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Les infections cutanées graves/Fasciites

nécrosantes: du diagnostic à la prise en


charge

DIU TAI- 2023

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Rappel histologique et terminologie

Épiderme

Derme

Hypoderme (tissu sous-cutané pour les anglo-saxons)

Aponévrose superficielle (inconstante) et fascia


musculaire(solide)
Muscle

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Erysipèle
Cadre nosologique des infections bactériennes dermo-
hypodermiques

- Définies habituellement comme « cellulites » :


- désignait des logettes (cellula =«petites chambres ») à l ’interface entre
l ’hypoderme et le muscle
- Terme impropre car pas de substrat anatomique

- Doit être remplacé par le terme de:

• Dermo-hypodermite bactérienne non nécrosante = Erysipèle


• Dermo-hypodermite bactérienne nécrosante ou Fasciite nécrosante

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Fasciite nécrosante : Définition

• Infection cutanée grave, rapidement progressive

- faisant à suite à une effraction cutanée ou muqueuse


- s’étendant aux parties molles sous- jacentes (fascia)
- évoluant vers la nécrose par thrombose de la microcirculation
cutanée
- mettant en jeu le pronostic vital

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Histopathologie de la fasciite nécrosante: nécrose du
derme
Thrombose des vaisseaux de petit et moyen calibre

Infiltration neutrophilique

Nécrose du derme et de l’hypoderme

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Histopathologie de la fasciite nécrosante: Nécrose de
l ’hypoderme et nécrose cutanée complète

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Epidémiologie des DHBN-FN
• Incidence incertaine: < 1/100 000 hab /an
• 0,4/100 000 hab/an en France entre 2007 et 2012 (PMSI)
• 0,4 à 15 /100 000 hab/an aux USA

• Mortalité élevée de 25 à 35 % selon les séries

• Facteurs de risque
• Comorbidités: diabète, malnutrition, obésité, artériosclérose, cirrhose, maladie rénale
chronique, immunodépression, cancer, obésité

• Facteurs de mauvais pronostic


• Retard au diagnostic, retard au traitement
• Infection invasive à streptocoque ß-hémolytique du groupe A
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Porte d’entrée et facteurs de risque locaux

- Plaies chroniques: ulcères, maux perforants plantaires, escarres


- Plaies aiguës: morsures, traumatismes, injections intraveineuses, chirurgie…
- Traumatisme sans plaie
- Maladie chronique circulatoire
- Artérite des membres inférieurs
- Insuffisance veineuse chronique
- Stase lymphatique
- Chirurgie loco-régionale (fasciites périnéales)
- Infection dentaire (fasciites cervico-faciales)
- Varicelle chez l ’enfant

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Fasciite Nécrosante
Sur Ulcère Chronique Veineux

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Classification des fasciites nécrosantes

• Type I : infections polymicrobiennes à germes anaérobies, cocci gram+,


bacilles gram-

• Type II : infections monomicrobiennes à cocci gram+ à Streptococcus


pyogenes ou Staphylococcus aureus

• Type III: infections liées à une contamination hydrique


• Vibrio vulnificus, Aeromonas hydrophilia, Shewanella

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, immunodépression, cancer

(Bacteroides, Clostridium)
Physiopathologie des fasciites à S. pyogenes

• Caractère invasif loco-régional


• Enzymes bactériennes
• Streptodornase, streptokinase et hyaluronidase  diffusion tissulaire
• Protéine M = composant de la membrane bactérienne
• Forte activité anti-phagocytaire
• Augmente l’adhésion bactérienne

• Choc et défaillance multi viscérale


• Exotoxines pyrogènes A et C
• Activité de super antigènes
• Activation massive de LcT avec libération massive de cytokines
• Structure proche de TSST-1

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Physiopathologie des fasciites nécrosantes

• Activité pro-coagulante du S. pyogenes


• interaction Protéine M - cellules endothéliales et monocytes
• atteinte directe de l ’endothélium par streptolysine et protéase
• effet des cytokines

Nécrose tissulaire extensive


• Thrombose de la micro vascularisation
• Micro thrombi plaquettaires
• caillots de fibrine dans les capillaires, vénules post-capillaires et les artérioles
• diminution de la perfusion tissulaire

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Type 3= Dermo-hypodermites liées aux bactéries marines
Dg clinique de la fasciite nécrosante (1)
• Stade précoce

