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HALLUCINOGÈNES ET CULTURE

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Une approche neuroanthropologique de l’expérience psychédélique

David Dupuis, Lucie Berkovitch

Éditions Matériologiques | « PSN »

2020/3 Volume 18 | pages 37 à 57


ISSN 1639-8319
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-psn-2020-3-page-37.htm
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PSN volume 18, n° 3/2020
NEUROSCIENCES & SCIENCES HUMAINES
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Hallucinogènes et culture
Une approche neuroanthropologique
de l’expérience psychédélique

Hallucinogens and culture : A neuroanthropological


approach to the psychedelic experience

David Dupuis (auteur correspondant), docteur en anthropologie, chercheur


post-doctorant (Durham University), david.dupuis2@gmail.com
Lucie Berkovitch, docteure en médecine, docteure en neurosciences.
Cheffe de clinique assistante, Service Hospitalo-Universitaire, Pôle Hospitalo-
Universitaire Psychiatrie Paris 15, GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences,
Centre Hospitalier Sainte Anne, l.berkovitch@ghu-paris.fr

Résumé : Si l’étude comparative de l’usage des hallucinogènes dans différentes sociétés a conduit
de nombreux observateurs à défendre une approche culturaliste de l’expérience psychédé-
lique, les vecteurs par lesquels les caractéristiques des hallucinations sont façonnées par des
facteurs sociaux ont toutefois été jusqu’à présent peu explorés. À partir des données recueil-
lies au cours d’une enquête ethnographique menée en Haute Amazonie péruvienne, nous
avons récemment proposé des premières pistes afin d’éclairer, d’un point de vue anthropo-
logique, les fondements de cette dynamique, que nous avons désigné par le terme de « socia-
lisation des hallucinations ». Cet article propose d’explorer les implications neurocognitives
de ces observations ethnographiques et de cette modélisation anthropologique. Il s’agit là
d’une première tentative d’évaluer ce que l’approche neuroanthropologique est à même
d’apporter à l’intelligence du phénomène hallucinatoire et de l’expérience psychédélique.
Mots-clés : Hallucinations, psychédéliques, anthropologie, neurosciences, neuroanthropologie.
Abstract : While the comparative study of the use of hallucinogens in different cultures has led
many observers to defend a culturalist approach to the psychedelic experience, the vectors
by which the characteristics of hallucinations are shaped by social factors have so far been
little explored. Based on the data collected during an ethnographic survey conducted in the
Peruvian High Amazon, we recently proposed some initial avenues to shed anthropological
light on the foundations of this dynamic, which we decided to refer to as the “socializa-
tion of hallucinations”. This article proposes to explore the neurocognitive implications of
these ethnographic observations and this anthropological modeling. This is a first attempt
to evaluate what the neuroanthropological approach can bring to the understanding of the
hallucinatory phenomenon and the psychedelic experience.
Keywords : Hallucinations, hallucinogens, psychedelics, anthropology, neuroscience,
neuroanthropology.
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Introduction
D’un point de vue neuropharmacologique, les substances dites « psychédé-
liques » ou « hallucinogènes » (telles que celles contenues dans les champignons
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à psilocybine, les cactus à mescaline, les espèces d’Anadenanthera et de Virola
utilisées sous forme de poudre à priser ou les banisteriopsis servant de base à la
préparation du breuvage ayahuasca) présentent une certaine homogénéité. Elles
ont en effet toutes en commun de contenir des alcaloïdes agonistes des récep-
teurs de la sérotonine (5-HT)1 [52]. Le contexte dans lequel ces substances sont
consommées influence toutefois très fortement l’expérience de l’usager [38].
Alors que Timothy Leary a proposé les termes set & setting pour désigner ces
facteurs extra-pharmacologiques façonnant l’expérience psychédélique [38, 51],
Claude Lévi-Strauss [53] abordait les hallucinogènes comme « des déclencheurs
et des amplificateurs d’un discours latent que chaque culture tient en réserve et
dont les drogues permettent ou facilitent l’élaboration » [53]. Étudier les propriétés
des psychédéliques dans des conditions expérimentales est aujourd’hui encore
considéré par les pharmacologues comme un véritable défi, tant les effets de ces
substances sont connus pour leur forte dépendance au contexte d’usage [50].
L’objectif de cet article est de proposer une approche articulant l’anthro-
pologie sociale aux neurosciences en vue d’éclairer les vecteurs par le biais
desquels les facteurs sociaux et culturels façonnent l’expérience psychédé-
lique. Il s’agit là d’une première tentative d’évaluer ce que l’approche neu-
roanthropologique, qui propose d’intégrer des concepts, des méthodologies et
des pratiques issus à la fois de l’anthropologie et des neurosciences [22, 23,
56], est à même d’apporter à l’intelligence du phénomène hallucinatoire et de
l’expérience psychédélique2.

