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CONDUIRE LE CHANGEMENT

Nathalie Morand-Khalifa, Sylvie Dessolin-Baumann, Antoine Laurent, Susan Vaillant,


Isabelle Viel-Dworniczek, Anne Citeau-Berg
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A.D.B.S. | « Documentaliste-Sciences de l'Information »

2009/2 Vol. 46 | pages 52 à 62


ISSN 0012-4508
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-
information-2009-2-page-52.htm
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dossier Records management 03
[p.52] Pour une bonne gouvernance de l’information [p.60] « Les bénéfices ont été perçus par tous »
[p.56] Une étape clé : l’analyse des processus [p.61] « Une fonction incontournable, nécessaire
[p.58] Une coopération interprofessionnelle, et à forte valeur juridique »
inter-association et internationale [p.61] « Une application concrète de l’analyse
[p.59] Paroles de Records managers des processus »
[p.59] « Penser autrement, et avec profit »

CONDUIRE LE
changement
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[ analyse ] Comment prendre en compte
les exigences et les besoins métier tout
en gagnant le défi de la conservation
exhaustive, raisonnée et efficace ? Comment mettre en place les procédures qui per-
mettront de prouver les bonnes règles dans la conduite des activités de l’organisme ?
Nathalie Morand-Khalifa passe en revue et commente les étapes spécifiques d’un pro-
jet de records management.

Pour une bonne gouvernance pose à lui, ses règles de gouvernance,


son système d’information. Il faut
cibler les besoins en information en
de l’information repartant des processus métier, cibler
les informations nécessaires à la preuve
de l’activité, à la préservation du savoir-

l
Le records management s’appuie principalement sur faire et des connaissances. L’enquête préliminaire peut partir de
les normes ISO 15489 et 14721 (OAIS)1, ainsi que l’étude de l’organigramme, des informations du site internet et
sur des modèles type MoReq2. de l’intranet, du règlement intérieur, des différentes politiques
(sécurité, information, etc.), des codes de déontologie et de
Comment mener une bonnes pratiques, de l’existence de contrats avec des presta-
taires d’archivage, d’entretiens, de questionnaires.
démarche de records Le résultat de cette étude préliminaire permettra notamment
management d’identifier les activités de l’organisme et de les organiser.
Un système de gestion de l’information et des
documents doit être conçu en fonction de l’orga- Étude des activités et des processus
nisme et en regard de ses propres besoins. L’arrêt de À l’issue de cette étude doit intervenir une analyse des acti-
la Cour de cassation de décembre 20082, attendu vités et des processus. Elle se traduira notamment par une
depuis longtemps, identifie clairement les éléments analyse de l’existant et des risques. L’analyse de l’existant doit
et règles à respecter dans le cadre de la preuve élec- permettre de connaître les documents et données produits par
tronique. une activité et de caractériser ces informations, de leur donner
une valeur et un niveau de sensibilité. Par exemple, l’analyse
Étude préliminaire du processus RH va mettre en lumière le fait que cette activité
La première étape est d’avoir une vision globale se décompose en sous-process, que tous les documents n’ont
de l’organisme : ses activités, son environnement pas la même importance ni la même durée d’utilisation.
économique, ses concurrents, la législation qui s’im- On peut identifier les sous-process « dossier nominatif d’un

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salarié », « élections professionnelles », « relations tion avec les risques et les coûts, et ce dans le respect des besoins
avec les partenaires sociaux », « accords », etc., cha- de l’organisme et de ses acteurs3.
cun d’eux produisant des documents propres à son
fonctionnement. La création puis la conservation de Comment gérer le cycle de vie
ces informations répondent à des besoins tant légaux
que métier. Qu’elle soit juridique ou information-
du document
nelle, leur valeur doit être prise en compte pour les L’analyse des processus et des risques permet d’établir le réfé-
modalités de conservation, de consultation et de des- rentiel de conservation des documents en lien avec l’activité à
truction. Un document juridique considéré comme laquelle ils se rapportent. Le records management va prendre
vital relèvera d’un processus d’archivage plus com- en compte les documents ainsi référencés de leur création à leur
plexe qu’un document de travail standard. destruction et donc mettre en place des procédures de gestion
du cycle de vie des documents.
Définition de la politique de Un document étant lié à un processus métier, il devra être
conservation contextualisé de sa création jusqu’à sa destruction. Le système
L’identification des informations en regard des doit pouvoir prouver que le document en question, quelle que
processus métier, la prise en compte de leur valeur soit sa date de création, est bien celui qu’il prétend être, qu’il
et de leur niveau de sensibilité permettra de définir est lisible, authentique et fiable. Mais cette affirmation est vraie
une politique de conservation et d’accès conforme à tout moment et ce aussi bien vis-à-vis de toute personne exté-
aux besoins. Le records management prend donc en rieure à l’organisme que des acteurs internes.
compte la notion risque/coût dans Ainsi, la gestion d’une délégation de pouvoirs doit répondre
ses préconisations. Toutes les infor- à des besoins multiples et dans le temps.
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mations n’ont pas la même valeur.
De la même façon, il convient de
prendre en compte aussi bien les
informations sur support papier
que sur support électronique.
Les résultats attendus de l’ana- Nathalie Morand-Khalifa est records manager du groupe France Télécom
lyse de l’existant sont à la fois des mesures qualita- depuis septembre 2005 et responsable du département Archives et patri-
tives et quantitatives de l’information existante et moine historique. Elle a effectué sa carrière principalement dans des établis-
sements financiers où elle a mis en œuvre des projets d’archivage et de
nécessaire à la bonne marche de l’organisme.
records management. Elle intervient lors de stages de l’ADBS et auprès de
La connaissance des documents et données, leur différentes écoles ou IUT. Elle a notamment contribué au guide pratique de
circulation, leur utilisation, leurs utilisateurs, la la FEDISA Comprendre et utiliser les normes dans le domaine de l’archivage
législation qui s’applique, les outils informatiques et numérique, et elle participe aux travaux de normalisation de la norme
documentaires existants sont autant d’éléments ISO 14589.
qui vont permettre de préconiser des solutions et de nathalie.morandkhalifa@francetelecom.com
prendre en compte à la fois les besoins, les durées de
conservation et les modalités de conservation.
Il s’agit aussi d’avoir une idée du volume des infor- Les délégations de pouvoir
mations et de son évolution, des supports et des for- Une délégation de pouvoirs fait partie intégrante d’un dos-
mats utilisés. sier composé lui-même d’autres documents qui, pour certains,
En parallèle, l’analyse de risques déterminera les n’ont d’autre valeur que celle d’attribuer la délégation elle-
menaces qui pèsent sur l’information (eau, incendie, même. Conserver l’un ou l’autre de ces documents ne sert à rien
malveillance, vol, etc.). Que peut-il se passer en cas si l’on n’est pas capable de les lier. Les organismes établissent
de non-disponibilité de l’information (perte, des- des délégations pour la gestion quotidienne de leurs activités.
truction, méconnaissance du lieu de conservation, Ces délégations sont à conserver et doivent pouvoir être
etc.), si celle-ci n’est plus intègre ou fiable, si elle n’est consultées tant pendant leur validité que pendant leur conser-
plus lisible (obsolescence des supports et des for- vation au titre de l’archivage. Le système de RM va donc devoir
mats), si sa confidentialité et sa sécurité ne sont plus prendre en compte ces documents de leur signature à leur des-
assurées ? Quels peuvent être les impacts pour l’or- truction : rien ne sert de conserver une information qui ne
ganisme (amendes, perte de marchés, pénalités, arrêt pourra pas être utilisée parce que l’on est pas certain de sa vali-
d’une activité, etc.) ? dité et qu’elle ne peut donc être considérée fiable.
Dresser un état des lieux des risques (commer-
ciaux, juridiques, financiers, etc.) et des conséquen-
ces (pénalités, perte de procès, dégradation de
l’image, impossibilité de relire une information,
etc.), identifier les vulnérabilités organisationnelles 1 Voir l’article de Claire Sibille page 36.
(le document existe-t-il et qui le détient ?), techno- 2 Premier arrêt de la Cour de cassation sur la preuve électronique (Cour de cassation,
Civ. 2, 4 décembre 2008, pourvoi n° 07-17622), ayant fait l’objet d’un commentaire
logiques (obsolescence des outils, pérennité des for- d’Isabelle Renard du 15/02/09 : www.isabelle-
mats) et physiques (locaux, sécurité, etc.) du renard.com/imgfck/PreuveElectronique_C_Cass_4_12_2008(2).pdf
système permettra d’adopter des règles en adéqua- 3 Voir l’article de Sylvie Dessolin-Baumann page 56 ///////

