploi sur la capacité de la réduction du temps
de travail à contribuer à une diminution du chômage. Les objectifs économiques
sont ceux pour lesquels on relève le plus de réponses « sans avis » et pour lesquels,
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dans l’ensemble, les scores sont les plus bas ; cependant, les demandeurs d’emploi
accordent un score de 4 à l’objectif « créer de nouveaux emplois ». Pour les objectifs
idéologiques, la part des réponses « sans avis » va de 20,0 à 27,1 %. Notons cependant
le score plus élevé (3,8) des demandeurs d’emploi sur l’objectif « partager la richesse ».
Le fait que les demandeurs d’emploi sont systématiquement plus nombreux à se déclarer
« sans avis » par rapport aux objectifs suggérés (Tableau 21) est en lien avec la proportion
plus importante de demandeurs d’emploi qui déclaraient ne pas connaître la réduction
du temps de travail. Ceux qui expriment un avis considèrent davantage que les salariés
que la réduction du temps de travail peut aider à rencontrer des objectifs économiques

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 69

(scores de 3,6 à 4 pour les diverses propositions dans le cas des demandeurs d’emploi,
et de 3 à 3,7 dans le cas des salariés).

Tableau 21. Vision des finalités de la réduction du temps de travail


(Belgique francophone, 2012)
Demandeurs
Salariés
d’emploi
% de % de
Scores * Scores *
sans avis sans avis
Objectifs de répartition de l’emploi
Diminuer le chômage 3,7 7,8 3,5 19,3
Donner une place aux jeunes sur le marché du travail 3,8 4,5 3,9 17,1
Partager le travail 3,9 3,8 3,9 15,7
Objectifs de qualité de vie
Améliorer la qualité de vie en travaillant moins 4,2 3,2 4,0 15,6
Avoir un meilleur équilibre entre la vie de travail et la vie de famille 4,4 2,0 4,2 12,9
Rendre le travail moins pénible dans certains métiers 4,2 3,4 4,3 15,0
Augmenter le temps libre 4,3 2,1 4,2 15,6
Objectifs économiques
Améliorer la compétitivité des entreprises 3,0 23,6 3,6 31,3
Créer de nouveaux emplois 3,7 6,6 4,0 19,4
Permettre de travailler quand on est plus vieux 3,2 14,7 3,6 28,1
Développer le secteur des loisirs 3,7 11,1 3,9 22,9
Objectifs idéologiques
Aller vers un nouveau modèle de croissance économique 3,6 21,8 3,7 27,1
Mieux répartir la richesse 3,1 20,0 3,8 24,6
* Lecture : 1 signifie que la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 qu’elle « aide beaucoup ».
On considère qu’une réponse positive ferme s’exprime au-delà de 3.
Source : Enquête FTU 2012.

Le graphique 23 reprend l’ensemble des réponses de façon plus synthétique et visuelle.

Graphique 23. Vision des finalités de la réduction du temps de travail : scores moyens
(Belgique francophone, 2012)

Objectifs idéologiques

Objectifs économiques
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Objectifs de qualité de vie

Objectifs de répartition de l'emploi

1 2 3 4 5
Salariés Demandeurs d'emploi

Remarque : 1 signifie que la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 qu’elle « aide
beaucoup ». On considère qu’une réponse positive ferme s’exprime au-delà de 3.
Source : Enquête FTU 2012.

CH 2191-2192
70 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

4.3.2. Aperçu comparatif

L’approche comparative distingue les salariés et les demandeurs d’emploi. Elle observe
dans quelle mesure certaines caractéristiques socio-démographiques interviennent dans
la perception des finalités de la réduction du temps de travail (âge, sexe, niveau d’études,
exercice d’un mandat syndical).
Les opinions des répondants sont assez convergentes lorsqu’il s’agit de se prononcer sur
l’utilité de la réduction du temps de travail en termes de répartition de l’emploi. Tant
chez les salariés que chez les demandeurs d’emploi, il y a peu de différences entre
hommes et femmes, jeunes et plus âgés, avec des scores moyens de 3,8 ou 3,9.
Le niveau de diplôme est le facteur qui a l’incidence la plus forte sur la perception de
l’utilité de la réduction du temps de travail par rapport à des objectifs de répartition
de l’emploi, particulièrement parmi les demandeurs d’emploi : score moyen de 3,6 pour
les diplômés CEB et CESI, contre 4,1 pour les diplômés de l’enseignement supérieur.
Pour les salariés, ces scores sont respectivement de 3,7 et 3,9. Parmi les salariés, ce sont
aussi les répondants qui exercent, ou qui ont exercé, un mandat syndical qui ont
le score le plus élevé (3,9, contre 3,7 pour les autres), reflet probable d’une culture
syndicale ; cet écart est toutefois limité.
L’opinion selon laquelle la réduction du temps de travail est utile par rapport à des
objectifs de qualité de vie est unanimement partagée par tous les répondants, quel
que soit le sous-groupe ; les scores moyens sont supérieurs à 4, avec peu de variations
entre les sous-groupes considérés.
L’utilité de la réduction du temps de travail pour servir des objectifs économiques
obtient des scores moyens assez équivalents pour les hommes et les femmes et pour
toutes les catégories d’âge, tant parmi les salariés que parmi les demandeurs d’emploi.
Parmi les salariés, le score moyen des répondants qui ont une expérience syndicale
(mandat syndical) est un peu plus élevé : 3,6, contre 3,4 pour les autres.
L’utilité de la réduction du temps de travail pour soutenir des objectifs idéologiques
est reconnue par tous (scores moyens de 3,3 à 3,8), mais avec des proportions
importantes de réponses « sans avis », tant pour les salariés que pour les demandeurs
d’emploi.
Dans certains sous-groupes, la proportion de « sans avis » est importante,
particulièrement parmi les demandeurs d’emploi où elle atteint plus d’1 salarié sur 3
pour les objectifs économiques et idéologiques dans le cas des moins de 35 ans.
Pour les deux échantillons de répondants, les femmes, les jeunes et les moins diplômés
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ont systématiquement des proportions plus importantes de réponses « sans avis ».
Il faut rappeler que la connaissance de la réduction du temps de travail est très
inégalement répartie : globalement, ce sont les plus diplômés, les plus âgés, plus souvent
les hommes et les salariés qui déclarent en avoir une idée claire. Cette situation
transparaît dans les réponses relatives à la finalité mais aussi aux doutes à l’égard de
la réduction du temps de travail (cf. infra).