1. S’il existe aujourd’hui un consensus sur le fait que le récepteur 5-HT2A est la principale
cible des hallucinogènes sérotoninergiques dans le cerveau, ces substances peuvent être
divisées en trois classes principales : les phénéthylamines, les tryptamines et les ergolines.
Les phénéthylamines sont relativement sélectives pour les sous-types 5-HT2, tandis que les
tryptamines se lient à un plus grand nombre de sites, dont la plupart des récepteurs 5-HT et
les sites σ1. Les ergolines, en revanche, sont encore moins sélectives et interagissent avec
les récepteurs sérotoninergiques, dopaminergiques, adrénergiques et histaminergiques.
2. Ce champ de recherche émergent a d’ores et déjà produits des analyses originales por-
tant notamment sur l’étude de capacités humaines comme l’équilibre (souvent supposé être
quelque chose d’inné), de la manière dont des pratiques comme la méditation façonnent et
se greffent sur le fonctionnement neuronal, ou de la dimension interactive de pathologies
comme l’addiction et l’autisme [22-23].
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Si l’étude comparative de l’usage des hallucinogènes au sein de différents


groupes sociaux montre que certaines caractéristiques des expériences induites
par les plantes et les champignons sérotoninergiques sont similaires (par
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exemple, les hallucinations visuelles dites « entoptiques » c’est-à-dire compo-
sées de motifs géométriques), d’autres varient considérablement d’une culture
à l’autre (par exemple, la tonalité émotionnelle, la signification symbolique ou
les composantes phénoménologiques des hallucinations) [31, 64]. De nombreux
ethnographes ont remarqué une relative homogénéité des caractéristiques de
l’expérience hallucinatoire au sein d’un même groupe social, et ont été conduits
à défendre une approche culturaliste des hallucinations psychédéliques [53, 58,
74]. Certains éléments ont été proposés pour éclairer les variables culturelles
de l’expérience hallucinogène : savoirs mythologiques et cosmologiques [62],
système de parenté ou représentations iconographiques [48].
Les vecteurs par lesquels les caractéristiques phénoménologiques des hal-
lucinations sont structurées par des facteurs sociaux ont toutefois été jusqu’à
présent peu explorés et nécessitent une étude plus approfondie. Si les recherches
cliniques portant sur les substances psychédéliques se multiplient depuis une
quinzaine d’années [8] et que ces travaux montrent un intérêt croissant pour les
facteurs extra-pharmacologiques [11], se distinguant par-là de la première vague
des années cinquante, nous manquons encore d’études systématiques sur les
fondements de ces phénomènes [39]. Une meilleure compréhension des méca-
nismes contextuels façonnant l’expérience hallucinogène pourrait contribuer à
réduire les risques associés à l’usage de ces substances pour augmenter leurs
effets thérapeutiques potentiels [38]. Dans le contexte de la renaissance de la
recherche clinique psychédélique, la caractérisation des facteurs sociaux de l’ex-
périence psychédélique est donc appelée à devenir une question d’importance.
L’analyse comparative des pratiques sociales entourant l’utilisation du breu-
vage psychotrope ayahuasca3 en Amazonie révèle l’importance des facteurs
extra-pharmacologiques de l’expérience hallucinogène. Les éléments culturels
et symboliques (tels que les théories cosmologiques et étiologiques) ainsi que
les caractéristiques des dispositifs rituels semblent en effet influencer fortement
les propriétés formelles de l’imagerie visuelle et auditive (« visions » et « voix »)

3. Le terme ayahuasca désigne une liane (Banisteriopsis caapi) ainsi que le breuvage dont
elle est l’ingrédient principal. Cette boisson aux effets psychotropes et émétiques utilisée en
Amazonie occidentale dans le cadre du chamanisme indigène et métis est en France classée
sur la liste des stupéfiants depuis 2005.
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perçue par les participants [4, 21, 48, 62]. À partir des données recueillies lors
d’une enquête ethnographique menée en Haute Amazonie péruvienne, l’un des
auteurs de cet article a récemment proposé de premières pistes afin d’éclairer,
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d’un point de vue anthropologique, les fondements de cette dynamique, dési-
gnée sous le terme de « socialisation des hallucinations » [24-25]. Distinguant
deux niveaux de socialisation des hallucinations, il a fait valoir que les savoirs
culturels et les interactions sociales organisent non seulement la relation à
l’expérience hallucinogène, mais aussi son contenu phénoménologique. Il a
ainsi été proposé, pour chacun de ces niveaux d’enculturation, deux facteurs
candidats. L’éducation de l’attention et la catégorisation des perceptions pour
le premier ; le façonnement des émotions et des attentes pour le second.
Cet article vise à explorer les implications neurocognitives de ces observations
ethnographiques et de cette première modélisation anthropologique. À cette fin,
nous présenterons d’abord brièvement les résultats d’une enquête ethnographique
conduite dans un centre chamanique de Haute Amazonie péruvienne. Nous nous
attacherons dans un second temps à éclairer ces observations et le modèle de
« socialisation des hallucinations » par les mécanismes neurocognitifs susceptibles
de participer au façonnement culturel de l’expérience psychédélique.