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03
CONDUIRE
le
dossier Records management
changement

/////// En effet, lorsque la délégation est signée, elle est LES PRINCIPALES ÉTAPES DU PROCESSUS
utilisée par des acteurs qui connaissent le délégant,
le délégataire et le processus métier auquel elle s’ap- Étapes du processus Outils utilisés
plique. Mais les utilisateurs peuvent changer, des
réorganisations intervenir : comment alors être sûr Documents entrant
que le document sur lequel on va s’appuyer est tou- dans le système de
jours valable ? records management
La prise en compte du cycle de vie des documents
est la seule solution qui permette de disposer d’une Plan de classement
information fiable au moment où l’on en a besoin, de des activités
Analyse et classement
lui conserver son intégrité pendant toute sa durée de Référentiel de classement
des documents
vie et d’éviter qu’elle ne soit prise en charge que lors et d’archivage
de son archivage. En effet, le meilleur système d’ar-
chivage ne pourra jamais donner à une information Registre
le caractère fiable et authentique qu’elle a perdu ou Règles d’attribution
Capture et enregistrement
qu’elle n’a jamais eu ! des identifiants
Règles de localisation
Des processus clairs et partagés
D’autre part, gérer le cycle de vie des documents
Affectation des règles
c’est rationaliser la production documentaire et l’ar-
de conservation Référentiel de classement
chivage, et donner des outils et des réponses aux pro-
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(durées de conservation et d’archivage
ducteursd’informations.Ils’agitenparticulierd’établir
et sort final)
des procédures claires quant à la collecte (création,
capture, enregistrement, utilisations de plans de clas-
sement, de règles de nommage et de métadonnées),
à la consultation (support, format, lieu de stockage, Analyse et ajout Langages de description
etc.), à la sécurité (droits d’accès, traçabilité sur les de métadonnées (thésaurus, lexiques,
documents et le système lui-même), à la destruction (description des plans de classement
(sécurisée, à échéance de conservation, prolongation documents, de leur thématiques, normes, etc.)
si nécessaire…) afin que le système repose sur des contexte, de leur contenu, DTD
règles connues de tous et applicables par tous. de leur structure) etc.
Stocker les informations, nous savons tous le faire :
regardons simplement nos disques durs, nos clés
USB ou encore notre messagerie ! Mais retrouver l’in-
formation relève parfois de l’exploit. Quant à Stockage sécurisé
garantir que nous avons bien la version finale ou le
document en vigueur, cela peut être impossible !
Nos utilisateurs sont dans la même situation, et
leur dire de façon claire quels documents ils doivent Prise en compte
conserver, comment, pourquoi et combien de temps des évolutions
leur facilite énormément le travail quotidien. Si, dès des documents
la création de l’information, ils peuvent la classer
selon qu’elle relève ou non de la politique d’archi-
vage, ils prendront vite la mesure du temps qu’ils Communication, mise à Plan de sécurité
vont gagner. disposition, accès + « outils non spécifiques »
Personne n’a le temps ni l’envie d’archiver ! Mais
les aider à mettre en place un plan de classement, à
adopter un plan de nommage commun au service et Référentiel de classement
à organiser leurs dossiers en fonction des documents et d’archivage
Application du sort final
àconserverounon,c’estpermettred’assurerunevaleur Bordereau d’élimination
à l’information et d’en garantir la traçabilité. Déter- Bordereau de transfert
miner des procédures de gestion de l’information dés
la création du document, c’est garantir que l’informa- Documents sortant
tion qu’ils utilisent est la bonne et qu’ils pourront la du système de
réutiliser chaque fois que de besoin puisqu’ils savent records management
où elle se trouve, connaissent les modifications inter-
venues tant sur les documents eux-mêmes que sur
le système et que, même des années plus tard, ils Extrait de : Comprendre et pratiquer le records management : analyse de la norme ISO 15489 au
pourront contextualiser cette information. regard des pratiques archivistiques françaises, par le Groupe métier AAF-ADBS « Records
management », version du 8 avril 2005.