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 71

4.4. LA PERCEPTION DE LA MISE EN ŒUVRE D’UNE RÉDUCTION


DU TEMPS DE TRAVAIL

L’enquête a recueilli l’opinion des répondants sur plusieurs aspects potentiellement


liés à la mise en œuvre d’une politique de réduction du temps de travail. Deux questions
ont été posées : l’une sur l’acceptation d’une réduction du salaire en lien avec
une réduction du temps de travail, et l’autre sur diverses dispositions en matière
d’aménagement du temps de travail.

4.4.1. La perspective d’une réduction de salaire

Une réduction de salaire en lien avec une politique de réduction du temps de travail
est refusée par 45,0 % des salariés et 47,2 % des demandeurs d’emploi (Graphique 24).
Les salariés sont 45,9 % à accepter l’hypothèse (28,0 % une réduction de 5 % maximum
du salaire et 17,9 % une réduction de 10 % maximum). Parmi les demandeurs d’emploi,
31,6 % acceptent l’hypothèse d’une réduction de salaire (18,8 % une réduction de
5 % maximum et 12,8 % une réduction de 10 % maximum). Notons qu’un peu plus
d’1 demandeur d’emploi sur 5 (21,3 %) n’a pas su répondre à cette question.

Graphique 24. Degré d’acceptation d’une politique de réduction du temps de travail


selon la perspective de réduction du salaire (Belgique francophone, 2012)
100 %
9,1 %
90 % 21,3 %

17,9 %
80 %

12,8 %
70 %

60 % 28,0 %
18,8 %

50 %

40 %

30 %

45,0 % 47,2 %
20 %
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10 %
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0%
Salariés Demandeurs d'emploi

Refuse une réduction de salaire Accepte une réduction de salaire de 5 % maximum


Accepte une réduction de salaire de 10 % maximum Sans avis

Source : Enquête FTU 2012.

CH 2191-2192
72 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Les salariés

Certaines variables influencent la position des salariés à l’égard de l’hypothèse d’une


réduction de salaire. La situation économique du répondant est la variable qui influe
le plus sur les opinions.
Une question visant à mesurer la sécurité économique des individus demande : « Si
vous pensez au revenu mensuel total de votre ménage, est-ce que votre ménage arrive
à joindre les deux bouts ? » Une échelle de six positions possibles est proposée : très
facilement, facilement, assez facilement, avec quelques difficultés, avec pas mal de
difficultés, avec beaucoup de difficultés. Les répondants qui ont les situations les plus
aisées (c’est-à-dire ceux qui répondent très facilement, facilement ou assez facilement)
sont 34,2 % à refuser la perspective d’une réduction de salaire ; ceux qui ont les situations
les plus difficiles (c’est-à-dire ceux qui répondent avec pas mal de difficultés ou avec
beaucoup de difficultés) sont 54,8 % dans le même cas.
Le niveau de diplôme – indicateur du type de métier exercé et du niveau de salaire –
est très discriminant sur cette question : les diplômés CEB et CESI sont 60,5 % à refuser
une réduction de salaire, contre 34 % parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.
On constate peu de différences entre hommes et femmes. Les plus jeunes sont les plus
réticents. La position des salariés à l’égard de l’hypothèse d’une réduction de salaire est
la plus réservée parmi les salariés vivant chez leurs parents (63,0 % de refus), suivis par
les isolés, avec ou sans enfant (53,0 % de refus).
C’est dans le secteur public que l’hypothèse d’une réduction de salaire est proportion-
nellement la plus envisageable, avec 37,8 % de refus, contre un peu plus de 45 % dans
le secteur privé marchand et non marchand.
La réduction de salaire est également plus largement acceptée dans les grandes entreprises
que dans les entreprises de plus petite taille : 53,0 % des répondants sont opposés
à cette idée dans les entreprises de moins de 50 personnes, contre 43,0 % dans les
entreprises de plus de 100 personnes. Il faut tenir compte ici d’un effet d’âge car
les plus jeunes, plus nombreux à être réticents, sont plus nombreux dans les petites
entreprises.
Les ouvriers sont 52,9 % à être opposés à une réduction de salaire, 24,5 % à accepter
une réduction de 5 % maximum et 11,3 % à accepter une réduction de 10 % maximum.
Pour les employés, les pourcentages sont respectivement de 45,4 %, 29,0 % et 17,1 %.
La position à l’égard de la réduction éventuelle du salaire en lien avec une réduction du
temps de travail recueille des réponses assez proches de la part des salariés à temps plein
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(45,2 % de refus) et de ceux à temps partiel (43,3 % de refus). Ils sont respectivement
29,5 % et 25,3 % à accepter l’hypothèse d’une réduction de 5 % du salaire, et 16,7 %
et 22,5 % à accepter celle d’une réduction de 10 %.

