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LES PÈRES ANALYSEURS DE L’INSTITUTION FAMILIALE

CONTEMPORAINE ?

Patricia Bessaoud-Alonso, Juliette Clément

Érès | « Nouvelle revue de psychosociologie »

2020/2 N° 30 | pages 83 à 96
ISSN 1951-9532
ISBN 9782749268361
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DOI 10.3917/nrp.030.0083
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psychosociologie-2020-2-page-83.htm
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Les pères analyseurs
de l’institution familiale contemporaine ?

Patricia Bessaoud-Alonso et Juliette Clément


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Les questionnements autour de la parentalité s’inscrivent dans le spectre
large de l’institution famille et de ses diverses configurations. L’institution
familiale, en France, a subi ces dernières décennies des transformations
importantes dans ses fonctionnements et dans ses catégorisations : familles
monoparentales, recomposées, homoparentales, où le modèle dominant de
faire famille est centré sur l’enfant et impose en quelque sorte aux parents
d’être un « bon parent ». Cette normativité éducative renvoie à un modèle
d’institution familiale construit autour du rapport parents-enfants plus négo-
ciateur, plus relationnel, moins hiérarchisé et où chacun des membres qui
la composent a un droit à la parole. Cependant, comme toute institution, la
famille a une histoire collective et individuelle qui enracine chaque sujet,
et par conséquent chaque groupe familial, dans une généalogie qui produit
un enracinement social et psychique conscient et inconscient en produisant,
par exemple, des modèles plus ou moins stéréotypés de rapports sociaux
de sexe (Bessaoud-Alonso, 2019).
Notre recherche s’inscrit dans la perspective de l’analyse institutionnelle
(Lourau, 1970) qui pense les institutions dans leur dynamique historique
autant que dans leurs enjeux présents. Penser le père comme analyseur de
l’institution familiale suppose en effet de resituer sa place dans l’histoire de
l’institution familiale pour mieux cerner les enjeux et tensions de la situation

Patricia Bessaoud-Alonso, professeure des universités en sciences de l’éducation


et de la formation, Fred ea 6311, université de Limoges. patricia.alonso@unilim.fr
Juliette Clément, doctorante, ater en sciences de l’éducation, Fred ea 6311, uni-
versité de Limoges. juliette.clement@unilim.fr

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actuelle. Notre démarche se situe donc à l’articulation de l’approche socio-


historique et de la socioclinique institutionnelle. Antoine Savoye (2003)
souligne ainsi que socio-histoire et socioclinique institutionnelle permettent
d’éclairer le présent par le passé restitué et de déplacer le regard du social
en train de se faire au passé qui le fonde.
En 1999, l’institutionnalisation du pacs répond, en partie, à une
demande sociale de reconnaissance et de protection juridique des couples
homosexuels, ce qui est apparu comme une ressource mobilisable à des
fins symboliques devant contribuer à la légitimité sociale de la confi-
guration homoparentale (Rault, 2005). Depuis 2013, le cadre législatif a
institué le mariage pour les personnes de même sexe et la possibilité
pour eux d’adopter un enfant. Les débats actuels sur la pma 1 et la gpa 2
questionnent la filiation autant que le statut juridique et social accordé aux
parents. Par conséquent le mariage pour tous, au-delà de l’homoparenta-
lité, nous amène à penser – repenser – la parentalité. Les mutations de la
famille (Neyrand, 2016) ne sont pas synonymes de désinstitutionnalisation.
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Il s’agit davantage d’un mouvement qui résulte de forces instituantes qui
entraîne une nouvelle institutionnalisation de l’institué. Ces trois moments
témoignent de la tension permanente qui alimente les contradictions institu-
tionnelles. Elles disent autre chose des aspirations et des désirs des futurs
parents et des parents où, comme le souligne Dekeuwer-Défossez (2011),
la volonté individuelle prime. L’individualisme qui traverse l’institution
familiale, à travers la question du désir, est au cœur du projet conjugal,
familial et parental (Gavarini, 2003).
La visée de cet article est de poser notre regard du côté de la figure
paternelle. Pilier central pendant des siècles de l’institution familiale,
l’homme, le père, a exercé son pouvoir et son autorité sur l’ensemble des
membres qui la constituaient. La Révolution française a tenté de réduire
la puissance paternelle, en abaissant, entre autres mesures, l’âge de la
majorité civile. Ces tentatives de changements apparaissaient trop radicales
pour la réalité sociale de l’époque et ne purent s’imposer (Deleury, Rivet
et Neault, 1974). Le code civil de 1804 a défini la puissance paternelle
sur l’enfant. Le mariage fait famille et la présomption de paternité n’est
pas récusable (Fayolle-Noireterre, 2003). En 1970, la puissance paternelle
est supprimée et remplacée par l’autorité parentale, d’abord dans le cadre
du mariage puis progressivement pour les couples divorcés, non mariés
ou séparés. L’image du père se transforme : son nouveau statut le met à
égalité vis-à-vis de l’autre parent.
Quelle est la place du père dans sa diversité conjugale, dans son
autorité partagée, dans l’exercice de sa parentalité, dans son rôle et son
implication dans l’institution familiale ? Comment se construit l’imaginaire
collectif (Giust-Desprairies, 2019) du futur père ? Les pères sont-ils des

