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PENSER L’APRÈS-CORONA.

LES INTERVENTIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE


DURANT LA PÉRIODE DE CONFINEMENT CAUSÉE PAR LA PANDÉMIE DE
COVID-19 (MARS-MAI 2020)

Benjamin Biard, Serge Govaert, Vincent Lefebve

CRISP | « Courrier hebdomadaire du CRISP »

2020/12 n° 2457-2458 | pages 5 à 130


ISSN 0008-9664
ISBN 9782870752401
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Courrier hebdomadaire
n° 2457-2458 • 2020

Penser l’après-corona.
Les interventions de la société civile
durant la période de confinement
causée par la pandémie de Covid-19
(mars-mai 2020)

Benjamin Biard
Serge Govaert
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Vincent Lefebve
Courrier hebdomadaire
Rédacteur en chef : Cédric Istasse
Assistante éditoriale : Fanny Giltaire

Le Courrier hebdomadaire est soutenu par l’Administration générale de l’Enseignement


et de la Recherche scientifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il est également
publié avec le concours du Fonds de la recherche scientifique–FNRS et de la Fondation
universitaire de Belgique.

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y compris la photographie et le microfilm, réservés pour tous pays.
ISSN 0008 9664
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 5

1. LE FINANCEMENT DES SERVICES PUBLICS ET, EN PARTICULIER,


DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ 12

2. LA CULTURE ET LE SPORT, DEUX SECTEURS PARTICULIÈREMENT


EXPOSÉS DURANT LA CRISE 18
2.1. La culture 18
2.2. Le sport 24

3. LES MODALITÉS ET L’AVENIR DE L’ENSEIGNEMENT 26


3.1. Les examens 26
3.2. La reprise des cours et le prolongement de l’année académique 28
3.3. Les conditions d’étude pendant le confinement et les difficultés financières
des étudiants 29
3.4. Le statut social des étudiants 31
3.5. Les différences entre écoles francophones et écoles néerlandophones 32
3.6. L’apprentissage du futur 33
3.7. Un confinement politiquement chargé 34

4. LA PAUVRETÉ ET LES INÉGALITÉS SOCIALES EXACERBÉES PAR LA CRISE 36


4.1. Des inégalités sociales 36
4.2. Les inégalités de genre 38
4.3. Les sans-papiers et les demandeurs d’asile 39
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4.4. Les inégalités de logement 43
4.5. Les inégalités en termes d’âge 46

5. UNE REMISE EN CAUSE DE LA PLACE ET DU SENS DU TRAVAIL 50

6. LES URGENCES SANITAIRE ET ÉCOLOGIQUE 57


6.1. Urgence sanitaire et urgence écologique, même combat ? 58
6.2. Plaidoyers pour une relance verte 62
6.3. La sécurité alimentaire à l’épreuve de la crise sanitaire 65

7. LE CAPITALISME ET LA MONDIALISATION SOUS LE FEU DES CRITIQUES 68


7.1. De quoi cette crise est-elle le nom ? 68
7.2. Pistes pour un développement soutenable 72
7.3. Le procès politique de la mondialisation 75
8. DES LIBERTÉS FONDAMENTALES EN DANGER ? 78
8.1. Un régime d’exception qui suscite des interrogations 78
8.2. Une justice qui fonctionne au ralenti 80
8.3. Une situation particulièrement critique dans les prisons 84
8.4. La question spécifique du traçage des personnes contaminées par le Covid-19 85

9. PENSER LE RENOUVELLEMENT DÉMOCRATIQUE


ET LA PARTICIPATION CITOYENNE DANS UN CONTEXTE INÉDIT 93

CONCLUSION 100

ANNEXES 105
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INTRODUCTION

Le présent Courrier hebdomadaire se penche sur une situation inédite dans l’histoire
politique de la Belgique : l’effervescence intellectuelle qui s’est manifestée et les diverses
mobilisations qui se sont produites dans la société civile en vue, d’une part, de répondre
aux défis suscités par la pandémie de Covid-19 (maladie due au coronavirus SARS-CoV-2)
et, d’autre part, de préparer la période post-crise sanitaire. L’étude se concentre sur la
période de confinement au sens strict du terme, c’est-à-dire celle qui s’est étendue du
18 mars au 4 mai 2020, date à laquelle la première phase de déconfinement – dite 1a –
1
a été enclenchée . Ce choix repose sur le fait que la mesure de confinement décidée par
les autorités publiques est l’une des décisions politiques ayant porté le plus atteinte aux
libertés fondamentales des citoyens belges depuis plusieurs décennies. En outre, elle
a réduit la capacité de mobilisation des citoyens puisqu’il leur était alors interdit de se
réunir. Certaines initiatives qui ont pris place après le 4 mai 2020 sont néanmoins prises
en considération également, dans la mesure où elles prolongent ou font écho à des
réflexions ou actions entamées durant la période de confinement stricto sensu.
Une telle situation peut être qualifiée d’inédite en raison de l’ampleur des questions et
thématiques mobilisées. À l’occasion de la Question royale, par exemple, un vaste débat
public, accompagné de vives tensions sociales, avait pris place en Belgique entre 1945 et
1950. Mais il concernait alors une question relativement circonscrite, celle du retour de
Léopold III dans ses fonctions royales. De même, dans la seconde moitié des années
1990, l’affaire Dutroux avait suscité un vaste débat de société qui s’était centré sur les
dysfonctionnements constatés dans les secteurs de la police et de la justice. À cette
occasion, un certain nombre de citoyens, organisés notamment dans le cadre du
mouvement blanc, avaient également appelé de leurs vœux un renouveau politique et
une participation accrue des gouvernés à la vie publique. Cependant, les revendications
mises en avant ne concernaient pas le fonctionnement de la société considérée dans son
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2
ensemble . Le seul point de comparaison envisageable, et d’ailleurs souvent évoqué par
les membres de la société civile dans leurs interventions durant la période de confinement,
s’entend des projets nés pendant la Seconde Guerre mondiale pour préparer la
reconstruction du pays qui devait suivre la Libération.
Ce Courrier hebdomadaire entend donner un aperçu aussi large que possible des initiatives
et des prises de position issues de la société civile qui se sont manifestées et entrecroisées
à l’occasion de la crise générée par la pandémie de Covid-19. Partant, il s’attache à recenser

1
Sur les aspects juridiques et politiques de cette période, cf. F. BOUHON, A. JOUSTEN, X. MINY, E. SLAUTSKY,
« L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », Courrier hebdomadaire,
CRISP, n° 2446, 2020 ; J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire
(mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020 ; F. FALLON, A. THIRY, S. BRUNET,
« Planification d’urgence et gestion de crise sanitaire. La Belgique face à la pandémie de Covid-19 »,
2
Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2453-2454, 2020.
Pour une analyse récente de ce mouvement social né à l’occasion de l’affaire Dutroux et de son impact,
cf. B. RIHOUX, S. WALGRAVE, A.-P. FROGNIER, « Les mobilisations “blanches” : d’une crise de légitimité à
l’émergence de “nouveaux mouvements émotionnels” », in J. FANIEL, C. GOBIN, D. PATERNOTTE (dir.),
Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale contemporaine, Louvain-la-Neuve,
Academia-L’Harmattan, 2020, p. 63-81.

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– de façon certes non exhaustive – les mobilisations qui ont accompagné ces interventions
et éclairer les constellations d’acteurs qui les ont organisées ou y ont simplement souscrit.
Par société civile, on entend cet espace social intermédiaire dans lequel les citoyens sont
amenés à s’organiser de façon spontanée, en faisant usage de certaines de leurs libertés
fondamentales comme la liberté d’expression ou celle d’association, et ce en dehors et
indépendamment de l’État, des partis politiques et des acteurs économiques. Le choix a été
posé de ne pas prendre en considération de manière spécifique l’action des syndicats. Le
rôle des syndicats durant la pandémie de Covid-19 a été multiple (gestion des nombreuses
demandes d’indemnisation au titre du chômage temporaire, participation aux organes de
la concertation sociale à tous les niveaux, mobilisation dans certains secteurs ou entreprises,
etc.) et il mériterait assurément de faire l’objet d’une analyse à part entière, qui dépasse
le cadre restreint de ce Courrier hebdomadaire. Ces organisations (dont la place au sein de
3
la société civile est source de questionnements ) seront dès lors essentiellement évoquées
ici lorsqu’elles ont été associées à des initiatives coordonnées entre divers acteurs sociaux.
Durant la période analysée dans cette étude, de nombreuses initiatives ont vu le jour,
de sorte que, malgré le caractère assez limité dans le temps de la période examinée – le
confinement, au sens strict, a duré un peu moins de sept semaines, avant que la première
phase de déconfinement ne soit enclenchée le 4 mai 2020 –, on a observé la parution
de multiples interventions, tribunes et autres cartes blanches dans la presse (qui ont reçu
également un écho plus ou moins large sur les réseaux sociaux), de lettres ouvertes
adressées aux responsables politiques, de numéros spéciaux de revues, etc. Des débats
en visioconférence, des campagnes d’appel aux dons, des enquêtes participatives et des
manifestations, essentiellement virtuelles, ont aussi pris place.
Le matériau servant de base à la présente étude s’avère ainsi foisonnant. Il est composé
d’initiatives citoyennes collectives et individuelles. Comme le lecteur pourra le constater,
l’accent est résolument placé sur les initiatives collectives, même si des opinions
individuelles sont parfois évoquées lorsqu’elles permettent de mettre en relief des éléments
importants du débat public. En raison de l’ampleur des sources potentielles à exploiter,
ce Courrier hebdomadaire ne prétend pas à l’exhaustivité. Il offre davantage un panorama
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des prises de position de la société civile – et, dans la mesure du possible, des mobilisations
sociales qui les sous-tendent – nées durant le confinement. Ce sont surtout les interventions
les plus emblématiques ou celles qui ont suscité le plus de réactions dans l’espace public
et médiatique qui sont considérées. Certaines actions ou réflexions sont en outre
uniquement mentionnées au fil de l’exposé, sans faire l’objet d’analyses approfondies
et détaillées.
Quelques points saillants de cette analyse peuvent d’ores et déjà être mis en exergue.
En premier lieu, interviennent des acteurs très différents, dont certains sont rompus à cet
exercice tandis que d’autres n’ont pas l’habitude d’intervenir dans l’espace public. À côté
des interventions des associations, des personnes issues du monde académique, des
intellectuels et d’un certain nombre de citoyens engagés (et qui, généralement, sont
inscrits dans le tissu associatif ou entretiennent des liens avec le monde académique, voire

3
S. BELLAL, T. BERNS, F. CANTELLI, J. FANIEL (dir.), Syndicats et société civile : des liens à (re)découvrir, Bruxelles,
Labor, 2003 ; J. FANIEL, « Les relations entre syndicats et associations en Belgique : origines et actualité »,
in D. TARTAKOWSKY, F. TÉTARD (dir.), Syndicats et associations : concurrence ou complémentarité ?, Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 439-447.

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appartiennent à celui-ci), on trouve aussi – en raison de la nature de la crise – celles


émanant du personnel soignant (regroupé ou non en collectifs plus ou moins larges) :
infirmières et infirmiers, médecins et en particulier virologues et épidémiologistes, etc.
En effet, les derniers cités ne se sont pas contentés d’éclairer les responsables politiques
ou, à travers les interviews dans les médias, de partager leur expertise avec le grand public ;
ils ont également fait connaître leurs opinions par d’autres canaux.
En deuxième lieu, les réflexions enclenchées durant la période de confinement ne
concernent que rarement des enjeux uniquement locaux ou nationaux. D’une part, les
débats touchent à des questions qui, en raison de leur nature même, dépassent bien
souvent les frontières et se jouent à l’échelle globale. D’autre part, les acteurs étudiés
se réfèrent fréquemment à des mobilisations prenant place dans un contexte autre que
celui de la Belgique ou à des idées émanant d’observateurs ou d’acteurs étrangers.
En troisième lieu, loin de conduire à la mise en avant d’un cahier de revendications bien
balisé, cette période est marquée par une vaste réflexion au sein de la société civile, qui
traduit l’intensité de la vie sociale et associative en Belgique au-delà des partis politiques
et des organes qui y sont affiliés (en particulier, leurs centres d’études).
Enfin, on est frappé par le nombre important d’initiatives qui ont pris place – en particulier
au sud du pays, mais également au nord –, ainsi que par la nature transversale des
revendications mises en avant. De manière schématique, ces revendications touchent
à neuf grands pôles révélés par l’analyse thématique du corpus médiatique :
- le financement des services publics et, en particulier, celui du système de soins de
santé ;
- l’avenir du secteur culturel, particulièrement touché par la crise ;
- les défis qui se posent dans le domaine de l’enseignement en temps de pandémie
et au-delà ;
- la question des inégalités sociales qui ont été mises en lumière par la crise sanitaire,
avec une attention spécifique pour certaines catégories de personnes particulièrement
vulnérables (sans-abri, demandeurs d’asile ou sans-papiers, femmes victimes
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de violences conjugales, enfants en danger au sein de leur famille, personnes
surendettées, personnes âgées et notamment celles qui résident en maison de
repos ou en maison de repos et de soins, etc.) ;
- la question de la place du travail dans la société et, en particulier, celle de l’équilibre
entre vies professionnelle et familiale qui devrait être repensé à la lumière des
événements (outre les questions liées à la sécurité sur le lieu de travail, à la
généralisation du télétravail et à la viabilité du système d’assurance chômage, la
question de l’instauration d’une allocation universelle est également soulevée) ;
- la préparation à la crise écologique et en particulier climatique en cours et à venir,
non seulement en raison des ressemblances entre les deux types d’urgence impliqués
– sanitaire, d’un côté, écologique, de l’autre –, mais également suite à des inquiétudes
qui ont surgi quant à la sécurité alimentaire de la Belgique et de l’Europe (et, dans
une moindre mesure, en raison de la rapidité avec laquelle ont pu être observés des
effets bénéfiques liés à la diminution de diverses formes de pollution consécutivement
au confinement) ;

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- la critique d’un système économique capitaliste fondé sur la croissance qui, outre
les menaces qu’il fait peser sur la durabilité des écosystèmes, est source d’inégalités
sur les plans économique et social. Une telle critique ne doit pas être confondue
avec la mise en cause de certains effets plus politiques de la mondialisation qui a pu
prendre la forme, dans le contexte de la crise, d’une critique émise à l’endroit de
la construction politique qu’est l’Union européenne. On note également, dans
certains discours, une mise en cause de la mobilité des individus en tant que telle
et d’un phénomène – réel ou supposé – de porosité croissante des frontières. À partir
de telles analyses, certains acteurs dénoncent un amenuisement dangereux, selon eux,
de la souveraineté nationale que la crise du Covid-19 aurait révélé ;
- la protection des droits fondamentaux mise à mal suite à l’instauration d’un état
d’exception, la suspension de certains droits et libertés et la mise à l’arrêt, à tout
le moins partiellement, du service public de la justice ;
- la question du renouvellement démocratique et de la participation politique qui
devrait être repensée dans un contexte politique inédit.
Ce Courrier hebdomadaire est construit à partir de ces diverses thématiques, qu’il s’attache
à analyser de façon séparée, même si des liens sont établis entre ces catégories. Il va de
soi, en effet, que les interventions des acteurs sociaux, si elles se focalisent souvent sur
l’une ou l’autre de ces différentes thématiques, impliquent bien souvent des réflexions
qui touchent à plusieurs d’entre elles et qui suscitent des fertilisations croisées entre
celles-ci. Certaines mobilisations se caractérisent en outre par leur dimension résolument
transversale, des domaines extrêmement variés étant alors mis au centre d’une action
collective à laquelle plusieurs acteurs concourent. C’est le cas, par exemple, de l’appel
4
BeterNaCorona – qui a été porté en Flandre par onze médias et groupes de réflexion
soucieux de voir la société civile repenser le « monde d’après » à la lumière de cette crise
5
exceptionnelle – ou d’une initiative née au sein du monde académique, mettant en
avant des analyses proposées par 123 chercheurs universitaires inscrits dans des champs
disciplinaires variés de part et d’autre de la frontière linguistique (« Societal exit from
lockdown / Déconfinement sociétal / Maatschappelijke exit-strategie ») 6.
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L’étude de ces multiples interventions peut conduire au constat général suivant : le
« moment corona » est perçu très largement au sein de la société civile comme une
opportunité à saisir, non seulement pour faire entendre une série de revendications qui
préexistaient à la crise, mais aussi pour procéder à une évaluation renouvelée de celles-ci
et, plus généralement, de l’ensemble des normes sociales et juridiques qui encadrent la vie
collective. Les responsables politiques et ceux des corps intermédiaires sont ainsi mis

4
Aktief, Apache, DeWereldMorgen, De Gids op Maatschappelijk Gebied, Furia, Kifkif, Lava, Denktank
5
Minerva, Mondial Nieuws, Oikos et Sampol.
On trouvera notamment cet appel, en néerlandais et en français, sur le site Internet de Mondial Nieuws :
« Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », 16 avril 2020, www.mo.be. Les
sept domaines mis en avant et qui devraient, selon les initiateurs de l’appel, faire l’objet de débats sont
les suivants : un gouvernement puissant ; une société civile dynamique ; une économie dotée d’une
nouvelle boussole ; la question de l’inégalité qui nuit à la cohésion sociale, sape les structures sociales
et empêche une politique climatique décisive ; la nécessité de construire un avenir meilleur et non placé
uniquement sous le signe de l’abondance ; une mondialisation juste fondée sur davantage de coopération ;
6
le développement d’emplois verts et les investissements verts.
« Déconfinement sociétal. Apports d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020,
www.cartaacademica.org.

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« sous pression », non seulement par la crise elle-même et ses nombreuses conséquences
sur les plans sanitaire, économique et social, mais aussi en raison de cette utilisation
stratégique de la crise en tant que caisse de résonance pour une série de revendications,
voire en tant qu’occasion historique dont il convient de s’emparer pour opérer un
changement de paradigme économique et social. Les appels à la formulation d’un nouveau
pacte écologique, économique et social sont en effet nombreux 7.
Une explication de cette mobilisation inédite peut d’ores et déjà être proposée, qui sera
rendue plus transparente dans les pages qui suivent. De nombreux acteurs sociaux
semblent craindre que la gestion de la crise économique et sociale et les mesures d’austérité
qu’elle engendrera éventuellement, en raison de ses effets profonds sur différents secteurs
et sur les finances publiques, ne conduise à un abandon de certaines mesures radicales
qui sont requises, de façon plus ou moins urgente, sur les plans écologique, économique,
social et politique. La perspective qui sert de repoussoir à ces acteurs et observateurs est
celle du retour au « business as usual » : de la reprise, à l’issue de la période marquée par
la lutte contre la pandémie, des politiques prônées et mises en œuvre avant que celle-ci
ne vienne bouleverser la vie collective. Les acteurs de la société civile qui font entendre
leur voix estiment au contraire, le plus souvent, que la mise à l’arrêt de la machine
économique et sociale devrait conduire à des changements radicaux, à une ère marquée
par une volonté de reconstruction plutôt que de retour à la « normale ». À défaut,
la répétition d’autres crises majeures dans un proche avenir est prédite, voire un
effondrement de nos sociétés.
L’intensité de la mobilisation sociale qui se manifeste après l’éclatement de la crise due
au Covid-19, et ce dès les premières semaines caractérisées par de strictes mesures de
confinement et de distanciation sociale en Belgique comme dans de nombreuses régions
du monde, peut être mise en relation avec la radicalité des enjeux qui se posent
à l’humanité, que ce soit sur le plan environnemental, économique, social ou politique.
e
Le début du XXI siècle est en effet marqué non seulement par l’accélération d’une crise
majeure des écosystèmes aux niveaux local, national et international, mais aussi par
un accroissement des inégalités économiques, par la fragilisation de certaines composantes
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essentielles de l’État social qui a été bâti dans le courant du XXe siècle, ainsi que par un
amenuisement de l’influence du modèle démocratique sur la scène internationale en raison
de l’apparition de tendances politiques autoritaires ou national-populistes de plus en plus
puissantes.
Il nous faut également faire l’hypothèse d’un autre élément explicatif, plus prosaïque, de
cette intensité de la mobilisation durant le confinement, principalement en Communauté
française. Du jour au lendemain, des centaines de citoyens engagés appartenant à des
syndicats, des partis politiques de gauche ou des associations se sont retrouvés en télétravail,
sans lien avec leur public habituel. Ces acteurs ont dès lors trouvé à réorienter leur action
associative.
On ne peut en outre pas exclure que, dans certains cas, ces prises de position poursuivent,
au-delà de leur objectif affiché, d’autres buts. Durant la période de confinement, on
a en effet observé, dans de nombreux secteurs de la société et dans le monde associatif
en particulier, une sorte de « course à la visibilité ». Certains acteurs de la société civile

7
Concernant les appels à la conclusion d’un « nouveau pacte social », cf. É. LÉONARD, « Pacte social :
enjeux anciens, nouveaux défis », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2452, 2020.

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ont sans doute pu percevoir dans cette situation exceptionnelle une injonction à justifier
leur travail, qu’il soit militant ou scientifique. Dans bien des cas, la période de confinement
s’est ainsi transformée en une fenêtre d’opportunité pour populariser un message, peut-
être également pour justifier des subventions publiques avant des temps difficiles (en
8
valorisant, par exemple, une activité militante en éducation permanente ) ou – sans qu’une
telle formulation ne soit péjorative – pour « occuper le terrain » et peser sur des rapports
de force mis sous tension par la situation de crise, que ces derniers impliquent les autorités
publiques, les corps intermédiaires ou encore d’autres acteurs au sein du tissu associatif
ou de la société civile considérée de façon plus large.
Quelques remarques d’ordre plus méthodologique doivent enfin être formulées. La
méthode mobilisée dans le cadre de cette recherche est qualitative et repose sur l’analyse
d’un large corpus de données médiatiques. Cela permet non seulement de proposer
un panorama des initiatives citoyennes développées pendant la période de confinement,
mais aussi de mettre ces initiatives en relief afin de repérer les thèmes qu’elles abordent, les
acteurs ou types d’acteurs qu’elles rassemblent, les modus operandi utilisés, etc. Il convient
toutefois d’aborder de tels résultats avec une certaine prudence. Primo, en raison du
manque de recul temporel qui a présidé à la rédaction de ce Courrier hebdomadaire, une
partie seulement de la mobilisation citoyenne peut être cernée à travers l’analyse des
archives médiatiques. Un grand nombre d’initiatives peut en effet ne pas bénéficier
d’un écho médiatique ou ne pas s’exprimer via les médias ; il en est ainsi de celles qui sont
principalement portées sur les réseaux sociaux. Secundo, l’intervention dans l’espace
public pendant la période de confinement a souvent pris la forme de cartes blanches
ou de lettres ouvertes, ce qui implique un certain nombre de limites qui méritent d’être
rappelées. La liste des signataires d’une carte blanche ou d’une lettre ouverte indique des
convergences ou des accords entre ces personnes ou les associations qu’elles représentent
sur des éléments contenus dans un texte donné à un moment donné. L’examen de la
seule version publiée d’un tel texte ne permet toutefois pas, en règle générale, de savoir
qui a rédigé la première version du texte ou est à l’origine de l’initiative, comment
la récolte des signatures a été opérée, quel est le degré d’adhésion des signataires, etc.
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Autrement dit, lorsque l’on examine les prises de position recensées dans ce Courrier
hebdomadaire, il convient de rester conscient qu’elles peuvent représenter, à certains
égards, la pointe visible de l’iceberg que constituent les mouvements sociaux et la société
civile en Belgique, dont l’activité est particulièrement riche et dont les connexions ne

8
Sur la base du décret du 17 juillet 2003 relatif au développement de l’action d’éducation permanente
dans le champ de la vie associative (Moniteur belge, 26 août 2003), la Communauté française subsidie
er
les activités d’une série de mouvements et associations. L’article 1 de ce décret pose clairement les
ambitions progressistes que porte ce décret : « Le présent décret a pour objet le développement de l’action
d’éducation permanente dans le champ de la vie associative visant l’analyse critique de la société,
la stimulation d’initiatives démocratiques et collectives, le développement de la citoyenneté active et
l’exercice des droits civils et politiques, sociaux, économiques, culturels et environnementaux dans
une perspective d’émancipation individuelle et collective des publics en privilégiant la participation
active des publics visés et l’expression culturelle. Cet objet est assuré par le soutien aux associations
qui ont pour objectif de favoriser et de développer, principalement chez les adultes : a) une prise de
conscience et une connaissance critique des réalités de la société ; b) des capacités d’analyse, de choix,
d’action et d’évaluation ; c) des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale,
économique, culturelle et politique. La démarche des associations visées par le présent décret s’inscrit
dans une perspective d’égalité et de progrès social, en vue de construire une société plus juste, plus
démocratique et plus solidaire qui favorise la rencontre entre les cultures par le développement d’une
citoyenneté active et critique et de la démocratie culturelle ».

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 11

peuvent dès lors pas être pleinement mesurées à la seule lecture des listes de signatures.
Tertio, les initiatives analysées ne constituent parfois que des étapes intermédiaires
à certaines mobilisations citoyennes. Ainsi, les cartes blanches ou opinions peuvent, certes,
viser à gagner en visibilité au sein de la société civile, mais elles peuvent aussi avoir pour
objectif de créer un espace de convergence en vue d’une mobilisation plus intense dans
le moyen voire dans le long terme.
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1. LE FINANCEMENT DES SERVICES PUBLICS
ET, EN PARTICULIER, DU SYSTÈME DE SOINS
DE SANTÉ

La question du financement des services publics se trouve au cœur de nombreuses


réflexions ou initiatives citoyennes développées pendant la période de confinement. Plus
spécifiquement, c’est surtout au secteur de la santé qu’a trait la majorité des interventions.
Et pour cause, déjà avant l’éclatement de la pandémie, de nombreuses voix se sont élevées
pour dénoncer, notamment, le manque d’effectifs au sein des équipes médicales et
paramédicales, la précarité des conditions de travail et le sous-financement des hôpitaux.
C’est ainsi qu’a été créé le collectif La Santé en lutte, qui se présente comme « un espace
de convergence du personnel des soins de santé en lutte pour de meilleures conditions
9
de travail et des soins de qualité pour toutes et tous » et qui rassemble des infirmiers, des
sages-femmes, des médecins, des brancardiers, des aides-soignants, du personnel de la
lingerie, de la restauration et de l’entretien ménager, des techniciens, des secrétaires, des
laborantins, des ambulanciers et des patients. Ce collectif a vu le jour, à l’initiative de
délégués syndicaux, dans la foulée de la grève féministe du 8 mars 2019, lors de laquelle
les infirmières de l’hôpital bruxellois Brugmann étaient parties en grève pour la première
10
fois depuis longtemps . Le 13 septembre 2019, le collectif a organisé une assemblée
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générale, lors de laquelle un ensemble de vingt revendications a été adopté (demande d’un
refinancement des soins de santé, de l’arrêt de la précarité des emplois, d’une revalorisation
11
salariale, d’un arrêt de l’hyperflexibilité forcée, etc.) . Rapidement, une pétition « pour
des soins de qualité pour tous » a été lancée en ligne et une manifestation « pour la santé »
12
a été prévue pour le 29 mars 2020 .
En parallèle, à l’initiative de la Centrale nationale des employés (CNE, affiliée à la
Confédération des syndicats chrétiens de Belgique - CSC), un mouvement de contestation
baptisé « les blouses blanches » s’est créé le 4 juin 2019, afin que le personnel infirmier
puisse faire « entendre son ras-le-bol face aux dégradations de [ses] conditions de
travail » 13. Organisées pendant plusieurs mois, des manifestations ont notamment donné

9
Cf. le site Internet https://lasanteenlutte.org.
10
11
« “La Santé en lutte” donne la parole à celles qui soignent », RTBF Info, 3 avril 2020, www.rtbf.be.
12
Cf. le site Internet https://lasanteenlutte.org.
Cette date a été fixée avant que n’éclate la crise sanitaire.
13
« Premier “mardi des blouses blanches” contre la dégradation des conditions du personnel infirmier »,
RTBF Info, 4 juin 2019, www.rtbf.be. Cf. aussi « Soins de santé : le retour du ras-le-bol », Le Soir en ligne,
19 mai 2020, www.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 13

lieu à l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi créant un Fonds « blouses


14
blanches » à la Chambre des représentants, le 21 novembre 2019 . Néanmoins, malgré
le montant débloqué en faveur du secteur paramédical, nombreuses sont restées les voix
à s’exprimer afin de demander d’aller plus loin encore dans l’investissement de l’Autorité
fédérale dans le secteur de la santé 15.
Alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 émerge en Belgique, elle fait rapidement
revenir la question du financement du secteur de la santé sur le devant de la scène.
Le 1er avril 2020, une série de représentants de syndicats, de mutuelles et de mouvements
associatifs, ainsi que des responsables et travailleurs au sein d’organisations non
gouvernementales (ONG) diverses, des chercheurs, des journalistes, des réalisateurs, des
artistes et des citoyens engagés publient une carte blanche dans le quotidien Le Soir
afin de dénoncer le manque de moyens octroyés aux services publics et pour appeler
à un meilleur financement de ceux-ci. Ils indiquent que « les coupes opérées ces dernières
années dans les services publics, dans le secteur associatif, dans la culture et la sécurité
sociale, particulièrement dans les soins de santé, ont lourdement fragilisé la population.
L’inconcevable épisode, toujours en cours, des masques de protection sacrifiés sur l’autel
16
de l’austérité, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres . L’État, en devenant un acteur
économique focalisé sur les aspects budgétaires, a rompu son contrat social avec les
citoyen·ne·s. La santé étant tenue pour acquise en est l’exemple. L’intérêt collectif doit
redevenir la priorité des politiques publiques. Estimées à quelque 10 milliards, les aides
d’urgence décidées à ce jour ne pourront en aucun cas venir justifier de nouvelles
coupes dans notre sécurité sociale, nos services publics, le secteur associatif ou la culture.
Sous couvert de réformes structurelles qui n’en finissent plus de creuser les inégalités
et de préparer la crise suivante » 17. Hétérogène dans sa composition au niveau des
professions représentées et dépassant largement les rangs des travailleurs de la santé, ce
regroupement d’acteurs de la société civile défend les services publics dans leur ensemble
plutôt qu’un secteur particulier. Dans les mois qui suivront la publication de la carte
blanche, il prendra la forme d’un véritable collectif, ayant pour nom « Faire front ».
Principalement mobilisé sur les réseaux sociaux, ce collectif se présente comme étant
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« un espace de convergence sociale, écologique et démocratique » 18.
Allant dans le même sens, quatre secrétaires régionaux intersectoriels de la CSC Services
publics – Mounia Benslama, Xavier Lorent, Gaston Merkelbach et Dominique Wilkin –
défendent aussi l’idée de services publics forts dans une autre carte blanche publiée dans
le même quotidien. Dénonçant la diminution continue des moyens alloués à l’État et
à ses institutions et rappelant les conséquences de celle-ci, ils indiquent : « Le service

14
Cf. la loi du 9 décembre 2019 portant création d’un Fonds blouses blanches (Moniteur belge, 9 décembre
15
2019).
« Le Fonds “blouses blanches” adopté définitivement à la Chambre », RTBF Info, 21 novembre 2019,
16
www.rtbf.be.
Le 23 mars 2020, l’hebdomadaire Le Vif/L’Express révèle que, pour des raisons budgétaires, la ministre
fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block (Open VLD), a laissé périmer
le stock de masques de protection respiratoire individuelle de type FFP2 sans le reconstituer après sa
destruction (cf. J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) »,
op. cit., p. 18-23).
17 er
« Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir », Le Soir en ligne, 1 avril 2020, www.lesoir.be (la liste
18
des signataires est reproduite en annexe 1 du présent Courrier hebdomadaire).
« Lettre au monde politique et appel aux forces sociales », 19 juin 2020, www.facebook.com/Faire-Front.

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14 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

public (…) a pour mission de servir l’intérêt général, l’intérêt de tous. Il ne recherche pas
le profit mais offrir à tous les mêmes services. Il est un modèle de société solidaire car
il redistribue l’impôt sous forme de service à la population » 19. Selon les signataires de
la carte blanche, la crise sanitaire est une opportunité de changement à saisir pour « rebâtir
une société refondée sur les services publics ». Comme l’initiative précédente et à l’inverse
de plusieurs autres, le texte ne défend pas le financement des services publics dans un
secteur déterminé, mais est d’une portée plus générale.
Le 7 avril 2020, alors qu’est célébrée la journée mondiale de la santé, la Plateforme d’action
Santé et solidarité (PASS) publie une carte blanche afin de défendre spécifiquement le
secteur de la santé et son financement. Fondée à l’initiative des deux grandes organisations
syndicales et des deux grandes mutualités, de divers réseaux et associations, d’ONG et de
représentants d’universités, la PASS a pour objectif d’unir les forces de ces acteurs afin
20
de « prévenir les conséquences de la politique néolibérale sur le plan social et sanitaire » .
Collective par la composition même de cette plateforme, la carte blanche ainsi publiée est
portée par un ensemble d’acteurs déjà rassemblés avant la crise sanitaire ; il ne s’agit donc
pas d’une initiative provenant d’un regroupement d’acteurs ad hoc. À travers ce texte, le
collectif indique qu’« avant cette crise sanitaire, les services publics et non marchand
ne pouvaient plus répondre aux besoins de la population par manque de ressources...
et les acteurs commerciaux sont entrés sur le “marché” pour combler le vide créé par cette
politique. Ces services commerciaux offrent, aux clients les plus solvables, des services
plus coûteux. Les citoyens les plus aisés peuvent donc se permettre de bénéficier de soins
rapides, réguliers et de qualité. Les autres doivent se contenter des soins que les services
21
publics et non marchand, sous-financés, peuvent encore offrir » .
Toujours à l’occasion de la journée mondiale de la santé, une action « drap blanc »
est menée à l’échelle européenne par le Réseau européen contre la privatisation et la
commercialisation de la santé et de la protection sociale (REPCSPS), afin d’appeler
à un meilleur financement des soins de santé en Europe. Concrètement, cette action vise
à appeler les citoyens à accrocher un drap blanc dans un endroit visible ou à confectionner
une pancarte à leur domicile puis d’en partager la photographie, notamment sur les réseaux
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sociaux. L’objectif est de militer en faveur d’« un système de santé financé par les pouvoirs
publics [et] accessible à tous ». Rejointe par plus de 160 organisations, cette action parvient
22
aussi à mobiliser en Belgique. Parmi les organisations belges ayant rejoint l’action , citons
notamment ici beweging.net, la Centrale nationale des employés (CNE), la Confédération
des syndicats chrétiens de Belgique (CSC), la CSC Services publics, les Équipes populaires
(EP), la Fédération des associations sociales et de santé (FASS), la Fédération des maisons
médicales et des collectifs de santé francophones (FMM), la Fédération générale du travail
de Belgique (FGTB), la FGTB Centrale générale (CG), La Santé en lutte, le Mouvement
ouvrier chrétien (MOC), la Plateforme d’action Santé et solidarité (PASS), la mutualité
socialiste Solidaris et le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA, affilié
à la FGTB). Cette mobilisation – originale par la forme qu’elle adopte – prend place dans

19
« Les crises comme révélateur de la nécessité des services publics… », Le Soir en ligne, 9 avril 2020,
20
https://plus.lesoir.be.
Cf. le site Internet www.sante-solidarite.be.
21
22
Cf. le site Internet www.sante-solidarite.be.
La liste des organisations belges ayant rejoint l’action « drap blanc » du 7 avril 2020 est reproduite en
annexe 2 du présent Courrier hebdomadaire.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 15

un contexte sanitaire rendant impossible l’organisation d’un rassemblement dans les lieux
publics. En outre, elle parvient à fédérer tant au sud qu’au nord du pays.
Une carte blanche signée par Marc Uyttendaele et Jérôme Sohier – avocats et
respectivement professeur et maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles
(ULB) – et publiée dans le magazine Le Vif/L’Express le 21 avril 2020 appelle elle aussi
à la réflexion quant au financement des hôpitaux et, plus largement, des services publics 23.
Alors que les deux juristes dénoncent le manque de moyens dont pâtissent les hôpitaux,
ils rappellent aussi que l’impôt a notamment pour fonction de financer les services
publics : « Depuis trop longtemps, l’obsession de l’équilibre budgétaire et la réduction
de la fiscalité – sans réflexion sérieuse sur la manière de la rendre plus juste – ont conduit
à abîmer même l’idée du service public ».
Constitué depuis 2019 (cf. supra), le collectif La Santé en lutte est également très actif
durant la période de confinement, principalement sur les réseaux sociaux. Entre autres,
il y partage de nombreux témoignages de travailleurs du monde médical ou paramédical
et y rappelle ses revendications. C’est notamment à l’initiative de ce collectif qu’est
organisée une « haie de déshonneur » lorsque, le 16 mai 2020, la Première ministre (Sophie
Wilmès, MR) effectue une visite au Centre hospitalier universitaire (CHU) Saint-Pierre
de Bruxelles 24 : à l’entrée du centre hospitalier, une centaine de membres du personnel
soignant tourne le dos au convoi de voitures au fur et à mesure de son avancée. Cette action
connaît une médiatisation particulièrement importante.
À côté de ces initiatives à caractère collectif, plusieurs opinions individuelles attirent
l’attention sur un sous-financement des soins de santé en Belgique. Dans une carte
blanche publiée dans Le Soir le 26 mars 2020, Édouard Delruelle, professeur à l’Université
de Liège (ULiège) et président de l’Union nationale des mutualités socialistes (UNMS),
déplore le définancement de l’État social qu’ont selon lui réalisé les gouvernements
fédéraux Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et Michel II (MR/CD&V/Open VLD)
de 2014 à 2019 et qui, à ses yeux, s’est traduit de différentes manières : « Des centaines
de millions d’euros d’économies directes sur les patients ; une explosion des suppléments
d’honoraires, en raison du sous-financement des structures hospitalières ; un cadeau
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de 800 millions d’euros à l’industrie pharmaceutique ; une offensive incompréhensible
25
contre les maisons médicales, etc. » . Dans une autre carte blanche, Nathan Clumeck,
professeur émérite en maladies infectieuses à l’ULB et au CHU Saint-Pierre, réclame
également que soit revue « la politique de financement de nos soins de santé, qui – si
elle reste liée au résultat de la croissance – ne va jamais pouvoir répondre aux défis qui nous
attendent encore et pour longtemps en termes de santé publique » 26. D’autres, comme
Philippe Leroy, directeur général du CHU Saint-Pierre, invitent à repenser les critères
en vertu desquels les hôpitaux sont financés, suggérant de remplacer le financement
à l’acte effectué par un financement reposant sur plusieurs piliers : « Des forfaits pour 80 %

23
24
M. UYTTENDAELE, J. SOHIER, « Vive l’impôt », Le Vif/L’Express en ligne, 21 avril 2020, www.levif.be.
Au début de la pandémie, le CHU Saint-Pierre avait été l’un des établissements hospitaliers belges de
référence pour les patients infectés ou suspectés d’être contaminés par le nouveau coronavirus. Le
25
système des hôpitaux de référence dans le cadre de cette crise avait pris fin le 10 mars.
É. DELRUELLE, « Face au coronavirus : le retour de l’État social », Le Soir en ligne, 26 mars 2020,
26
https://plus.lesoir.be.
N. CLUMECK, « Le confinement ne peut suffire à contrôler l’épidémie », Le Soir en ligne, 28 mars 2020,
https://plus.lesoir.be.

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16 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

des prises en charge ; un financement “au prix coûtant” pour 20 % des cas complexes
(médicaux/sociaux) ; un bonus pour l’atteinte d’objectifs de qualité ou la réussite de
projets » 27.
Au-delà des appels pour un financement plus important des services publics, la question
de la provenance des moyens utiles à ce financement est aussi posée. La notion de justice
fiscale, considérée de façon plus large, s’invite spécifiquement dans les débats.
En témoigne une initiative du Réseau pour la justice fiscale (RJF) – qui réunit les syndicats
et une trentaine d’ONG, de mouvements et d’associations de Wallonie et de la Région
bruxelloise, dont le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11) –,
qui met en avant un certain nombre de réflexions et de revendications. Celles-ci
préexistaient certes à la crise, mais elles sont réactivées par elle, et en particulier par la
perspective de la grave crise économique qui risque de peser dramatiquement sur les
finances publiques. En résumé, dans son communiqué du 5 mai 2020, le RJF estime que,
s’il importe certes que l’État puisse soutenir les entreprises ayant été touchées par les
conséquences de la crise sanitaire, il est également crucial que ces aides soient conditionnées
à une plus grande transparence de la part de ces entreprises quant à leurs pratiques fiscales,
afin d’éviter que les contribuables n’apportent leur soutien à des entreprises qui favorisent
l’évasion fiscale.
Avant cela, l’Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action
citoyenne (ATTAC) 28 a déjà porté une initiative visant à lutter contre l’évasion fiscale.
Concrètement, dès le 25 février 2020, ATTAC lance un vaste appel à destination des
citoyens et des associations pour porter plainte contre les organisateurs de la fraude fiscale.
Pendant la durée du confinement, le mouvement rappelle que l’évasion fiscale est
à l’origine du sous-financement des services publics, notamment dans le secteur de la santé.
Par conséquent, il relaie de manière d’autant plus importante son appel durant cette
période : « La pandémie du Covid-19, dit coronavirus, a tragiquement mis en lumière
le coût humain du désinvestissement dans les systèmes de soins de santé. Celui-ci tient
en dernière instance aux politiques d’austérité qui, depuis des décennies, mettent à mal
nos services publics sous prétexte de raréfaction des richesses… Alors même que celles-ci
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n’ont jamais été aussi abondantes ! Cette pénurie de façade porte un nom : l’évasion fiscale.
Elle est rendue possible par ceux qui contribuent à la mettre en œuvre : certains avocats
29
fiscalistes, experts-comptables et réviseurs d’entreprises » .
De leur côté, la plateforme d’Audit citoyen de la dette publique en Belgique (plateforme
30 31
ACIDe) et le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) plaident en
complément pour un moratoire sur le paiement de la dette de la Belgique, pour la
réalisation d’un audit de cette dette impliquant les citoyens, pour la restructuration
de cette dette incluant son annulation partielle et pour la modification des modes
d’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir les États.

