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TRAUMATISMES DU RACHIS
I - RAPPEL
A – ANATOMIE
Lors d’un traumatisme du rachis, tout élément nerveux peut être lésé : la moelle épinière
et les nerfs rachidiens. La moelle épinière entourée de ses méninges s’étend dans le canal
vertébral, de la première vertèbre cervicale jusqu’à l’extrémité inférieure de la première
vertèbre lombaire. Le sac dural continue jusqu’à la deuxième vertèbre sacrée. L’extrémité
distale de la moelle épinière est appelée le cône médullaire ou cône terminal. Les racines
provenant des derniers segments médullaires, lombaires et sacrés, constituent les racines de la
queue de cheval et occupent le sac dural au-delà du cône terminal.
B – PHYSIOPATHOLOGIE
La lésion médullaire au cours d’un traumatisme est très rarement ischémique pure et il
s’agit le plus souvent d’un élément ostéo-articulaire déplacé. La gravité des traumatismes
médullaires est due à la fragilité de la moelle épinière et à l’absence de réparation possible.
Toute solution de continuité est définitive et une simple contusion peut entraîner une section
médullaire par un phénomène incontrôlable de nécrose. Lorsque l’interruption est définitive,
la sémiologie clinique évolue en deux phases :
- Une phase initiale flasque : choc spinal où toute sensibilité, toute motricité et tout
réflexe sont abolis au-dessous du niveau lésionnel. Le segment médullaire distal est alors
libéré brutalement de la commande encéphalique et est en état de choc.
- Une phase secondaire d’automatisme médullaire, spastique après un délai qui varie
de quelques heures à quelques jours. Le segment médullaire distal, s’il n’est pas détruit,
reprend une activité se traduisant par l’apparition de réflexes médullaires autonomes et cette
seconde phase est celle observée dans les paralysies par compression médullaire lente avec
spasticité. La récupération de cette activité réflexe se fait en premier dans le territoire sous-
lésionnel des secteurs médullaires les moins dépendants de l’encéphale : apparition des
réflexes périnéaux.
- Dans de rares cas, la période de choc spinal est suivie rapidement d’une récupération
complète ad integrum sans passage par une phase de spasticité. Ceci constitue la commotion
médullaire qui n’a pas encore reçu d’explication.
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Traumatismes du rachis
C – CLINIQUE
- Au niveau cervical : Pour les niveaux allant jusqu’à C4, le pronostic vital est engagé à
court terme par atteinte des centres phréniques. La dépendance ventilatoire est totale. Pour le
niveau C5, la fonction diaphragmatique intacte permet une autonomie respiratoire relative,
mais la capacité vitale est réduite. Les 4 membres sont complètement paralysés. La sensibilité
n’est perçue que par la tête, le cou et l’épaule. Le niveau C6 se détermine par un deltoïde et un
biceps présents : la flexion de l’avant-bras est possible. Le niveau C7 se distingue par la
présence des muscles radiaux permettant une extension du poignet. Le niveau C8 se
caractérise par la présence du triceps permettant l’extension du coude et l’extension des
doigts. Le niveau T1 est marqué par la présence des fléchisseurs des doigts. La musculature
intrinsèque de la main est cependant absente. Les atteintes de C4 à C7 permettent une
autonomie respiratoire relative par ventilation diaphragmatique, mais la paralysie des muscles
intercostaux et abdominaux entraîne une baisse importante de la capacité vitale. De plus,
l’impossibilité de la toux provoque une accumulation de sécrétion. En pratique, les
tétraplégiques sont souvent ventilés artificiellement en phase initiale.
- Au niveau dorsal, en dessous de T1, chaque métamère fait gagner des muscles
intercostaux puis abdominaux, diminuant ainsi l’incidence du problème respiratoire. Un
traumatisme thoracique ou une pathologie respiratoire préexistante majore l’insuffisance
respiratoire du paralysé et ainsi l’encombrement, l’atélectasie, l’infection pulmonaire
provoqués vont à leur tour aggraver le problème respiratoire. C’est la principale cause de
décès en phase aiguë chez le tétraplégique. Au niveau T4, la sensibilité est abolie en dessous
du mamelon (T6 : xiphoïde). Au niveau T10, la sensibilité est abolie en dessous de l’ombilic.
Au niveau T12, la sensibilité est abolie en dessous du pli de l’aine et sous le pubis.
- Au niveau lombaire et au niveau sacré, plus les lésions sont distales et plus on
observe une intrication entre les lésions médullaires et radiculaires. En effet, il n’est pas
possible de différencier cliniquement la destruction du cône médullaire de celle des racines
issues du cône. L’atteinte médullaire L1 se caractérise par l’absence de motricité et de
sensibilité des muscles des membres inférieurs. On retient la présence du psoas permettant la
flexion de la hanche pour un niveau médullaire L3, du quadriceps permettant de verrouiller le
genou pour un niveau médullaire L4, du muscle jambier antérieur permettant la flexion
dorsale du pied pour un niveau L5. Chaque atteinte s’accompagne également d’une
hypoesthésie du territoire intéressé.