1. Procréation médicalement assistée.


2. Gestation pour autrui.

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analyseurs qui permettent de révéler la structure de l’institution, de la


provoquer, de la forcer à parler (Lapassade, 1971 ; Lourau, 1974), des
dynamiques familiales actuelles ? Nous soulèverons ces questions dans
une démarche socioclinique institutionnelle en étudiant le rapport que les
sujets entretiennent avec les institutions et les effets de transformation
sur le terrain, par la mise en réflexivité des sujets (Monceau, 2019) à partir
des premiers éléments d’une recherche en cours.

La puissance paternelle

Toutes les sociétés à travers le temps se sont intéressées au fait


d’être parent. Les travaux des historiens comme ceux des anthropologues,
en particulier, ont montré comment se construisait la relation entre les
générations dans des contextes socio-historiques donnés et traversés par
le politique, le religieux, le social, le territorial. Le xxe siècle en France,
et plus largement en Europe occidentale, a vu progressivement la famille
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se transformer sans pour autant rompre avec des formes de continuité
historique qui la caractérisent. Les grands changements qui se renforcent
dans la seconde moitié du xxe siècle portent en eux les traces et les effets
de processus antérieurs. L’avènement de la iiie République en France
marquait un premier tournant dans la relation qui s’institue entre parents
et enfants. Il s’est traduit notamment par la création de l’école publique
et l’obligation scolaire pour tous les enfants, filles et garçons. Également
par la mise en œuvre de politiques sanitaires qui ont diminué la mortalité
infantile et maternelle et un arsenal législatif qui protège en matière de
travail et d’éducation. L’augmentation du travail salarié des femmes et leur
accès massif à l’instruction, le droit de vote en 1944, la légalisation de la
contraception moderne en 1967, le droit à l’ivg ont également largement
participé à la transformation de l’institution familiale.
En parallèle, la place du père a connu de profonds changements.
La Révolution française, en 1793, a tenté de modifier le statut du père en
réduisant sa puissance et son autorité sur l’enfant 3. Le père symbolisait
une toute-puissance mise en miroir avec celle des privilèges de la noblesse
et du pouvoir absolu. À la fin du xixe siècle, les lois de 1874 et de 1884
ont amorcé des restrictions de cette puissance en protégeant l’enfant
des sévices causés par le père – responsabilité pénale en cas de mort
d’un enfant qui a subi des violences et négligences, substitution de l’État
à l’autorité du père en cas de placement d’un enfant. Les lois de 1889
puis de 1898 ont permis la déchéance paternelle en cas d’incitation à la
débauche et au crime ou en cas de mauvais traitements avec placement
à l’Assistance publique. En 1924, la loi a introduit la notion d’« intérêt de
l’enfant » dans un contexte où les travaux de la psychologie de l’enfant
et de la psychanalyse concourent à l’émergence d’un autre regard sur

3. Rétablie par le code Napoléon.

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l’enfance et l’autorité, voire l’autoritarisme sans limite du père. Il faudra


attendre 1970 pour proscrire la puissance paternelle au profit de l’autorité
parentale 4 partagée à égalité entre les deux parents. Cette loi sera élargie
en 1987 aux parents non mariés puis en 2002 à tous les enfants, quel
que soit le type de filiation.
L’évolution des mentalités, l’émancipation des femmes, la protection
de l’enfance appuyée par un cadre juridique, l’augmentation des divorces
et des séparations conjugales ont marqué la transformation de l’institution
familiale et de ses diverses configurations. La place du père réel et symbo-
lique a été soumise à de nombreuses turbulences. Celles-ci apparaissent
aujourd’hui comme un processus de remaniement des places de la mère
et du père au sein de la famille contemporaine. Pour autant des formes de
résistance liées à la puissance et au pouvoir paternel persistent.