54 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2009, vol. 46, n°2


Comment déployer et
conduire le changement La boîte à outils RM :
un exemple de coopération internationale
Mais cette gestion du cycle de vie n’est pas tou- a boîte à outils Le Records Adaptable et personnalisable,
jours facile à mettre en œuvre. Cela nécessite d’in- Management : une bonne ges- ce document répond aux
tervenir en amont et donc de toucher à ce que tion des documents probants besoins des différents pays
l’utilisateur a de plus précieux : il est le détenteur, le pour une bonne gouvernance a en les aidant à assumer leurs
propriétaire de l’information. Il a l’impression que été conçue par PARBICA, la obligations légales et à protéger
l’on s’immisce dans son processus métier et que l’on branche régionale Pacifique du les droits des citoyens.
veut édicter des règles à sa place. Et parfois il peut Conseil international des La première version comprend
ne pas comprendre l’intérêt de la prise en compte en archives, et les Archives natio- une brochure destinée aux res-
amont. Bien entendu, il nous certifie qu’il versera en nales d’Australie. (www.parbica- ponsables et décideurs publics,
temps utile ses documents au service d’archives, ou .org/Toolkit%20pages/ToolkitInt rappelant à ceux-ci leurs res-
de son disque dur vers la GED ou le SAE, mais pour ropage.htm). ponsabilités en matière de ges-
le moment il en a encore besoin ! Le Conseil international des tion des documents et
Il faut donc lui faire comprendre que ce change- archives a considéré que cette informations, une liste de
ment de comportement est la solution pour répondre publication pouvait également contrôle permettant à une
aux besoins des connaissances d’autres entités qui être utile aux pays francophones organisation d’évaluer ses
peut-être travaillent sur la même problématique ou affiliés à ses différentes capacités de gestion, et des
qui ont besoin de ces documents pour élaborer une branches régionales et a chargé conseils pour identifier les
réponse ou monter un dossier contentieux. Prendre l’Association des archivistes obligations de gestion des
en compte le cycle de vie, c’est aussi s’assurer que les français d’en réaliser une version documents et informations.
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documents pendant toute leur vie seront stockés sur française (traduction assurée Elle devrait s’enrichir en 2009
les supports adaptés, sécurisés et pérennes. C’est par Sylvie Dessolin-Baumann, de différents outils complé-
garantir la traçabilité (horodatage, utilisation de la Christine Martinez et Xavier mentaires et faire l’objet d’ate-
signature électronique, etc.), donner dès le départ Lisoir pour l’AAF). liers pour sa diffusion.
une valeur à l’information et prouver que leur pro-
cessus métier s’est déroulé en conformité avec les
règles métier. Tout cela ne peut se faire que par accompagner, c’est aussi participer à la mise en place d’un nou-
l’accompagnementetlacommunicationsurledéploie- vel outil de GED, les aider au choix des métadonnées, du plan
ment de ces nouveaux modes de fonctionnement. de classement. C’est leur donner quelques conseils, en les sen-
sibilisant par exemple au fait que, selon leur plan de classement,
Communiquer pour faire adhérer les certaines métadonnées peuvent être inutiles, ou encore que trop
utilisateurs de métadonnées peuvent rebuter les utilisateurs car cela néces-
L’établissement de règles et de procédures doit se site trop de temps lors de l’alimentation.
faire en collaboration avec les processus métier. Les
utilisateurs connaissent leurs besoins et les règles Comment évaluer le projet
métier. Nous devons leur apporter les règles de ges-
tion : droits d’accès en fonction des sécurités néces- Lorsque l’on met en œuvre un projet de RM, il sera néces-
saires, durées de conservation, définition des saire à un moment donné de faire un bilan. Où en est le projet,
supports et formats… le déploiement est-il en cours ? Dans tous les services, quels
La mise en œuvre d’une politique de gestion de sont les problèmes rencontrés ?
l’information et d’archivage doit reposer sur la com- Avant de déployer le système, il faut auditer les services ou
munication. Faire participer des services qui ont mis l’organisme et bien considérer qu’accompagner le changement
en œuvre les nouvelles procédures ou démarches c’est aussi responsabiliser les utilisateurs. Dans certains cas
sera la meilleure publicité ! l’audit peut être ressenti comme une sanction. L’évaluation et
Une des règles primordiales est de toujours faire plus encore l’auto-évaluation peuvent être une phase de transi-
valider la politique d’archivage et les procédures par tion. L’élaboration d’une grille d’évaluation par le records mana-
le service auquel elles vont s’appliquer. Sans l’adhé- ger et son équipe est une solution. Au lieu de poser les questions
sion des utilisateurs au projet, rien ne peut aboutir. directement, c’est l’utilisateur qui va s’interroger sur ce qu’il a
Lorsqu’un projet de RM est lancé dans un orga- mis en place, se demander si cela fonctionne et chercher ce qui
nisme, il faut bien évidemment l’appui de la Direction ne marche pas et pourquoi. Lors de l’analyse qui bien évidem-
et que celle-ci exprime ses objectifs et les buts à ment doit se faire en collaboration avec l’évalué, des solutions
atteindre. Mais il faut en contrepartie une bonne ou des questions pourront être apportées directement par le ser-
communication. Ainsi lors des différentes analyses, vice en question. L’audit et l’évaluation doivent porter aussi bien
un retour des résultats et des conclusions est essen- sur l’application des procédures que sur l’utilisation des outils
tiel. Les utilisateurs doivent voir évoluer le projet, et être perçus par l’utilisateur comme un « service après-vente
comprendre en quoi ils sont concernés et ce qu’ils » et non comme une ingérence. L’audit doit permettre de com-
peuvent apporter pour assurer sa réussite. Des réu- prendre ce qui ne va pas et pour quelles raisons et d’y remédier,
nions d’information, des démonstrations, des mais pas de sanctionner. •
groupes de travail sont autant d’outils à utiliser. Les