27
P. LEROY, « Après la crise, un new deal pour les soins de santé », Le Soir en ligne, 16 avril 2020,
https://plus.lesoir.be.
28
Sur cet acteur, cf. S. HEINE, « Le mouvement ATTAC en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP,
29
n° 2003-2004, 2008.
« Portez plainte contre les organisateurs de l’évasion fiscale ! », 25 février 2020, http://wb.attac.be.
30
« Covid-19 et dette publique : comment éviter que le scénario de 2008 ne se reproduise ? », 25 avril 2020,
31
www.auditcitoyen.be.
« Série Covid-19 (3/4) : propositions de mesures à prendre », 23 mars 2020, www.cadtm.org.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 17

Alors que les initiatives – collectives ou individuelles – portant sur le financement des
services publics sont nombreuses durant la période de confinement, sans surprise, elles
traitent principalement du financement du secteur de la santé. Les organisations et les
citoyens mobilisés sur cette question proviennent d’horizons variés : tantôt du monde
médical ou paramédical, tantôt du monde académique, tantôt du monde syndical et
mutuelliste, tantôt du monde associatif au sens large. Néanmoins, tous partagent un même
constat, celui d’un sous-financement du département de la santé, et une même conviction,
celle de la nécessité d’investir de façon plus importante dans ce secteur. Alors que la
question était déjà au cœur de l’agenda politico-médiatique en 2019, particulièrement
depuis la constitution du collectif La Santé en lutte et les actions menées par les « blouses
blanches » au début du mois de juin, la société civile entend ainsi l’y maintenir encore
dans la foulée de la crise sanitaire. Plus largement, ces acteurs partagent un attachement
à des services publics forts et correctement financés et à une sécurité sociale solide, gages
d’accès égal aux services collectifs, notamment de santé.
Un second type d’initiatives – moins nombreuses durant la période investiguée – porte
davantage sur l’origine des moyens destinés à l’accroissement du financement des services
publics. À travers la rédaction d’une carte blanche, de divers articles et d’un appel à porter
plainte contre les organisateurs de la fraude fiscale, celles et ceux qui se mobilisent
défendent le principe de la justice sociale.
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2. LA CULTURE ET LE SPORT, DEUX SECTEURS
PARTICULIÈREMENT EXPOSÉS
DURANT LA CRISE

Les mesures de distanciation sociale et ensuite de confinement appliquées par le


gouvernement fédéral Wilmès II (MR/CD&V/Open VLD) à partir du 14 mars 2020
frappent de plein fouet le secteur de la culture, en particulier celui du spectacle vivant.
La Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) calcule ainsi que, jusqu’à
la fin du mois de mars, pas moins de 8 935 événements sont rayés du calendrier en
Belgique 32. En outre, les salles de cinéma subissent également l’impact des mesures de
fermeture des commerces considérés comme non essentiels ; il en va de même des secteurs
de la vente de livres et de supports musicaux. Le secteur du sport, qu’il soit professionnel
ou amateur, est également durement touché par les mesures de confinement décidées
par le Conseil national de sécurité (CNS).

2.1. LA CULTURE

Dès le 17 mars, cette situation amène certaines associations d’artistes à pousser un cri
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d’alarme. Le président du Genootschap van Artiesten Lichte Muziek (GALM, une
association flamande rassemblant des artistes de variétés), Tom Kestens, s’interroge :
pourquoi aider les cafés et les restaurants, et pas le monde culturel ? Il plaide pour la
33
mise en place d’un fonds d’urgence .
Le lendemain, 18 mars, la plateforme numérique State of the Arts (SOTA) ouvre une ligne
téléphonique directe pour enregistrer des témoignages d’acteurs du secteur culturel.
SOTA réunit des artistes flamands 34 qui y adhèrent à titre individuel, mais également
certaines organisations comme le GALM déjà cité, l’Acteursgilde (littéralement : « guilde
des acteurs ») et le Nieuwe Internationaal Cultureel Centrum (NICC), une association
anversoise de promotion de l’art plastique contemporain. SOTA a vu le jour en 2014,
en réaction aux premières mesures d’austérité décidées par le gouvernement flamand

32
« La SABAM libère 18 millions d’euros pour ses auteurs », La Libre Belgique en ligne, 8 avril 2020,
33
www.lalibre.be.
T. KESTENS, « Er moet een noodfonds voor de culturele sector komen », De Tijd en ligne, 17 mars 2020,
34
www.tijd.be.
La plateforme est néanmoins trilingue : néerlandais, français, anglais. La plupart des textes publiés sont
traduits.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 19

Bourgeois (N-VA/CD&V/Open VLD, formé le 25 juillet 2014). La plateforme et d’autres


organisations culturelles flamandes ont également mené des actions à l’automne 2019,
lorsque le gouvernement flamand Jambon (N-VA/CD&V/Open VLD, formé le 2 octobre
2014) a décidé de réduire sensiblement les subventions à de nombreuses organisations,
35
y compris culturelles, de la société civile .
La préoccupation première de SOTA est la précarité qui caractérise la situation des artistes
en temps de confinement. L’organisation crée d’ailleurs un « outil de solidarité » en ligne
(@sosrelief.net) ; de même, elle fait partie de la « taskforce cultuur » de l’administration
flamande, qui se penche sur les modalités de mise en place du fonds d’urgence
(« noodfonds ») que compte installer le gouvernement flamand sur la base du décret
flamand du 20 mars 2020 36. Le 20 avril, la plateforme signe, avec plusieurs autres
associations d’acteurs culturels – parmi lesquelles Artists United 37, la Société des auteurs
et compositeurs dramatiques (SACD), l’Unie van Regisseurs, l’Union des artistes du
spectacle (UAS) et la Vlaamse Auteursvereniging (VAV) –, une liste de revendications
adressées à la fois à la ministre fédérale de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs
(Nathalie Muylle, CD&V) et au gouvernement flamand Jambon, demandant des mesures
pour la protection sociale des artistes autonomes ou non subventionnés (extension
du régime de chômage temporaire, compensations internes au secteur, intervention des
pouvoirs locaux). Ces revendications seront relayées, lors de la réunion du 30 avril 2020
de la commission en charge de la Culture au sein du Parlement flamand, par le député
Gustaaf Pelckmans (Groen) 38.
Cette thématique est en effet le premier sujet dont s’emparent les porte-parole associatifs.
Ils s’adressent de ce fait tant au niveau fédéral (compétent pour ce qui est du statut
professionnel des artistes et de leur accès aux allocations de chômage) qu’aux
Communautés (qui ont en charge les matières culturelles). Le statut de l’artiste se trouve
également au cœur de plusieurs cartes blanches individuelles publiées au cours de la
période de confinement. Par exemple, le pianiste, comédien et auteur Pierre Solot
s’exprime dans L’Écho du 21 avril sous le titre « Les musiciens ne sont même pas des
juke-box ». Il y insiste aussi sur un autre aspect « culturel » du confinement : le fait que,
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le lien entre l’artiste et son public ne pouvant se maintenir que virtuellement, l’idée d’une

35
Actions qui ont sans doute contribué à faire revenir le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA),
en charge de la Culture au sein de son gouvernement, sur sa décision de réduire de 60 % en 2020 les
subsides réservés aux projets culturels (cf. « Jan Jambon draait beslissing over besparingen in cultuursector
deels terug: “vier miljoen extra voor projectsubsidies” », VRT News, 16 avril 2020, www.vrt.be).
Cf. l’arrêté du gouvernement flamand du 24 avril 2020 réglant certaines mesures temporaires dans le cadre
de l’urgence civile en matière de santé publique en raison du coronavirus Covid-19, en ce qui concerne
le deuxième cycle d’évaluation de 2020 pour les subventions de projet et les bourses dans le cadre du
36
décret sur les arts (Moniteur belge, 29 avril 2020).
Décret flamand du 20 mars 2020 contenant des mesures en cas d’urgence civile en matière de santé publique,
er
Moniteur belge, 24 mars 2020. La décision de créer un fonds d’urgence est annoncée le 1 avril 2020,
mais il faudra attendre le 2 juin pour que le gouvernement flamand fixe le montant de ce fonds ; le 17 juin,
le Parlement flamand adoptera ensuite une proposition de décret déposée par des membres de la majorité
pour fixer les modalités d’exécution (cf. le décret flamand du 19 juin 2020 contenant des mesures urgentes
relatives aux fonds d’urgence pour la culture, la jeunesse, le sport, les médias et les administrations locales,
37
et relatives à la lutte contre la pauvreté à la suite de la pandémie Covid-19, Moniteur belge, 29 juin 2020).
Artists United est un bureau social pour artistes (BSA) qui conseille notamment ses membres en matière
38
d’accès au chômage.
Parlement flamand, Commission de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Médias, Question n° 1975
de G. Pelckmans au ministre J. Jambon, 30 avril 2020, www.vlaamsparlement.be.

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20 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

gratuité des prestations artistiques finit par faire son chemin au détriment du travail
39
produit par les acteurs culturels .
La nécessité de prendre des mesures d’urgence pour préserver la survie économique des
artistes est soulignée à plusieurs autres reprises. Le 31 mars 2020, un collectif de signataires
publie un « Manifeste pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture », qui
demande de mettre en place cinq mesures d’urgence : la création d’un système
d’enregistrement en ligne des pertes financières, l’immunisation du statut d’artiste,
l’élargissement du chômage temporaire, la mise en place d’un fonds de solidarité
exceptionnel et la création d’une cellule d’accompagnement 40. Le Manifeste insiste sur
le fait que les financements ne doivent pas être portés par la population mais « par les
épaules les plus larges de notre pays. Nous pensons aux multinationales, notamment
aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et aux multimillionnaires ».
Parmi les signataires, figurent des noms d’artistes connus (Fabrice Murgia, Claude Semal,
Philippe Sireuil ou Freddy Tougaux) et quelques organisations culturelles comme
l’Association de techniciens professionnels du spectacle (ATPS) et la Fédération des
auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR).
Une autre initiative du même type suivra, mais après le 4 mai 2020 : une lettre ouverte
(« Manifeste ») que signeront plusieurs milliers de personnalités du secteur (dont, parmi
les plus connues, Angèle, Michèle Anne De Mey, Romeo Elvis, Thomas Gunzig, Joachim
Lafosse, Mousta Largo, Jaco Van Dormael et Bernard Yerlès) ainsi que des associations
sous le label « Your culture, our future » : « Nous ne verrons pas la fin de la crise, nous
serons morts avant ! ». Plusieurs sociétés (dont un certain nombre travaillant dans
l’événementiel) et organisations signeront également ce texte, qui sera rendu public le
11 mai 2020 et dont les initiateurs organiseront, le 14 mai, une « action coup de poing »
en égrenant, dans la salle (quasi) vide de Forest National à Bruxelles, les signes du spectacle
41
(lumières, trois coups, applaudissements, briquets allumés) sur le mode de l’absence .
Début mai, le Mouvement des étudiant·e·s et travailleu·ses des arts en lutte (METAL) 42
demande l’adoption rapide d’une proposition de loi qui a été déposée à la Chambre
43
des représentants par le groupe Écolo-Groen sur la création d’un fonds solidaire,
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39
Ce constat n’est pas sans rappeler la réponse de la Première ministre à une question du député fédéral
François De Smet (Défi) lors de la séance plénière de la Chambre des représentants du 16 avril 2020 :
« Cela signifie donc que les artistes qui avaient droit au chômage avant la crise garderont ce droit durant
celle-ci. Je sais que c’est une maigre consolation quand on a besoin de s’exprimer publiquement.
J’espère que les artistes pourront trouver d’autres moyens à cette fin pour traverser, comme les autres,
à leur manière, cette crise sans trop d’encombres » (Chambre des représentants, Compte rendu intégral,
40
n° 36, 16 avril 2020, p. 11).
« Manifeste pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture », Le Soir, 31 mars 2020 (la liste
41
des signataires est reproduite en annexe 3 du présent Courrier hebdomadaire).
42
Cf. le site Internet https://yourcultureourfuture.org.
Formé officiellement en janvier 2018, le METAL regroupe des étudiants des écoles d’art supérieures
de Belgique et des jeunes travailleurs des arts, qui luttent pour un accès au statut mais également pour
amorcer une réflexion de fond à la fois sur le statut d’artiste, sur le rapport de l’emploi et du travail et
sur la précarisation des citoyens de manière générale (cf. www.facebook.com/
43
MouvementDesEtudiantsTravailleursDesArtsEnLutte).
Chambre des représentants, Proposition de loi visant à apporter des mesures de soutien aux artistes en
période de Covid 19, n° 1215/1, 29 avril 2020. C’est toutefois une autre proposition de loi, déposée par
des députés PS le 9 avril, qui sera adoptée, après un parcours législatif relativement long, le 9 juillet 2020
pour améliorer la situation des travailleurs du secteur culturel (cf. Chambre des représentants, Proposition
de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en vue de mettre

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 21

l’accessibilité de ce fonds aux étudiants, précaires et travailleurs des arts et une série
44
d’autres mesures concernant ces derniers . Les signataires du texte sont des étudiants,
comédiens et auteurs à titre individuel, mais aussi des organisations étudiantes et des
fédérations professionnelles comme l’UAS et la Chambre des compagnies théâtrales
pour adultes (CCTA).
L’autre sujet traité dans l’urgence est la nécessité, à la fois de pouvoir reprendre une vie
culturelle au plus tôt (un artiste sans public perdrait sa raison d’être) et d’associer le
secteur culturel aux modalités du déconfinement. Tel est notamment l’objet de la lettre
ouverte adressée le 30 avril 2020 à la Première ministre à l’initiative de trois praticiennes
du théâtre (Selma Alaoui, Florence Minder et Anne-Cécile Van Dalem), signée par plus
de 1 100 « artistes de la scène » 45.
Le même souci de l’urgence amène cinq personnalités du monde de la production
cinématographique et télévisuelle belge à plaider, dans une carte blanche adressée au
gouvernement fédéral et plus spécifiquement à son ministre des Finances (le vice-
Premier ministre Alexander De Croo, Open VLD), pour une adaptation des règles du
tax-shelter belge. Sous le titre « Il faut sauver le soldat cinéma ! », ce texte plaide pour
une augmentation des plafonds d’exonération, un élargissement des mesures d’antériorité
éligibles et la sécurisation des conventions déjà signées. Cette adaptation, soulignent
les signataires, « pourrait, sans vider les caisses de l’État, éviter bien des catastrophes et
relancer une machine audiovisuelle dont les études ont démontré qu’au-delà d’assurer
la qualité artistique de notre diversité culturelle et de créer des emplois et des entreprises,
elle générait des revenus pour la collectivité ». La carte blanche, rédigée en français et en
néerlandais, est signée par des responsables de ce que l’on pourrait appeler des « guichets »
(c’est le terme qu’ils emploient eux-mêmes) publics de ce mécanisme d’exemption fiscale :
Jeanne Brunfaut, directrice du Centre du cinéma et de l’audiovisuel (CCA, organe de
la Communauté française), Noël Magis, directeur général de Screen.Brussels Fund, Erwin
Provoost, directeur du Vlaams Audiovisueel Fonds (VAF), Philippe Reynaert, directeur
général de Wallimage (fonds d’investissement wallon dans l’audiovisuel), et Jan Roekens,
46
chef de Screen Flanders .
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Les mesures prises par les gouvernements communautaires suscitent des débats
parlementaires, qui permettent eux aussi d’en savoir plus sur les réactions des milieux
culturels, dont ils se font notamment l’écho.
C’est surtout vrai en Communauté française, où le gouvernement Jeholet (PS/MR/Écolo)
prend dès le 19 mars 2020 la décision de principe de créer un fonds d’urgence et de soutien
pour les opérateurs, les travailleurs et les usagers des secteurs frappés par la crise sanitaire
47
due au Covid-19. Ce fonds est créé le 7 avril 2020 . Le 23 avril suivant, le gouvernement

fin à la règle de diminution des allocations en cas de cumul entre allocations de chômage et revenus tirés
de l’exercice d’une activité artistique, texte devenu Proposition de loi améliorant la situation des travailleurs
du secteur culturel. Texte adopté par la séance plénière et soumis à la sanction royale, n° 1154/20, 9 juillet
44
2020 ; à l’heure où ces lignes sont écrites, cette loi n’a pas encore été publiée au Moniteur belge).
« Mesdames et messieurs les ministres, quand allez-vous enfin considérer les travailleurs précaires du
45
secteur culturel ? », La Libre Belgique en ligne, 5 mai 2020, www.lalibre.be.
« 1140 signataires pour la lettre des artistes à la Première Ministre », Le Soir en ligne, 2 mai 2020,
https://plus.lesoir.be.
46
47
« Il faut sauver le soldat cinéma ! », L’Écho en ligne, 28 avril 2020, www.lecho.be.
Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 2 du 7 avril 2020 pris
en exécution du décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au gouvernement dans le

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22 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

adopte les textes organisant l’accès à ce fonds pour les bénéficiaires relevant de certains
48
secteurs culturels . L’enveloppe maximale réservée à la culture dans le fonds d’urgence
s’élève à 8,6 millions d’euros en 2020. Les conditions d’accès et la répartition de ce fonds
d’urgence font l’objet d’un débat en commission au Parlement de la Communauté
française le 28 avril 2020 ; plusieurs orateurs se font l’écho des revendications et des
inquiétudes exprimées par les « opérateurs culturels » (c’est la formule utilisée par la
députée Joëlle Maison, Défi). À cette occasion, la ministre de l’Enfance, de la Santé, de
la Culture, des Médias et des Droits de femmes, Bénédicte Linard (Écolo), donne une liste
relativement longue des fédérations professionnelles et organisations qu’elle a consultées,
qui donne un aperçu du nombre d’associations actives dans le secteur. Lors de la
discussion, divers intervenants soulignent la disparité qui caractérise ce dernier. Ainsi,
Matteo Segers (Écolo) indique : « Depuis huit semaines, la plupart des députés de cette
commission (...) ont passé de longues heures à répondre à d’innombrables sollicitations
du monde culturel. Cela est dû au fait que tous les secteurs artistiques et culturels ne sont
49
pas encore fédérés et que chaque personne et chaque réalité appellent à une réponse » .
En Communauté germanophone, est adopté un « décret de crise 2020 », qui met
à la disposition du Fonds de participation et de financement de cette Communauté
(Beteiligungs- und Finanzierungsfonds der Deutschsprachigen Gemeinschaft) un montant
supplémentaire de 10 millions d’euros, destiné à aider les organisations (notamment
culturelles) dans le cadre de la pandémie 50.
Mais au-delà des deux thèmes évoqués ci-dessus, c’est la place de la culture dans la société
qui est mise en avant. Soit en raison de son impact économique (il est régulièrement
rappelé que le secteur culturel représente quelque 5 % du PIB), soit sur un plan plus
sociétal voire philosophique.
Dans la première catégorie, figurent notamment les éditeurs et les auteurs. Ainsi, le 26 avril,
une trentaine d’auteurs rédigent un texte intitulé « Auteurs : le point final ? » dans lequel
ils disent regretter qu’aucun dispositif d’aide ne soit prévu en leur faveur. Ces personnes
signent toutes à titre individuel (il s’agit notamment, parmi les plus connues, de Laurent
de Sutter, Adeline Dieudonné, Vincent Engel, Thomas Gunzig, Marc Hardy, Caroline
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51
Lamarche, François Schuiten et Nicolas Vadot) . Dans la deuxième catégorie, se trouvent
de nombreuses cartes blanches écrites le plus souvent par des individus comme Stéphane
52
Louryan, professeur à l’ULB , et Paul Dujardin, chief executive officer (CEO) du Palais
53
des Beaux-Arts (Bozar) . Dans ce dernier exemple, l’auteur s’interroge également sur les
conditions de la réouverture des salles de spectacle et expositions, qu’il juge indispensable.

cadre de la crise sanitaire du Covid-19 relatif à la création d’un fonds d’urgence et de soutien, Moniteur
48
belge, 10 avril 2020.
Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 4 du 23 avril 2020 relatif
au soutien du secteur culturel et du cinéma dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, Moniteur
49
belge, 28 avril 2020.
Cf. Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des
50
Médias et des Droits des femmes, Compte rendu intégral, CRIC 52-10, 28 avril 2020, p. 16-27.
51
Décret de crise 2020 de la Communauté germanophone du 6 avril 2020, Moniteur belge, 14 avril 2020.
« Auteurs : le point final ? », Le Soir en ligne, 26 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires
52
est reproduite en annexe 4 du présent Courrier hebdomadaire).
53
S. LOURYAN, « La culture est aussi un bien de première nécessité », Le Soir, 17 avril 2020.
P. DUJARDIN, « Si l’art peut un jour sauver le monde, c’est aujourd’hui ! », Le Soir, 20 avril 2020.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 23

Sous un slogan ayant déjà servi auparavant à plusieurs reprises (et qui est le titre d’un livre
du Canadien Simon Brault), un groupe se crée également pour avancer des revendications
propres au secteur culturel, y compris dans le domaine audiovisuel : No Culture No
Future. Les mesures proposées sont soutenues par plusieurs organisations, à savoir
l’Association des réalisateurs et réalisatrices francophones (ARRF), l’Association des
réalisateur.trice.s-producteur.trice.s indépendant.e.s (ARPI), l’Association des scénaristes
de l’audiovisuel (ASA), la Fédération des créateurs et interprètes de l’audiovisuel et du
cinéma (Pro Spere), Hors champ (association des métiers du cinéma et de l’audiovisuel),
le METAL, l’Union des artistes (qui rassemble des artistes actifs dans le domaine du
spectacle) et l’Union des producteurs francophones de films (UPFF). La plateforme
propose des mesures d’urgence (guichet unique de crise, transparence de la ventilation
du fonds d’urgence, chômage temporaire, etc.), des mesures de relance et des mesures
spécifiques au secteur audiovisuel (fonds de garantie pour les tournages, aménagement
des règles relatives au tax-shelter, mise à contribution des plateformes numériques dans
54
le financement des films, etc.) .
Réagissant à une carte blanche du ministre-président du gouvernement de la Communauté
française, Pierre-Yves Jeholet (MR), parue dans les colonnes du Soir le 4 mai 2020 55, la
Fédération des employeurs des arts de la scène (FEAS) 56 adresse de son côté une lettre
ouverte à P.-Y. Jeholet, lui indiquant que les objectifs qu’il se donne ne pourront
être atteints sans l’établissement d’un « plan global d’accompagnement budgétaire et
logistique » de la crise et sans une « revalorisation du financement de la culture » ; cette
lettre ouverte demande avant tout au ministre-président d’associer les acteurs culturels
à toute réflexion sur les mesures à prendre 57.
Enfin, certains partagent leurs réflexions quant à la nécessité de repenser l’ensemble de
la culture – et singulièrement, en l’occurrence, les spectacles d’art vivant – à l’aune de
la crise, voire au-delà.
Dans cette dernière catégorie, figure Michael De Cock, directeur artistique du Koninklijk
Vlaams Schouwburg (KVS), auteur d’un texte intitulé « Rêvons d’un autre théâtre »
(Le Soir, 27 avril). Après avoir souligné l’importance de la culture, y compris et peut-être
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surtout en temps de crise, M. De Cock estime qu’« il ne serait pas intelligent de recycler
d’anciennes recettes » et qu’il faut trouver « de nouvelles manières de présenter et de
58
faire vivre » les spectacles d’art vivant . On trouve la même opinion sous la plume de
Nathanaël Harcq, directeur du Conservatoire royal de Liège (CRLg) et secrétaire général
de Théâtre & Publics (un centre de recherches et de pratiques théâtrales existant depuis
1983), lequel publie dans le journal La Libre Belgique du 4 mai 2020 un texte au titre

54
55
Cf. le site Internet https://noculturenofuturebe.
P.-Y. JEHOLET, « Pour une stratégie de redéploiement du secteur culturel », Le Soir en ligne, 4 mai 2020,
56
https://plus.lesoir.be.
La FEAS rassemble une trentaine de compagnies théâtrales et d’opérateurs musicaux francophones, dont le
Théâtre national de la Communauté française et l’Opéra royal de Wallonie.
57
« Les employeurs des arts de la scène répondent à Pierre-Yves Jeholet », Le Soir en ligne, 6 mai 2020,
58
https://plus.lesoir.be.
M. De Cock aborde le même sujet dans une interview à l’hebdomadaire bruxellois néerlandophone Bruzz
(13 mai 2020), où il rappelle notamment que certains artistes avaient déjà, avant la crise née de la pandémie,
expérimenté d’autres « formats » théâtraux (par exemple, Dries Verhoeven faisait s’asseoir 25 spectateurs
séparément dans 25 pièces différentes, les acteurs se déplaçant entre elles).

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24 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

explicite : « Ce qui adviendra dans nos théâtres ces prochains mois ne peut se réduire
à la reproduction dégradée de nos anciennes pratiques ».
De façon plus générale, l’idée de consacrer une réflexion collective à la place de la culture
dans la société et à l’action des pouvoirs publics en la matière est avancée par de nombreux
protagonistes de ce dossier. Ainsi, les signataire de la lettre ouverte « Your culture, our
future » (cf. supra) demandent la convocation d’« États généraux de la culture et de
l’événementiel » (auxquels ils seraient associés). De même, l’initiative baptisée l’Apprêt
contient un chapitre (une « chaloupe ») consacré à l’enseignement et à la culture, qui
doit (en vertu même de la philosophie qui sous-tend cette initiative) faire l’objet d’une
discussion entre « citoyens et acteurs de la société civile ». L’Apprêt est un mouvement
qui vise à fédérer les citoyens afin de présenter, en septembre 2020, un cahier d’ultimatums
aux responsables politiques pour une société plus solidaire et égalitaire ; le mouvement, qui
est organisé sur la base de six « chaloupes » thématiques, se veut apolitique et participatif.

2.2. LE SPORT

Il est un point que les manifestations culturelles partagent avec l’une des autres matières
dites culturelles qui sont du ressort des Communautés : le sport. Ce point est la différence
entre, d’une part, de grands événements générateurs de recettes commerciales
considérables et, d’autre part, des productions de moindre ampleur qui ne survivent que
grâce à l’appui des pouvoirs publics. Les mesures de confinement n’épargnent aucune
de ces deux catégories, dans un cas comme dans l’autre. Mais si le sport-spectacle (les
compétitions de football ou les grandes courses cyclistes, par exemple) est touché par
59
l’interdiction de tout rassemblement , le sport amateur souffre lui aussi ; les entraînements
ne pourront d’ailleurs reprendre que le 18 mai 2020. Paru dans les colonnes du journal
Le Soir, un texte de Thierry Zintz, professeur à l’Université catholique de Louvain
(UCLouvain), souligne que si la règle sportive est soumise à la loi publique – et si, par voie
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de conséquence, le sport-spectacle doit lui aussi s’y plier –, il importe que les pouvoirs
publics financent « de nouvelles façons de faire du sport et de l’activité physique à domicile
60
ou en très petits groupes », de renforcer aussi « les politiques innovantes » en la matière .
Et quand viendra le moment de déconfiner le sport, ajoute-t-il, de le faire « pour un
mieux ».
Pour sa part, la Vlaamse Sportfederatie (VSF, coupole des fédérations et des clubs sportifs
en Flandre) fait réaliser deux enquêtes (le 19 mars et le 27 mai) afin de mesurer auprès
de ses membres l’impact de la crise 61 ; le 22 avril 2020, elle adresse un courrier au ministre

59
Cela entraîne d’ailleurs un chômage technique important dans les grandes fédérations internationales
(cf. notamment « Coronavirus : les fédérations sportives internationales en difficulté », RTL Info, 24 avril
2020, www.rtl.be). On notera aussi cette lettre ouverte au ministre flamand des Sports, Ben Weyts (N-VA),
émanant de la Klim en Bergsportfederatie (KBF, fédération des sports d’escalade et de montagne)
demandant l’intervention des autorités flamandes pour soutenir les « exploitants de salles d’escalade » :
« Klim- en Bergsportfederatie schrijft open brief aan minister Weyts: “Toekomst Vlaamse klimsport onzeker
door coronacrisis” », Het Nieuwsblad en ligne, 4 mai 2020, www.nieuwsblad.be.
60
61
T. ZINTZ, « Déconfiner le sport ? Oui, pour un mieux ! », Le Soir en ligne, 4 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
Enquêtes toutes deux réalisées par dynamoproject.be, une asbl subventionnée par le gouvernement
flamand pour stimuler et encadrer la participation dans le secteur des sports.

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flamand en charge des Sports (Ben Weyts, N-VA) dans le cadre de la répartition future
62
du fonds d’urgence et, le 28 avril, elle lance en outre un appel en faveur de mesures à
prendre sur le plan local 63. L’Association des établissements sportifs (AES) et l’Association
interfédérale du sport francophone (AISF) interrogent elles aussi leurs membres début
avril, et rendent publiques des conclusions indiquant que, « pour les clubs, les pertes vont
se multiplier », les clubs semblant davantage impactés que les fédérations 64.

Dans le domaine culturel, ce sont donc surtout les professionnels du secteur qui se
manifestent dans le cadre de la réflexion collective visant à préparer le déconfinement
– que ce soit pour réclamer des mesures d’urgence ou un déconfinement plus rapide, ou
pour énumérer des revendications plus structurelles et plus durables. Mieux organisés, les
artistes de la scène et du spectacle sont les plus présents. Sur la question de la place qu’aura
la culture dans la société de l’après-Covid-19, ce sont principalement des individus
– représentants toutefois d’institutions connues – qui prennent la plume et le micro.
Faut-il en déduire, comme le note un journaliste, que, « à part les artistes déplumés,
les acteurs de première ligne de la chaîne culturelle et quelques sympathisants, tout le
monde se fout en ce moment de la survie des cinémas, des théâtres, des musées ou des
65
librairies, du moment que les robinets Netflix et Amazon continuent à couler... » ?
Depuis la révision constitutionnelle du 24 décembre 1970, la culture fait partie des
compétences dévolues aux Communautés. Pourtant, bon nombre des cartes blanches
et autres lettres ouvertes publiées dans l’effervescence du confinement s’adressent à des
ministres fédéraux ou, lorsqu’elles ont une portée plus générale, sont signées conjointement
par des praticiens francophones et néerlandophones de la culture. Outre que les enjeux
liés au statut de l’artiste relèvent du pouvoir fédéral, ce n’est pas un phénomène nouveau.
Le secteur de la culture, en tout cas celui des acteurs culturels, est souvent beaucoup
moins « scindé » sur le plan communautaire que les administrations dont il relève. On
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se souviendra que, au moment de la longue crise politique de 2010-2011, des artistes
francophones et néerlandophones avaient agi ensemble pour dénoncer une situation qu’ils
jugeaient néfaste à la société belge, sous le slogan « Pas en notre nom/Niet in onze naam » ;
ils dénonçaient expressément le séparatisme, ce qui leur avait d’ailleurs valu l’opprobre
66
des partis nationalistes flamands (dont le Vlaams Belang ).
Quant aux modes d’action utilisés par le secteur, figurent des pratiques courantes comme
la carte blanche ou la lettre ouverte, mais aussi d’autres qui sont plus neuves : l’enquête
systématique en ligne sur le vécu des acteurs, voire des manifestations forcément interdites
pendant le confinement mais rendues possibles grâce à une inventivité très artistique
(l’action à Forest National, par exemple).

62
« Brief aan minister Weyts over compensatiemaatregelen voor de sportsector », 22 avril 2020,
63
www.vlaamsesportfederatie.be.
64
« Hoe kan een lokaal bestuur haar lokale verenigingen ondersteunen? », 28 avril 2020, www.defederatie.org.
« Coronavirus : une crise qui a déjà coûté au moins 64,2 millions au sport francophone », Le Soir en ligne,
65
11 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
66
« Douche froide pour la culture », Focus Vif en ligne, 30 avril 2020, https://focus.levif.be.
Cf. « Het belgicisme van de intellectualo’s », 18 mai 2020, www.vlaamsbelang.org.

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3. LES MODALITÉS ET L’AVENIR
DE L’ENSEIGNEMENT

Comme les salles de spectacle, les cinémas, les restaurants, les cafés et la plupart des
magasins 67, les établissements d’enseignement ferment leurs portes dès le début de la
période de confinement. Ce sont, bien évidemment, des lieux de rassemblement non
seulement des élèves ou étudiants, mais aussi des enseignants, voire des parents et grands-
parents. La plupart des établissements d’enseignement supérieur ferment volontairement
leurs portes avant même l’entrée en vigueur des mesures de confinement édictées par les
pouvoirs publics, décidant de ne plus donner d’enseignement qu’à distance. La fermeture
de l’ensemble des écoles intervient le 14 mars 2020, une possibilité de garderie étant
néanmoins maintenue pour les enfants de maternelle et de primaire dont les parents
ne disposent pas d’une autre solution de garde.
La fermeture des établissements d’enseignement à tous niveaux pose plusieurs problèmes.
Certains se présentent dans l’immédiat, comme la question des examens de fin d’année,
dont tout indique qu’ils ne pourront pas se tenir comme prévu ou du moins aux dates
prévues. D’autres se présentent à plus long terme : les inégalités scolaires ou l’enseignement
numérique (à distance). D’autres encore sont de nature plus générale : l’opportunité
ou non d’une révision des méthodes d’apprentissage. À quoi vient s’ajouter le fait que
l’enseignement est depuis longtemps du ressort des Communautés, alors que les mesures
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sanitaires frappent indistinctement les établissements partout dans le pays. Enfin, la crise
économique est susceptible de frapper durement les étudiants en situation de fragilité
financière, à qui l’accès aux emplois temporaires ou saisonniers est, en règle générale,
devenu plus problématique du fait de la crise.

3.1. LES EXAMENS

La question de l’organisation des examens de fin d’année, voire de fin d’études, mais aussi
des possibilités de repêchage en cas d’échec imputable à la pandémie est de celles dont
s’emparent d’emblée les organisations étudiantes (actives dans l’enseignement supérieur :
universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts).

67
Pour être précis, certains commerces peuvent ouvrir en semaine mais pas le week-end s’ils ne sont pas
considérés comme des commerces essentiels.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 27

Dès le 16 mars 2020, La Fédération des étudiant·e·s francophones (FEF) diffuse un texte
qui traite entre autres de cette question, intitulé « Mémorandum sur les mesures relatives
au Covid-19 dans l’enseignement supérieur » 68. S’y trouvent une série de « demandes »
portant sur l’évaluation des études, notamment le report des mémoires et travaux de fin
d’études, ainsi qu’une adaptation de la méthodologie des évaluations.
Pour sa part, la Vlaamse Vereniging van Studenten (VVS) publie sur le sujet plusieurs
communiqués. Le 27 mars, elle rend public un avis (« advies ») sur « l’impact du
Covid-19 pour les étudiants », dans lequel elle demande en particulier de garantir
la participation des étudiants dans le cadre des dérogations qui seront accordées en
matière d’examens et autres évaluations, de ne pas limiter les droits à une seconde session
et de repousser les délais de recours 69. Par la suite, la VVS exprime sa satisfaction
lorsque le Parlement flamand adopte, le 16 avril 2020, un décret « relatif aux mesures
dans l’enseignement supérieur pour l’année académique 2019-2020 suite à la crise
du coronavirus » 70, qui organise le report possible de certains examens et impose la
concertation, pour fixer le moment des évaluations, avec les étudiants et leurs
organisations. Les conseils étudiants de plusieurs universités flamandes se rallient à ces
propositions (par exemple, celui de l’université de Gand 71).
Les associations de parents d’élèves de l’enseignement primaire et secondaire ne sont pas
en reste. La Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (FAPEO)
réalise ainsi une enquête sur la continuité des apprentissages pendant les trois premières
semaines de confinement, dont les résultats sont publiés le 7 avril. Il en ressort, en
particulier, que deux parents d’élèves sur trois sont opposés au maintien des examens
de fin d’année 72.
En Communauté flamande, un conflit oppose sur le sujet le ministre en charge de
l’Enseignement, Ben Weyts (N-VA), et la coupole de l’enseignement officiel GO!. Le
21 avril 2020, cette dernière recommande aux écoles primaires et secondaires de ne pas
organiser d’examens et, de plus, d’offrir « une seconde chance à ceux qui n’auront pas
73
réussi leur année, au regard du contexte exceptionnel dû à la crise du coronavirus » .
Par contre, le réseau catholique en Communauté flamande n’émet pas une telle
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74
recommandation, estimant que « les écoles sont autonomes » . Quant à lui, le ministre
B. Weyts souhaite que des examens soient organisés à la fin de l’année : « Une forme
d’évaluation peut être utile (…) pour que les élèves gardent un intérêt. Si on donne de
nouvelles matières et on dit à l’avance qu’il n’y aura pas d’évaluation, on risque de voir
les élèves décrocher. Et l’évaluation permet de détecter des éventuels retards d’apprentissage
75
et d’y remédier » . Il ajoute que ce n’est pas aux coupoles (ni au ministre) de décider,
mais aux écoles.

68
« Mémorandum sur les mesures relatives au Covid-19 dans l’enseignement supérieur », 16 mars 2020,
http://fef.be.
69
70
« Advies over de impact van Covid-19 », 27 mars 2020, https://twitter.com/VVStudenten.
71
Moniteur belge, 21 avril 2020.
« Steunmaatregelen voor huisvesting en jobverlies bij studenten », 9 avril 2020, https://ppsr.ugent.be.
72
« Deux parents sur trois opposés au maintien des examens de fin d’année, selon la FAPEO », Le Soir
73
en ligne, 7 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
« GO! raadt scholen aan géén examens te houden dit schooljaar, onderwijsexpert Dirk Van Damme:
er
74
“Erg demotiverend” », VRT News, 1 mai 2020, www.vrt.be.
75
Ibidem. La formule est de Lieven Bouvé, directeur général de Katholiek Onderwijs Vlaanderen (KOV).
Ibidem.

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28 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Ce dossier des examens entraîne aussi, mais à la marge, une réflexion plus générale
sur les modalités des évaluations. Une carte blanche signée par deux « professeurs-
chercheurs », Jean-François Horemans (ULB) et Alain Schmidt (chargé de cours dans
plusieurs instituts d’enseignement de promotion sociale de la Communauté française -
IEPSCF), met ainsi en cause le principe même des examens et demande de profiter
de l’occasion « pour tourner la page de décennies de catastrophes docimologiques » 76.
Ces deux chercheurs ont déjà écrit auparavant ensemble des ouvrages à caractère
pédagogique 77 et des tribunes libres dénonçant la nature « stigmatisante » de l’évaluation 78.

3.2. LA REPRISE DES COURS ET LE PROLONGEMENT DE L’ANNÉE


ACADÉMIQUE

En Communauté française, la ministre chargée de l’Enseignement supérieur, Valérie


Glatigny (MR), envisage dès la fin du mois de mars 2020 de prolonger l’année académique
au-delà du 30 juin dans les universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts. Une
décision permettant aux établissements de l’enseignement supérieur qui le souhaitent
de procéder de la sorte est d’ailleurs prise par le gouvernement de la Communauté
française le 24 avril 2020 (en même temps qu’une série de dispositions relatives notamment
79
à l’obligation de passer des épreuves) .
La FEF déclare aussitôt s’opposer à cette prolongation 80, qu’elle estime être source possible
d’inégalité et de précarité pour les étudiants. Cette possibilité pourrait en effet amener
certains établissements d’enseignement supérieur à empiéter sur le mois de juillet, et
d’autres pas – ce qui « placerait alors les étudiants dans une situation d’inégalité ». De plus,
la FEF fait valoir que de nombreux étudiants travaillent durant tout le mois de juillet
pour économiser et financer leur prochaine année académique. Prolonger les cours et
examens jusqu’à la mi-juillet pourrait dès lors les priver de revenus et augmenter ainsi
les situations de précarité, déjà grandissantes au sein de la population étudiante.
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En Communauté flamande, les opinions des acteurs de la société civile sont partagées sur
le sujet. Les syndicats d’enseignants y sont totalement hostiles. Par contre, dans l’avis cité
supra, la VVS suggère expressément de prolonger l’année académique pour des raisons
de « sécurité juridique ». En définitive, le décret flamand adopté le 16 avril 2020 prévoit,
comme au sud du pays, la possibilité, mais non l’obligation, d’un prolongement pour

76
J.-F. HOREMANS, A. SCHMIDT, « Le confinement et la douloureuse question des examens », Le Soir en
ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be. La docimologie est la science qui étudie les différents modes
77
de contrôle des connaissances.
Par exemple, J.-F. HOREMANS, A. SCHMIDT, Pratiquer la pédagogie de la rencontre en éducation, Lyon,
Chronique sociale, 2013.
78
Cf. J.-F. HOREMANS, A. SCHMIDT, « L’école, pas assez exigeante ? Remettons les pendules à l’heure »,
79
La Libre Belgique en ligne, 28 décembre 2017, www.lalibre.be.
Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 6 du 24 avril 2020
80
relatif à l’organisation de la fin de l’année académique 2019-2020, Moniteur belge, 28 avril 2020.
« La FEF contre l’allongement de l’année académique jusqu’à la mi-juillet », La Libre Belgique en ligne,
31 mars 2020, www.lalibre.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 29

les établissements d’enseignement supérieur 81. Le ministre B. Weyts, qui s’y montre plutôt
favorable, souligne au demeurant que le décret flamand (formellement issu d’une
proposition de parlementaires appartenant aux partis de la majorité) a été préparé par
son cabinet et la VVS.
Le 4 mai 2020, la Vlaamse Scholierenkoepel (VSK), association représentant les élèves de
l’enseignement secondaire néerlandophone, réalise une enquête afin de savoir ce que
ces élèves pensent de la reprise des cours : il en résulte que les avis sont extrêmement
partagés sur l’opportunité d’un retour sur les bancs de l’école. Les résultats de l’enquête
sont transmis au ministre B. Weyts 82.
Le problème de la reprise des cours en présentiel s’aiguisera progressivement, en particulier
vers la mi-mai 2020. Du côté francophone comme du côté néerlandophone, il y aura,
à partir de ce moment (les cours reprendront partiellement dès le vendredi 15 mai en
83
Flandre, le lundi 18 mai en Communauté française) , de nombreux échanges via des
cartes blanches, lettres ouvertes, opinions d’experts et autres, qui s’intensifieront début
juin lorsqu’il sera permis à toutes les écoles de reprendre leurs activités.

3.3. LES CONDITIONS D’ÉTUDE PENDANT LE CONFINEMENT


ET LES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DES ÉTUDIANTS

Une autre question fréquemment soulevée dans le cadre des mesures de confinement
(et des mesures d’enseignement à distance qui en découlent) est celle de l’inégalité des
élèves et étudiants en raison de ce que l’on appelle parfois la « fracture numérique », en ce
compris la possession ou non du matériel ad hoc. Selon l’enquête de la FAPEO déjà citée,
88 % des élèves de l’enseignement primaire et 44 % de ceux de l’enseignement secondaire
ne disposent pas d’un ordinateur personnel.
Fin mars 2020, la FEF lance une enquête. Il en ressort que 60 % des 13 000 étudiants
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interrogés « ne sont pas satisfaits des conditions dans lesquelles se passent les cours
84
virtuels » . La FEF appelle dès lors les enseignants à modifier les processus. « Aujourd’hui,
nos établissements d’enseignement supérieur ne sont pas tous adaptés aux cours à distance,
les professeurs non plus et il existe une grande disparité quant aux moyens techniques
de chaque institution ».
Plusieurs « étudiants inquiets », « soutenus par la [FEF] », publient le 23 avril 2020 une
lettre ouverte à la ministre V. Glatigny, dans laquelle ils s’inquiètent des mesures que
contient le projet d’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 16 avril

81
Décret flamand du 17 avril 2020 relatif aux mesures dans l’enseignement supérieur pour l’année académique
82
2019-2020 suite à la crise du coronavirus, Moniteur belge, 21 avril 2020.
« Rapport: Bevraging bij scholieren over de heropstart van de lessen », 12 mai 2020,
83
www.scholierenkoepel.be.
Les questions évoquées dans ce chapitre se posent, bien entendu, également en Communauté
germanophone. Elles trouvent essentiellement un écho au sein du Parlement de cette Communauté
84
(par exemple lors des réunions communes des commissions parlementaires du 6 avril 2020).
« Coronavirus : l’enseignement virtuel ne convainc pas vraiment les étudiants », Le Soir en ligne, 25 mars
2020, https://plus.lesoir.be.