1. Takiwasi, un centre chamanique


d’Amazonie péruvienne
À la fin des années 1990, des ouvrages [59] et documentaires réactivent la
figure populaire du « chamane » élaborée à partir des années 1960 dans le cadre
de la contre-culture [12], tout en faisant découvrir l’existence de l’ayahuasca
au grand public. Ces œuvres, qui connaissent alors un certain succès, diffusent
les principaux éléments qui ont présidé à l’émergence de ce qu’il est désormais
convenu d’appeler « tourisme chamanique » [30] : idéalisation primitiviste des
populations autochtones, élaboration de la figure du « chamane » comme guide
spirituel et thérapeute des modernes, valorisation de l’usage thérapeutique des
hallucinogènes. La diffusion de ces motifs a constitué une sorte de mythologie
populaire conduisant un nombre croissant d’Occidentaux à voyager vers les
grandes villes d’Amazonie péruvienne en vue de « s’initier au chamanisme »
et de « rencontrer l’ayahuasca », la plante psychotrope étant perçue dans les
ontologies autochtones de la région comme un sujet doté d’une agentivité et
d’une intentionnalité propres [19].
Ces « touristes chamaniques », hommes ou femmes, d’un âge fluctuant
entre 20 et 60 ans, proviennent majoritairement des classes moyennes et supé-
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rieures des milieux urbains d’Europe et d’Amérique du Nord. À la recherche


de thérapies alternatives, leur venue en Amazonie s’inscrit dans un parcours
d’expérimentation de diverses formes de psychothérapie et de développement
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personnel visant la guérison de souffrances physiques ou psychologiques.
Nombreux sont ceux qui présentent par ailleurs leur séjour comme une quête
spirituelle. La participation à des pratiques rituelles perçues comme « chama-
niques » s’inscrit en ce sens dans une forme de religiosité caractéristique de la
modernité occidentale. Édifiée sur l’accumulation d’« expériences spirituelles »
empruntées à divers horizons culturels et la construction individualisée d’un
système de croyances, cette forme de religiosité renvoie le plus souvent à une
pratique modulable, individuelle et irrégulière [41].
Au cours des vingt dernières années, de nombreux lieux d’accueil destinés
à cette clientèle sont apparus en bordure des métropoles de la région (Iquitos,
Pucallpa, Tarapoto). Ces « centres chamaniques » [54] reposent le plus souvent
sur le partenariat d’Occidentaux et de locaux métis ou indigènes. Elles pro-
posent sous la forme de « stages » la participation à des activités rituelles présen-
tées comme relevant de la « médecine traditionnelle amazonienne ». Articulant
des éléments discursifs et pragmatiques provenant d’horizons culturels très
divers, les dispositifs proposés par ces institutions s’inspirent plus ou moins
librement de certaines pratiques propres au chamanisme métis péruvien, au
premier rang desquelles l’usage ritualisé de l’ayahuasca.
Fondée dans les années 1990 par le médecin français Jacques Mabit,
Takiwasi est à la fois une clinique de traitement des addictions mêlant psycho-
thérapie, médecine allopathique et pratiques du chamanisme métis péruvien,
et l’un des principaux centres d’accueil des clients occidentaux se rendant en
Amazonie péruvienne pour « rencontrer l’ayahuasca », qui participent à des
stages appelés « séminaires d’évolution personnelle ».
Rassemblant une quinzaine de participants pour une durée de deux semaines,
les séminaires proposés par Takiwasi comportent plusieurs étapes : rituels centrés
sur l’ingestion de plantes émétiques et d’ayahuasca, retraite de quelques jours
dans la jungle impliquant la consommation d’autres préparations végétales
(« diète »), conférences introductives, groupes de parole et entretiens indivi-
duels. La participation à ces activités implique le respect de diverses prohibitions
alimentaires (porc, condiments piquants, alcool), relationnelles et sexuelles.
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2. L’expérience de l’ayahuasca à Takiwasi


L’ingestion d’ayahuasca implique le plus souvent nausée, vomissement,
diarrhée, sensations de variations de température, étourdissements, troubles du
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rythme cardiaque. La survenue d’angoisse, de confusion de la perception du
temps et de l’espace, d’altération de la proprioception et de troubles dissocia-
tifs est fréquente, alors que les perceptions et les émotions sont généralement
exacerbées. La perception d’hallucinations visuelles, tactiles (sensations de
frôlement, de toucher), olfactives, gustatives et auditives (sons, mélodies,
voix) est également régulièrement rapportée. Les participants des séminaires
témoignent ainsi de la production d’une riche imagerie visuelle – propriété
qui a donné́ sa réputation d’« hallucinogène » à la préparation végétale. Ces
images mentales, ici appelées « visions », sont généralement composées de
formes « géométriques » lumineuses et colorées. Les hallucinations visuelles
peuvent également prendre des formes plus figuratives. De nombreux partici-
pants rapportent ainsi la perception d’animaux, d’êtres anthropomorphes ou
d’êtres mixtes mêlant éléments humains, végétaux et animaux qui émergent et
évoluent au sein de riches tableaux hallucinatoires.
Les caractéristiques formelles de ces récits hallucinatoires sont congruentes
avec les descriptions recueillies par les psychologues au cours d’études
expérimentales portant sur les hallucinations induites par les psychédéliques
[70], ainsi qu’avec les travaux comparatifs [69] ou les relations ethnographiques
portant sur l’usage de l’ayahuasca [13,18, 20, 21, 63]. Les témoignages de la
clientèle des séminaires proposés par Takiwasi présentent toutefois une certaine
homogénéité dans leurs formes et dans leurs thématiques qui les rendent tout
à fait singulières.
Au cours de l’enquête ethnographique, certaines visions étaient en effet
rapportées avec une grande régularité. De nombreux participants témoignent
ainsi de la perception d’entités menaçantes désignées comme des « démons »,
qu’ils décrivent le plus souvent comme en lutte contre des entités protectrices
telles qu’esprits de la nature ou entités du panthéon chrétien.
« J’ai souvent vu des démons. Ils flottaient dans les airs, à côté des gens, ils voulaient
entrer dans leur corps ou alors ils étaient déjà à l’intérieur. J’ai senti plusieurs fois des
présences négatives à côté qui me surveillaient et qui ne voulaient pas me lâcher. »
« J’ai dû voir des démons huit ou neuf fois en sessions d’ayahuasca, ça a commencé
vers le deuxième ou le troisième mois de traitement. Le plus souvent ils m’obser-
vaient, se cachaient, et tentaient de m’intimider. »
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« À un moment j’ai eu une vision avec l’archange saint Michel qui perçait un démon
avec son épée, comme dans les images religieuses. Plus tard j’ai senti la présence
du Christ, qui regardait dans mon dos, où étaient accrochées des chaînes reliées
à une cage. J’ai vu mes démons rire parce qu’il fallait que je traîne ma cage pour
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avancer dans la vie. Ils m’asticotaient tout le temps, comme s’ils me violaient. […]
Quand le Christ a vu les chaînes et la cage, il a dit que ça n’avait rien à faire ici et
il a donné un coup de pied pour envoyer valser tout ça. »
« Il y avait tous ces démons qui me parasitaient à l’intérieur, mais je voyais l’aya-
huasca qui les chassait, comme plein de petits serpents lumineux à l’intérieur de
mon corps qui circulaient et qui nettoyaient tout ça. […] Plus tard j’ai vu l’aya-
huasca. C’était une sorte de femme avec le bas du corps en serpent, qui me montrait
comment les démons étaient rentrés, ce que j’avais fait, et du coup ce que je devais
faire pour qu’ils n’entrent plus. »

