Vous êtes sur la page 1sur 8

57.

DIABÈTE

André Grimaldi
in François Bourdillon et al., Traité de santé publique

Lavoisier | « Traités »

2016 | pages 530 à 536


ISBN 9782257206794
DOI 10.3917/lav.bourd.2016.01.0555
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/traite-de-sante-publique---page-530.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.


© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


57 Diabète
André GrimAldi

On assiste à une véritable épidémie mondiale de diabète. On Trois types de populations sont particulièrement à risque :
compte actuellement plus de 400 millions de diabétiques dans – les obèses, qui deviennent diabétiques de type 2 de plus en
le monde et l’on estime que le taux atteindra les 500 millions en plus jeunes, assez souvent avant l’âge de 30 ans, parfois même
2025. En France, on évalue le nombre de diabétiques à 3,5 mil- avant l’âge de 20 ans ;
lions avec un taux de croissance annuelle d’environ 3 %. On pense – les populations immigrées et en provenance des DOM et des
que 5 millions de personnes seront concernées en 2025 [12, 13]. COM et, ayant une susceptibilité génétique particulière et sou-
mises parfois un changement brutal du mode de vie ;
Étiologie – enfin, la population âgée avec plus de 15 % de diabétiques
après 75 ans.
Il existe essentiellement deux types de diabète [24]. Cela dit, le diabète de type 1, lui-même, semble être de plus
Le diabète de type 1, ou diabète insulino-dépendant, est dû à une en plus fréquent ou, du moins, sa survenue se ferait de plus en
destruction des cellules B insulino-sécrétrices du pancréas. Pour plus tôt. Le pic de fréquence, qui se situait à l’âge de 12 ans,
les patients diabétiques de type 1, l’insuline est un traitement s’abaisse progressivement. La raison de cette accélération de la
vital. Le diabète de type 1 survient le plus souvent avant l’âge de survenue du diabète de type 1 reste inconnue. On évoque deux
20 ans, mais peut apparaître à tout âge. La destruction des cel- hypothèses :
lules B insulino-sécrétrices est le plus souvent due à un processus – le développement précoce de l’obésité et de l’insulino-résis-
auto-immun que l’on peut dépister par un dosage des anticorps tance, qui pourrait ainsi être un point commun entre la survenue
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
anti-GAD, anti-IA2, anti-ZnT8 et anti-insuline. On connaît au du diabète de type 1 et la pathogénie du diabète de type 2 ;
moins dix gènes de susceptibilité dont le principal appartient au – l’amélioration de l’hygiène de vie dans les premiers mois de la
système d’histocompatibilité (HLA), mais on reste très ignorant vie, qui favoriserait la survenue des maladies allergiques ; comme
quant aux mécanismes déclenchant ce processus. l’asthme ; et des maladies auto-immunes ; comme le diabète de
Le diabète de type 2 survient au contraire après l’âge de 40 ans. type 1. On a en effet constaté que les souris NOD développent
Il est précédé par une période de 10 à 20 ans d’insulino-résistance plus de diabète auto-immun lorsqu’elles sont élevées en milieu
intéressant essentiellement le tissu musculaire. Pour maintenir stérile que lorsqu’elles sont élevées en « milieu sale »…
l’euglycémie, les cellules B du pancréas sécrètent des quantités À côté des diabètes de type 1 et de type 2, il existe aussi des
importantes d’insuline et tout se passe comme si, chez les per- diabètes proprement génétiques où les parents ne transmettent
sonnes génétiquement prédisposées, on assistait à un épuisement pas seulement une susceptibilité à la maladie, mais la maladie elle-
insulino-sécrétoire progressif. L’insulino-résistance musculaire même. On décrit ainsi six types de diabètes MODY (maturity
est due à trois facteurs : l’obésité avec une augmentation de la onset diabetes of the young), remarquables par leur survenue avant
graisse viscérale intrahépatique et intramusculaire, la sédenta- l’âge de 20 ans et la fréquence de l’atteinte familiale à toutes les
rité et le vieillissement. On a identifié des gènes de susceptibilité générations. La forme la plus fréquente en France est le MODY 2,
expliquant le défaut d’adaptation du pancréas à l’insulino-résis- dû à une mutation de la glucokinase, entraînant un « resetting du
tance et des gènes favorisant le développement de l’obésité et sa glucostat » pancréatique. Les cellules B du pancréas sécrètent
répartition androïde. En effet, cette graisse viscérale semble jouer normalement l’insuline à partir d’une valeur de glycémie à jeun
un rôle important dans le développement de l’insulino-résistance plus élevée que la normale. Cette forme de diabète est donc peu
et du syndrome métabolique. Elle peut être repérée clinique- évolutive et relativement bénigne.
ment, de façon indirecte, par la mesure du tour de taille lorsqu’il Parmi les diabètes génétiques, le diabète mitochondrial est dû à
dépasse 90 cm chez la femme et 100 cm chez l’homme. La phy- une mutation d’un gène mitochondrial d’origine maternelle. Ce
siopathologie du diabète de type 2 explique son développement diabète s’associe à d’autres anomalies mitochondriales, respon-
parallèlement aux changements du mode de vie. L’urbanisation, sables d’une surdité, d’une dystrophie rétinienne non diabétique,
la sédentarisation, les modifications de l’alimentation (excès de d’atteintes musculaire et cardiaque ainsi que de manifestations
graisses, boissons sucrées, alcool) et du comportement alimen- neurologiques.
taire (grignotages, compulsions) ainsi que le vieillissement des À côté de ces diabètes génétiques, il existe des diabètes
populations expliquent le développement épidémique du diabète secondaires :
de type 2. Il faut toutefois ajouter, parmi les facteurs expliquant – pancréatiques (hémochromatose, mucoviscidose, pancréatite
l’augmentation de la prévalence du diabète de type 2, l’accroisse- chronique, cancer du pancréas) ;
ment de l’espérance de vie des patients diabétiques, en particulier – endocriniens (maladie de Cushing, acromégalie,
grâce à la diminution de l’incidence de la morbi-mortalité cardio- phéochromocytome…) ;
vasculaire, et ce malgré l’augmentation de l’obésité et la persis- – iatrogènes (corticoïdes, immunosuppresseurs, antirétrovi-
tance, dans notre pays, du tabagisme. raux, nouveaux antipsychotiques…).
d i A BÈ TE 531

