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DERMOHYPODERMITES : ERYSIPELE, FASCIITE NECROSANTE

Pr RAIS.M

Objectifs pedagogiques
Erysipèle

• Savoir définir l’érysipèle


• Connaitre les facteurs de risque et les déférentes portes d’entrée
• Connaitre les différentes localisations
• Savoir reconnaitre l’érysipèle au plan clinique
• Connaitre les complications de l’érysipèle
• Savoir traiter

o Fasciite nécrosante
• Connaitre la définition de la Fasciite nécrosante.
• Connaître les différentes formes topographiques.
• Connaitre les caractéristiques de la lésion au plan clinique.
• Connaitre les complications.
• Appliquer la conduite thérapeutique appropriée.

I / Introduction/ définition
La dermohypodermite est une infection grave atteignant de façon variable le derme,
l'hypoderme, les fascias et les muscles.
-Le streptocoque du groupe A est le germe le plus fréquemment isolé même s'il existe
souvent une infection pluri-microbienne.
-La cause la plus fréquente est l’érysipèle
-Le point essentiel est de savoir différencier :

• Une dermohypodermite aiguë bactérienne non nécrosante (érysipèle), due à


Streptococcus pyogènes, maladie fréquente et d’évolution généralement bénigne ;
• Le diagnostic est essentiellement clinique, Le traitement repose sur l’antibiothérapie
(amoxicilline).
• D’une dermohypodermite aiguë bactérienne nécrosante, pathologie rare mais urgence
médico-chirurgicale absolue (pronostic directement lié à la rapidité de prise en charge) ;
gravissime, liée également à S. pyogènes en association avec d’autres bactéries.
La distinction clinique précoce avec l’érysipèle est fondamentale, le pronostic étant lié à la
rapidité de la prise en charge médico-chirurgicale. Sur le plan clinique, il existe des signes de
sepsis grave associes a des lésions nécrotiques.
-L'atteinte des plans profonds et la nécrose des tissus cellulaires, fascia ou muscle en font
une infection grave, susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel.
-Une porte d'entrée souvent minime est retrouvée ; et doit être systématiquement
recherchée, tandis que l'œdème chronique représente le facteur de risque principal.
-L'évolution peut être fatale par extension locale et septicémie.
- le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée au diagnostic.

II./ RAPPEL ANATOMIQUE ET TERMINOLOGIQUE


La peau est constituée d’un épiderme, d’un derme, d’un hypoderme (à tort dénommé tissu
sous-cutané).
L’hypoderme est limité dans sa partie profonde par le fascia superficialis, mal individualisé et
inconstant, et une structure solide plus profonde, l’aponévrose superficielle, siège de la
nécrose dans la fasciite.
Le terme anglo-saxon de “cellulite” faisant référence à un tissu cellulaire sous-cutané
inexistant est impropre.
Il est source de confusion car il intéresse des entités histologiques variées et doit être
abandonné et remplacé selon la nature de la lésion et la structure anatomique atteinte par
dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN), DHB nécrosante, fasciite
nécrosante.

III. / Classification anatomopathologique des dermohypodermites

• La dermo-hypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN), représentée


principalement par l’érysipèle : c’est une infection cutanée diffuse excluant les
infections avec un foyer suppuratif tel que l’abcès sous-cutané.
• La dermo-hypodermite bactérienne nécrosante (DHBN), qui associe une nécrose de
l’hypoderme puis du derme mais sans atteinte de l’aponévrose superficielle.
• La FN ; qui comporte en plus ; une nécrose qui intéresse ou dépasse l’aponévrose
superficielle avec des atteintes plus ou moins profondes des fascias intermusculaires.

V. /Dermohypodermite aiguë bactérienne non nécrosante : Erysipèle.

Infection cutanée touchant le derme et l’hypoderme (dermohypodermite)


aigue, localisée , non nécrosante d’origine bactérienne : streptoccus pyogènes
(streptocoque beta hémolytique du groupe A), Pouvant récidiver. Rare chez l’enfant
Plus fréquente chez l’adulte > 40 ans. Caractérisée par son caractère toxi-infectieux et la
faible densité bactérienne dans les lésions.
Localisation : membres inférieurs dans plus de 85 % des cas. La face : localisation classique
actuellement elle est plus rare 5 à10%.