Ces récits d’expérience évoquent de manière frappante le corps de


représentations cosmologiques et étiologiques qui caractérise Takiwasi et la
distingue tant du chamanisme autochtone de la région que des autres centres
chamaniques. L’élément central de cette théorie est le concept d’« infesta-
tion ». Emprunté à la théologie catholique, ce concept désigne initialement
un mode d’influence démoniaque plus mineur et courant que la possession,
caractérisée par la présence d’une entité démoniaque malmenant le sujet en
affectant sa santé, sa foi, sa santé ou ses pensées [5]. À Takiwasi, l’infestation
désigne une relation de type parasitaire entretenue avec un ou des êtres sur-
naturels malveillants de nature démoniaque. Cette affection, pensée comme à
l’origine de troubles physiques et de perturbations psychologiques, est décrite
comme la conséquence de la transgression de tabous (consommation de drogue,
sexualité, pratiques magiques, spiritisme, etc.), de contacts avec des lieux ou des
personnes, ou encore du fait d’une transmission par le biais de la filiation. Ce
mal est enfin présenté comme nécessitant un traitement spécifique, consistant
en la purification du sujet par le biais de l’absorption de préparations émétiques,
de l’ayahuasca ainsi que de pratiques proposées par l’Église catholique, telles
que l’exorcisme [26-27].
Cette théorie, élaborée par les principaux acteurs de l’institution au cours des
vingt dernières années, révèle le recours grandissant au corps doctrinal catho-
lique et à l’institution ecclésiale, qui a profondément influencé la forme et la
fonction des pratiques proposées par Takiwasi. Le rituel d’ayahuasca est en effet
caractérisé ici par l’usage de la prière d’exorcisme, du crucifix, de l’eau bénite
ainsi que par la mobilisation des principales figures du panthéon catholique.
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Takiwasi offre en ce sens un exemple tout à fait original des recompositions