Définition 100 cm pour les hommes, des personnes hypertendues ou dysli-


pidémiques avec hypertriglycéridémie, des femmes ayant eu des
Les différentes formes étiologiques de diabète ont une définition bébés de plus de 4,250 kg à la naissance, des personnes ayant déjà
commune [24] : une glycémie à jeun à deux reprises supérieure ou eu une glycémie à jeun supérieure à 1,10 g/l. Chez ces personnes,
égale à 1,26 g/l (plasma veineux, glucose oxydase). Il s’agit du seuil il importe de faire un dosage de la glycémie à jeun à partir de l’âge
glycémique à risque de complications spécifiques, en particulier de 30 ans. Si la glycémie à jeun est strictement normale, elle doit
rétiniennes, du diabète. Contrairement à ce que l’on pense habi- être répétée tous les 3 ans, associée au dépistage des autres facteurs
tuellement, la définition du diabète n’a pas été modifiée. L’étalon de risque cardiovasculaires. Ce dépistage doit être l’occasion de
or reste l’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) avec un seuil conseils de prévention sur l’alimentation, l’activité physique et
glycémique de 2 g/l à la deuxième heure. On a seulement simplifié l’arrêt du tabagisme. Si elle est anormale, elle doit être répétée
la méthode diagnostique. Autrefois, on procédait en deux temps, tous les ans et, surtout, donner lieu à un traitement préventif. En
en effectuant d’abord une glycémie à jeun et, si elle était supé- effet, le diabète de type 2 est précédé par une phase de prédiabète
rieure à 1,40 g/l, on portait le diagnostic de diabète après véri- caractérisée par une élévation progressive des glycémies après une
fication par un deuxième dosage, sans recourir à l’HGPO. Si la charge en glucose, puis des glycémies à jeun. On parle d’intolé-
glycémie à jeun était inférieure à 1,40 g/l, on réalisait une HGPO. rance aux hydrates de carbone lorsque la glycémie à la deuxième
Plusieurs études ont montré qu’il existait une corrélation accep- heure d’une HGPO est comprise entre 1,40 et 2 g/l, d’hyperglycé-
table (d’environ 70 %) entre la glycémie à jeun à 1,26 g/l et la mie à jeun non diabétique lorsque la glycémie à jeun est comprise
glycémie à la deuxième heure de l’HGPO à 2 g/l. Les Associations entre 1,10 et 1,26 g/l ou d’hémoglobine A1c élevée non diabétique
américaines et européennes du diabète ont adopté également le lorsque celle-ci est comprise entre 6 et 6,5 %.
Le traitement préventif du diabète de type 2 repose d’abord et
dosage de l’hémoglobine A1c pour définir le diabète. Avec une
avant tout sur les mesures hygiénodiététiques, dont deux études
norme comprise entre 4 et 6 % (par dosage standardisé NGSP) le
prospectives randomisées (l’étude DPP [8] et l’étude FDPS [26])
diabète est défini par une hémoglobine A1c supérieure à 6,5 % à
ont démontré le bénéfice avec une diminution du taux d’appari-
deux reprises.
tion de diabète de 56 % en 3 ans. Les mesures hygiénodiététiques
portaient sur la diminution de la consommation de graisses satu-
Dépistage et prévention rées d’origine animale, la diminution de la consommation d’al-
cool, la suppression des boissons sucrées et une augmentation de la
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
On peut aujourd’hui dépister le prédiabète de type 1 grâce à la consommation de glucides à faible index glycémique. Elles avaient
détermination du phénotype HLA à risque et surtout au dosage pour objectif une réduction pondérale d’environ 5 %. L’activité
des anticorps anti-GAD, anti-IA2, anti-ZnT8 et anti-insuline. physique consistait en 30 minutes d’activité physique modérée
Toutefois, il n’existe pas de traitement préventif du diabète de de type marche rapide, 5 à 7 jours par semaine. Dans ces deux
type 1. Les essais de traitement par insuline orale ou injectable études réalisées chez des volontaires, l’observance pour l’activité
ou par la vitamine PP se sont soldés par des échecs. Des études physique a été supérieure à l’observance des mesures diététiques.
sont en cours avec des anticorps monoclonaux dirigés contre les Un traitement médicamenteux n’est pas à ce jour recommandé,
lymphocytes au tout début du diabète. Dans ces conditions, le bien que plusieurs études aient montré une efficacité certaine des
dépistage ne saurait être proposé de façon systématique. Le risque « épargneurs d’insuline » (metformine [8], acarbose [5]) lors
de développer un diabète de type 1 augmente avec le taux des anti- d’études randomisées contre placebo. Toutefois, il peut être licite
corps et le nombre d’anticorps positifs. Le risque est pratiquement de prescrire de la metformine si, malgré les mesures hygiénodiété-
de 100 % si la positivité des anticorps s’associe à une glycémie à tiques, la glycémie dépasse 1,10 g/l à jeun ou l’hémoglobine A1c
jeun supérieure à 1,05 g/l. En revanche, la négativité du dépistage 6 %, avec une tendance régulière à l’augmentation. En effet, la
n’élimine pas complètement le risque de diabète, mais le réduit à metformine permet de retarder l’apparition du diabète (d’envi-
celui de la population générale, c’est-à-dire au-dessous de 1 pour ron d’un tiers en 3 ans), et elle a un excellent rapport bénéfices-
1 000. Le jour où l’on disposera d’un traitement immunologique risques puisqu’elle ne provoque pas d’hypoglycémie. Elle facilite
préventif du diabète de type 1, se posera le problème du dépistage la perte pondérale et semble avoir un bénéfice cardiovasculaire.
de masse dans la mesure où, dans la famille d’un patient diabé- Enfin, son coût est faible.
tique insulino-dépendant, on ne retrouve un deuxième membre Le nombre de diabétiques méconnus en France se situerait
diabétique connu qu’une fois sur dix environ. autour de 500 000. En réalité, un grand nombre de dosages de
En revanche, le dépistage du diabète de type 2 et sa prévention la glycémie sont faits à titre systématique dans notre pays (quali-
sont des problèmes d’actualité [10, 15]. En effet, le retard diag- fiés de dépistage opportuniste), mais bien souvent des glycémies
nostique du diabète de type 2 est d’environ 5 ans dans notre pays, élevées ne sont pas lues ou correctement interprétées. Quand
ce qui explique que, dans 10 à 20 % des cas, il existe déjà des com- elles le sont, le malade n’a fréquemment pas entendu ou retenu le
plications du diabète lors du diagnostic. Aussi, lors de la décou- message, mais le dépistage mérite aussi d’être proposé aux popu-
verte du diabète de type 2, importe-t-il de faire un bilan complet à lations ayant un moindre accès au système de santé pour des rai-
la recherche de complications de micro- et de macro-angiopathie. sons socio-économiques ou psychoculturelles (exclus, immigrés,
Un dépistage systématique n’est pas conseillé, mais un dépistage personnes à très faibles revenus…).
ciblé sur les populations à risque est recommandé. Il s’agit des per-
sonnes ayant une hérédité diabétique de type 2 du premier degré, Traitement et suivi
des personnes développant une obésité avec un indice de masse
corporelle supérieur à 30 ou ayant une obésité androïde avec un Le traitement du diabète de type 1 repose sur l’insulinothérapie.
périmètre abdominal supérieur à 90 cm pour les femmes et à Il s’agit, comme lors de toute hormonothérapie substitutive, de
532 E nj Eux conT E m po r Ain s dE lA po l iTiq u E dE sA nTé