Parentalité et configurations familiales


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La notion de parentalité décrite par Catherine Sellenet (2014) comme
un concept caméléon qui s’adapte à tous les discours et à toutes les poli-
tiques fait toujours débat dans la mesure où une définition unique ne s’im-
pose que dans le champ dans laquelle elle s’exprime. Nous retiendrons une
définition relativement large qui associe à la fois une dimension psychique
de la fonction parentale et une dimension sociale inscrite dans des poli-
tiques publiques et dans une normativité éducative actuelle dominante
(Fablet, 2008). La substitution de la puissance paternelle par l’autorité
parentale partagée a renforcé la puissance maternelle, en particulier dans
les situations de séparation conjugale où la garde de l’enfant est toujours
majoritairement accordée à la mère. Le poids des stéréotypes attribués au
féminin fait de l’éducation des enfants une tâche essentiellement mater-
nelle. Cette idéologie patriarcale entrave le processus d’institutionnalisation
à l’œuvre, ici le partage égalitaire du droit de garde. Quelques nuances sont
à souligner avec l’augmentation de la mise en place de la garde alternée.
Cette disposition 5 concerne plus largement les parents des territoires très
urbanisés, socialement plus favorisés et le plus souvent dans des confi-
gurations de familles recomposées.
Ce « renversement » de situation de la position maternelle dans l’exer-
cice de la fonction parentale a produit des effets majeurs sur la place du
père dans la famille et dans la société. Ce qui implique de s’interroger sur
la figure paternelle réelle de l’enfant et de la place symbolique que celle-
ci occupe. La diversité des formes de faire famille, parfois vécue par un
même individu, au fil du temps – parents de sexe opposé, familles mono-
parentales, recomposées, homoparentales –, entraîne une multiplicité des
figures parentales : parents, beaux-parents, parents d’intention, et bouscule

4. Dans le cadre du mariage.


5. Données insee 2016.

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les représentations liées à la conjugalité et à la filiation. Cela a été renforcé


en 2013 par l’institutionnalisation du mariage pour les personnes de même
sexe et la possibilité pour les couples homosexuels mariés d’adopter un
enfant. Puis, en 2019, la loi étend la pma pour les femmes seules et les
couples lesbiens. Cette nouvelle disposition législative relance le débat sur
la gpa et la légitimité d’instituer une parenté pour deux pères sans distinc-
tion entre père biologique ou légal et père social ou d’intention. Être père,
devenir père aujourd’hui répond, en partie et pour certains hommes, à une
redéfinition de la paternité et du désir. La virilité et la masculinité ne sont
plus les attributs mis en avant pour exprimer le désir de paternité, le désir
de transmettre, le désir d’éduquer dans toutes ses facettes, y compris celle
du « paternage ». Sans faire de l’angélisme sur les rôles sociaux de sexe,
des mutations s’opèrent quant à la place du père dans sa fonction et sa
relation à l’enfant, en particulier dans les soins quotidiens et nourriciers.
Pour autant, comment peut-on définir le nouveau père ou le renouveau de
l’exercice de la paternité ? Ce mouvement n’est-il pas à la fois un proces-
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sus d’autorisation des mères au paternage et d’autorisation des pères à
l’expression de leurs désirs ? Ou, comme s’interroge Anne Cadoret (2005) :
qui peut, qui veut être parent ?
La place du père dans notre société a beaucoup évolué en raison de
plusieurs facteurs : « […] la liberté sexuelle, le contrôle des naissances,
l’émancipation des femmes, l’accroissement du nombre des divorces, les
recompositions familiales » (Korff-Sausse, 2016). D’autres éléments tels
que « l’égalisation entre les sexes » ou encore l’évolution de la place de
l’enfant au sein de la famille ont contribué à l’émergence de ces « nouveaux
pères » (ibid.). Le schéma traditionnel du père chef de famille, que Simone
Korff-Sausse (ibid.) propose de nommer « paternité institutionnelle », serait
ébranlé par l’émergence d’une « paternité relationnelle » dans laquelle les
pères sont présents, disponibles et entreprenants, bousculant ainsi la place
de la mère, mais pas seulement : la paternité homosexuelle bouleverse
le statut de parent de façon générale.
La famille homosexuelle questionne la parentalité et les fondements
même de la famille contemporaine dans la mesure où elle repose sur
des liens et relations électives (amitiés/amants) qui interviennent dans le
processus de reproduction ainsi que, parfois, dans l’exercice même de la
parentalité. Ces familles sont des analyseurs de la famille contemporaine
dans la mesure où elles reproduisent le modèle institué en revendiquant
l’accès à l’institution du mariage, ce qui renforce leur visibilité tout en
confortant des pratiques instituantes. Dès lors, comment penser les liens de
filiation ? La multiplicité des figures parentales s’inscrit dans un mouvement
qui apparaît comme neuf. L’usage des termes de « coparentalité » et de
« pluriparentalité » participe de ce mouvement. Il convient de s’interroger
quant à l’émergence de ces termes dans le discours social et scientifique.
La coparentalité est avant tout un concept juridique lié à la loi de 1970 et
renforcé en 2002, modifiant la puissance paternelle et transformant son