contemporaines des pratiques labélisées « chamaniques » centrées sur l’usage
de l’ayahuasca en Amazonie [47, 55].
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3. Les dynamiques neurocognitives
de la socialisation des hallucinations
3.1. Le pari de la perception
L’expérience psychédélique se caractérise comme on le voit par le fait
qu’elle fait ici l’objet d’une mise en récit et d’un traitement narratif. En ce
qu’elles sont susceptibles d’être rapportées verbalement, les composantes de
l’expérience psychédélique peuvent donc être abordées comme des représen-
tations conscientes.
D’un point de vue neurocognitif, la prise de conscience d’une information
repose sur différents mécanismes [17]. Alors que le cerveau traite en perma-
nence et automatiquement une myriade d’informations inconscientes, seule
une petite fraction d’entre elles est sélectionnée pour accéder à la conscience.
La prise de conscience d’une de ces informations débute habituellement par la
focalisation attentionnelle du sujet sur un élément de l’environnement extérieur
ou de son monde intérieur. L’information doit être suffisamment intense pour
être saisie par l’attention. Une image projetée sur un écran pendant une durée de
quelques millisecondes ne pourra par exemple pas être perçue consciemment,
même si le sujet y consacre toute son attention. La focalisation attentionnelle
permet d’amplifier l’information et favorise sa transmission des aires cérébrales
sensorielles à un réseau de neurones qui envoie simultanément l’information
à de nombreuses régions cérébrales, lui permettant d’être maintenue, manipu-
lée et de faire l’objet de nombreux processus cognitifs de haut niveau. Cette
coordination de plusieurs régions cérébrales autour d’une même information
correspondrait en tant que telle à la prise de conscience et se traduit par une
activation cérébrale intense et diffuse, objectivable en imagerie cérébrale et cor-
rélée à la capacité des sujets à rapporter verbalement le contenu de leur pensée.
Dans cette perspective, les principaux paramètres influençant la prise de
conscience sont l’intensité de l’information, l’attention qui lui est portée et la
capacité du cerveau à mettre en communication plusieurs de ses aires céré-
brales afin qu’elles partagent cette information. Les croyances et savoirs du
sujet jouent également un rôle central dans la prise de conscience, et ce tout
d’abord parce que l’attention va être guidée par les attentes du sujet et ce qu’il
cherche à explorer. Ainsi, ce qui attire l’attention du sujet, que ce soit parce
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que cela correspond à ce qu’il recherche ou parce qu’il s’agit d’un stimulus
particulièrement saillant, aura plus de probabilité d’être perçu consciemment.
Les modèles neurocognitifs d’inspiration bayésienne abordent ainsi la percep-
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tion finale du sujet comme le résultat d’une combinaison entre ses a priori et
ses entrées sensorielles [49]. La perception ne saurait en ce sens être comprise
comme le fait d’une réception passive d’informations par les organes sensoriels.
Elle apparaît plutôt comme un pari prédictif émergeant de la rencontre des
attentes et des stimuli sensoriels, lesquels sont de ce fait ramenés à des formes
répertoriées par les savoirs acquis et les expériences passées.
En effet, les entrées sensorielles brutes sont toujours ambiguës et incertaines
(par exemple un objet peut être petit par nature ou perçu comme petit parce qu’il
est éloigné). La représentation consciente qui résulte des entrées sensorielles
est donc une interprétation possible, parmi d’autres, fortement affectée par les
connaissances antérieures (connaître la taille habituelle d’un objet peut ainsi aider
à estimer la distance qui le sépare de nous). Un exemple paradigmatique de cette
dynamique est l’illusion d’optique, procédé par lequel une entrée sensorielle
ambiguë donne naissance à une représentation mentale consciente trompeuse,
fondée sur les connaissances antérieures du sujet. L’état actuel des connaissances
scientifiques ne permet pas encore de connaître avec précision le processus neu-
rocognitif par le biais duquel la multitude d’interprétations possibles d’une entrée
sensorielle est réduite à une unique perception consciente. Cependant, le contraste
entre le traitement parallèle des informations inconscientes et la synchronisa-
tion de l’activation des aires cérébrales autour d’une représentation consciente
singulière, ainsi que l’absence d’accès conscient à ces diverses interprétations
concurrentes de la réalité suggèrent que c’est au moment de la prise de conscience
qu’une interprétation est privilégiée aux dépens de toutes les autres [16].
Ces remarques préliminaires sur les relations entre perception et représenta-
tions mentales soulignent ainsi que les savoirs acquis, les souvenirs, les contextes
symboliques et les savoirs culturels sont fort susceptibles d’affecter le contenu
phénoménologique de l’expérience psychédélique. En majorant l’ambiguïté per-
ceptive, les propriétés psycho-pharmacologiques des substances psychédéliques
pourraient en outre rendre les sujets plus enclins à l’interprétation, interprétation
dont on a vu qu’elle est fortement dépendante du contexte de l’expérience.
3.2. Le façonnage des attentes
Les témoignages rapportés par les participants du dispositif proposé par
Takiwasi apparaissent en ce sens comme la mise en scène hallucinatoire des
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traits culturels et rituels propres à l’institution. L’observation des usagers


expérimentés (patient toxicomane en fin de traitement, clients de plusieurs
séminaires successifs) comme le suivi au long cours des participants souligne
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par ailleurs la dimension progressive de l’émergence de ces motifs, qui nous
invite à l’aborder comme un apprentissage.
À l’instar de nombreuses pratiques cérémonielles mobilisant l’usage de
substances hallucinogènes, l’expérience psychédélique est ici l’objet d’une mise
en cohérence narrative qui l’inscrit dans le jeu de langage du groupe social. Les
interactions encadrant l’expérience psychédélique (conférences introductives,
groupes de parole, interactions rituelles), en éduquant l’attention du participant
et en affectant les procédures de catégorisation des perceptions, sont suscep-
tibles de structurer la manière d’organiser et d’interpréter les « visions », qui
deviennent de ce fait fréquemment le support de la rencontre d’entités surna-
turelles culturellement postulées. Les interactions discursives et pragmatiques
ainsi que les éléments iconographiques entourant l’expérience psychédélique,
qui apparaissent comme autant d’opérateurs de « socialisation des hallucina-
tions », semblent enfin à même, par le façonnage des attentes des participants,
de formaliser le contenu de l’expérience hallucinatoire. Le dispositif proposé
apparaît donc non seulement comme en mesure d’induire des « visions » et
d’organiser la relation entretenue avec elles, mais également d’influencer pro-
gressivement leur contenu phénoménologique.
Le cas des perceptions hallucinatoires témoigne ainsi du poids des savoirs,
attentes, prédispositions, croyances et émotions du sujet sur l’expérience. Comme
l’a souligné́ l’anthropologue Carlo Severi [67-68] dans le cadre de sa réflexion
sur l’espace chimérique, toute appréhension d’image est gouvernée par la pro-
jection des savoirs acquis sur un support sensoriel. À l’instar des perceptions
ordinaires, les hallucinations psychédéliques résulteraient ainsi d’une combinai-
son entre les a priori et les entrées sensorielles. Notons que les a priori peuvent
influencer la perception à différents égards. Le sujet peut d’abord entretenir des
attentes quant à l’effet qu’aura un produit psychoactif sur ses perceptions en
fonction des connaissances théoriques et du savoir expérientiel qu’il en a. Les
motifs pour lesquelles le sujet consomme la substance, le contexte dans lequel
la consommation a lieu et l’ensemble des représentations culturelles associées à
la substance constituent en outre autant de facteurs qui vont orienter l’attention
du sujet sur certains aspects de son expérience et modifier les informations qui
s’imposeront préférentiellement à sa conscience. À l’échelle même de la percep-
tion, la résolution des ambiguïtés perceptives sera donc guidée par ces attentes.
| David Dupuis & Lucie Berkovitch |
47
| Hallucinogènes et culture |