V.1 facteurs favorisants :


 porte d’entrée locorégionale (plaie chronique de type ulcère de jambe ou aiguë,
piqûre d’insecte, lésion prurigineuse, fissuration inter orteil mécanique ou d’origine
mycosique, etc.) ;
 le diabète ;
 l’immunosuppression ;
 l’insuffisance veineuse des membres inférieurs ;
 le lymphœdème ;
 les irradiations antérieures ;
 le rôle plus contestable du manque d’hygiène corporelle.

V.2 Clinique
Début brutal : fièvre élevée (39 a 40°C), frissons, qui précèdent souvent de quelques heures
l’apparition du placard cutané inflammatoire.
Un bourrelet périphérique marqué est observé.
Dans certains cas, des décollements bulleux superficiels, conséquence mécanique de
l’œdème dermique, ou un purpura, sont observés sur le placard.
Des adénopathies inflammatoires homolatérales sont fréquemment associées.

Une trainée de lymphangite homolatérale est présente dans ¼ des cas

Signes de gravités : AEG ; des signes de sepsis sévère, voire de choc septique.
Une porte d’entrée: 2/3 des cas : intertrigo inter orteils, ulcère de jambe, plaie
traumatique, excoriations, lésions de grattage, piqûre d’insecte . . . ;

V.3 Formes cliniques : (selon la localisation)


o Les membres inférieurs sont la localisation la plus fréquente. Le tableau classique est
celui d’une grosse jambe rouge, « aiguë et fébrile ».
o Érysipèle du visage :
Fréquent avant l’ère des antibiotiques (80 % des cas d’érysipèles). Rare maintenant.
Il débute brutalement avec des frissons intenses, une fièvre élevée, des céphalées et des
courbatures.
La lésion initiale est une petite tuméfaction rouge, cuisante, qui siège près de la porte
d’entrée (orifice narinaire, excoriation de l’oreille) et s’accompagne : d’une adénite
douloureuse.
En quelques heures, le visage se recouvre d’un placard rouge très douloureux, souvent
parsemé de vésiculo pustules et limité par un bourrelet périphérique, parfois bilatéral en aile
de papillon. Ce placard peut s’étendre à la quasi-totalité de la face.

o Autres localisations
Elles sont exceptionnelles : tronc, fesses, organes génitaux externes.

V.4 Evolution
Favorable en 8 à 10 jours sous traitement ATB.
Dans la majorité des cas l’apyrexie est obtenue en 48 à72 heurs elle précède l’amélioration
des signes locaux qui est observée après plusieurs jours.

V.5 Complications :

- Systémiques ; sepsis; exceptionnelles


- locorégionales plus fréquentes : abcès localisés, le plus souvent superficiels plus rarement
profonds ; évolution secondaire vers une forme nécrosante ;
Lymphœdème résiduel favorisant les récidives).
La récidive est la complication la plus fréquente 20—30% des cas):le plus souvent due à la
persistance des facteurs de risque: une porte d’entrée chronique (intertrigo inter orteil
récidivant ulcère de jambe). Absence de prise en charge d’une insuffisance veineuse ou
lymphatique associée.

V.6 DIAGNOSTIC :
Le diagnostic est clinique +++.
Il est recommandé :
• de rechercher une porte d’entrée cutanée locorégionale ;
• de marquer au feutre les contours du placard inflammatoire ou d’en réaliser une
photographie.
Le germe est rarement mis en évidence (porte d’entrée ou hémocultures).