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autorité en une autorité parentale partagée. Cependant, le terme est poly-


sémique en fonction des champs d’action professionnels et disciplinaires.
La coparentalité renvoie à l’idée de collaboration et de soutien entre les
adultes élevant ensemble des enfants, il existe de multiples façons de
construire une relation coparentale (Rouyer, 2008). La pluriparentalité est
une émanation du concept de parentalité. Ce concept est apparu plus tard
que celui de parentalité, dans les années 1990, et il s’est inscrit à l’origine
dans le champ scientifique avant d’être adopté dans le champ social,
dans le débat public et dans la sphère politique (Fine, 2016). La place
assignée à l’enfant reflète les mouvements et transformations de l’insti-
tution familiale et sociétale. La coéducation, la coparentalité comme la
pluriparentalité montrent ces évolutions et la manière de nommer à travers
l’histoire de l’institution et des politiques publiques qui se sont saisies du
champ de la famille. Éduquer un enfant n’a jamais été une prérogative
des seuls parents biologiques ou adoptants. L’État, à travers des disposi-
tifs de protection de l’enfance et des droits de l’enfant, se substitue aux
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familles quand celles-ci ne peuvent pas assurer un cadre éducatif, affectif,
économique et social.
Si le « faire famille » se centre autour de la figure enfantine et non plus
conjugale, la place de l’enfant reste une place assignée par les adultes.
Le clivage actuel se fonde sans doute dans les manières de « fabriquer » un
enfant en dehors de la pratique de reproduction « naturelle » et de rendre
visibles des situations conjugales invisibles en d’autres temps. Les possi-
bilités de désirer un enfant et de concrétiser ce désir passent par des
méthodes qui permettent aux hommes comme aux femmes, quelles que
soient leurs orientations sexuelles, d’y accéder. Toutefois, il faut nuancer
ce propos : actuellement l’accès à la pma et à la gpa creuse des inégalités
de sexes et des inégalités socio-économiques.
La norme « un papa, une maman » se voit déstabilisée par les relations
électives, notamment par le schéma homoparental (Fassin, 2005), ce qui
porte à redéfinir la place et le rôle de chacun. La traditionnelle famille
structurante sous le schéma « un père, une mère » avec des missions
prédéfinies laisse place à l’individu avec sa liberté. Ce qui prime, ce n’est
plus d’être au service de sa famille et d’endosser son rôle, mais plutôt
de faire valoir ses choix, ses désirs propres. Cela sous-entend l’idée
que les nouvelles formes de « faire famille » interrogent la notion de
« couple » dans la mesure où elles nécessitent de revisiter les liens entre
ses membres. Peut-on encore penser en termes de « couple » ou doit-on
parler d’« alliés » ?
Jean-Hugues Déchaux (2011) développe la dimension individualiste
des nouveaux modèles familiaux qui a changé les attitudes, les relations,
les sexualités, suggérant même que chacun définisse la famille en fonction
de ses propres normes. D’une façon plus générale, la famille contempo-
raine s’inscrit dans un processus global où le sujet se vit seulement dans
sa singularité (Carnaveli, Coccia et Illouz, 2013). Comme le souligne Eva

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Illouz (Illouz et Kaplan, 2017), la liberté serait-elle devenue le fondement


normatif du capitalisme contemporain ?
Il s’agirait alors de dissocier le couple du parent pour penser les fonc-
tions parentales et/ou coparentales comme une alliance. C’est-à-dire que
l’enfant est un agent de liaison entre plusieurs personnes n’ayant pas
toutes entre elles des relations affectives ou sentimentales. Quelle place
attribuée à « l’autre », qui juridiquement n’existe pas mais qui endosse des
fonctions parentales ? C’est sur les pères en devenir et les pères effectifs
que notre intérêt s’est focalisé.