3.3 Hallucinations et culture. Etiologie des « visions »


Le cas particulier des hallucinations psychédéliques semble toutefois marqué
par une surimposition accrue des attentes sur les stimuli perceptifs. L’usage
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des substances hallucinogènes telles que l’ayahuasca ainsi que les contextes de
privation sociale et sensorielle tels que la diète – qui constituent les deux princi-
pales modalités d’induction de « visions » mobilisées par les sociétés humaines
– semblent en ce sens favoriser un dérèglement des relations entre prédictions,
attentes et environnement perceptif, conduisant de ce fait à l’émergence de ce
qui est communément nommé « hallucinations ».
Plusieurs mécanismes neurocognitifs sont susceptibles de contribuer à cette
dynamique. Tout d’abord, comme d’autres substances psychédéliques, l’aya-
huasca augmente l’activité cérébrale dans les aires sensorielles, notamment les
aires visuelles, quand bien même les participants auraient les yeux fermés [2,
10]. Cette majoration de l’activité spontanée pourrait entraîner une confusion
entre les entrées visuelles et l’imagerie visuelle interne, déstabilisant par-là la
perception de la réalité et rendant ses contours plus mouvants. Dans le registre
de la pathologie, il a été montré que l’apparition de phénomènes hallucina-
toires chez des personnes ayant fait l’objet d’un diagnostic de psychose était
également associée à des changements d’activité dans les zones sensorielles
correspondant aux modalités de leurs hallucinations [43]. Plus l’ambiguïté de
l’entrée sensorielle est grande et plus la place laissée aux a priori est importante
[32]. De nombreuses études modélisent ainsi les hallucinations survenant au
cours d’épisodes psychotiques comme un déséquilibre entre entrées sensorielles
et a priori [1].
Un autre paramètre susceptible d’accroitre le poids des interactions sociales
et des savoirs culturels sur le contenu des perceptions hallucinatoires est l’état
de désynchronisation cérébrale entraîné par les substances psychédéliques [9].
Les usagers de psychédéliques rapportent fréquemment la perception de mou-
vements au sein ou aux abords d’objets inanimés (visions en forme de volutes
ou de bourgeonnement, impression que le monde extérieur respire). Ces phéno-
mènes pourraient naître de l’incapacité à maintenir une perception unique stable
à partir d’entrées sensorielles ambiguës qui seraient perçues simultanément ou
alterneraient rapidement, créant une sensation artificielle de mouvement. Les
modifications de la connectivité cérébrale permettant à des régions habituel-
lement indépendantes d’être reliées entre elles pourraient également rendre
compte des phénomènes synesthésiques qui sont fréquemment rapportés par les
usagers. Cette instabilité des représentations pourrait rendre les sujets encore
| PSN, vol. 18, n° 3/2020 |
48 | Neurosciences & sciences humaines |

plus perméables à l’influence du contexte social et culturel lors de l’expérience


psychédélique.
Enfin, lors de la prise de psychédéliques, l’activité du réseau cérébral du
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« mode par défaut » habituellement activé lors du repos ou de la focalisation sur
soi est diminuée et désynchronisée [60]. Ce régime cognitif a été récemment
mis en lien avec la dissolution de l’égo, la mise à distance des problématiques
personnelles du participant et le sentiment de communion avec le monde exté-
rieur [57]. Les modifications perceptives pourraient alors refléter non pas une
plus grande ambiguïté des entrées sensorielles mais une diminution de la place
laissée aux a priori dans la perception finale [7].
S’il ne s’agit là que de premières suggestions qui mériteraient de faire l’objet
d’investigations futures, ces remarques gagnent à être confrontées aux données
portant sur d’autres situations rituelles, au cours desquelles les participants
peuvent également entrer en communication avec des entités surnaturelles
culturellement postulées, et ce sans intervention pharmacologique. Ces expé-
riences, historiquement qualifiées de « transe », ont été comprises comme le fait
d’états de conscience modifiée auto-induits caractérisés par une diminution de
l’attention portée sur le monde extérieur et un enrichissement de l’imagerie
mentale associé à des modifications somato-sensorielles et une altération de
la perception de soi et du temps [29]. Toutefois, les rares études d’imagerie
dédiés à la transe montrent des résultats différents de ceux obtenus chez les per-
sonnes sous psychédéliques [34]. En particulier, en état de transe, l’activation
du « mode par défaut » serait majorée, reflétant une plus grande attention portée
sur le monde intérieur tandis que l’activité des régions pariétales serait dimi-
nuée. Il semble donc que des états de conscience différents puissent favoriser
l’émergence d’expériences très semblables, et ce, bien que leurs mécanismes
ainsi que leurs corrélats cérébraux soient ici distincts : action pharmacologique
de substances psychédéliques d’une part, hyperfocalisation attentionnelle sur
soi volontaire de l’autre.