Les demandeurs d’emploi

Pour les demandeurs d’emploi, comme pour les salariés, la situation économique du
ménage est un facteur qui a une incidence forte sur les réponses : les plus aisés sont 39,7 %
à refuser l’hypothèse d’une réduction de salaire, tandis que les moins aisés sont 53,2 %.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 73

Les moins de 35 ans sont les plus nombreux à refuser l’hypothèse d’une réduction
de salaire (52,1 %).
Une situation familiale moins aisée (être isolé avec enfant, avoir un conjoint qui ne
travaille pas) rend également plus réticent à l’hypothèse d’une diminution de salaire.
Les demandeurs d’emploi isolés avec enfant sont 57,4 % à se dire opposés à une
réduction de salaire. On constate la même chose dans le cas des demandeurs d’emploi
vivant seuls (56,3 %) ou ayant un conjoint qui ne travaille pas (49,0 %).

4.4.2. Les modalités de mise en œuvre d’une réduction du temps


de travail

La réduction du temps de travail peut prendre diverses formes : réduction journalière


des horaires, annualisation du temps de travail, congés spéciaux, contrôle des heures
supplémentaires, etc. L’enquête suggérait une série de dispositifs et demandait de
se prononcer sur le caractère plus ou moins souhaitable des différentes formules.
Pour chaque proposition, le répondant exprimait sa réponse sur une échelle de 1 à 5,
où 1 signifie « formule pas du tout souhaitable » et 5 « formule très souhaitable ».

Tableau 22. Adhésion aux différentes formules de mise en œuvre


d’une réduction du temps de travail (Belgique francophone, 2012)
Salariés Demandeurs d’emploi
% de % de
Scores * Scores *
sans avis sans avis
Réduction du temps de travail en fin de carrière 4,4 3,8 4,4 14,5
Quatre jours par semaine 4,2 4,3 4,1 16,1
Congés spéciaux 4,2 7,0 4,4 15,2
Limitation des heures supplémentaires 3,7 10,3 4,0 16,4
Cinq jours par semaine, mais congés supplémentaires 3,4 5,0 3,6 16,5
Temps de travail annuel et répartition annuelle négociée 3,3 16,7 3,7 29,2
Davantage de travail à temps partiel 3,1 9,4 3,5 20,4
Cinq journées plus courtes par semaine 3,0 5,0 3,7 12,8
* Lecture : 1 signifie que la réduction du temps de travail « n’aide pas du tout » et 5 qu’elle « aide beaucoup ».
On considère qu’une réponse positive ferme s’exprime au-delà de 3.
Source : Enquête FTU 2012.

La formule qui recueille le plus de succès est la réduction du temps de travail en fin
de carrière avec un score de 4,4, tant pour les salariés que pour les demandeurs d’emploi
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(Tableau 22). Pour ces derniers, le développement de congés spéciaux vient à égalité.
Pour les salariés, viennent ensuite, à égalité, la semaine de quatre jours (score de 4,2)
et les congés spéciaux (4,2).
Pour les salariés, les propositions qui recueillent les scores les plus faibles sont la formule
de cinq journées plus courtes par semaine (3,0) et celle de davantage de travail à temps
partiel (3,1).
Les scores sont plus élevés dans les réponses des demandeurs d’emploi que dans celles
des salariés pour beaucoup de propositions. Il faut aussi noter la part plus importante

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74 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

de « sans avis » chez les demandeurs d’emploi : autour de 15 % pour plusieurs


propositions, près de 3 sur 10 (29,2 %) pour l’annualisation du temps de travail
et 20,4 % pour la formule de davantage de travail à temps partiel.
Notons que, d’une manière générale, les scores expriment une aspiration au temps
libre plutôt qu’à un aménagement journalier du temps de travail.

Les salariés

Parmi les salariés, on constate peu de différences entre les hommes et les femmes.
Font toutefois exception trois propositions, qui ont des scores plus élevés parmi
les femmes : les cinq journées plus courtes par semaine, le travail à temps partiel
et l’annualisation du temps de travail.
Quelques variations sont observées entre les groupes d’âge. Limiter les heures
supplémentaires obtient un score plus élevé parmi les 50 ans et plus, tandis que c’est
le cas pour la semaine de quatre jours parmi les plus de 35 ans (4,3, contre 3,9 parmi
les moins de 35 ans). Par contre, la formule de cinq journées plus courtes par semaine
obtient un score de 3,5 parmi les moins de 35 ans, et de 3,1 et 3 pour les autres
groupes d’âge.
Le pourcentage moyen de « sans avis » est de 7,7 %, avec un maximum de 16,7 % pour
l’annualisation du temps de travail. C’est parmi les moins de 35 ans que ce pourcentage
moyen est le plus élevé (11,3 %, contre 5,4 % parmi les salariés âgés de 50 ans et plus).
Les couples, avec ou sans enfant, et les isolés avec enfant sont ceux qui accordent
les scores les plus hauts à la formule de la semaine des quatre jours (respectivement 4,3
à 4,4 et 4,1). La limitation des heures supplémentaires obtient également des scores
plus élevés pour ces derniers, particulièrement parmi les couples (3,3). La perspective
de cinq journées plus courtes par semaine obtient des scores ne dépassant pas 3,2,
moins que dans le cas des demandeurs d’emploi.
Sur les modalités de mise en œuvre de la réduction du temps de travail, les ouvriers
et les employés ont des scores assez proches, qui ne varient guère plus que de 0,1 pour
la plupart des formules suggérées. On constate juste une préférence plus marquée
parmi les employés pour la semaine de quatre jours (score de 4,3, contre 4,1 parmi
les ouvriers) et une préférence un peu plus marquée parmi les ouvriers pour la formule
des cinq journées plus courtes avec congés (score de 3,3, contre 3,1 parmi les employés).