Hommes et pères

Être un homme, un père au xxie siècle est synonyme de complexité.


Sa place oscille entre une reconnaissance ancestrale de son pouvoir et
un affaiblissement progressif de celui-ci dans la sphère familiale. Elle
a été érigée par le droit et les mutations sociales. Dans ce contexte, il
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s’agit de trouver un chemin à travers une multitude de modèles. Faute
de modèle univoque, chacun s’arrange avec soi-même et tous les styles
cohabitent, du père autoritaire semblant surgir du passé au père copain ne
posant aucune limite, du père très présent au père absent (Brian, 2018).
Ce chemin a peut-être pour point d’ancrage la question des origines :
« Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? Qu’est-ce qu’être un homme,
un fils, un père ? » (Marty, 2003). À partir des travaux de Lacan, François
Marty explique que le « père » est « l’entité singulière » qui fait le lien
entre ces trois figures : le réel (géniteur, qui a peu de poids sur les déci-
sions familiales), le symbolique (« le père tel que la mère le porte dans
son discours ») et l’imaginaire (le père idéal, fantasmé, que l’on mobilise
à titre de référence). La référence à la mère est présente dans les trois
dimensions, dans une idée d’ajustement des rôles de chacun. Toutefois,
cette référence systématique questionne l’autonomie du père et sa capa-
cité à exister « seul ».
Selon Emmanuel Gratton (2007), le désir masculin d’enfant est rare-
ment indépendant et souvent impulsé par un désir féminin, ce qui amène à
remettre en perspective le fondement des relations père-enfant et la capa-
cité des pères à exprimer leurs désirs. C’est sans doute ce qui est en train
de se transformer actuellement pour les futurs pères qui, selon certains,
dissocient leurs désirs subjectifs de ceux d’un(e) éventuel(le) partenaire.
Au regard des différentes configurations familiales, il semblerait que la
paternité s’est jouée dans la négociation des rôles avec la figure mater-
nelle, puis dans les relations entre père biologique, père éducateur, père
géniteur et père d’intention. Ce qui entraînerait une recherche d’affection,
d’équilibre entre filiation et figure d’autorité. Dès lors, il s’agirait d’appré-
hender ces « nouveaux pères » non plus en rapport à la mère mais plutôt
dans leurs relations et dans la nature des liens avec l’enfant (Castelain-
Meunier, 2005).

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Parmi des témoignages sur le désir d’enfant d’hommes homosexuels,


Emmanuel Gratton (2007, p. 69) présente Abel, qui parle de « paternité
par essence » : « En fait, je me suis senti père avant de me sentir homo.
Mon homosexualité était ce qui faisait problème. C’était la honte. […]
J’avais toujours des grappes d’enfants sur les genoux. Donc, pour moi,
c’était évident que par essence j’étais père. Je serais père. Que j’aie des
enfants ou pas, je serais père. C’était dans mon être, être père. » Son envie
de devenir père s’inscrit profondément et c’est, selon lui, ce qui le qualifie
d’abord. Un projet de coparentalité lui a permis de devenir père d’une petite
fille. Ce témoignage illustre le désir subjectif, indépendant de tout projet
de couple et qui apparaît comme irrésistible chez un homme. Ce que l’on
qualifierait communément de « désir maternel » est simplement l’expres-
sion d’un désir personnel, propre, auquel les normes sociétales ont accolé
des stéréotypes de genre, qu’il convient à tout un chacun de déconstruire
afin d’écouter ses désirs. Existe-t-il un désir maternel et un désir paternel ?
Ce témoignage interroge les représentations de masculinité et de féminité
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qui interfèrent dans le devenir père ou mère (Gratton, 2007).
L’institution familiale est le premier espace de socialisation des indivi-
dus. Elle a une histoire – collective et individuelle – traversée par des affects,
des tensions, une hiérarchie, une organisation. Elle est en mouvement
constant et se transforme dans une temporalité et une spatialité données.
Elle participe de la construction identitaire et de la « socialisation genrée »
(Genest-Dufault et Castelain-Meunier, 2017) de ses membres en régissant
les conduites et attitudes de ces derniers au regard des normes sociales,
politiques et culturelles d’une société. Les changements significatifs des
familles contemporaines sont visibles « dans la manière dont elles s’orga-
nisent, selon un double processus de “décomposition-recomposition” :
filiation/alliance, sexualité/procréation, conjugalité/parentalité, sexe/rôle »
(Genest-Dufault et Castelain-Meunier, 2017). Penser la question du genre
dans la famille nécessite de distinguer le sexe biologique de l’assignation
à un rôle socialement défini pour un homme et une femme (Barus-Michel
et Molinier, 2014). Ces questionnements induisent un important travail sur
les représentations, sur l’imaginaire de la virilité, de la masculinité et de la
féminité que chacun construit en fonction de son expérience, mais aussi à
travers des normes institutionnelles et sociales. Aujourd’hui la parentalité
pose la question du genre en bousculant les rôles de « maternité » et de
« paternité ».