• Suite à la pénétration des bactéries par la porte d’entrée


cutanée/muqueuse
• Placard inflammatoire érythémateux rouge vif à violacé
• Induration, aspect brillant et augmentation de la chaleur locale
• Douleur intense, atroce, disproportionnée par rapport aux signes locaux,
d’aggravation rapide
• Œdème des parties molles, extensif dépassant l ’érythème
• Evolution très rapide (quelques heures) +++

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Dg clinique de la fasciite nécrosante

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Œdème dépassant l ’érythème

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Stades cliniques de la fasciite nécrosante (2)

• A la phase d’état : stade de la nécrose cutanée

• Premiers signes
• Entre 3 à 5 jours après le début des symptômes
• Bulles hémorragiques
• Taches cyaniques avec décoloration gris-bleu (aspect livide)
• Apparition de zones dysesthésiques ou hypoesthésiques

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Stades cliniques de la fasciite nécrosante (2)

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Stades cliniques de la fasciite nécrosante
• A la phase d’état :
• Nécrose cutanée constituée
• Placard noirâtre bien limité en carte de géographie
• Anesthésie locale
• Diminution de la douleur spontanée
Nous ne pouvons pas afficher l’image.

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Fasciite nécrosante: Signes de sepsis sévère/choc
septique

• Syndrome septique grave apparaissant en général à la phase d’état


• Associent à des degrés divers
• Fièvre, frissons
• Tachycardie
• Etat confusionnel
• Hypotension artérielle (TSS streptococcique)
• Oligurie
• Hypothermie
• Hypoxémie

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Formes Cliniques : Fasciites nécrosantes streptococciques (1)
- Incubation courte : 1 à 4 jours suite à un traumatisme minime
- Germes :
- Streptocoque pyogenes (75%)
- Autres streptocoques bêta-hémolytiques
- Clinique :
- Douleur très intense contrastant avec signes locaux discrets au début
- Puis, érythème et oedème extensifs
- Nécrose secondaire avec atteinte rapide des fascias profonds
- Possible syndrome de choc toxique streptococcique (exotoxines)
- Défaillance multi viscérale
- Collapsus circulatoire

- Létalité : 30%

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Formes Cliniques : Gangrène Gazeuse ou Myonécrose à Clostridium (2)

- Incubation : quelques heures+++

- Germes : Clostridium perfringens, septicum, hystoliticus

- FR : injection IM, plaie ano-rectale, chirurgie des artérites, chirurgie septique abdomino-
pelvienne ou bucco-dentaire, écrasement de membres

- Clinique :
-Local : oedème douloureux, écoulement nauséabond avec présence de gaz dans les tissus
(crépitations sous-cutanées), bulles nécrotico-hémorragiques nombreuses

- AEG profonde +++

- Létalité : 15 à 30 %
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Formes cliniques : FN périnéales (3)
• Gangrène de Fournier
• Plus fréquent chez l’homme

• Début subaigu sans signes généraux (douleurs pelviennes


+++)

• puis œdème périnéal (scrotal) puis paroi abdominale,


lombes, racines des cuisses et fesses

• Atteinte polymicrobienne
• BGN : E Coli, Enterobacter, Proteus
• Cocci: Enterocoque, streptocoque
• Anaérobies: Bacteroides, clostridium, fusobacterium

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Formes cliniques: FN cervico-faciales (4)
• Portes d’entrée dentaires (+++), amygdaliennes et sinusiennes
• Bactéries de la flore buccale: streptocoque, anaérobies
• Clinique
• Empâtement douloureux de la région sous mandibulaire
• Œdème du plancher buccal
• Hypersalivation, dysphagie, trismus
• Détresse respiratoire si atteinte pharyngée

• Complications
• Médiastinite
• Pneumonie
• thrombose jugulaire

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Bilan paraclinique
• Microbiologie
 Hémocultures (+ dans 20% des cas)
 Prélèvements locaux
- Ponction de phlyctènes fermées (bactériologie standard et TDR)
- Culture de tissus nécrosés
- Fragments biopsiques per-opératoires
• Imagerie

 IRM/TDM
- IRM > TDM dans cette indication
- Bilan d’extension des lésions afin de guider le geste chirurgical

• MAIS la décision du geste chirurgical se prend sur des critères cliniques

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Scanner: Fasciite aiguë nécrosante

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Traitement des fasciites nécrosantes

• Urgences médico-chirurgicales avec un pronostic vital en jeu

• Admission d ’emblée en soins intensifs ou réanimation pour prise en charge


médico-chirurgicale

• Traitement symptomatique de l ’état septique


• Ttt de sepsis grave ou du choc (remplissage, amines vasoppressives…)

