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Lupus érythémateux systémique


L. Arnaud, Z. Amoura

Prototype de la maladie auto-immune non spécifique d’organe, le lupus érythémateux systémique (LES)
est un syndrome caractérisé cliniquement par l’association de manifestations protéiformes et biologique-
ment par la présence presque constante d’anticorps dirigés contre divers constituants du noyau (anticorps
antinucléaires). Le LES survient 85 fois sur 100 chez la femme, généralement en période d’activité ova-
rienne. Les atteintes organiques sont multiples, et la maladie évolue par poussées entrecoupées de périodes
de rémission. On distingue des formes bénignes ambulatoires, principalement cutanéoarticulaires et
des formes viscérales graves. Le LES étant une maladie chronique, il justifie un traitement de fond : les
antimalariques de synthèse. L’intensité du traitement des poussées est adaptée à la gravité de la mala-
die : le traitement des poussées cutanéoarticulaires repose sur l’aspirine, les autres anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) et les antimalariques de synthèse. Le traitement des atteintes viscérales passe
par une corticothérapie générale, souvent associée à un immunosuppresseur. La surveillance biologique
comporte des examens usuels dont la recherche régulière d’une protéinurie et le dosage répété des anti-
corps anti-ADN natifs et du complément (CH50, C3, C4). La réapparition d’anomalies immunologiques
après une période de normalisation fait craindre une exacerbation clinique. Le pronostic du LES s’est
considérablement amélioré au cours de la dernière décennie, le taux de survie à 10 ans étant d’environ
93 %. La mortalité résulte soit du LES ou d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) associé, soit de
complications favorisées par le traitement : infections notamment opportunistes, athérosclérose accélérée
et néoplasies.
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Mots clés : Lupus systémique ; Manifestations cliniques du lupus

Plan ■ Traitement 7
Éducation du patient lupique 7
■ Introduction 1 Principales modalités thérapeutiques 7
Cas particuliers 8
■ Signes cliniques et éléments du diagnostic 2
■ Surveillance clinique et biologique du lupus 8
Manifestations générales 2
Manifestations dermatolologiques 2 ■ Conclusion 8
Manifestations rhumatologiques 3
Manifestations rénales 4
Manifestations neuropsychiatriques 4
Manifestations cardiaques
Manifestations vasculaires
4
4
 Introduction
Manifestations respiratoires 5
Prototype de la maladie auto-immune non spécifique d’organe,
Manifestations hépato-gastro-entérologiques 5
le lupus érythémateux systémique (LES) est un syndrome caracté-
Manifestations ophtalmologiques 5
risé cliniquement par l’association de manifestations protéiformes
■ Anomalies biologiques 5 et biologiquement par la présence presque constante d’anticorps
Protéines de l’inflammation 5 dirigés contre divers constituants du noyau (anticorps antinu-
Manifestations hématologiques 5 cléaires). En l’absence de données épidémiologiques françaises, on
Anomalies sérologiques 5 estime en France l’incidence à approximativement trois à quatre
■ Situations particulières au cours du lupus 6 nouveaux cas annuels pour 100 000 et la prévalence à 35 pour
Grossesse 6 100 000 (inférieure au seuil de 1 pour 2 000 définissant les
Lupus induits 6 maladies rares). Le LES survient 85 fois sur 100 chez la femme,
■ Diagnostic 6 généralement en période d’activité ovarienne. Le LES pédiatrique
représenterait 5 % à 10 % environ de l’ensemble des LES. Un méde-
■ Évolution et pronostic 6 cin généraliste a toutes les chances d’en rencontrer plusieurs cas

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Volume 7 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)49764-2
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au cours de son exercice. La première étape est la confirmation Manifestations dermatolologiques


du diagnostic. Cette prise en charge initiale du patient atteint de
LES est ainsi souvent assurée en ambulatoire. Compte tenu de la Les manifestations dermatologiques, fréquentes et variées
rareté de la maladie et de l’impact pronostique de la précocité de (Fig. 1), ont un intérêt diagnostique majeur. On distingue les
la prise en charge, il est préférable de faire confirmer le diagnostic lésions suivantes.
par un collègue hospitalier ayant l’expérience du LES (centres de
référence, centres de compétences, et leurs réseaux de correspon- Lésions lupiques « spécifiques »
dants). Les recommandations françaises relatives au diagnostic Certaines lésions lupiques sont dites « spécifiques » du fait d’une
et au traitement du lupus systémique sont synthétisées dans un histologie évocatrice de lupus. Elles prédominent sur les zones
protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) dédié [1] . exposées en raison de leur fréquente photosensibilité.

Lésions aiguës

“ Point important Les lésions aiguës, d’évolution parallèle à celle des poussées de
LES, sont les suivantes :
• l’érythème en « loup » ou vespertilio, plus ou moins squameux,
Le lupus systémique est une maladie polymorphe, qui typique par sa localisation, sur les joues et le nez, respectant
relativement les sillons nasogéniens, s’étendant souvent sur le
touche surtout, mais pas exclusivement, la femme en
front, les orbites, le cou dans la zone du décolleté. L’œdème,
période d’activité ovarienne. parfois important, peut gêner l’ouverture des yeux. L’atteinte
est parfois diffuse, avec des lésions morbilliformes, papuleuses,
eczématiformes ou bulleuses. Sur le dos des doigts, les lésions
lupiques atteignent surtout les zones interarticulaires ;
• les lésions buccales érosives de lupus aigu doivent être recher-
chées.
 Signes cliniques et éléments Toutes ces lésions ont une évolution parallèle à celle des pous-
sées systémiques. Elles régressent sans cicatrice en dehors d’une
du diagnostic possible hyperpigmentation séquellaire chez le sujet à peau pig-
mentée.
Les atteintes organiques sont multiples. Elles sont résumées
dans le Tableau 1 [2] . Lésions subaiguës
Les lésions subaiguës, dont l’évolution est indépendante des
Manifestations générales poussées de LES, sont fortement associées à la présence d’anticorps
anti-SSA/Ro (7 % à 21 % des LES). Elles prédominent dans la moitié
Les signes généraux sont la fièvre, l’asthénie, l’amaigrissement, supérieure du corps et sont de type annulaire ou psoriasiforme. Les
avec parfois une splénomégalie ou des adénopathies périphé- lésions disparaissent le plus souvent sans cicatrice avec parfois une
riques lors des poussées marquées. hypochromie séquellaire. Le lupus érythémateux cutané subaigu
peut être induit par des médicaments.