2009, vol. 46, n°2 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 55


dossier Records management 03 CONDUIRE LE
changement

sylvie.dessolin-baumann@afpa.fr

Une étape clé : l’analyse des processus


[ repères ] Préalable à tout projet de gestion des documents et types de documents habituellement
de l’information, l’analyse des processus intervient également à conservés par les services produc-
toutes les étapes de sa mise en œuvre. Sylvie Dessolin-Baumann teurs(l’« analysedel’existant»)visant
à définir ce qui présente un intérêt
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explique les intérêts de cet outil et en détaille les fonctionnalités.
de conservation à long terme et doit
à ce titre être versé à un service d’ar-

d
chives définitives, par opposition à
« Définir quels documents il convient de créer a ce qui peut et doit être éliminé. Un outil face à l’inflation docu-
minima pour chaque type d’activité, et quelles infor- mentaire, la dernière digue des dépôts d’archives définitives
mations il convient d’y faire figurer » : cette exigence saturés…
figure en première ligne parmi les principes géné- Mais si les archivistes recueillent les besoins et obligations
raux du records management1. L’analyse des proces- des services producteurs, afin de fixer la « durée d’utilité admi-
sus est un préalable et une étape clé de la mise en nistrative », c’est en se fiant aux dires et aux compétences de
œuvre de tout projet de gestion des documents et ces derniers, loin de prétendre les auditer ! Les contraintes
de l’information. L’« analyse des activités de l’orga- résultant de textes légaux, réglementaires, normatifs concer-
nisme2» doit déterminer l’impact de la législation, de nent une part très faible de la production5. Il n’est pas envisagé
la réglementation, des normes et des bonnes pra- de faire créer des documents par les services producteurs pour
tiques sur la création de documents correspondant garder trace des actions éventuellement non documentées. Si
aux activités, en prenant en compte l’« environne- cette approche est très satisfaisante pour constituer des fonds
ment organisationnel et économique » et en prati- d’archives définitives d’un haut intérêt, elle ne correspond pas
quant des révisions régulières. à la mission spécifique du records manager, qui doit être le
C’est un outil qui intervient à différentes étapes garant d’une réelle maîtrise des responsabilités de production
de la mise en œuvre d’un projet de RM, avec des fina- et de gestion documentaire de son organisme.
lités et granularités diverses. La norme indique que La Business Process Analysis a été mise au point dans les
la sélection des types de documents qu’il convient années 1990 par les grands cabinets d’audit anglo-saxons pour
d’intégrer dans le système repose sur une analyse des les besoins de l’informatisation, de l’optimisation des processus
exigences issues de l’environnement réglementaire, (qualité), du risk management… Les records managers, en par-
des obligations de rendre compte, des nécessités de ticulier les confrères nord-américains de l’ARMA (American
la gestion et du risque que constitue la non-repré- Records Managers Association) et australiens (dont certains
sentation des documents. Ces exigences varient appartenaient à ces cabinets), ont commencé à se les approprier
selon le type d’organisme et le contexte législatif et et à développer leurs propres méthodologies pour conduire, à
social de ses activités3. Mais, si les contraintes à
prendre en compte sont ainsi posées, le « guide pra-
tique4 » associé à la norme ne donne pas précisément
la marche à suivre.
1 ISO 15489-1:2001 – Information et documentation – « Records Management » –
Partie 1 : Principes directeurs. Point 7 « Exigences », 7.1 « Principes généraux d’un
Des tableaux de gestion programme de RM ». À propos de la norme, voir l’article de Claire Sibille dans ce
dossier page 34.
à l’analyse des processus 2 Ibid. Point 6 « Politique et responsabilités ».
3 Ibid. Points 8.4 « Méthodologie de conception et de mise en œuvre » et 9.1 «
De leur côté, les archivistes ont une pratique Sélection des documents ».
ancienne de l’élaboration de « tableaux de gestion » 4 ISO 15489-1:2001 – Information et documentation – « Records Management » –
(« calendriers de conservation » pour les canadiens Partie 2 : Guide pratique.
francophones). Elle consiste en un inventaire des 5 Association des archivistes français, Guide des durées de conservation, Paris, 1997.