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30 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

2020 85 concernant les cours à distance : « surcharge de travail », « manque de matériel »,


absence de lieu adéquat pour étudier en raison de la fermeture des bibliothèques, « impact
psychologique du confinement ». Ils jugent impératif que des solutions soient rapidement
trouvées, sans réellement en proposer eux-mêmes 86.
Un même cri d’alarme est lancé par la FEF et plusieurs associations étudiantes de
l’UCLouvain – l’Assemblée générale des étudiant·e·s de Louvain (AGL), l’Assemblée
générale des étudiant·e·s de Woluwe (AGW), le Conseil étudiant UCLouvain FUCAM
Mons et l’association étudiante du site de Tournai de la Faculté d’architecture, d’ingénierie
architecturale et d’urbanisme – dans un texte paru lui aussi sur le site Internet du Soir.
Les cours à distance posent de nombreux problèmes (manque de matériel et d’espace
de travail, situations familiales compliquées, perte de qualité de l’enseignement), d’où une
quadruple demande : l’allègement des sessions d’examen, le remplacement des évaluations
classiques par des évaluations à cours ouvert, la réussite automatique dans certains cas
et l’assurance que chaque étudiant disposera « de conditions adaptées pour étudier et pour
87
passer ses examens en le mettant le moins possible en danger face à la pandémie » .
Les mêmes préoccupations existent de l’autre côté de la frontière linguistique. Ainsi, la
VVS organise le 1er avril 2020 une action consistant à poster sur les réseaux sociaux un
maximum de messages afin de dénoncer le manque de soutien aux étudiants pendant
le confinement, de demander le droit à une nouvelle session d’examen en cas d’échec
imputable à la pandémie, de souligner que l’enseignement à distance ne doit pas
augmenter la charge de travail et qu’il convient d’être attentif aux étudiants confrontés
à une situation financière difficile, et enfin de revendiquer une participation accrue des
étudiants aux décisions les concernant 88. Dans son avis du 27 mars, la VVS a déjà abordé
le sujet, regrettant qu’un certain nombre d’enseignants ne se soient pas « adaptés à la
situation » et demandant de veiller à ce que l’enseignement à distance ne devienne pas
« une forme d’auto-enseignement » afin d’éviter du même coup « une surcharge de
travail ». La VVS a recommandé dans le même texte de prévoir des solutions « pour les
étudiants qui n’ont pas accès, chez eux, à l’Internet ou aux appareils nécessaires (…)
sans que l’étudiant doive lui-même engager des frais pour ce faire ».
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Enfin, réagissant à une circulaire de la ministre de l’Éducation du gouvernement de la
Communauté française, Caroline Désir (PS), datée du 17 mars 2020 et relative à la
89
continuité pédagogique en temps de confinement , une « coalition des parents des
milieux populaires et des organisations qui les soutiennent » publie dans plusieurs
journaux un texte dénonçant la pression qui pèse sur les parents et offrant l’aide des
associations, « partenaires de l’école pour soutenir le lien et mettre en place les conditions
90
pour que les enfants de milieux populaires puissent apprendre » .

85
Ce projet deviendra l’arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 6 du
24 avril 2020 relatif à l’organisation de la fin de l’année académique 2019-2020 (Moniteur belge, 28 avril
86
2020).
« Madame Glatigny, l’angoisse et la démotivation des étudiants sont considérables », Le Soir en ligne,
87
23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
« La communauté étudiante de l’UCLouvain tire la sonnette d’alarme », Le Soir en ligne, 23 avril 2020,
88
https://plus.lesoir.be.
er
« Vlaamse Vereniging van Studenten wil meer steun tijdens lockdown », De Tijd en ligne, 1 avril 2020,
89
www.tijd.be.
90
« Continuité des apprentissages durant la suspension des cours », 17 mars 2020, https://desir.cfwb.be.
« L’enjeu du confinement : réduire les inégalités scolaires ou les augmenter ? », La Libre Belgique en
ligne et Le Soir en ligne, 7 avril 2020, www.la libre.be et https://plus.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 31

3.4. LE STATUT SOCIAL DES ÉTUDIANTS

Le problème des difficultés financières auxquelles sont confrontés les étudiants qui,
d’ordinaire, travaillent pour payer leurs études – en particulier ceux actifs dans le secteur
de l’horeca (hôtellerie, restauration et cafés) – est aussi de ceux qui sont soulevés par
les organisations étudiantes.
La VVS évoque la question dans son avis du 27 mars 2020. Elle note que près d’un étudiant
sur quatre utilise les revenus provenant d’un emploi étudiant pour financer, ou contribuer
à financer, ses études. Elle recommande donc une série de mesures pour alléger les
difficultés rencontrées par les étudiants concernés, comme l’annulation ou le report
de dettes, la création d’un fonds d’urgence et la suspension des loyers pour les chambres
non utilisées.
De son côté, la FEF se joint explicitement aux Jeunes CSC pour demander la mise
en place d’un fonds d’urgence « afin de permettre aux étudiant·e·s jobistes de continuer
91
à mener une vie décente » . Avec plusieurs autres organisations essentiellement
francophones, catholiques et de jeunes, les Jeunes CSC ont en effet lancé, le 25 mars, une
pétition adressée au gouvernement fédéral Wilmès II, demandant de garantir le revenu
des étudiants jobistes. À cet effet, les pétitionnaires ont appelé à la création d’un fonds
d’urgence de 58 millions d’euros, montant nécessaire selon eux « dans le cas où la période
92
d’application des mesures du Conseil national de sécurité s’étend sur deux mois » .
La décision du gouvernement fédéral de neutraliser la limite de 475 heures et de permettre
ainsi aux étudiants de travailler au-delà des heures légales ne satisfait pas les organisations
étudiantes qui ont lancé cette pétition du 25 mars 2020 : selon elles, il s’agit d’une « fausse
bonne idée » pour différentes raisons (solution individuelle à un problème collectif,
renforcement des inégalités scolaires, manque de contrôle sur le respect des mesures
de distanciation, risque de dumping salarial, etc.). Le 4 mai, elles signent une carte blanche
93
pour s’en expliquer . Les signataires sont les mêmes que les initiateurs de la pétition
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du 25 mars : Bas les masques Belgique (collectif revendiquant la reconnaissance sociale
des personnes qui fabriquent des masques en tissu pour lutter contre la pandémie,
cf. infra) ; Bruxelles s’organise pour l’émancipation des jeunes (D’Broej, association
bilingue active dans le secteur de l’animation pour jeunes à Bruxelles) ; Comité des
élèves francophones (CEF) ; Conseil de la jeunesse catholique (CJC) ; FEF ; Fédération
nationale des patros (Patro) ; Jeunes CSC ; Jeunes organisés et combatifs (JOC) ; Kristelijke
Arbeidersjongeren (KAJ) ; Service d’information et d’animation des jeunes (SIAJ) ; Uit
de Marge (association flamande organisant des activités pour jeunes issus de milieux
défavorisés). La revendication d’un fonds d’urgence fédéral est à nouveau mise en avant,
outre un renforcement des mesures sanitaires dans les entreprises où travaillent les jobistes.

91
« Mémorandum sur les mesures relatives au Covid-19 dans l’enseignement supérieur », 16 mars 2020,
http://fef.be.
92
93
« Un fonds d’urgence pour les jobistes ! », www.change.org.
« Travail étudiant sans limite en période de crise : une fausse bonne idée ? », Alter Échos en ligne, 4 mai
2020, www.alterechos.be.

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32 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

D’autres organisations s’emparent du sujet. Ainsi, le 23 mars 2020, les Étudiantes en grève
94
le 8 mars à l’ULB , les Jeunes FGTB, les JOC-Bruxelles et l’Union syndicale étudiante
(USE, membre des Jeunes FGTB) 95 demandent l’extension du chômage temporaire pour
les étudiants jobistes et mettent en place un « réseau d’entraide pour les étudiant·e·s » 96.
Elles diffusent un communiqué en ce sens, qui appelle par ailleurs à « la grève générale
de la production » et à la « grève des paiements ». Les exemples de cet ordre (pas toujours
aussi combatifs) sont nombreux.
Un problème particulier est soulevé par une organisation rassemblant les étudiants
infirmiers, Les étudiant·e·s infis en ARCA 97, qui réalise dès le 17 mars 2020 une enquête
auprès de son public cible. Ce collectif rend ensuite publiques une série de revendications
spécifiques aux étudiants en infirmerie, qui sont soumis à des conditions de stages
particulières en temps de pandémie. Il demande que ces stages soient suspendus et que
les étudiants qui se porteraient volontaires soient protégés, tant physiquement que
98
statutairement .

3.5. LES DIFFÉRENCES ENTRE ÉCOLES FRANCOPHONES


ET ÉCOLES NÉERLANDOPHONES

Depuis le 1er janvier 1989, l’enseignement est une matière gérée par les Communautés.
Durant la période de confinement du printemps 2020, dans ce dossier comme dans celui
de la culture, la société civile s’adresse pourtant au niveau de pouvoir fédéral, par exemple
lorsqu’il s’agit de questions relatives au statut social de certains acteurs (les étudiants).
Mais en matière d’enseignement, les opinions publiques sont confrontées à des
responsables politiques qui défendent des options parfois divergentes. Comme le titrera
par la suite De Standaard, le gouvernement flamand impose sa volonté sur ce sujet ou
cherche du moins à donner cette image 99. En particulier, son ministre de l’Enseignement,
B. Weyts, fait pression pour une reprise rapide et généralisée des cours et pour l’acquisition
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de nouvelles connaissances, et est favorable à l’organisation systématique d’examens ;
il se distingue sur ces points de ses collègues francophones, C. Désir (PS, ministre de
l’Éducation) et V. Glatigny (en charge de l’Enseignement supérieur et de l’Enseignement
100
de la Promotion sociale) , ainsi que de son collègue germanophone Harald Möllers
(ProDG, ministre de l’Éducation). Le ministre-président de la Communauté française,

94
Il s’agit d’un collectif ayant organisé une grève le 8 mars 2019 à l’ULB dans le cadre de la Journée
internationale des femmes, grève renouvelée les 8 et 9 mars 2020.
95
Peu avant, l’USE a également dénoncé la surcharge de travail suscitée par les cours en ligne (cf. « Mesures
prises par l’ULB face au Covid-19 : impossible de remplacer les cours par des cours en ligne, il faut
enlever de la matière ! », 13 mars 2020, https://use.be).
96
« Covid-19 : l’Union syndicale étudiante (USE), les Jeunes FGTB, les JOC-Bruxelles et les Étudiantes en
grève le 8 mars à l’ULB demandent l’extension du chômage temporaire pour les jobistes et mettent en place
un réseau d’entraide pour les étudiant·e·s », 23 mars 2020, https://use.be.
97
98
Dans le jargon médical, un arca est un arrêt cardiaque.
99
« Positionnement Covid-19 », 19 mars 2020, https://infisenarca.com.
« De Vlaamse regering legt haar wil op (of schept minstens dat beeld) », De Standaard en ligne, 25 mai 2020,
100
www.standaard.be.
Sur ces différences, cf. notamment T. SANTENS, « Geen nieuwe leerstof, geen examens en “zomer is zomer”:
waarom is het schooljaar anders over de taalgrens? », VRT News, 20 avril 2020, www.vrt.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 33

P.-Y. Jeholet, regrettera d’ailleurs par la suite les « effets d’annonce » du ministre
101
flamand .
La question ne manque pas de susciter des prises de position polémiques. Deux membres
du think tank Itinera Institute, auteurs par ailleurs de livres sur l’école (L’école de la réussite
et L’école du renouveau), Jean Hindrix et Kristof De Witte, professeurs respectivement
à l’UCLouvain et à la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven), estiment ainsi dans
une carte blanche que, du côté néerlandophone, « le seul mot d’ordre (…) est la qualité
de l’enseignement », alors que, du côté francophone, domine « un autre mot d’ordre qui
est l’égalité de l’enseignement » 102. Leur carte blanche est presque immédiatement suivie
d’une réaction négative de plusieurs professeurs et chercheurs de l’UCLouvain membres
du Groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation
(GIRSEF). Pour eux, l’analyse « reste confinée dans l’existant » et se fonde sur « une
103
conception très limitée de la qualité et de l’égalité éducatives » . Par ailleurs, le GIRSEF
prend lui-même position à plusieurs reprises sur la question de la reprise des cours et
des formes de suivi des élèves 104.

3.6. L’APPRENTISSAGE DU FUTUR

Certains considèrent que la pandémie et l’organisation nouvelle de l’enseignement qui


l’a accompagnée constituent une « occasion inédite pour penser quel type d’enseignement
nous voulons » et, en particulier, pour savoir « à quel point certains types d’activité et
d’exercice présentiels nous apparaissent comme non négociables ». Deux philosophes de
l’ULB, Thomas Berns et Tyler Reigeluth, s’interrogent sur les conséquences d’un recours
accru à la technologie en matière d’enseignement, et notent que « le développement et
l’usage d’une technologie transforment nos manières de faire et de penser », bref que
les choix à poser dans le futur n’ont rien d’innocent 105.
Dans un ordre d’idées un peu similaire, le président de ChanGements pour l’égalité
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106
(CGE) , Jacques Cornet, s’interroge sur « les apprentissages à l’école du Covid » et note
que la pandémie est un sujet d’apprentissage « passionnant », en ce qu’il ouvre la voie
à ce qui doit être, selon l’auteur, la mission de l’école : apprendre à penser librement,
travailler la « reliance » entre les disciplines, et « renoncer à préparer au monde tel qu’il
est pour interroger les évidences sociales » 107.

101
« Une décision sur la rentrée des primaires et des maternelles peut-être ce mercredi soir », La Libre
102
Belgique en ligne, 27 mai 2020, www.lalibre.be.
Leur carte blanche, parue sur le site Internet du journal Le Soir le 23 avril 2020, s’intitule de manière
103
explicite « École flamande et école francophone, faire au mieux d’un côté et ne rien faire de l’autre ».
« Penser les réponses de l’école face à la crise sanitaire : trouver des coupables ou frayer de nouveaux
er
possibles ? », Le Soir en ligne, 1 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
104
105
Sur le site Internet du journal Le Soir, les 19 et 21 avril 2020.
T. BERNS, T. REIGELUTH, « L’enseignement à distance et la question de la technique », Le Soir en ligne,
2 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
106
CGE est un mouvement socio-pédagogique actif depuis plus de trente ans en Communauté française,
107
reconnu à ce titre depuis 2007 en tant qu’organisme d’éducation permanente.
J. CORNET, « Les apprentissages à l’école du Covid », La Libre Belgique en ligne, 4 mai 2020, www.lalibre.be.

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34 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

L’enseignement à distance (et même les évaluations à distance), devenu la règle pendant
les premières semaines de confinement, ne semble en tout cas pas avoir suscité beaucoup
de réflexions collectives sur son avenir pédagogique, sauf à inspirer une relative méfiance
en raison des inégalités qu’il est susceptible de renforcer.

3.7. UN CONFINEMENT POLITIQUEMENT CHARGÉ

Si les établissements d’enseignement ont très vite fermé, les conditions de leur redémarrage
font d’emblée l’objet de nombreuses polémiques entre les autorités publiques et les
organisations défendant les intérêts soit des élèves ou étudiants, soit des enseignants,
soit encore des parents. L’objectif des ministres en charge de ce dossier, quelle que soit
la Communauté concernée, est de procéder par étapes à une reprise plus ou moins
normale des activités d’enseignement, à la fois pour assurer une continuité pédagogique
et, sans doute, pour éviter des contraintes sociales susceptibles de peser sur les familles et,
donc, sur l’activité économique.
Des différences, parfois minimes, et des agacements apparaissent dans ce dossier de part
et d’autre de la frontière linguistique. Les réactions des organisations étudiantes divergent :
la FEF comme la VVS sont entendues par les ministres responsables de l’enseignement
supérieur, V. Glatigny en Communauté française et B. Weyts en Communauté
flamande, mais, alors que la FEF fait part de son insatisfaction globale face aux mesures
gouvernementales, son homologue néerlandophone se réjouit des décisions ministérielles
– et garde du reste avec le cabinet du ministre compétent un contact régulier pendant
108
le confinement et dans les semaines suivantes .
De même, la FAPEO continuera bien après le déconfinement stricto sensu, lorsque le retour
à l’école commencera à s’intensifier, à s’inquiéter des conditions de la reprise scolaire,
craignant un « assouplissement trop rapide et trop confus » (selon les termes de son
communiqué du 29 mai 2020). Côté néerlandophone, ni la Koepel van Oudervereniging
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van het Officieel Gesubsidieerd Onderwijs (KOOGO, coupole des associations de parents
de l’enseignement officiel subsidié) ni la Vlaamse Confederatie van Ouders en
Ouderverenigingen (VCOV, confédération d’associations de parents de l’enseignement
libre confessionnel) ne polémiquent avec les autorités ; ce sont plutôt des voix isolées qui
se font entendre pour mettre en cause les dispositions prises par le gouvernement flamand
109
(un directeur d’école de Landen ou une mère d’élève de Brasschaat, par exemple ).

108
Cf. notamment sur ce point la réponse du ministre B. Weyts à deux questions d’actualité sur « les besoins
des étudiants de l’enseignement supérieur » en séance plénière du Parlement flamand le 27 mai 2020,
https://vlaamsparlement.be.
109
T. STIERS, « Beste meneer Ben Weyts, voor wie neemt u ons eigenlijk? », De Morgen en ligne, 24 mai 2020,
www.demorgen.be ; « Mama en juf haalt uit naar Weyts: “Mijn kind is geen proefkonijn” », Antwerpse
televisie en ligne, 19 avril 2020, https://atv.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 35

Les interventions de la société civile en matière d’enseignement sont surtout le fait des
organisations professionnelles (ainsi que des syndicats) et des organisations étudiantes.
Elles prennent la forme traditionnelle de communiqués de presse, de cartes blanches,
de lettres ouvertes et de pétitions. Les gouvernements concernés disent s’efforcer d’associer
les associations en question à la prise des décisions, mais – en particulier en Communauté
française – les intéressés ne sont pas toujours satisfaits des résultats. L’action des
différentes organisations trouve régulièrement un prolongement politique, comme en
témoignent diverses interventions dans les assemblées parlementaires – où les ministres en
place ne manquent jamais, par ailleurs, de souligner leur volonté de concertation.
La question des emplois étudiants fait l’objet d’interventions distinctes des organisations
étudiantes, francophones d’un côté et néerlandophones de l’autre (et ce alors qu’il s’agit
là plutôt d’une matière fédérale). Il existe bien une initiative commune, portée surtout par
des organisations appartenant au pilier chrétien, mais ses signataires sont majoritairement
francophones.
Une forme d’action particulière de la société civile peut être mise en exergue dans
ce champ : l’utilisation d’enquêtes en ligne (dans le cas des associations de parents
néerlandophones, il semble même que ce soit à la demande du ministre flamand B. Weyts)
auprès des affiliés des différentes organisations – enquêtes portant en grande partie sur
le ressenti individuel de leurs membres. Les associations d’étudiants et de parents s’en
servent comme d’un levier pour dégager des revendications adressées aux différents
gouvernements.
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4. LA PAUVRETÉ ET LES INÉGALITÉS SOCIALES
EXACERBÉES PAR LA CRISE

La question des inégalités sociales et de la lutte contre la précarité apparaît aussi largement
prioritaire parmi les préoccupations exprimées par la société civile durant la période de
confinement et dans la perspective des mois et années à venir. Ces inégalités concernent
des groupes de citoyens larges et variés et suscitent des interventions de la part d’une
multiplicité d’acteurs.

4.1. DES INÉGALITÉS SOCIALES

Une première série d’initiatives vise à mettre en garde les autorités publiques quant aux
inégalités qui risquent de se creuser en Belgique, de manière générale. Ces initiatives sont
portées par des collectifs relativement importants et hétérogènes. Publiée dans Le Soir
du 19 mars 2020, soit le deuxième jour du confinement, une carte blanche signée par une
vingtaine de représentants d’associations variées pointe déjà les inégalités dont risque
de souffrir toute une série de catégories de la population : « Nous voudrions ne pas être
oubliés cette fois-ci encore. Nous, les personnes âgées isolées, nous, les femmes qui
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subissons déjà de la violence conjugale même lorsque notre homme vit dehors, nous
les détenus, nous les clients des banques alimentaires, nous les demandeurs d’asile, et
nous, tous les ménages précaires et les familles monoparentales à 80 % assumées par nous,
les femmes, nous, qui n’avons ni jardin ni salle de jeu pour les enfants dans notre maison
(…). La crise sanitaire va creuser la crise sociale. Nous sommes déjà dans une grande
fragilité et, pour certains d’entre nous, dans la détresse. Livrés à nous-mêmes et sans
ressources, nous ne savons pas comment nous allons faire si nous devions être privés
des services élémentaires : droits de visite en prison, aides familiales, soins ou repas
110
à domicile, restos du cœur, banques alimentaires… » . L’objectif est d’inciter les autorités
publiques à prendre des mesures permettant d’encadrer ces personnes fragilisées et de
réduire les inégalités qui les touchent depuis de nombreuses années, et plus encore depuis
le début de la crise sanitaire en Belgique. Cette carte blanche porte donc sur la période de
confinement en soi, mais aussi sur l’après-crise sanitaire et sur les conséquences que
cette dernière aura provoquées chez ces catégories de la population.

110
« L’appel des pauvres et des précaires face au coronavirus », Le Soir en ligne, 19 mars 2020,
https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 5 du présent Courrier hebdomadaire).

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Le 1er avril 2020, une nouvelle carte blanche est signée, comme on l’a vu supra, par un
groupe de personnes encore plus large afin de porter ces inquiétudes dans le débat
public 111. Pour rappel, cette liste de signataires est particulièrement hétérogène. On
y trouve en effet des représentants de syndicats, de mutuelles et de mouvements associatifs,
des journalistes, des réalisateurs, des chercheurs, des artistes ou encore des responsables
et travailleurs au sein d’ONG diverses. Dans cette carte blanche, ils indiquent : « Nous
ne voulons pas d’un “retour à la normalité”, car cette normalité faite d’inégalités violentes,
de mondialisation insensée, de marchandisation de la vie et de résignation à la catastrophe
écologique est aussi la source du drame que nous vivons ». Publié dans Le Soir du 1er avril,
ce texte a pour objectif de rappeler aux autorités publiques que personne ne doit être
oublié. En conséquence, les responsables politiques sont invités à ne pas adopter de
politique budgétaire qui soit défavorable au système de sécurité sociale en soi, aux services
publics, au secteur associatif ou encore au secteur culturel. Ainsi, la carte blanche précise :
« Personnes précarisées, sans-papiers ou sans-abri luttant pour sauver leur peau, pour ne
pas être infecté·e·s ou simplement pour manger. Travailleuses, travailleurs qui continuent
à prester pour le bien de la population et qui doivent être protégé·e·s. Celles et ceux mis
en chômage temporaire, temps partiels (dont énormément de femmes) qui risquent
d’être encore plus lourdement sanctionné·e·s. Artistes et statuts précaires. Malades qui
doivent être correctement indemnisé·e·s, pensionné·e·s qui doivent toucher leur pension,
candidats à l’asile bloqués aux frontières de l’Europe, personnes souffrant d’un handicap…
Personne, répétons-le, ne doit être oublié ». De ces textes émane également une forme
de tension entre la gestion de la précarité liée directement à la pandémie et une volonté de
la part d’acteurs de la société civile de peser sur des enjeux structurels et de long terme.
C’est dans De Standaard que Bea Cantillon et Ri De Ridder, respectivement présidente
de 11.11.11 (coupole flamande d’associations de solidarité internationale comparable au
112
CNCD.11.11.11 francophone) et président de Médecins du monde Belgique, publient
une carte blanche co-signée par 22 universitaires – parmi lesquels les recteurs de
la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven), de l’Universiteit Gent (UGent), de
l’Universiteit Hasselt (UHasselt) et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) – et appelant
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à la solidarité et à la compassion. Dans leur texte, les signataires indiquent que la pandémie
113
« révèle les vulnérabilités de notre société » en pointant du doigt le fait que tous les
citoyens ne sont pas égaux. Ils appellent dès lors les personnes chargées de préparer le plan
de déconfinement à prendre en compte cette réalité de façon durable, en accordant une
attention particulière, notamment, aux enfants vulnérables, aux personnes qui ont besoin
de soins, aux personnes à mobilité réduite, aux migrants, etc.
Si ces cartes blanches publiées dans Le Soir et De Standaard défendent l’égalité de façon
générale et visent un grand nombre de catégories sociales, d’autres initiatives sont portées
afin de défendre des catégories plus spécifiques de personnes au sein de la société.

111 er
112
« Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir », Le Soir en ligne, 1 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
Professeure à l’Universiteit Antwerpen (UAntwerpen), spécialiste de la sécurité sociale, B. Cantillon fut
113
aussi sénatrice CVP entre 1995 et 1999.
« Een strategische voorraad solidariteit en mededogen », De Standaard en ligne, 14 avril 2020,
www.standaard.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 6 du présent Courrier hebdomadaire).

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38 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

4.2. LES INÉGALITÉS DE GENRE

Un premier type d’initiatives spécifiques porte sur les inégalités de genre, combattues
à travers une carte blanche publiée sur le site d’information de la RTBF par un large
ensemble d’organisations et de citoyens 114. Particulièrement hétérogène (mais comptant
davantage de femmes que d’hommes), cette liste de signataires concentre le cœur de son
propos sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Après avoir posé un constat
sur l’ampleur de la problématique, la carte blanche appelle à une réponse politique,
économique et sociale qui soit adaptée. Concrètement, elle suggère que « le gouvernement
intègre une perspective de genre dans cette période de confinement et de pandémie, ainsi
que dans la transition du déconfinement et le temps de l’après-crise ». Selon le collectif, le
risque d’un déséquilibre au détriment des femmes existe au regard d’un grand ensemble
de décisions, que celles-ci soient liées, par exemple, à la reprise de la vie en société, à l’accès
aux soins de santé ou au soutien économique apporté aux travailleurs.
Deux jours plus tard, une autre carte blanche est signée par l’ensemble des membres
115
du comité de gestion du master de spécialisation interuniversitaire en études de genre .
Portée exclusivement par des académiques (issus de l’ensemble des universités de la
Communauté française), cette carte blanche pose d’abord un constat quant aux inégalités
de genre rendues d’autant plus visibles par la situation sanitaire. Indiquant que la crise n’est
pas vécue de la même manière par les hommes que par les femmes, le texte rappelle par
ailleurs que « le coût de la crise ne sera (…) vraisemblablement pas le même pour toutes
et tous ». Enfin, les signataires suggèrent que, « par leur expertise, les études de genre
s’avèrent essentielles car elles proposent d’autres clés pour appréhender le “maintenant”
et l’“après” de la crise, afin d’éviter que les femmes et les précaires ne soient les grand·e·s
perdant·e·s du (dé)confinement ». Cette initiative portée par un collectif particulièrement
homogène – contrairement à la précédente, rassemblant un large ensemble d’organisations
et de citoyens – va donc au-delà du constat et propose de mobiliser un type d’expertise
spécifique afin d’y répondre : celle développée à travers les études de genre.
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Le 24 avril 2020, une lettre ouverte à destination de la Première ministre et publiée dans
le mensuel féministe Axelle Magazine porte également sur la question des inégalités vécues
par les femmes. Ce texte est signé par plus de trente associations de femmes, formant un
ensemble relativement homogène dans sa composition (ainsi, ce sont principalement
des organismes francophones qui rejoignent l’appel). Selon ce regroupement d’associations
de femmes, la crise sanitaire et les mesures adoptées par les autorités publiques pour
l’endiguer (au premier rang desquelles le confinement) soulignent plus que jamais
l’importance de combattre les inégalités dont souffrent les femmes : « Ces inégalités
ne sont pas nouvelles et en temps de crise, tous les éléments sont rassemblés pour
116
qu’elles soient exacerbées » . La lettre ouverte pointe le manque de mesures adoptées

114
« Pour une prise en compte du genre dans le déconfinement et l’après crise Covid-19 », RTBF Info,
14 avril 2020, www.rtbf.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 7 du présent Courrier
115
hebdomadaire).
« Ceci est (aussi) une crise de genre ! », Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste
des signataires est reproduite en annexe 8 du présent Courrier hebdomadaire).
116
« Lettre ouverte d’associations de femmes à la Première ministre, Sophie Wilmès : l’urgence est absolue
pour les droits des femmes ! », Axelle Magazine en ligne, 24 avril 2020, www.axellemag.be (la liste des
signataires est reproduite en annexe 9 du présent Courrier hebdomadaire).

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 39

spécifiquement pour combattre ces inégalités, et souligne l’urgence qu’il y a d’intervenir


en la matière « pour garantir les droits des femmes dans les différents domaines qui
relèvent des compétences fédérales : économie, social, justice, police, finances, migration,
etc. ». Concrètement, les associations signataires demandent un soutien accru aux secteurs
féminisés et aux métiers de première ligne, une garantie de l’autonomie économique
et des droits sociaux des femmes, des mesures visant à une meilleure conciliation entre
vie familiale et vie professionnelle pendant le confinement et jusqu’au retour des enfants
à l’école, une meilleure sécurité des femmes victimes de violences conjugales, un soutien
accru aux femmes en situation de monoparentalité, un meilleur accès des femmes à la
santé et à leurs droits sexuels et reproductifs, ainsi que de meilleures garanties pour les
droits des femmes migrantes et de leurs enfants.

4.3. LES SANS-PAPIERS ET LES DEMANDEURS D’ASILE

Les sans-papiers et les demandeurs d’asile font aussi l’objet d’initiatives communes de
la part d’un grand nombre d’acteurs, dont des sans-papiers eux-mêmes.
Dans une carte blanche publiée dans le quotidien francophone Le Soir le 1er avril 2020 117
puis dans l’hebdomadaire néerlandophone Knack le 3 avril 2020 118, plusieurs dizaines
de signataires prennent position pour que les autorités publiques agissent en faveur des
sans-papiers. On relève une grande diversité parmi les signataires puisque l’on compte
parmi eux des représentants non seulement d’organisations actives dans la défense des
droits des sans-papiers, mais aussi d’organisations syndicales, sanitaires, judiciaires ou
encore humanitaires. Ce texte appelle à davantage de protection en faveur des sans-papiers
et des demandeurs d’asile : « Les oubliés sont nombreux. Parmi la population précarisée,
il s’agit notamment des personnes étrangères sans titre de séjour, qui n’ont pas de
couverture médicale. Certaines d’entre elles sont coincées en centres fermés, dans des
conditions de promiscuité qui vont à l’encontre des règles sanitaires. D’autres ont
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récemment été libérées sans précaution quant à ce qu’il adviendrait d’elles. Il s’agit aussi
de personnes venues demander l’asile et qui, depuis deux semaines, se retrouvent devant
la porte close de l’Office des étrangers. Une grande partie de ces personnes s’ajoute à
celles qui vivaient déjà sans abri, et des solutions peinent à se dessiner ». Au-delà du constat
posé, la carte blanche propose une série de mesures visant à répondre à cette inégalité.
Celles-ci consistent à octroyer une autorisation de séjour aux sans-papiers afin de leur
119
permettre de résider en Belgique durant le temps de la crise sanitaire , à venir en aide
aux sans-papiers afin qu’ils puissent se confiner, respecter les recommandations sanitaires
de base et subvenir à leurs besoins, à libérer les étrangers détenus dans les centres fermés
et leur permettre d’être hébergés dans des structures d’urgence, à recevoir les demandes
d’asile et héberger ceux qui cherchent une protection, ainsi qu’à prolonger

117 er
« Coronavirus : permettre à tous de se confiner est la seule manière d’en sortir », Le Soir en ligne, 1 avril
2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 10 du présent Courrier
118
hebdomadaire).
« Iedereen de kans geven om “in zijn kot te blijven” is de enige manier om hier samen uit te komen »,
119
Knack en ligne, 3 avril 2020, www.knack.be.
Il est à noter que, durant la crise sanitaire, l’Italie et, surtout, le Portugal ont annoncé des mesures de
régularisation, au moins partielle, des étrangers sans titre de séjour vivant sur leur territoire.

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40 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

automatiquement de trois mois la durée de validité des titres de séjour arrivant


à expiration. Cette carte blanche intervient notamment dans un contexte récemment
marqué par une grève de la faim collective menée par les personnes détenues au sein
du centre fermé pour étrangers de Vottem (dans la commune de Herstal, en région
liégeoise) afin de dénoncer leur enfermement et la promiscuité dangereuse face à la
pandémie 120.
Le lendemain, une autre carte blanche portant les mêmes revendications est publiée sur
le site de La Libre Belgique 121. Rédigé par Jan De Volder, historien à la KU Leuven et
responsable de la Communauté de Sant’Egidio, ce texte appelle lui aussi à accorder
une attention spécifique aux sans-papiers en demandant au gouvernement fédéral l’octroi
d’un titre de séjour temporaire pour toutes ces personnes ainsi que la libération des
personnes détenues dans des centres fermés.
Dès le début du mois d’avril, une campagne est lancée sur les réseaux sociaux par un
ensemble de citoyens engagés afin de soutenir la régularisation des sans-papiers en
Belgique. Portée par le groupe Migrant libre, qui est un collectif de citoyens mobilisés
autour de la question migratoire et, spécifiquement, de la situation des sans-papiers
en Belgique, cette initiative vise à permettre aux internautes – avec papiers ou sans
papiers – de partager des témoignages sur la question des sans-papiers pendant et après
la crise sanitaire en utilisant le hashtag #labelgiqueaussipeutregulariserlessanspapiers. Pour
afficher leur soutien aux sans-papiers et accentuer ainsi la pression sur les autorités
publiques, le groupe Migrant libre invite par ailleurs les internautes à remplacer le décor
de photo de profil de leur page Facebook par un décor intitulé « La Belgique aussi peut
régulariser les sans-papiers ».
Également à travers l’Internet, une pétition à destination du gouvernement fédéral belge
est lancée le 7 avril 2020 par le comité de soutien La Voix des sans-papiers (VSP) de
Liège afin d’appeler à la régularisation des sans-papiers, déjà fragilisés par leur situation
122
habituelle et devenus d’autant plus vulnérables dans le contexte de la pandémie . Le
12 juin 2020, 6 971 personnes ont signé la pétition.
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Le 8 avril 2020, la Coordination des sans-papiers de Belgique, qui est un réseau de tous
les collectifs sans papiers dans le pays, fait parvenir une lettre aux représentants
politiques belges pour « qu’ils suivent l’exemple du Portugal et fournissent aux personnes
sans papiers un statut de résident légal afin qu’ils puissent respecter les mesures de
123
confinement » . Cette initiative renforce encore les demandes déjà formulées par
plusieurs collectifs.
Le 20 avril, une initiative portant les mêmes revendications est lancée à Bruxelles.
Celle-ci diffère néanmoins des autres initiatives, tant par la composition du collectif
à la base du projet que par le mode d’action. En effet, ce collectif est exclusivement
composé de sans-papiers (et est soutenu par la Coordination des sans-papiers de Belgique).
En outre, dans le contexte du confinement imposé par l’Autorité fédérale – pour la

120
121
« Grève de la faim collective à Vottem », La Libre Belgique en ligne, 3 mars 2019, www.lalibre.be.
« Voici pourquoi les pays membres de l’UE doivent donner des documents de séjour aux sans-papiers »,
La Libre Belgique en ligne, 2 avril 2020, www.lalibre.be.
122
123
« Coronavirus. Pour la santé de tous, régularisons les sans-papiers ! », 7 avril 2020, https://secure.avaaz.org.
« Lettre aux représentants politiques belges concernant la régularisation des personnes sans-papiers
en Belgique », 10 avril 2020, https://sanspapiers.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 41

première fois depuis le début de ce confinement –, cette action prend la forme d’une
manifestation devant la Tour des Finances, à Bruxelles, bâtiment dans lequel se situe
notamment le bureau de Maggie De Block (Open VLD), ministre fédérale des Affaires
sociales et de la Santé publique, et de l’Asile et la Migration. Qualifiée par les organisateurs
d’action éclair, cette manifestation rassemblant une soixantaine de sans-papiers est
silencieuse, ne dure que quelques minutes et respecte les mesures sanitaires imposées
(grâce au port d’un masque et de gants et à la tenue d’une distanciation sociale de plus
de deux mètres). Se servant de nombreuses pancartes, les sans-papiers ainsi présents
défendent deux revendications majeures : la régularisation des sans-papiers et la libération
puis la régularisation des personnes détenues dans des centres fermés. Dans un
communiqué lu à haute voix avant la dispersion du groupe, il est ainsi déclaré : « Avant
cette pandémie, nous, sans-papiers, vivions déjà chaque jour dans la peur et les difficultés.
Nous travaillions au noir pour gagner de quoi vivre avec nos familles et nos enfants. Une
situation d’exploitation que nous dénoncions pourtant. Depuis l’annonce du confinement,
tous les secteurs sont fermés et il n’y a presque plus de travail. Du jour au lendemain, nous
nous retrouvons sans aucun revenu et aucune aide pour subvenir à nos besoins de base.
Nous n’avons pas accès aux soins de santé, nous ne pouvons plus acheter à manger ou
payer notre loyer. Malgré ces difficultés, nous respectons toutes les règles de confinement
fixées par l’État belge. Abandonnés par ce système, nous lançons aujourd’hui ce cri de
l’injustice qui nous tue. Plus que le coronavirus, c’est surtout cette politique migratoire
qui nous condamne à l’agonie. Hommes, femmes, enfants, jeunes et âgés, malades…
Nous sommes les oubliés de cette crise et nous mourons à petit feu ! Nous sommes des
citoyens et revendiquons nos droits. Nous sortons malgré tous les risques, pour lancer
124
un cri à l’humanité entière, un cri à la justice » .
Une semaine après cette action pour le moins originale (les modalités particulières de cette
action trouvant bien entendu leur source dans l’interdiction de rassemblement qui est
alors applicable), la Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ), les
instances nationales des syndicats CSC et FGTB, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC)
et son homologue flamand, beweging.net, ainsi que le Centre d’éducation populaire
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André Genot (CEPAG) rédigent et envoient une note à destination des partis politiques
et des autorités publiques afin de relayer la voix des sans-papiers. Dans cette note, il est
proposé d’accorder un titre de séjour provisoire à tous les sans-papiers pendant la
durée de la crise sanitaire ainsi que pendant le temps d’une procédure de régularisation
125
classique éventuelle . Rapidement, l’initiative est toutefois contrecarrée par la ministre
M. De Block, qui déclare : « Il n’y a pas d’initiative prévue concernant une régularisation
collective pour les personnes en séjour illégal en Belgique. La crise sanitaire actuelle n’est
126
pas une raison qui justifie de régulariser leur séjour, même temporairement » .
Le 22 avril 2020, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie
(MRAX) et une quarantaine d’associations – dont le Centre national de coopération au
développement (CNCD-11.11.11 : coupole francophone d’associations de solidarité
internationale), le CIRÉ, Hand in hand tegen racisme, la Ligue des droits humains (LDH)

124
« Oubliés du Covid-19 : un groupe de sans-papiers réclame la régularisation immédiate », 22 avril 2020,
https://sanspapiers.be.
125
« Le front commun syndical appelle à régulariser temporairement les sans-papiers », Le Soir en ligne,
126
29 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
Ibidem.

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42 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

et le MOC – publient une carte blanche dans Le Soir afin d’appeler la ministre M. De Block
à procéder à la libération des personnes détenues dans des centres fermés et à prévoir des
solutions pour les loger 127. Ces organisations indiquent : « Aujourd’hui encore, ils sont des
centaines à tenter de survivre dans des centres fermés, la boule au ventre, avec cette
angoisse d’entendre en permanence la radio débiter des conseils de prudence, de
distanciation sociale, de mesures sanitaires pour préserver chacun du coronavirus. Mais
eux, ils savent que ces messages ne leur sont pas destinés. Pour eux, la distanciation
sociale se transforme en promiscuité sociale. C’est à la roulette russe qu’on joue avec
leur vie ». Ce texte rappelle qu’un étranger ne peut en principe être détenu que pendant
la durée nécessaire à son expulsion du territoire ; l’expulsion étant rendue impossible,
il est nécessaire de libérer les personnes détenues. Cette revendication fait ainsi écho
aux autres initiatives lancées durant les semaines précédentes (cf. supra).
Enfin, plusieurs communiqués de presse sont diffusés par un certain nombre
d’organisations visant à défendre les droits des étrangers, comme la Coordination des
128 129
sans-papiers de Belgique ou la LDH . Toutes vont dans le même sens : elles réclament
la régularisation des sans-papiers et la libération des personnes détenues dans des centres
fermés afin de réduire les risques que la pandémie de Covid-19 fait peser sur ces catégories
fragilisées de la société.
Outre celle de la ministre fédérale en charge de l’Asile et la Migration, ces prises de
position débouchent sur des réactions politiques en sens contraire. D’une part, une
proposition de loi rédigée en étroite concertation avec le CIRÉ est déposée le 11 mai
par quatre députés francophones : Hervé Rigot et Khalil Aouasti (PS), Simon Moutquin
(Écolo) et Vanessa Matz (CDH) soulignent que les conditions ont rendu particulièrement
compliqués les retours (forcés ou volontaires) vers le pays d’origine et proposent, pour
contribuer à la lutte contre la pandémie en les faisant sortir de la clandestinité, d’accorder
un titre de séjour de six mois aux personnes en séjour irrégulier sur le territoire belge
qui n’ont pas fait l’objet de poursuites ou d’une condamnation pénales 130. À l’inverse,
quatre députés de la N-VA (Theo Francken, Darya Safai, Yoleen Van Camp et Koen
Metsu) déposent quelques semaines plus tard une « proposition de résolution contre
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les régularisations collectives » 131. Ce texte fait explicitement référence à l’appel lancé
le 2 avril par le responsable de la Communauté Sant’Egidio à une régularisation collective
132
(cf. supra) et presse le gouvernement fédéral de « ne pas y prêter attention » .