Les demandeurs d’emploi


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Il y a peu de différences entre hommes et femmes parmi les demandeurs d’emploi. © CRISP | Téléchargé le 30/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.12.248.112)
Cependant, les femmes accordent un score un peu plus élevé à la semaine de quatre
jours. L’âge montre davantage de différences. Les répondants âgés de 50 ans et plus
accordent des scores plus faibles à la proposition de cinq journées plus courtes par
semaine (3,2, contre 3,9 pour les autres classes d’âge), de même qu’à davantage de
travail à temps partiel (3,2, contre 3,6 et 3,7 pour les autres classes d’âge). Les travailleurs
de plus de 35 ans accordent un score plus élevé à la semaine de quatre jours (4,3, contre
3,9 parmi les autres).

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 75

La proportion de « sans avis » est importante parmi les demandeurs d’emploi, avec
un pourcentage moyen de 17,6 % pour l’ensemble des propositions, et des pics à 30,2 %
pour l’annualisation du temps de travail et à 22,5 % pour l’expansion du travail à temps
partiel. Les plus âgés sont ceux qui ont les proportions les plus élevées de « sans avis ».
Pour les demandeurs d’emploi, la situation familiale a une incidence plus marquée
sur le caractère plus ou moins souhaitable des différentes modalités de mise en œuvre de
la réduction du temps de travail. Les couples ou isolés avec enfant sont les plus favorables
à la semaine de quatre jours avec des scores, respectivement, de 4,3 et 4,4 (contre 3,7
pour les couples sans enfant).
Réduire le temps de travail en fin de carrière recueille des scores similaires, quelle
que soit la situation familiale (4,4 ou 4,5). Les couples sans enfant et les demandeurs
d’emploi vivants chez leurs parents accordent le score le plus élevé (3,9, contre
3,2 pour les isolés avec enfant et 3,6 pour les couples avec enfant) à la formule de
cinq journées plus courtes par semaine. Les isolés avec enfant sont les plus favorables
à la perspective de développer des congés spéciaux (4,7).

4.5. LES DOUTES AUTOUR DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

La réduction du temps de travail est un projet à la fois idéologique et pragmatique qui


suscite aussi des interrogations. Une question a été introduite, qui reprenait une série
de propositions résumant les doutes ou critiques émis à propos de la réduction du temps
de travail. Il a été demandé aux répondants d’indiquer s’ils étaient plus ou moins
d’accord avec ces propositions. Quatre types de doutes ont été testés :
- doutes au niveau individuel, principalement en matière de revenu :
« La réduction du temps de travail
- diminue les revenus de tous les travailleurs ;
- supprime les heures supplémentaires ;
- augmente les inégalités entre les salariés. »
- doutes au niveau de la qualité du travail : « La réduction du temps de travail
- oblige à faire le même travail en moins de temps ;
- augmente la flexibilité des horaires de travail ;
- oblige à changer souvent de poste de travail. »
- doutes au niveau de l’entreprise : « La réduction du temps de travail
- complique l’organisation du travail ;
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- affaiblit les entreprises. »
- doutes au niveau de l’économie du pays : « La réduction du temps de travail
- rend l’économie d’un pays moins compétitive ;
- coûte cher à l’État. »
Les répondants avaient le choix entre 5 réponses possibles : tout à fait d’accord,
plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord, sans avis. Nous précisons
systématiquement les réponses « sans avis », car elles sont significatives et nécessaires
pour évaluer le poids des autres réponses. Les réponses « sans avis » ne sont pas intégrées
dans le calcul de la moyenne.

CH 2191-2192
76 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Dans la lecture des réponses à cette question, il faut se rappeler que seul 1 actif sur 2
pense avoir une idée claire de ce qu’est la réduction du temps de travail, et un peu moins
d’1 demandeur d’emploi sur 5 (cf. supra). Les réponses montrent également que
la connaissance de la réduction du temps de travail est plutôt vague, surtout parmi
les plus jeunes.
Au niveau plus individuel, il y a tout d’abord un accord, tant chez les salariés que
les demandeurs d’emploi, pour considérer que la réduction du temps de travail
diminue les revenus de tous les travailleurs (respectivement 62,3 % et 61,3 %).
Un tiers des salariés ne sont cependant pas d’accord ; c’est également le cas d’un quart
des demandeurs d’emploi (Tableau 23).
En ce qui concerne la suppression des heures supplémentaires, les salariés et les
demandeurs d’emploi sont assez partagés. Une faible majorité des salariés (47,0 %)
n’est pas d’accord, tandis que 42,0 % sont d’accord. Parmi les demandeurs d’emploi,
plus de la moitié (54,3 %) pensent que la réduction du temps de travail supprime
les heures supplémentaires.
Un impact négatif sur les inégalités de salaires n’est pas envisagé par 52,2 % des salariés ;
il l’est en revanche par un bon tiers d’entre eux (35,4 %). Parmi les demandeurs
d’emploi, un tel impact négatif est plus largement redouté (44,4 % sont d’accord avec
cette hypothèse, contre 33,2 % d’avis opposé). Notons que plus d’1 répondant sur 5
ne sait pas se prononcer (22,4 % de « sans avis »).
Les salariés ont davantage de craintes concernant la qualité de vie au travail : 58,1 %
d’entre eux pensent que la réduction du temps de travail oblige à faire le même travail
en moins de temps et 61,4 % qu’elle augmente la flexibilité des horaires. Par contre,
60,9 % ne sont pas d’accord avec l’idée selon laquelle elle obligerait à changer souvent
de poste de travail. La tendance est la même chez les demandeurs d’emploi, avec
cependant des proportions plus importantes de réponses « sans avis » (en moyenne,
1 demandeur d’emploi sur 5).
Au niveau de l’entreprise, les salariés sont assez partagés sur l’idée selon laquelle
la réduction du temps de travail compliquerait l’organisation de l’entreprise : 46,9 %
sont d’accord et 48,3 % ne sont pas d’accord. Parmi les demandeurs d’emploi, une
majorité est d’accord (42,8 %, contre 35,6 % qui ne sont pas d’accord), mais il faut
noter aussi qu’un demandeur d’emploi sur cinq est « sans avis » (21,6 %). L’hypothèse
selon laquelle la réduction du temps de travail affaiblirait les entreprises est peu
partagée parmi les salariés : 16,4 % sont d’accord avec cette affirmation, mais 65,6 %
ne la partagent pas. Notons ici que le pourcentage des « sans avis » est de 18,1 %.
Pour les demandeurs d’emploi, la tendance est identique mais moins tranchée, avec
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à la fois davantage de « sans avis » et de répondants d’accord avec l’affirmation, même
si 45,0 % ne partagent pas cette idée.
Enfin, les doutes éventuels au niveau de l’économie du pays sont ceux qui recueillent
les pourcentages les plus élevés de « sans avis » tant parmi les salariés (environ 1 salarié
sur 4) que les demandeurs d’emploi (jusqu’à 38,1 % pour une proposition). Dans
les deux groupes, une majorité de répondants ne sont pas d’accord avec les deux
propositions (effet néfaste sur la compétitivité et coût élevé pour l’État).