Paroles masculines

Le cadre de notre recherche porte sur la figure paternelle contempo-


raine. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux pères effectifs et
aux pères en devenir en milieu rural et populaire dans le centre-ouest de la
France. Nous avons terminé la première étape qui consistait à mener une
série d’entretiens exploratoires semi-directifs auprès de jeunes hommes

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et de pères de générations différentes. Pour ce qui concerne les jeunes


hommes, leurs orientations sexuelles sont diverses. Les pères sont tous
des hétérosexuels vivant dans des configurations familiales recompo-
sées ou conjugales « ordinaires ». Les interviewés ont été contactés par
des personnes ressources au sein d’associations lgbt, d’associations
étudiantes, et les plus âgés par des personnes ressources. Ce choix
nous permet de donner la parole à une population étudiante jeune, à des
hommes dont l’orientation sexuelle n’est pas la norme et dont les discours
sont moins visibles, puis à ceux dont la sexualité apparaît comme « ordi-
naire ». La deuxième étape consistera en une série d’entretiens auprès des
professionnels des secteurs concernés en nous appuyant sur le schéma
départemental des zones rurales. La troisième étape sera de constituer des
groupes de discussion et d’échanges de pratiques entre professionnels et
pères, ou pères en devenir, autour de la paternité, en questionnant une
éventuelle singularité de la fonction paternelle en zone rurale. Ce dispositif a
déjà été éprouvé lors d’une précédente recherche-action 6 auprès de mères
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et de professionnels de l’éducation. La visée était de saisir comment les
uns et les autres étaient traversés et impliqués dans l’institution familiale
et scolaire à travers l’amorce d’un dialogue et le partage de connaissances
et d’expériences en matière de réussite éducative. Comment le désir
de paternité s’exprime-t-il en fonction de l’histoire, de l’expérience, de
l’environnement social, de l’orientation sexuelle ?
Il serait hasardeux de tirer des généralités à ce stade de la recherche.
Cependant des tendances se dessinent à partir des entretiens menés.
Quelques situations seront développées. Les jeunes hommes ont tous
exprimé un désir de paternité en miroir de la relation entretenue avec leurs
propres pères. Soit dans une forme de continuité fidèle à un modèle qui leur
semble convaincant, soit dans une opposition à un modèle trop éloigné de
leur représentation d’un père proche, à l’écoute de l’enfant, en insistant
tout particulièrement sur l’importance de redistribuer les rôles de parents
stéréotypés. Les propos se sont focalisés sur le prendre soin du bébé au
quotidien, le nourrir, le jeu, l’attention, comme des attributs qui ne doivent
pas être ceux du féminin mais ceux du parent. Ils récusent l’idée que la
femme, la mère, serait plus à même de s’occuper de l’enfant. « Ce n’est pas
une question de sexe mais d’une manière d’appréhender son rôle de parent.
Moi, j’aurai envie d’être présent à tous les moments, pour le biberon, le bain
et tout le reste ! » Étienne souligne que dans sa famille les rôles parentaux
ont été distribués de manière assez classique, sa mère prenant en charge
l’éducation et les soins portés aux enfants en étant plus présente, plus
attentive tout en assumant une activité professionnelle, son père, quant

6. Recherche-action « En associant leurs parents tous les enfants peuvent réussir ».
fred , université de Limoges, ville de Guéret. Participation des sujets à la
démarche, modalités de restitution des résultats en cours aux acteurs de terrain,
travail des implications.