56 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2009, vol. 46, n°2


partir de l’analyse des processus, l’identification des 6 Au sujet des communautés et le financement de la recherche,
documents à conserver, voire à créer pour chaque pratiques professionnelles en qui inclut plusieurs processus
Amérique du Nord et en Australie,
activité, pour élaborer les « tableaux de gestion », les dont l’approbation des demandes
voir l’article de Catherine Dhérent
plans de classement… page 32. de bourses de recherche ;
7 www.records.nsw.gov.au/record• documents traces, issus de ce
Comment procéder ? keeping/dirks/step-by-step- processus:lesdemandesdebourses
through-dirks, Step B - Analysis of
de recherche.
business activity et Step
Cette approche est basée sur l’analyse d’une orga- C - Identification of recordkeepingAutre exemple présenté, celui
nisation cible efficiente, de responsabilités bien défi- requirements. des services aux patients dans un
nies, des preuves nécessaires, des risques juridiques, organisme médical. La partie 5
8 Voir le focus Profession page 59.
environnementaux, de sécurité, de non-qualité... 9 À noter que certains logiciels de
explique comment procéder pour
RM proposent la gestion d’une
Aprèslesmanuelsdel’ARMA,laméthodologieDIRKS6 base des types de documents
l’étude contextuelle et réglemen-
publiée en 2003 par les Archives nationales austra- taire,lapartie6pourl’analysefonc-
indexés par fonctions, activités,
liennes consacre un chapitre à l’analyse des proces- etc. tionnelle, la 7 pour l’analyse
sus, en proposant deux types d’analyse : hiérarchique 10 Voir page 61. séquentielle, sous forme de ques-
ou par processus (« analyse séquentielle »)7. L’analyse tions à poser. Toutefois, la norme
hiérarchique consiste à identifier tout d’abord les n’indique pas comment consolider, exploiter et maintenir les
fonctions, puis au sein de celles-ci les activités, enfin informations ainsi recueillies.
les transactions (actions) qui doivent générer des C’est un manuel élaboré par la branche Pacifique du Conseil
documents et informations-traces. Cette liste struc- international des archives, la Boîte à outils Records Management.
turée est ensuite rapprochée des obligations et exi- La gestion des documents probants, clé d’une bonne gouvernance8,
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gences de conservation. qui nous procure enfin un exemple très concret et pratique de
De son côté, la commission ISO, après la publi- mise en forme et d’exploitation de ces données. La deuxième
cation de la norme, volontairement très théorique, a partie du manuel, les Conseils pour identifier les obligations de
continué à travailler pour apporter à la communauté gestion des documents probants, présente de façon synthétique
professionnelle des outils complémentaires plus les objectifs (avec exemples de risques), puis la manière
opérationnels. En effet, alors que pour l’enregistre- de conduire l’analyse contextuelle, réglementaire, etc., enfin,
ment, le classement et l’indexation nous disposions, l’analyse fonctionnelle, avec de nombreux conseils pratiques
entre les pratiques des archivistes et celles des docu- (« rechercher les termes », « trouver les obligations impli-
mentalistes, d’un large éventail de modèles, de publi- cites », etc.) et exemples parlants… Tout ceci en prévoyant la
cations, etc., certaines méthodes spécifiques au RM révision régulière de ces éléments, susceptibles de varier dans
n’étaient pas décrites. Parmi les priorités de la com- le temps. Les modèles de formulaires fournis sont aisés à appli-
mission, outre les métadonnées, figurait l’analyse des quer et à transformer en bases de données9.
processus, et c’est ainsi que nous avons élaboré la
norme ISO/TR 26122 : Information and documenta- Une bonne entrée en matière pour
tion – Work process analysis for records, adoptée en
2008 et en cours de traduction par l’AFNOR sous
le RM
le titre Information et documentation – Analyse des Et en effet c’est sur le terrain, en appui des démarches qua-
processus pour le management de l’information et des lité et du risk management qu’émergent questionnements et
documents. demandes, comme cela a été le cas à l’AFPA10.
Il s’agit d’une approche méthodologique (encore Ces démarches d’analyse des processus menées en partena-
un peu conceptuelle, il est vrai). Ce « rapport tech- riat avec les services informatiques, juridiques et financiers, le
nique » rappelle tout d’abord clairement les objec- contrôle de gestion et les qualiticiens constituent pour beau-
tifs : réunir les informations sur les processus, fonc- coup d’organismes une sensibilisation et une entrée en matière
tions et actions de l’organisme en vue d’identifier les vers une véritable politique de records management. •
documents et informations à intégrer et gérer dans
le système de records management. Comme DIRKS,
ildécritlesdeuxtypesd’analyse,fonctionnelle(décom-
position des fonctions en processus) et séquentielle
(enchaînement d’opérations). Chacune d’elles inter-
vient après une revue du contexte (missions géné-
rales de l’organisme et réglementation).
La norme développe l’exemple d’une université.
Pour cette institution, elle donne un extrait de l’ar-
borescence objectifs/fonctions/sous-fonctions/pro-
cessus/ documents :
• objectif : enrichir les savoirs et connaissances sur
un sujet ;
• fonction associée à cet objectif : la recherche ;
• sous-fonction ou activité au sein de cette fonction :

2009, vol. 46, n°2 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 57


dossier Records management 03 CONDUIRE LE
changement

marion.taillefer@pm.gouv.fr

focus
Diplômé de l’ENSSIB, Antoine Laurent a
été chargé d’études documentaires au
Centre des archives économiques et
[ profession ] Face à l'émergence du métier de records financières du ministère de l’Économie et
manager, les archivistes et les documentalistes ont vu des Finances, avant de devenir respon-
l'opportunité de repenser leurs activités et de mettre en lau@lifing.fr sable des techniques d’archivage puis
chargé d'études RM et archives électro-
commun expériences, méthodes et outils. Ainsi sont
niques chez Lifing.
nées du groupe métier AAF-ADBS (Association des
archivistes français - Association des professionnels de
l’information et de la documentation) deux équipes
projets : « Montréal » et « RM terrain ».