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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 77

Tableau 23. Doutes émis relativement à la réduction du temps de travail


(en %, Belgique francophone, 2012)
Salariés Demandeurs d’emploi
Pas Pas
D’accord Sans avis D’accord Sans avis
d’accord d’accord
Au niveau individuel
Diminue les revenus de tous les travailleurs 62,3 33,1 4,6 61,3 25,5 13,2
Supprime les heures supplémentaires 42,0 47,0 10,9 54,3 26,5 19,1
Augmente les inégalités entre les salariés 35,4 52,2 12,4 44,4 33,2 22,4
Au niveau de la qualité du travail
Oblige à faire le même travail en moins de temps 58,1 38,5 3,4 50,8 32,9 16,3
Augmente la flexibilité des horaires de travail 61,4 33,3 5,3 55,1 25,9 19,0
Oblige à changer souvent des postes de travail 22,6 60,9 16,5 34,0 39,5 26,5
Au niveau de l’entreprise
Complique l’organisation du travail 46,9 48,3 4,8 42,8 35,6 21,6
Affaiblit les entreprises 16,4 65,6 18,1 28,4 45,0 26,7
Au niveau de l’économie du pays
Rend l’économie d’un pays moins compétitive 12,6 64,0 23,4 23,6 44,3 32,1
Coûte cher à l’État 17,9 56,5 25,6 23,2 38,7 38,1
Source : Enquête FTU 2012.

Le graphique 25 synthétise les données du tableau 23 pour en faciliter la lecture.


De manière globale, nous pouvons en tirer quatre enseignements. Au niveau individuel,
44,1 % des salariés et 28,4 % des demandeurs d’emploi ne considèrent pas qu’une
politique de réduction du temps de travail aurait des répercussions néfastes sur
les revenus des travailleurs ; par contre, davantage expriment des doutes. Au niveau de
la qualité de vie au travail, 44,2 % des salariés voient positivement la réduction
du temps de travail, de même que 33,2 % des demandeurs d’emploi ; les autres ont
plus de craintes et de questions (« sans avis »). Au niveau de l’entreprise, 57,0 %
des salariés n’ont pas de craintes, de même que 40,3 % des demandeurs d’emploi ;
les autres expriment des craintes ou des questions. Enfin, au niveau de l’économie
du pays, 60,1 % des salariés et 41,6 % des demandeurs d’emploi se disent rassurés
par rapport à la perspective d’une réduction du temps de travail, tandis que les autres
doutent ou ne savent pas se prononcer.
Ces considérations générales sont évidemment à apprécier dans la limite des propositions
suggérées dans la question, c’est-à-dire, par exemple, que toutes les dimensions
économiques ou de qualité de vie au travail n’ont pas été testées ; celles qui ont été
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retenues donnent néanmoins une mesure de l’opinion.


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78 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Graphique 25. Doutes émis relativement à la réduction du temps de travail :


pourcentages moyen (Belgique francophone, 2012)

NIVEAU DE L'ÉCONOMIE DU PAYS


Salariés 15,2 % 60,3 % 24,5 %
Demandeurs d'emploi 23,5 % 41,6 % 35,1 %
NIVEAU DE L'ENTREPRISE
Salariés 31,6 % 57,0 % 11,5 %
Demandeurs d'emploi 35,6 % 40,3 % 24,2 %
NIVEAU DE LA QUALITÉ DU TRAVAIL
Salariés 47,4 % 44,2 % 8,4 %
Demandeurs d'emploi 46,6 % 32,8 % 20,6 %
NIVEAU INDIVIDUEL
Salariés 46,6 % 44,1 % 9,3 %
Demandeurs d'emploi 53,3 % 28,4 % 18,2 %

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

Doutes Pas de doute Sans avis

Remarque : Doutes = d’accord avec les propositions concernées ; Pas de doute = pas d’accord avec
les propositions concernées.
Source : Enquête FTU 2012.

Au terme de ce parcours dans les données de l’enquête, nous retiendrons que, pour
les salariés comme pour les demandeurs d’emploi, le sentiment de connaître la réduction
du temps de travail est fortement lié à l’âge et au niveau de diplôme du répondant ;
il serait, en quelque sorte, « une affaire d’intellectuels d’âge mûr ». Parmi les objectifs
attribuables à la réduction du temps de travail, ceux qui touchent à la qualité de vie
obtiennent les scores les plus élevés ; les objectifs liés à la répartition de l’emploi viennent
ensuite. Parmi les formules qui ont été suggérées pour réduire le temps de travail,
celle qui recueille le plus de succès est la réduction du temps de travail en fin de carrière,
suivie par la semaine de quatre jours et les congés spéciaux. Ces réponses expriment
une aspiration au temps libre plutôt qu’à un aménagement journalier du temps de
travail. Enfin, c’est la capacité de la réduction du temps de travail à améliorer la qualité
de vie au travail (surcharge, flexibilité accrue) qui suscite le plus de doutes. Globalement,
il est indéniable que la réduction du temps de travail figure bel et bien parmi les
aspirations des salariés et des demandeurs d’emploi.
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CH 2191-2192
CONCLUSION

En conclusion, nous souhaitons examiner quelques scénarios autour du temps de


travail et pointer les enjeux contemporains qui y sont liés.