Tableau 1. Lésions chroniques


Fréquence relative des manifestations cliniques du lupus au stade ini-
Les lésions chroniques (laissant des cicatrices) comprennent :
tial et au cours de l’évolution de la maladie sur 1 000 patients (d’après
• le lupus discoïde, le plus fréquent (10 % à 20 % des LES) : plaques
Cervera [2] ).
bien limitées associant trois lésions élémentaires : érythème par-
Stade Au cours de couru de fines télangiectasies, squames plus ou moins épaisses
initial (%) l’évolution (%) s’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires, atrophie cica-
Rash malaire 40 58 tricielle définitive. Elles sont souvent multiples et symétriques,
surtout localisées au visage sur l’arête du nez, les pommettes,
Lupus discoïde 6 10 avec parfois une disposition en « aile de papillon », les régions
Ulcérations orales 11 24 temporales et l’ourlet des oreilles, et sur le cuir chevelu avec alo-
pécie cicatricielle définitive. L’atteinte palmoplantaire peut être
Photosensibilité 29 45
érosive, très douloureuse, particulièrement résistante aux traite-
Arthrites 69 84 ments, invalidante sur le plan fonctionnel, gênant la marche en
cas de lésions plantaires et empêchant toute activité manuelle
Sérites (pleurésie, 17 36
en cas de lésions palmaires. L’atteinte unguéale est rare, à
péricardite)
l’origine de dystrophies pseudolichéniennes. Les lésions buc-
Néphropathie 16 39 cales simulent un lichen cliniquement et histologiquement ;
Atteinte neurologique 12 27 • le lupus tumidus : un ou plusieurs placards nettement saillants,
arrondis ou ovalaires, de teinte rouge violacé, à bords nets
Syndrome de Raynaud 18 34 comme « tracés au compas », de consistance œdémateuse, sans
Livedo reticularis 5 14 hyperkératose folliculaire visible à l’œil nu ;
• le lupus engelure : simule cliniquement des engelures, persis-
Myosite 4 9 tant cependant au-delà de la saison froide ;
Fièvre 36 52 • la panniculite : nodules ou plaques infiltrées de taille variable,
évoluant vers une lipoatrophie en cupule permettant un diag-
Atteinte pulmonaire 3 3
nostic rétrospectif ;
Syndrome sec 5 16 • les lésions lupiques non spécifiques :
◦ lésions vasculaires secondaires à une atteinte vasculaire
Adénomégalie 7 12
inflammatoire (lésions urticariennes) ou thrombotique
Chorée 1 2 (livedo, nécrose cutanée extensive),
Thromboses 4 14 ◦ lésions non vasculaires : l’alopécie diffuse (non cicatricielle
contrairement à l’atteinte discoïde) est la plus fréquente,
Thrombopénie 9 22 contemporaine des poussées de LES ou survenant 3 mois
Anémie hémolytique 4 8 après, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé, disparais-
sant progressivement après traitement.

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Lupus érythémateux systémique  5-0260

A B

C D
Figure 1. Principales manifestations dermatologiques du lupus systémique.
A. Lupus érythémateux aigu (atteinte digitale), caractérisé par l’atteinte préférentielle des régions interarticulaires.
B. Lupus érythémateux subaigu, caractérisé par son aspect annulaire à contours polycycliques avec un centre hypopigmenté.
C. Lupus discoïde avec atrophie cicatricielle.
D. Lupus érythémateux aigu (vespertilio), caractérisé par son aspect érythémateux, maculopapuleux et squameux, plus ou moins œdémateux, à bordure
émiettée.

Les manifestations osseuses, généralement plus tardives que les

“ Point important atteintes articulaires, sont de deux types :


• ostéonécroses aseptiques, touchant les têtes épiphysaires
surtout des fémurs et des humérus. Elles peuvent être asympto-
matiques, découvertes systématiquement lors d’une IRM. Elles
Les manifestations dermatologiques sont très fréquentes
peuvent être liées à la corticothérapie, ou au lupus per se,
au cours du lupus systémique. Elles sont polymorphes, et notamment en cas de syndrome des antiphospholipides ;
peuvent ou non témoigner d’une poussée de la maladie. • ostéopathie fragilisante (ostéoporose) parfois fracturaire, secon-
daire à une corticothérapie et à d’autres facteurs (carence
en vitamine D, apport insuffisant en calcium, réduction de
l’activité physique, ménopause précoce induite par un immu-
nosuppresseur).
Manifestations rhumatologiques Concernant les manifestations musculaires, les myalgies diffuses
sont assez fréquentes alors qu’une myosite confirmée histologi-
Les manifestations articulaires sont fréquentes (plus de 80 % des quement est beaucoup plus rare.
cas) et souvent inaugurales. Il s’agit le plus souvent :
• d’arthralgies ;
• d’arthrites vraies :
◦ aiguës, le plus souvent polyarthrite touchant surtout les
petites articulations des mains (métacarpophalangiennes,
interphalangiennes proximales), les poignets, les genoux et
“ Point important
les chevilles, parfois associées à des ténosynovites (le plus
souvent des fléchisseurs), Les manifestations articulaires sont très fréquentes au cours
◦ chroniques, beaucoup plus rarement (polyarthrites ou plus du lupus systémique. Bien qu’invalidantes, ces manifes-
rarement oligoarthrites), habituellement non destructrices, tations n’occasionnent que rarement la survenue d’un
◦ rares, arthropathies déformantes liées à des lésions capsu- rhumatisme déformant (à la différence de la polyarthrite
laires et ligamentaires se traduisant par des subluxations rhumatoïde non traitée).
réductibles des doigts appelées rhumatisme de Jaccoud.