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Traumatismes du rachis
3 – Atteinte radiculaire
Les racines peuvent être sectionnées, étirées ou comprimées. La lésion peut siéger sur les
racines motrices antérieures, sensitives postérieures ou au niveau du nerf spinal lui-même. Les
racines n’ont pas la fragilité de la moelle épinière et si leur continuité anatomique est
respectée, la récupération est la règle.
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Traumatismes du rachis
La racine issue d’un foramen intervertébral au-dessus du niveau lésionnel peut être lésée.
La récupération de sa fonction après traitement peut être d’une importance capitale en faisant
gagner un niveau neurologique (surtout au rachis cervical), mais elle est souvent interprétée à
tort comme une récupération médullaire.
Au niveau du rachis lombaire, les compressions intéressent les racines de la queue de
cheval. Dans la forme majeure, le syndrome de la queue de cheval réalise une paralysie
sensitivo-motrice flasque au-dessous de L2 : absence de fléchisseurs et extenseurs de jambe et
de pied, anesthésie des territoires lombaire et sacré, abolition des réflexes ostéo-tendineux et
bulbo-caverneux, impuissance et troubles génito-sphinctériens, vessie autonome périphérique.
Dans les formes partielles : paralysie du pied, anesthésie en selle et troubles génito-
sphinctériens.
4 – Signes de non-organicité
La non-organicité d’un symptôme ne peut être établie qu’après avoir éliminé toute cause
organique par l’examen physique, radiologique et biologique. Sa distinction peut être difficile
et il faut tenir compte du contexte socioculturel.
La non-organicité est suspectée sur l’association d’un certain nombre de signes : les
réactions exagérées du traumatisé par la mimique, la parole, les simulacres d’évanouissement
sont évocatrices. L’examen montre une hyperesthésie douloureuse diffuse ou de topographie
aberrante majorée par une palpation ou une pression douce et non-appuyée, des déficits
sensitifs et moteurs sans support anatomique.
L’existence de signes anorganiques peut ne pas traduire une simple simulation mais un
trouble psychiatrique plus profond qu’il convient de ne pas négliger.
D – THERAPEUTIQUE
Il n’existe aucun moyen actuel permettant de réparer une moelle épinière lésée. Aucun
des produits administrés par voie générale n’a fait la preuve de son efficacité ni même pour
minimiser l’évolution de la nécrose.
Le traitement est (1) d’éviter l’aggravation des lésions neurologiques, (2) d’éviter la mort
par complication immédiate, (3) de réduire et stabiliser les lésions vertébrales.
La prévention commence donc sur le lieu d’accident et le rachis doit être immobilisé en
rectitude. Toute mobilisation du blessé doit se faire à 4 ou 5 personnes, en monobloc.
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Traumatismes du rachis
1) Atteinte respiratoire : voir plus haut. C’est la principale cause de décès en phase aiguë
chez le tétraplégique : capacité vitale réduite, toux impossible, accumulation des
sécrétions, atélectasie et surinfections sont facteurs d’une dépendance ventilatoire.
2) Atteinte du système cardio-vasculaire : Elle existe dans les lésions hautes par paralysie
du système sympathique et libération du tonus vagal provoquant une bradycardie sinusale
et une hypotension artérielle par vasoplégie massive. Il faudra donc éviter toute surcharge
volumique pouvant provoquer un œdème aigu pulmonaire. Il existe un risque d’arrêt
cardiaque à l’induction d’une anesthésie générale (qui provoque sa propre vasoplégie). La
prévention des complications thrombo-emboliques doit être systématique. Les
tétraplégiques doivent être protégés des températures extrêmes du fait de la disparition
des phénomènes de thermorégulation dans le territoire sous-lésionnel.
3) Atteinte du système digestif : La pose d’une sonde gastrique permet de vider l’estomac,
d’éviter une inhalation et de prévenir une dilatation aiguë gastrique. Les ulcères de stress
sont fréquents provoquant des hémorragies digestives cataclysmiques. Enfin, une
paralysie du péristaltisme et de la fonction ano-rectale se produit lors du choc spinal
initial.
4) Atteinte du système urinaire : Pendant le choc spinal, il y a une rétention d’urine et leur
drainage est urgent. Elle se fera au mieux par une sonde vésicale à demeure en phase
aiguë plutôt que des sondages intermittents ou bien par un cathétérisme sus-pubien en cas
de lésion du bassin associée. La pose d’une sonde urinaire est mise en place avec une
asepsie rigoureuse car le taux d’infection est important. Outre le drainage urinaire, elle
permet la surveillance de la diurèse horaire.