Une coopération interprofessionnelle,


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interassociation et internationale
L e groupe métier AAF-ADBS sur le
records management a été créé en
2003 par des membres des deux asso-
L’état de ses réflexions
Aujourd’hui,lesproducteursdedocu-
ments et les administrateurs des systè-
réflexiondescritèresrelatifsautyped’en-
treprise considérée, à son statut, à son
domaine d’activité, à ses attentes, à ses
ciations. Il comprend aujourd’hui deux mes documentaires informatisés moyens et exigences (notamment
équipes projets. expriment une forte attente en matière son degré d’attachement au cadre nor-
de mise en œuvre de plans de classe- matif du RM)…
L’ÉQUIPE PROJET « MONTRÉAL » ment efficients. Ses méthodes
Créée en 2004 Les préconisations professionnelles À travers des entretiens réalisés
Co-animée par Annie-Pierre Olczyk et (norme ISO-15489, MoReq2, etc.) auprès de professionnels préalablement
Delphine Fournier légitiment l’utilisation du plan de clas- ciblés, l’équipe projet compare leurs
Membres actifs : 8 sement, qui revient par ailleurs en force pratiques sur la base de critères prédé-
Contact : rm_montreal@yahoo.fr dans les usages. finis et s’efforce de dégager des ten-
Le groupe s’intéresse autant aux dances générales et des tendances plus
Ses objectifs plans de classement personnels qu’aux marginales. Le soutien apporté tant par
Rédigerdesdocumentsd’appuietana- plans partagés, jusqu’aux plans d’uti- les autres membres de l’équipe que par
lyser des documents de référence sur la lisation officielle dans le cadre d’orga- le réseau de professionnels – notam-
pratique du records management, nour- nisations publiques ou privées. ment la CG46/CN11 (commission na-
ries des expériences d’un groupe de pro- Leurconstructionetleurmiseenplace tionale sur le RM) de l’Afnor, dont elle
fessionnels de terrain. sont donc à identifier comme une com- s’est rapprochée en 2008 – permet de
Ses travaux posante à part entière d’un projet de ges- valider ou non ces premières tendances.
- 2005 : publication de Comprendre et tion de documents. Ses réalisations
pratiquer le records management : ana- En 2006, l’équipe projet a établi un
lyse de la norme ISO-15489 au regard des L’ÉQUIPE PROJET « RM TERRAIN » panorama des groupes français travail-
pratiques archivistiques françaises. Créée en : 2006 lant sur le records management. Elle
-2006-2007:élaborationdegrillesd’ana- Animée par : Marion Taillefer prévoit de réaliser courant 2009 la syn-
lyse de MoReq1. Membres actifs : 3 thèse de ses travaux en cours.
- Depuis 2008 : les travaux portent sur Contact : RMTerrain@yahoogroupes.fr Ses premières observations
le plan de classement en environnement Si certains pratiquent le RM en sui-
électronique, avec pour objectif de faci- Ses objectifs vant le cadre normatif à la lettre, nom-
liter la démarche de mise en œuvre, en DémythifierleRMenidentifiant(prin- breux sont ceux qui mettent en œuvre
s’appuyant sur des explications théo- cipalement en France) une palette aussi des principes relevant du records mana-
riques d’une part et des recommanda- large que possible de déclinaisons pra- gement sans toujours consciemment
tions pratiques illustrées d’exemples tiques du records management sur le associer leurs actions à des politiques
d’autre part. terrain. Entrent dans le champ de la de RM. •

58 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2009, vol. 46, n°2


témoignages
Le déploiement d’un système de records management est un travail de fond qui
bouscule usages, règles et représentations des métiers et responsabilités dans
les organisations concernées. Comment a été conduit le changement dans quatre
entreprises aux vocations et modes de fonctionnement très différents ? Caroline
Wiegandt introduit les propos de Susan Vaillant (Quintiles), Anne Citeaux-Berg
(OPHLM), Isabelle Viel (Accenture) et Sylvie Dessolin-Baumann (AFPA).

Paroles de records managers de ce qu’ils ont produit ou collecté,


et donc à modifier leurs habitudes
pour s’adapter aux besoins des
autres. En outre, l’analyse des pro-

l
Les pratiques du records management ne se décrètent cessus que la démarche impose met en évidence les défauts d’or-
pas, même si le projet est voulu et soutenu au plus ganisation et clarifie les rôles, ce qui n’est pas toujours très facile
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haut niveau. C’est vrai de tout projet mais plus encore à accepter. Les professionnels de la qualité et de la gestion des
dans le cas du RM qui touche à des aspects très sen- risques, ainsi que les juristes, sont des partenaires à part entière
sibles de la vie dans les entreprises et institutions. mais, étant touchés par la démarche, ils en voient aussi les
La production et la gestion d’information sont contraintes. Le besoin de mettre en œuvre une forte conduite
souvent perçues comme la matérialisation du travail du changement, par la communication et la formation, et l’ac-
réalisé : les producteurs transmettent des contenus ceptation de définir une cible et d’avancer par étapes jusqu’à
dont ils semblent se déposséder, mais ils ont ten- celle-ci est une constante.
dance aussi à considérer que leurs documents et Ce qui ressort des témoignages suivants, c’est l’extrême force de
leurs dossiers sont une fin en soi. Or, le records conviction et humilité qu’il faut aux responsables de projet pour
management les oblige à aller au-delà, en rendant faire passer les règles et méthodes indispensables.
nécessaire la prise en compte des usages ultérieurs Caroline Wiegandt

Susan Vaillant est responsable européenne de la protection des données à


caractère personnel chez Quintiles. Elle veille à la conformité des pratiques
avec les lois de type « Informatique et libertés » qui appliquent les principes
de la directive européenne sur la protection de la vie privée. Elle avait précé-
demment développé et mis en œuvre le programme européen de records
management de l’entreprise pour répondre à la réglementation internatio-
nale et aux exigences de la relation client-prestataire.
susan.vaillant@quintiles.com

Penser autrement, et avec profit


E ntreprise américaine, leader mondial des socié-
tés prestataires de services de développement
clinique et de commercialisation à l’industrie phar-
culièrement concernée par la protection des données person-
nelles : celles des participants et de tous les acteurs du monde
médical incluses dans le protocole de conduite de ces essais.
maceutique, aux sociétés de biotechnologie et de dis- Dans cet environnement très réglementé, les procédures doi-
positifs médicaux, Quintiles emploie 20 000 vent être très codifiées. Pour organiser ma mission de protec-
collaborateurs dans le monde dont plus de 600 en tion des données personnelles, je me suis appuyée sur mon
France, à Levallois-Perret et à Strasbourg. expérience passée en tant que directrice du RM pendant dix ans
« Comme Quintiles organise des essais cliniques chez Quintiles Europe. J’avais notamment appris à réfléchir sur
et gère le suivi de pharmaco-vigilance, elle est parti- les accès aux données, les autorisations, la mise en place d’un ///////