4. Un apprentissage social
Bien qu’elles mobilisent des mécanismes neurocognitifs distincts, les expé-
riences psychédéliques comme les expériences de transe ont en commun d’être
façonnées par l’apprentissage social. Les observations ethnographiques pré-
sentées plus haut soulignent en effet l’évolution des récits hallucinatoires, qui
deviennent de plus en plus homogènes au gré de la participation des sujets aux
rituels proposés.
| David Dupuis & Lucie Berkovitch |
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| Hallucinogènes et culture |

La durée de l’exposition aux pratiques proposées semble ainsi jouer un


rôle majeur dans la dynamique de socialisation des hallucinations. Le degré de
stéréotypisation de l’expérience hallucinatoire semble en effet beaucoup plus
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important chez les usagers expérimentés que chez les nouveaux venus. Cette
observation suggère que les mécanismes assurant l’association d’un stimulus
visuel ambigu à un élément identifiable sont hautement plastiques et suscep-
tibles d’être progressivement modifiés par les interactions sociales.
Les interactions discursives et pragmatiques – tout comme les éléments
iconographiques – qui encadrent ici l’expérience hallucinogène, en ce qu’elles
façonnent les attentes des participants, semblent en ce sens formaliser le
contenu même de l’expérience hallucinatoire. Il suffira dans cette perspective
de considérer la place qu’occupent les entités démoniaques, saint Michel, la
Vierge, le Christ ou « l’esprit de l’ayahuasca » dans les discours, les actions
rituelles et les représentations iconographiques de l’institution qui nous occupe
pour comprendre que ces figures constituent les motifs récurrents des « visions »
des clients de Takiwasi. Les dispositifs rituels hallucinogènes apparaissent en
ce sens comme de véritables « pièges à projeter » [24].
Plusieurs facteurs sont susceptibles d’éclairer l’homogénéisation progres-
sive des témoignages des participants. Tout d’abord et dans la continuité de
ce que nous avons évoqué plus haut, la première expérience psychédélique
ainsi que son traitement narratif vont créer de nouvelles représentations qui
constitueront des a priori pour les expériences ultérieures. La mécanique de la
répétition des rituels hallucinogènes et leur mise en récit collective contribue
sans nul doute à uniformiser l’expérience des participants. Sur le plan neu-
robiologique, la consolidation de certains circuits par leur activation répétée
peut également contribuer à la diminution de la variabilité intra-individuelle.
Enfin, notons que les séances « post-ayahuasca » sont animées par un nombre
restreint d’intervenants qui proposent un éclairage et une interprétation des
vécus des participants dans un référentiel culturel donné. Les représentations de
ces intervenants vont également moduler les croyances, remanier les souvenirs
et influencer les expériences suivantes des participants à travers les attentes
que ces derniers vont développer, affectant ainsi l’orientation attentionnelle
et la sélection des informations qui accèderont à leur conscience. La force de
l’influence des représentations sur la perception est fonction de la confiance
que le sujet lui attribue, si bien que plus ceux qui en sont à l’origine sont per-
çus comme des figures d’autorité, plus ces représentations seront reçues avec
déférence et seront susceptibles d’influencer leur expérience [14].
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5. L’irréductible singularité subjective


de l’expérience psychédélique
Il importe toutefois de souligner qu’il persiste une grande diversité des
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vécus individuels, malgré cette tendance à l’homogénéisation. Cette observa-
tion suggère qu’au-delà de la reproductibilité des effets pharmacologiques et
du poids du contexte, l’expérience des sujets reste toujours singulière, unique
et empreinte de variabilité. Au sein d’une même expérience psychédélique, le
vécu du sujet est évolutif et la nature des hallucinations est variable, tissée d’un
flot continu de perceptions sans cesse renouvelées. Le caractère surprenant pour
le sujet des phénomènes hallucinatoires qui émergent pourtant de ses propres
représentations révèle plusieurs propriétés des substances psychédéliques.
D’une part, la mise en œuvre de la combinatoire entre les a priori et les entrées
sensorielles demeure en grande partie inconsciente [46]. Elle pourrait même
favoriser la prise de conscience de représentations mentales inconscientes au gré
de la désynchronisation de l’activité cérébrale et de l’hyperactivité de certaines
régions habituellement inhibées. D’autre part, le sujet ne semble pas pouvoir
assurer une continuité forte dans son vécu, attribuant et vivant l’apparition de
ses représentations mentales comme extérieures et imprévisibles.
Cet aspect peut être rattaché à des données décrites chez des sujets sains
que la kétamine plonge dans un état d’incertitude qui les empêche d’apprendre
les règles de contingence d’une tâche probabiliste et de pouvoir anticiper les
événements à venir [72]. Un peu plus éloignée de notre objet, la vaste littéra-
ture portant sur les anomalies de l’apprentissage par prédiction-erreur chez les
patients ayant fait l’objet d’un diagnostic de schizophrénie (pathologie carac-
térisée entre autres par la présence d’hallucinations et de difficultés à faire la
distinction entre soi et autrui) souligne l’importance pour un sujet de sa capacité
à s’appuyer sur ses connaissances antérieures pour garantir la stabilité de sa
perception du monde extérieur [15]. Le changement radical dans l’intégration
de l’information lié aux psychédéliques serait ainsi susceptible d’éclairer le
vécu singulier des sujets, en particulier la sensation d’être en contact avec un
monde instable qui devient l’objet d’une redécouverte permanente. La répétition
de cette expérience pourrait cependant permettre au sujet de développer une
métacognition adaptée à l’égard de cet état afin de lui donner du sens au sein
d’une narrativité plus large. La sensation de rupture avec l’état antérieur serait
toujours présente mais le sujet pourrait la mettre en lien avec des savoirs acquis
et progressivement s’approprier ce mode de fonctionnement pharmaco-induit.
Le cerveau fonctionne en effet de façon hiérarchique et peut donc à un niveau
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| Hallucinogènes et culture |

