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L'OBSERVANCE DU DIABÉTIQUE DE TYPE 2 A-T-ELLE UN SENS ?

© Association Psychanalyse et Médecine | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 193.176.84.216)

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André Grimaldi
in Houchang Guilyardi, La livre de chair

Association Psychanalyse et Médecine | « Hors collection »

2012 | pages 37 à 42
ISBN 9782951671133
DOI 10.3917/apm.guily.2012.01.0037
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/la-livre-de-chair---page-37.htm
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L’obervance du diabétique de type 2
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a-t-elle un sens ?

André GRIMALDI

Quatre-vingts pour cent des diabétiques ne suivent pas le


régime équilibré que « devraient suivre les non diabé-
tiques ». Cinquante pour cent oublient de prendre leurs com-
primés au moins une fois par semaine, vingt pour cent
continuent de fumer.

Première conclusion : les diabétiques sont donc des gens


normaux !

Pour connaître la vérité, on peut recourir à la méthode


policière : les résultats discordants jettent la suspicion,
l’électronique cachée apporte la preuve, à moins que le
malade n’avoue, lorsque le médecin rédige l’ordonnance :
« il m’en reste ». Si cette méthode est indispensable pour la
recherche thérapeutique, elle a l’inconvénient pour la pra-
tique clinique de transformer le prescripteur en gendarme.
Plusieurs études ont montré que si la question est posée
avec empathie, la réponse du malade est plus fiable que
l’estimation du médecin.

Deuxième conclusion : pour savoir si le malade prend ses


comprimés, il faut lui poser la question !

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Pour améliorer l’observance, il faut accepter les contraintes.


Pour accepter les contraintes, il faut être motivé. Or, ce qui
motive, ce n’est pas la raison mais le plaisir (la récompense)
ou l’évitement du déplaisir (la punition). Il est donc essentiel
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que le médecin évalue avec le malade le plaisir et le déplaisir,
le pour et le contre du changement comportemental. Or, pour
l’homme comme pour l’animal, le changement de compor-
tement dépend du délai entre l’action et les conséquences de
cette action en terme de plaisir ou de déplaisir. En matière de
type 2, le « pour » est à long terme, c’est-à-dire l’évitement
du déplaisir des complications, tandis que le « contre », c’est-
à-dire la perte du plaisir de la table et l’acceptation du
déplaisir des contraintes thérapeutiques est à court terme. Il
est donc essentiel d’alléger ces contraintes, diminuer le nom-
bre de prises médicamenteuses autant que possible à 1 ou 2
prises par jour, limiter les effets secondaires, faciliter la ritua-
lisation de la prise, adapter le traitement à la vie et non la vie
au traitement (c’est tout le problème de la prescription diété-
tique dans le diabète de type 2 ou l’insulinothérapie
fonctionnelle dans le diabète de type 1).

Troisième conclusion : deux prises ça va, trois prises bon-


jour les dégâts !

Le prix des contraintes dépend évidemment du « locus de


contrôle » du patient, de son soutien social, et de ses projets
de vie. Il dépend aussi de son style de personnalité. Le « pro-
mouvant » ne supporte pas la blessure narcissique, le
« contrôlant » réclame une efficacité immédiate, le « convi-
vial » est dépendant de son entourage, « l’analysant »
respecte soigneusement les règles de la tradition.

Quatrième conclusion : on peut changer de comportement,


on ne peut pas changer de personnalité !

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A-T-ELLE UN SENS ?

Qui sont les non-observants ? Jusqu’à soixante-et-quinze


ans, il n’y a pas de corrélation entre les scores d’observance
et les scores de performance cognitive. Globalement, les non
observants se recrutent plus parmi les adultes jeunes que
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parmi les moins jeunes, plus parmi les hommes que parmi
les femmes, plus parmi les fumeurs que parmi les non-
fumeurs, plus parmi les alcooliques que parmi les non alcoo-
liques, et au moins aux USA, plus parmi les pauvres que
parmi les non pauvres. Ils se recrutent surtout plus parmi les
asymptomatiques que parmi les symptomatiques. En effet,
dès qu’il n’y a pas de symptôme, et particulièrement pas de
douleur, il y a défaut d’observance. Ceci explique que 50 %
des nouveaux hypertendus arrêteront leur traitement à un an
et que 25 % l’arrêteront définitivement, et que 25 % des
rejets de greffe soient dus à des défauts d’observance.

Cinquième conclusion : pour améliorer l’observance, il


faut donc « créer du symptôme » !