6) Atteinte des vertèbres : Il est indispensable de réduire en urgence les déplacements qui
compriment le névraxe et d’assurer une bonne contention pour permettre la consolidation.
La chirurgie a l’avantage d’effectuer une réduction des déplacements sous contrôle de la
vue, de réduire un éventuel agent compressif et de permettre une ostéosynthèse qui
autorise une mobilisation et un lever précoce ainsi qu’une consolidation en bonne
position. Elle expose cependant à un certain nombre de complications et la décision ne
peut être envisagée qu’en milieu spécialisé.
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Traumatismes du rachis
- A l’admission, le blessé doit être complètement examiné tant d’un point de vue
neurologique que général, appareil par appareil, d’autant plus que l’on se trouve devant un
patient victime d’un polytraumatisme.
Le reste des examens radiologiques est demandé en fonction des points d’appel
(tomodensitométrie crânienne, tomodensitométrie thoracique, échographie abdominale…).
- Après les prélèvements sanguins, mise en place d’une voie d’abord périphérique de
bon calibre. La pose d’un cathéter central ne se conçoit que par un médecin averti ou en
salle de déchocage.
A – SYSTEME RESPIRATOIRE
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Traumatismes du rachis
B – SYSTEME CARDIO-VASCULAIRE
C – SYSTEME DIGESTIF
La mise en place d’une sonde gastrique permet la vidange gastrique, la prévention d’une
inhalation si vomissements et la prévention d’une dilatation aiguë gastrique.
D – SYSTEME URINAIRE
La rétention aiguë d’urine est immédiate après le traumatisme médullaire. Elle impose la
mise en place d’une sonde à demeure qui permet de surveiller la diurèse horaire et d’éviter la
distension vésicale. La présence d’une hématurie doit faire craindre une lésion rénale ou
vésico-urétrale associée.
E – SYSTEME NEUROLOGIQUE
L’examen neurologique initial et répété est fondamental d’un point de vue diagnostique,
pronostique et thérapeutique. Il doit être consigné par écrit en marquant le nom de
l’examinateur, la date et l’horaire de l’examen.
Celui-ci donne le niveau lésionnel médullaire, son évolution dans le temps, son
caractère complet ou incomplet. L’examen se base sur la motricité, la sensibilité par le
toucher et la piqûre, et l’examen de la zone anale et péri-anale est très important. Le toucher
rectal explore le tonus du sphincter anal (flasque lors de la phase de sidération), la sensibilité
anale ainsi que la présence ou non du réflexe bulbo-caverneux.
Enfin, l’étude des réflexes : les réflexes ostéotendineux sont abolis au-dessous de la zone
lésionnelle et leur réapparition témoigne d’une reprise d’autonomie médullaire. Le réflexe
cutané plantaire est tout d’abord aboli lors de la phase de sidération, puis le signe de Babinski
apparaît lors de la reprise d’autonomie.
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Traumatismes du rachis
F – RACHIS
Des radiographies standards centrées sur le segment suspecté sont réalisées ainsi qu’une
tomodensitométrie en coupes axiales, fenêtres osseuses et au mieux reconstructions
sagittales en prenant largement au-dessus et au-dessous de la lésion. Ces examens permettent
de préciser le niveau et l’étendue des lésions, le type de la lésion, l’instabilité potentielle
(type du trait de fracture, déplacement des vertèbres) et l’existence ou non d’une compression
médullaire avec modification du calibre du canal vertébral.
L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) n’a pas sa place dans l’évaluation en
urgence des anomalies vertébrales. Elle ne se conçoit qu’en cas de paraplégie ou tétraplégie
avec bilan osseux normal à la recherche d’une contusion médullaire. Elle peut permettre
également de diagnostiquer de rares hématorachis (hématomes rachidiens épiduraux ou sous-
duraux), seule indication d’une chirurgie en urgence en l’absence de lésion vertébrale
manifeste. En effet, la contusion médullaire n’a pas de solution chirurgicale.
Il peut s’agir de :
Dans ces cas, le traitement doit sauver la vie du blessé en traitant en urgence chacune de
ces complications qui doivent être stabilisées avant d’envisager le traitement de la colonne
vertébrale.
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Traumatismes du rachis
Ce sont elles qui dominent le pronostic vital en phase aiguë et concernent surtout les
tétraplégies et les paraplégies hautes. Il s’agit d’un encombrement bronchique, d’une
atélectasie, d’une infection pulmonaire qui peuvent entretenir un cercle vicieux
d’insuffisance respiratoire. Il faut lutter contre l’encombrement et l’atélectasie par une
aspiration des sécrétions et une kinésithérapie pluri-quotidiennes afin d’assister la toux, lutter
contre les causes aggravantes et avoir recours à la ventilation artificielle au besoin.