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à lui, privilégiant son activité professionnelle. Ce modèle, il ne le souhaite


pas pour sa vie future de père. Selon lui, « soit on est père, soit on ne l’est
pas. Si je suis père un jour je ne veux pas l’être en pointillés. C’est vrai, on
ne peut pas prévoir ce qui se passe, mais, pour moi, une séparation d’avec
l’autre parent, ce n’est pas une séparation avec l’enfant ».
Marco exprime son désir d’être père depuis peu. Il associe ce désir
à la rencontre avec la personne dont il est amoureux : « C’est elle qui a
réveillé quelque chose en moi. Avant, c’était plutôt une question que je ne
me posais pas vraiment ! Depuis j’y réfléchis et j’ai hâte d’être un papa.
Un super papa qui fait tout ! Les câlins, les couches, plus tard aider aux
devoirs, discuter, comprendre… tout ça. Je rigole mais j’ai envie de dire :
un papa qui ressemble à l’idée que l’on se fait d’une “bonne maman”.
Enfin, si ça existe. » Paterner est au cœur de l’entretien réalisé avec
Marco. Cette question de jouer un rôle interchangeable et non exclusif
renvoie à l’idée d’appropriation du rôle de père réel. Il évoque également
ce qu’il imagine de l’attente de l’arrivée de l’enfant. « Bien sûr, les femmes
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portent les enfants et il se passe quelque chose dans leur corps. Mais je
crois que cette attente se fait aussi dans le corps des hommes si on est
attentif au corps de l’autre. » Il poursuit en évoquant le fait que pour les
deux futurs parents c’est un changement de statut : d’enfant on devient
parent. Ce passage éprouve autant l’un que l’autre. Puis, il fait référence
à son père : « Il a eu beaucoup d’enfants. Il en parle comme de quelque
chose de “naturel”, c’est comme ça, c’est la vie. Il est fier de sa famille
mais il y a toujours eu une distance et un discours très caricatural sur les
filles et les garçons, sur ce qu’il faut faire ou non, sur ce qui est correct
ou non. » Le discours de Marco marque un profond changement dans la
manière de penser l’institution familiale du point de vue tant de la conju-
galité que de la parentalité.
Pour les hommes qui sont pères, les « variables » sont plus impor-
tantes. Les histoires de vie, de couple apparaissent comme une résultante
de la relation à l’enfant et de leur rapport à la paternité. Les expériences
sentimentales, conjugales, le temps, voire la maturité, sont des marqueurs
de l’évolution plus générale du statut de père.
Le « faire famille » s’inscrit dans les transformations de la famille et
de la société, en particulier dans le passage d’une configuration à l’autre,
couple marié, union libre, famille recomposée. Rémi raconte son parcours
de père de la façon suivante : « Mon premier enfant m’est tombé dessus.
Je n’avais pas envisagé d’être père ni de m’installer dans une vie conju-
gale. Je n’ai jamais eu de relation père-fils. Avec le recul je le regrette,
mais je n’ai jamais su comment faire. Je suis devenu père ensuite, car
je le souhaitais dans des situations très différentes. Des situations assez
classiques aujourd’hui de familles recomposées. » Dans la suite de l’entre-
tien, c’est la difficulté de trouver un équilibre qui est signifiée. Quelle place
pour le père biologique ? Quelle est la place du père de « substitution »
dans le cadre d’une recomposition familiale ? Les liens affectifs ne sont

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Les pères analyseurs de l’institution familiale contemporaine ? 93