127
« L’urgence est aussi de libérer Clarisse et tous les prisonniers des centres fermés », Le Soir en ligne, 22 avril
2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 11 du présent Courrier
128
hebdomadaire).
Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers, « Les 100 000 sans-papiers, un des angles
morts de la gestion du Covid-19 en Belgique ? », Communiqué n° 1, 30 avril 2020, https://sanspapiers.be
(mis en ligne le 4 mai 2020) ; Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers, « Pour
protéger les plus vulnérables, il est urgent d’entamer une analyse sociale des populations menacées ou
victimes de la pandémie de Covid.19 », Communiqué n° 2, 10 mai 2020, https://sanspapiers.be (mis
129
en ligne le 11 mai 2020).
130
« La Belgique peut aussi régulariser les sans-papiers », 30 avril 2020, www.liguedh.be.
Chambre des représentants, Proposition de loi visant à aménager la situation de certaines catégories d’étrangers
131
durant la pandémie du Covid-19, n° 1327/1, 8 juin 2020.
Chambre des représentants, Proposition de résolution contre les régularisations collectives, n° 1320/1, 5 juin
2020. Le premier signataire de cette proposition, T. Francken, a été secrétaire d’État en charge de l’Asile
et la Migration dans le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD, 11 octobre 2014 -
132
9 décembre 2018).
Ibidem, p. 3.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 43

Les initiatives qui visent à défendre les droits et les intérêts des sans-papiers s’avèrent donc
particulièrement nombreuses durant la période de confinement. Par ailleurs, la situation
des sans-papiers est également insérée dans des prises de position plus larges (cf., par
exemple, infra la section sur les inégalités de logement). Les revendications mises en avant
sont portées par des acteurs variés, associatifs et syndicaux, qui agissent souvent de concert.
Les moyens d’actions mobilisés sont eux aussi multiples, parfois originaux – voire à la
limite de la légalité en période de confinement. Quant à lui, le message véhiculé par
ces revendications est relativement homogène : les collectifs impliqués exigent une
régularisation la plus large possible des sans-papiers ainsi que la libération des personnes
détenues dans les centres fermés. Ces appels rencontrent des réactions politiques
antagoniques, des députés francophones de centre-gauche soutenant ces revendications
mais se heurtant à un refus catégorique d’une ministre et de parlementaires
néerlandophones de droite.

4.4. LES INÉGALITÉS DE LOGEMENT

Le 27 mars 2020, le collectif Belgian Housing Action Day rappelle que les inégalités sociales
sont renforcées par la crise sanitaire et que, si le gouvernement fédéral adopte un ensemble
de mesures en matière de santé et en matière économique, la question du logement reste
largement oubliée. Alors qu’une manifestation « pour le droit au logement » était
initialement prévue le 28 mars dans un grand nombre de villes à travers le monde,
notamment en Belgique, celles-ci sont annulées en conséquence des mesures d’interdiction
de rassemblement décidées par les autorités publiques. C’est dans ce contexte que le
collectif Belgian Housing Action Day – qui rassemble des associations belges actives dans
les domaines de la santé, de la lutte contre la pauvreté, du droit à la ville et du droit au
logement – publie une carte blanche afin de défendre les mal-logés, les non-logés, les
sans-papiers, ceux qui sont apeurés ou menacés dans leur propre logement, ainsi que ceux
133 134
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qui sont enfermés en prison ou dans des centres fermés . Signé par 38 associations,
ce texte souligne le fait que la crise n’est pas vécue de la même façon par tous et qu’elle
ne touchera pas tout le monde de la même manière. Par exemple, nombre de personnes
– tels les étudiants, les travailleurs précaires, les travailleurs non déclarés et les travailleurs
du sexe – subissent une double peine en étant confinés dans un logement parfois indécent
et en perdant leurs revenus. Dès lors, le collectif propose une série de onze mesures
permettant un changement structurel en la matière afin de répondre à ce qu’il considère
comme étant une « défaillance de nos mécanismes de solidarité » déjà existante mais
révélée par la crise sanitaire. Ces mesures consistent à demander un moratoire prolongé
sur toutes les expulsions, à annuler la loi anti-squat, à trouver des solutions de logement
immédiates pour les personnes sans-abri (par exemple, par la réquisition d’hôtels),
à suspendre les remboursements de crédits hypothécaires pour certaines catégories de
personnes, à suspendre le paiement des loyers pour les ménages subissant l’impact de
la crise, à stopper les coupures d’énergie et la limitation d’eau, à créer un fonds social

133
134
À ce propos, cf. infra.
« Quand la crise sanitaire fait exploser la crise du logement », 27 mars 2020, www.ieb.be (la liste des
signataires est reproduite en annexe 12 du présent Courrier hebdomadaire).

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44 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

pour les travailleurs à la marge, à libérer certains détenus en détention préventive et


assurer leur relogement, à fermer les centres fermés, à régulariser les personnes en séjour
irrégulier et à mettre en place des mesures visant à limiter les investissements dans
l’immobilier pour endiguer toute augmentation des prix de vente et de location.
Portée par plusieurs dizaines de représentants du monde associatif et de citoyens engagés,
une autre carte blanche soulignant à quel point la crise sanitaire « éclaire brutalement
les inégalités sociales » est publiée sur le site Internet du journal Le Soir le 10 avril 2020 135.
Les inégalités de logement y sont notamment questionnées. Ainsi, les auteurs de cette
carte blanche considèrent que « si la vie reprendra son cours pour les mieux protégé·e·s,
les fusées de réjouissances de la fin d’épidémie ne seront pas pour tou·te·s. Une fois les
moratoires sur les expulsions locatives et les arriérés énergétiques levés, les plus précarisé·e·s
se trouveront sur la brèche ». Le collectif tente ainsi d’attirer l’attention sur les sans-abri,
les sans-papiers, les populations roms, etc. et appelle à apporter des réponses structurelles
au mal-logement une fois le déconfinement venu.
Le 28 avril 2020, l’asbl Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH) – qui
figurait parmi les signataires de la carte blanche du 27 mars – publie une carte blanche
dans Alter Échos, dans laquelle les inégalités de logement sont à nouveau dénoncées.
Contrairement à la carte blanche parue un mois plus tôt, qui était signée par un grand
nombre d’associations et qui défendait plusieurs catégories de personnes, celle-ci porte
principalement sur une catégorie de personnes spécifique : les locataires à faibles revenus.
Par ailleurs, il s’agit cette fois d’une initiative strictement bruxelloise et portant sur
les mesures à adopter en Région bruxelloise. Saluant plusieurs mesures adoptées par le
gouvernement régional bruxellois Vervoort III (PS/Écolo/Défi/Groen/Open VLD/
one.brussels-sp.a) afin de venir en aide aux personnes concernées – comme l’octroi d’une
prime unique de 215 euros, l’instauration d’un moratoire sur les expulsions de domicile
et la suspension de la période de préavis pour les locataires en fin de bail durant la période
de confinement –, le RBDH appelle néanmoins à l’adoption de mesures complémentaires.
Par exemple, l’asbl souhaite que le gouvernement régional autorise les locataires à réduire
leur loyer pendant la durée du confinement, en proportion des pertes de revenus subies,
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afin d’éviter les difficultés de paiement dans le futur. La volonté de recourir
exceptionnellement au produit des amendes imposées aux propriétaires d’immeubles
vides ainsi que d’imposer une taxe de solidarité auprès des multipropriétaires est également
affichée. En outre, la carte blanche propose d’étendre le moratoire sur les expulsions
au-delà de la période durant laquelle il s’applique et de prolonger la durée durant
laquelle la période de préavis est suspendue pour les locataires en fin de bail. Alors que
les inégalités de logement ne sont pas un phénomène nouveau, la crise sanitaire est
présentée comme constituant une fenêtre d’opportunité par le RBDH : « Les inégalités
de logement étaient là, ancrées, insidieuses, bien avant la crise du coronavirus qui a joué
un rôle d’amplificateur. Profitons du moment pour les combattre radicalement : refusons
la marchandisation du logement, refusons l’insalubrité, les loyers arbitraires et abusifs,

135
« Action sociale et sans-abrisme au temps du corona… vers un nouveau pacte social ? », Le Soir en ligne,
10 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 13 du présent Courrier
hebdomadaire).

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 45

la privatisation du social… Nous ne sommes pas seul·e·s, nous avons à nos côtés plus
136
de la moitié des Bruxellois(e)s. Exigeons plus ! »
Le 29 avril 2020, c’est le collectif Droit à un toit (qui figurait aussi parmi les signataires
de la carte blanche du 27 mars) qui publie à son tour une carte blanche sur la question du
logement. Indiquant que la crise sanitaire met en évidence une réalité ancienne, à savoir le
manque de logements abordables et accessibles, ce collectif bilingue de citoyens défend
plusieurs idées afin d’endiguer le sans-abrisme : la mise en place d’un moratoire illimité
sur les expulsions sans solution de relogement, l’encadrement des loyers, l’adoption de
mesures permettant de garantir un accès à un logement abordable, salubre et public,
l’importance de reloger toutes les personnes hébergées dans un dispositif d’urgence
pendant la période de confinement, la régularisation massive des sans-papiers et l’assurance
137
de leur permettre de trouver un logement décent .
D’autres textes – qui sont davantage des initiatives individuelles – visent aussi à saisir
« l’occasion » qu’offre la crise sanitaire de replacer la question des inégalités de logement
au cœur de l’agenda médiatique et politique. Dans une carte blanche publiée dans
Alter Échos, Laurent d’Ursel – artiste et citoyen engagé – indique par exemple : « Dans
cette crise, la problématique du mal-logement occupe une place à part. Son exemplarité,
pour le dire autrement, est particulièrement spectaculaire, puisque, en période de
confinement obligatoire, le mal-logement recouvre deux situations inextricables : le
confinement impossible (les personnes sans-chez-soi) et le confinement dangereux
(les personnes en logement insalubre, inadéquat ou surpeuplé) » 138. Dans une opinion
publiée par l’hebdomadaire Knack le 29 mars 2020, Elisabeth Geenen – experte en
logement à la FGTB – dénonce quant à elle le fait que ce sont davantage les propriétaires
que les locataires qui sont défendus par les autorités publiques ; en outre, elle appelle
à un débat sur la qualité des logements, que la période de confinement a permis de
139
mettre en lumière .
Au-delà de ces nombreuses cartes blanches qui visent à dénoncer les inégalités de logement
et à proposer des solutions pour y répondre, une pétition en ligne à destination des
ministres en charge du Logement est lancée par le mouvement Action Logement Bruxelles
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le 14 avril 2020. Cette pétition vise à réclamer une interdiction des expulsions locatives
pour douze mois minimum et à demander l’annulation des loyers dus pendant la période
de confinement, tant en Région bruxelloise qu’en Wallonie ou en Flandre. Rejointe par
les Acteurs des temps présents (ADTP), le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes
(CADTM), Droit à un toit, les Équipes populaires (EP) de Bruxelles, les Jeunes organisés
et combatifs (JOC), l’Observatoire belge des inégalités (OBI) et l’Union des locataires
marollienne (ULM), cette initiative est justifiée par le fait que, alors que le gouvernement
fédéral vient en aide aux entreprises confrontées à une perte de leurs profits, les locataires
ne seraient pas soutenus : « Des milliers de ménages seront bientôt dans l’incapacité de

136
« Confinement. Les locataires en détresse. Faire plus, plus vite », Alter Échos en ligne, 28 avril 2020,
www.alterechos.be.
137
« L’urgence d’un confinement pour tous... ou d’un chez-soi pour chacun·e ? », Le guide social en ligne,
138
29 avril 2020, https://pro.guidesocial.be.
L. D’URSEL, « Contre l’allomorphisme et pour un bon usage de la crise sanitaire au profit des “immenses” »,
139
Alter Échos en ligne, 15 avril 2020, www.alterechos.be.
E. GEENEN, « Wat als “uw kot” van slechte kwaliteit, te klein of onbetaalbaar is? », Knack en ligne, 29 mars
2020, https://moneytalk.knack.be.

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46 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

payer leur loyer, ou devront conserver le peu d’argent dont ils disposent pour assurer
les besoins essentiels. Pourtant, aucune mesure n’est prévue pour aider les locataires. Les
revenus de remplacement – pour peu qu’ils existent – ne devraient pas servir au loyer.
Cette différence de traitement entre locataires et propriétaires est inacceptable. Les
locataires sont sur-représentés parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Il faut
agir maintenant pour éviter que des milliers de familles se retrouvent face à des difficultés
insurmontables suite à la période de confinement » 140.
Les initiatives portant sur les inégalités de logement sont aussi variées que nombreuses.
Elles sont de nature individuelle, mais aussi le fait d’une association ou d’un rassemblement
d’associations et/ou de citoyens engagés. Les revendications elles-mêmes portent tantôt
sur la question des inégalités de logement de façon générale, tantôt sur certains publics
cibles, comme les sans-abri, les sans-papiers ou les locataires. Par ailleurs, elles peuvent
avoir une portée régionale (la Région bruxelloise) ou – plus souvent – nationale.
Néanmoins, les modes d’expression sont relativement peu variés : ces initiatives se
traduisent essentiellement par la publication de cartes blanches. Cela s’explique notamment
par les possibilités d’action réduites en raison des mesures de confinement adoptées par
les autorités publiques. Bien sûr, le relevé de ces prises de position ne doit pas occulter tout
le travail de terrain qui a été mené durant la période de confinement (comme à d’autres
moments) par des associations, des institutions et des travailleurs sociaux pour tenter
de venir en aide aux personnes mal logées ou sans abri.

4.5. LES INÉGALITÉS EN TERMES D’ÂGE

Un quatrième type d’inégalités sociales qui suscite des initiatives – certes moins
nombreuses – de la société civile concerne trois groupes sociaux distincts : les personnes
âgées, les jeunes et les enfants.
Le 8 avril 2020, les représentants de quatre asbl spécialisées dans l’accompagnement du
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vieillissement et/ou des proches – à savoir Aidants proches, Infor-homes Bruxelles,
Le Bien vieillir et Senoah – publient une carte blanche dans La Libre Belgique. Celle-ci
rappelle que « jamais le secteur de l’accompagnement des personnes âgées – services
à domicile et maisons de repos au sens large – n’a connu une telle crise, n’a dû encaisser
et gérer un choc aussi soudain, violent, dramatique. Jamais ses ressources n’avaient,
non plus, été aussi fragilisées par un détricotage progressif des soins de santé, une
marchandisation du secteur des maisons de repos, une logique de rentabilité. Le peu
de considération pour les métiers de l’accompagnement des personnes âgées (infirmières,
aides-soignantes, aides-familiales, etc.), le manque de valorisation collective et sociétale
du vieillissement contribuent à épuiser les équipes, à amenuiser le sens de leur travail
141
et à ébranler le fondement de leur implication » . Par ailleurs, la carte blanche souligne
que le confinement est particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées et leurs
aidants, deux groupes de population considérés par les signataires comme étant à la fois

140
141
« Pétition : Annulez les loyers ! Zéro expulsions ! », www.actionlogementbxl.org.
S. BRISACK, A. KODECK, C. GUFFENS, G. GALLET, « Covid-19 et vieillissement : vivre la crise dans la dignité »,
La Libre Belgique en ligne, 8 avril 2020, www.lalibre.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 47

les plus vulnérables mais aussi les plus oubliés. En conséquence, les signataires invitent
à réfléchir à une série de questions afin de repenser la manière dont sont traités les
seniors et les personnes qui leur viennent en aide : « Comment assurer la dignité de
chacun ? Dans ce contexte d’interdépendance accrue, à qui incombe la lourde tâche
d’en être le garant ? Ne sommes-nous pas déjà allés trop loin ? N’avons-nous pas,
collectivement, déjà banalisé des situations pourtant inacceptables ? »
Une autre carte blanche, signée par quatre chercheurs de la VUB et de la Hogeschool Gent
142
(HoGent), est publiée par De Standaard le 29 avril 2020 . Menant des recherches sur
les besoins des personnes âgées (Belgian Ageing Studies - BAS), ces quatre personnes
issues du monde académique invitent à la réflexion quant à la fracture numérique et
au risque d’isolement auxquels font particulièrement face les personnes âgées. Alors que
le texte salue la décision du gouvernement flamand de débloquer 375 000 euros afin de
fournir des tablettes numériques aux résidents de maisons de repos, il appelle à aller
plus loin afin de répondre à cette fracture numérique. Par exemple, il craint que
le personnel des maisons de repos – déjà surchargé – ne puisse aider les résidents
à apprendre à utiliser ces tablettes.
Le 21 avril, c’est au tour de trois représentants du Forum des jeunes (anciennement et
jusqu’en octobre 2019 : Conseil de la jeunesse de la Communauté française - CJCF) de
publier une carte blanche mettant en exergue les inégalités et les difficultés vécues par
143
les jeunes . Selon les signataires de ce texte – Nadège Carlier, Oriane Schmidt et
Norman Vander Putten –, les jeunes constituent en effet une catégorie de la population
particulièrement précarisée. Ils précisent ainsi que, d’après la Direction générale Statistique
du Service public fédéral (SPF) Économie, PME, Classes moyennes et Énergie (Statbel),
« 9,3 % des jeunes entre 15 et 24 ans n’exerçaient en 2019 aucun emploi et ne suivaient
aucun enseignement, ni aucune formation. C’est énorme. Ces chiffres risquent de
s’aggraver : l’économiste Bart Cockx de l’UGent indiquait récemment que plus de
100 000 jeunes sortant de l’enseignement vont éprouver plus de difficultés à trouver
un emploi au vu du contexte. Parce que l’humeur ambiante n’est certainement pas
à l’optimisme les concernant, il est donc essentiel que leur réalité soit adéquatement prise
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en compte parmi cet océan d’opinions sur l’après-corona ». Au-delà des difficultés
sociales vécues par les jeunes, c’est aussi la problématique environnementale qui est
pointée dans cette carte blanche, indiquant que ce sont les jeunes qui seront les premières
victimes des dérèglements climatiques et environnementaux (cf. infra). En conséquence,
les signataires du texte demandent que les jeunes soient entendus, en tant qu’« experts
de la vie qu’ils entendent mener et de la société qu’ils souhaitent dessiner ».
Bien qu’elle soit publiée dans De Standaard le 6 mai 2020 – soit en dehors du cadre
temporel fixé pour cette étude –, une lettre ouverte consacrée à l’importance des enfants
et à leurs droits est également rédigée durant la période de confinement. Portée par six
représentants de la société civile flamande, cette lettre est co-signée par pas moins de
178 citoyens. Concrètement, elle indique que la stratégie de sortie du confinement ne
tient pas suffisamment compte de l’intérêt des enfants et des jeunes. Rappelant une
étude selon laquelle les enfants et les jeunes figureraient parmi les premières victimes

142
N. de WITTE, W. SCHIRMER, J. CAMPENS, D. VERTÉ, « Iedereen digitaal door corona, behalve ouderen? »,
143
De Standaard en ligne, 29 avril 2020, www.standaard.be.
N. VANDER PUTTEN, O. SCHMIDT, N. CARLIER, « Après-corona : les jeunes, ces experts », Le Soir en ligne,
21 avril 2020, https://plus.lesoir.be.

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48 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

du confinement – notamment sur le plan psychologique – et insistant sur le fait que


ceux-ci « ont besoin de contacts sociaux, d’espace, de conseils et d’une perspective sur
leur avenir proche » 144, la lettre ouverte invite à porter une attention plus profonde et
systématique aux enfants et aux jeunes lors de l’adoption de décisions politiques, par
exemple via l’intégration d’une personne possédant une expertise en la matière au sein
du groupe chargé de la stratégie de sortie du confinement (le Groupe d’experts en
charge de l’exit strategy - GEES).
Le 19 mai, une carte blanche co-signée par 269 pédiatres va dans le même sens ; elle appelle
au respect des droits fondamentaux des enfants et milite pour que ceux-ci puissent
retourner à l’école afin « d’évoluer, interagir et jouer normalement » 145. Quelques jours
plus tard, le 27 mai, la réouverture des écoles est annoncée à la suite d’une réunion
146
du Comité de concertation . Selon la ministre de l’Éducation du gouvernement de la
Communauté française, C. Désir, cette décision est notamment motivée par la prise
de position publique de ces pédiatres 147.
Ces paragraphes soulignent l’importance accordée par bon nombre d’acteurs issus de
la société civile à certaines catégories de la population pointées comme pâtissant du
confinement. Plus que comme de simples victimes, elles sont considérées comme étant
trop peu prises en considération lors des réflexions visant à préparer le déconfinement
et l’après-crise. L’ensemble des initiatives ainsi développées vise à mieux intégrer les
besoins et les intérêts des personnes âgées, des jeunes et des enfants dans la prise de
décisions politiques, au besoin en intégrant certains représentants de ces groupes sociaux
ou certains experts de ces mêmes groupes au sein des processus décisionnels.

144
« Open brief Kinderrechtencoalitie en anderen: Wat met het belang van kinderen? », 6 mai 2020,
145
www.kinderrechtencoalitie.be.
« L’appel des pédiatres : les enfants sont les oubliés du déconfinement, ils doivent retourner à l’école
et en collectivité », La Libre Belgique en ligne, 19 mai 2020, www.lalibre.be.
146
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Le Comité de concertation est un organe qui réunit des ministres fédéraux, régionaux et communautaires,
essentiellement dans le but de tenter de prévenir ou de régler les conflits d’intérêts et certains des conflits
de compétence qui surviennent entre des composantes de l’État fédéral belge. (cf. « Comité de
concertation », CRISP, www.vocabulairepolitique.be). Il est composé de douze représentants des différents
gouvernements du pays (le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux et communautaires),
dans le respect d’une double parité : parité linguistique (six membres francophones et six membres
néerlandophones) et parité entre membres désignés par l’Autorité fédérale et membres désignés par
les entités fédérées (six membres au total de part et d’autre). Plus précisément, le Comité de concertation
est composé comme suit : le Premier ministre (qui préside les réunions) et cinq autres membres
du gouvernement fédéral désignés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres (à savoir, selon
l’appartenance linguistique du Premier ministre, deux ministres francophones et trois ministres
néerlandophones ou l’inverse) ; le ministre-président du gouvernement wallon ; deux membres du
gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (le ministre-président et un ministre de l’autre régime
linguistique) ; le ministre-président du gouvernement de la Communauté française ; deux membres
du gouvernement flamand (dont le ministre-président). Quant au gouvernement de la Communauté
germanophone, la loi ne lui accorde pas de représentant au Comité de concertation, hormis dans le cas
d’un conflit d’intérêts auquel est partie la Communauté germanophone ; ce gouvernement est alors
représenté par son ministre-président, avec voix délibérative. Dans les faits cependant, le ministre-
président de la Communauté germanophone est à chaque fois invité et présent aux réunions du Comité
de concertation (tout en ne disposant effectivement que de son droit de vote clairement circonscrit). Durant
la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19, le Comité de concertation se réunit nettement plus
147
souvent qu’à l’accoutumée, bien qu’en restant largement dans l’ombre du CNS.
« Retour à l’école en maternelles et primaires : la carte blanche des pédiatres a influencé la décision de
reprise des cours », Le Soir en ligne, 28 mai 2020, www.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 49

Si les inégalités sociales sont variées, c’est surtout sur les inégalités de genre, les inégalités
vécues par les sans-papiers et les demandeurs d’asile, les inégalités de logement et les
inégalités en termes d’âge que se concentre la grande majorité des initiatives citoyennes.
Particulièrement nombreuses, ces dernières prennent surtout la forme de cartes blanches
mais se traduisent aussi par des actions diverses – qu’elles soient légales ou non en ces
circonstances de confinement.
Les initiatives citoyennes relatives aux inégalités sociales peuvent rassembler des citoyens
ou des associations particulièrement nombreux, et parfois très hétérogènes. Pourtant,
il est à noter que les mesures proposées par ces différentes initiatives vont généralement
dans un sens convergent, ce qui renforce la capacité de la société civile à se faire entendre.
Enfin, les inégalités sociales ne sont pas un phénomène nouveau, qui découlerait
directement de la crise sanitaire. En accroissant celles-ci, la pandémie a néanmoins permis
d’accroître leur visibilité – outre qu’elle les a souvent rendues plus aiguës et pénibles
à endurer. En conséquence, la société civile formule un ensemble de revendications pour
apporter des réponses à ces inégalités ; elle demande aussi à être davantage intégrée dans
les processus d’adoption de politiques publiques. Deux types de demandes distinctes sont
donc formulés.
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5. UNE REMISE EN CAUSE DE LA PLACE
ET DU SENS DU TRAVAIL

La question du travail est posée de différentes manières durant la période de confinement


décidée en raison de la pandémie de Covid-19. De modalité accessoire, le télétravail devient
un mode d’organisation du travail extrêmement répandu, ce qui suscite des réflexions.
Celles-ci émanent souvent de spécialistes de cette question dans le champ académique,
éventuellement interrogés par des journalistes à ce sujet 148. L’Université de Liège (ULiège)
lance également une enquête afin d’évaluer les conséquences du télétravail massif sur
149
ses usagers , tandis que la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), accompagnée
par de nombreuses organisations patronales, apportera publiquement son soutien à cette
modalité de gestion de la pandémie durant le processus de déconfinement 150. Cette
question est également abordée dans une enquête que réalise la FGTB auprès de ses
membres durant le mois d’avril afin de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les revenus,
151
le vécu et les aspirations des travailleurs .
Du côté de la société civile au sens strict du terme, une réflexion sur les dangers qu’induit
la généralisation du télétravail est proposée, au nord du pays, par le Post-Corona
152
Movement (PCM) sur son site Internet . Le PCM est une plateforme qui naît en mars
2020, à l’initiative de quelques citoyens flamands soucieux, comme ils l’indiquent, de tirer
parti de la crise pour « semer le changement ». Il s’agit de quatre éco-entrepreneurs :
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Steven Desair, fondateur d’Eatmosphere (organisme qui récolte les surplus alimentaires
au profit d’organisations sociales), de Louis De Jaeger et Ben Brumagne, co-fondateurs
du Food Forest Institute (FFI), et de Simon Luyts, fondateur de Cultures of Change.
La plateforme est constituée en groupe Facebook. L’idée est de permettre à chacun de
proposer « un rêve concret » pour l’après-corona. Chacun de ces « rêves » suscite critiques,
observations et ajouts, avant que le PCM ne s’emploie à rassembler (via des questionnaires
électroniques) ceux qui sont susceptibles de partager et de mettre en œuvre les
propositions. Dans une phase suivante, les grands thèmes ainsi dégagés sont transmis,
en même temps que l’indication du soutien dont ils disposent, au pouvoir politique.

148
149
Cf. notamment « Télétravail un jour, télétravail toujours », L’Écho en ligne, 6 avril 2020, www.lecho.be.
« Coronavirus : l’ULiège lance une enquête sur le télétravail contraint », L’Avenir en ligne, 24 avril 2020,
www.lavenir.net.
150
151
« Il faut continuer à miser sur le télétravail pour combattre la pandémie ! », 26 mai 2020, www.feb.be.
152
« La grande enquête coronavirus et travail de la FGTB », communiqué de presse, 28 avril 2020, www.fgtb.be.
« Veralgemeend thuiswerken en afstandsonderwijs », s.d. [3 mai 2020 ?], https://postcoronamovement.com.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 51

De nombreux travailleurs sont en outre mis au chômage de façon temporaire, en raison


du ralentissement ou de la mise à l’arrêt de divers secteurs d’activité 153. L’utilité voire le
caractère indispensable de certains métiers, qui ne reçoivent pas une reconnaissance sociale
particulièrement élevée en temps normal, est aussi mise en lumière durant la pandémie.
Ainsi, la crise révèle l’importance cruciale du personnel soignant, au premier chef, mais
aussi des conducteurs de transports en commun et des chauffeurs routiers, du personnel
travaillant dans les supermarchés, les maisons de repos, des agents de propreté, etc.
Concernant le secteur des soins de santé, le Resilience Management Group (RMG)
– un groupe coordonnant plusieurs acteurs issus du monde académique et du secteur
des entreprises de la transition (cf. aussi infra) – peut ainsi affirmer : « La Santé a reçu
la priorité et tout le monde s’en réjouit ; les gouvernements redécouvrent des professions
154
“cruciales” de première ligne qui, il y a peu, luttaient pour leur emploi et leur salaire » .
Le rôle essentiel de ces catégories de travailleurs et travailleuses est souligné durant la
période de confinement, en particulier lorsque la circulation de la maladie est la plus aiguë :
il faut une dose certaine de courage et d’abnégation pour sortir de chez soi, se rendre sur
son lieu de travail, où l’on s’expose à un risque nouveau et inédit, en particulier si l’on
est membre du personnel soignant et que l’on est en contact direct avec des personnes
contaminées par le nouveau coronavirus 155. Une telle situation est accentuée par la pénurie
de moyens de protection (masques, gel désinfectant, etc.) 156.
Des spécialistes du droit du travail se prononcent d’ailleurs sur la question d’un « droit
de retrait ». Ce débat concerne l’existence éventuelle d’un droit dans le chef des travailleurs
salariés de suspendre leurs prestations de travail s’ils estiment que leur employeur n’a
pas pris des mesures de protection adéquates sur le plan sanitaire. Des interprétations
divergentes entre spécialistes du droit du travail se manifestent, en particulier par voie
157
de presse . De manière quelque peu surprenante peut-être, les syndicats restent assez
discrets dans ce débat. La question du droit au retrait sous-tend pourtant la grève menée
durant plusieurs jours à partir du 11 mai 2020 par de nombreux conducteurs de la Société
des transports intercommunaux bruxellois (STIB) contre la volonté des représentants
syndicaux et sans le soutien de ceux-ci.
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La crise sanitaire conduit également à une prise de conscience de l’existence de prestations
de travail qui sont généralement invisibilisées et exercées à titre gratuit, en particulier par
les femmes au sein de la sphère domestique (nettoyage, soins apportés aux enfants ou
aux aînés, etc.). Ce travail est essentiel au fonctionnement de la société, mais il ne fait pas

153
Selon la ministre fédérale en charge de l’Emploi, N. Muylle, quelque 940 000 personnes ont reçu une
allocation de chômage temporaire en mars ; elles étaient 1,2 million en avril (« Le chômage temporaire
154
moins coûteux que prévu », L’Écho en ligne, 25 mai 2020, www.lecho.be).
« Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises
systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite
155
en annexe 17 du présent Courrier hebdomadaire).
D. DE CANNIÈRE, G.-B. CADIÈRE, « Lettre ouverte de deux chirurgiens à Sophie Wilmès sur le coronavirus :
“La double peine du personnel hospitalier” », Le Soir en ligne, 22 mars 2020, https://plus.lesoir.be ;
V. LEFEBVE, « Le syndrome de la Belle au bois dormant. Confinement et impuissance politique », Les @nalyses
du CRISP en ligne, 10 avril 2020, www.crisp.be, p. 7.
156
J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit.,
157
p. 18-23.
É. DERMINE, S. REMOUCHAMPS, L. VOGEL, « Les travailleurs disposent d’un droit de retrait en Belgique »,
Le Soir en ligne, 26 avril 2020, www.lesoir.be ; O. WÉRY, F. ROBERT, « Le droit de retrait du travailleur
confiné : le miroir aux alouettes », La Libre Belgique en ligne, 4 mai 2020, www.lalibre.be ; V. VANNES,
« Droit de retrait ? Travailleurs, attention danger ! », Le Soir en ligne, 8 mai 2020, www.lesoir.be.

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52 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

l’objet d’une reconnaissance sociale particulièrement élevée, et ce que ce soit sur le plan
pécuniaire ou symbolique, affirment notamment un certain nombre d’intervenants.
L’action du collectif Bas les masques Belgique 158 met à l’avant-plan cette question du
travail gratuit, en la reliant à une injonction sociale suscitée par la crise du coronavirus :
en raison de la grave pénurie de masques produits de façon industrielle pendant cette crise,
des appels sont lancés pour que la population prenne elle-même en charge la fabrication
de masques en tissu. Bas les masques Belgique réagit : « On nous impose de travailler
gratuitement au nom de la solidarité. Mais en quoi est-ce être solidaire que de demander à
des personnes – qu’elles soient professionnelles ou non – de travailler gratuitement alors
que nous sommes déjà tous et toutes dans une situation de précarité ? » 159
La question de la couverture sociale des travailleurs indépendants ou précaires se pose
160
également . Elle concerne l’organisation de la société après le coronavirus, non
directement, mais plutôt par implication. Par rapport à cette question des travailleurs
en situation précaire et des inégalités qui les frappent – notamment dans le secteur
artistique ou dans celui, émergeant, des économies de plateforme –, la crise a, en effet,
un effet de miroir grossissant (phénomène qui est également observé pour d’autres
thématiques, cf. supra). Des réflexions portent par ailleurs sur des secteurs plus particuliers,
comme celui de la prostitution où la vulnérabilité des travailleuses et travailleurs, déjà
importante en temps normal, est fortement renforcée durant la pandémie 161.
De façon plus générale, la nouvelle configuration induite par la propagation du coronavirus
SARS-CoV-2 suscite des réflexions dans le chef d’acteurs issus de la société civile afin
de repenser la place et le sens du travail dans le « monde d’après ». Des débats portent sur
la nécessité d’équilibrer vie professionnelle et vie familiale, ainsi que sur la question – liée
mais autonome – de l’instauration d’un revenu minimum garanti, appelé également
allocation universelle par certains de ses partisans. Des propositions sont formulées,
notamment par le RMG (cf. supra). Parmi les pistes pour une relance durable et solidaire
qui figurent dans le plan « Sophia » proposé par le RMG, figure une invitation à lancer
162
un débat parlementaire sur un revenu de base universel . Une telle idée est avancée
par d’autres acteurs (qui plaidaient déjà pour l’instauration d’un tel mécanisme avant
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la survenance de la crise 163).

158
« Bas les masques » est aussi le nom d’un collectif de soignants et de professionnels de la santé ayant
lancé un appel visant à « construire un mouvement populaire » afin de mieux financer le secteur des soins
de santé. Principalement porté en France, il consiste à mettre en place des actions simples (comme le
partage de témoignages en ligne ou l’organisation de concerts de casseroles à échéances régulières) ou plus
159
conséquentes (comme le dépôt de plaintes en justice). Le 15 juin 2020, 26 901 personnes ont signé l’appel.
« Bas-les-masques : des couturières qui se sentent “exploitées” au nom de la solidarité », RTBF Info, 4 mai
2020, www.rtbf.be.
160
Cf. notamment D. DUMONT, « Que peut la Sécu pour les indépendants au “chômage” ? », Carnet de crise
er
du centre de droit public de l’ULB, n° 5, 1 avril 2020, https://droit-public.ulb.ac.be ; A. MECHELYNCK,
« La crise sanitaire révèle les faiblesses de la protection sociale des travailleurs précaires au chômage »,
161
Carnet de crise du centre de droit public de l’ULB, n° 17, 21 avril 2020, https://droit-public.ulb.ac.be.
N. HIRTZ, « Covid-19 et confinement. Quelles conséquences pour les prostitué·e·s ? Le cas des Nigérianes
du quartier des carrées », Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (GRESEA),
162
9 avril 2020, www.gresea.be.
« Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 »,
mai 2020, www.groupeone.be, p. 34-36. Selon le RMG, cette allocation garantie ne devrait pas limiter
163
le montant des indemnités perçues à d’autres titres – des prestations de sécurité sociale, par exemple.
P. DEFEYT, « Coronavirus et (re)distribution des revenus », Institut pour un développement durable (IDD),
mars 2020, www.iddweb.eu. A contrario, les analystes opposés au revenu universel avant la crise réitèrent

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 53

Bien que située en dehors de la période de référence de ce Courrier hebdomadaire, une


réflexion centrée sur la problématique de la santé au travail, parue sur le site Internet
du Soir le 17 juin, mérite également d’être épinglée. Il s’agit d’une carte blanche dans
laquelle Maxime Coopmans, du Centre de défense et d’action pour la santé des travailleurs
(C-DAST), et Paul Lootens, ancien président de la FGTB Centrale générale, dénoncent
une carence au niveau des mesures de protection des travailleurs pendant la pandémie et
soulignent l’exposition particulièrement importante de certaines catégories de travailleurs
164
au nouveau coronavirus . Ils ajoutent : « Les mesures de protection collective (nettoyage
des locaux, des outils et instruments, distance entre collègues de travail…), les mesures
de protection individuelle, le dépistage des travailleurs contaminés et leur suivi, la gestion
de la contagiosité sur les lieux du travail… font partie des responsabilités des employeurs
et c’est aux organisations syndicales de les faire adopter par les [comités pour la prévention
et la protection au travail (CPPT)], de façon concertée si possible ou de les imposer
collectivement par le rapport de force ». Cette réflexion sur le travail est également
soutenue par un grand nombre d’individus, dont de nombreuses personnes issues du
monde syndical.
Une autre intervention marquante en lien avec la question du travail et de son organisation
provient du monde académique seul. Elle vise à repenser la place des salariés, qualifiés
d’« investisseurs en travail », au sein de l’entreprise (et entretient ainsi un lien certain avec
la critique du capitalisme abordée infra). Si elle émerge au milieu du mois de mai 2020
(soit alors que le processus de déconfinement a déjà été amorcé), elle s’adosse en réalité
à une série d’initiatives qui ont pris place durant le confinement.
Tout d’abord, le 24 mars 2020, est lancée l’idée d’un « CoronaReset », via une carte
blanche initiée par des citoyens issus de la société civile et de la sphère culturelle et qui
165
s’adresse notamment aux pouvoirs publics . Cette initiative est rejointe par quelque
16 000 signataires. Le texte consiste en un appel à saisir l’opportunité que constitue la crise
sanitaire pour procéder à un changement de paradigme au sein de la société. Les objectifs
mis en avant sont ambitieux, même si les formulations employées se situent surtout sur
un plan général sans que des mesures précises et concrètes ne soient avancées. Il s’agit
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de « créer un monde plus juste, où les relations humaines auront repris une place plus
importante que celle des transactions financières et des dividendes à distribuer à une
minorité, un monde où le travail sera mieux réparti afin que la moitié de l’humanité ne
trime pas jusqu’à l’essoufflement, au détriment de sa qualité de vie, tandis que l’autre
moitié vit dans la misère faute d’avoir accès à ce Graal de boulot. Un monde qui
respectera toute l’humanité, animaux et écosystèmes compris. Un monde où notre être
pourra se construire autrement, avec ses dimensions multiples et non plus confiné à celle,
unique, de producteur de richesses économiques ». Les questions, liées entre elles, de
la place et du sens du travail au sein de la société occupent ainsi une position centrale
dans cette réflexion, qui vise en outre à renforcer la participation citoyenne pour opérer
les changements qui sont estimés nécessaires sur les plans écologique et social (cf. infra).

pendant celle-ci leur argumentation (cf., par exemple, M. ALALUF, « Illusion de la raréfaction du travail
164
et magie du revenu universel », Politique en ligne, 28 mai 2020, www.revuepolitique.be).
« Coronavirus : la santé au travail est le chaînon manquant », Le Soir en ligne, 17 juin 2020,
165
https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 14 du présent Courrier hebdomadaire).
« Et le jour d’après ? Pour un “CoronaReset” », 20 mars 2020, www.facebook.com/
EtlejourjourdapresPourunCoronaReset.

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54 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Ensuite, une autre initiative voit le jour, fruit d’une collaboration entre le secteur
associatif et des universitaires, qui prend la forme de la diffusion en ligne d’émissions-
colloques portant sur des sujets tels que le travail, la sécurité sociale et l’écologie. Cette
initiative est portée par le Centre socialiste d’éducation permanente (CESEP), la Fédération
des services sociaux (FdSS) et le groupe de travail « Travail, entreprise, démocratie » (TED)
du Centre de recherches interdisciplinaires Démocratie, institutions, subjectivité (CriDIS,
de l’UCLouvain et du CESEP), en partenariat avec les Acteurs des temps présents (ADTP),
le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT, de
l’Université de Montréal), Éconosphères, la Fédération des maisons médicales et des
collectifs de santé francophones (FMM), Formation éducation culture (FEC, organisme
lié à la CSC), le MOC Brabant wallon, Pour écrire la liberté (POUR), l’agence-conseil en
économie sociale Propage-s et Smart. La première émission, consacrée à la thématique
er 166
du travail, est diffusée le jour de la fête du Travail, le 1 mai .
Enfin, une réflexion collective soutenue par plus de 3 000 chercheuses et chercheurs fait
l’objet d’une publication dans plusieurs journaux, en Belgique et à l’étranger 167. Cette
tribune paraît notamment sur le site Internet du journal Le Soir et sur celui du magazine
Le Vif/L’Express 168 ; sa principale initiatrice belge, Isabelle Ferreras, professeure de
sociologie à l’UCLouvain, est en outre l’invitée de l’émission « Le grand oral » RTBF/Le Soir
le 16 mai 2020. Même si elle survient au-delà du cadre temporel qui a été fixé pour
la présente étude, cette intervention collective et transfrontière est particulièrement
remarquable en raison du soutien important qu’elle reçoit au sein du monde académique
et de l’attention médiatique mobilisée : « Les travailleurs démontrent chaque jour qu’ils
ne sont pas une simple “partie prenante” de l’entreprise parmi d’autres. Ils sont LA
partie constituante, pourtant toujours trop souvent exclue du droit de participer au
gouvernement de l’entreprise, monopolisé par les apporteurs en capital ».
À partir de ce constat, nourri par les recherches antérieures des scientifiques à la base
de cette tribune et complété par les observations faites pendant la crise du Covid-19, les
signataires de cet appel formulent un certain nombre de propositions selon trois axes :
démocratiser, démarchandiser et dépolluer.
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Primo, il convient selon eux de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’entreprise, afin
que les investisseurs en travail soient amenés à prendre les décisions importantes qui
concernent le présent et le futur de l’entreprise sur un pied d’égalité avec les « apporteurs
en capital », c’est-à-dire les propriétaires de l’entreprise et les dirigeants qui les
représentent.
Secundo, il est nécessaire, aux yeux des initiatrices de cet appel, de démarchandiser le
travail afin que certains choix fondamentaux qui intéressent la collectivité ne soient plus
livrés aux seuls mécanismes du marché : « La création de postes dans le secteur des soins
aux personnes, l’approvisionnement en matériel de survie, ont été soumis depuis
des années à une logique de rentabilité. La crise révèle cet aveuglement. Il existe des
besoins collectifs stratégiques qui doivent être immunisés de la marchandisation.

166
« Faites le travail ! Émission-colloque live. Proposition pour un plan écologique, social et démocratique »,
er
167
1 mai 2020, www.facebook.com/EtlejourjourdapresPourunCoronaReset.
En France, cf. « Il faut démocratiser l’entreprise pour dépolluer la planète », Le Monde en ligne, 15 mai
168
2020, www.lemonde.fr.
« Travail : Démocratiser. Démarchandiser. Dépolluer », Le Soir en ligne et Le Vif/L’Express en ligne,
16 mai 2020, https://plus.lesoir.be et www.levif.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 55

Douloureusement, nos dizaines de milliers de morts nous le rappellent aujourd’hui.