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Manifestations rénales syndrome délirant et syndrome confusionnel chez un sujet


jeune ayant éventuellement d’autres signes de poussée lupique.
L’atteinte rénale survient souvent lors des premières années. La Des syndromes catatoniques, des troubles de la personnalité ou
fréquence de cette atteinte rénale est estimée par les paramètres obsessionnels compulsifs ont été également décrits. Les mani-
biologiques usuels à 40 % des patients. festations directement liées au LES doivent être distinguées des
Le plus souvent, les manifestations cliniques initiales de cette complications psychiatriques de la corticothérapie et des états
atteinte rénale sont assez pauvres, et c’est la surveillance systéma- anxiodépressifs de rencontre. Une éventuelle induction du lupus
tique des urines, par recherche d’une protéinurie, au minimum par les traitements psychotropes, en particulier phénothiazines,
à chaque consultation par bandelette urinaire, qui permet de la est évoquée quand les troubles psychiques précèdent de longue
révéler. Plus rarement, certains signes cliniques (asthénie impor- date les autres manifestations du LES. Attribuer des troubles
tante, œdème des membres inférieurs, hypertension artérielle) psychiatriques au LES peut être difficile, en particulier lorsque
motivent la réalisation d’une bandelette urinaire et d’examens les symptômes sont exclusivement psychiatriques. La symp-
biologiques. tomatologie est peu typique. L’origine iatrogène des troubles
Classiquement, l’atteinte rénale survient dans les premières psychiatriques est à évoquer de principe en sachant que ces
années et revêt une importance pronostique majeure. Elle peut manifestations surviennent dans les 15 premiers jours de trai-
aussi être tardive : la recherche répétée d’une protéinurie s’impose tement dans plus de 50 % des cas. Les éléments en faveur de
tout au long de l’évolution. La biopsie, réalisée par voie per- l’imputabilité des corticoïdes dans les troubles psychiatriques
cutanée ou transjugulaire, est indiquée devant une protéinurie sont principalement la dose utilisée (plus de 0,5 mg/kg par
supérieure à 0,5 g/j. L’étude histologique montre des anomalies jour d’équivalent prednisone) et la chronologie (instauration
principalement glomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles et du traitement ou augmentation récente des doses). Les doses
parfois vasculaires. Les lésions actives, susceptibles de régresser supérieures à 60 mg/j s’associent à des troubles psychologiques
sous traitement, sont distinguées des lésions inactives, irréver- chez 30 % à 57 % des patients. Les symptômes psychotiques
sibles. La classification de l’Organisation mondiale de la santé comme les hallucinations visuelles ou auditives et les épi-
(OMS)/International Society of Nephrology reconnaît six classes. sodes maniaques sont beaucoup moins fréquents que l’anxiété,
L’évolutivité du lupus tend à diminuer quand la néphropathie l’insomnie ou l’irritabilité. Les autres traitements utilisés dans
aboutit, malgré le traitement, à une insuffisance rénale terminale, le LES ne sont qu’exceptionnellement associés à des manifes-
cette éventualité étant devenue assez rare. Les taux de survie en tations psychiatriques isolées : chloroquine ou mycophénolate
hémodialyse sont bons et les récidives de néphropathie lupique mofétil.
après transplantations rares.

Manifestations cardiaques
“ Point important L’atteinte des trois tuniques est possible :
• péricardite ;
• myocardite ;
• Les manifestations rénales sont assez fréquentes au • valvulopathie mitrale ou aortique à type d’épaississement diffus
cours du lupus (environ 40 % des patients). Il existe six ou localisé (endocardite de Libman-Sacks), fortement associée
classes de néphropathies lupiques, de pronostic différent. à la présence d’antiphospholipides (APL) ;
La recherche répétée d’une protéinurie (à l’aide d’une • insuffisance coronarienne rare, résultant de thromboses dans
le cadre d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) et/ou
simple bandelette urinaire) s’impose tout au long de
d’une athérosclérose accélérée par la corticothérapie prolongée
l’évolution.
et/ou par un contrôle insuffisant du LES.
• La biopsie, réalisée par voie percutanée ou transjugu-
laire, est indiquée devant une protéinurie supérieure à
0,5 g/j.
“ Point important
Manifestations neuropsychiatriques La péricardite est une manifestation clinique fréquente
du lupus systémique. Elle ne doit pas être confondue
Les manifestations neurologiques sont fréquentes, mais extrême-
ment hétérogènes dans leur expression clinique : 19 syndromes avec les autres causes de douleurs thoraciques, en par-
ont été définis par le collège américain de rhumatologie (12 syn- ticulier l’embolie pulmonaire, qui doit être d’autant plus
dromes neurologiques centraux et sept syndromes neurologiques facilement évoquée qu’il existe des anticorps antiphospho-
périphériques). lipides associés.
Parmi les atteintes centrales les plus sévères, on distingue sché-
matiquement :
• crises comitiales (15 %) de tous types, dépourvues de significa-
tion péjorative quand elles sont isolées (associées à la présence
d’anticorps antiphospholipides). Elles peuvent précéder les Manifestations vasculaires
autres manifestations systémiques de plusieurs années, posant
alors le problème d’un lupus induit par les anticomitiaux ; On distingue les manifestations vasculaires suivantes :
• manifestations focales dominées par les accidents vascu- • le phénomène de Raynaud fréquent (35 %), mais rarement
laires cérébraux constitués ou transitoires, essentiellement compliqué ;
ischémiques et fortement associés à la présence d’anticorps • l’hypertension artérielle souvent présente en cas de gloméru-
antiphospholipides. En l’absence de traitement, ils comportent lopathie grave, de forte corticothérapie, voire de microthrom-
un risque majeur de récidive à court ou à moyen terme ; boses intrarénales ;
• manifestations diffuses : troubles mnésiques et cognitifs fré- • les thromboses veineuses, artérielles, ou microvasculaires, par-
quents, mais généralement mineurs, troubles de conscience fois révélatrices, fortement associées à la présence d’anticorps
d’importance variable. antiphospholipides et spontanément récidivantes dans le cadre
De nombreux syndromes psychiatriques, parfois graves et révéla- d’un SAPL :
teurs et pouvant comporter un risque suicidaire, ont été rapportés. ◦ les atteintes veineuses concernant surtout les veines pro-
L’expression psychiatrique la plus typique du neurolupus se fondes des membres, mais avec une relative prédominance
manifeste précocement dans l’histoire de la maladie, est parfois pour les sièges atypiques (veines sus-hépatiques, surréna-
révélatrice du lupus, et peut associer syndrome hallucinatoire, liennes, membres supérieurs, etc.),