V.7 Examens complémentaires :


Non nécessaires dans un érysipèle typique.
NFS : hyperleucocytose est habituelle avec polynucléose neutrophile.
Le syndrome inflammatoire biologique est important (CRP souvent>100mg/l).
Prélèvement bactériologique de toute érosion ou ulcération cutanée de jambe, d’un
intertrigo inter orteils, d’un mal perforant plantaire, est utile dans les formes graves pour
adapter l’antibiothérapie.
En cas de suspicion de thrombose veineuse, un écho Doppler pulsé des membres inférieurs
doit être réalisé.
Le dosage des D-dimères n’a aucune valeur discriminative (ils sont élevés en cas de
dermohypodermite infectieuse).

V.8 Diagnostic différentiel


Chez le jeune enfant :
Cellulite faciale à Hæmophilus influenzae avec un placard inflammatoire souvent bleu-
violacé imposant la recherche d’une atteinte ophtalmologique, ORL (ethmoïdite) ou
méningée. , Le diagnostic est aisé par hémocultures souvent positives.
Chez l’adulte
 Au visage : eczéma aigu ; staphylococcie de la face.
 Au membre :
o Thrombophlébite du membre inférieur.
o Ostéomyélite.
o poussée inflammatoire de lipodermatosclérose d’origine veineuse.
o artériopathie avec pseudo-syndrome des loges.
o Dermo-hypodermites bactériennes aiguës non streptococciques survenant
habituellement sur un terrain d’immunodépression ou après inoculation (rouget du porc,
pasteurellose).
o maladies micro-occlusives.
o syndrome œdémateux aigu des membres inférieurs.
o envenimations (mais surinfection possible) .
o formes nécrosantes.

V.9 Traitement
Buts
 Stérilisation de la lésion et éviter l’apparition de localisations secondaires.
 Traitement d’une porte d’entrée et de localisations secondaires si elles existent.

Critères d’hospitalisation
Hospitalisation en urgence
■ Si signes de gravité locaux ou généraux.
■ Risque de décompensation d’une comorbidité.
■ Obésité morbide (IMC > 40).
■ Sujet âgé > 75 ans polypathologique.
■ Âge inférieur à 1 an.
Hospitalisation secondaire
■ Évolution défavorable dans les 24 à 48 heures après l’instauration de l’antibiothérapie.
A. Traitement Curatif :
Antibiothérapie : En cas de DHBNN non compliquée chez l’adulte : antibiothérapie
antistreptococcique par voie orale
En première intention :
Amoxicilline : 50 mg/kg/j en 3 prises (sans dépasser 6 g/j) pendant 7 jours.
En cas d’allergie à la pénicilline :
Clindamycine : 600 mg 3 fois par jour, et jusqu’à 600 mg 4 fois par jour si poids > 100 kg,
pendant 7 jours, ou pristinamycine : 1 g 3 fois par jour pendant 7 jours.
Ne pas prolonger l'antibiothérapie : la régression complète des signes cutanés est souvent
retardée par rapport aux signes généraux (2 voire 3 semaines).
Situations particulières :
En cas de plaie par morsure animale :
amoxicilline-acide clavulanique oral : 50 mg/kg/j d’amoxicilline sans dépasser 6 g par jour, et
sans dépasser 375 mg par jour d’acide clavulanique, pendant 7 jours.
B. Traitement préventif
a. Primaire
 Traitement d’une porte d’entrée ; intertrigo interorteils +++
 Amélioration des troubles circulatoires (port de bas de contention, drainage
lymphatique manuel),
 Une hygiène cutanée correcte.
b. Secondaire
 Dans les formes récidivantes, après avoir vérifié soigneusement la prise en charge de
tout facteur favorisant .il est possible de proposer un traitement antibiotique au long
cours dont l’intérêt devra être réévalué périodiquement (pénicilline V, benzathine-
pénicilline G, voire macrolide en cas d’allergie)