La réduction des inégalités

Le modèle actuel de temps de travail est devenu très différent de celui qui était encore
dominant au début des années 1980. L’emploi à temps partiel a acquis une importance
considérable, avant tout chez les femmes, mais aussi, plus récemment, chez les hommes,
notamment en fin de carrière. Les horaires flexibles se sont diversifiés. Le temps
de travail est de plus en plus mesuré sur des périodes plus longues. Les formules de
réduction individuelle du temps de travail (temps partiel, volontaire ou non, crédit-
temps et congés thématiques) se sont multipliées.
La durée hebdomadaire réelle du travail est restée stable au cours des dix dernières
années, à un niveau supérieur à la durée conventionnelle du travail. Cet écart entre
la durée hebdomadaire réelle et la durée conventionnelle s’explique par trois facteurs,
qui peuvent se cumuler : les formes de compensation en heures ou jours de congé
se sont multipliées et diversifiées, à travers des arrangements formels ou informels ;
les heures complémentaires (pour les travailleurs à temps partiel) ou supplémentaires
se sont banalisées ; les salariés travaillent davantage que le nombre d’heures pour
lesquelles ils sont rémunérés, en raison du fait que les frontières du temps de travail
sont devenues plus floues.
La répartition du temps de travail se caractérise par de nombreuses inégalités. L’inégalité
la plus évidente se situe entre les femmes et les hommes. L’emploi à temps partiel en
est la cause principale. Les inégalités entre secteurs d’activité sont également importantes.
Elles concernent à la fois la durée hebdomadaire réelle du travail à temps plein,
qui varie de 37 à plus de 40 heures, et la durée moyenne du travail à temps partiel.
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Les emplois à temps partiel court se retrouvent principalement dans des secteurs
où les emplois sont moins stables ou moins bien rémunérés, tandis que les emplois
à temps partiel plus long se retrouvent là où les conditions d’emploi sont meilleures
(cf. les graphiques 4 et 5). Les inégalités entre catégories de métiers sont également
significatives, mais d’une moindre ampleur que celles entre secteurs.
La décentralisation des négociations collectives sur le temps de travail au niveau
des commissions paritaires sectorielles et des entreprises est un facteur explicatif des
disparités entre secteurs. Chaque négociation sectorielle tente d’exploiter les rapports
de force et les opportunités qui existent dans chaque secteur, car il n’y a plus, depuis

CH 2191-2192
80 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

longtemps, d’impulsion nationale à la réduction collective du temps de travail :


la dernière loi, sur les 38 heures, remonte à 2003 (et elle n’a fait qu’entériner
l’engagement d’un accord interprofessionnel de 1998), tandis que la dernière
augmentation de la durée des congés payés annuels date de 1975.
Tout scénario de redistribution du temps de travail sera donc nécessairement confronté
à la réduction des inégalités en matière de répartition du temps de travail. L’ancienne
option « nordique » de réduction de l’écart entre travail à temps plein et travail à temps
partiel, qui n’a trouvé qu’en Suède une concrétisation partielle, serait pertinente par
rapport à la situation belge actuelle. Elle agit cependant très peu sur le chômage
structurel, qui est une autre forme d’inégalité dans la répartition du travail.

L’évolution de la négociation collective sur le temps de travail en Europe

Les comparaisons internationales présentées dans le point 2.3 se sont limitées aux pays
voisins, mais elles ont néanmoins fait apparaître des disparités importantes, à la fois
en matière de durée du travail à temps plein et de durée moyenne du travail à temps
partiel. Si l’on étend la comparaison à l’Europe des 27, les écarts sont bien plus
importants. Une approche convergente du temps de travail en Europe est souvent
considérée comme un élément-clé d’une harmonisation des politiques sociales.
Cependant, les négociations dans ce domaine semblent une nouvelle fois bloquées
depuis décembre 2012, puisque le processus de consultation en vue de la révision
de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail 107 a été
momentanément arrêté suite à un constat de désaccord entre interlocuteurs sociaux.
En bref, la directive européenne de 2003 fixe une durée maximale moyenne de
48 heures par semaine, en autorisant un calcul sur quatre mois, un congé annuel payé
d’au moins quatre semaines, des périodes minimales de repos et une limitation de
la durée du travail de nuit 108. Plusieurs amendements, permettant diverses dérogations,
allongeant la durée de calcul ou portant sur les temps de garde, ont été adoptés entre
2004 et 2008. Ces dérogations permettent notamment de ne pas appliquer la limite
des 48 heures, sur la base d’accords volontaires individuels avec les travailleurs
(opt-out). Elles ont été introduites sous la pression du Royaume-Uni et de quelques
autres États membres. Entre-temps, la Cour de justice de l’Union européenne a créé
une jurisprudence en matière de temps de garde et de temps de repos qui va à l’encontre
des dérogations instaurées par les amendements, si bien qu’une révision de la directive
s’impose. La Commission européenne a entamé, en décembre 2010, une consultation
des organisations d’employeurs et de travailleurs, préalable à cette révision. Ce processus
permet une négociation directe entre employeurs et syndicats. La Confédération
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européenne des syndicats (CES) a entamé cette négociation avec quelques revendications
précises : la fin de la clause d’opt-out, le maintien de la période de référence de quatre
mois pour le calcul des 48 heures par semaine, la limitation du temps de travail par
travailleur et non pas par contrat (pour éviter de dépasser la limite en nouant
plusieurs contrats avec le même employeur), et l’amélioration de la définition du

107
Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains
aspects de l’aménagement du temps de travail, Journal officiel de l’Union européenne, L 299, 18 novembre
108
2003.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit., p. 39.