Il faut bien veiller à l’asepsie rigoureuse du système de sondage urinaire afin de prévenir
une infection pouvant se compliquer de prostatites, d’orchi-épididymites, de septicémies.
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Traumatismes du rachis
Ce sont les plus fréquents des traumatismes du rachis. Le risque est celui d’une lésion
médullaire qui peut être soit contemporaine du traumatisme, soit apparaître secondairement
lors du déplacement d’une lésion instable.
Les lésions les plus fréquentes sont disco-ligamentaires (75%).
I - RAPPEL
Il y a 7 vertèbres cervicales. Elles supportent le poids de la tête et l’orientent dans
l’espace en protégeant la moelle épinière et les artères vertébrales. On distingue le rachis
cervical supérieur (C1 et C2 c’est à dire l’atlas et l’axis) dont l’anatomie est très distincte du
reste du rachis cervical (C3 à C7).
L’atlas (C1) n’a pas de corps vertébral mais elle est constituée de 2 masses latérales
réunies en avant et en arrière par un arc osseux. Les facettes articulaires supérieures des
masses latérales correspondent aux condyles occipitaux et les facettes articulaires inférieures
correspondent aux surfaces articulaires supérieures du corps de l’axis. Entre chaque masse
latérale est tendu de façon transversale un ligament épais et solide (le ligament transverse) qui
divise ainsi l’espace en un compartiment antérieur qui reçoit l’apophyse odontoïde de C2 et
un compartiment postérieur où passe la moelle épinière.
L’axis (C2) comporte un corps vertébral sur lequel se fixe l’apophyse odontoïde en forme
de dent, qui s’engage entre l’arc antérieur de l’atlas et le ligament transverse. La zone
anatomique qui sépare les facettes articulaires supérieures qui s’articulent avec l’atlas et les
facettes articulaires inférieures qui s’articulent avec C3 s’appelle l’isthme vertébral (ou
« pédicule chirurgical » de C2). C1 et C2 sont donc doublement articulés : d’une part par
l’articulation atlanto-axoïdienne droite et gauche et d’autre part par l’articulation atlanto-
odontoïdienne. Ce complexe C1-C2 est particulièrement adapté à la rotation de la tête
(40° soit 60% de la rotation axiale totale du rachis cervical). En effet, l’atlas tourne autour du
pivot réalisé par le processus odontoïde et permet ainsi à la tête de dire "non". Il n’y a pas de
disque intervertébral entre ces deux vertèbres, pas de ligament jaune et l’artère vertébrale
effectue une boucle au niveau de C1 pour pénétrer dans le foramen magnum.
Il est constitué par 5 vertèbres (C3 à C7) empilées les unes sur les autres en réalisant une
lordose cervicale. La vertèbre cervicale type est caractérisée par un corps vertébral antérieur
et la présence des apophyses unciformes sur ce corps vertébral permet l’emboîtement des
corps vertébraux les uns sur les autres comme une pile d’assiettes. Entre chaque corps
vertébraux se place le disque intervertébral. Les pédicules réunissent le corps vertébral en
avant au massif articulaire en arrière et de chaque côté. Le canal rachidien est fermé en arrière
par les lames et les épineuses. La taille des vertèbres augmente au fur et à mesure qu’on
descend et l’épineuse de C7 est plus grande que les autres (« la proéminente »). Le rachis
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Traumatismes du rachis
cervical inférieur permet la flexion-extension de la tête (10 à 20° à chaque étage), mais il
existe également une mobilité rotatoire (5 à 10° à chaque étage) ou la possibilité d’une
inclinaison latérale (5 à 10° au total).
Le segment mobile rachidien réunit tous les moyens d’union ligamentaires de ces
vertèbres assurant la stabilité du montage. Il est le même au niveau du rachis cervical inférieur
et au niveau du rachis dorso-lombaire. Ce segment mobile rachidien comprend d’avant en
arrière : le ligament longitudinal antérieur, le disque intervertébral, le ligament longitudinal
postérieur (tapissant la face postérieure des corps vertébraux et des disques intervertébraux à
l’intérieur du canal rachidien), les capsules articulaires des massifs articulaires postéro-
latéraux, le ligament jaune et le ligament inter-épineux.
Les lésions instables du rachis cervical sont dues à une perte de l’intégrité de ce segment
mobile rachidien. Son appréciation est cependant difficile compte tenu qu’il n’est pas
radiologiquement visible et qu’il entraîne des signes indirects sur les radiographies standards.
Sur le plan osseux, les vertèbres cervicales répondent au même schéma que les vertèbres
dorsales et lombaires d’une vertèbre tripode avec 3 colonnes verticales d’appui : en avant, le
corps vertébral et en arrière et latéralement, les massifs articulaires postéro-latéraux.