mimer au mieux l’insulino-sécrétion physiologique. C’est pour- dans tous les types de diabète, dans toutes les populations du
quoi on recourt actuellement au schéma dit basal-prandial asso- monde et avec l’insuline comme les sulfamides, si bien que l’hé-
ciant une « insulinothérapie basale » couvrant les besoins en moglobine A1c est considérée, à ce jour, comme un critère de
dehors des repas et une « insulinothérapie prandiale » couvrant substitution acceptable pour les complications de micro-angiopa-
les besoins liés aux repas. L’insulinothérapie basale est assurée par thie. Du point de vue du risque de complications de micro-angio-
®
une à deux injections par jour d’insuline retard (glargine [Lantus ], pathie, l’ensemble des recommandations internationales estiment
® ®
detemir [Levemir ], NPH [Insulatard et Umuline ]).
®
L’insulinothérapie prandiale est réalisée par une injection
que l’hémoglobine A1c doit se situer aussi près que possible du
seuil de 6,5 % (servant à définir le diabète), avec une nécessité
®
d’analogue rapide avant chaque repas (lispro [Humalog ], aspart d’escalade thérapeutique si elle dépasse 7 % et un recours à l’insu-
® ®
[Novorapid ], glulisine [Apidra ]).
L’insulinothérapie fonctionnelle repose sur trois principes :
line si elle dépasse 8 ou 8,5 %. Ce n’est que chez les personnes
dont l’espérance de vie limitée ne pose plus le problème de la pré-
– vérifier les besoins de base à l’occasion d’un jeûne ; vention de la micro-angiopathie qu’on peut se contenter d’une
– adapter les doses d’analogue rapide lors des repas en fonction hémoglobine A1c à 9 ou 9,5 % avec des glycémies préprandiales
des apports glucidiques variables ; autour de 2 g/l. Au-delà, quelques soient l’âge et l’espérance de vie
– réaliser des correctifs thérapeutiques 3 à 4 heures après les du patient, on prend un risque de déshydratation et d’infections.
repas. • Il en va tout différemment pour la corrélation entre l’hé-
Elle nécessite donc un apprentissage au cours d’une éducation moglobine A1c et la macro-angiopathie [7, 21, 28] Les études
thérapeutique structurée. Grâce à quatre à six contrôles glycé- épidémiologiques montrent une corrélation entre le taux d’hémo-
miques par jour, l’insulinothérapie fonctionnelle permet de viser globine A1c et le risque de survenue d’infarctus du myocarde avec
des taux d’hémoglobine A1c compris entre 6,5 et 7,5 % sans aug- pour un point d’hémoglobine A1c en plus, 10 à 15 % d’infarctus
menter la fréquence des hypoglycémies. en plus sur 5 à 10 ans .Mais aucune étude randomisée d’interven-
La pompe à insuline portable sous-cutanée permet de repro- tion n’a pu démontrer un bénéfice de l’abaissement de l’hémo-
duire ce schéma avec une insuline de base assurée par un débit globine A1c. Ce bénéfice n’a été obtenu qu’après 10 ans de suivi
continu (souvent modulé en trois phases : débit de jour, débit post-étude alors même que l’hémoglobine A1c était redevenue
diminué pour première partie de la nuit et débit augmenté pour identique après la fin des études concernées (UKPDS et DCCT).
la deuxième partie de la nuit à partir de 3 ou 4 heure du matin) C’est pourquoi on parle de « mémoire de l’hyperglycémie »
et avec des bolus réalisés à la demande au moment des repas. Les comme si les années passées en hyperglycémie ne s’effaçaient pas.
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
pompes à insuline nécessitent une éducation spécifique en centre La démonstration du bénéfice d’un traitement intensif de l’hyper-
spécialisé de diabétologie référent. Les prestataires de service pri- glycémie n’a été possible que grâce à des méta-analyses montrant
vés assurent la maintenance du traitement et vérifient la bonne pour un point d’hémoglobine A1c en moins 10 % d’infarctus en
pratique du patient. moins [21].
L’objectif réaliste pour les diabétiques de type 1 est une hémo- • En revanche, l’étude ACCORD [1] visant une hémoglo-
globine A1c inférieure à 7,5 % avec peu ou pas d’hypoglycémies bine A1c inférieure à 6 % et la moitié au moins des glycémies à
sévères. L’hypoglycémie sévère se définit par une hypoglycémie jeun inférieures à 1 g/l et au moins la moitié des glycémies post-
nécessitant l’aide d’un tiers pour le resucrage. Les hypoglycémies prandiales inférieures à 1,40 g/l a démontré le risque des hypo-
modérées à minimes plusieurs fois par semaine sont, en revanche, glycémies sévères avec un accroissement significatif de la mortalité
inévitables, compte tenu des limites actuelles de l’insulinothérapie. cardiovasculaires, même si persiste un débat pour savoir si l’hypo-
Le traitement du diabète de type 2 repose d’abord sur des glycémie est un marqueur de risque de morbi-mortalité cardiovas-
mesures hygiéno-diététiques identiques à celles préconisées culaire ou un facteur de risque direct.
pour la prévention du diabète. L’erreur la plus souvent commise On peut donc en conclure qu’on n’apportera jamais plus la
consiste à réduire les apports glucidiques en augmentant, par preuve indiscutable par une étude randomisée qu’abaisser l’hémo-
contrecoup, les apports protéino-lipidiques. Au contraire, s’il globine A1c diminue le risque de complications macrovasculaires
faut supprimer les boissons sucrées, il est nécessaire d’augmenter pour la bonne raison que viser une hémoglobine A1c inférieure
la consommation de fruits, de légumes et de féculents (et légu- à 6,5 % avec des traitements comportant un risque d’hypoglycé-
mineuses) à faibles index glycémiques. L’un des éléments essen- mie n’est désormais pas éthique dans une population diabétique
tiels du traitement, souvent sous-estimé, est l’augmentation de à risque vasculaire et que viser, pour le groupe contrôle, une
l’activité physique d’endurance dont l’efficacité est bien établie. hémoglobine A1c supérieure à 8 % n’est pas éthique en raison du
Mais pour être efficace, elle doit être quasi quotidienne et durer au risque de micro-angiopathie. De plus, les patients doivent avoir
moins 30 minutes. Elle nécessite donc le plus souvent un véritable un traitement optimal par statine, antihypertenseur et, si besoin,
changement du mode de vie. aspirine comme cela était le cas du groupe contrôle de l’étude
ACCORD avec une mortalité très basse de 1,14 % par an. Pour
Recommandations avoir une puissance suffisante de l’étude, il faudrait donc inclure
plusieurs dizaines de milliers de patients pour une durée de suivi
Quelles sont les leçons des grandes études d’intervention permet- de plus de 10 ans.
tant de définir une médecine fondée sur les preuves (EBM) ? L’objectif d’hémoglobine A1c doit donc être individualisé
• Il existe une forte corrélation entre l’hémoglobine A1c et les pour chaque patient entre 6,5 et 8 %, voire 8,5 % en fonction de
complications de micro-angiopathie diabétique (rétinopathie, son risque cardiovasculaire et du risque hypoglycémique de ses
néphropathie, neuropathie) avec pour un point d’hémoglo- traitements.
bine A1c en plus (ou en moins grâce au traitement) 30 % en plus • Reste le problème de l’éventuel effet spécifique – béné-
(ou en moins) de complications. Cette corrélation est retrouvée fique, neutre ou délétère – vis-à-vis du risque cardiovasculaire
d i A BÈ TE 533