2009, vol. 46, n°2 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 59


dossier Records management 03 CONDUIRE LE
changement

/////// cadre de gestion documentaire, cette fois avec en liser ?" dépend de la finalité de l’information : il n’y a pas de liste
plus une obligation éthique précise. L’expérience des préalable. Ce travail implique donc beaucoup d’échanges et de
documents m’a été très utile car, avec le RM, on est sensibilisation, il n’y a pas de processus standard.
au cœur du travail, on part du contenu, ce qui « Mon rôle est donner mon avis de conformité dès qu’un
manque parfois aux spécialistes juridiques qui n’ont nouveau système d’information est conçu et de rechercher des
pas une expérience directe des problèmes opéra- solutions qui agréent tout le monde.
tionnels. « Je travaille en proche partenariat avec les services de
« De nombreux systèmes sont conçus et vendus sécurité du SI, les chefs de projet et les ressources humaines,
pour stocker un maximum de données. Or, ce qu’il qui doivent communiquer avec moi au début d’un projet.
faut, c’est un regard qualitatif. Ce n’est pas parce que Comme pour un système qualité, il faut avoir le soutien de la
les informations sont disponibles qu’on les utilise. hiérarchie au plus haut niveau et il faut que celle-ci délègue la
« Par exemple, un besoin légitime de contacter un fonction (de protection des données).
individu pour fixer un rendez-vous médical peut « Ensuite, c’est généralement un soulagement pour tous les
nécessiter la collecte de son numéro de téléphone. salariés : L’entreprise désigne une personne dont c’est le rôle de
Pour autant, nous ne sommes pas en droit de l’asso- réfléchir auparavant à toutes les questions relatives à l’utilisa-
cier aux données de santé. Il faut donc parvenir à tion des données et à l’organisation documentaire. Les salariés
convaincrelesgestionnairesquel’onpeutpenserautre- savent à qui s’adresser ; en retour l’entreprise bénéficie de plus
ment, et avec profit. Et faire admettre que la réponse de clarté et de cohérence. » •
à la question : "Quelle donnée suis-je autorisé à uti-
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Isabelle en cas d’audit. Dans le cadre de la loi
américaine Sarbanes Oxley, nous
Viel-Dworniczek est devons notamment pouvoir expli-
titulaire d’une maîtrise quer les montants payés par les
d’histoire et d’un diplôme
clients.Depuis2007,unnouveaulogi-
de documentaliste. Elle
occupe un poste de records ciel a été mis en place et la procédure
manager chez Accenture est la suivante : chaque responsable
depuis treize ans. Elle est client doit scanner les documents et
en charge notamment de les archiver dans le système, tandis
la validation des docu- que les originaux sont archivés à
ments versés et de l’assis- l’extérieur, pour plus de sécurité.
tance aux utilisateurs du « Au début, cette obligation de
logiciel de RM. Par ailleurs, scanner a pu donner aux équipes
dans le cadre de projets

Les bénéfices transverses liés à l’amélio-


ration du partage d’infor-
mation et de documents,
l’impression d’une perte de temps et
d’une contrainte désagréable. De
fait, en France, les débuts ont été

ont été perçus elle met en place des sites


web collaboratifs « sur
laborieux et il a fallu trois ou quatre
mois pour lancer la machine. Mais
ensuite les bénéfices ont été perçus
mesure ».
par tous isabelle.s.viel@accenture.com
par tous. Aujourd’hui, les responsa-
bilités sont redéfinies et nous avons
un bel outil qui tourne bien. Les
consultants, dont l’activité est sou-

A ccenture est une entreprise internationale de


conseil en stratégie, organisation, technologies
et externalisation. Elle est présente dans 120 pays et
vent nomade, apprécient l’accès plus facile à leurs dossiers.
L’organisation est plus simple aussi pour le service juridique car
le système est désormais centralisé. Quant au service de RM,
emploie 180 000 collaborateurs dont 5 000 en il est désormais libéré de certaines tâches, puisque c’est nous
France. qui auparavant scannions les documents papier que nous
« Le records management est entré chez Accenture envoyaient les consultants.
il y a treize ans, dans le cadre de la certification ISO « Cela nous permet de travailler plus en amont et plus
9000 sur les documents clients. Par la suite, une pro- sur la globalité du système. Nous pouvons par exemple nous
cédure définissant les rôles et responsabilités pour la consacrer au transfert de savoir-faire et encadrer d’autres pays
gestion des documents de projets clients a été mise comme le Japon, le Nigéria et l’Afrique du sud, en concevant
en place dans tous les pays. notamment des supports de formation. Nous intervenons
« Les principales données concernées sont les aussi sur différents projets en interne visant à améliorer les
contrats clients et les livrables : ce sont des docu- processus de partage et de sécurisation des documents. En fait,
ments confidentiels mais qui doivent être accessibles nous faisons de la prestation de service en interne. » •

60 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2009, vol. 46, n°2


Une fonction incontournable,
nécessaire et à forte valeur juridique

C réé en 1923, l’Office public de l’habitat de


Strasbourg gère 20 000 logements et emploie
520 agents.
La fonction d’« archiviste » n’avait
pas une bonne image et il n’est
jamais simple de faire passer le
« Lorsque j’ai pris mon poste en 2002, il n’y avait changement de pratiques, le nou-
dans l’entreprise ni pratique ni connaissance archi- veau cadrage et les outils imposés
vistiques et j’ai hérité d’environ deux kilomètres de par cette gestion raisonnée des
documents (données administratives, comptables, documents et informations. Il a
juridiques ou techniques, contrats, contentieux, per- fallu beaucoup expliquer, convain-
mis de construire, devis, cre des bénéfices du plan de classe-
etc.). Deux options se Après une maîtrise d’histoire et une formation spécialisée ment, savoir défendre la transversa-
dans les techniques d’archives et de documentation à
présentaient : soit pour- lité du travail et s’adapter à ses dif-
suivre l’entassement par Mulhouse, Anne Citeau-Berg a commencé son activité férents auditoires.
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l’équipement en rayon- professionnelle par des missions archives en entreprises. « Mais aujourd’hui le bilan est
En 1994, elle a été recrutée comme archiviste aux
nages complémentaires, positif : les plans d'archivage (j'ai
Archives contemporaines de la Communauté urbaine
soit s’attaquer frontale- Strasbourg (CUS). Elle est aujourd’hui responsable du opté pour ce terme plutôt que
ment au problème en secteur Gestion de l’information à CUS-Habitat, principal tableau de gestion, car nous avons
recrutant un respon- Office public de l’habitat (OPH) de la CUS. déjà la gestion locative, la gestion
sable de la gestion de l’in- patrimoniale...) sont réalisés et la
formation. Heureuse- Anne.Citeau-Berg@cushabitat.fr fonction est clairement reconnue
ment, c’est le deuxième comme incontournable, nécessaire
choix qui a été retenu par la Direction générale, sen- et à forte valeur juridique. Je suis consultée dès qu’il y a une
sible alors (elle l’est toujours) à l'aspect réglemen- problématique de gestion de l’information. Nous avons aussi
taire de la conservation des traces de l'activité de l'of- développé des pratiques RM avec interventions auprès des
fice (en raison des contrôles). Tout en déterminant directions : soutien, formations pour les dossiers courants,
quels documents devaient être conservés, juridique- dématérialisation de certains processus, pilotage des procé-
ment parlant, il a fallu en même temps rendre acces- dures, repérage des documents vitaux, participation au groupe
sible le fonds par la réalisation d’inventaires. de travail sur la classification de l'information, etc. Enfin, cerise
« Le travail effectué a bousculé les habitudes et les sur le gâteau, je constate que les documents sont consultés,
mentalités et a mis environ trois ans à s’imposer. même par l'extérieur, ce qui est valorisant. » •