II – DIAGNOSTIC
A – L’EXAMEN CLINIQUE
L’examen clinique est conduit prudemment au besoin en décubitus dorsal, tête entre deux
sacs de sable. L’interrogatoire soigneux précise les antécédents du traumatisé (généraux et
traumatiques), la date et l’heure du traumatisme ainsi que les circonstances de survenue.
Les symptômes évocateurs peuvent être immédiats comme une douleur, la perception
d’un craquement, des paresthésies dans les mains ou bien secondaires comme des
cervicalgies, une raideur, un torticolis, une sensation d’instabilité cervicale, des douleurs ou
une sensation de faiblesse dans un membre supérieur voire dans les membres inférieurs.
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Traumatismes du rachis
Les lésions rachidiennes cervicales entraînent des lésions médullaires qui peuvent être
mortelles lorsqu’elles sont hautes. Les lésions radiculaires ne témoignent pas forcément d’une
lésion du névraxe et peuvent s’observer dans des lésions rachidiennes stables. Ce n’est que le
degré de compression médullaire qui fait la gravité de ces lésions rachidiennes médullaires.
B – LES PIEGES
Il existe 3 pièges :
- Ne pas voir le niveau lésé. Ceci est dû le plus souvent au fait de ne pas voir la totalité du
rachis cervical sur les radiographies standards de profil. Les 7 vertèbres cervicales
doivent être visualisées avec au mieux la jonction cervico-thoracique.
- Ne pas voir la lésion peut être du à des radiographies standards de mauvaise qualité
qu’il ne faut hésiter à renouveler. L’analyse sémiologique radiologique doit se faire à
partir de clichés de bonne qualité. Il ne faut pas hésiter à compléter l’examen
radiologique standard par une tomodensitométrie. De plus, l’instabilité est une notion
dynamique et les clichés standards faits en urgence sont le plus souvent statiques. Il ne
faut pas se contenter uniquement de clichés statiques, mais savoir renouveler les clichés
dynamiques lorsque l’interrogatoire et l’examen clinique font suspecter une lésion
rachidienne même bénigne.
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Traumatismes du rachis
C – LE DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE
L’épaisseur des parties molles prévertébrales situées entre la clarté aérique de l’axe
pharyngo-trachéal en avant et les corps vertébraux en arrière correspondant à l’épaisseur
des muscles longs du cou. L’épaississement localisé de cette zone traduit la présence
d’un hématome qui est un bon témoin indirecte d’une lésion antérieure du rachis
cervical. Au-dessous de C5, la présence de l’œsophage rend l’analyse plus difficile.
L’alignement des murs antérieurs des corps vertébraux se poursuit en avant par la
face antérieure de l’apophyse odontoïde au niveau de C2.
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Traumatismes du rachis
L’empilement des massifs articulaires postéro-latéraux les uns sur les autres à la
façon d’un empilement des tuiles d’un toit doit être régulier : la surface articulaire
inférieure de la vertèbre supérieure vient recouvrir en arrière la surface articulaire
supérieure de la vertèbre inférieure.
A l’état normal, les vertèbres cervicales sont parfaitement alignées en une lordose
harmonieuse. Les corticales antérieures et postérieures des corps vertébraux, les massifs
articulaires postéro-latéraux et les bases des épineuses forment des lignes verticales
régulières et parallèles entre elles. Toute irrégularité de ces lignes est suspecte.
2) La tomodensitométrie :
L’IRM visualise bien les parties molles ainsi qu’un éventuel signal anormal dans les
corps vertébraux ou le disque intervertébral témoignant de la lésion. L’IRM permet surtout
l’analyse de la moelle épinière en cas de contusion médullaire ainsi que l’espace sous-dural et
épidural. L’IRM n’a pas d’indication en urgence sauf dans les lésions neurologiques
inexpliquées, c’est-à-dire avec des examens radiologiques standards et scannographique
normaux ne permettant pas d’expliquer l’handicap neurologique.
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Traumatismes du rachis
Les lésions du rachis cervical sont souvent graves, mais cependant les complications
neurologiques sont rares en urgence. Ceci est dû au fait que l’atteinte médullaire au niveau
C1-C2 de façon aiguë est souvent mortelle par paralysie diaphragmatique entraînant un arrêt
respiratoire (loi du « tout ou rien »). Seuls les rescapés sont donc vus en urgence. Des lésions
du rachis cervical supérieur non traitées laissent planer une menace de mort sur le patient pour
un traumatisme ultérieur a minima. L’analyse des circonstances de l’accident est alors très
importante et l’obtention de clichés radiologiques de bonne qualité centrés sur cette région
cervicale est indispensable, à compléter par un examen tomodensitométrique chaque fois que
nécessaire.