(insuffisance coronaire et insuffisance cardiaque) de chaque classe bonne pratique pour éviter la dérive de prescriptions que l’on a
d’antidiabétique et même de chaque médicament, indépendam- connu en France, avec un surcoût estimé à 100 millions d’euros
ment de son action hypoglycémiante, c’est-à-dire pour une valeur pour la Sécurité sociale, les nouveaux antidiabétiques étant 5 à
d’hémoglobine A1c identique à celle d’un groupe contrôle. On 10 fois plus chers que les anciens. Les indications des nouveaux
considère sur la base des données de l’UKDS [16] et de l’étude antidiabétiques devraient, tout à l’inverse de la situation actuelle,
HOME [17] que la metformine a plutôt un effet positif. Sur la base être restreintes au début pour s’élargir ensuite lorsque les études de
des données de l’UKPDS [16], d’ACCORD [1], d’ADVANCE morbi-mortalité et de sécurité au long cours s’avèrent rassurantes.
[2], de l’étude des VETERANS [16] et de l’étude ORIGIN [19], Sur le plan de la prévention de l’athérosclérose, les recommanda-
on estime que l’insuline et les sulfamides sont neutres (en dehors tions pour le diabète de type 2, en accord avec les recommanda-
de leur risque d’hypoglycémie). La pioglitazone (étude PROactive tions pour l’hypertension artérielle et les dyslipidémies, proposent
[9] a un effet bénéfique sur le risque coronarien et les accidents un traitement intensif [4].
vasculaires cérébraux, mais comporte un risque accru d’insuf- Pour l’hypertension artérielle, l’objectif est une pression arté-
fisance cardiaque (et un sur-risque minime et discuté de cancer rielle inférieure ou égale à 140/80 mmHg, nécessitant souvent
de la vessie). La rosiglitazone a été retirée du commerce dans de de recourir à des bi-, tri-, voire quadrithérapies antihypertensives.
nombreux pays en raison d’un risque indiscutable d’insuffisance Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et, en cas d’intolérance
cardiaque, provoquant une surmortalité, et d’un sur-risque dis- des IEC, les sartans ont un effet favorable sur l’insulino-résistance
cuté d’infarctus du myocarde. Qu’en est-il pour les inhibiteurs de et une action de protection rénale spécifique. Les diurétiques
la DPP4 (gliptines) et les analogues du GLP1 agissant par un effet thiazidiques ne sont pas contre-indiqués chez les diabétiques et
incrétinomimétiques ? Ces médicaments entraînent une augmen- sont incontournables en cas de trithérapie. Les dihydropyridines
tation de l’insulino-sécrétion uniquement quand la glycémie est d’action prolongée ont une action bénéfique sur l’hypertension
élevée. Ils ne comportent donc pas de risque hypoglycémique. De artérielle systolique et ont un effet de cardioprotection, de même
plus, les gliptines ont un effet pondéral neutre tandis que les ana- que les bêtabloquants. Ces derniers prescrits après un infarc-
logues du GLP1 favorisent une perte en moyenne de 3 à 4 kg. La tus du myocarde, ne sont pas contre-indiqués chez les patients
première étude randomisée en double aveugle pour la saxagliptine diabétiques.
(SAVOR) [23] a montré un effet neutre sur le risque coronarien, En ce qui concerne l’hyperlipidémie, malgré le profil particulier
mais une augmentation significative de survenue d’insuffisance caractérisé par une augmentation des triglycérides et un abaisse-
cardiaque. L’étude TECOS [25] pour la sitagliptine n’a montré ni ment du HDL-cholestérol, les statines ont montré leur bénéfice
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
risque d’insuffisance coronaire, ni risque d’insuffisance cardiaque. chez les diabétiques comme chez les non-diabétiques. Le seuil
de prescription et l’objectif thérapeutique dépendent de l’appré-
Les recommandations proposent une escalade thérapeutique ciation du risque cardiovasculaire global. Chez les exceptionnels