CH 2191-2192
LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 81

travailleur « autonome », qui permet d’exclure un trop grand nombre de travailleurs


du champ d’application de la directive. Ce sont ces négociations qui ont été suspendues
en décembre 2012.
Par ailleurs, dans la plupart des pays européens, l’accroissement de la flexibilité a
grignoté, au cours des dix dernières années, les acquis de la réduction du temps
109
de travail obtenus à la fin des années 1990. C’est le cas en Allemagne et en France ,
mais aussi dans les pays nordiques. Au niveau européen, les organisations syndicales
se trouvent sur une ligne défensive qui vise à limiter les conséquences négatives de
la flexibilité pour les travailleurs, en termes de précarité, de santé et de sécurité
au travail, et de conciliation entre le travail et la vie privée 110.
Dans ce contexte, il est peu probable qu’une quelconque impulsion à la réduction
collective du temps de travail puisse venir des instances européennes dans les années
à venir.

Quelques questions ouvertes

Pour terminer, nous présentons ici quelques questions qui n’ont pas pu être traitées
dans le cadre de cette étude, mais qui découlent assez logiquement des constats
qui ont été dressés. Il s’agit de pistes à explorer, à la fois dans la recherche et dans
la négociation collective.

La place de la réduction collective du temps de travail parmi les autres politiques


d’emploi
La complexité du mécanisme de création ou de sauvegarde d’emplois via la réduction
collective du temps de travail a été exposée dans le point 3.2, en soulignant les acquis
et les doutes, les succès et les échecs. Si la question de la création d’emplois est si difficile
à trancher, c’est peut-être parce qu’elle est mal posée dans le contexte actuel du
marché du travail, très différent de celui des années 1980 et 1990. Le marché du travail
est devenu plus flexible, il s’est largement internationalisé avec la libre circulation
des travailleurs au sein de l’Union européenne – ce qui s’observe dans les stratégies
mises en œuvre par certains employeurs pour combler des pénuries locales – et
le décalage s’est accru entre le niveau moyen de qualification de la population en emploi,
qui s’est nettement élevé au cours des quinze dernières années, en particulier chez
les femmes, et le faible niveau de qualification de la majorité des demandeurs d’emploi.
Plutôt que de chercher à établir un lien de cause à effet entre la réduction du temps
de travail et la création d’emplois, il serait intéressant d’explorer le chemin inverse,
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c’est-à-dire d’examiner d’abord quelles sont, aujourd’hui, les meilleures politiques
envisageables pour créer des emplois et résorber le chômage structurel, puis voir
quelle est la place que pourraient occuper divers scénarios de réduction du temps
de travail parmi l’ensemble des instruments de ces politiques de l’emploi. Dans cette
optique, la réduction du temps de travail n’est plus un objectif en soi, mais un moyen

109
M. LALLEMENT, « Les régulations du temps de travail en France », Informations sociales, n° 153, 2009,
110
p. 56-64.
J. PILLINGER, Travailler pour des temps meilleurs, op. cit.

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82 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

à mettre au service des politiques d’emploi. La réflexion se déplace alors du temps


111
de travail vers les politiques de création d’emplois .

La perspective de la réduction du temps de travail au cours du cycle de vie


112
Plusieurs pistes ont été avancées, déjà à la fin des années 1990 , pour envisager
des scénarios de réduction de la durée du travail, non pas en référence à la durée
hebdomadaire, mais par rapport à l’ensemble du parcours professionnel. Ces pistes
partent du constat que le temps de travail n’a pas la même valeur symbolique
pour tous les travailleurs, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, selon les métiers,
aux différentes étapes du parcours de vie ou de la carrière professionnelle. Une panoplie
d’instruments ont été proposés : les comptes d’épargne temps à long terme, l’alternance
de périodes de travail à temps plein et à temps partiel avec maintien des droits sociaux
et du statut dans l’emploi, les congés rémunérés (congés formation continuée, congés
parentaux étendus, congés sabbatiques, congés pour soins à des proches), et les systèmes
de retraite progressive. Certaines réflexions récentes sur la redistribution du temps
de travail 113 ont suggéré que le potentiel de création d’emplois de ce type de mesures
était probablement plus facile à réaliser que les mécanismes classiques d’embauche
compensatoire, dont on a vu les limites.
Cependant, en Belgique, une série de mesures gouvernementales récentes vont
exactement en sens inverse : restriction du congé éducation 114, disparition de la
prépension à mi-temps 115, restriction des conditions d’accès et des durées du crédit-
temps et de la pause carrière 116, instauration de comptes d’épargne temps uniquement
à court terme (compte plus-minus dans l’industrie automobile, par exemple) 117.
Ces évolutions n’empêchent toutefois pas de continuer à réfléchir.
Certains auteurs, qui partagent cette approche en termes de cycle de vie, envisagent
de déconnecter la question de la réduction du temps de travail de la question de
l’emploi. La réduction du temps de travail serait alors un objectif en soi, au nom des
valeurs positives dont elle est porteuse : augmentation du temps libre, émancipation,
accomplissement de soi, redistribution plus équitable des rôles masculins et féminins,
revitalisation de la vie associative, et changement du rapport au travail. À plus long
terme, il s’agirait là d’une évolution du concept de bien-être et d’une transformation
des modes de production et de consommation 118.
L’évaluation de l’expérience française des 35 heures a montré que la réduction du temps
de travail était aussi un changement culturel. La réduction du temps de travail
« à la française » a entraîné des changements profonds dans la société. Elle a suscité
un intérêt accru pour l’articulation entre le travail et les autres temps sociaux, et entre
la sphère professionnelle et la vie privée. Elle a changé le rapport au travail. Elle a
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111
C. ERHEL, Les politiques de l’emploi, op. cit.
112
113
J.-Y. BOULIN, R. HOFFMANN (dir.), Les nouvelles pistes du temps de travail, op. cit.
114
P. DEFEYT, « Réduire le temps de travail : oui, mais comment ? », Politique, n° 67, 2010, p. 24-28.
Loi du 29 mars 2012 portant des dispositions diverses, Moniteur belge, 30 mars 2012.
115
116
Loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses, Moniteur belge, 30 décembre 2011.
Convention collective de travail n° 103 du 27 juin 2012 instaurant un système de crédit-temps, de
diminution de carrière et d’emplois de fin de carrière, ratifiée par l’arrêté royal du 25 août 2012
er
117
(Moniteur belge, 31 août 2012) et entrée en vigueur le 1 septembre 2012.
118
Loi-programme du 27 décembre 2006 (art. 204 à 214), Moniteur belge, 28 décembre 2006.
J. B. SCHOR, Plenitude, the New Economics of True Wealth, op. cit.