Les lésions les plus fréquentes du rachis cervical supérieur sont osseuses : fractures.
A – LA FRACTURE DE C1
C’est une lésion stable et il faut éliminer une anomalie congénitale. C’est le plus souvent
l’arc postérieur qui est fracturé. Il faut systématiquement chercher une autre lésion. Elle peut
être traité par simple collier mousse pendant un mois, puis rééducation.
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Traumatismes du rachis
Elle est due à la rupture du ligament transverse de C1. Cette entorse est affirmée lorsqu’il
existe un écart anormal entre la face postérieure de l’arc antérieur de C1 et la face antérieure
de l’apophyse odontoïde. Un écart dépassant 3 mm est considéré comme pathologique. Il
s’agit d’une éventualité très rare sans possibilité de réparation du ligament et le traitement est
donc chirurgical par une arthrodèse C1-C2 par voie postérieure. En effet, il existe une menace
de compression du névraxe (de la jonction bulbo-médullaire) par bascule de C1 sur C2.
C’est la plus fréquente des lésions du rachis cervical supérieur et son mécanisme est mal
élucidé. La fracture de l’odontoïde concerne le sujet jeune (accidents de la voie publique et de
sport) mais aussi le sujet âgé (traumatisme mineur sur os fragile). Les signes cliniques sont la
douleur, la contracture musculaire cervicale ou la limitation des mouvements de la tête mais
ces signes peuvent manquer.
Il faut analyser la fracture pour séparer les lésions stables des lésions instables. Les
complications outre l’atteinte neurologique le plus souvent fatale par paralysie respiratoire est
la pseudarthrose de l'odontoïde, c’est-à-dire l’absence de consolidation après 6 mois
d’immobilisation. La pseudarthrose peut entraîner un syndrome médullaire incomplet et laisse
planer une menace vitale au traumatisé. Elle reste un problème thérapeutique délicat qui peut
compromettre la fonction crânio-rachidienne de rotation de la tête.
Les fractures stables sont des fractures non déplacées (« engrainées »), qui ne se
déplacent aux clichés dynamiques prudents et qui consolident par immobilisation par minerve
moulée en plastique rigide triple-appui pendant 3 mois.
- Le niveau du trait de fracture : Les fractures du sommet sont rares, les fractures du
col de l’odontoïde ont un risque élevé de pseudarthrose et les fractures de la base sont
de bon pronostic.
- La direction du trait de fracture : Il est soit horizontal, soit oblique en avant et en bas
(OBAV), soit oblique en arrière et en bas (OBAR). Les OBAR sont de plus mauvais
pronostic car elles se déplacent facilement vers l’arrière par traction de la musculature
cervicale postérieure alors que les OBAV s’impactent plus facilement par le rappel
postérieur de cette musculature.
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Traumatismes du rachis
Ainsi, les éléments péjoratifs sont souvent regroupés : fracture OBAR siégeant au niveau
du col avec écart inter-fragmentaire important. Ce type de fracture expose au risque de
pseudarthrose, source d’instabilité chronique grave, et impose plutôt un traitement chirurgical
de réduction du déplacement par traction à l’aide d’un étrier de Gardner-Wells, puis une
contention au mieux par un vissage axial de l’odontoïde par voie antérieure (cervicotomie
antéro-latérale). Ce traitement chirurgical permet de stabiliser immédiatement l’odontoïde par
la présence de la vis, de recoller l’odontoïde à sa base en réduisant l’écart inter-fragmentaire
(favorise la consolidation) et enfin permet le maintien de la physiologie de l’articulation C1-
C2 autorisant la rotation de la tête. Ce traitement n’est pas réalisable dans les OBAV (car le
trait de fracture se trouve parallèle à la direction du vissage), dans les fractures comminutives
et chez les patients à thorax globuleux. Dans les OBAV très déplacés, le risque de
pseudarthrose peut faire envisager une arthrodèse d’emblée par voie postérieure de type
fixation C1C2 avec greffe osseuse.
C’est la fracture de l’isthme de C2 qui sépare les deux articulaires supérieur et inférieur.
Le mécanisme est une hyper-extension du rachis et de la tête. C’est la « fracture des
pendus ». En effet la pendaison peut provoquer la mort par deux mécanismes : soit par
asphyxie (pendaison « haut et court »), soit par un mécanisme rapide et brutal par section
bulbo-médullaire lorsque le condamné chute dans une trappe entraînant une extension
cervicale brutale. Ce mécanisme a été perfectionné en Grande-Bretagne au 19ème siècle par un
dispositif placé sous le menton qui provoquait une hyperextension majeure et une mort
immédiate.
Ce traumatisme peut provoquer de plus une déchirure du disque C2C3 et ainsi une
entorse grave C2C3 : le bloc tête + C1 + corps de C2 bascule en avant créant sur la
radiographie standard de profil un antélisthésis de C2 sur C3.