pas à pas en fonction de l’évolution de l’hémoglobine A1c. Cette patients présentant une hyperglycémie sans autre facteur de
escalade s’explique par le caractère évolutif du diabète de type 2 risque cardiovasculaire avec un diabète de moins de 10 ans, et en
marqué par une aggravation progressive de la carence insulino- l’absence de toute rétinopathie, on peut accepter pour seuil théra-
sécrétoire alors que l’insulino-résistance s’aggrave peu avec le peutique un LDL-cholestérol supérieur à 1,15 g/l. Plus souvent,
temps. Lorsque malgré les mesures hygiénodiététiques et un trai- chez les patients diabétiques ayant un diabète de plus de 10 ans,
tement oral maximal, l’hémoglobine A1c reste supérieure à 8 % le seuil d’intervention thérapeutique est un LDL-cholestérol
(voire à 8,5 %), il faut recourir à l’insulinothérapie en commen- supérieur à 1 g/l avec pour objectif un LDL-cholestérol inférieur
çant par une insuline retard au coucher (NPH ou analogue lent) à 0,70 g/l. En cas de risque cardiovasculaire élevé, il est même
avec pour objectif une glycémie au réveil inférieure à 1,40 g/l pour recommandé de viser un LDL-cholestérol autour de 0,50 g/l. Les
éviter le risque d’hypoglycémie nocturne fibrates en association aux statines ne sont plus recommandés
La place des nouveaux médicaments antidiabétiques dans cette qu’en cas d’hypertriglycéridémie isolée à plus de 2 g/l (et à moins
stratégie d’escalade a fait débat. Le NICE anglais plaçait ces nou- de 5 g/l) avec LDL-cholestérol inférieur à 1 g/l.
velles molécules en troisième ligne, après la metformine en pre- L’autosurveillance glycémique est indispensable au cours du dia-
mière ligne et les sulfamides en deuxième, en dehors de situations bète de type 1. Le malade mesure sa glycémie au moins 4 fois par
particulières de contre-indication ou d’intolérance des vieux jour (avant chaque repas et au coucher) et adapte en conséquence
médicaments. De plus, pour des raisons médico-économiques, son traitement. Au cours du diabète de type 2, la place de l’autosur-
il exigeait pour maintenir le traitement une baisse de l’hémoglo- veillance glycémique reste débattue. Elle est très utile si elle aide le
bine A1c dans les six mois d’au moins 0,5 % pour les gliptines malade à modifier ses comportements et, au besoin, à adapter les
et d’au moins un point pour les analogues du GLP1. En 2013, posologies des traitements. En revanche, s’il s’agit d’une autosur-
la Haute Autorité de santé et l’ANSM ont publié de nouvelles veillance passive sans décision thérapeutique pour le patient, elle
recommandations concernant les prescriptions médicamenteuses est inutile, parfois même source d’angoisse ou de frustration. C’est
du traitement du diabète de type 2, plaçant également en pre- pourquoi son remboursement est limité à 250 bandelettes par an
mière ligne la metformine et maintenant les sulfamides en deu- chez les patients diabétiques de type 2 traités par hypoglycémiants
xième ligne, en dehors de situations particulières [3]. Il s’agit donc oraux. Les changements de comportement demandés aux patients
d’une indication plus restreinte que celle incluse quelques années diabétiques de type 2 en ce qui concerne l’alimentation, l’activité
auparavant dans les AMM européennes. physique, la prise des médicaments et la réalisation des examens
Il est logique de restreindre les indications des nouveaux anti- de dépistage des complications expliquent l’importance de l’édu-
diabétiques quand on ne connaît pas encore leur effet sur la morbi- cation thérapeutique. Cette éducation, réalisée le plus souvent
mortalité cardiovasculaire et leur sécurité à long terme. Il faudrait en groupe, vise à définir des objectifs personnalisés, quantifiés et
donc que l’octroi de l’AMM soit assorti d’emblée d’un guide de donc évaluables, réalistes, c’est-à-dire atteignables par le patient.
534 E nj Eux conT E m po r Ain s dE lA po l iTiq u E dE sA nTé