• Décider des modalités du geste chirurgical

• Débuter une antibiothérapie appropriée

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Traitement des fasciites nécrosantes

Prise en charge chirurgicale


- En URGENCE et le plus PRECOCE possible
- Délai admission/intervention > 24h = risque accru de mortalité

- Par un chirurgien expérimenté pour ce type de chirurgie


- Objectifs du traitement chirurgical
- Bilan des lésions et prélèvements peropératoires
- Excision de tous les tissus nécrosés sans se soucier des séquelles esthétiques
- Décompression des zones oedémateuses
- Drainage d’abcès
- Amputation parfois inévitable (5 à 10%)
- Ré intervention chirurgicale souvent nécessaire

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The pictures illustrate a case of necrotizing soft tissue infection
that presented as increasing confusion over a few days in a 72-
year-old with diabetes but no history of dementia. The patient
presented late with tenderness and skin changes of the bilateral
thighs (A, left thigh). During surgical exploration and debridement
(B, C) the characteristic appearance of necrotic skin, underlying
fascia, and dish-water fluid drainage can be seen.
Le traitement antibiotique
• Objectif: limiter la progression de l ’infection et la dissémination
hématogène
• Probabiliste tenant compte de:
• La localisation anatomique de l ’infection (germes attendus)
• Membres: Streptocoque pyogenes et anaérobies
• Face et cou: Streptocoques, anaérobies sensibles à la pénicilline G, staphylocoque doré
• Abdomen et périné: Clostridium, Bacteroides, entérobactéries

• Caractère nosocomial/post-opératoire
• Idem ci-dessus plus:
• Pseudomonas aeruginosa
• SARM

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Antibiothérapie probabiliste des DHBN-FN des membres et de la
région cervico-faciale

• Antibiothérapie de 1ère ligne


- Piperacilline - tazobactam 4 g X 4/j
+ Clindamycine 600 mg x 4/j ou linezolide si suspicion de SARM

• Alternative
- Céfotaxime 2 g X 3/j + Métronidazole 500 mg x 3/j
+ Clindamycine 600 mg x 4/j ou linezolide si suspicion de SARM

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Antibiothérapie probabiliste des DHBN-FN périnéales ou
abdominales

• Antibiothérapie de 1ère ligne


- Piperacilline-tazobactam 4 g X 4/j
+ Métronidazole 500 mg x 3/j

+ linezolide si suspicion de SARM

• Alternative
- Imipénem 1 g X 3/j
+ Métronidazole 500 mg x 3/j

+ linezolide si suspicion de SARM

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Antibiothérapie probabiliste des DHBN-FN post-opératoire ou
nosocomiale

• Antibiothérapie de 1ère ligne


- Piperacilline-tazobactam 4 g X 4/j
+ Métronidazole 500 mg x 3/j
+ Linezolide si suspicion de SARM

• Alternative
- Imipénem 1 g X 3/j
+ Métronidazole 500 mg x 3/j
+ Linezolide si suspicion de SARM

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Antibiothérapie probabiliste des DHBN-FN à
bactéries marines suspectées
• Antibiothérapie de 1ère ligne
- Céfotaxime 2 g X 3/j
+ Doxycycline 100 mg x 2/j

• Antibiothérapie de 2ère ligne


- Fluoroquinolones
- + Doxycycline 100 mg x 2/j
Traitement adjuvant
- Prévention antitétanique : VAT +/- SAT

- Traitement anticoagulant préconisé


- À dose préventive

- Oxygénothérapie hyperbare
- Intérêt discuté en l ’absence d ’études contrôlées
- Favorise la cicatrisation et l’angiogénèse
- Effet bactéricide sur certains germes anaérobies
- Utile dans le cas des myonécroses à Clostridium
- Immunoglobulines IV
- Réduit excrétion des cytokines par diminution de l’activité super antigène du streptocoque
- Intérêt dans le choc toxique streptococcique

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Traitement symptomatique
- Prise en charge d’un état septique grave

- Antalgique (morphinique)
- Antipyrétique
- Correction des troubles hydro-électrolytiques
- Correction des troubles de la coagulation
- Nutrition hypercalorique et hyperprotidique par voie parentérale
(hypercatabolisme)
- Traitement du choc hypovolémique et septique
- Pansements itératifs

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A Retenir
 Pathologie GRAVE sur terrain fragile
Risque fonctionnel et vital +++ (20% à 30% de décès)

 Traitement chirurgical précoce


(Avec excision de tous les tissus nécrosés)

 Associé à une antibiothérapie IV adaptée

Contre-indication des AINS devant une suspicion de dermohypodermite

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