Les lésions les plus fréquentes du rachis cervical inférieur sont disco-ligamentaires :
fractures-luxations, luxations et entorses graves.
Les mécanismes des lésions du rachis cervical peuvent être : en flexion (entorse, luxation
bilatérale, tassement cunéiforme antérieur, fracture en tear-drop), en flexion-rotation (luxation
unilatérale), ou en extension avec mécanisme de va-et-vient du cou (coup de fouet).
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Traumatismes du rachis
La stabilité du rachis est le maintien de la cohésion des vertèbres dans toutes les
positions du corps.
- radiologique : rupture du segment mobile rachidien prouvée par l’association d’un écart
inter-épineux important, d’un déchaussement des articulaires postérieures, d’une
translation du mur postérieur d’une vertèbre par rapport à l’autre, d’un pincement ou
bâillement discal ou d’une rupture du mur postérieur du corps vertébral. Ces éléments
radiologiques peuvent être visibles de façon statique ou être démasqués par un cliché
dynamique.
Ainsi, si l’instabilité osseuse pure est rare au niveau du rachis cervical inférieur, ce sont
bien les lésions disco-ligamentaires qui prédominent au niveau du rachis cervical
inférieur et qui exposent aux risques d’instabilité. Les lésions instables sont les entorses
graves, les luxations uni ou bilatérales, les fractures en « tear-drop », les fractures
articulaires ainsi que les fractures corporéales comminutives. L’instabilité est de type
horizontal, aigu et durable, menaçant le névraxe par cisaillement.
- Les entorses bénignes : Elles sont dues à une manœuvre de va-et-vient le plus
souvent par traumatisme mineur. L’examen clinique neurologique ne retrouve aucun signe
déficitaire objectif. Le patient se plaint d’une sensation d’endolorissement passager du cou ou
de cervicalgies accompagnées de signes fonctionnels riches : céphalées, dorsalgies, vertiges,
fatigue, nausées, dépression, anxiété, troubles visuels, paresthésies diffuses. On retrouve à la
palpation du rachis des points douloureux postérieur et antérieur et la mobilité active est
souvent limitée avec des contractures musculaires, mais la mobilisation passive ou douce est
normale. Le bilan radiologique est normal, mais il peut exister une rigidité globale ou
segmentaire de la colonne rachidienne cervicale. Les clichés dynamiques réalisés à distance
sont normaux. Le traitement comprend une immobilisation cervicale par un collier mousse
pour lutter contre la douleur et la contracture jusqu’au renouvellement des clichés
dynamiques. Il est indispensable de ne pas laisser ce collier cervical afin d’éviter au
traumatisé de « s’enkyster » dans son traumatisme. Le traitement dure au maximum 15 jours.
On peut y associer la prescription d’antalgiques, de décontracturants, d’anxiolytiques, puis
une rééducation douce par la suite pour réassurer le patient.
- Les fractures isolées des épineuses ne posent pas de problème de stabilité ainsi que
les tassements cunéiformes antérieurs avec intégrité du mur postérieur. On s’assurera de
l’absence d’entorse grave associée par des clichés dynamiques à distance. Le traitement sera
assuré par une simple immobilisation par collier mousse adapté pendant une durée maximum
d’un mois.
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Traumatismes du rachis
La majorité des lésions instables justifie un traitement chirurgical avec au besoin une
traction pré- et per-opératoire en cas de déplacement des structures vertébrales. L’existence de
signes neurologiques impose une réduction en urgence soit par traction, soit par abord
chirurgical direct. Si l’immobilisation par contention externe est choisie, elle doit se faire pour
une durée de 3 mois associée à une rééducation isométrique sous minerve puis dynamique
ensuite, avec contrôle radiologique mensuel statique, puis dynamique à la fin du traitement.
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Traumatismes du rachis
- La luxation bilatérale : Elle est due à un phénomène d’hyperflexion avec luxation des
deux articulaires postérieures. L’atteinte médullaire est très fréquente. Le diagnostic
radiologique est le plus souvent facile car le déplacement en avant de la vertèbre sus-jacente
luxée est impressionnant. L’accrochage articulaire est réalisé lorsque les articulaires de la
vertèbre supérieure sont en avant des articulaires de la vertèbre inférieure. Lorsque les
articulaires sont situées en bout à bout, l’affrontement des pointes articulaires peut basculer
favorablement en position anatomique ou inversement en position d’accrochage. Le piège est
de méconnaître une luxation de la jonction cervico-thoracique C7-T1 en se contentant de
clichés radiologiques de profil sans voir toutes les vertèbres cervicales. Il s’agit d’une lésion
particulièrement instable dont le traitement est chirurgical, précédé d’une traction cervicale
par étrier de Gardner afin d’essayer d’obtenir une réduction. En cas d’échec de réduction, une
dernière tentative de réduction sous anesthésie générale au moment de la chirurgie est
entreprise ce qui permet de réaliser alors une arthrodèse par voie antérieure selon les
modalités précédentes. Si la réduction n’est pas obtenue, alors l’abord chirurgical se fera par
voie postérieure afin de permettre une réduction sanglante de la luxation puis une arthrodèse.