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◦ les atteintes artérielles affectant principalement les vaisseaux Manifestations ophtalmologiques


intracrâniens, mais comportant aussi des infarctus viscéraux
de gravité variable. On distingue :
• les atteintes oculaires diverses : rétinite dysorique latente et
aspécifique, neuropathie optique, thrombose artérielle ou vei-
Manifestations respiratoires neuse rétinienne, uvéites, épisclérites, sclérites ;
• l’association à un syndrome sec oculaire dans le cadre d’un
Les manifestations respiratoires peuvent toucher tous les syndrome de Gougerot-Sjögren ;
compartiments du système respiratoire (plèvre, parenchyme pul- • le risque de toxicité oculaire des amino-4-quinoléines pratique-
monaire, voies aériennes, circulation pulmonaire et muscles res- ment nul quand les règles de prescription et de surveillance sont
piratoires), mais les atteintes pleurales dominent. On distingue : respectées.
• l’atteinte pleurale avec ou sans épanchement (pleurite
« sèche »), manifestation respiratoire la plus fréquente. Elle peut
être asymptomatique ou donner une douleur thoracique, une
toux sèche, de la fièvre et une dyspnée. Une pleurésie est  Anomalies biologiques
observée dans 25 % des cas, uni- ou bilatérale, exsudative et
lymphocytaire (devant faire éliminer une embolie pulmonaire Protéines de l’inflammation
et/ou une infection) ; Les poussées comportent généralement une élévation du fibri-
• plus rarement, l’hypertension pulmonaire : sa prévalence est nogène et de l’orosomucoïde alors qu’une baisse de l’haptoglobine
estimée entre 2,8 % et 14 % au diagnostic en fonction des séries traduit une hémolyse associée. La C reactive protein (CRP) reste
et des critères diagnostiques. Dans les séries où le diagnostic peu élevée, sauf en cas de sérite (péricardite, pleurite, etc.) ou
d’hypertension pulmonaire (HTP) est porté après cathétérisme d’infection concomitante. Une hypergammaglobulinémie poly-
droit, il s’agit, pour la moitié des cas, d’une hypertension arté- clonale isolée peut entraîner une élévation durable de la vitesse
rielle pulmonaire (HTAP) alors qu’une cause secondaire est de sédimentation (VS) dans un lupus calme, notamment en cas
identifiée pour l’autre moitié : postembolique, cause cardiaque de syndrome de Gougerot-Sjögren associé.
gauche. L’HTAP est une complication grave du LES [3] ;
• les atteintes pulmonaires parenchymateuses de traduction cli-
nique inconstante : toux, dyspnée, parfois hémoptysie ou
anomalies auscultatoires. La survenue d’une pneumopathie au
cours d’un LES traité impose d’écarter une origine infectieuse,
“ Point important
notamment tuberculeuse. Ces atteintes parenchymateuses
peuvent être : Sauf sérite (péricardite, pleurite.) ou infection concomi-
◦ pneumopathies interstitielles diffuses chroniques, râles cré- tante, la CRP reste peu élevée en cas de poussée lupique. Le
pitants à l’auscultation, l’hippocratisme digital y est rare, diagnostic de poussée de lupus systémique ne doit donc en
◦ pneumopathie lupique aiguë, aucun cas être réfuté devant la normalité de ce paramètre.
◦ hémorragie intra-alvéolaire (HIA),
◦ le syndrome des poumons rétractés ou shrinking lung syn-
drome, rare, mais caractéristique du LES. Sa physiopathologie
est complexe et encore mal élucidée, combinant vraisembla-
blement une atteinte du nerf phrénique, des adhérences pleu- Manifestations hématologiques
rales et une myosite diaphragmatique. L’atteinte diaphrag-
matique est souvent bilatérale et responsable d’une dyspnée Les manifestations hématologiques peuvent concerner les trois
progressive, avec orthopnée, et des douleurs bibasales d’allure lignées :
pleurale. Une fièvre et une toux sont plus rares. L’examen • une anémie inflammatoire accompagne les poussées mar-
clinique peut mettre en évidence une diminution de mur- quées. Une anémie hémolytique auto-immune à test de
mure vésiculaire des bases, une diminution de l’ampliation Coombs positif immunoglobuline G (IgG)-complément
thoracique ou une respiration abdominale paradoxale. (5-10 %), souvent corticosensible, est parfois révélatrice. Les
autres causes d’anémie (carence martiale, insuffisance rénale,
érythroblastopénie, hypothyroïdie associée, microangiopathie
Manifestations hépato-gastro-entérologiques thrombotique, syndrome d’activation macrophagique, etc.)
Les manifestations hépato-gastro-entérologiques sont rarement sont plus rares ;
spécifiques de la maladie, plus souvent conséquence des traite- • une leucopénie modérée, résultant d’une lymphopénie T et par-
ments : hépatomégalie, dysphagie, douleurs abdominales, parfois fois d’une neutropénie est fréquente ;
accompagnées de nausées, voire de vomissements. Elles relèvent • une thrombopénie périphérique (15 % à 25 %) accompagne
de causes variées (ulcère gastroduodénal, péritonite, infarctus parfois les poussées et peut précéder le LES. Souvent latente, par-
mésentérique, pancréatite, etc.). L’approche diagnostique doit fois responsable d’un simple purpura, rarement d’hémorragies
donc être indépendante de la maladie lupique. Une corticothéra- viscérales, cette thrombopénie, liée à la présence d’anticorps
pie est susceptible de gommer les signes péritonéaux. Certaines antiplaquettaires, n’est pas toujours corticosensible ;
manifestations sont toutefois liées à l’activité spécifique de la • les troubles de l’hémostase sont dominés par la présence d’un
maladie : anticoagulant circulant de type lupique (25 %).
• ascite dans le cadre d’une sérite, témoignant de l’activité de la
maladie lupique ; Anomalies sérologiques
• pancréatite aiguë pouvant survenir au cours d’une poussée
lupique inaugurale, notamment dans les formes pédiatriques ; Les anomalies sérologiques sont dominées par la présence de
• entérite ou « vascularite » mésentérique lupique ; facteurs antinucléaires (FAN).
• thromboses des vaisseaux digestifs dans le cadre du SAPL : syn- Les FAN sont généralement dépistés par immunofluorescence
drome de Budd-Chiari, thrombose mésentérique ou porte ; indirecte sur cellules Hep2. Leur présence à titre élevé est pratique-
• hépatopathie : hépatite lupique dont l’individualisation est dis- ment constante au cours du LES, mais elle est peu spécifique, car
cutable ; également retrouvée dans d’autres connectivites, certaines hépa-
• stéatohépatite (corticoïdes), hépatite médicamenteuse (acide topathies et hémopathies, voire chez certains sujets sains. Au
acétylsalicylique, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], cours du LES, divers aspects de fluorescence sont possibles :
statines, méthotrexate, azathioprine, léflunomide, etc.), cho- • homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supérieur à
lestase, atteinte vasculaire (foie cardiaque, péliose, hyperplasie 1/500 ;
nodulaire régénérative, artérite, etc.). • périphérique : rare, mais plus spécifique ;