pas toujours liés à l’appartenance biologique, ce qui entraîne, parfois, un


sentiment de culpabilité, voire de désimplication dans la relation. La place
du beau-parent comme celle du parent d’intention est évoquée : « Quand
on s’occupe davantage d’un enfant qui est l’enfant d’un autre, c’est assez
troublant. Je ne sais pas toujours quel est mon rôle. Au quotidien j’assume
un rôle de père malgré tout, mais je n’ai aucun droit. C’est pareil pour les
pères homosexuels qui ne sont pas les pères légaux. » Il poursuit sur les
conséquences de la séparation des couples sur la relation parentale : « Dans
un monde idéal le couple se sépare mais aucun ne se sépare de son enfant.
Pourtant, la réalité est différente dans bien des cas ! La garde alternée, pas
toujours possible et une fois tous les quinze jours, met petit à petit de la
distance, ou en tout cas fabrique une autre forme de relation. On devient
moins un père et plus un “pote”, voire plus grand-chose. »
Les hommes rencontrés ont exprimé, en premier lieu, un certain éton-
nement face à notre demande. Les questions liées à la paternité ont été,
dans bien des cas, énoncées et interrogées pour la première fois. Désirer
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un enfant, rêver d’un bébé semble représenter encore la nature même
d’un imaginaire féminin puissant ancré historiquement et socialement.
Toutefois, les échanges informels à la suite des entretiens ont suscité un
désir de poursuivre avec nous la réflexion sur leur expérience de la pater-
nité, autour de la fonction parentale et de la place du père dans la famille.
Notre démarche socioclinique institutionnelle a permis la mise en réflexi-
vité des hommes impliqués dans notre recherche et de saisir les premiers
éléments des tensions institutionnelles qu’ils vivent.
La distinction entre couple conjugal et couple parental semble opérante
pour saisir les mutations des familles contemporaines. Pour autant, la
prudence s’impose pour en généraliser le phénomène et promouvoir son insti-
tutionnalisation en occultant des réalités vécues autrement (Marquet, 2010).

Conclusion

L’institution familiale s’est transformée mais reste une institution fon-


datrice de nos sociétés. Ses configurations se sont diversifiées au gré des
dispositifs législatifs, des politiques publiques, de l’évolution des mentalités
et d’une société plus individualisée, plus consommatrice, traversée par
l’assouvissement de ses désirs. L’émergence de ces « nouvelles » confi-
gurations familiales s’inscrit dans des antériorités socio-historiques qui ont
rendu visibles des situations invisibles ou impensées du point de vue tant
social que politique. Nous sommes passés d’une société de la conjugalité à
celle de la parentalité. Comment être parent, comment être un bon parent
devient la question fondamentale. La multitude des formes d’être un père,
une mère, interroge la place de chacun au sein de la famille. C’est sur
celle du père que notre regard s’est porté. Le père a perdu sa puissance
et son autorité juridique non partagée sur l’enfant. Les femmes se sont
émancipées par l’éducation, le travail et le contrôle des naissances, sans

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pour autant échapper à leur statut de femmes gardiennes de la maison et du


bien-être domestique. Les couples se font et se défont plus fréquemment
selon les aléas de l’amour et du désamour. Ces évolutions ont bousculé la
place du père dans sa relation à l’autre parent comme dans sa relation à
l’enfant. La recherche en cours met en avant quelques pistes de réflexion
sur les effets implicationnels de ces transformations sur la paternité, le désir
masculin, le paternage et l’imaginaire construit autour de la virilité et de la
féminité. Elle met également en exergue la complexité, dans le quotidien
de l’institution, d’un dialogue entre l’institué et l’instituant. Ce qui nous
permettra d’analyser les processus d’institutionnalisation qui traversent la
famille. Regarder l’institution du côté des pères est sans doute pertinent
pour analyser la famille contemporaine.

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Les pères analyseurs de l’institution familiale contemporaine ?

Résumé
L’institution familiale s’est transformée ces dernières décennies à la faveur d’un
processus assujetti à un arsenal législatif, aux mutations sociétales et aux politiques
publiques mises en œuvre. L’individualisme prend corps au sein de la famille avec
une expression du désir exacerbé autour de la parentalité et plus singulièrement
de la paternité. L’institution est revisitée à travers la place du père, biologique ou
non, quelles que soient la configuration familiale et l’orientation sexuelle. Les pères
sont-ils des analyseurs des familles contemporaines ?

Mots-clés
Parentalité, paternité, institution familiale, analyseur.

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96 Nouvelle Revue de psychosociologie - 30

Fathers as analyzers of the contemporary family institution?

Abstract
The family institution has been transformed in recent decades through a process
subject to a legislative arsenal, to societal changes, and to the public policies put
in place. Individualism is taking shape within the family, with an exacerbated desire
expressed around parenthood and more particularly fatherhood. The institution
is being revisited through the role of the biological (or nonbiological) father,
regardless of the family configuration and sexual orientation. Are fathers analyzers
of contemporary families?

Keywords
Parenthood, fatherhood, family institution, analyzer.
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