Ceci peut paraître paradoxal. C’est pourtant ce que les


médecins font lorsqu’ils proposent aux malades de mesurer
eux-mêmes leurs glycémies ou leur tension. Mais « créer
du symptôme » soulève immédiatement la question : pour
quoi faire ?
On peut ainsi distinguer :
- L’auto-mesure diagnostique, qu’il s’agisse de la mesure
de la pression artérielle ou de la recherche d’une hypoglycé-
mie lors d’un malaise.
- L’auto-mesure de vigilance passive où la multiplication
des contrôles quotidiens pousse le malade dans l’angoisse
obsessionnelle ou dans la frustration-dépression à moins
qu’il n’arrête, adoptant sagement une stratégie d’évitement.
- L’auto-mesure thérapeutique telle qu’elle est pratiquée
dans le diabète de type 1 et qui devrait être transposée dans

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le diabète de type 2. Se posent alors les questions : à quelle


fréquence ? Pour quels objectifs ? Pour quelles décisions thé-
rapeutiques ? C’est autour de la réponse à ces questions que
se noue l’alliance thérapeutique entre soignants et soignés.
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Sixième conclusion : l’auto-surveillance glycémique n’est
utile que si l’on s’en sert !

L’auto-surveillance glycémique passive n’entraîne en effet


que frustration et angoisse. Plus généralement, l’angoisse est
le maître mot de cette maladie, qu’il s’agisse de l’angoisse
des complications à long terme, de l’angoisse de
l’hyperglycémie immédiate qui annonce les complications
de demain.

Face à cette angoisse diffuse, le malade peut recourir à


trois stratégies. Il peut utiliser une stratégie d’évitement,
conséquence du déni ou de la dénégation. Il s’agit moins
pour le praticien d’insister sur la gravité des conséquences
de cette stratégie d’évitement, aggravant par ses propos
l’angoisse cause de l’évitement, que d’interroger avec empa-
thie le patient sur le pourquoi du déni. Le malade peut
recourir à une stratégie émotionnelle allant de l’auto-sugges-
tion aux croyances de santé. Là encore, il ne s’agit pas
d’opposer à une stratégie émotionnelle une stratégie ration-
nelle, mais de comprendre qu’il s’agit de composer et de
« faire avec ». Enfin, 50 % des patients environ adoptent une
stratégie de résolution de problème. Encore faut-il proposer
une participation active aux décisions thérapeutiques grâce à
l’auto-contrôle glycémique.

Septième conclusion : jamais la connaissance d’un risque


ne suffit à elle seule à entraîner un changement de compor-
tement.

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L’OBERVANCE DU DIABÉTIQUE DE TYPE 2
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Les moments d’angoisse sont des moments privilégiés


pour l’éducation thérapeutique. Qu’il s’agisse du diagnos-
tic de la maladie, de l’apparition des premières
complications voire des premiers symptômes dus aux com-
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plications (il est alors bien tard !), surtout des événements
de la vie… Parfois même, l’opposition aux traitements
médicamenteux peut être une chance à saisir. Un certain
nombre de patients, confondant en effet la maladie et son
traitement, croient qu’en refusant le traitement ils échap-
peront à la maladie. On peut alors transformer cette
motivation « contre » les médicaments ou l’insuline, en
motivation « pour » (pour le régime, pour l’activité phy-
sique, pour l’auto-contrôle glycémique), et de contrats
comportementaux en contrats glycémiques, aider le patient
à réaliser le travail de deuil qui lui permettra d’accepter le
traitement qu’initialement il refusait.

Huitième conclusion : avec un « yes man » il n’est pas pos-


sible de négocier !

Il existe une relation entre la motivation du médecin et les


résultats obtenus par ses patients. Lorsque les médecins ont
un objectif plus strict, les patients ont une HbA1c meilleure,
malgré un nombre d’hypoglycémies plus sévères. Il serait
cependant erroné de conclure que la relation médecin-
malade est dominée par la raison. C’est au contraire une
preuve supplémentaire de l’importance de l’émotion dans
cette relation. La relation médecin-malade est en effet au
cœur du problème de l’observance thérapeutique. Il s’agit
d’abord pour le médecin d’éviter les contre-attitudes médi-
cales allant de la résignation à la dramatisation des risques
en passant par la banalisation des contraintes, le jugement
moralisateur, la médicalisation bio-technologique répondant
à un problème psychosocial par la prescription d’examens

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complémentaires et/ou par une escalade médicamenteuse.


Ces contre-attitudes médicales tiennent au modèle culturel
dominant en médecine qui est à la fois celui de la maladie
aiguë grave et du modèle scientifique qui supposent
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l’objectivation de l’être humain. Au cours de la maladie
aiguë grave, où la relation médecin-malade est de type
parent-enfant, le malade est passif et la compliance par défi-
nition excellente, alors que la maladie chronique fait toute
sa place à la subjectivité du patient dans un rapport méde-
cin- malade de type adulte-adulte où le malade actif prend
l’essentiel des décisions pratiques. La notion d’observance
a alors peu de sens et doit être remplacée par celle de diffi-
cultés normales à suivre le traitement.

Neuvième conclusion : l’observance n’a de sens ni dans la


maladie aiguë grave ni dans la maladie chronique, où elle
doit être remplacée par les difficultés à suivre le traitement.

Conclusion des conclusions : le patient bénéficiant d’une


éducation thérapeutique est au centre de la contradiction
entre sa subjectivité de malade-malade et l’objectivation
qu’on lui demande en tant que malade-médecin. Cette
contradiction ne peut pas être résolue. Elle peut seulement
être gérée dans un partenariat entre patient et soignant.

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