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• moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un ou plu- Lupus induits


sieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’observe aussi
dans d’autres connectivites ; Les lupus induits sont secondaires à l’administration prolongée
• nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclérodermie. de certains médicaments, essentiellement isoniazide, phéno-
La présence de FAN ne constituant qu’un test d’orientation, il thiazines, quinidine, certains anticonvulsivants, bêtabloqueurs,
est indispensable de préciser leur spécificité. minocycline, interféron ␣ et anti-tumor necrosis factor (TNF). Les
La recherche d’anticorps anti-acide désoxyribonucléique (ADN) estroprogestatifs sont souvent responsables de poussées lupiques
bicaténaire (ou natif) par le test radio-immunologique de Farr, et/ou de thromboses. Les lupus induits associent des signes
immunofluorescence sur Crithidia luciliae ou test enzyme linked généraux d’importance variable et des manifestations rhuma-
immunosorbent assay (Elisa), est un examen moins sensible (70 % à tologiques, pleuropulmonaires et/ou péricardiques. Les atteintes
85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique du LES, cutanées, rénales et neurologiques sont rares, de même que la pré-
dont il constitue l’élément-clé du diagnostic biologique. En outre, sence d’anticorps anti-ADN natif et d’une hypocomplémentémie.
le test de Farr est bien corrélé à l’existence d’une atteinte rénale L’arrêt du médicament inducteur fait généralement régresser les
grave et à l’évolutivité du LES. manifestations cliniques en quelques semaines, la rétrocession des
Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles (anti- anomalies biologiques étant plus lente.
corps anti-extractible nuclear antigens [ENA] ou extrait de cellules
thymiques [ECT]) sont détectés par immunoprécipitation, Elisa
ou Blot. On en distingue divers types, parfois associés :
• anticorps anti-Sm, peu fréquents (20 %), mais hautement spé-
 Diagnostic
cifiques ; Des critères de classification ont été élaborés en 1982 par
• anticorps anti-Ro/SSA, et anticorps anti-La/SSB plus rares, l’Association américaine de rhumatologie [4] puis révisés en 1997
dirigés contre des antigènes nucléaires et cytoplasmiques, ren- (Tableau 2) [5] . Il ne s’agit toutefois que d’une analyse statistique
contrés au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren et/ou du établie à partir d’un recrutement rhumatologique et certains cri-
LES, notamment dans le lupus subaigu et le lupus néonatal ; tères ont été certainement surévalués aux dépens d’autres. Cette
• anticorps antiribonucléoprotéines (anti-RNP), présents dans analyse peut donc ne pas s’appliquer à un patient donné et le
30 % des LES et constamment par définition dans le syndrome sens clinique du médecin doit toujours prévaloir. Plusieurs cri-
de Sharp (une forme de connectivite mixte). tères de classification du LES peuvent être observés dans un SAPL
Divers autoanticorps distincts des FAN sont souvent ren- réellement primaire.
contrés : facteur rhumatoïde (20 %), anticorps antihématies,
antiplaquettes, antilymphocytes, antipolynucléaires, anticorps
antiphospholipides.
L’hypocomplémentémie, fréquente, peut relever de deux méca-
nismes :
“ Point important
• une consommation du complément activé par les complexes
immuns, circulants ou tissulaires, entraînant lors des poussées Les critères de classification du lupus ne sont pas des cri-
une chute du CH50 et des fractions C3 et C4, liée statistique- tères diagnostiques. De fait, le sens clinique du médecin
ment aux atteintes rénales graves ; doit toujours prévaloir.
• un déficit constitutionnel de l’une des fractions du complé-
ment.