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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 83

redynamisé les politiques du temps libre. Elle a provoqué un renouveau de l’industrie


des loisirs et du tourisme. Les « jours RTT », du moins pour ceux qui en bénéficient,
sont devenus un acquis confortable, auquel les salariés français ne sont pas prêts
119
à renoncer .

Le temps de travail et la transition écologique


Ce Courrier hebdomadaire n’a pas traité de la place du temps de travail dans la transition
vers un nouveau modèle de croissance et de prospérité, qui pourrait faire l’objet d’une
recherche à part entière. On peut cependant baliser brièvement cette problématique,
en distinguant au moins trois aspects : les externalités environnementales négatives
du temps de travail, le partage du travail dans une société sans croissance, et le glissement
vers une économie plus intensive en travail.
Le premier aspect consiste à étudier les impacts sur le temps de travail du découplage
entre les émissions de gaz à effet de serre et l’activité économique, c’est-à-dire la
transition vers une production, une consommation et un style de vie moins intensifs
en carbone. Diverses simulations macro-économiques suggèrent que le maintien
des taux d’emploi actuels dans une économie moins intensive en carbone ne peut
se faire qu’à travers une réduction continue de la durée annuelle du travail, au fur et
à mesure de l’accroissement de l’intensité du découplage. En termes plus simples,
pour polluer moins tout en gardant le même standard de vie, il faut impérativement
120
travailler moins .
Le deuxième aspect consiste à étudier les effets d’un ralentissement de la production
industrielle et de l’activité économique en général, de manière à limiter l’épuisement
des ressources naturelles et les émissions de gaz à effet de serre. À productivité constante,
ce ralentissement nécessite une diminution de la quantité de travail prestée. Par ailleurs,
le maintien d’un niveau de bien-être suffisant pour l’ensemble de la population
nécessite une répartition plus équitable de la quantité de travail 121. C’est pourquoi
les partisans d’une « prospérité sans croissance » prônent le partage du travail, mais
sans avancer de scénario sur les modalités de sa mise en œuvre 122.
Le troisième aspect consiste à envisager les changements de la structure de production
des biens et des services dans le cadre d’un modèle de croissance et de prospérité
compatible avec le développement durable. Dans cette perspective, certaines branches
d’activité vont connaître des diminutions importantes de l’emploi, tandis que des
emplois pourront être créés dans d’autres branches, mais avec des types de métiers et
des niveaux de qualification différents. Certaines activités deviendront plus intensives
en travail (par exemple, l’agriculture durable, la construction durable, les services
aux personnes), tandis que d’autres continueront à connaître des gains de productivité
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importants. Dans cette transition vers un nouveau modèle de développement
économique et social, la réalisation de l’objectif de justice sociale passe par une
réduction des inégalités dans la répartition du temps de travail. Cependant, la question

119
G. CETTE, D. MÉDA, « Réduction du temps de travail et qualité de vie : le bilan des salariés », Tempos, n° 1,
120
2003.
A. WATT, « Work less to Pollute less? What Contribution Can or Must Working Time Reduction Play in
121
Reducing Carbon Emissions? », ETUI Workingpaper, n° 8, 2012.
122
D. MÉDA, « Réduire le temps de travail reste la solution », Projet, n° 336-337, novembre 2013, p. 119-129.
T. JACKSON, Prospérité sans croissance, Bruxelles, De Boeck, 2010, p. 138-141.

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84 LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

de savoir si la quantité totale de travail à répartir sera plus grande ou plus petite reste
123
controversée .
En conclusion, face à ces trois questions – la place de la réduction du temps de travail
dans les politiques d’emploi, la perspective de la réduction du temps de travail
au cours du cycle de vie, le temps de travail et la transition écologique –, les chantiers
restent ouverts.
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123
J. GADREY, Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Paris, Les petits matins/Alternatives
économiques, 2010.

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SOCIO-POLITIQUES
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Étienne Arcq, Pierre Blaise (secrétaire général), Fabienne Collard, Vaïa Demertzis,
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Cédric Istasse, John Pitseys, Nicolas Stéfanski, Anne Vincent, Marcus Wunderle
Conseil d’administration :
Louise-Marie Bataille, Jacques Brassinne de La Buissière (vice-président honoraire),
Vincent de Coorebyter (président), Francis Delpérée, Hugues Dumont, Éric Geerkens,
José Gotovitch, Nadine Gouzée, Serge Govaert, Laura Iker, Patrick Lefèvre,
Roland Michel (administrateur délégué), Michel Molitor (vice-président), Solveig Pahud,
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