Ceux qui affirment encore le contraire sont des idéologues qui nous mettent tous et
toutes en danger. La logique de rentabilité ne peut pas décider de tout ». La nécessité
d’assurer l’effectivité du droit au travail proclamé dans un certain nombre d’instruments
juridiques nationaux et internationaux est également soulignée. Une telle réforme, que
les signataires de cette tribune appellent de leurs vœux, pourrait prendre la forme d’« une
garantie d’emploi pour tous (job guarantee), offrant la possibilité à chaque citoyen de
bénéficier d’un emploi » et permettant « non seulement à chacun de vivre dignement,
mais aussi collectivement de décupler nos forces pour mieux répondre aux nombreux
besoins sociaux et environnementaux auxquels nous faisons face ».
Tertio, ces nouvelles règles de fonctionnement de l’entreprise et cette nouvelle façon
de répartir le travail dans la société devraient permettre non seulement de démocratiser
l’entreprise et de démarchandiser le travail, mais aussi de répondre aux défis suscités par
les périls écologiques qui se déploient à l’échelle globale, et aux dérèglements climatiques
en particulier. D’importantes économies d’énergie sont notamment requises qui, d’après
les signataires, ne pourront advenir que si la culture au sein de l’entreprise et le rapport
collectif à la question du travail sont également profondément modifiés.
Sur le fond, les trois initiatrices de cet appel – I. Ferreras, Julie Battilana, professeure
d’administration des affaires à la Harvard Business School, et Dominique Méda,
professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine – mettent en avant les conclusions
169
auxquelles elles parviennent dans le cadre de leurs recherches scientifiques respectives .
À l’instar de beaucoup d’autres acteurs et actrices de la société civile, elles utilisent ainsi
la crise sanitaire comme une caisse de résonance pour diffuser dans le public leurs idées
et leur conception de la société présente et à venir.
En complément de cette prise de position dans l’espace public, les résultats d’une enquête
universitaire menée en partenariat par l’UCLouvain, l’Université Saint-Louis - Bruxelles
(USL-B) et le CESEP sont publiés au début du mois de juillet 2020. Cette recherche vise
à documenter la manière dont les Belges ont vécu la période de confinement, en particulier
en ce qui concerne leur relation au travail et leur situation pécuniaire durant la crise
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170
sanitaire et après celle-ci . Les conclusions principales de l’enquête sont répercutées
au moyen d’un communiqué de presse, dont l’intitulé insiste sur l’un des enseignements
transversaux de cette étude : « “Travail et foyer à l’heure du (dé)confinement” : 90 %
des répondant·e·s à l’enquête veulent du changement » 171. Cette étude, qui regroupe les
apports de 31 contributeurs, est le fruit d’une collaboration entre divers acteurs de la
société civile : les ADTP, Associations21, le Centre d’éducation populaire André Genot
(CEPAG, lié à la FGTB), le CRIMT, le Centre d’information et d’éducation populaire
du MOC Brabant wallon (CIEP-MOC BW), le CESEP, Éconosphères, la FMM, la FdSS,

169
Cf. I. FERRERAS, Gouverner le capitalisme ? Pour le bicamérisme économique, Paris, Presses universitaires
de France, 2012 ; J. BATTILANA, « La poursuite conjointe d’objectifs sociaux et financiers dans les
entreprises. L’entreprise sociale comme laboratoire d’étude des modes d’organisation hybrides », Entreprise
& société, volume 4, n° 2, 2019, p. 53-94 ; D. MÉDA, Travail, la révolution nécessaire, La Tour d’Aigues,
Éditions de l’Aube, 2010.
170
J. CHARLES, S. DESGUIN (dir.), « “Aux confins”. Travail et foyer à l’heure du (dé)confinement », juillet 2020,
171
https://cdn.uclouvain.be.
Communiqué de presse, 2 juillet 2020, https://cdn.uclouvain.be.

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56 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

FEC, POUR, Présence et action culturelles (PAC), Propage-s, le Réseau wallon de lutte
contre la pauvreté (RWLP), Smart, le TED et l’USL-B.

L’intervention qui a été décrite plus haut, portée par trois enseignantes et chercheuses
issues du monde académique, est particulièrement remarquée en raison de son ampleur.
En effet, elle est soutenue par plus de 3 000 chercheurs, ce qui constitue en soi une
circonstance relativement rare pour une carte blanche émanant du monde académique.
En outre, elle s’emploie à mettre en question, à partir de recherches scientifiques ancrées
dans diverses disciplines, la place des travailleurs dans l’entreprise, ce qui implique, en
filigrane, une critique du néolibéralisme et de la manière dont il s’est développé et structuré.
À ce titre, une telle intervention dans le débat public est incontestablement « politique »
et démontre le rôle grandissant que sont amenés à jouer les académiques au sein de la
société civile. Par ailleurs, cette intervention n’est pas la seule touchant à la question du
travail : elle a été précédée par l’une des cartes blanches ayant recueilli le plus de signatures
durant toute la période de confinement, à savoir l’appel pour un CoronaReset.
Néanmoins, si la crise du Covid-19 concerne, de manière plus générale, la question du
travail de diverses manières, il ne semble pas que cette thématique occupe un caractère
central, en tout cas si l’on examine les interventions collectives, très nombreuses, qui
surgissent dans l’espace public durant la période de confinement. D’autres questions sont,
semble-t-il, davantage mobilisatrices, comme celle des inégalités exacerbées par la crise
(cf. supra) ou celle de la transition écologique (cf. infra). Cela ne signifie pas que la crise
sanitaire n’est pas susceptible de constituer un tournant s’agissant de la manière dont
le travail, en tant qu’activité, et les travailleurs, avec ou sans emploi, en tant que catégories
sociales, sont perçus au sein de la société, d’une part, et encadrés juridiquement, d’autre
172
part . Il conviendra de demeurer attentif aux évolutions futures en la matière.
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172
Sur cette dimension juridique, cf. en particulier É. DERMINE, D. DUMONT (dir.), « Le droit social face
à la crise du Covid-19 : panser le présent et penser l’après », Journal des tribunaux du travail, n° 1363-1364
et 1365, 2020, p. 153-228.

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6. LES URGENCES SANITAIRE ET ÉCOLOGIQUE

De nombreux acteurs de la société civile tracent un parallèle entre la crise sanitaire et les
périls écologiques, de plus en plus aigus, auxquels l’humanité est confrontée. Il s’agit,
dans les deux cas, de risques qui transcendent les frontières et qui mettent en évidence
les rapports d’interdépendance entre les États. Un autre lien entre coronavirus et
environnement s’impose en outre rapidement à deux niveaux. D’une part, certains experts
insistent sur l’origine écologique de la pandémie et les conséquences de l’écocide sur le
passage des virus de l’animal vers l’homme. D’autre part, les mesures de confinement
entraînent une diminution de la pollution. Celle-ci est observée au milieu du mois de
mars au-dessus des zones qui sont alors les plus durement touchées par la pandémie
de Covid-19 (la Chine d’abord, l’Italie du Nord ensuite), en raison des mesures de
confinement qu’elle y a entraînées 173. Un tel constat s’étend par la suite à de nombreux
autres territoires, au fur et à mesure que le confinement tend à se généraliser dans le
monde 174. Les émissions de gaz à effet de serre connaissent également une baisse notable,
bien que moins importante que ce qui avait été anticipé durant un temps 175.
Comme dans d’autres secteurs examinés dans ce Courrier hebdomadaire, des interventions
de la société civile prennent la forme soit d’opinions individuelles diffusées dans la presse
ou via d’autres canaux, soit de prises de position collectives. Ces interventions dans
l’espace public vont souvent au-delà des quelques constats posés ci-dessus, pour s’engager
dans des débats sur l’organisation du « monde d’après ». La façon dont la relance
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économique devra être mise en œuvre après la période de récession causée par la crise
sanitaire, en tenant compte des impératifs écologiques, est souvent placée au centre
de ces diverses interventions. Une autre question qui est abordée est celle de la sécurité
alimentaire, la crise ayant suscité des inquiétudes sur ce plan et mis en lumière
l’existence de chaînes de production et de distribution mondialisées, particulièrement
fragilisées par la crise.
Avant d’aborder ces différentes thématiques, il n’est pas inutile de revenir brièvement
sur la situation quelque peu singulière de la mobilisation sociale dans le domaine de
la protection de l’environnement en Belgique juste avant le déclenchement de la crise
sanitaire. Au début de l’année 2020, on observe en effet une configuration dans laquelle
les revendications écologistes et les mouvements qui les portent tentent de se frayer une

173
« Coronavirus : la pollution de l’air est en baisse dans le Nord de l’Italie », Le Soir en ligne, 17 mars 2020,
174
https://plus.lesoir.be.
« Coronavirus : la baisse de la pollution de l’air a permis de sauver des milliers de vie », La Libre Belgique en
175
ligne, 30 avril 2020, www.lalibre.be.
« Baisse des émissions de CO2 : tout ça pour ça ? », France Culture en ligne, 30 avril 2020,
www.franceculture.fr.

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58 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

voie d’accès vers l’espace médiatique. Si la campagne électorale qui a précédé les scrutins
européen, fédéral, régionaux et communautaires du 26 mai 2019 a été fortement
imprégnée par la question environnementale 176, la configuration semble bien différente
au début de l’année 2020.
En 2019, la problématique écologique, et climatique en particulier, a bénéficié d’une
attention médiatique considérable. Des actions impressionnantes ont pris place,
notamment à l’initiative d’une partie de la jeunesse, fortement mobilisée 177. En Belgique
comme à l’étranger, des « marches pour le climat » ont été organisées ainsi que des grèves
menées par des élèves et des étudiants qui se sont inspirés, notamment, de l’exemple
de la militante suédoise Greta Thunberg. L’action de Youth for Climate Belgique et de
certaines de ses figures de proue (Adélaïde Charlier, Anuna De Wever et Kyra Gantois)
peut en particulier être rappelée. Par la suite, on a observé en Belgique une atténuation
de la préoccupation environnementale dans l’espace public, notamment en raison des
difficultés qui affectent le processus de formation du gouvernement fédéral, les partis
écologistes ne semblant pas en mesure de peser de manière déterminante dans le rapport
de force politique. Deux événements importants surviennent toutefois à la fin de l’année
2019, qui génèrent une remise à l’avant-plan de cette thématique, à tout le moins sur
e
les scènes internationale et européenne : la 25 Conférence des parties à la Convention-
cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 25) est organisée à Madrid
en décembre et, au même moment, la Commission européenne lance son « Green Deal »,
un programme qui vise à affronter les multiples défis écologiques qui se posent
à l’échelle du continent européen et à celle du monde 178. Telle est la situation lorsque,
au début du mois de mars 2020, la mobilisation pour le climat reprend en Belgique.
Certaines mesures avancées par la Commission européenne, en particulier son projet de
179
« loi » climat , suscitent des réactions de la part de la société civile et une manifestation
est organisée à Bruxelles, le 6 mars, afin de réclamer davantage d’ambition de la part des
États et des organisations internationales dans le cadre de la lutte contre les dérèglements
climatiques. Toutefois, cette reprise de la mobilisation dans les domaines écologique
et climatique est, comme de nombreux autres enjeux, complètement éclipsée par la
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survenance de la crise sanitaire.

6.1. URGENCE SANITAIRE ET URGENCE ÉCOLOGIQUE, MÊME COMBAT ?

Les militants écologistes doivent donc s’adapter à une configuration nouvelle.


Progressivement, ils développent de nouvelles stratégies et intègrent cette nouvelle donnée

176
J.-B. PILET, « Hard times for governing parties: the 2019 federal elections in Belgium », West European Politics
en ligne, 30 avril 2020, www.tandfonline.com.
177
V. LEFEBVE, « Dérèglement climatique et coronavirus, d’une urgence à l’autre », Les @nalyses du CRISP
178
en ligne, 17 mars 2020, www.crisp.be.
Commission européenne, « Le pacte vert pour l’Europe. Communication au Parlement européen, au
Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions »,
179
COM(2019) 640 final, 11 décembre 2019, https://ec.europa.eu.
Commission européenne, « Proposition de règlement 2020/0036 (COD) du Parlement européen
et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le
règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne pour le climat) », COM(2020) 80 final, 4 mars 2020,
https://eur-lex.europa.eu.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 59

dans leurs discours et leurs actions. En réalité, la crise sanitaire entretient des liens quelque
peu ambivalents avec la crise écologique. D’un côté, il est en effet possible d’affirmer que
la pandémie causée par le nouveau coronavirus constitue une calamité, un événement
imprévisible et contingent 180. En ce sens, sa nature diffère du réchauffement climatique,
dont l’origine anthropique fait l’objet d’un consensus scientifique extrêmement large.
D’un autre côté, l’accroissement du risque épidémique et pandémique dans la société
contemporaine mondialisée constitue un fait bien documenté 181. Quoi qu’il en soit dans
le cas de cette pandémie en particulier – à l’origine de laquelle des problèmes d’hygiène
sur les marchés chinois aux animaux sauvages sont vraisemblablement en cause –, un
lien peut être établi entre l’accroissement des risques sanitaires et d’autres enjeux
environnementaux : déforestation, réchauffement climatique, élevage intensif et industriel,
braconnage, etc. En d’autres termes, l’augmentation du risque sanitaire est liée à l’évolution
182
des rapports entre la population humaine et son environnement .
C’est cette seconde interprétation qui est privilégiée par la majorité des acteurs de la
société civile : la pandémie est rapidement perçue et analysée comme un nouveau risque
mondialisé, qui s’est malheureusement réalisé, plutôt que comme une catastrophe
complètement indépendante de l’activité humaine. Certains voient en outre dans la crise
sanitaire un « signe » d’un épuisement de la planète et de ses ressources 183 ou, à tout
le moins, une sorte d’expérience grandeur nature des défis qui se poseront bientôt
à l’humanité en cas d’inaction, notamment si des mesures radicales pour atténuer le
réchauffement climatique ne sont pas prises. Les tribunes, qu’elles soient individuelles
ou collectives, mettent l’accent sur les points de comparaison qui peuvent être établis
entre les deux types d’urgence, sanitaire et écologique.
De nombreux acteurs estiment que, même si les crises sont différentes et qu’il s’avérerait
« bancal de comparer naïvement ces deux problèmes sociaux de grande ampleur » 184,
il est possible d’en tirer un certain nombre d’enseignements. Les ONG et autres

180
Pour un éclairage philosophique, cf. E. ALLOA, « La contingence du virus », Esprit, avril 2020,
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181
https://esprit-presse.fr.
Il existe d’ailleurs des précédents relativement récents, en particulier une épidémie due au coronavirus
SRAS-CoV-1 de 2002 à 2004 ou une pandémie de grippe A(H1N1) en 2009 (sur cette dernière,
cf. F. THOREAU, C. CHENEVIERE, N. ROSSIGNOL, « Action publique et responsabilité gouvernementale :
la gestion de la grippe A(H1N1) en 2009 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2138-2139, 2012). Même
s’il a surpris la plupart des observateurs, le risque pandémique avait en outre fait l’objet de réflexions non
seulement dans la littérature scientifique, mais également plus largement (cf. notamment la conférence
donnée par Bill Gates en 2015, qui a refait surface durant la pandémie de Covid-19 : « The next outbreak?
We’re not ready », 3 avril 2015, www.ted.com).
182
La mondialisation des échanges et des déplacements explique en outre la propagation extrêmement
rapide du nouveau coronavirus aux quatre coins du globe (cf. C. MINCKE, « Covid-19, la société malade
de la mobilité », La Revue nouvelle, n° 3, 2020, p. 8-22 ; V. LEFEBVE, « Le syndrome de la Belle au bois
183
dormant. Confinement et impuissance politique », op. cit., p. 3-4).
Cf., par exemple, M. LEMAIRE, « Covid-19, écoutons la leçon du plus petit d’entre nous », Le Soir en ligne,
17 mars 2020, https://plus.lesoir.be. Cf. également la carte blanche signée par un collectif de membres
du Club de Rome : « Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen », Le Soir
en ligne 24 mars 2020, https://plus.lesoir.be (texte dans lequel on lit notamment : « Les pandémies ne
surviennent pas de nulle part, elles sont l’un des symptômes d’une planète qui a dépassé ses limites
184
naturelles »).
E. ZACCAI, « Coronavirus et climat : mêmes combats ? », Le Soir en ligne, 25 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
Cf. aussi F. GEMENNE, « C’est le changement climatique qui aurait dû nous alerter sur le coronavirus, pas
l’inverse », Académiques engagés, 29 avril 2020, www.cartaacademica.org (qui rappelle également, dans
une sorte de mise en garde analytique, que les deux urgences, sanitaire et écologique, renvoient à des
problématiques différentes qui appellent des réponses différentes).

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60 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

intervenants insistent en particulier sur la capacité des États, qui s’est manifestée
à l’occasion de cette crise, de prendre des mesures radicales pour y réagir. Jusqu’alors,
certaines lignes paraissaient infranchissables, certaines mesures semblaient correspondre
à de véritables tabous – sur le mode du fameux slogan TINA : « There is no alternative ».
Pourtant, en quelques semaines, la vie sociale s’est mise à obéir à des règles radicalement
nouvelles. Et, malgré quelques différences d’approche entre pays, un confinement strict
a été organisé pour protéger les intérêts vitaux de la population, malgré les conséquences
économiques manifestes qu’était amenée à avoir une telle mesure. En outre, des sommes
très importantes ont été dégagées pour faire face à certains effets de la crise sur les plans
économique et social, et ce notamment suite à la mise en suspens des règles d’austérité
budgétaire applicables au niveau européen.
Ainsi que le soulignent de nombreux intervenants, les dérèglements qui affectent la
biosphère ont – et auront encore davantage à l’avenir – des impacts considérables sur
la santé et le bien-être des êtres humains. Pour une série de raisons, et notamment une
échelle temporelle différente sur laquelle ils se déploient, les périls environnementaux
ne suscitent cependant pas la même réaction que celle observée durant la crise du
coronavirus de la part des autorités et de la population, ce qui est souligné dans de
nombreuses tribunes publiées durant le confinement et immédiatement après celui-ci.
Parmi les actions les plus notables qui émanent de la société civile, on peut épingler une
carte blanche rédigée par plusieurs membres du Club de Rome, un groupe de réflexion
sur les limites de la croissance fondé dans les années 1970. Ceux-ci rappellent que les
changements climatiques et, plus généralement, les périls écologiques requièrent des
185
actions coordonnées entre États à la hauteur des enjeux, tout comme la crise sanitaire .
er
Le 1 mai 2020, des signataires issus du monde associatif, universitaire, scientifique et
politique publient dans le quotidien Le Soir une carte blanche à l’intitulé explicite :
186
« N’oublions pas l’urgence environnementale » , qui se concentre surtout sur la question
de la relance de l’économie (cf. infra).
Les militants écologistes se manifestent également. S’exprimant au nom du mouvement
Youth for Climate Belgium, A. Charlier demande très tôt que l’urgence écologique soit
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traitée avec la même intensité que la crise provoquée par la situation sanitaire : « Les
gouvernements européens ont montré leur capacité à endosser un principe de précaution
face à une menace sérieuse ; si cette capacité existe, que manque-t-il face à la menace du
climat ? La volonté ? Les jeunes mobilisés depuis plus d’un an pour le climat resteront
187
présents jusqu’à ce que cette crise soit traitée à la mesure de sa gravité » . En particulier,
les militants exigent un abandon progressif des « combustibles fossiles qui sont clairement
dénoncés comme une des causes principales du réchauffement ».

185
« Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen », Le Soir en ligne, 24 mars 2020,
https://plus.lesoir.be. La liste des signataires, tous membres du Club de Rome, est la suivante : Sandrine
Dixson-Declève, co-présidente du Club de Rome, Hunter Lovins, président de Natural Capitalism
Solutions (NCS), Kate Raworth, associée principale de l’Environmental Change Institute (ECI, de
l’University of Oxford), et Hans Joachim Schellnhuber, directeur émérite du Potsdam-Institut für
186
Klimafolgenforschung (Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique).
er
Le Soir en ligne, 1 mai 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 15
187
du présent Courrier hebdomadaire).
« La crise climatique aussi demande des mesures d’urgence », Le Soir en ligne, 17 mars 2020,
https://plus.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 61

En outre, un communiqué de presse commun à une série d’associations actives dans le


er 188
domaine de la protection de l’environnement est publié le 1 avril . Participent à cette
prise de position Bond Beter Leefmilieu (BBL), le Brusselse Raad voor het Leefmilieu -
Mouvement urbain pour Bruxelles (BRAL), Greenpeace Belgium, Inter-Environnement
Wallonie (IEW), Natagora, Natuurpunt et World Wide Fund for Nature Belgique (WWF-
Belgique).
La Coalition Climat, qui regroupe de nombreuses ONG actives en Belgique sur la question
du changement climatique, se positionne également, notamment par la voix de son
président, Nicolas Van Nuffel 189. Dans un courrier adressé le 23 avril 2020 à la Première
ministre, elle appelle à la constitution d’« une task force pour garantir que la reconstruction
de l’économie après le Covid-19 soit juste et durable » 190 et participe à la grève en ligne
organisée le 24 avril 2020 par des réseaux de militants écologistes, qualifiée de Global
Climate Strike Online 191. Comme le résume le journaliste Michel De Muelenaere dans
Le Soir : « Forte des dizaines de milliers de personnes qu’elle a mobilisées en 2019 et 2020
pour réclamer une politique climatique plus ambitieuse et plus juste, la Coalition Climat
réclame une voix au chapitre et veut étendre le champ des académiques associés aux
192
débats » . Après la période de confinement stricto sensu, la Coalition Climat participera
en outre à une initiative coordonnée entre de nombreuses associations belges et
européennes qui militent pour le climat, dont Youth for Climate Belgium 193.
Dans ces différentes interventions, on peut lire en filigrane une tentative d’articuler les
deux types d’urgence, climatique et sanitaire. Il s’agit de contourner l’effet de saturation
médiatique que provoque la crise du Covid-19. Il s’agit aussi d’éviter qu’une sorte
de concurrence implicite s’instaure entre les deux dossiers. Comment penser deux
catastrophes qui sont, selon l’expression du philosophe français Bruno Latour, « enchâssées
194
l’une dans l’autre » ? Comment y répondre politiquement ? Comment organiser une
relance économique qui soit respectueuse de l’environnement et du patrimoine commun
de l’humanité ? Voilà les questions qui semblent animer les militants écologistes, ainsi
qu’un certain nombre d’autres acteurs, pendant la période de confinement.
Pour la plupart, ces revendications nouvelles – ou renouvelées à la lumière de la crise
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sanitaire – sont véhiculées par le moyen de cartes blanches et autres tribunes publiées par
les organes de presse. Ces interventions écrites sont souvent répercutées sur les sites

188 er
« Une économie résiliente a besoin d’une politique de relance durable », 1 avril 2020, disponible
189
notamment sur le site Internet du WWF-Belgique : https://wwf.be.
« La Coalition Climat veut être associée à la réflexion sur une relance “juste et durable” », Le Soir, 23 avril
190
2020.
« Covid-19 : La Coalition Climat demande une task force pour une reconstruction durable », 23 avril 2020,
www.klimaatcoalitie.be.
191
« Pourquoi la Coalition Climat participe aussi à la Global Climate Strike Online », 23 avril 2020,
192
www.klimaatcoalitie.be.
« La Coalition Climat veut être associée à la réflexion sur une relance “juste et durable” », Le Soir, 23 avril
193
2020.
« La reconstruction européenne post-Covid 19 doit nous protéger de la crise climatique », Le Soir en ligne,
14 mai 2020, https://plus.lesoir.be. Les organisations signataires de cet appel sont les suivantes : Austrian
Alliance for Climate Justice, Climate Action Coalition Bulgaria, Climate Action Network France, Coalition
Climat (Belgique), Czech Climate Coalition, Environmental Coalition Lithuania, Fridays for Future Austria,
Fridays for Future Bulgaria, Plan B for Slovenia Network, Polish Climate Coalition, Youth for Climate
194
Belgium et Youth for Climate Justice Slovenia.
« Bruno Latour : “Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise” »,
France Inter, 3 avril 2020, www.franceinter.fr.

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Internet des ONG concernées ou via les réseaux sociaux. Toutefois, on observe également
une articulation avec d’autres moyens d’action et d’autres modalités de déploiement de
la réflexion collective. Outre les « offres de services » faites aux pouvoirs publics, l’exemple
du Resilience Management Group (RMG) est plus original. Une réflexion sur la relance
post-corona a pris place au sein de ce réseau constitué pour l’occasion, qui s’est ensuite
attaché à mettre à la disposition des décideurs politiques et du public en général le
résultat d’une réflexion collective de grande ampleur (cf. infra).
Les moyens d’action classiques, comme la manifestation, ne pouvant pas être utilisés en
raison de l’interdiction de rassemblement (sauf à emprunter la voie de l’action illégale),
les acteurs sont amenés à recourir à d’autres procédés. Une manifestation virtuelle est
notamment organisée à Bruxelles, le 23 avril, à l’initiative de Greenpeace Belgium et
de Youth for Climate Belgium, afin de rappeler le caractère toujours aigu de l’urgence
195
climatique . Des hologrammes sont projetés devant le siège du Conseil européen. La
date choisie n’est pas arbitraire puisque le 24 avril, à savoir le lendemain de cette action,
aurait dû être une journée de grève mondiale pour le climat (qui ne pourra bien sûr pas
avoir lieu au vu des circonstances). Un autre procédé plus original encore est employé
par la branche belge d’Extinction Rebellion (XR), mouvement qui se définit comme étant
un « mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement
écologique et le réchauffement climatique ». Le 14 avril, ce dernier publie sur son site
Internet – et fait circuler sur les réseaux sociaux – une fausse vidéo de la Première
ministre, S. Wilmès 196. Ce communiqué fictif repose sur une technique qui permet, à partir
d’un contenu audiovisuel existant, de retoucher le visage et la voix d’une personne. Dans
cette vidéo, S. Wilmès, la mine grave et le ton solennel, trace un parallèle entre la crise
du Covid-19 et les périls écologiques en cours, dont elle souligne les causes communes.
Reconnaissant l’incapacité des gouvernants à faire face à une situation écologique
particulièrement critique, elle en appelle à des mesures radicales afin d’éviter
l’effondrement de la société et décrète « la mise en place immédiate de nouvelles
197
assemblées citoyennes » pour organiser la transition (cf. infra) .
Il est intéressant de constater que les militants écologistes, quels qu’ils soient, ne
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choisissent pas d’emprunter la voie de la désobéissance civile : ils n’estiment pas opportun
(pour leur combat ou pour eux-mêmes) de violer publiquement les règles de confinement
pour mettre en lumière leurs revendications.

6.2. PLAIDOYERS POUR UNE RELANCE VERTE

Comme dans d’autres secteurs, la double dimension de la crise est soulignée par les
acteurs issus de la société civile qui se mobilisent sur les questions environnementales
et climatiques durant la période de confinement ou juste après celle-ci : une crise constitue
à la fois une épreuve et une opportunité à saisir. La question de la relance économique

195
« Coronavirus : manifestation virtuelle à Bruxelles pour un plan de relance écologique et équitable »,
RTBF Info, 23 avril 2020, www.rtbf.be.
196
197
Cf. le site Internet www.extinctionrebellion.be.
« Extinction Rebellion produit une vidéo d’un discours fictif de Wilmès pour relancer leurs actions »,
Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 63

– au-delà de l’aide urgente apportée aux entreprises menacées par une faillite – est en
particulier abordée dans une telle optique. Elle est même au centre de la plupart des
interventions.
Un changement d’approche par rapport au Green Deal annoncé par la Commission
européenne fin 2019 est notamment décelable dans le chef de plusieurs acteurs. Alors que,
quelques semaines auparavant, certains militants écologistes estimaient que ce programme
n’était pas assez ambitieux 198, il s’agit à présent de le défendre face aux velléités de certains
États membres de l’Union européenne, de certaines forces politiques et de certains lobbies
de le suspendre afin de pouvoir organiser la relance le plus rapidement possible, en se
basant sur les énergies fossiles.
De nombreux acteurs souhaitent donc riposter, défendre le pacte vert européen et le
renforcer. À leurs yeux, le Green Deal doit acquérir le statut de socle à partir duquel
organiser une politique de relance économique ambitieuse, durable et solidaire. Pour
mettre en œuvre ce travail de consolidation et de renforcement du pacte, l’idée d’un
« Green New Deal » européen est avancée par un ensemble de signataires, à l’instar du
célèbre New Deal élaboré à l’initiative du président Franklin Delano Roosevelt aux États-
Unis, en 1929, afin de répondre aux conséquences de la grave crise économique et sociale
199
qui frappait alors le pays et le monde . Cette initiative constitue une préfiguration du
RMG qui se constituera par la suite (cf. infra). Parmi les signataires de la tribune,
datée du 30 mars 2020, qui avance une telle proposition, figurent notamment Cédric
Chevalier et Thibault de La Motte, co-auteurs de l’ouvrage Déclarons l’état d’urgence
écologique 200, Olivier De Schutter, professeur à l’UCLouvain et nouveau rapporteur spécial
de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur l’extrême pauvreté et les droits de
l’homme, Patrick Dupriez, président d’Etopia (centre d’études d’Écolo) et ancien co-
président d’Écolo, Marc Lemaire, membre de la coalition Kaya (qui regroupe des
entreprises engagées dans la transition écologique), Olivier Parks, économiste et auteur
entre autres d’un ouvrage sur le pétrole et son avenir 201, et le climatologue Jean-Pascal
van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et ancien vice-président du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cette idée d’un « Green New
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Deal » se retrouve également dans l’appel BeterNaCorona qui, porté par onze revues
flamandes, plaide en particulier pour des politiques favorisant l’émergence d’emplois
et d’investissements durables : « Investir massivement dès maintenant dans les emplois
202
verts [et] les infrastructures durables (…) nous aidera à sortir plus forts de cette crise » .
er
Le communiqué de presse du 1 avril 2020 émanant de sept ONG environnementales
actives en Belgique (cf. supra) préconise également d’organiser la relance économique
en conférant un caractère central à la préoccupation écologique. Outre les mesures
prévues dans le Green Deal préparé par la Commission européenne, les engagements pris
dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 sont également

198
« Accueil en demi-teinte pour la loi climat européenne », Le Soir en ligne, 4 mars 2020,
199
https://plus.lesoir.be.
« Coronavirus : un Green Deal pour faire face aux urgences pandémique, économique, sociale et
écologique », Le Soir en ligne, 30 mars 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite
200
en annexe 16 du présent Courrier hebdomadaire).
C. CHEVALIER, T. DE LA MOTTE, Déclarons l’état d’urgence écologique, Waterloo, Luc Pire, 2020.
201
202
O. PARKS, L’avenir du pétrole. Panne d’essence, panne de sens, Escalquens, Dangles, 2012.
« Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », Mondiaal Nieuws, 16 avril 2020,
www.mo.be.

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64 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

évoqués : « L’investissement public devrait apporter des bénéfices à long terme et nous
rendre résilients face aux chocs économiques. Ils doivent donc être pleinement compatibles
avec les objectifs et les propositions du “Green Deal” européen et avec l’objectif de
1,5 °C de l’Accord de Paris » 203.
Diverses mesures sont avancées pour organiser cette relance verte : lier les aides accordées
aux entreprises à leur politique environnementale, développer un impôt européen qui
pèserait sur les grandes entreprises polluantes, ne pas « sauver » les secteurs dont l’activité
est néfaste à l’environnement, supprimer les nombreux subsides qui sont actuellement
accordés aux énergies fossiles et les attribuer de manière préférentielle aux énergies
renouvelables, favoriser l’émergence d’emplois dans l’économie réelle, durables et ancrés
localement, etc. Ces différentes mesures, accompagnées d’autres propositions, émaillent
les diverses cartes blanches et tribunes publiées durant la période de confinement.
Il est utile de s’arrêter quelque peu sur l’initiative du Resilience Management Group
(RMG). Ce réseau – dont l’intitulé fait référence à ceux d’un certain nombre d’organismes
mis en place par la Belgique durant la crise afin d’évaluer l’évolution de celle-ci, les risques
qu’elle présente et les différents scénarios de sortie de crise (Risk Assessment Group,
204
Risk Management Group et Economic Risk Management Group) – se forme pour
l’occasion afin de réfléchir aux modalités de la relance économique. Principalement
composé d’académiques et d’entrepreneurs de la transition, il est à l’origine d’une carte
blanche 205 qui est présentée explicitement comme une étape dans une réflexion en cours
sur l’organisation d’une relance durable après la crise du Covid-19. Cette réflexion aboutira
effectivement à l’élaboration et à la publication d’un plan intitulé « Sophia », qui présente
une liste de propositions détaillées de relance durable et solidaire pour la Belgique 206.
Outre des représentants de la coalition d’entreprises Kaya déjà citée, on retrouve parmi
les chevilles ouvrières de ce projet plusieurs personnalités de renom, comme l’économiste
Étienne de Callataÿ, O. De Schutter, le politologue François Gemenne et J.-P. van Ypersele.
Plus de 100 personnes issues du monde scientifique et plus de 200 entreprises engagées
dans la transition écologique participent à ce plan, qui fera l’objet d’une présentation à
la Première ministre, S. Wilmès, après la levée partielle du confinement, le 14 mai 2020 207.
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Ces plaidoyers pour une redéfinition de la gestion des nouveaux risques globaux,
que ceux-ci soient anciens ou liés aux évolutions technologiques, peuvent également
émerger à partir de la discussion d’un dossier en particulier. Ainsi, dans le secteur
des télécommunications, une phase de test est entamée fin mars par l’opérateur de
télécommunication Proximus pour le développement de la cinquième génération
de standard technologique pour la téléphonie mobile (5G). Cette initiative suscite de

203 er
« Une économie résiliente a besoin d’une politique de relance durable », 1 avril 2020, disponible
204
notamment sur le site Internet du WWF-Belgique : https://wwf.be.
J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 21.
205
« Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises
systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite
en annexe 17 du présent Courrier hebdomadaire).
206
« Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 »,
mai 2020, www.groupeone.be (la liste des contributeurs est reproduite en annexe 18 du présent Courrier
hebdomadaire). Cf. également « Chercheurs et patrons s’accordent sur une sortie de crise “verte” »,
207
L’Écho en ligne, 14 mai 2020, www.lecho.be.
« “Après”-coronavirus : le plan “Sophia”, pour une économie mêlant développement durable et solidarité »,
RTBF Info, 14 mai 2020, www.rtbf.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 65

nombreuses réactions négatives au sein de la société civile, et du côté du corps médical


en particulier. Des cartes blanches, auxquelles se joignent de nombreux médecins,
chercheurs et étudiants, sont publiées début mai 208. Une violation du principe de
précaution est notamment alléguée, les acteurs pouvant s’appuyer sur un certain nombre
de publications scientifiques exprimant des points d’attention à l’égard de la 5G, qui
pourrait s’avérer particulièrement dangereuse pour la santé. Il est à noter que cette
protestation est partagée par des mandataires politiques et par les autorités de certaines
communes concernées, ce qui contraint Proximus à cesser cette phase de test dans certaines
de ces entités.

6.3. LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE À L’ÉPREUVE DE LA CRISE SANITAIRE

Une autre question qui émerge pendant la crise est celle de la sécurité alimentaire. En
Belgique comme dans de nombreux autres pays, les inquiétudes générées par les mesures
de confinement envisagées et ensuite effectivement adoptées (dans le cas belge, par
le Conseil national de sécurité - CNS) provoquent dans un premier temps une certaine
panique parmi la population. Les supermarchés sont pris d’assaut. Au-delà de la ruée
sur le papier-toilette qui génère une certaine surprise – ainsi que des traits d’humour dans
la presse ou sur les réseaux sociaux –, quelques produits alimentaires (pâtes, riz, farine,
œufs, etc.) viennent à manquer dans les rayons des magasins, non en raison de difficultés
d’approvisionnement, mais suite à un changement de comportement dans le chef des
consommateurs dicté par la crainte de pénuries. La Première ministre, S. Wilmès, organise
une opération de communication qui se veut rassurante : elle se rend dans les entrepôts
où sont acheminés et stockés les denrées alimentaires et les produits de première nécessité,
209
et affirme que les stocks de la Belgique ne sont pas en péril .
Toutefois, une opportunité s’est créée pour évoquer, à côté des différentes menaces
écologiques globales, la question de la sécurité alimentaire, celle des circuits qui permettent
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d’approvisionner la population en nourriture et celle de l’avenir de l’agriculture. Parmi
les cartes blanches et autres tribunes qui sont rédigées à ce sujet, on peut signaler quatre
interventions particulièrement marquantes.
Primo, le site Internet de La Libre Belgique publie une carte blanche intitulée « Face
à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus, organisons notre
210
sécurité alimentaire » . Parmi les signataires, on retrouve notamment C. Chevalier,
O. De Schutter, P. Dupriez, Raphaël Stevens – figure marquante de la collapsologie dans
211
l’espace francophone, avec le Français Pablo Servigne – et J.-P. van Ypersele. Cette

208
« 5G : des professionnels de la santé belges donnent l’alerte », Le Vif en ligne, 5 mai 2020, www.levif.be ;
« “Le déploiement de la 5G doit être arrêté” : l’appel de 100 étudiants biologistes et médecins », La Libre
209
Belgique en ligne, 6 mai 2020, www.lalibre.be.
« “Il y a des millions et des millions d’articles de nourriture en stock” : Sophie Wilmès rassure la
210
population », La Libre Belgique en ligne, 14 mars 2020, www.lalibre.be.
« Face à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus, organisons notre sécurité
alimentaire », La Libre Belgique en ligne, 6 avril 2020, www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite
211
en annexe 19 du présent Courrier hebdomadaire).
P. SERVIGNE, R. STEVENS, Comment tout peut s’effondrer ? Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations
présentes, Paris, Seuil, 2015.

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66 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

tribune fait valoir que la Belgique devrait « disposer d’une autonomie alimentaire
minimale », ce qui implique de poser un certain nombre de choix stratégiques en cette
période, qui correspond au début de la saison agricole. En outre, les signataires font offre
de services et invitent la Première ministre à constituer « une task force interfédérale chargée
de planifier et mettre en place une politique de résilience alimentaire ». Au moment où
cette carte blanche est publiée, les incertitudes sont encore particulièrement nombreuses.
Cette task force pourrait définir les contours des « différents scénarios critiques »
envisageables, et notamment le « cas où les échanges internationaux ne suffiraient plus
à assurer l’alimentation des Belges ». Selon les signataires, une telle réflexion collective
devrait impliquer tous les acteurs concernés et être déclinée, dans la mesure du possible,
à l’échelon européen également.
Secundo, de nombreuses associations actives notamment dans les domaines du
développement durable, de la coopération au développement et de la lutte contre la
pauvreté – dont les Amis de la Terre Belgique (ATB), le Centre national de coopération au
développement (CNCD-11.11.11), le Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit
court (5C), Greenpeace Belgium, Inter-Environnement Wallonie (IEW), le Mouvement
d’action paysanne (MAP), Natagora, Oxfam-en-Belgique, la coopérative Paysans-Artisans,
Quinoa, le Réseau Information et diffusion en éducation à l’environnement (Réseau IDée),
le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) et World Wilde Fund for Nature
Belgique (WWF-Belgique) –, des mutuelles, des spécialistes de l’alimentation, des
entrepreneurs de la transition, etc. publient une carte blanche qui consiste en un
plaidoyer pour une relocalisation des systèmes alimentaires : « Il est temps d’arrêter les
doubles-discours et de poser des choix politiques clairs et cohérents en faveur de la
relocalisation de l’agriculture vivrière et de la transition agroécologique. C’est en effet
la seule voie pour rencontrer les défis urgents du monde agricole : nourrir la population
au bénéfice de tou·te·s les citoyen·ne·s, nanti·e·s et moins nanti·e·s ; lutter contre les
dérèglements climatiques et l’effondrement de la biodiversité ; créer des emplois décents
212
et rémunérateurs pour les paysan·ne·s ; et redynamiser les zones rurales » .
Tertio, une carte blanche est initiée par un autre type de signataires, à savoir des personnes
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issues du monde académique, des représentants d’entreprises du domaine de l’alimentation
et un certain nombre d’organisations sectorielles, comme la Belgian Feed Association
(BFA), la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), l’Union des classes moyennes
213
(UCM) et l’Union wallonne des entreprises (UWE) . L’argumentaire mis en avant
par ces acteurs est double. D’une part, à la fin du mois d’avril, les signataires de cette
carte blanche estiment qu’un bilan globalement positif peut être tiré : il a été montré
que la sécurité alimentaire de la Belgique et de l’Europe pouvait être assurée même en
temps de crise. Toutefois, cette situation exceptionnelle a également révélé, selon eux,
qu’il est nécessaire de travailler dans la direction d’une alimentation plus durable. Il existe
déjà une base pour des actions futures, est-il rappelé, sous la forme d’un référentiel intitulé
« Vers un système alimentaire durable en Wallonie » 214 élaboré suite à des rencontres

212
« Le Covid-19 montre l’urgence de relocaliser dès maintenant les systèmes alimentaires », Le Soir en ligne,
12 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 20 du présent
Courrier hebdomadaire).
213
« Faire de chacun d’entre nous les #FoodHeroes de demain », La Libre Belgique en ligne, 30 avril 2020,
214
www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 21 du présent Courrier hebdomadaire).
Cf. le site Internet http://developpementdurable.wallonie.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 67

organisées en 2017 et 2018 réunissant de nombreuses parties prenantes, publiques et


privées, du système alimentaire wallon : « Tous les éléments sont sur la table pour faire
évoluer véritablement le système vers plus de durabilité. Ce [qui] manque, c’est la
volonté commune et coordonnée de mettre les moyens disponibles au service de la
vision équilibrée, formulée dans le référentiel, et qui prend en compte les aspects
environnementaux, sociaux et économiques de l’alimentation » 215. Un appel est donc
adressé au gouvernement wallon Di Rupo III (PS/MR/Écolo) et aux différents ministres
concernés au sein de celui-ci pour organiser une telle transition, en articulant les niveaux
national, européen et mondial, en favorisant en outre une étroite collaboration avec
l’ensemble des acteurs concernés.
Quarto et enfin, une lettre ouverte rédigée par quatre chercheurs de la KU Leuven met
en garde contre une fausse impression qui aurait pu émerger durant la crise, notamment
suite aux diverses prises de position mentionnées ci-avant, suivant laquelle l’autosuffisance
et la souveraineté alimentaires seraient à portée de main en Belgique. Selon ces chercheurs,
« la souveraineté alimentaire, ou l’autosuffisance, est une illusion, tant en Flandre
216
qu’ailleurs dans le monde. Ce n’est ni faisable ni souhaitable » . Ces intervenants
estiment que la crise actuelle pourrait constituer une fenêtre d’opportunité pour débattre
non d’une autosuffisance chimérique, mais plutôt des enjeux d’une alimentation de
qualité organisée de façon durable aux niveaux européen et mondial.