“ Point important  Évolution et pronostic


La présence de facteurs antinucléaires (FAN) est prati- Le LES évolue par poussées entrecoupées de périodes de
rémission. On oppose des formes bénignes ambulatoires, prin-
quement constante au cours du lupus systémique. La
cipalement cutanéoarticulaires et des formes viscérales graves.
recherche d’anticorps anti-ADN bicaténaire (ou natif) par
L’activité de la maladie s’atténue après la ménopause. La sur-
le test radio-immunologique de Farr, immunofluorescence veillance biologique comporte des examens usuels dont la
sur Crithidia luciliae ou test Elisa, est un examen moins sen- recherche régulière d’une protéinurie et le dosage répété des
sible (70 % à 85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoup anticorps anti-ADN et du complément (CH50, C3, C4). La
plus spécifique du LES, dont il constitue l’élément clé du réapparition d’anomalies immunologiques après une période de
diagnostic biologique. normalisation fait statistiquement craindre une exacerbation cli-
nique.
Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré, le taux
de survie à 10 ans étant d’environ 93 %. La maladie est plus
 Situations particulières sévère en cas de début pédiatrique, chez les sujets à peau noire
et dans le sexe masculin. La mortalité résulte soit du LES ou d’un
au cours du lupus SAPL associé, soit de complications favorisées par le traitement :
infections notamment opportunistes, athérosclérose accélérée et
Grossesse néoplasies.

Le risque de poussée lupique maternelle est important si la


maladie est évolutive au début de la grossesse ou s’il existe une
néphropathie. À l’inverse, la grossesse est autorisée si le lupus
est en rémission depuis plus de 6 mois, avec une fonction rénale
normale ou peu altérée.
“ Point important
Les risques pour le fœtus sont divers. La présence d’APL chez la Le lupus est une maladie chronique qui évolue par pous-
mère expose au risque d’avortements itératifs ou de mort fœtale.
sées entrecoupées de périodes de rémission. Le plus
Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, éruption
cutanée néonatale transitoire) est lié à la présence maternelle souvent, l’activité de la maladie s’atténue après la méno-
d’anticorps anti-Ro/SSA. Enfin, les risques de prématurité, de pause. La surveillance clinique et biologique doit être
retard de croissance et de mortinatalité sont accrus chez les enfants réalisée régulièrement au cours du suivi de cette maladie.
de mère lupique.

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Lupus érythémateux systémique  5-0260

Tableau 2.
Critères de classification du lupus proposés par l’American Rheumatism Association en 1982 révisés en 1997 (Hochberg) [5] .
1. Éruption malaire en « aile de papillon » : érythème malaire fixe, plan ou en relief, tendant à épargner le sillon nasolabial
2. Éruption de lupus discoïde : placards érythématheux surélevés avec des squames kératosiques adhérentes et des bouchons cornés folliculaires
Cicatrices atrophiques pouvant apparaître sur des lésions anciennes
3. Photosensibilité : éruption cutanée résultant d’une réaction inhabituelle au soleil, à l’interrogatoire du patient ou observée par le clinicien
4. Ulcérations buccales ou nasopharyngées : ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement douloureuses, observées par un clinicien
5. Polyarthrite non érosive : arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par : douleur, augmentation de volume,
ou épanchement articulaire
6. Pleurésie ou péricardite :
– pleurésie : épanchement pleural patent ou histoire convaincante de douleurs pleurales ou frottement pleural entendu par un clinicien
– péricardite : documentée sur un ECG ou frottement péricardique ou mise en évidence de l’épanchement
7. Atteinte rénale : protéinurie supérieure ou égale à 0,5 g/j ou supérieure à 3 croix en l’absence de quantification possible ou cylindres urinaires (globules
rouges, hémoglobine, leucocytes, cellules tubulaires ou mixtes)
8. Atteinte neurologique :
– convulsions : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)
– psychose : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)
9. Atteinte hématologique :
– anémie hémolytique avec hyperréticulocytose
– leucopénie (inférieure à 4 000 leucocytes/mm3 ) trouvée à au moins deux reprises
– lymphopénie (inférieure à 1 500 lymphocytes/mm3 ) à au moins deux reprises
– thrombopénie (inférieure à 100 000 plaquettes/mm3 ) en l’absence de cause médicamenteuse
10. Désordre immunologique :
– anticorps anti-ADN positif
– présence d’anticorps anti-Sm. Fausse sérologie syphilitique positive depuis au moins 6 mois et confirmée par la négativité du test de Nelson ou du FTA
11. Présence de facteurs antinucléaires à un titre anormal en l’absence de médicaments inducteurs : titre anormal d’anticorps antinucléaire en
immunofluorescence ou technique équivalente à n’importe quel moment de l’évolution, en l’absence de médicaments inducteurs du lupus

ECG : électrocardiogramme ; ADN : acide désoxyribonucléique ; FTA : fluorescent treponemal antibody.