Une application concrète


de l’analyse des processus
L ’AFPA est l’Association natio-
nale pour la formation profes-
sionnelle des adultes, premier
rés en 1996 sous la tutelle de la Direction des
Archives de France visaient surtout à identi-
fier les documents à conserver en archives
organismed’intérêtgénéralenFrance définitives. Ils étaient basés sur une analyse
pour l’insertion professionnelle et le structurelle de l’existant, qui en dix ans a pro-
développementdescompétences.Elle fondément changé. Certaines fonctions ont vu
dispose d’un Centre national d’ar- leur organisation complètement modifiée,
chives,quiconseillelesétablissements passant par exemple de l’échelon local au
danslagestiondesdocumentsetinfor- régional. Par ailleurs, l’informatisation crois-
mations probants. sante des processus a remplacé les traces
« Nos tableaux de gestion élabo- sylvie.dessolin-baumann@afpa.fr « papier » par des données gérées dans les ///////

2009, vol. 46, n°2 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 61


dossier Records management 03 CONDUIRE LE
changement

/////// applications « métiers ». Enfin, nous sommes dans tions, lettres de mission, etc.) a per-
1 Marie Deroche, La preuve par
un contexte de territorialisation, d’où de nouvelles les documents : étude des mis d’établir une bibliothèque de
obligations de gestion des
relations avec les conseils régionaux, le fonds social documents des directions
fonctions. Puis une partie des fonc-
européen… et de nouvelles modalités de gestion et régionales de l’AFPA, tions et processus clés ont été dé-
de contrôle. C’est pourquoi les établissements nous mémoire présenté en vue crits sous forme d’une base de don-
sollicitent pour savoir comment répondre à ces exi- d’obtenir le master 2 en nées,permettantunemiseàjourulté-
gences et bien gérer leurs documents au quotidien, sciences de l’information et
rieure.
métiers de la culture,
parfois dans le cadre de l’assurance qualité. spécialité archivistique, « En 2009, nous poursuivons
« En réponse à leur demande, nous avons lancé Université de Haute Alsace,l’identificationdesdocumentsetdon-
une étude d’analyse des processus, première pierre 2008, soutenu avec la nées traces en entrant dans le
d’une politique de records management. En 2008, mention très bien. détail des processus et actions, avec
nous avons confié la première partie de l’étude à l’aide de la mission d’appui aux éta-
Marie Deroche, dans le cadre de son mémoire de blissements, du service juridique,
master 21. Celle-ci, comme préconisé par la Boîte des directions Administrative et Financière, de l’Ingénierie et
à outils du CIA, a recensé les contraintes légales et des Systèmes d’information. En effet, nous intégrons les
réglementaires, puis les obligations contractuelles, documents et données électroniques, puisque de nombreux
selon la méthodologie d’analyse fonctionnelle de la processus sont mixtes (applications informatiques et
normeISO26122.Uncorpusdedocuments(conven- documents papiers). » •
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EXEMPLE D’ANALYSE D'UNE FONCTION DANS LE CADRE DE L'ANALYSE DES PROCESSUS A L'AFPA (EXTRAIT)

Citations Tâches Document(s) (trace)


(1) À L'ENTRÉE EN STAGE :
1 • Vérifier l’état civil du stagiaire et déterminer s’il relève • Vérifier identité À identifier
d’une rémunération de l’État
2 - Déterminer quel organisme est habilité à • Déterminer À identifier
ordonnancer la rémunération - organisme habilité
3 • Faire remplir par le stagiaire l’imprimé RS1 • Faire remplir par stagiaire Imprimé RS1 complété
(« Demande d’admission au bénéfice des rémunérations - imprimé RS1 signé enregistré
des stagiaires de la formation professionnelle ») et
compléter les rubriques à renseigner par le centre
de formation
(…) • Compléter rubriques Idem
- centre du RS1
5 • Déterminer le montant de la rémunération et le cas • Déterminer rémunération Enregistrement base ?
échéant celui de l’indemnité forfaitaire de transport - et indemnités (logiciel)
et d’hébergement
6 • Compléter l'imprimé DFP 1-3 (« Décision relative à une • Compléter imprimé Imprimé DFP 1-3
demande de prise en charge pour un stage de formation - DFP 1-3 complété enregistré
professionnelle »)
(…)
(2) « Les stagiaires doivent produire, selon le cas, livret de Renseigner l'imprimé RS1 Imprimé RS1 +
famille, carte d’identité, passeport, ou leur photocopie copie justificatifs
lisible. La production de l’original n’est plus obligatoire,
mais peut cependant être exigée en cas de doute.
Les stagiaires âgés de moins de 18 ans (…)
Pour les stagiaires étrangers (…) »

Corpus :
(1) Notice interne pour la gestion des stagiaires, sd, intranet afpa - (2) Manuel pour la gestion des stagiaires, sd, édition papier CNA

62 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2009, vol. 46, n°2

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