Elle permet d’adapter la fréquence et les modalités du suivi au sorte « prématurément vieilli », avec une pénalité d’environ 10
besoin de chaque patient, au lieu de consultations régulières dont à 15 ans. En revanche, le lien entre les complications de micro-
la fonction essentielle est le renouvellement de l’ordonnance. angiopathie et d’artérite distale et l’hyperglycémie sont beaucoup
Dans ce suivi doivent intervenir en première ligne le médecin plus étroits. Il existe cependant une susceptibilité familiale avec,
généraliste, mais aussi les paramédicaux (infirmière, diététicien) en particulier, un risque plus élevé de développer une rétinopathie
et, en cas d’objectif non atteint, le médecin spécialiste. L’un des sévère ou une néphropathie lorsque l’on est apparenté au premier
problèmes majeurs actuels pour la prise en charge du diabète reste degré à un patient diabétique ayant lui-même une micro-angio-
celui du développement de l’éducation thérapeutique et de son pathie sévère.
financement, tant en ville qu’à l’hôpital, le paiement à l’acte en Le rôle de la génétique dans la survenue de la néphropathie diabé-
ville et la tarification à l’activité (T2A) à l’hôpital constituant des tique est bien démontré par le fait que si environ 30 % des patients
obstacles à une prise en charge intégrée, biomédicale, éducative et diabétiques de type 1 développent une rétinopathie sévère, seule-
psychosociale. Les structures hospitalières de diabétologie et les ment la moitié d’entre eux ont une néphropathie. Des gènes de
réseaux diabète ainsi que les maisons du diabète ont mis en place susceptibilité et de protection, concernant en particulier le sys-
des systèmes d’information et d’éducation. De nombreux soi- tème rénine-angiotensine, sont actuellement décelés. Sur le plan
gnants sont formés dans des diplômes d’université (DU) ou des thérapeutique, outre l’amélioration de l’équilibre glycémique,
institutions spécialisées privées, mais faute d’un service public de l’importance du traitement antihypertenseur est parfaitement
la médecine de proximité, l’éducation thérapeutique a beaucoup démontrée avec, pour objectif, une pression artérielle inférieure
de mal à se développer en ville. Elle y est le plus souvent assurée à 130/80 mmHg. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et
par les paramédicaux, la participation directe des médecins géné- les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ont démon-
ralistes étant plus difficile. tré leur rôle néphroprotecteur spécifique. L’atteinte rénale fait le
pont entre la micro-angiopathie et la macro-angiopathie ; en effet,
Complications si la micro-angiopathie est à l’origine de la glomérulopathie dia-
bétique, l’insuffisance rénale entraîne une hypertension artérielle,
Les complications du diabète font toute sa gravité sur le plan indi- une dyslipidémie et une accumulation de produits terminaux
viduel comme en termes de santé publique [8, 10, 12]. Les com- de la glycation, tous facteurs responsables d’une accélération de
plications de macro-angiopathie (athérosclérose) sont au premier l’athérosclérose. Ainsi a-t-on pu parler d’« angiopathie maligne »
plan, mais le diabète n’est qu’une composante de leur pathogénie. chez les patients diabétiques néphropathiques.
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
L’hyperglycémie est le plus souvent associée aux autres facteurs de Le pied diabétique neurologique (mal perforant plantaire, pied
risque cardiovasculaires. Environ 20 % des infarctus du myocarde de Charcot) ou ischémique avec gangrène sèche ou surinfectée est
(environ 15 000 par an), des angioplasties et des pontages corona- à l’origine de 25 % des journées d’hospitalisation pour diabète. Sa
riens sont réalisés chez les patients diabétiques. Environ 15 % des gravité est due à plusieurs facteurs. La neuropathie responsable de
accidents vasculaires cérébraux (25 000 par an) surviennent chez l’absence de douleur explique à la fois le retard au diagnostic, la
des patients diabétiques. mauvaise observance de la décharge et la fréquence des récidives.
En revanche, le diabète est directement responsable du déve- Le dépistage est insuffisamment réalisé. Tout patient diabétique
loppement de la rétinopathie, avec 500 à 1 000 cécités par an, et de doit bénéficier d’une graduation de son risque podologique selon
la néphropathie. Quarante pour cent des nouveaux patients pris le consensus international. On considère qu’un patient qui n’a
en charge pour une insuffisance rénale terminale sont des patients pas de neuropathie (bonne perception du monofilament) a un
diabétiques (environ 3 400 par an), pour 70 % d’entre eux dia- grade 0 ; le patient qui fait des erreurs à l’application du mono-
bétiques de type 2. En réalité il s’agit une fois sur trois d’une filament au niveau de la pulpe des orteils a une neuropathie de
glomérulopathie diabétique, une fois sur trois d’une néphro- grade 1. Si cette neuropathie est associée à des facteurs de risque
angiosclérose hypertensive ou d’une néphropathie vasculaire et (artérite, troubles statiques, insuffisance rénale), elle définit le
une fois sur trois d’autres néphropathies. Enfin, le diabète est à grade 2. Un antécédent de plaie du pied avec un délai de cica-
l’origine de 9 000 amputations d’orteil, de pied ou de jambe par trisation de plus de 3 mois ou l’existence d’un pied de Charcot
an (données PMSI). définissent le grade 3. À chaque grade correspond un niveau de
Plusieurs études d’épidémiologie et d’intervention ont permis surveillance et de prise en charge. Les patients ayant un grade 2
de quantifier la relation entre l’hyperglycémie et le risque des com- ou 3 (environ 10 % des patients) devraient bénéficier de soins
plications. L’évaluation du niveau de risque cardiovasculaire du pédicuriques spécialisés et d’une éducation thérapeutique pour
diabétique de type 2 a été l’objet d’une controverse, certains esti- prévenir les risques d’amputation. La mortalité élevée des patients
mant que tout diabétique de type 2 devait être considéré comme diabétiques amputés (50 % à 5 ans) s’explique par la fréquence de
en prévention secondaire (c’est-à-dire avec un risque équivalent à l’insuffisance coronaire associée, qui doit donc être systématique-
un non-diabétique ayant fait un infarctus du myocarde), d’autres ment dépistée.
considérant à partir de données factuelles que les diabétiques de
type 2 ont un risque inférieur aux patients coronariens non diabé- Coûts de la prise en charge [6]
tiques. En réalité, cette controverse est aujourd’hui dépassée par
plusieurs études ayant montré l’importance de la durée du dia- Le diabète est devenu, en termes d’effectifs, la première des trente
bète. Globalement, après 10 à 15 ans de diabète, on peut considé- et une affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 %.
rer statistiquement qu’un diabétique de type 2 est en prévention En 2010, l’ensemble des remboursements des soins chez les per-
secondaire, surtout s’il existe une rétinopathie témoignant d’un sonnes traitées pour un diabète atteignait 17,7 milliards d’euros,
mauvais équilibre glycémique prolongé. En équivalence de risque, mais tous ces remboursements ne sont pas liés au diabète. Sur
on peut considérer que le diabétique de type 2 est en quelque ce total, 6,7 milliards sont en rapport direct avec la maladie,
d i A BÈ TE 535