 Traitement (application toutes les 2 à 3 heures d’un écran solaire d’indice


très élevé sur les régions découvertes, y compris hors de la
Le lupus évolue par poussées entrecoupées de rémission. Ces période estivale) ;
notions doivent toujours être présentes à l’esprit pour déterminer • précision des règles de maniement et de surveillance d’un éven-
la prise en charge thérapeutique du patient lupique. Le caractère tuel traitement par antivitamine K ;
aigu de la maladie, lié à une atteinte organique précise et qui peut • information diététique personnalisée : régime pauvre en sel et
avoir des conséquences graves, nécessite une intervention thé- limité en glucides en cas de corticothérapie ;
rapeutique rapide et spécifique afin de contrôler la poussée de • encouragement quant à l’activité physique d’entretien quand
la maladie (par exemple : atteinte du système nerveux central se les circonstances le permettent. La grossesse devant être pro-
traduisant par des crises comitiales). Le caractère chronique du grammée, une contraception efficace est nécessaire et est
lupus nécessite l’éducation du patient, des évaluations régulières évoquée dès la première consultation. Elle est strictement
et la reconnaissance précoce des signes d’évolutivité. Des modi- indispensable quand un traitement tératogène est administré
fications adaptées du traitement permettent ainsi de prévenir ou (cyclophosphamide, méthotrexate, thalidomide) ;
de contrôler les poussées évolutives à des stades très précoces (par Un cadre associatif dédié est souvent utile, en particulier pour
exemple, protection solaire, contraception adaptée). aider certains malades à sortir de leur isolement.
Enfin le LES est une affection chronique qui ouvre les droits à
une prise en charge au titre des affections de longue durée (ALD
21).
Éducation du patient lupique
Souvent négligée à tort, l’éducation du malade et de sa famille Principales modalités thérapeutiques
est un élément important de la prise en charge thérapeutique. Elle
porte en particulier sur les points suivants : Même si les indications sont à adapter à chaque cas, il est pos-
• connaissance des symptômes de la maladie, en précisant les sible de dégager des grandes lignes thérapeutiques. Le LES étant
signes d’alarme qui doivent conduire à une consultation. Toute une maladie chronique, il justifie un traitement de fond : les anti-
modification ou aggravation de la symptomatologie doit moti- malariques de synthèse. L’hydroxychloroquine (Plaquenil® ) est
ver une consultation ; employée à la dose de 400 mg/j si la fonction rénale est normale.
• profil évolutif du LES qui doit être expliqué au patient et les Le mode d’action des antimalariques est mal connu, mais leur
objectifs thérapeutiques qui en découlent. Le patient doit pou- efficacité au long cours sur l’activité du LES est bien démontrée.
voir reconnaître seul les signes cliniques avant-coureurs de la L’intensité du traitement des poussées est adaptée à la gravité
poussée évolutive et consulter ; de la maladie.
• planification des examens de routine ; Le traitement des poussées cutanéoarticulaires repose sur
• effets indésirables possibles des traitements prescrits, risques de l’aspirine, les autres AINS et les antimalariques de synthèse.
l’arrêt intempestif du traitement ; À l’inverse, une atteinte cutanée résistante aux antimala-
• sensibilisation au respect du calendrier vaccinal ; riques n’est pas une indication à la corticothérapie générale,
• nocivité du tabac : facteur de risque cardiovasculaire, interfé- mais justifie une thérapeutique dédiée, notamment par le
rence avec l’efficacité de l’hydroxychloroquine et augmenta- thalidomide.
tion de l’activité du LES ; Le traitement des formes viscérales repose sur la cortico-
• mise en garde des risques d’une exposition au soleil. Protection thérapie. Dans les poussées graves, celle-ci est débutée par la
vestimentaire. Nécessité d’une photoprotection passive (évi- perfusion de 1 g de méthylprednisolone (Solu-Médrol® ) par voie
tement de l’exposition solaire directe ou indirecte) et active veineuse en 90 minutes après vérification de la kaliémie et de

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5-0260  Lupus érythémateux systémique

l’électrocardiogramme (ECG). Ces « bolus » sont délivrés pen- (en particulier créatininémie, protéinurie, uricémie, transami-
dant 3 jours consécutifs, puis relayés par une corticothérapie nases, plaquettes, glycémie, anticorps anti-ADN et dosages du
orale. complément en prenant en compte son élévation gravidique phy-
La prednisone (Cortancyl® ) est le corticoïde de référence. siologique).
La posologie est de 1 mg/kg par jour dans les formes graves
(glomérulonéphrite proliférative diffuse, thrombopénie, anémie Contraception
hémolytique) et de 0,5 mg/kg par jour dans les sérites. Les
mesures d’accompagnement visent à prévenir certains effets La grossesse devant être programmée, une contraception effi-
secondaires, notamment l’accélération de l’athérogenèse. Une cace est indispensable. Les estroprogestatifs sont formellement
diététique excluant le sodium et restreignant les apports glu- contre-indiqués en cas de poussée récente, d’atteinte viscérale
cidiques et caloriques est couplée à un strict contrôle des même éteinte, d’antécédent de thrombose ou de biologie anti-
paramètres tensionnels, glucidiques et lipidiques. Une supplé- phospholipide positive. Une corticothérapie fait souvent récuser
mentation potassique est associée aux fortes doses de corticoïdes. le stérilet en raison du risque infectieux et d’une efficacité peut-
L’utilisation raisonnée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) être amoindrie. La contraception repose donc essentiellement
a réduit les complications digestives. L’ostéoporose est atténuée sur les micropilules progestatives, l’acétate de chlormadinone
par l’adjonction de vitamine D, de calcium et de bisphospho- (Luteran® ) ou l’acétate de cyprotérone (Androcur® ).
nates. Les risques infectieux étant majorés par la corticothérapie,
le dépistage et le traitement des foyers bactériens latents sont
systématiques, ainsi que la prophylaxie d’une éventuelle anguillu-  Surveillance clinique
lose si le contexte le justifie. La vaccination antigrippale est
recommandée [6] . et biologique du lupus
La posologie d’attaque est prescrite pour une durée de 3 à 6
semaines. La régression, progressive, se fait par diminution de Le médecin généraliste, par sa connaissance de la sympto-
10 % de la dose antérieure tous les 10 à 15 jours. Une corticothéra- matologie lupique, doit reconnaître les signes avant-coureurs
pie d’entretien (0,10 à 0,20 mg/kg par jour) est souvent maintenue d’une poussée lupique (arthralgies, éruption, etc.), ce qui permet
plusieurs années, associée à l’hydroxychloroquine. Le sevrage d’intervenir précocement.
éventuel doit prendre en compte le risque potentiel d’insuffisance La fréquence des consultations varie en fonction de la sévé-
surrénale. rité initiale, du type d’atteinte viscérale et/ou de la survenue
L’emploi des traitements immunosuppresseurs est limité aux d’événements intercurrents. Un examen clinique est nécessaire
formes viscérales graves ou corticodépendantes en raison de leurs à chaque modification de traitement. De manière générale, la fré-
risques (hypoplasie médullaire et infections à court terme, stérilité quence recommandée de l’examen clinique est tous les 3 à 6 mois
et oncogenèse possible à long terme) [7, 8] . en période de quiescence, mais plus rapprochée, mensuelle, en cas
Divers agents sont utilisés : mycophénolate mofétil (Cellcept® ) de lupus évolutif, notamment en cas d’atteinte viscérale grave.
2 à 3 g/j, cyclophosphamide (Endoxan® ) 0,5 à 0,8 g/m2 par voie L’examen clinique de suivi est identique à celui réalisé lors de
intraveineuse discontinue, azathioprine (Imurel® ) 2 à 3 mg/kg par l’évaluation initiale. La fréquence des consultations est adaptée à
jour per os. Dans le traitement des glomérulonéphrites proliféra- l’évolutivité clinique. Un bilan des complications et des atteintes
tives, l’adjonction d’un immunosuppresseur à la corticothérapie viscérales est réalisé à chaque consultation (recherche de protéi-
améliore le pronostic rénal. Le schéma traditionnel (perfusion nurie par bandelette urinaire au minimum à chaque consultation,
mensuelle de cyclophosphamide pendant 6 mois puis trimes- et à long terme tous les 3 mois).
trielle pendant 2 ans) tend à être remplacé par d’autres protocoles Le praticien doit connaître les effets indésirables des trai-
relayant rapidement le cyclophosphamide par l’azathioprine ou le tements. Nous insisterons sur la surveillance ophtalmologique
mycophénolate mofétil, voire n’utilisant que ce dernier. La durée nécessaire lors de la prescription d’antipaludéens de synthèse et
de l’immunosuppression est de deux ans, voire plus. Enfin, le sur le rôle de la corticothérapie prolongée dans l’accélération de
méthotrexate est employé dans certaines formes articulaires résis- l’athérogenèse, car le pronostic lointain du lupus est en grande
tantes. partie conditionné par le risque vasculaire.