Les suites et complications post-opératoires sont en général moins compliquées lors d’un
abord par voie antérieure.
- Les fractures comminutives du corps vertébral : Elles sont le plus souvent dues à
une compression axiale et sont associées à une rupture du mur postérieur avec un recul et un
trait de refend corporéal sagittal ou horizontal visible à l’examen tomodensitométrique. Le
traitement sera organisé en fonction des déplacements des structures vertébrales : soit
immobilisation par contention pour 3 mois, soit abord chirurgical précédé ou non d’une
réduction par traction.
C – LES COMPLICATIONS
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Traumatismes du rachis
TRAUMATISMES THORACO-LOMBAIRES
I – RAPPEL ANATOMIQUE
La vertèbre thoracique est différente de la vertèbre lombaire. Cette dernière est plus
massive, le corps vertébral est plus volumineux, les pédicules courts et trapus. Le rachis
dorso-lombaire est rectiligne en plan frontal, les vertèbres thoraciques constituent une
cyphose dans le plan sagittal et les vertèbres lombaires une lordose. La stabilité de la région
thoracique est accrue par l’insertion des côtes à chaque niveau et, les vertèbres lombaires, si
elles constituent une colonne plus massive, sont beaucoup plus souples les unes par rapport
aux autres.
II – NOTION D’INSTABILITE
C’est la clé du traitement des traumatismes du rachis. L’instabilité peut être soit d’origine
osseuse lorsque la fracture est comminutive et la consolidation stabilisera la lésion. Elle peut
être disco-ligamentaire en rompant les éléments du segment mobile rachidien. Dans ce cas, la
cicatrisation des parties molles ne peut pas assurer une stabilisation efficace et la solution
chirurgicale devient définitive. L’instabilité se reconnaît lorsqu’il existe un déplacement
caricatural des vertèbres ou bien lorsque ce déplacement est modéré et qu’il existe des signes
neurologiques déficitaires.
Le segment vertébral moyen défini par Roy-Camille est la région vertébrale dont
l’atteinte fait craindre a priori une instabilité. Ce segment vertébral moyen comprend le mur
postérieur du corps vertébral, les pédicules, les massifs articulaires et la partie initiale
des lames. C’est en fait l’ensemble des structures osseuses qui délimitent le canal rachidien.
III – DIAGNOSTIC
A – CLINIQUE
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Traumatismes du rachis
B – RADIOLOGIQUE
La tomodensitométrie rachidienne centré sur la lésion sans oublier les niveaux sus et
sous-lésionnels donne des coupes axiales en fenêtres osseuses qui permettent une bonne
visualisation des éléments vertébraux mais aussi de l’espace intra-canalaire. Des
reconstructions sagittales sont possibles très rapidement avec les appareils de nouvelle
génération.
L’IRM ne se conçoit qu’en cas de déficit neurologique non expliqué par les clichés
radiologiques standards et l’examen tomodensitométrique. Cet examen est particulièrement
performant pour démontrer une contusion médullaire, un hématorachis, une hernie discale
associée.
IV – LES LESIONS
La zone où l’on observe le plus les fractures est la charnière dorso-lombaire (T12-L1).
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Traumatismes du rachis
V – LE TRAITEMENT
- Rachis stable : Le traitement orthopédique par contention à l’aide d’un corset bivalve
à 3 appuis : manubrium sternal, pubis, charnière dorso-lombaire, ne se conçoit que pour les
lésions stables.
Pour les lésions osseuses de la charnière dorso-lombaire ou des vertèbres lombaires : le
corset est prescrit pendant 3 mois si le mur postérieur est intact, si la cyphose régionale est de
moins de 30°, si le tassement cunéiforme antérieur intéresse moins de la moitié de la hauteur
du corps vertébral.
Le traitement des fractures stables au niveau thoracique peut se passer d’une contention
en raison de la stabilité acquise par le grill thoracique.
- Rachis instable : Les lésions instables sont traitées par chirurgie. L’ostéosynthèse du
rachis permet la stabilisation immédiate et la mobilisation rapide du patient en période post-
opératoire afin d’éviter les complications thrombo-emboliques, cutanées…
Les cals vicieux sont fréquents en l’absence de traitement chirurgical et la non-réduction
d’une attitude vicieuse peut conduire tardivement à une syringomyélie post-traumatique par
trouble de circulation de liquide cérébro-spinal.
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