2,5 milliards liés au contrôle de la glycémie, à la prévention et au paramédicaux et aux spécialistes, en particulier lorsque l’objectif
dépistage des complications et 4,2 milliards d’euros pour le trai- d’équilibre glycémique n’est pas atteint ;
tement des complications. Sur ces 6,7 milliards, 37 % sont dus – la reconnaissance et le développement d’une éducation thé-
à des hospitalisations. Les dépenses liées aux co-morbidités (obé- rapeutique visant à apprendre au patient à adapter lui-même son
sité, cancers, arthrose) sont estimés à 3,5 milliards. Enfin, 7,4 mil- traitement et ses comportements en fonction des résultats des
liards sont liés à des dépenses non liées au diabète. Le montant des autocontrôles glycémiques ;
médicaments antidiabétiques est passé de 891 millions en 2011 Mais l’absence d’un service public de la médecine de proxi-
à 952 millions en 2012. Les analogues de l’insuline (Lantus et
® mité, pluriprofessionnel et multidisciplinaire [27], le paie-
®
Levemir ) sont 40% plus cher que la vieille NPH pour un béné-
fice minime chez les diabétiques de type 2, dont plus de 500 000
ment à l’acte en ville et la tarification à l’activité à l’hôpital
sont autant d’obstacles à la pratique d’une médecine centrée
sont traités par insuline. Les analogues du GLP1, à raison de sur le malade, intégrée (biomédicale, pédagogique et psycho-
110 euros pour un traitement d’un mois, ont coûté 118 millions sociale) et coordonnée entre les professionnels et entre la ville
en 2014 tandis que les gliptines, 10 fois plus chères que la metfor- et l’hôpital.
mine et 5 fois plus chères que les sulfamides, ont coûté 280 mil-
lions à la Sécurité sociale en 2014. Ils ont été souvent prescrits
hors recommandations, avant même que l’on connaisse les résul- BiBliogRaphie
tats des études de sécurité cardiovasculaire. Toutefois, pour que 1. ACCORD study group. Effects of intensive glucose lowering in
la comparaison des coûts soit plus exacte, il faudrait prendre en type 2 diabetes N Eng J Med, 2008, 358 : 2545-2549.
compte le coût des hypoglycémies sévères secondaires aux sulfa- 2. ADVANCE collaborative group. Intensive blood glucose
mides hypoglycémiants. control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N
Le but de la prise en charge à 100 % au titre des affections Eng J Med, 2008, 58 : 2560-2572.
de longue durée (ALD n° 8) dès le diagnostic du diabète est de 3. ANSM-HAS. Recommandation de bonne pratique. Stratégie médi-
faciliter la prévention des complications sévères de la maladie. camenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2, actualisa-
Plusieurs études, en particulier américaines [18, 20], on en effet tion 2013 (www.has-sante.fr).
4. Booth GL, Kapral MK, Fung K, Tu JV. Recent trends in cardio-
montré qu’une moindre prise en charge financière des prescrip- vascular complications among men and women with and without
tions et examens à but préventif se soldait par une augmentation diabetes. Diabetes Care, 2006, 29 : 32-37.
du taux de complications sévères, y compris chez des personnes 5. Chiasson JJ, Josse RG, Gomis R et al. for the STOP-NIDDM
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)
ayant des revenus élevés. La prise en charge à 100 % dès le diagnos- Trial Research Group. Acarbose for prevention of type 2 diabetes
tic de la maladie, qui laisse de toute façon un surcoût non négli- mellitus : the STOP-NIDDM randomised trial. Lancet, 2002, 359 :
geable à la charge du patient (en moyenne 500 euros par an), est 2072-2077.
en quelque sorte un investissement dont les bénéfices sont enre- 6. CNAMTS. Propositions de l’Assurance maladie sur les charges et
gistrés 10 à 15 ans plus tard en termes de diminution des coûts des produits pour les années 2013, 2014, 2015, 2016.
7. DCCT/EDIC. Intensive diabetes treatment and cardiovascular
complications.
disease in patients with type 1 diabetes N Enl J Med, 2005, 353 :
Une étude prospective [12] menée à Copenhague sur un petit 2643-2653.
nombre de patients et plusieurs études observationnelles ont 8. Diabetes Prevention Program Research Group.
montré que le traitement intensif de l’ensemble des facteurs Reducation in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle inter-
de risque cardiovasculaires, grâce à la prescription de statine et vention of metformin. N Engl J Med, 2002, 346 : 393-403.
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion à doses fortes, d’antipla- 9. Dormandy JA, Charbonnel B, Eckland DJ. Secondary pre-
quettaires systématiques à doses faibles, d’arrêt de l’intoxication vention of macrovascular events in patients with type 2 diabetes in
tabagique et de recours précoce aux bi- et trithérapies hypoglycé- the PROactive study (Prospective proglitAzone Clinical Trail In
MacroVascular Events) : an randomised controlled trial. Lancet,
miantes et à l’insulinothérapie, permettait de réduire de 50 % le
2005, 366 : 1279-1289.
taux de survenue des accidents cardiovasculaires. 10. DREAM (Diabetes REduction Assessment with ramipril
and rosiglitazone Medication) trial investigators.
Conclusion Effects of rosiglitazone on the frequency of diabetes in patients with
impaired glucose tolerance or impaired fasting glucose : a rando-
Le développement épidémique du diabète de type 2 pose plu- mised controlled trial. Lancet, 2006, 368 : 1096-1105.
11. Duckworth W, Abraira C, Moritz T et al. Glucose control
sieurs problèmes de santé publique que sont sa prévention grâce
and vascular complications in Veterans with type 2 diabetes N Engl
à la prévention de l’obésité, justifiant les campagnes nationales J Med, 2009, 360 : 129-139.
d’éducation pour la santé sur le plan de la nutrition et de l’activité 12. ENTRED. Résultats de l’étude ENTRED 2001-2003. Le diabète en
physique, le dépistage dans les populations à risque de diabète de France. Mise à jour du 1er août 2005.
type 2 et la prévention des complications du diabète. Cette dernière 13. Fagot-Campagna A, Bourdel-Marchasson I, Simon D.
est possible grâce à : Burden of diabetes in an aging population : prevalence, incidence,
– une prise en charge initiale à 100 % au titre des affections de mortality, characteristics and quality of care. Diabetes Metab, 2005,
longue durée ; 31 (Spec. n° 2) : 5S35-5S52.
– la définition d’une politique du juste soin pour le patient au 14. Gaede P, Vede P, Larsen N et al. Multifactorial intervention and
cardiovascular disease in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med,
moindre coût pour la collectivité aux différentes étapes de la mala- 2003, 348 : 383-393.
die, permettant ainsi de réduire le nombre des consultations, des 15. Hirtzlin I, Fagot-Campagna A, Girard-Le Gallo I et al.
prescriptions et des examens inutiles ; Screening for diabetes in France : data from the 2000-2001 cohort
– la définition de filières de soins plaçant le médecin généra- of the national medical insurance system. Rev Épidémiol Santé Publ,
liste en première ligne et précisant les conditions de recours aux 2004, 52 : 119-126.
536 E nj Eux conT E m po r Ain s dE lA po l iTiq u E dE sA nTé