 Conclusion
“ Point important Le lupus n’est plus une maladie mortelle puisque la survie à
20 ans dépasse maintenant 90 %. Dans l’immense majorité des
La stratégie thérapeutique utilisée au cours du lupus sys-
cas, il s’agit d’une affection bénigne permettant une vie normale
témique dépend du type d’atteintes cliniques observées.
au prix d’un modeste traitement d’entretien. Le rôle du médecin
généraliste est primordial, aux côtés du médecin interniste, dans
la prise en charge de la maladie lupique.

Cas particuliers  Références


Thrombopénie périphérique
[1] Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) sur le lupus érythé-
Les thrombopénies sévères corticorésistantes sont traitées par mateux systémique. Haute Autorité de Santé. http://www.has-sante.fr.
hydroxychloroquine, danazol ou dapsone, mais surtout splé- [2] Cervera R, Khamashta MA, Font J, Sebastiani GD, Gil A, Lavilla P.
nectomie précédée d’une vaccination antipneumococcique. Les Systemic lupus erythematosus: clinical and immunologic patterns of
perfusions de fortes doses d’immunoglobulines sont utiles dans disease expression in a cohort of 1,000 patients. The European Working
les situations d’urgence, mais leur effet est transitoire. Party on Systemic Lupus Erythematosus. Medicine 1993;72:113–24.
[3] Arnaud L, Agard C, Haroche J, Cacoub P, Piette JC, Amoura Z. Pulmo-
Grossesse nary arterial hypertension in systemic lupus erythematosus. Rev Med
Interne 2011;32(11):689–97.
Les risques de poussée lupique gravidique justifient pour cer- [4] Tan EM, Cohen AS, Fries JF. The 1982 revised criteria for the
tains l’introduction systématique d’une faible corticothérapie classification of systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum
ou sa majoration préventive. Aujourd’hui, l’hydroxychloroquine 1982;25:1271–7.
est généralement poursuivie. La surveillance multidisciplinaire [5] Hochberg MC. Updating the American College of Rheumatology revi-
porte notamment sur la pression artérielle, les données échogra- sed criteria for the classification of systemic lupus erythematosus.
phiques et vélocimétriques, et les contrôles biologiques répétés Arthritis Rheum 1997;40:1725.

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Lupus érythémateux systémique  5-0260

[6] Mathian A, Devilliers H, Krivine A, Costedoat-Chalumeau N, Haroche [7] Arnaud L, Amoura Z. Biotherapy of systemic lupus erythematosus.
J, Boutin-Le Thi Huong D, et al. Factors influencing the efficacy Rev Med Interne 2010;31(suppl3):S296–303.
of two injections of a pandemic 2009 influenza A (H1N1) non- [8] Arnaud L, Zahr N, Costedoat-Chalumeau N, Amoura Z. The
importance of assessing medication exposure to the definition of
adjuvanted vaccine in systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum refractory disease in systemic lupus erythematosus. Autoimmun Rev
2011;63(11):3502–11. 2011;10:674–8.

L. Arnaud (laurent.arnaud@psl.aphp.fr).
Z. Amoura.
Service de médecine interne 2, Centre national de référence lupus systémique et syndrome des anticorps antiphospholipides, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
AP-HP, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris ; Institut national de la santé et de la recherche médicale, Inserm UMR-S 945, Paris ; Université Pierre et
Marie Curie, UPMC Université Paris 06, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Arnaud L, Amoura Z. Lupus érythémateux systémique. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-9
[Article 5-0260].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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