Comme dans d’autres domaines étudiés dans ce Courrier hebdomadaire, la situation


exceptionnelle due à la pandémie de Covid-19 permet aux acteurs de la société civile de
se positionner quant aux réformes qui devraient à leurs yeux être envisagées à l’avenir dans
divers secteurs dont l’empreinte sur l’environnement s’avère particulièrement notable,
pas forcément en repartant d’une page blanche, mais en capitalisant sur des réflexions
ou initiatives passées réactualisées à la lumière de la crise.
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Au début de l’année 2020, les militants écologistes se trouvent dans une situation singulière.
La forte présence de la question écologique et en particulier climatique qui s’est manifestée
un an auparavant dans l’espace public et médiatique belge ne semble plus d’actualité.
La crise sanitaire ne fait que renforcer cette réalité. Assez rapidement, les militants
écologistes et d’autres acteurs issus de la société civile s’adaptent à cette nouvelle
configuration : sur le fond, la pandémie de 2020 est présentée comme un laboratoire des
urgences écologiques en cours et futures ; sur la forme, diverses modalités d’action sont
utilisées pour faire émerger les revendications écologistes dans le débat public et les lier
aux enjeux de la relance après-crise. Certains domaines font l’objet de réflexions plus
ciblées. La mise en œuvre de la 5G par Proximus pendant la période de confinement
suscite ainsi des réactions. La question de la sécurité alimentaire fait également l’objet
d’interventions spécifiques.

215
« Faire de chacun d’entre nous les #FoodHeroes de demain », La Libre Belgique en ligne, 30 avril 2020,
216
www.lalibre.be.
T. AVERMAETE, G. GOVERS, O. HONNAY, W. KEULEMANS, « Waarom lokale landbouw en uw moestuin niet
volstaan », Knack en ligne, 23 avril 2020, www.knack.be.

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7. LE CAPITALISME ET LA MONDIALISATION
SOUS LE FEU DES CRITIQUES

Le ralentissement de l’activité économique qui découle de la pandémie de Covid-19 est


sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Une crise économique et sociale
de grande ampleur se profile à l’horizon 217. En conséquence, nombreux sont les acteurs
qui souhaitent l’émergence d’un autre modèle économique prenant ses distances vis-à-vis
d’un capitalisme et d’une mondialisation effrénés qui, notamment en raison des
phénomènes de dérégulation qu’ils charrient, nuisent au bien-être collectif. La
mondialisation fait par ailleurs, plus à la marge, l’objet de critiques émanant de partis
nationalistes et d’extrême droite qui y voient une menace ou un frein à leurs projets
politiques.

7.1. DE QUOI CETTE CRISE EST-ELLE LE NOM ?

Face à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, différents types de réaction


émanent de la société civile.
Primo, la nature de la crise elle-même fait l’objet d’évaluations. Notamment, plusieurs
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des tribunes publiées pendant la période de confinement (et consistant plutôt en des
opinions individuelles qu’en des initiatives collectives) font référence à la métaphore du
218
« cygne noir », popularisée par le statisticien libanais Nassim Nicholas Taleb . Cette
théorie souligne l’existence, dans l’histoire de l’humanité, d’événements improbables
et aléatoires qui, lorsqu’ils se produisent, ont un impact considérable sur la vie humaine,
la société et les normes qui la régissent. Si les auteurs qui s’y réfèrent ne l’interprètent pas
toujours de la même manière, l’image du cygne noir leur permet de souligner que le
coronavirus n’est pas tant un accident de parcours qu’un catalyseur qui révèle les failles
et les fragilités du système économique actuel 219. Dans le même ordre d’idées, le Comité
pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) souligne à plusieurs reprises sur son

217
Banque nationale de Belgique et Bureau fédéral du Plan, « Impact économique de la crise sanitaire
218
“Covid-19” : un scénario », 8 avril 2020, www.nbb.be.
219
N. N. TALEB, Le cygne noir. La puissance de l’imprévisible, Paris, Les Belles Lettres, 2010.
T. DE LA MOTTE, « Notre économie est un colosse aux pieds d’argile », L’Écho en ligne, 17 mars 2020,
www.lecho.be ; G. NOELS, « Le gigantisme, prochaine victime du coronavirus », L’Écho en ligne, 19 mars
2020, www.lecho.be ; N. GAILLARD, « La crise n’est pas un simple cygne noir mais un changement de
er
paradigme », L’Écho en ligne, 1 avril 2020, www.lecho.be.

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 69

site Internet que la situation pandémique a surgi dans un contexte d’instabilité économique
et financière, la crise déclenchée en 2008 n’ayant pas conduit à des réformes profondes
du capitalisme globalisé 220.
Secundo, si l’opportunité et le caractère équilibré des mesures d’urgence prises par les
autorités publiques font l’objet de réflexions et de critiques et suscitent des propositions,
c’est surtout l’organisation de la relance économique après la crise qui se trouve au centre
de l’attention. Les analyses émanant de la société civile et publiées par voie de presse sont
souvent critiques à l’égard d’« un cadre de pensée dominant qui ramène invariablement
la société au capital, à l’endettement et à la croissance » 221. Concernant les réflexions
sur l’après-crise sanitaire, la nécessité d’une articulation entre les mesures de relance
économique et la gestion des dérèglements écologiques, et en particulier de l’urgence
climatique, est soulignée (cf. supra).
Deux axes peuvent être dégagés dans ces interventions. D’une part, il est affirmé que la crise
constitue une opportunité pour repenser les bases de notre modèle de développement
et de prospérité économiques. D’autre part, les intervenants estiment, dans leur grande
majorité, que le nouveau modèle doit être soutenable et respectueux des dimensions tant
sociales qu’écologiques de notre vie collective. Cette position n’est certes pas la seule
envisageable, mais elle est prônée par la majorité des acteurs de la société civile qui
s’expriment publiquement durant la période de confinement. Elle fait aussi l’objet
d’initiatives à vocation transversale et coordonnées entre acteurs, comme celle du
Resilience Management Group (RMG), qui a déjà été évoqué dans un autre chapitre
de cette étude et dont les prises de position seront encore détaillées ci-dessous.
Parmi les opinions qui pourraient être qualifiées de discordantes – c’est-à-dire prenant
plutôt la forme d’avis individuels que d’avis coordonnés entre divers acteurs –, certaines
semblent attachées à une forme de statu quo ou même de renforcement de la logique
222
néolibérale , tandis que d’autres prônent une modification d’approche sans forcément
appeler de leurs vœux un changement radical de paradigme économique. Dans cette
dernière catégorie, on peut signaler, par exemple, une carte blanche signée en commun
par un diplomate et un politologue, qui met en avant la notion de bien public mondial :
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« Il n’y a ici aucune nécessité de rompre avec le capitalisme. Il s’agit simplement de ne plus
223
compter uniquement sur le marché mondial pour certains produits jugés stratégiques » .
Du côté des voix plus résolument critiques à l’égard de notre modèle de développement
économique, ce n’est pas tant la mondialisation en tant que telle que la dimension

220
Cf. notamment É. TOUSSAINT, « La pandémie du capitalisme, le coronavirus et la crise économique »,
221
18 mars 2020, www.cadtm.org.
P. Y. POUMAY, « Pour un confinement durable de l’économie », Le Vif/L’Express en ligne, 12 avril 2020,
222
www.levif.be.
Cf. notamment : « D’aucuns sont déjà en embuscade et attendent la disparition du virus pour tenter
d’imposer leur agenda, noir, rouge ou vert, en commençant dès aujourd’hui le procès du capitalisme, jugé
responsable des ravages causés par ce virus né en République populaire de Chine. On commence déjà
à accuser un système prétendument “libéral” d’être responsable de la pénurie de masques et de
désinfectant ; un système qui s’approprie la moitié des richesses et qui réglemente tout n’est pas “libéral”,
et les pénuries sont causées par les restrictions au libre-échange imposées par des États » (T. AFSCHRIFT,
er
223
« Confinement : “Virus et libertés perdues” », Trends-Tendances en ligne, 1 avril 2020, www.trends.levif.be).
R. DELCORDE, V. LABORDERIE, « Repenser la mondialisation à la lumière du coronavirus », L’Écho en ligne,
16 avril 2020, www.lecho.be. Cf. aussi N. ABOU-JAOUDÉ, « Investissons dans l’avenir pour ne plus avoir
à le subir », L’Écho en ligne, 20 avril 2020, www.lecho.be (« Le capitalisme peut, sans rien perdre de la force
par laquelle il a tiré des peuples entiers de la misère, être l’instrument de cette transformation »).

CH 2457-2458
70 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

néolibérale de celle-ci qui est dénoncée par de nombreux intervenants, qu’ils soient
issus du tissu associatif, du monde académique ou du milieu syndical. Est ici mis en
lumière le caractère toujours dominant, malgré le signal d’alarme qu’a constitué la crise
économique et financière déclenchée en 2008, d’une conception économique fondée sur
une croissance sans limites et reposant sur une concurrence exacerbée entre acteurs au
sein d’un marché global dérégulé. Ce qui est mis en cause est un modèle – qualifié par
un observateur de « capitalisme à tout prix » 224 – au sein duquel les dimensions sociales
et environnementales du développement humain ne sont conçues, au mieux, que comme
des variables d’ajustement, mais en aucun cas comme des impératifs avec lesquels il ne
saurait être transigé. Ainsi, les acteurs appartenant à cette catégorie n’ancrent pas leurs
225
discours dans un registre souverainiste ou nationaliste , mais développent plutôt un
plaidoyer « pour une autre mondialisation », comme le résume le slogan de l’Association
pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC), réseau
citoyen fondé dans les années 1990 et toujours actif de nos jours, y compris durant
l’épisode du Covid-19 (cf. supra 226).
Dans l’appel BeterNaCorona, déjà évoqué, on lit notamment : « La crise du crédit de 2008
a déjà montré que le système actuel n’est plus en mesure de garantir la prospérité, le
bien-être, la santé et la liberté de la majorité de la population mondiale. Les injections
financières actuelles ne doivent pas nous enfermer dans une industrie et une économie
dominées par le capital financier ou alimentées par les combustibles fossiles pendant encore
dix ans. Des politiques tournées vers l’avenir doivent être utilisées pour permettre
et accélérer une transition juste » 227. L’action du groupe local Watching Alibaba peut
également être épinglée, qui s’oppose à la perspective de l’implantation du groupe chinois
de vente en ligne Alibaba sur le site de l’aéroport de Liège et aux projets d’extension
de ce dernier : « Nous refusons le modèle économique d’Alibaba (low cost, énergivore,
en circuit long, etc.) qui est aux antipodes des enjeux sociaux, environnementaux et
économiques » 228. La constitution d’une plateforme dotée de son site Internet, et qui
propose notamment à la signature des citoyens une pétition reprenant les principales
revendications du collectif, permet à cette forme de militantisme ciblée sur un projet
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spécifique de se poursuivre durant la pandémie.
Certaines interventions soulignent la capacité du capitalisme « à poursuivre sa course
229
folle » malgré la crise, voire mettent en garde contre une possible instrumentalisation de
celle-ci par les gouvernements, soutenus ou influencés par de puissants opérateurs

224
C. COLOT, « Reconstruit-on à l’identique ? », Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
225
Contrairement à d’autres prises de position, qui s’attachent à faire le procès politique de la mondialisation
226
suivant une autre perspective et qui seront abordées infra.
Cf. aussi la visioconférence organisée par ATTAC Bruxelles, en partenariat avec la revue Politique, le
30 avril 2020, sur le thème « Le mouvement social face à l’après-Covid 19 ». Certains passages de cette
227
visioconférence ont été mis en ligne sur YouTube.
« Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », Mondiaal Nieuws, 16 avril 2020,
228
www.mo.be.
« Alibaba à Liège, une bonne nouvelle ? Quelles seraient les conséquences de l’arrivée d’Alibaba à Liège
Airport ? », https://watchingalibaba.be. Cf. également la carte blanche « Aujourd’hui, plus que jamais,
résister à Alibaba et son monde ! », Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be (texte signé par
des membres de la plateforme Watching Alibaba : Comité des citoyens de l’aéroport de Liège (CCAL),
Greenpeace Liège, Nicolas Destrée (Student for Climate Liège), Cédric Leterme (Centre tricontinental -
CETRI ; Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative - GRESEA), Éric Nemes
229
(ATTAC Liège), Pierre Ozer (ULiège) et Christine Pagnoulle (ATTAC Liège ; ULiège)).
M. GENET, P. VIELLE, « On se relève et on gueule », Le Vif/L’Express en ligne, 5 mai 2020, www.levif.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 71

privés, afin de mettre en œuvre des réformes favorables aux intérêts des couches privilégiées
de la population. Des références à la « stratégie du choc » théorisée par la journaliste et
essayiste canadienne Naomi Klein 230 se retrouvent ainsi dans plusieurs interventions :
« L’analyste politique de renom Naomi Klein nous met (…) en garde à travers ses analyses
contre la montée d’un capitalisme du désastre. Klein montre comment le régime capitaliste
et néolibéral tire profit des catastrophes pour faire passer des changements législatifs, ainsi
que des “réponses” à la crise qui bénéficient aux grandes entreprises et aux acteurs
politiques puissants. Les grandes crises, comme celle que nous traversons aujourd’hui
marquent l’histoire et transforment le futur… À nous d’être vigilants et proactifs dans
les mois qui viennent… », peut-on lire notamment dans une tribune signée par diverses
personnes issues du monde académique 231.
Tertio, si la question de la justice sociale au sein d’un État déterminé est souvent centrale
dans les interventions qui émanent de la société civile pendant la période de confinement
– et qui prennent parfois la forme d’un plaidoyer pour davantage de justice fiscale (cf.
supra) –, il est également des initiatives et des réflexions qui portent davantage sur
la question de la dette qui pèse sur les pays du Sud et qui sera ressentie encore plus
sensiblement lorsque la crise économique se déployant à l’échelle globale produira ses
effets pleins et entiers. Cette question occupe le devant de la scène en France suite
232
à certaines déclarations du président de la République, Emmanuel Macron . En Belgique,
durant la période de confinement, des initiatives en la matière émanent notamment du
CADTM 233 et du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11).
Le secrétaire général de ce dernier, Arnaud Zacharie, conclut ainsi la tribune qu’il consacre
à cette question : « Éviter une crise de la dette des pays en développement est dans l’intérêt
des pays industrialisés, non seulement parce qu’elle aurait des répercussions sur leur propre
système financier qui est lui-même en crise, mais aussi parce qu’il est vain d’espérer
venir à bout du coronavirus sans qu’il soit maîtrisé dans les pays en développement.
Éviter un tel effet boomerang implique de prendre rapidement les mesures qui s’imposent,
car on ne pourra pas enrayer une crise planétaire en laissant de côté la majorité de la
234
population mondiale » . Une initiative collective plus ample, qui réclame l’annulation
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de la dette des pays du Sud dans le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale,
intervient après l’enclenchement du processus de déconfinement, à laquelle se joignent
235
tant des ONG que des syndicats .

230
N. KLEIN, La stratégie du choc. Montée d’un capitalisme du désastre, Arles, Actes Sud, 2013.
231
A. THIRY, K. HENDRICKX, P. OZER, S. BRUNET, C. FALLON, « Du coronavirus au corpus de la planification
d’urgence… », Le Soir en ligne, 2 avril 2020, https://plus.lesoir.be. Cf. également J. PIRON, « Nous n’avons
pas besoin d’un plan de relance mais d’un plan de sortie », Le Vif/L’Express en ligne, 29 mars 2020,
232
www.levif.be.
« Coronavirus : Emmanuel Macron plaide pour une annulation de la dette africaine », Le Monde en ligne,
14 avril 2020, www.lemonde.fr.
233
Cf. par exemple l’interview d’Éric Toussaint, « Le Covid-19 à l’assaut de la dette », 20 avril 2020,
234
www.cadtm.org.
A. ZACHARIE, « Du coronavirus à la crise de la dette des pays en développement », 7 avril 2020, www.cncd.be.
235
« Répondre à la crise de la Covid-19 : la Belgique et l’annulation de la dette des pays du Sud », Note de
positionnement, 26 juin 2020, disponible notamment sur le site Internet du CNCD-11.11.11 : www.cncd.be
(la liste des signataires est reproduite en annexe 22 du présent Courrier hebdomadaire).

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72 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

7.2. PISTES POUR UN DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE

La plupart des interventions proposent des lignes directrices pour organiser une relance
236
fréquemment qualifiée, par les acteurs eux-mêmes, de « soutenable » . Un appel, signé
237
par 250 personnes issues principalement du monde scientifique – dont O. De Schutter,
238
Philippe Defeyt, président de l’Institut pour un développement durable (IDD) , François
Ost, professeur de philosophie du droit à l’USL-B, et A. Zacharie –, est à cet égard
particulièrement emblématique. Les signataires y soulignent la nécessité de continuer
à penser le long terme, malgré l’urgence de la crise sanitaire. Les 17 objectifs de
développement durable de l’ONU, adoptés le 2 août 2015 à New York par de nombreux
États, dont la Belgique, sont rappelés. Élaborés en ayant en vue un horizon temporel de
moyen terme (à savoir l’année 2030), ils touchent à des domaines extrêmement variés
de la vie collective, à savoir ceux « de la pauvreté, de la faim, de la santé, de l’éducation,
de l’égalité entre les sexes, de l’eau, de l’énergie, du travail et d’une croissance économique
soutenable, de l’industrie et de l’innovation, des inégalités, des villes et communautés
durables, de la consommation et de la production responsables, de la lutte contre les
changements climatiques, de la vie aquatique et terrestre, de la paix et la justice et enfin,
des partenariats et de la collaboration ».
Les États qui ont approuvé ces objectifs sont amenés périodiquement à rendre des comptes
quant à l’intégration de ces principes dans leurs politiques. Par l’effet d’une coïncidence
qui est relevée par les signataires de cet appel, la Région wallonne a publié un rapport à ce
239
sujet le 12 mars 2020 . Ce même jour, le Conseil national de sécurité (CNS) adoptait,
au niveau fédéral, les premières et – déjà – importantes mesures de distanciation sociale,
en ordonnant notamment, à partir du samedi 14 mars, la fermeture des cafés et des
restaurants ainsi que celle des commerces non essentiels durant les week-ends.
Selon les signataires de cet appel, nous avons assisté à une collision entre l’urgence
sanitaire impérieuse et des défis à plus long terme, tout aussi impérieux, mais qui se
déploient sur une autre échelle temporelle. Durant la crise et au-delà de celle-ci, il s’avère
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nécessaire et même vital, plaident les signataires, de repenser notre modèle économique
à l’aune de ces objectifs de long terme, ce qui implique également de réapprendre à
gouverner dans la durée et non dans l’immédiateté : « Les signataires de cette carte blanche
appellent dès maintenant les citoyens et les autorités politiques qui les représentent mais
également toutes les forces vives de Wallonie et des autres entités fédérées, alors même
que l’urgence est là, à préserver et à cultiver une vision holistique et systémique à long
terme de nos collectifs en faisant entrer concrètement la soutenabilité dans nos pratiques.

236
Le secrétaire général du CNCD-11.11.11 envisage ainsi la crise sanitaire comme une possible « répétition
générale permettant d’opérer ensuite la nécessaire transition vers une prospérité soutenable et
démocratiquement partagée » (A. ZACHARIE, « Le coronavirus, révélateur de toutes les crises », Le Soir
en ligne, 19 mars 2020, https://plus.lesoir.be). Cf. aussi l’appel collectif, lancé par une partie de la
société civile au début du confinement, à « une métamorphose soutenable et juste de l’économie et de
la société » : « Coronavirus : un Green Deal pour faire face aux urgences pandémique, économique,
237
sociale et écologique », Le Soir en ligne, 30 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
« Plus de 250 scientifiques appellent à repenser d’urgence notre mode de développement », La Libre Belgique
en ligne, 8 avril 2020, www.lalibre.be.
238
239
P. Defeyt fut aussi parlementaire Écolo entre 1991 et 1999, puis secrétaire fédéral du parti jusqu’en 2003.
« Où en est la Wallonie par rapport aux objectifs de développement durable ? Bilan des progrès », 12 mars
2020, www.iweps.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 73

À coup sûr, il y aura un après ! Celui-ci ne pourra qu’être durable au risque de n’être
qu’un éternel épuisement en faisant de nous des Sisyphes résignés. Il est donc urgent
de penser et d’agir de façon durable au risque de panser durablement ».
L’approche proposée par le Resilience Management Group (RMG), déjà évoquée lorsque
les liens entre urgences sanitaire et écologique ont été abordés (cf. supra), mérite également
que l’on s’y arrête à nouveau. À titre de rappel, il s’agit d’un réseau constitué pour
l’occasion de diverses personnalités issues du monde académique et d’entrepreneurs
de la transition regroupés au sein de la coalition Kaya. Une carte blanche est publiée le
25 avril 2020, qui pose un certain nombre de constats, d’une part, et propose des pistes
concrètes pour une relance durable post-corona, d’autre part 240.
Du côté des constats, ce groupe note que la pandémie rend nécessaires des mesures
de confinement, qui ont certes pour effet de maîtriser la crise sanitaire mais aussi de
provoquer une grave crise économique. Que faire pour que cette dernière ne se transforme
pas en crise sociale ? Des positions divergentes s’expriment à ce sujet dans la société :
« Certains veulent une relance rapide, “business as usual”, sans rien changer au système
et à ses défauts mis en évidence dans les causes et les conséquences de la pandémie.
D’autres observent que la résilience de l’économie est aussi importante que sa productivité
et sa compétitivité. Ils plaident pour que les moyens alloués à la relance servent à mettre
en œuvre l’indispensable “transition juste” qui nous permettra d’éviter, de retarder ou
d’atténuer les effets des crises futures ». C’est résolument dans ce second groupe que se
rangent les membres du RMG : « Nous faisons partie de ces “transitionneurs” qui, avec
beaucoup d’autres, proposent une dynamique pour sortir de cette crise “par le haut” ».
La crise du coronavirus, rappellent les signataires, ne vient pas rompre une continuité
historique placée sous le signe de l’apaisement ni dénuée de conflits et d’enjeux majeurs.
Au contraire, elle ne fait « que s’ajouter à une situation déjà préoccupante. Le système
mondialisé dominant, axé sur une croissance matérielle infinie dans un monde fini, épuise
les ressources naturelles et engendre des pollutions qui affectent gravement les océans,
l’ensemble des sols et notre atmosphère ainsi que tous les êtres vivants qui en dépendent ».
Outre qu’elle fait peser de graves menaces sur le sort des générations futures, cette
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empreinte écologique au-delà des capacités de la planète se produit également de façon
inégale entre les êtres humains. La planète « étouffe sous le poids des modes de production
et de consommation actuels », et ce au détriment des « ménages à faibles revenus et [des]
personnes vivant dans la pauvreté, sous toutes les latitudes ».
S’agissant des propositions qu’il met en avant, le RMG estime qu’il est urgent d’« assurer
la rapide et nécessaire transition vers une autre économie, inclusive, coopérative, circulaire,
une économie qui opère dans les limites de la planète et respecte d’autres valeurs que
la concurrence et l’obsession du “moins cher” », une économie également qualifiée par
les signataires de ce manifeste comme étant « moins carbonée, plus juste, circulaire et
régénérative ».
Si les impératifs écologiques sont mis en évidence par le RMG – comme c’est également
le cas dans de nombreux appels publiés pendant la période de confinement, déjà analysés
supra –, il s’agit également d’insister sur la nécessité d’organiser cette transition de façon

240
« Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises
systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be.

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juste sur le plan social. Sont en particulier dénoncées les « forces contraires, économiques
et politiques passéistes, [qui] profitent de l’inquiétude des employeurs et des travailleurs
pour réattiser le débat de la fin du mois versus la fin du monde ». Selon les membres du
RMG, tant les mesures de soutien économique aux entreprises en difficulté que celles
qui doivent organiser la relance post-corona doivent, au contraire, être saisies comme
« une occasion d’accélérer l’évolution vers une économie régénérative ».
Du côté des théories ou modèles qui pourraient permettre de penser cette nécessaire
conciliation entre des enjeux économiques, écologiques et sociaux parfois divergents, dans
une optique plus générale d’équité, le RMG mobilise – comme d’autres intervenants 241 –
le modèle du « donut » popularisé par l’économiste britannique Kate Raworth 242. Cette
approche propose de concevoir le développement économique comme étant limité de
deux façons : d’une part par le haut, par des impératifs écologiques, et d’autre part par
le bas, par des normes sociales imprégnées de diverses valeurs telles la justice ou l’égalité.
L’espace de développement économique dans lequel l’humanité pourrait évoluer de façon
à la fois sûre et juste ressemblerait ainsi à cette pâtisserie particulièrement populaire dans
le monde anglo-saxon, le donut, encerclé à l’extérieur par un pourtour fait de contraintes
environnementales et reposant, à l’intérieur, sur un socle social.
Loin de se limiter à une déclaration d’intention publiée par voie de presse, l’initiative du
RMG se traduit par la publication d’un plan « Sophia » contenant une liste de propositions
243
détaillées de relance durable et solidaire pour la Belgique . Ce plan est décliné en
15 thèmes qui permettent d’aborder, selon ses concepteurs, l’ensemble des paramètres qui
devront être pensés à nouveaux frais dans le cadre de la relance de l’économie et de la vie
sociale après la pandémie de Covid-19 : aides aux entreprises ; fiscalité ; banques, assurances
et fonds de placement ; consommation durable ; production responsable/relocalisation ;
agriculture et alimentation ; bâtiment/aménagement du territoire ; mobilité ; énergie ;
démocratie, État et pouvoirs publics ; santé ; sécurité sociale/nouveau contrat social/
emploi ; enseignement/éducation ; coopération au développement ; transition intérieure.
Comme cela a déjà été indiqué, ce plan élaboré par le RMG fait l’objet d’une présentation
à la Première ministre le 14 mai 2020. Une conversation se noue à cette occasion avec
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des représentants du groupe, qui est jugée « très constructive » par S. Wilmès 244 mais
qui devra encore, selon les observateurs, déboucher sur des actions plus concrètes.
Parmi les quelque 200 propositions mises en avant par le RMG dans le domaine
économique au sens large, plusieurs étaient déjà envisagées avant la crise sanitaire. Elles
font l’objet d’adaptations pour être articulées à la crise générée par la pandémie de
Covid-19. Les lignes de force de ces propositions touchent souvent à l’urgence écologique
et en particulier climatique (économies d’énergie, développement des énergies
renouvelables, mesures visant à soutenir des techniques agricoles plus durables, etc.).
Elles concernent également des questions plus directement économiques, comme les

241
J. VAN DER SLYCKEN, « Geneest corona onze spilzucht? », De Standaard en ligne, 7 mars 2020,
www.standaard.be ; « Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen » (par des
membres du Club de Rome), Le Soir en ligne, 24 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
242
Modèle qualifié en anglais de « doughnut economics » : K. RAWORTH, La théorie du donut. L’économie
243
de demain en 7 principes, Paris, Plon, 2018.
« Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 »,
244
mai 2020, www.groupeone.be.
« Académiques et entrepreneurs se coalisent pour une “relance soutenable” », Le Soir en ligne, 14 mai 2020,
https://plus.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 75

aides accordées aux entreprises, la fiscalité et la transparence dans le secteur financier.


L’enjeu d’une participation citoyenne accrue pour organiser la transition est également
soulevé (cf. infra), à côté d’autres thématiques comme celles de la réduction du temps
de travail et de l’instauration d’un revenu de base universel.

7.3. LE PROCÈS POLITIQUE DE LA MONDIALISATION

Dans nombre de pays, la pandémie de Covid-19 remet également au cœur des débats
la question de la mondialisation et de l’ouverture des frontières. Et pour cause : le 16 mars
2020, la Commission européenne invite les États membres à appliquer temporairement
une restriction des déplacements « non essentiels » des pays tiers vers l’Union européenne.
Appliqué par les États membres (sauf l’Irlande) et par les autres pays associés à l’Espace
Schengen, ce contrôle renforcé aux frontières extérieures de l’Union européenne est
prolongé à deux reprises au moins : d’abord jusqu’au 15 mai, puis jusqu’au 15 juin.
En parallèle, les frontières intérieures de l’Union européenne sont également contrôlées
dans de nombreux pays. En Belgique, le 20 mars, le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur,
Pieter De Crem (CD&V), décide ainsi de fermer les frontières de la Belgique pour tout
déplacement « non essentiel », afin d’endiguer la propagation du coronavirus. Le trafic du
fret et des camions, le retour des ressortissants belges à l’étranger et les déplacements
professionnels nécessaires demeurent toutefois autorisés. Si la commissaire européenne
aux Affaires intérieures souligne que « rétablir le fonctionnement normal de la libre
circulation dans l’Espace Schengen sera notre premier objectif, dès que la situation sanitaire
le permettra », le retour temporaire d’un contrôle aux frontières nationales n’est pas sans
raviver certaines réflexions relatives à l’Union européenne.
En Belgique, ce sont principalement les partis politiques qui sont actifs dans ces débats.
À l’extrême droite d’abord – principalement à travers le Vlaams Belang du côté
245
néerlandophone et Nation du côté francophone –, le manque de contrôle aux frontières
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est pointé comme ayant facilité la propagation du coronavirus, tandis que la
mondialisation est désignée comme étant à la source d’une immigration « incontrôlée »
contribuant à aggraver sérieusement la crise sanitaire. Comme l’observe le politologue
français Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, « l’idée générale est d’abord que
la pandémie a été causée par la mondialisation elle-même, parce que celle-ci génère
246
des flux continus d’immigration et de voyages » .
Ainsi, dans son magazine de mai 2020, le Vlaams Belang indique : « Il y a peu de choses
positives à dire à propos de la crise du coronavirus, mais s’il y a bien une chose qui peut
être dite, c’est que personne ne doute désormais de l’utilité des frontières. Tout le monde
sait aujourd’hui ce que le Vlaams Belang dit depuis longtemps, c’est-à-dire que les
frontières peuvent sauver des vies. Ce n’est pas seulement un instrument dans la lutte
contre la propagation du coronavirus. Pourquoi ? La criminalité baisse fortement et

245
Sur ces partis politiques, cf. B. BIARD, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », Courrier
246
hebdomadaire, CRISP, n° 2420-2421, 2019, p. 20-57.
J.-Y. CAMUS, « Les partis d’extrême droite européens et la crise du Covid-19 », Penser pour Agir, 15 mai
2020, p. 6.

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les migrants illégaux rentrent chez eux en masse » 247. Dans un article diffusé sur son site
Internet, le parti Nation souligne quant à lui : « Cette crise inédite aura au moins le mérite
d’afficher les problèmes qui rongent notre société : privation des libertés, faillite des
systèmes de santé, perte de souveraineté, immigration erratique, globalisation du marché,
248
gestion publique calamiteuse, corruption du système bancaire… » .
Mais l’Union européenne est également dénoncée par d’autres formations politiques, dont
celles de gauche radicale. Interviewé par La Libre Belgique, le porte-parole national du
Parti du travail de Belgique (PTB), Raoul Hedebouw, considère ainsi que l’Union
européenne est la responsable du sous-financement du secteur de la santé en Belgique ainsi
que de la libéralisation de ce secteur : « Au niveau européen, il faut remettre en cause les
traités fondateurs. L’Europe a transmis 63 directives aux États leur demandant de réduire
leurs investissements dans la santé et de libéraliser le secteur (…). Pendant 30-40 ans,
les institutions européennes ont tout fait pour rendre des domaines comme la santé,
les maisons de repos, au marché afin de pouvoir faire du fric sur le dos de nos vieux, de
249
nos malades. Aujourd’hui, tout cela nous pète à la figure » . Alors qu’elle est dénoncée
sur la base d’arguments différents, l’Union européenne se retrouve ainsi au centre des
critiques tant de l’extrême droite que de la gauche radicale. L’opinion selon laquelle l’Union
européenne a échoué à prévenir puis à endiguer la pandémie est toutefois partagée par
ces formations, et même au-delà.
Néanmoins, au sein de la société civile, les critiques purement politiques (et pas seulement
économiques, cf. supra) de la mondialisation et de l’ouverture des frontières sont beaucoup
moins nombreuses et conduisent peu à l’avènement d’initiatives collectives. À l’extrême
droite, par exemple, l’organisation Voorpost dénonce : « Personne n’est autorisé à aller
à la mer, mais bien sûr des centaines de réfugiés le peuvent. Les personnes séjournant
dans un camping doivent partir et leurs places doivent être prises par des “réfugiés”.
Personne n’est autorisé à marcher dans la rue en groupe, sauf les réfugiés » 250. En somme,
ce mouvement flamand d’extrême droite s’oppose aux mesures adoptées par les autorités
publiques pour répondre à la crise sanitaire et suggère que l’accueil de réfugiés cesse.
Ce communiqué est néanmoins le seul diffusé par Voorpost sur son propre site Internet
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pendant la période de confinement. Par ailleurs, son écho est particulièrement limité :
le communiqué n’est co-signé par aucune autre organisation et n’est pas relayé dans
les médias. Quant à elle, l’organisation d’extrême droite Schild en Vrienden partage
régulièrement des podcasts ou des messages de ses représentants – au premier rang
251
desquels Dries Van Langenhove –, dans lesquels est dénoncé « l’aveuglement des experts
et des autorités face à la question de l’information liée au virus chez les personnes
d’origine étrangère qui ne s’informeraient soi-disant pas » 252. Mais à nouveau, aucune
de ces publications ne relève d’une démarche collective. En fait, alors que de multiples
mouvements, associations et groupuscules d’extrême droite existent en Belgique, ils ne
parviennent pas véritablement à surfer sur la crise sanitaire pour renforcer leur propre

247
248
« Actua kort », Vlaams Belang, n° 5, mai 2020, p. 4.
« Réflexions sur la crise du coronavirus ! », 18 avril 2020, www.nation.be.
249
« Raoul Hedebouw : “Les PME vont être abandonnées au profit des multinationales” », La Libre Belgique,
250
14 avril 2020.
« Stop de EU! », 4 avril 2020, www.voorpost.org.
251
D. Van Langenhove est par ailleurs député (Vlaams Belang) à la Chambre des représentants suite au scrutin
252
tenu le 26 mai 2019.
er
« L’agenda grossier des identitaires », Le Soir en ligne, 1 avril 2020, www.lesoir.be.

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visibilité ou pour imposer, ensemble, l’enjeu souverainiste et migratoire à l’agenda


politico-médiatique. Par ailleurs, toute coopération ou collaboration entre mouvements,
associations et groupuscules d’extrême droite en ce sens est quasi inexistante.
Au-delà de la critique économique qui est formulée à l’égard de la mondialisation et
de l’ouverture des frontières, la critique politique qui en est faite – positivement ou
négativement – reste très faible durant la période de confinement. Cela ne signifie toutefois
pas qu’aucun débat n’a lieu sur ces questions. Mais il prend place dans des arènes
distinctes – particulièrement politiques – et se traduit peu en initiatives citoyennes
concrètes. En outre, le rassemblement des forces souverainistes voire d’extrême droite
ne trouve pas à se réaliser à l’occasion du confinement alors qu’une fenêtre d’opportunité
semblait ouverte.

La crise économique engendrée par la crise sanitaire suscite une large réflexion au
sujet du processus de mondialisation. La majorité des initiatives citoyennes souhaitent
l’émergence d’un autre modèle de développement. Au sein de la société civile, s’exprime
ainsi une critique multiforme d’un « capitalisme sans limite », destructeur du vivant et
générateur d’inégalités croissantes. De nombreux acteurs perçoivent dans la crise due
à la pandémie de Covid-19 une opportunité pour remettre en cause le modèle économique
capitaliste qui prévaut au sein du monde occidental, et même au-delà, et pour promouvoir
une relance économique dite soutenable. Ces actions et réflexions sont nombreuses
et portées par des groupes variés de citoyens, dont des personnes issues du monde
académique. Ces initiatives prennent surtout la forme de cartes blanches. Elles se
concrétisent parfois à travers l’élaboration de plans stratégiques et d’« offres de services »
adressées aux pouvoirs publics. Certains acteurs proposent en effet d’accompagner les
décideurs politiques dans les arbitrages qui devront être posés dans le cadre de la relance
économique post-corona. Il faudra bien sûr évaluer à l’avenir les effets concrets de cette
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implication multiforme de la société civile durant la période de confinement et de ces
plaidoyers pour une relance durable et solidaire.
Par ailleurs, alors que des forces politiques souverainistes voire d’extrême droite auraient
pu se saisir de la crise sanitaire pour mettre en cause la mondialisation en tant que telle,
cela n’est le cas que dans une faible mesure. La critique politique de la mondialisation
ne porte guère au-delà des partis. Par exemple, les arguments souverainistes et anti-
immigration trouvent peu d’écho dans les initiatives citoyennes lorsqu’il est question
de préparer le « monde d’après ». C’est donc davantage la dimension économique de
la mondialisation qui est remise en cause, plus que sa dimension politique.

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8. DES LIBERTÉS FONDAMENTALES EN DANGER ?

Durant la période de confinement, la société civile se mobilise et tente de sensibiliser


l’opinion publique à différents enjeux qui se posent dans le domaine des droits
fondamentaux et de la justice. Tout d’abord, la mise en place d’un régime d’exception
et l’usage de la technique des pouvoirs spéciaux suscitent certaines interrogations, que
la mise à l’arrêt partielle de la justice ne fait que renforcer. La situation dans les prisons,
en raison de sa spécificité, fait l’objet de prises de position de la part de certains acteurs.
Ensuite, et plus généralement, les atteintes aux libertés fondamentales sont dénoncées.
La crainte est fréquemment formulée que le régime d’exception ne soit pas ponctuel,
mais qu’il s’installe dans le temps ou en tout cas qu’il fasse bouger les lignes du débat dans
un sens qui ne serait pas favorable au respect des droits et libertés. Enfin, l’utilisation
des technologies numériques pour affronter la crise sanitaire génère des réactions en raison
des atteintes aux libertés qu’elle implique potentiellement, ainsi que, sur un plan plus
prospectif, en raison des perspectives qu’elle dessine quant à l’avenir de nos sociétés,
qui pourraient se transformer en sociétés de surveillance 253.

8.1. UN RÉGIME D’EXCEPTION QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS


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Si la pandémie de Covid-19 constitue un choc qualifié de « sans précédent » par de
nombreux observateurs, c’est notamment parce qu’elle implique des restrictions aux
droits et libertés inédites depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des mesures
de confinement et de distanciation physique (ou, selon l’expression communément
employée, « distanciation sociale ») sont prises par les différentes autorités compétentes 254.
L’utilisation des pouvoirs spéciaux marque en particulier les esprits. Elle est le fait tant
de l’Autorité fédérale que de la majorité des entités fédérées (à l’exception de la Flandre),
255
ce qui est inhabituel . La liste des droits et libertés qui sont limités durant la période
de confinement est particulièrement longue : liberté d’aller et venir, liberté de se rendre

253
254
D. FOREST, Abécédaire de la société de surveillance, Paris, Syllepse, 2009.
F. BOUHON, A. JOUSTEN, X. MINY, E. SLAUTSKY, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse
d’un régime d’exception », op. cit. ; J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise
255
sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 11-17.
Ibidem ; p. 26-34 ; M. LEROY, « Les pouvoirs spéciaux en Belgique », Administration publique, n° 4, 2014,
p. 502-503.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 79

à l’étranger, libertés d’association et de réunion, droit au respect de la vie privée et


256
familiale, liberté d’assister au culte , etc.
L’octroi des pouvoirs spéciaux aux différents exécutifs est toutefois limité dans le temps.
En ce qui concerne l’échelon fédéral, la période est de trois mois, renouvelable une fois.
À l’issue de cette période, le débat démocratique devra, en principe, se tenir de nouveau
dans des conditions ordinaires. Toutefois, si les limitations apportées aux droits et libertés
concernent au premier chef la période de confinement proprement dite, elles ne cessent
pas une fois la première phase de déconfinement enclenchée (phase 1a). Il est en effet
prévu en Belgique, comme dans nombre de pays du monde, que le déconfinement se
fera de manière progressive. Par voie de conséquence, certains droits et libertés resteront
soumis à des restrictions durant une période dont la durée est difficile à déterminer, car
elle dépend de l’évolution de la situation sanitaire et de sa gestion. À cet égard, la liberté
de rassemblement semble parmi les plus délicates à rétablir et le rassemblement organisé
257
le 7 juin 2020 à Bruxelles contre le racisme , qui a réuni plus de 10 000 personnes,
a suscité la polémique.
Tant le principe que la mise en œuvre des pouvoirs spéciaux amènent des interrogations
voire des inquiétudes de la part de divers acteurs inscrits dans la société civile. Le 26 mars
2020, le principe même des pouvoirs spéciaux est placé au centre d’une lettre ouverte
adressée par la Ligue des droits humains (LDH) aux responsables politiques 258. Cette ONG
admet que la situation sanitaire exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles,
d’autant que le droit à la vie et le droit à la santé sont en péril. Toutefois, elle souligne
que de telles décisions doivent être conçues et prises dans le respect de l’État de droit et
en s’assurant que les atteintes aux libertés ne dépassent pas ce qui est rendu nécessaire
par la situation.
Selon la LDH, un important écart existe, à deux niveaux au moins, entre la situation
de confinement causée par la lutte contre la pandémie et une situation constitutionnelle
normale, conforme aux standards de l’État de droit. D’une part, toute une série de droits
et libertés connaissent des atteintes considérables : la liberté d’aller et venir, sauf exceptions
strictement définies, le droit de quitter le pays, les voyages non essentiels au départ de
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la Belgique étant en principe interdits, la liberté de réunion, le droit au respect de la vie
privée et familiale, la liberté de conscience et de religion, le droit de l’enseignement, le
droit de propriété, la liberté d’expression, et le droit à un procès équitable. D’autre part,
les mesures prises par les divers exécutifs « peuvent (…) emporter une atteinte au principe
d’égalité et de non-discrimination (…), en ce que potentiellement elles peuvent, malgré
leur apparence neutre, désavantager particulièrement certaines personnes ou groupes
de personnes ».