VI. Dermohypodermites bactérienne nécrosantes (Fasciite nécrosante)

VI.1 DEFINITION
Prolifération bactérienne intense avec nécrose. La nécrose évolue de la profondeur
(hypoderme) vers la superficie : lésions profondes beaucoup plus sévères que ce qu’on peut
visualiser à l’examen clinique.
Urgence vitale qui impose une prise en charge médico-chirurgicale rapide en unités de soins
intensifs.
> Le plus souvent due au streptocoque A C
VI. 2 Epidemiologie
Fréquence et gravité :
Infection Rare, 100 fois moins fréquente que l’érysipèle,
Grave : 30 % de mortalité
Responsables de séquelles trophiques importantes pour les survivants
 Les germes en cause : Elles peuvent être monomicrobiennes, et alors principalement
dues au SGA,
 ou polymicrobiennes associant SGA, bactéries aérobies (notamment SA,
entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa, etc.) ou anaérobies.
VI.3 Facteurs favorisants :
■ Diabète.
■ Obésité (IMC > 30).
■ Immunodépression.
■ Malnutrition.
■ Varicelle (chez l’enfant).
■ Âge supérieur à 60 ans.
■ Insuffisance veineuse.
■ Toxicomanie intraveineuse.
■ Artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI).
■ Anti-inflammatoires non stéroïdiens
VI.4 Localisation :
 Membres inférieurs est le plus souvent touché.
 Formes cervico-faciales, plutôt après chirurgie ORL.
 Formes thoraco-abdominales : après chirurgie thoracique ou digestive.
 Formes périnéales (gangrène de Fournier) : chirurgie ou procédure digestive ou
urologique.
VI.5 Clinique
La présentation initiale est celle d’un érysipèle, mais certains signes doivent faire
suspecter une forme nécrosante :
o Signes de sepsis grave.
o Douleur intense, non soulagée par des antalgiques de palier 1 ou 2, s’étendant
au-delà des zones inflammatoires
o Induration des tissus au-delà des lésions visibles (difficile à percevoir si terrain de
lymphoedème).
o La nécrose cutanée est un signe capital, souvent limitée à quelques taches
cyaniques, froides, hypoesthésique. Parfois, elle est évidente en cas de placards
nécrotiques bien limités, en carte de géographie.
o Une crépitation neigeuse est présente en cas d’infection associée par des
anaérobies.

VI.6 Diagnostic

Le diagnostic clinique de la fasciite nécrosante (FN) et des dermohypodermites bactériennes


nécrosantes (DHBN) est difficile.
Il est recommandé de suspecter ce diagnostic devant une dermohypodermite présentant les
caractéristiques cliniques suivantes :
• signes généraux de sepsis
• douleur particulièrement intense, discordante avec les signes locaux,
impotence fonctionnelle ;
• signes locaux de gravité : lividités, taches cyaniques, crépitation sous-cutanée,
hypo- ou anesthésie locale, induration dépassant l’érythème, nécrose locale ;
• extension rapide des signes locaux en quelques heures ;
• aggravation des signes locaux 48 heures après l'introduction de la première
antibiothérapie, malgré un traitement adapté.
Examens paracliniques
Examens radiologiques : échographie ; TDM ou IRM ++++: anomalies de densité ou de signal
de la graisse sous-cutanée, de l’aponévrose superficielle et des muscles, mise en évidence
d’abcès+++
Examens microbiologiques :
Prélèvements locaux (porte d’entrée, per opératoires)
Hémocultures permettent l’isolement des bactéries responsables.
Le streptocoque béta hémolytique de groupe A ( S.pyogenes) est fréquemment isolé.
Une association pluri microbienne est mise en évidence dans 40 à 90%des cas.
VI.7 Traitement
Urgence médicochirurgicale : le pronostic vital ++++.
Le malade doit être admis en réanimation pour instaurer sans délai le traitement
symptomatique de l’état septique,
Prescrire une antibiothérapie appropriée par voie parentérale et décider du geste
chirurgical.
Antibiothérapie :
Par voie parentérale : pénicilline 20 à 30 M UI perf + clindamycine 25 mg/Kg/j (600 mg IV
toutes les 6 heures)
En cas d'allergie : Vancomycine
Métronidazole
Anticoagulation
CHIRURGIE ++- Excision des zones nécrosées
Amputation parfois nécessaire.
-Dérivation digestive (colostomie de décharge) et/ou urinaire dans les formes périnéales.

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