16. Holman RR, Paul SK, Bethel MA et al. 10-year follow-up of 22. Ricordeau P, Weill A, Vallier N et al. Prévalence et coût du
intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med, 2008, diabète en France métropolitaine : quelles évolutions entre 1998 et
359 : 1577-1589. 2000 ? Revue médicale de l’assurance maladie, 2002, 33 : 3-11.
17. Kooy A, de Jager J, Lehert P et al. Long term effests of metfor- 23. Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E et al. Saxagliptin and
min on metabolism and microvascular and macrovascular disease in cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus. N
patients with type 2 diabetes mellitus Arch Intern Med, 2009, 169 : Engl J Med, 2013, 369 : 1317-1326.
616-625. 24. Simon D, Fagot-Campagna A, Eschwege E, Balbau B.
18. Mainous AG, Diaz V, Saxena S et al. Diabetes management in Définition, dépistage, épidémiologie du diabète. In : A Grimaldi. Traité
the USA and England : comparative analysis of national surveys. JR de diabétologie. Paris, Flammarion Médecine-Sciences, 2005 : 3-19.
Soc Med, 2006, 99 : 463-469. 25. TECOS study group. Effect of sitagliptin on cardiovascular out-
19. ORIGIN trials investigators. Basal insulin and cardiovascu- comes in type 2 diabetes. N Engl J Med, 2015, 373 : 232-242.
lar and other outcomes in dysglycemia N Engl J Med, 2012, 367 : 26. Tuomilehto J, Lindström J, Eriksson JG et al. for the Finnish
319-328. Diabetes Prevention Study Group. Prevention of type 2 diabetes
20. Piette JD, Wagner TH, Potter MB, Schillinger D. Health mellitus by changes in lifestyle among subjects impaired glucose tole-
insurance status, cost-related medication underuse, and outcomes rance. N Engl J Med, 2001, 344 : 1343-1350.
among diabetes patients in three systems of care. Med Care, 2004, 27. Varroud-Vial M. Organisation des soins et prise en charge du
42 : 102-109. diabète de type 2. In : A Grimaldi. Traité de diabétologie. Paris,
21. Ray KK, Seshasai SR, Wijesuriya S et al. Effect of intensive Flammarion Médecine-Sciences, 2005 : 905-916.
control of glucose on cardiovascular outcomes and death in patients 28. Zhao W, Katzmarzyk PT, Horswell R et al. HBA1c and
with diabetes mellitus : a meta-analysis of randomized controlled coronary heart disease risk among diabetic patients. Diabetes Care,
trials Lancet, 2009, 373 : 1765-1772. 2014, 37 : 428-435.
© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

© Lavoisier | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

Vous aimerez peut-être aussi