256
Lorsque le déconfinement s’enclenche, certains citoyens réclament une reprise des offices religieux
(cf. notamment, en ce qui concerne le culte catholique, la lettre ouverte suivante : « Madame Wilmès,
permettez la réouverture des portes de nos églises », Le Soir en ligne, 26 mai 2020, https://plus.lesoir.be).
Les cérémonies religieuses regroupant 100 personnes maximum pourront reprendre à partir du 8 juin 2020.
257
Cette manifestation a fait suite au décès de l’Afro-américain George Floyd, le 25 mai 2020 lors d’un
contrôle policier dans la ville états-unienne de Minneapolis (État du Minnesota) ; elle s’inscrit dans
un ensemble de manifestations du même type organisées à la même période dans de très nombreuses
258
villes à travers le monde.
« Covid-19. Pouvoirs spéciaux : la Ligue des droits humains adresse une lettre aux parlementaires et
au gouvernement », 26 mars 2020, www.liguedh.be.

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80 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Cela posé, la LDH rappelle que le fonctionnement normal des institutions est fortement
perturbé. Le principe de séparation des pouvoirs est mis à mal par les mesures d’exception
qui sont en vigueur. Les pouvoirs spéciaux impliquent par essence une redéfinition des
relations entre pouvoirs législatif et exécutif : une délégation de la fonction législative
vers l’exécutif est opérée, certes de manière temporaire et encadrée par un certain nombre
de balises. En outre, parmi les mesures qui ont été prises par le gouvernement fédéral
au titre des pouvoirs spéciaux conférés par la Chambre des représentants, figurent diverses
décisions qui organisent un ralentissement du fonctionnement de la justice pendant la
période de confinement, et même au-delà, et qui, par voie de conséquence, restreignent
l’accès au juge.

8.2. UNE JUSTICE QUI FONCTIONNE AU RALENTI

Que deviennent les droits s’ils ne sont pas protégés par des organes indépendants et
impartiaux ? C’est la question que pose, en filigrane, la LDH dans sa lettre ouverte
précitée : « Il est crucial de préserver le droit à une protection juridique effective et de
garantir un contrôle juridictionnel des mesures adoptées. Il faut garantir le respect du
droit à un procès équitable, du droit à un recours effectif, des droits de la défense, de
259
la non-rétroactivité des peines, de la légalité de ces dernières » . La LDH exprime son
inquiétude vis-à-vis de la possibilité pour le pouvoir exécutif, faisant usage des pouvoirs
spéciaux, d’adapter l’organisation du pouvoir judiciaire, du Conseil d’État et des
juridictions administratives : « Cette habilitation, en l’état, n’est pas suffisamment encadrée,
et est très dangereuse ». La LDH met ainsi en évidence le rôle de contre-pouvoir
qu’assume le pouvoir judiciaire – ainsi que la section du contentieux du Conseil d’État
et les juridictions administratives – dans le fonctionnement démocratique de l’État belge.
S’il est largement admis que la presse doit continuer à jouer son rôle de « chien de
garde » de la démocratie, même durant une période exceptionnelle, selon la LDH, la justice
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doit, de la même manière, être en mesure d’exercer son rôle de gardien de l’État de droit
et des libertés fondamentales.
Promulguée le 27 mars 2020, la loi accordant au gouvernement fédéral des pouvoirs
spéciaux afin de prendre les mesures nécessitées par la pandémie de Covid-19 prévoit
explicitement que les règles qui régissent les procédures judiciaires peuvent être adaptées
afin de « garantir le bon fonctionnement des instances judiciaires, et plus particulièrement
260
la continuité de l’administration de la justice, tant au niveau civil qu’au niveau pénal » .
Après une initiative prise par le Collège des cours et tribunaux (CCT) 261 imposant aux
cours et tribunaux du royaume « de ne plus traiter que les affaires urgentes et les affaires

259
Ibidem.
260 er
Article 5, § 1 , 7 °, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la
propagation du coronavirus Covid-19 (II) (Moniteur belge, 30 mars 2020). Une habilitation similaire
est conférée au Roi en ce qui concerne les juridictions administratives et le Conseil d’État.
261
Le CCT est un organe créé en 2014 pour encadrer la gestion autonome du pouvoir judiciaire (cf. la loi
du 18 février 2014 relative à l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire, Moniteur
belge, 4 mars 2014).

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 81

civiles pour lesquelles il est possible de recourir à la procédure écrite » 262, deux arrêtés
royaux sont adoptés le 9 avril 2020 qui concernent le fonctionnement de la justice civile,
d’une part, et pénale, d’autre part, et qui organisent un ralentissement notable du
fonctionnement de ce département durant la période de lutte contre la pandémie 263.
En prévision de l’adoption de ces mesures (ou pour y répondre), des interventions
émanent d’un certain nombre d’acteurs. La plupart des analyses proviennent du monde
académique, du monde associatif et des praticiens du droit, en particulier les avocats.
Il convient de s’arrêter, en premier lieu, sur une action coordonnée entre divers juristes
également membres du monde académique. Dans une carte blanche publiée sur le site
Internet de La Libre Belgique le 27 mars 2020 264, ces professionnels du droit mettent en
évidence un paradoxe : alors que le législateur fédéral a indiqué que le pouvoir exécutif
pourrait prendre, en vertu des pouvoirs spéciaux qui lui ont été conférés, des mesures
permettant d’assurer la continuité du service public de la justice, ils observent que ce
qui semble envisagé par le gouvernement fédéral est de suspendre de façon générale
les délais de procédure pendant la période de confinement. Selon les auteurs de cette
carte blanche, un tel choix politique reviendrait à organiser la paralysie de la justice plutôt
que sa continuité. Les arguments mis en avant sont les suivants. Tout d’abord, vis-à-
vis des avocats, cela reviendrait à les priver de leur unique source de revenus, alors que
les acteurs de la justice se sont largement adaptés à la situation et continuent de travailler.
Ensuite, vis-à-vis des justiciables, une telle décision constituerait une atteinte à leur droit
de recourir à la justice, et ce alors que les droits et libertés fondamentaux sont fortement
restreints en raison de la pandémie (cf. supra). Enfin, de façon plus générale, une telle
décision aurait immanquablement pour effet d’aggraver encore l’arriéré judiciaire,
pourtant déjà préoccupant dans certaines juridictions. Les signataires plaident pour que
le remède ne soit pas pire que le mal qu’il combat. Le 30 mars 2020, ils développent leur
265
argumentaire dans une note transmise au Conseil supérieur de la justice (CSJ) .
Le 9 avril, Manuela Cadelli, juge et ancienne présidente de l’Association syndicale des
magistrats (ASM), et Jacques Englebert, avocat et professeur de droit de la procédure
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262
« Nouvelles recommandations du 16 mars 2020 en réponse au coronavirus. Communication
coronavirus III », 17 mars 2020, www.tribunaux-rechtbanken.be. Les premières recommandations (I et II)
263
ne sont plus disponibles sur ce site Internet.
En matière civile, il s’agit de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 2 du 9 avril 2020 concernant la prorogation
des délais de prescription et les autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais
de procédure et la procédure écrite devant les cours et tribunaux, en matière pénale et de l’arrêté royal
n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution
des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus
Covid-19, tous deux publiés au Moniteur belge le 9 avril 2020. Pour une analyse approfondie des mesures
adoptées en matière civile, cf. J. ENGLEBERT, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas être
confinée. Analyse critique des mesures prises par le Collège des cours et tribunaux en vue de garantir le service
de la Justice nonobstant le confinement et de l’arrêté royal n° 2 du 9 avril 2020, Limal, Anthemis, 2020
(cet ouvrage est mis en ligne gratuitement sur le site Internet de l’éditeur Anthemis, www.anthemis.be).
264
« La suspension généralisée des délais de procédure : un danger pour la démocratie », La Libre Belgique
en ligne, 27 mars 2020, www.lalibre.be. Les signataires de cette carte blanche sont Frédéric Georges
(professeur à l’ULiège, avocat), Arnaud Hoc (professeur à l’UNamur, avocat), Rafaël Jafferali (professeur
à l’ULB, avocat), Dominique Mougenot (professeur à l’UNamur, magistrat) et Jean-François
265
van Drooghenbroeck (professeur à l’UCLouvain et à l’USL-B, avocat).
F. GEORGES, A. HOC, R. JAFFERALI, D. MOUGENOT, J.-F. VAN DROOGHENBROECK, « Note rédigée à l’attention
du Conseil supérieur de la justice sur l’avant-projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux “concernant
la prorogation des délais de procédure devant les juridictions civiles et administratives et de la procédure
écrite en ce qui concerne les procédures civiles” », 30 mars 2020, https://droit.ulb.be.

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82 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

civile à l’ULB, signent une carte blanche (rédigée juste avant que les arrêtés de pouvoirs
266
spéciaux ne soient publiés au Moniteur belge ). Ils y dénoncent une opinion qui semble
s’être instaurée dans l’esprit des décideurs et dans le débat public, suivant laquelle il serait
logique que la justice entre en confinement, comme d’autres secteurs de la société
considérés comme non essentiels. M. Cadelli et J. Englebert s’inscrivent en faux contre
ce qu’ils estiment être une évidence erronée : « Nous proposons de nous extraire de cette
matrice analytique pour revendiquer d’être présents dans nos palais de justice pour
y accueillir nos concitoyens et traiter toutes les demandes qu’ils forment en cette épreuve
qui révèle les possibilités de tant d’abus et d’injustices et qui sont, à l’évidence, dans ce
cadre, toutes urgentes. A fortiori dans un contexte de pouvoirs spéciaux, aux mains
de gouvernants que nous pratiquons depuis plusieurs années et dont nous connaissons
267
le potentiel nihiliste » . Ils estiment que la Constitution impose que la justice continue
d’être rendue, de la façon la plus visible possible, dans les palais de justice.
Comme l’emploi du terme « nihiliste » l’atteste, les mots sont durs. On peut se souvenir
de la tribune signée par M. Cadelli, « Le néolibéralisme est un fascisme », qui avait fait
grand bruit et alimenté le débat public en 2016 268. Concernant J. Englebert, on peut
citer un article publié en 2019 dans lequel il mettait en cause les politiques menées par
les gouvernements fédéraux successifs vis-à-vis du département de la Justice et posait le
constat d’une « privatisation de la justice » à l’œuvre depuis au moins deux législatures,
c’est-à-dire sous les gouvernements Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH),
Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et Michel II (MR/CD&V/Open VLD) en place
au niveau fédéral, et ce sous l’impulsion des ministres de la Justice Annemie Turtelboom
269
(Open VLD), tout d’abord, et Koen Geens (CD&V), ensuite .
L’intervention de M. Cadelli et J. Englebert ne concerne pas uniquement la période de
confinement stricto sensu. Ils craignent en effet que la période ouverte par la pandémie
constitue un terreau fertile pour des expérimentations « peu démocratiques ». Notamment,
les partisans d’une numérisation à outrance de la justice pourraient tirer avantage de cette
situation. Cela renvoie à une autre inquiétude que nourrissent ces intervenants, celle
d’une perte de la dimension humaine et incarnée de la justice. M. Cadelli et J. Englebert
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plaident pour une présence effective des avocats et des magistrats auprès des justiciables et
tirent argument de l’arrêté ministériel du 18 mars 2020 « portant des mesures d’urgence
270
pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 » (qui, parmi les services publics
« nécessaires à la protection des besoins vitaux de la Nation et des besoins de la
population », fait figurer « les institutions de la justice et les professions y liées »).

266
M. CADELLI, J. ENGLEBERT, « Plaider, siéger, servir : la justice ne se confine pas », Le Soir en ligne, 9 avril
2020, https://plus.lesoir.be. Dans la même ligne que celle tracée par cette carte blanche, J. Englebert
publie également, fin avril, une analyse fouillée de cette problématique du fonctionnement de la justice
durant la période de confinement (J. ENGLEBERT, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas
être confinée, op. cit.).
267
M. CADELLI, J. ENGLEBERT, « Plaider, siéger, servir : la justice ne se confine pas », Le Soir en ligne, 9 avril
268
2020, https://plus.lesoir.be.
M. CADELLI, « Le néolibéralisme est un fascisme », Le Soir, 2 mars 2016. Cf. notamment J. PITSEYS,
er
G. THIRY, « Foule sentimentale. L’utopie néolibérale », Les @nalyses du CRISP en ligne, 1 mars 2017,
www.crisp.be ; R. VAN LEECKWYCK, « La campagne TAM TAM », Courrier hebdomadaire, CRISP,
n° 2448-2449, 2020, p. 10-20.
269
J. ENGLEBERT, « “Le Code judiciaire doit être éliminé”, ou les promesses trahies », in Le Code judiciaire
270
a 50 ans. Et après ? Hommage à Ernest Krings et Marcel Storme, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 153-182.
Moniteur belge, 18 mars 2020.

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Selon M. Cadelli et J. Englebert, comme pour d’autres acteurs, la période actuelle est
ainsi susceptible de constituer une fenêtre d’opportunité permettant à certains partis
politiques de faire avancer des réformes de la justice qu’ils appellent de leurs vœux depuis
longtemps. La limitation voire la suppression de l’oralité des débats en matières civile
et pénale semble en particulier concernée, et ce notamment au moyen de l’utilisation de
la technique de la visioconférence – dont le statut procédural n’est à l’heure actuelle pas
organisé dans la loi 271. Diverses déclarations du ministre de la Justice K. Geens vont
272
clairement dans ce sens . Un certain nombre d’intervenants dénoncent une telle
perspective, comme l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (également
connu sous le nom d’Avocats.be) qui, après avoir reconnu que la pandémie de Covid-19
requiert que des mesures exceptionnelles soient prises, affirme qu’il est « hors de question
273
de renoncer pour l’avenir à l’oralité des débats » .
La question de la mise en œuvre des mesures de confinement et de distanciation sociale
est également abordée par certains professionnels de la justice. Une carte blanche signée
par des avocats pénalistes mérite en particulier d’être épinglée 274. Il y est estimé que la
justice pénale dysfonctionne en temps normal, la crise ne faisant dès lors qu’exacerber
des difficultés existantes. Les signataires demandent que l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020
soit modifié et qu’il soit désormais prévu que « tous les dossiers soient gratuitement
remis en copie à toutes les parties qui en formulent la demande, d’une manière simple
et efficace. La copie sera mise à disposition de tous les justiciables et leurs avocats dans
le délai d’accès au dossier ». En outre, il est demandé qu’« un réseau accessible à tous les
acteurs de la justice leur permette de savoir, par une simple connexion sécurisée, si leur
affaire sera traitée à l’audience prévue, d’indiquer le calendrier d’échange de conclusions
lorsqu’il a été convenu entre les parties, d’indiquer les indisponibilités éventuelles des
avocats ». Enfin, il conviendrait selon les signataires que, « à moyenne échéance, un réseau
sécurisé soit définitivement mis en place pour permettre aux avocats des justiciables
d’avoir accès aux dossiers répressifs depuis leurs cabinets, afin de permettre l’exercice
le plus élémentaire des droits de la défense et de rendre la justice accessible à tous ».
Les différentes demandes formulées par ce collectif d’avocats sont certes activées par la
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pandémie de Covid-19, mais elles visent à résoudre une situation qui lui préexistait. Il s’agit
par ailleurs de rendre possible une amélioration de la justice pénale à l’avenir et pas
uniquement pendant la période marquée par la lutte contre le coronavirus.

271
272
J. ENGLEBERT, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas être confinée, op. cit., p. 37 et 41.
Cf. par exemple l’interview de K. Geens, parue dans La Libre Belgique des 18 et 19 avril 2020 : « On
apprend parfois des choses quand on est malade. Un enfant de cinq ans peut profiter de sa maladie
pour apprendre à lire, plutôt que voir ses petits amis. C’est un acquis. (…) Il y aura des habitudes qui,
même si elles ne sont plus imposées par la loi, deviendront normales. (…) La vidéoconférence était traitée
par le droit comme un instrument presque barbare : il fallait la présence physique, l’oralité. Tout cela
est vrai. Mais si un prisonnier peut se satisfaire d’une vidéoconférence dans certains tribunaux, pourquoi
273
ne pas travailler ainsi ? »
X. VAN GILS, « Les avocats continuent à travailler ! », La Tribune, n° 171, 10 avril 2020,
274
https://latribune.avocats.be.
« La justice pénale au rabais : bienvenue chez Kafka 2.0 », L’Écho en ligne, 6 mai 2020, www.lecho.be
(la liste des signataires est reproduite en annexe 23 du présent Courrier hebdomadaire).

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8.3. UNE SITUATION PARTICULIÈREMENT CRITIQUE


DANS LES PRISONS

Au-delà de la procédure pénale, la situation dans les prisons fait l’objet d’inquiétudes
exprimées par plusieurs acteurs. Dans le monde pénitentiaire, et bien avant l’éclatement
de la crise sanitaire liée au Covid-19, la situation était déjà particulièrement préoccupante,
en particulier du point de vue du respect de certains droits fondamentaux. Un tel état
de fait est exacerbé par la crise qui surgit au milieu du mois de mars.
Diverses cartes blanches sont publiées afin de dénoncer les conditions de vie des personnes
incarcérées dans les prisons, rendues encore plus difficiles en raison des mesures prises
pour lutter contre la pandémie ou en raison de la désorganisation à l’intérieur des
275
établissements pénitentiaires que celle-ci a entraînée .
Ainsi, Yves Cartuyvels (USL-B), Olivia Nederlandt (USL-B) et Marc Nève (ULiège et
président du Conseil central de surveillance pénitentiaire) écrivent : « Alors que la société
entière est soumise à la crise sanitaire causée par la propagation du Covid-19, la population
carcérale en est frappée de manière exponentielle. La distanciation sociale est impossible
à respecter dans les prisons, pour la plupart surpeuplées. Les personnes sont souvent
détenues à deux dans des cellules de 9 m². Les produits d’hygiène sont insuffisants en
temps normal. Les familles, qui lavent le linge des détenu·e·s et le rendent à l’occasion des
visites, ne peuvent plus venir en prison. L’état de santé de nombreuses personnes détenues
en fait des cibles particulièrement vulnérables à l’égard du virus. (…) Paradoxalement,
les mesures prises pour “protéger” les personnes détenues à l’heure du Covid-19
aboutissent à détériorer davantage leurs conditions de détention et à porter atteinte
276
à leurs droits fondamentaux » .
Ces trois auteurs analysent que la crise sanitaire agit comme un « miroir grossissant » qui
révèle en pleine lumière les problèmes préexistant dans le monde carcéral. D’une part,
cette situation exceptionnelle nous rappelle que « les conditions de détention dans les
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prisons belges ne respectent pas la dignité humaine ». D’autre part, elle amène à souligner
que le recours à l’enfermement n’est pas une fatalité et « que la croissance carcérale n’est
pas inéluctable : si le 2 mars 2020 les prisons comptaient 10 863 personnes détenues,
en date du 3 avril 2020 ce chiffre est descendu à 9 889. La crise a permis en un laps de
temps très court aux pouvoirs judiciaire et exécutif de diminuer la population carcérale

275
Cf. « Prisons et santé : incompatibles ! », L’Écho en ligne, 25 mars 2020, www.lecho.be (le Genepi
Belgique, association estudiantine militant pour le décloisonnement des institutions carcérales, se trouve
à l’initiative de cette carte blanche, qui récolte de très nombreux soutiens) ; Y. CARTUYVELS, O. NEDERLANDT,
M. NÈVE, « La prison face au Covid19 : zoom sur un angle mort de la démocratie », Le Soir en ligne, 6 avril
2020, https://plus.lesoir.be (Yves Cartuyvels publie également une analyse, intitulée « Le Covid 19,
révélateur du problème carcéral », dans l’intervention commune à 123 chercheurs « Societal exit from
lockdown / Déconfinement sociétal / Maatschappelijke exit-strategie » : « Déconfinement sociétal. Apports
d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, www.cartaacademica.org, p. 76-78) ;
L. TEPER, « Coronavirus et droits de la défense : le diable se cache dans les détails », Le Soir en ligne,
13 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; W. WANZEELE, K. SEVERS, « Coronavirus legt problemen in
gevangenissen bloot », 5 mai 2020, https://sociaal.net. Pour une analyse plus technique, cf. O. NEDERLANDT,
D. PACI, « La prison face au Covid-19 : des mesures déséquilibrées au détriment des personnes détenues
276
et/ou condamnées », Journal des tribunaux, volume 6814, n° 18, 2020, p. 341-348.
Y. CARTUYVELS, O. NEDERLANDT, M. NÈVE, « La prison face au Covid19 : zoom sur un angle mort de
la démocratie », Le Soir en ligne, 6 avril 2020, https://plus.lesoir.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 85

de près de 1 000 personnes ». Y. Cartuyvels, O. Nederlandt et M. Nève soulignent


également qu’une détérioration des conditions de travail des agents pénitentiaires, déjà
préoccupantes avant la crise 277, constitue également une conséquence de celle-ci. Ils
insistent sur l’opportunité que représente la situation de crise, en raison de son caractère
exceptionnel lui-même, pour « alimenter le débat démocratique sur la place de la prison
dans une société démocratique. Plutôt que d’investir dans les mécanismes d’exclusion,
il reste urgent d’investir dans des politiques sociales inclusives en amont, tout comme
il faut favoriser des réponses réparatrices, plus utiles pour les victimes que la logique
punitive, en aval ».

8.4. LA QUESTION SPÉCIFIQUE DU TRAÇAGE DES PERSONNES


CONTAMINÉES PAR LE COVID-19

Durant la période de confinement, l’équilibre entre les pouvoirs constitués est mis à mal,
et des limitations inédites sont apportées aux droits et libertés fondamentales, de façon
disproportionnée pour certains 278. Les inquiétudes que cette situation suscite ne se limitent
toutefois pas à la période de lutte contre le Covid-19. La question se pose de savoir ce qu’il
adviendra au-delà, dans le « monde d’après » : « Dès aujourd’hui et ensuite, après la crise
sanitaire, l’enjeu majeur sera d’empêcher que certaines mesures d’exception soient coulées
dans le droit commun » 279.
La LDH rappelle que « si l’écart que nous vivons entre le fonctionnement actuel de nos
institutions et la protection de nos droits et libertés est acceptable pour répondre
à l’urgence, il faut à tout prix éviter que l’exception ne devienne la règle » 280. Il s’agit là
d’une inquiétude qui revient souvent sous la plume de divers acteurs de la société civile 281.
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277
Cf. notamment V. DEMERTZIS, J. FANIEL, « La conflictualité sociale dans le monde de la justice »,
in I. GRACOS, « Grèves et conflictualité sociale en 2012. II. Secteur public et questions européennes »,
Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2174-2175, 2013, p. 34-42 ; V. DEMERTZIS, J. FANIEL, « Belgique.
Agents pénitentiaires, avocats et magistrats en grève contre l’austérité dans la justice », Chronique
internationale de l’IRES, n° 145, mars 2014, p. 45-56 ; V. DEMERTZIS, « SNCB, prisons et Belgocontrol :
le débat sur le “service minimum” », in I. GRACOS, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », Courrier
hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 87-88 ; V. DEMERTZIS, A. BINGEN, « La grève dans les
prisons wallonnes et bruxelloises au printemps 2016 », in I. GRACOS, « Grève et conflictualité sociale
278
en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 30-44.
Le journaliste Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles du journal français Libération, dénonce par
exemple sur son blog « Coulisses de Bruxelles » l’infantilisation des populations par les gouvernements
qui s’est imposée durant la période de confinement (J. QUATREMER, « Confinement : le débat interdit »,
30 avril 2020, http://bruxelles.blogs.liberation.fr). Cette opinion suscite la polémique et le journaliste vient
expliciter sa pensée sur le site Internet de La Libre Belgique une fois le déconfinement enclenché (La Libre
279
Belgique en ligne, 9 mai 2020, www.lalibre.be).
A. SCHAUS, V. LETELLIER, « Les droits et libertés à l’épreuve de la crise sanitaire (Covid-19) », Carnet de crise
du centre de droit public de l’ULB, n° 15, 17 avril 2020, p. 5, https://droit-public.ulb.ac.be (ce texte fait
également l’objet d’une publication dans le rapport collectif « Déconfinement sociétal. Apports d’expertises
280
académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, www.cartaacademica.org, p. 58-61).
« Covid-19. Pouvoirs spéciaux : la Ligue des droits humains adresse une lettre aux parlementaires et
281
au gouvernement », 26 mars 2020, www.liguedh.be.
Cf. notamment S. KLIMIS, « L’état d’urgence : une exception qui confirme la règle ? », Le Soir en ligne,
11 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; Conseil central de surveillance pénitentiaire, « Communiqué : le

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Ainsi, le juriste et philosophe Benoît Frydman, professeur à l’ULB, estime que le traçage
des citoyens constitue une ligne rouge qu’il convient de ne pas franchir : « Le recours par
les autorités à de tels dispositifs, qui nous menacent déjà, nous ferait entrer de plain-pied
dans l’ère de la société de surveillance, ce qui entraînerait l’effondrement de nos libertés
282
fondamentales » .
Le traçage, parfois appelé « tracing » (ou « tracking ») 283, est une technique utilisée dans
de nombreux pays afin de lutter contre les effets de la pandémie de Covid-19. En Belgique,
deux stratégies sont envisagées, qui renvoient à deux formes de traçage : le traçage manuel
et le traçage numérique. Le premier est effectif sur le territoire belge à partir du 11 mai.
En effet, l’arrêté royal n° 18 du 4 mai 2020, qui porte création d’une banque de données
auprès de l’institut scientifique fédéral Sciensano dans le cadre de la lutte contre la
284
propagation du Covid-19 , pose un cadre réglementaire qui permet de l’organiser.
La mise en œuvre concrète du traçage est confiée aux Régions (et, en ce qui concerne
la région de langue allemande, à la Communauté germanophone), qui la délèguent,
pour certaines d’entre elles, aux mutuelles. Le principe est relativement simple :
lorsqu’une personne est détectée positive au Covid-19, il lui est demandé d’indiquer
le plus précisément possible les personnes avec lesquelles elle a été en contact durant les
semaines précédentes. Les personnes ainsi signalées sont ensuite contactées par des centres
d’appel afin qu’elles puissent prendre les mesures de précaution nécessaires. L’une des
particularités de ce texte réglementaire est qu’il est alors prévu que ses effets cesseront
le 4 juin 2020. À cette date, un autre dispositif, qui organisera en principe le traçage
numérique et pas seulement manuel, devra prendre le relais.
L’utilisation des technologies numériques pour lutter contre la pandémie constitue un
dossier particulièrement sensible. De nombreuses voix critiques s’élèvent au sein de la
société civile, lorsque les initiatives du gouvernement fédéral en la matière sont connues
et au vu du recours au traçage numérique dans certains pays touchés par la pandémie.
Dans le monde académique, signalons également l’initiative du Research Group on Law,
Science, Technology & Society (LSTS) de la VUB, qui lance un observatoire et un site
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gouvernement appelé à renforcer d’urgence les mesures sanitaires et humanitaires », 30 mars 2020,
282
http://oipbelgique.be.
283
Interview de B. Frydman dans La Libre Belgique du 17 avril 2020.
Dans le cas belge, l’emploi du terme « tracing » semble davantage approprié que celui du terme « tracking ».
En Belgique, la solution envisagée ne consiste en effet pas à suivre les individus à la trace en temps réel
afin de vérifier qu’ils respectent effectivement les mesures de confinement ou de quarantaine – dispositif
généralement désigné au moyen du terme « tracking » (bien que la terminologie en la matière ne soit pas
tout à fait stabilisée) – mais à réaliser un traçage a posteriori des contacts afin « de répertorier les interactions
qui ont eu lieu entre des personnes testées positives au Covid-19 et des personnes dites “saines” »
(cf. « “Tracing” vs “tracking” », Le Soir en ligne, 20 avril 2020, https://plus.lesoir.be).
284
Moniteur belge, 4 mai 2020. Le dispositif mis en place par cet arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 18 sera
prolongé à deux reprises : cf. arrêté royal n° 25 du 28 mai 2020 modifiant l’arrêté royal n° 18 du 4 mai
2020 portant création d’une banque de données auprès de Sciensano dans le cadre de la lutte contre
la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 3 juin 2020) et arrêté royal n° 44 du 26 juin
2020 concernant le traitement conjoint de données par Sciensano et les centres de contact désignés
par les autorités régionales compétentes ou par les agences compétentes, par les inspections sanitaires
et par les équipes mobiles dans le cadre d’un suivi des contacts auprès des personnes (présumées) infectées
par le coronavirus Covid-19 sur la base d’une base de données auprès de Sciensano (Moniteur belge,
29 juin 2020).

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 87

Internet uniquement consacrés au sujet de la protection de la vie privée en temps de


285
Covid-19 .
Même s’ils sont minoritaires dans l’espace public, certains acteurs sont favorables au
principe du traçage et à l’usage des technologies numériques pour le réaliser. Ainsi en va-t-il
de Pierre Rion, président du Conseil du numérique wallon (CdN), qui s’exprime dans
La Libre Belgique en son nom personnel : « Oui. Nos libertés fondamentales et le respect
de notre vie privée sont très précieux. Pas plus que moi, les citoyens ne souhaitent être
traqués et les porteurs de virus traités comme des pestiférés. Et je considère qu’on évoque
à son propos de façon très abusive le vocable de “traçage”. Même si les plus difficiles
à convaincre du bien-fondé de ces propos (…) campent sur leur position, ils optent peut-
être pour la liberté de… mourir. Il faut aussi savoir choisir ses combats… » 286. Quant au
risque d’avènement d’une tyrannie du numérique, P. Rion estime qu’une telle inquiétude
est non fondée dès lors que le consentement explicite de l’utilisateur devra être requis 287.
Marc De Vos, du think tank Itinera Institute, se montre également favorable au
développement d’un outil numérique de gestion de la pandémie 288.
Cela vient d’être indiqué, ces quelques voix favorables au traçage des individus, et en
particulier à l’emploi des technologies numériques, sont assez minoritaires. À l’inverse,
de nombreux acteurs s’emploient à exprimer leurs vives inquiétudes en la matière. Une
initiative collective du monde associatif mérite d’être épinglée. Dans une déclaration
conjointe publiée le 2 avril 2020, plus de 100 associations actives en Belgique et à l’étranger
– dont Access Now, Amnesty International, la LDH, Human Rights Watch (HRW) et
Privacy International (PI) – mettent en lumière les risques que comporte le traçage du
point de vue du respect des droits humains, en particulier au regard du respect de la vie
privée et familiale. Si leur position de principe correspond à un refus de voir un usage
public de telles technologies émerger, ces ONG proposent également un certain nombre
de balises dans le cas où les autorités publiques souhaiteraient les mettre en œuvre pour
des raisons sanitaires 289. En résumé, si des données à caractère personnel sont récoltées,
il convient de préciser les finalités qui sont poursuivies, de limiter la durée de la
conservation des données, de garantir l’indépendance de l’autorité chargée de les conserver
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et de s’assurer que le consentement des individus concernés est effectivement obtenu.
Une lettre ouverte est en outre adressée aux responsables politiques le 17 avril, signée par
la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Liga voor Mensenrechten
290
(LVM) et la LDH . Cette intervention se concentre sur la question du traçage de la
population et s’emploie à souligner « le caractère (…) excessif et prématuré des projets
de “tracking” visiblement à l’étude ».

285
Il s’agit du « Data Protection Law & Covid-19 Observatory » : https://lsts.research.vub.be.
286
287
La Libre Belgique en ligne, 21 avril 2020, www.lalibre.be.
Cf. également la tribune suivante : B. BOUSSABAT, « Pas d’intelligence artificielle, pas de déconfinement »,
La Libre Belgique en ligne, 27 avril 2020, www.lalibre.be. L’économiste et politologue Badr Boussabat
est également l’auteur de l’ouvrage L’intelligence artificielle : notre meilleur espoir, Waterloo, Luc Pire, 2020
et de l’article « Pandémie, récession : l’intelligence artificielle, source d’espoir ? », Le Vif/L’Express en ligne,
27 avril 2020, www.levif.be.
288
289
M. DE VOS, « Downloaden, die corona-app! », Trends en ligne, 27 avril 2020, https://trends.knack.be.
« Déclaration conjointe de la société civile. Le recours aux technologies de surveillance numérique pour
combattre la pandémie doit se faire dans le respect des droits humains », 2 avril 2020, www.amnesty.org.
290
« Lettre ouverte aux responsables politiques. Lutte contre le Covid-19 et développement de solutions
technologiques de “tracking” : les droits humains ne doivent pas devenir des victimes collatérales »,
17 avril 2020, www.liguedh.be.

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88 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Divers chercheurs ne manquent pas de se manifester également, leurs interventions


prenant la forme d’opinions individuelles ou plus coordonnées. Yves Poullet, juriste
spécialiste des nouvelles technologies et ancien recteur de l’Université de Namur
(UNamur), publie notamment une carte blanche dans laquelle il invite les pouvoirs publics
291
à respecter les équilibres entre liberté et intérêt général . Il s’y emploie à élargir la
perspective sur le plan temporel : les restrictions aux libertés instaurées en 2001, suite
aux attentats du 11 septembre, sont encore d’application, rappelle-t-il, alors qu’elles n’ont
pas démontré leur efficacité. Le philosophe Axel Gosseries et le cryptographe Olivier
Pereira, tous deux professeurs à l’UCLouvain, insistent sur les avantages du dépistage par
rapport au traçage, en raison du fait que le second est « potentiellement plus attentatoire
à nos libertés et à notre vie privée », mais aussi parce que le premier est source d’inégalités
292
entre ceux qui ont accès et ceux qui n’ont pas accès à la technologie numérique . Les
avocats Étienne Wery et Thierry Léonard (le second étant également professeur à l’USL-B)
s’interrogent quant à l’opportunité d’une telle incursion dans la vie privée au nom
d’impératifs sanitaires 293. Ils réclament également qu’un débat puisse « avoir lieu devant
le Parlement. Il paraît inadmissible que des questions aussi importantes soient tranchées
sans débat public, sans trace ni archive. Ce débat ne peut être sacrifié sur l’autel des
pouvoirs spéciaux ». La juriste Élise Degrave (UNamur) émet de son côté certaines
inquiétudes, notamment s’agissant de la conservation et de la sécurité des données ou
quant à la réalité d’un consentement « éclairé » dans ce domaine 294. Sur la scène
européenne, il est demandé que les institutions de l’Union européenne tracent un « cadre
commun dans lequel la surveillance nécessaire pour atteindre les objectifs de sécurité
sanitaire collective pourra s’exercer sans danger pour les libertés individuelles et pour
l’État de droit » 295.
Des collectifs de signataires plus larges interviennent également. Sur la scène belge,
un certain nombre de chercheurs, évoluant pour la plupart dans des universités
néerlandophones, publient le 6 avril 2020 un texte commun intitulé : « Mesures de
confinement en réponse à la pandémie : comment guider la décision de déployer des
outils numériques de recherche de contacts », qui souligne le manque d’efficacité du
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recours aux technologies numériques dans le cadre de la gestion d’épidémies ou de
296
pandémies . Parmi les signataires, figure le virologue et épidémiologiste Marc Van Ranst
(KU Leuven), membre de plusieurs comités scientifiques – dont le Risk Assessment Group
et le GEES – destinés à évaluer les enjeux de santé publique pendant la période de lutte
contre la pandémie, et habitué des médias.

291
Y. POULLET, « Covid-19, numérique et libertés », Trends-Tendances en ligne, 14 avril 2020,
www.trends.levif.be.
292
A. GOSSERIES, O. PEREIRA, « Combiner traçage et dépistage : quels enjeux ? », Le Soir en ligne, 16 avril 2020,
293
https://plus.lesoir.be.
É. WERY, T. LÉONARD, « Une application de tracing social ? Il est urgent de réfléchir avant d’agir », Le Soir
294
en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
É. DEGRAVE, « Le suivi numérique des citoyens : un pacte avec le diable ? », La Libre Belgique en ligne,
24 avril 2020, www.lalibre.be.
295
P. COLLOWALD, H. LASTENOUSE, A. PAPANASTASSIOU, L. AZGHOUD, « Un minimum européen », Le Soir
296
en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
« Mesures de confinement en réponse à la pandémie : comment guider la décision de déployer des
outils numériques de recherche de contacts / Het gebruik van contact tracing apps bij een pandemie:
enkele kritische beschouwingen », 6 avril 2020, https://rega.kuleuven.be (la liste des signataires est
reproduite en annexe 24 du présent Courrier hebdomadaire).

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 89

Le 18 avril, 100 universitaires signent une carte blanche qui se concentre également sur
297
le développement d’une application numérique « corona » . « L’idée est relativement
simple », écrivent-ils : « Vous téléchargez l’application sur votre téléphone mobile, et vous
participez ainsi à un réseau mobile spécifique créé via l’application : votre téléphone se
connecte à d’autres appareils qui disposent de l’application dans votre quartier. Si vous
êtes infecté par [le] Covid-19, votre appareil peut envoyer cette information aux autres
appareils ; si un membre de votre réseau est infecté, vous pouvez recevoir cette information
vous-même. (…) À première vue, la nouvelle application semble très intéressante pour
réduire le virus et guider la transition vers l’ère du post-confinement. Cela permettrait
d’avoir une vision claire du nombre de personnes infectées, de sorte que les infections
puissent être détectées plus rapidement et les personnes infectées plus efficacement
298
isolées » . Toutefois, indiquent les signataires de cette carte blanche, la technique ainsi
décrite est loin d’être neutre du point de vue du respect des droits humains et « soulève
non seulement des problèmes juridiques, mais aussi éthiques, sociaux, politiques et
techniques – que l’usage de l’application soit volontaire ou obligatoire n’y change rien ».
Le fait que les experts dans ce domaine complexe et technique, celui de la protection de
la vie privée, n’aient pas été consultés fait également l’objet de critiques et d’interrogations :
« Alors que nos gouvernants ont fait montre de modestie, de prudence et de raison,
se résignant à la présence d’autorités académiques dans les domaines épidémique et
virologique, ici, comme par magie, la prise en charge digitale, tout aussi délicate, ne
bénéficie plus d’une même retenue ». En outre, la circonstance suivant laquelle l’arrêté
royal adopté dans l’urgence devrait être prochainement transformé en loi, qui fera
l’objet d’un débat parlementaire en bonne et due forme, n’est pas de nature à apaiser
ces craintes. Selon les experts, le « mal » aura été fait : « L’idée serait que cette loi plus
permanente soit ouverte au débat parlementaire dans les prochains jours. Bien sûr, d’ici
là, le suivi aura déjà commencé et les données stockées dans la base de données ouverte
à tout vent ». En outre, les signataires rappellent que l’arrêté royal en discussion a été
fortement critiqué par l’Autorité de protection des données (APD) et par la LDH. Malgré
cela, il n’a pas fait l’objet d’ajustements majeurs de la part du gouvernement fédéral,
ce qui n’est pas de nature à apaiser les craintes exprimées par de nombreux acteurs de
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la société civile. Le groupe d’experts conclut qu’il est nécessaire de préparer un monde
dans lequel le respect des libertés fondamentales continuera à structurer notre vie collective,
en ajoutant encore : « Notre groupe reste à disposition pour aider, conseiller, accompagner
toute initiative permettant aux citoyens de mieux adhérer et participer à ce fichage, ainsi
que de les rassurer sur toutes les exploitations non désirables qui en tenteront plus d’un
dans le monde d’après ».
Début mai, des chercheurs en droit et en informatique publient une carte blanche sur
299
le site Internet du journal Le Soir . Ils y expriment, une fois encore, des inquiétudes
suscitées par le « déconfinement et son accompagnement digital ». Leur objectif est de

297
« Nécessité et urgence d’un débat public sur l’“application Corona” », Le Vif/L’Express en ligne, 18 avril
2020, www.levif.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 25 du présent Courrier hebdomadaire).
Cette tribune est également publiée au nord du pays : « Open brief aan regering: 100 academici vragen
dringend publiek debat over corona-app », Knack en ligne, 18 avril 2020, www.knack.be ; « Academici
298
vragen dringend publiek debat over corona-app », De Standaard en ligne, 18 avril 2020, www.standaard.be.
« Nécessité et urgence d’un débat public sur l’“application Corona” », Le Vif/L’Express en ligne, 18 avril
299
2020, www.levif.be.
« Tracing : attention aux exploitations non désirables de nos données ! », Le Soir en ligne, 6 mai 2020,
https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 26 du présent Courrier hebdomadaire).

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« sensibiliser le public » au moment où la « mise en place accélérée du traçage manuel


et numérique [est] réalisée en l’absence d’un véritable débat démocratique ». Ils visent
le projet de créer une grande base de données gérée par Sciensano, projet qu’ils estiment
dangereux. Étant donné que la perspective de voir le Covid-19 disparaître reste très
incertaine, de même que la mise au point d’un traitement efficace ou d’un vaccin, ces
inquiétudes concernent aussi la période de l’après-corona.
Ces cartes blanches mettent en lumière une question qui revient dans de nombreuses
analyses publiées durant la période de confinement : « Celle de savoir si des mesures
curatives ne s’avéreront pas beaucoup plus nocives que le mal qu’elles sont censées
combattre, et bien plus longtemps » 300. Cette interrogation fait écho aux questions
formulées par la LDH et la LVM dans leurs nombreuses interventions sur la question
du traçage : « Quelles données, pour quoi faire, collectées par qui et pour combien de
301
temps ? » . De telles clarifications s’avèrent « d’autant plus [nécessaires] qu’il y a un risque
302
réel que ce type de dispositifs survive au moins en partie à la pandémie actuelle » .
Ce mouvement au sein de la société civile culminera dans une lettre ouverte du 15 mai
2020, adressée au président et aux chefs de groupe de la Chambre des représentants, dont
l’intitulé est particulièrement évocateur : « Tracer le Covid, pas les citoyen·ne·s » 303. Il s’agit
d’une initiative de la LDH, qui obtient un soutien très large auprès d’experts, d’avocats,
ou encore d’artistes. Les interrogations et inquiétudes de la société civile sont rappelées.
L’association fournit également au Parlement le texte d’une mesure qu’elle estime
constructive, à savoir une proposition de loi « clé sur porte » pour organiser le traçage
en respectant un certain nombre de balises sur le plan juridique : « Afin de favoriser
un débat parlementaire transparent et renforcer la voix citoyenne, et parce qu’il y a
urgence, un comité restreint d’experts s’est réuni pour élaborer, à l’attention du Parlement,
un texte qui traduit ces balises sous la forme d’une ébauche de proposition de loi. Ce
texte vise à présenter une alternative constructive au texte actuel de l’arrêté royal et peut
être utilisé comme base de discussion dans le cadre d’un véritable débat démocratique sur
ce sujet ». La position de la LDH semble osciller entre un refus relativement net des
dispositifs de traçage, qui se situe sur un plan principiel, et une position plus pragmatique.
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En effet, même si l’objectif qu’elle poursuit est d’empêcher l’instauration d’une telle
pratique, cette ONG avance une proposition de loi qui tend à la valider, ne serait-ce
qu’implicitement.
Une posture d’ouverture vis-à-vis de la société civile semble privilégiée par le Parlement
fédéral. Sans doute alertés par les inquiétudes exprimées par de nombreux experts et
acteurs de terrain, des députés fédéraux déposent, le 22 avril 2020, une proposition
de résolution relative au problème du respect des droits humains dans le cadre du
développement d’une application numérique de traçage des personnes atteintes, réellement
304
ou potentiellement, par le Covid-19 . La discussion de cette proposition de résolution

300
É. GAUDISSART, « Traçage électronique des citoyens : “N’ouvrons pas cette boite de Pandore !” »,
301
Le Vif/L’Express en ligne, 26 avril 2020, www.levif.be.
« Collecte des données personnelles : Pantagruel ou Gargantua ? », 11 mai 2020, www.laliguedh.be.
302
303
Ibidem.
« Tracer le Covid, pas les citoyen·ne·s. Plus de 300 personnalités adressent une lettre ouverte au président
de la Chambre et aux chef·fe·s de groupe », 15 mai 2020, www.laliguedh.be.
304
Chambre des représentants, Proposition de résolution relative au développement potentiel d’une application
mobile pour lutter contre le coronavirus (Covid-19) et à la nécessité de respecter les droits humains, en particulier
le droit au respect de la vie privée, n° 1182/1, 22 avril 2020. Les députés à l’origine de cette proposition

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 91

conduit la commission de l’Économie, de la Protection des consommateurs et de l’Agenda


numérique de la Chambre des représentants à procéder à l’audition d’un certain nombre
d’interlocuteurs institutionnels, ainsi que de spécialistes et de représentants d’associations
issues de la société civile 305. Du côté associatif, Olivia Venet, présidente de la LDH, et
Kati Verstrepen, présidente de la LVM, s’expriment devant les membres de la commission.
Au-delà des débats sur le terrain des droits fondamentaux, certains éclairages plus
philosophiques, prenant la forme d’opinions individuelles plutôt que d’interventions
collectives, sont également à signaler. Ils tendent à souligner que l’intrusion de dispositifs
techniques dans l’existence des citoyens, loin de s’avérer neutres ou simplement dangereux
dans la mesure où ils feraient l’objet de détournements ou d’usages abusifs, sont en
réalité susceptibles de transformer profondément notre rapport au monde et à autrui
306
et, en particulier, de générer un certain nombre de « dépendances » et de « fragilités » .
Au-delà de la question du suivi des personnes infectées par le nouveau coronavirus,
certains observateurs craignent en effet que la numérisation de la société s’accélère de façon
déterminante en raison de la cohabitation avec le virus et des règles de distanciation sociale
qu’il impose 307. De telles craintes se retrouvent dans un certain nombre d’interventions
publiques durant la pandémie, que ce soit en Belgique ou à l’étranger. Plusieurs
observateurs s’inquiètent des bouleversements qui risquent d’être induits par la crise
bien après sa survenance et alors qu’elle aura, par hypothèse, pu être largement voire
308
totalement maîtrisée .