supérieur anticiper des déviations à la règle si celles-ci deviennent systéma-


tiques dans un contexte donné [73].
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Conclusion
L’articulation d’observations ethnographiques à des modèles analytiques
anthropologiques et neurocognitifs proposée dans cet article permet de rendre
compte de plusieurs caractéristiques de la phénoménologie de l’expérience hal-
lucinogène, lorsque celle-ci est réalisée de façon répétée dans un cadre rituel
déterminé. L’exemple de Takiwasi souligne ainsi de manière paradigmatique le
poids du contexte symbolique et des interactions sociales dans l’expérience psy-
chédélique. L’intensité et la rapidité avec lesquelles les normes sociales ainsi que
les théories ontologiques et étiologiques propres à l’institution affectent l’expé-
rience des participants illustrent le fait que divers référentiels culturels peuvent
se mêler pour façonner leur expérience. Ces observations se placent donc en
opposition avec l’hypothèse d’un déterminisme pharmacologique fort des visions
induites par les psychédéliques. Au-delà de l’intensité des effets pharmacolo-
giques, la préparation, l’environnement et l’intégration jouent un rôle central
dans ce que les participants retiendront de leur expérience psychédélique. L’étude
des mécanismes neurocognitifs impliqués révèle que le contexte et les attentes
peuvent biaiser le type d’information qui accède à la conscience et, partant, la
façon dont la réalité est interprétée. Les modifications de la connectivité cérébrale
et de la synchronisation entre différentes régions du cerveau induites par les
psychédéliques éclairent le changement radical qu’éprouvent les sujets dans leur
rapport à la réalité. Ce qui est vécu comme une rupture franche avec le mode de
fonctionnement habituel offre par ailleurs une opportunité de changement. Entre
déterminisme culturel et caractère irréductiblement idiosyncrasique, l’expérience
psychédélique ouvre en effet les sujets à la possibilité d’appréhender le monde
extérieur et leurs propres représentations différemment, avec un décalage certain
vis-à-vis de leurs connaissances antérieures et de leur réalité habituelle.
Si la place des facteurs contextuels et des savoirs culturels a sans nul doute
une grande influence sur l’expérience psychédélique, la façon dont le sujet va
s’approprier ces savoirs et donner du sens à son expérience semble reposer sur
des mécanismes encore difficiles à modéliser d’un point de vue neurophysio-
logique. À l’heure où se multiplient les essais thérapeutiques utilisant les psy-
chédéliques pour soigner l’anxiété de fin de vie chez les patients atteints d’une
maladie grave [33, 35-36, 65], la dépression [6, 61, 66] et les addictions [3,
44, 71], ces observations soulignent l’importance de la prise en charge annexe
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52 | Neurosciences & sciences humaines |

pour que l’expérience psychédélique soit bénéfique [40]. Permettre au sujet


d’appréhender un état nouveau et transitoire, de faire face à des ressentis incon-
fortables et de donner du sens à ce qu’il a vécu semble en effet essentiel pour
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le bon déroulement de l’expérience [40, 45]. Il sera donc à l’avenir nécessaire
d’explorer davantage l’interaction entre les facteurs pharmacologiques et extra-
pharmacologiques façonnant l’expérience psychédélique afin de faire le départ
entre l’efficacité des produits et la prise en charge qui les entoure, et ainsi de
pouvoir ajuster le plus précisément possible le contexte aux objectifs de la prise
de psychédélique. À cet égard, les travaux proposant une approche computa-
tionnelle des hallucinations pourraient constituer une ressource utile [42, 52].
Un dialogue pourrait s’établir entre la compréhension psychopathologique de
certaines manifestations psychiatriques en condition écologique et la description
des effets psychédéliques, susceptible d’ouvrir des perspectives thérapeutiques
dans le champ des psychopathologies. Il a été suggéré récemment que les psy-
chédéliques permettraient un assouplissement des représentations et de la rigi-
dité des croyances [7]. Si les manifestations délirantes peuvent être comprises
comme une réaction à cette instabilité [1,72], alors les démarches de réassurance
et l’apprentissage de contrôle des hallucinations sous psychédéliques pourraient
constituer un modèle d’accompagnement des patients présentant ce type de
symptômes, en complément des thérapeutiques médicamenteuses usuelles [28].

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