Dans le domaine des droits et libertés, un pan assez mobilisé de la société civile se
manifeste durant la crise, surtout par le moyen de cartes blanches et de lettres ouvertes
adressées aux responsables politiques. Si le rôle de certaines associations de défense des
droits humains (LDH et LVM) semble jouer un rôle moteur dans ce secteur, il convient
également de souligner la mobilisation de professionnels de la justice et d’académiques.
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de résolution sont Jessika Soors, Gilles Vanden Burre et Tinne Van der Straeten, tous trois membres du
groupe Écolo-Groen. La proposition de résolution est également signée par des députés issus du PS,
du CD&V, de l’Open VLD, du SP.A, du CDH et de Défi. La proposition de résolution est adoptée le
305
13 mai en commission, puis le 20 mai en séance plénière.
Chambre des représentants, Commission de l’Économie, de la Protection des consommateurs et de l’Agenda
numérique, Proposition de résolution relative au développement potentiel d’une application mobile pour
lutter contre le coronavirus (Covid-19) et à la nécessité de respecter les droits humains, en particulier le droit
au respect de la vie privée. Rapport, n° 1182/5, 14 mai 2020, p. 25-95. L’avis de la commission de la Justice
de la Chambre est également recueilli.
306
T. BERNS, « Comment poser la question des technologies de traçage de manière politique ? », Le Soir
307
en ligne, 19 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
« Ne laissons pas s’installer le monde sans contact », 5 mai 2020, www.cadtm.org. Ce texte est porté par
un collectif de signataires français et espagnols ; en Belgique francophone, il est répercuté par le Comité
308
pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM).
Cf. notamment les analyses déjà citées supra : S. KLIMIS, « L’état d’urgence : une exception qui confirme
la règle ? », Le Soir en ligne, 11 avril, https://plus.lesoir.be ; interview de B. Frydman in La Libre Belgique en
ligne, 17 avril 2020, www.lalibre.be ; T. BERNS, « Comment poser la question des technologies de traçage
de manière politique ? », Le Soir en ligne, 19 avril 2020, https://plus.lesoir.be.

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92 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Plusieurs fronts complémentaires peuvent être mis en lumière. La mise à l’arrêt partielle
du service public de la justice suscite des réactions qui placent à l’avant-plan du débat
public les notions d’État de droit et de séparation des pouvoirs, mises sous pression durant
la crise. L’adoption de mesures d’exception impliquant la limitation voire la suspension
de certaines libertés fondamentales génère un certain nombre d’interrogations voire
d’inquiétudes exprimées par divers acteurs, qu’ils soient professionnels de la justice,
membres du tissu associatif ou simples citoyens. Ces craintes portent notamment sur
la situation spécifique dans les prisons. La mise entre parenthèses partielle des règles
régissant l’État de droit, qui marque cette crise, s’avère particulièrement préoccupante
dans le monde pénitentiaire – qui constitue déjà, en temps normal, un lieu dans lequel
les risques de violation des droits humains sont plus importants. La thématique du traçage
des individus qui est organisé dans le cadre du processus de déconfinement enclenché
au début du mois de mai 2020 suscite également de vifs débats, particulièrement nourris.
Plus qu’un générateur de problèmes entièrement nouveaux, la situation exceptionnelle
de pandémie agit comme un catalyseur de débats qui préexistaient à la crise (qui sont
parfois fortement exacerbés par celle-ci, comme la question de la surveillance numérique
des citoyens) et souligne par ailleurs des tensions grandissantes entre les pouvoirs exécutif
et judiciaire.
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9. PENSER LE RENOUVELLEMENT
DÉMOCRATIQUE ET LA PARTICIPATION
CITOYENNE DANS UN CONTEXTE INÉDIT

Un des effets marquants de la crise sanitaire est la mise sous tension du fonctionnement
de la démocratie. En effet, les mécanismes habituels de la démocratie représentative sont
rapidement aménagés, soit par pragmatisme, soit en raison de l’urgence de la situation.
Ainsi, le 26 mars 2020, le gouvernement fédéral Wilmès II est doté des pouvoirs spéciaux
pour trois mois, renouvelables une fois. Les parlements régionaux et communautaires
– à l’exception du Parlement flamand – octroient eux aussi les pouvoirs spéciaux à leurs
309
gouvernements respectifs . Cela signifie que les exécutifs concernés sont dotés de
prérogatives qui, en principe, sont de la compétence du pouvoir législatif 310. C’est
notamment sur cette base que sont temporairement limitées une série de libertés
fondamentales (cf. supra).
La pandémie de Covid-19 place aussi la participation citoyenne – au sens de participation
au sein de processus décisionnels – dans une situation paradoxale. En effet, alors que
les mesures de confinement et de distanciation sociale décidées par les autorités publiques
rendent plus complexes les processus participatifs (à l’œuvre, en Belgique, principalement
au niveau local ou régional/communautaire mais pas seulement 311), d’aucuns considèrent
dans le même temps que la crise sanitaire constitue une fenêtre d’opportunité pour un
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sursaut de participation citoyenne.
Les difficultés rencontrées en période de confinement par les organisations promouvant,
soutenant ou développant des dispositifs participatifs sont principalement liées au fait qu’il
devient impossible de rassembler physiquement des citoyens dans un même espace afin
de leur permettre de délibérer. Cette difficulté est notamment rencontrée par l’asbl
Particitiz. Celle-ci a pour objectif de réfléchir, développer et tester des processus de
participation et délibération citoyennes sur la base d’un large réseau de citoyens, de
professeurs et chercheurs en sciences politiques, de spécialistes des dispositifs délibératifs
et participatifs, d’entrepreneurs du monde digital et de représentants des secteurs de la
312
culture, de l’entreprise et de la politique . Alors qu’elle accompagne le développement de

309
F. BOUHON, A. JOUSTEN, X. MINY, E. SLAUTSKY, « L’État belge face à la pandémie de Covid-1. Esquisse
310
d’un régime d’exception », op. cit., p. 18-34.
Ibidem ; J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) »,
op. cit., p. 36.
311
Cf. par exemple C. NIESSEN, M. REUCHAMPS, « Le dialogue citoyen permanent en Communauté
312
germanophone », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2426, 2019.
Cf. le site Internet https://particitiz.org.

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94 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

plusieurs dispositifs participatifs au moment où se déclare la crise sanitaire, Particitiz


suggère que les administrations publiques avec lesquelles elle travaille alors interrogent
les citoyens déjà tirés au sort et leur demandent s’ils sont disposés à poursuivre les
délibérations de manière digitale. Sur la base des avis positifs ainsi reçus, la Ville de
Bruxelles décide de poursuivre en ligne le processus qui avait été précédemment amorcé.
En revanche, les autres communes (Auderghem, par exemple) suspendent quant à elles
les mécanismes participatifs mis en place, sur la base des avis plus mitigés remis par les
citoyens. Gelé, le futur de ces mécanismes est désormais incertain et invite les organisateurs
à prévoir des alternatives permettant, dès la sortie de crise, de reprendre les travaux déjà
entamés. La gestion des processus participatifs ainsi lancés avec l’appui de Particitiz
permet d’illustrer à quel point la participation citoyenne peut être mise sous tension
en période de crise et, en particulier, de confinement.
La question soulevée par le gel des dispositifs participatifs initiés avant la crise sanitaire
est essentiellement celle de la « fracture numérique ». Alors que l’objectif de tels dispositifs
est généralement d’assurer une représentation fidèle de la société – par exemple en termes
de genre, de statut socio-professionnel, d’âge ou de niveau de diplôme –, la fracture
numérique remet en cause ce principe de représentativité dès lors que le mécanisme
participatif se déroule à travers des outils numériques, pour lesquels il est connu que
certaines franges de la population ont un accès et une maîtrise moindres. Néanmoins, dans
le même temps, la pandémie se révèle aussi être une opportunité pour celles et ceux qui
militent en faveur de l’instauration de davantage de mécanismes participatifs en Belgique.
Plusieurs initiatives – de divers ordres – voient le jour en ce sens pendant la période de
confinement.
Une des premières d’entre elles est la publication, le 20 mars 2020, de la carte blanche
intitulée « Et le jour d’après ? Pour un “CoronaReset” » (cf. supra), qui reçoit un soutien
notable au sein de la population (plus de 16 000 citoyens y adhèrent). Pour atteindre
un certain nombre d’objectifs d’ordre à la fois écologique et social, les auteurs de ce texte
indiquent qu’il est essentiel que les citoyens et les acteurs de la société civile soient
directement associés, à travers une modernisation du fonctionnement démocratique,
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aux changements qui devront être opérés pour répondre aux défis suscités par la crise.
Ils ne précisent toutefois pas par quels moyens la démocratie est selon eux appelée à se
renouveler.
À travers une carte blanche publiée par Le Soir le 24 avril 2020, les représentants de
trois associations actives dans le développement et la mise en œuvre de mécanismes
démocratiques participatifs ainsi qu’un particulier engagé lancent eux aussi un appel aux
autorités publiques afin que la parole soit davantage donnée aux citoyens pour répondre
313 314
à la crise sanitaire . Dans leur texte, Stephen Boucher, représentant de Dreamocracy ,
Dimitri Lemaire, représentant de Particitiz, Stéphane Michiels, s’exprimant au nom de
Belvox.org 315, ainsi que Michel Genet, citoyen actif 316, dénoncent le fait que nombreux

313
« Donner la parole aux citoyens, pour sortir ensemble du confinement », Le Soir en ligne, 24 avril 2020,
314
https://plus.lesoir.be.
Dreamocracy se définit comme un « think-and-do-tank » qui fournit des conseils aux organisations et met
315
en œuvre des initiatives participatives.
Lors des élections régionales wallonnes du 26 mai 2019, S. Michiels a tiré la liste du Collectif citoyen dans la
circonscription du Brabant wallon.

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 95

sont les experts à être invités à s’exprimer ou à jouer un rôle actif dans la gestion de la crise
– par exemple à travers le Groupe d’experts en charge de l’exit strategy (GEES), composé
de cinq spécialistes médicaux et de cinq personnes issues du monde socio-économique –
alors que, dans le même temps, l’expérience de vie des citoyens n’est pas directement
prise en considération. Selon eux, il est important de pouvoir associer les citoyens aux
réflexions menées sur la gestion de la crise et de l’après-crise. Ainsi, ils indiquent : « La
crise que nous vivons est exceptionnelle à bien des égards. Entre autres le fait que notre
vie est devenue plus que jamais centrée sur les experts qui, à longueur de journée,
déversent leurs avis sur les divers aspects que cette vie confinée nous inflige. Chaque
matin, nous scrutons la communication des autorités sur les chiffres sanitaires du jour
ainsi que la communication de S. Wilmès après le fameux [Conseil national de sécurité
(CNS)]. Notre destin – au sens littéral du terme – puisqu’il s’agit de notre santé, voire
de notre survie – dépend entièrement des décisions de ce CNS, qui dit se baser sur l’avis
de ces fameux experts scientifiques. Pour autant, reconnaissons que ce qu’on a gagné
en sécurité en procédant de la sorte, on l’a perdu en débat démocratique et citoyen.
Nos parlementaires ont donné un peu partout les clés du pouvoir aux exécutifs et nous
nous sommes tous fondus dans un consensus inspiré d’une confiance qu’en d’autres
temps, on qualifierait d’aveugle ». Les auteurs de la carte blanche appellent les autorités
publiques à se saisir du « vécu de chacun » dans une optique participative : « Osons
l’innovation démocratique et la participation citoyenne pour sortir par le haut
démocratique de cette crise, donnons l’opportunité aux citoyens de s’entendre et de
débattre afin de renforcer la confiance face à leurs dirigeant·e·s, et permettons surtout
à ce groupe d’experts “exit strategy” de se nourrir également du vécu, tellement
important et enrichissant, d’un grand nombre de citoyens ». Alors que les membres du
collectif ainsi formé militaient déjà en faveur de davantage de participation citoyenne
avant l’éclatement de la crise sanitaire, ils considèrent que la crise survenue rend plus
importante que jamais l’inclusion des citoyens dans les processus décisionnels.
Cette carte blanche n’est pas sans faire écho à un autre texte du même type, publié la veille
317
par trois chercheurs de l’UCLouvain . Si ces derniers n’appellent pas directement
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à l’instauration de mécanismes participatifs, ils dénoncent le manque de transparence
qui préside à l’adoption de mesures visant à répondre à la pandémie, dont les mesures
de confinement. Rédigée par Simon Desplanque, Thomas Laloux et Damien Pennetreau,
cette carte blanche indique : « Sans juger du contenu des mesures prises par le
gouvernement, nous affirmons que leur justification explicite est nécessaire, tant du
point de vue démocratique que de celui de leur efficacité ». Les trois chercheurs regrettent
ainsi, sinon le manque d’implication des citoyens dans le processus, le manque
d’information de la part des autorités publiques à destination des citoyens : « C’est d’autant
plus curieux que le gouvernement se fonde officiellement sur des rapports scientifiques
318
et des avis d’experts. Or, ceux-ci ne sont pas publics . Notre gouvernement a dû faire
des choix difficiles. La population doit les supporter. Les Belges ont donc le droit de
connaître les raisons pour lesquelles les alternatives adoptées l’ont été au détriment d’autres
possibles ».

316
M. Genet est l’ancien directeur de Greenpeace Belgium, l’ancien directeur d’Etopia et l’ancien directeur
er
politique d’Écolo. Le 1 juillet 2020, il deviendra le directeur général de Médecins du monde Belgique.
317
« Bas les masques : une gestion saine et efficace du Covid-19 requiert de la transparence », Le Soir en ligne,
318
23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
Il est à noter que ces rapports ont été rendus publics par la suite.

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96 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

La volonté d’élargir encore la notion d’expertise afin d’inclure davantage les citoyens au
sein des processus décisionnels dans la cadre de la gestion de la crise sanitaire apparaît aussi
dans le chef de la plateforme belge francophone Associations 21 pour un développement
durable (Associations21), qui est la coupole de développement durable reconnue par
l’Autorité fédérale (via l’Institut fédéral pour le développement durable - IFDD) et qui
regroupe les associations et organisations citoyennes belges actives dans l’ensemble des
secteurs du développement durable. Le 15 avril 2020, cette plateforme fait parvenir
une lettre à la Première ministre, S. Wilmès, ainsi qu’à Pierre Wunsch, gouverneur de
la Banque nationale de Belgique (BNB), en sa qualité de président de l’Economic Risk
Management Group (qui est l’organe de conseil en matière économique mis sur pied
319
par le gouvernement fédéral le 19 mars 2020 ). À travers celle-ci, Associations21 fait
connaître la volonté de la société civile belge d’être consultée dans le cadre des travaux
menés par cet organe consultatif. Concrètement, la coupole informe les destinataires
de son courrier qu’elle collecte et synthétise les prises de position de ses membres et de ses
partenaires à propos des conséquences économiques de la crise sanitaire. En conséquence,
elle demande à être impliquée dans les travaux de l’Economic Risk Management Group,
afin que l’avis des citoyens en matière de développement durable puisse davantage être
pris en compte.
320
Dès le début du mois de mai, le Community Land Trust Bruxelles (CLTB) – qui est
une plateforme active dans le secteur du logement – propose d’œuvrer à une plus grande
intégration des citoyens au niveau de l’adoption de décisions en Région bruxelloise. Le
CLTB publie une carte blanche – co-signée par plusieurs dizaines d’associations et de
citoyens – afin d’exhorter les autorités publiques régionales bruxelloises à « transformer
cette crise en une opportunité » 321. Concrètement, il demande l’instauration d’un conseil
régional de la transition, dont la mission serait de proposer un plan pour l’après-crise
pour que « Bruxelles se mue en pionnière de la transition démocratique, écologique et
sociale en Europe ». La particularité de cette initiative est qu’elle est strictement bruxelloise
et porte spécifiquement sur le niveau de pouvoir régional bruxellois.
Le plan Sophia proposé par le Resilience Management Group (RMG) déjà évoqué supra
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comporte lui aussi une section revendiquant que soit lancée « une convention interfédérale
pour la transition et la démocratie, chargée d’initier et organiser un vaste processus inédit,
délibératif, bottom-up, participatif et pragmatique, de réflexions, propositions de mesures
322
et projets concrets afin de remettre notre démocratie en marche » . Cependant, à l’inverse
de l’initiative développée par le CLTB, celle du RMG s’inscrit dans une démarche qui
se veut interfédérale, sous l’égide du Comité de concertation ou des différentes assemblées
parlementaires du pays. La logique est néanmoins semblable puisqu’il est question
d’associer davantage les citoyens dans les processus décisionnels.

319
Cf. J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit.,
320
p. 21-22.
Sur la notion de « community land trust », cf. N. BERNARD, G. DE PAUW, L. GERONNEZ, « Coopératives
321
de logement et Community Land Trusts », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2073, 2010.
« Nous appelons à la constitution immédiate d’un Conseil régional de la transition », La Libre Belgique
en ligne, 14 mai 2020, www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 27 du présent
322
Courrier hebdomadaire).
« Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 »,
mai 2020, www.groupeone.be, p. 29.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 97

La plateforme de participation citoyenne numérique Fluicity envisage également


l’organisation de processus participatifs afin de « concevoir ensemble le scénario de
demain ». Mais son rôle diffère des initiatives précédemment présentées. Alors que ces
dernières visaient à inciter, par voie de cartes blanches, les autorités publiques à mettre
en place ce type de dispositifs, Fluicity intervient plus directement – en tant que start-up –
à travers son propre site Internet en proposant ses services dans la mise en œuvre de
tels dispositifs : « Nous savons que les défis économiques, écologiques et sociaux qui
nous attendent nécessitent une implication forte des citoyens. Le scénario de demain est
indissociable d’un nouveau scénario démocratique, qui se faisait déjà sentir avant la
crise sanitaire ». Dès lors, Fluicity propose de mettre des spécialistes de la participation
citoyenne à la disposition d’autorités publiques afin d’impliquer et de coordonner les
323
citoyens, les associations et les acteurs privés dans un exercice d’intelligence collective .
Dans la même perspective, la start-up Citizenlab offre également ses services pour mettre
concrètement en place des mécanismes de démocratie participative : « Les gouvernements
locaux sont au premier plan de la crise actuelle liée au Covid-19 (…). Chacun de nous
a un rôle à jouer (…). Au cours des prochaines semaines, notre priorité va être d’aider
les collectivités locales à mettre en place des plateformes numériques et à assurer une
transition efficace vers ces nouvelles pratiques. Nous cherchons à vous aider par tous
les moyens possibles, qu’il s’agisse de fournir des outils numériques, d’accompagner
vos projets ou encore de partager les meilleures pratiques en matière de participation
numérique » 324.
Basé en France, l’Institut de la concertation et de la participation citoyenne (ICPC) – qui
est un espace de débat et de réflexion indépendant en matière de participation citoyenne –
initiera quant à lui le débat sur la base de l’annonce d’un atelier en ligne intitulé « Évaluer
325
sa démarche participative : pour quoi faire ? », le 25 mai 2020 . Relayée en Belgique,
cette conférence en ligne permet de questionner la place de la participation citoyenne :
« Dès la stupeur passée, les regards n’ont pas tardé à se porter sur “l’après Covid-19”
et les médias à s’en faire l’écho. Que sera notre société après la crise sanitaire qui secoue
aujourd’hui la planète ? (…) [Un scénario] nous invite à aller vers plus de contrôle citoyen
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des politiques et des dépenses publiques, une plus grande obligation des autorités de
rendre compte de leurs choix et de faire confiance aux citoyens et aux associations,
une exigence de coopération renforcée entre décideurs publics, professionnels, experts
et citoyens. Dans ce scénario, le dialogue et même les décisions partagées seront à l’agenda
politique de l’après-coronavirus pour préparer le choix assumé d’un destin commun ».
À côté de ces initiatives collectives, associatives et/ou commerciales, régionales, nationales
ou transnationales, plusieurs initiatives personnelles émergent aussi durant la période
de confinement afin de préparer l’après-crise sur la base d’une plus grande implication
des citoyens dans les processus décisionnels. Ainsi, le 29 avril 2020, Ilona Lodewijckx, digital
content creator chez Citizenlab, publie une opinion sur le site Internet de cette plateforme,
par laquelle elle regrette le caractère imparfait de la démocratie belge, notamment en
conséquence du faible niveau de participation politique et de la faible confiance des
citoyens envers les partis politiques. Selon elle, « dans un contexte de déclin démocratique,

323
« Comment organiser une consultation citoyenne sur l’après Covid-19 ? », s.d. [c. 7 mai 2020],
324
https://get.flui.city.
325
« Covid-19 : nous sommes là pour vous aider », 16 mars 2020, www.citizenlab.co.
Cf. le site Internet https://i-cpc.org.

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98 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

la participation des citoyens est souvent citée comme le meilleur moyen de rétablir la
confiance entre les citoyens et leurs gouvernements. Les budgets participatifs, recueils
d’idées ou enquêtes qui permettent aux citoyens de faire entendre leurs voix et d’influencer
la prise de décisions au niveau local peuvent augmenter la transparence du processus
politique et générer du soutien pour les politiques qui en découlent ».
Une action moins conventionnelle est également organisée par la branche belge du
mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR). Le 14 avril 2020, XR lance une action
visant à « sortir véritablement de cette crise de manière équitable » (cf. supra). Pour
ce faire, le mouvement diffuse en ligne une vidéo manipulée de la Première ministre
S. Wilmès, dans laquelle il fait croire qu’elle annonce que « la pandémie actuelle et la crise
climatique et écologique ont des origines communes et nécessitent des solutions intégrées
326
et justes » . Au-delà de la question écologique au cœur du message diffusé, c’est aussi
la question du renouveau démocratique qui est abordée. XR défend un modèle de
participation citoyenne basé sur le tirage au sort : « Les mesures nécessaires pour faire
face à la crise écologique affecteront chacun d’entre nous de manière permanente. Aucun
gouvernement ne devrait prendre seul des décisions d’une telle portée, même en situation
d’urgence. Ceux qui seront affectés par ces mesures doivent être ceux qui les déterminent.
Il s’agit non seulement de l’option la plus juste, mais aussi de la plus efficace. [Nous
annonçons] ainsi la mise en place immédiate de nouvelles assemblées citoyennes. Assistées
d’experts, ces assemblées auront pour tâche de déterminer les priorités les plus urgentes
ainsi que formuler les politiques que le gouvernement devra suivre. Ses membres seront
tirés au sort et représenteront proportionnellement tous les habitants de la Belgique :
chacun pourra être appelé à participer à une assemblée, jeunes et vieux, riches et pauvres,
citoyens de toutes tendances politiques et de toutes provenances ethnoculturelles.
Déterminer la manière dont nous sortirons de la crise du coronavirus aura une
conséquence énorme sur notre avenir. Les différents secteurs économiques ont des impacts
très différents sur notre environnement ainsi que sur le bien-être des personnes. Quelles
entreprises choisirons-nous de soutenir avec l’argent du contribuable une fois sortis
du confinement ? Comment au mieux venir en aide à toutes celles et ceux qui bientôt
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auront des difficultés à payer leurs factures à cause du coronavirus ? Comment faire en
sorte que notre système de santé reste suffisamment solide pour résister aux prochaines
327
crises ? Répondre à ces questions sera la première tâche des assemblées citoyennes » .
La vidéo est diffusée en ligne ; elle est en outre envoyée à la Première ministre, aux
ministres-présidents régionaux et communautaires, aux présidents de parti et aux
différents ministres belges 328.
Enfin, à côté de ces initiatives invitant à faire participer davantage les citoyens aux
processus décisionnels, plusieurs initiatives visent à impliquer les citoyens dans la réflexion
collective à propos de la « société de demain », sans enjeu concret et immédiat. Il s’agit
donc de démarches de plus long terme. C’est le cas de l’appel pour un « CoronaReset »

326
« Extinction Rebellion produit une vidéo d’un discours fictif de Wilmès pour relancer leurs actions »,
327
Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
« #TellTheTruthBelgium. La vérité sur le Covid-19 et la crise écologique. Un discours pour Sophie Wilmès »,
328
14 avril 2020, www.extinctionrebellion.be.
« Extinction Rebellion diffuse un discours fictif de Sophie Wilmès sur la crise climatique », BX1, 14 avril
2020, https://bx1.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 99

déjà évoqué, mais aussi de l’appel BeterNaCorona, de l’Apprêt ou encore du Post Corona
Movement (PCM) (cf. supra).

Ces paragraphes mettent en lumière l’imbrication d’un ensemble varié d’acteurs dans
la réflexion visant à inclure davantage les citoyens au sein des processus décisionnels dans
le cadre et à la suite de la pandémie de Covid-19. Alors que certains acteurs (associations,
mouvements sociaux, chercheurs et citoyens engagés) initient des démarches afin de
réclamer l’instauration de tels mécanismes, d’autres (des start-ups) tentent de proposer
leurs services quant à la mise en œuvre concrète de ces dispositifs sur la base de plateformes
numériques. Les moyens d’action de ces différents acteurs sont variés : alors que les
premiers s’expriment principalement par la voie de cartes blanches, par l’organisation
de conférences en ligne ou à travers des actions beaucoup moins conventionnelles
(détournement d’une vidéo, dans le cas de XR), les seconds agissent principalement
depuis leur propre site Internet en promouvant les outils qui constituent leur expertise.
Néanmoins, tous entendent faire participer davantage les citoyens dans un contexte où
les décisions sont principalement adoptées sur la base d’avis formulés par des experts
et dans le cadre de processus considérés comme étant peu transparents. Le défi auquel
se trouvent confrontés ces acteurs est par ailleurs identique : alors que tous considèrent
que la crise sanitaire est une fenêtre d’opportunité pour un renouveau démocratique,
la nécessité – imposée par le contexte – de recourir aux outils numériques pour mettre
concrètement en œuvre des mécanismes participatifs soulève la question de la fracture
numérique, qui fait obstacle à la représentativité ou à la participation de tous.
Il est à noter que la majorité des acteurs qui se mobilisent pour tenter de renforcer la
participation citoyenne dans les processus décisionnels s’étaient déjà positionnés sur cette
question avant la crise sanitaire. L’effet de la pandémie, dans un premier temps, porte
donc principalement sur les acteurs déjà acquis à une cause que Loïc Blondiaux et Yves
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329
Sintomer qualifient d’« impératif délibératif » . Cela peut s’expliquer par le fait que
les mesures adoptées par les autorités publiques durant la crise sanitaire ne semblent pas
contribuer à accroître la méfiance des citoyens à l’égard du fonctionnement démocratique,
au moins dans le court terme. Au contraire, la confiance des citoyens envers le
gouvernement et leur satisfaction envers la démocratie semble s’accroître en mars-
330
avril 2020 .

329
L. BLONDIAUX, Y. SINTOMER, « L’impératif délibératif », Rue Descartes, volume 63, n° 1, 2009, p. 28-38.
330
Cf. D. BOL, M. GIANI, A. BLAIS, P. J. LOEWEN, « The effect of Covid-19 lockdowns on political support:
some good news for democracy? », European Journal of Political Research en ligne, 19 mai 2020,
https://ejpr.onlinelibrary.wiley.com.

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CONCLUSION

Le 17 mars 2020, la Première ministre, Sophie Wilmès (MR), annonce qu’un confinement
généralisé entrera en application dès le lendemain à midi, et ce au moins jusqu’au 5 avril.
La décision est ensuite prolongée, par étapes, jusqu’au 4 mai, date qui sera celle de la
première étape du processus de déconfinement. Alors que les citoyens sont confinés à leur
domicile, les prises de position visant à préparer l’après-crise sanitaire frappent par leur
nombre, par les canaux à travers lesquels elles s’expriment et par les collaborations
– parfois inédites – qu’elles suscitent. Cinq enseignements majeurs peuvent être tirés de
l’analyse des initiatives citoyennes menées durant la période de confinement sur lesquelles
porte le présent Courrier hebdomadaire.
Primo, la période investiguée – qui peut être considérée comme le point paroxystique
de la crise sanitaire s’agissant de la Belgique – est marquée par un très grand nombre
d’interventions citoyennes dont l’objectif, pour celles et ceux qui y prennent part, est
parfois de gagner en visibilité afin de se positionner dans une société civile sans doute
appelée à être au moins partiellement reconfigurée après la pandémie, mais aussi de poser
une réflexion sur la gestion de la crise et d’envisager l’après-crise dans une perspective de
moyen voire de long terme. Si la mobilisation citoyenne n’est un phénomène ni nouveau
en soi ni rare en Belgique 331, le nombre important d’initiatives qui voient le jour en un
laps de temps relativement court et dans des circonstances pourtant a priori peu
propices aux mobilisations (activation de réseaux préexistants et, a fortiori, création de
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nouveaux réseaux) doit être souligné.
Les acteurs à l’origine de ces initiatives sont variés. Si de nombreuses initiatives présentent
un caractère individuel ou quasi individuel, en ce sens qu’elles sont portées par une ou
quelques personnes tout au plus, d’autres initiatives, en grand nombre également, revêtent
un caractère collectif, c’est-à-dire qu’elles émanent du rassemblement de plusieurs
citoyens et/ou associations (ou reçoivent, à tout le moins, le soutien de ces derniers).
En l’occurrence, ces associations sont de plusieurs types : soit elles défendent des intérêts
spécifiques à une profession ou à un segment particulier de la population, soit elles
rassemblent, dans le cadre d’une réflexion collective ou, au minimum, partagée, des
organisations et/ou des personnes issues de milieux différents. Lorsqu’il s’agit de
personnalités individuelles, les initiatives réunissent des acteurs venus du monde
scientifique et académique (c’est le cas de plusieurs études d’assez grande ampleur), du
monde associatif, culturel, hospitalier, mutuelliste ou encore syndical. Les syndicats,

331
E. NEVEU, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 1996 ; J. FANIEL, C. GOBIN,
D. PATERNOTTE (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale
contemporaine, op. cit.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 101

d’ailleurs, sont particulièrement présents dans ce cadre, ce qui reflète assez logiquement
332
la place majeure qu’ils occupent dans le paysage social belge .
Secundo, les initiatives collectives – sur lesquelles s’est concentré le présent Courrier
hebdomadaire – peuvent rassembler des acteurs (individus ou associations) parfois très
variés, voire qui n’ont pas l’habitude de collaborer entre eux ou, à tout le moins, de
défendre ensemble une même cause à travers une action commune. Par exemple, même
si certaines actions portant sur les inégalités touchant les femmes sont menées par des
ensembles homogènes dans leur composition (comme la lettre envoyée à la Première
ministre le 24 avril, signée par une trentaine d’associations de femmes), d’autres actions
exprimant des inquiétudes identiques et des demandes semblables regroupent un ensemble
beaucoup plus hétérogène de citoyens et d’associations, comme la carte blanche « Pour
une prise en compte du genre dans le déconfinement et l’après-crise Covid-19 » publiée
le 14 avril, signée par un grand nombre d’acteurs issus du monde académique, culturel
ou associatif. Dans certains cas, les acteurs ainsi ponctuellement rassemblés étaient a priori
peu susceptibles d’unir leurs forces puisqu’ils sont situés de part et d’autre des différents
clivages qui structurent la société belge. Ainsi en est-il de l’appel BeterNaCorona, porté
en Flandre par onze médias et groupes de réflexion pas forcément habitués à se parler.
Tertio, les enjeux au cœur de ces initiatives sont variés mais gravitent tous autour de neuf
thématiques spécifiques : le financement des services publics, la culture, l’enseignement,
la pauvreté et les inégalités sociales, le travail, l’écologie, la mondialisation, les libertés
fondamentales et la participation citoyenne. Il est toutefois remarquable que certains
enjeux mobilisent davantage que d’autres. Il en est ainsi de la pauvreté et des inégalités
sociales (y compris des inégalités de genre), de l’écologie et des libertés fondamentales.
Pour sa part, la position adoptée sur ces enjeux par les acteurs étudiés est très souvent
similaire d’une initiative à l’autre. Cela signifie non pas que les demandes ou revendications
sont nécessairement identiques, mais qu’elles participent d’une même logique ou
s’inscrivent dans une idéologie commune. Il en est ainsi des initiatives relatives à la
culture, de celles ayant trait aux sans-papiers et aux demandeurs d’asile et de celles qui
se rapportent à l’écologie. Quant à elle, la critique formulée à l’égard de la mondialisation
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est essentiellement économique et vise à repenser les fondements capitalistes sur lesquels
ce phénomène repose ; la critique politique réclamant davantage de souverainisme et
dénonçant l’immigration et le multiculturalisme induits par la mondialisation se fait
assez discrète (si l’on excepte les partis politiques d’extrême droite). L’enjeu au sujet
duquel le consensus est sans doute le moins établi est celui des libertés fondamentales.
Il est enfin à noter que certaines initiatives – généralement portées par un nombre
important d’acteurs – sont de nature transversale et portent sur un vaste ensemble de
thématiques à la fois. Il en est ainsi des analyses formulées par un regroupement de
123 chercheurs dans un document intitulé « Societal exit from lockdown / Déconfinement
sociétal / Maatschappelijke exit-strategie » et du plan Sophia proposé par le Resilience
Management Group (RMG), ou encore de la carte blanche « Gérer l’urgence… puis

332
J. FANIEL, C. GOBIN, D. PATERNOTTE, « La Belgique des mouvements sociaux », in J. FANIEL, C. GOBIN,
D. PATERNOTTE (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale
contemporaine, op. cit., p. 5-42. Pour rappel, l’action des syndicats durant la période de confinement
dépassant largement les prises de position examinées dans le présent Courrier hebdomadaire (gestion
des nombreuses demandes d’indemnisation au titre du chômage temporaire, participation aux organes
de la concertation sociale à tous les niveaux, mobilisation dans certains secteurs ou entreprises, etc.),
elle n’a pas pu y être examinée de manière spécifique.

CH 2457-2458
102 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

réinventer l’avenir » publiée le 1er avril 2020 et du rassemblement d’acteurs qui l’a suivie,
Faire front.
Quarto, la question des moyens d’action à utiliser est d’autant plus cruciale que les
interventions citoyennes dont il est question dans le présent Courrier hebdomadaire
prennent place dans une période marquée par le confinement. La grande majorité des
initiatives visant à préparer l’après-crise sanitaire sont des prises de position qui adoptent
la forme de cartes blanches, et ce quel que soit l’enjeu défendu. Considéré comme un
des modes de mobilisation citoyenne les plus « légers », en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une
action directe (comme la manifestation ou le boycott), et encore moins d’une action
illégale ou violente 333, le recours à la carte blanche offre l’avantage de nécessiter peu
de moyens tout en permettant de rallier un grand nombre de citoyens ou d’associations
et de bénéficier d’une visibilité parfois large. En outre, il permet aux signataires de respecter
les normes en vigueur en matière de confinement. Dans la même logique, plusieurs lettres,
souvent signées par un grand nombre de personnes et/ou d’associations, sont envoyées
aux responsables politiques afin de partager une inquiétude et de proposer des solutions.
Enfin, les cartes blanches sont, pour le monde associatif, une manière d’assurer ses missions
d’éducation permanente et de conserver sa légitimité au sein de la société civile dans
une période où les rassemblements physiques ne sont pas autorisés.
Mais d’autres moyens d’action sont aussi utilisés. Particulièrement dans le secteur de
l’enseignement, des enquêtes en ligne voient par exemple le jour afin de mieux connaître
les attentes de certains pans de la population et d’exercer une forme de pression sur les
autorités publiques. Parfois, l’action adopte la forme de la publication d’un rapport
d’expertise détaillé, généralement à l’initiative de personnes issues du monde académique.
Certaines actions plus originales sont aussi développées, comme la diffusion par Extinction
Rebellion (XR), le 14 avril, d’une vidéo manipulée dans laquelle apparaît la Première
ministre afin de revendiquer davantage d’attention à la question environnementale et
davantage de participation citoyenne au sein des processus décisionnels. Enfin, quelques
rassemblements ont été organisés, qui ont trouvé un certain écho dans les médias : illégale
au regard des règles interdisant les rassemblements en cette période de crise sanitaire,
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la brève manifestation tenue le 20 avril devant la Tour des Finances, par laquelle une
soixantaine de sans-papiers ont réclamé une plus grande protection de la part de l’État,
a été relayée par la presse. Plus encore, intervenue quelques jours après le début
du déconfinement, la « haie de déshonneur » formée par des soignants tournant
ostensiblement le dos à la Première ministre en visite au CHU Saint-Pierre le 16 mai 2020
(cf. supra) a fait l’objet d’un retentissement médiatique majeur, y compris en dehors des
334
frontières nationales , et constitue peut-être l’image la plus forte des mobilisations liées à
la gestion de la pandémie.
Quinto, le dernier enseignement porte sur la crise sanitaire elle-même et sur son effet
au regard de la mobilisation citoyenne. Les initiatives citoyennes se multiplient et elles
traduisent, dans leur grande majorité, la volonté d’un nombre important d’acteurs de
transformer la crise en opportunité pour défendre une cause souvent ancienne. Ainsi,
la majorité des revendications exprimées pendant la période de confinement ne sont pas

333
334
A. MARSH, Protest and political consciousness, Beverly Hills, Sage, 1977, p. 42.
« France, Royaume-Uni, Argentine, Japon : l’action de protestation à Saint-Pierre contre la Première
ministre Wilmès fait le tour du monde », RTBF Info, 18 mai 2020, www.rtbf.be.

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 103

nouvelles. Nombreuses sont d’ailleurs les initiatives à reconnaître explicitement qu’elles


perçoivent la pandémie comme une occasion pour replacer certaines questions ou certains
enjeux au cœur de l’agenda politique et médiatique. Certes, c’est souvent à travers la
notion d’urgence que cette opportunité est saisie : l’urgence de venir en aide au secteur
culturel, aux mal-logés ou aux sans-papiers, l’urgence de répondre aux défis climatiques
et environnementaux, l’urgence d’inclure les citoyens dans les processus décisionnels
pour mettre un terme à la crise de la démocratie représentative, etc. Néanmoins, force
est de constater que, au regard de certains enjeux, celles et ceux qui se mobilisent étaient
déjà mobilisés avant la crise. Il en est ainsi dans le cas de l’enseignement et dans celui
de la participation citoyenne : peu de nouveaux acteurs se joignent aux initiatives lancées
pendant la période de confinement.
Dans un contexte marqué par la quête de visibilité affichée par un grand nombre de
citoyens, mais aussi par une situation de pénurie de visibilité dans l’espace public (en raison
notamment de la profusion d’initiatives), la question du véritable impact de ces actions
citoyennes doit être posée. Dans quelle mesure la fenêtre d’opportunité perçue peut-elle
véritablement conduire à l’adoption de politiques publiques en phase avec les positions
défendues par les citoyens mobilisés ? Ces initiatives peuvent-elles, a minima, constituer
un moyen pertinent pour maintenir un enjeu et des revendications au cœur de l’agenda
politico-médiatique pendant le confinement et après celui-ci ? Ces questions restent
ouvertes.
Cependant, on peut d’ores et déjà noter que des tentatives de consolider ces initiatives
citoyennes afin qu’elles puissent effectivement influencer les politiques publiques ont
vu le jour dès la fin du printemps. Plusieurs espaces de convergence ont ainsi été créés.
C’est le cas de la Coalition Corona, mise sur pied afin d’adresser aux autorités publiques
335
des revendications communes visant à préparer le « monde d’après » . Cette coalition
rassemble notamment les trois grands syndicats, les mutuelles, le Centre national de
coopération au développement (CNCD-11.11.11), les principales ONG environnementales
telles que Greenpeace Belgium, Inter-Environnement Wallonie (IEW) et Bond Beter
Leefmilieu (BBL), Financité, Fairfin, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), beweging.net,
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les associations de lutte contre la pauvreté tant au nord qu’au sud du pays, etc. Leur
objectif est précisément de rendre audibles les nombreuses revendications portées par
la société civile depuis plusieurs mois, et ce afin de prolonger le « moment corona »
au-delà de la période de lutte contre la pandémie. Le collectif Faire front a aussi pour
objectif de constituer un espace de convergence des revendications de la société civile.
Alors que la Coalition Corona est une initiative issue des corps intermédiaires, Faire front
est une initiative portée aujourd’hui par une centaine d’associations, mutualités, syndicats
336
et collectifs. Son objectif est de construire « un front social, écologique et démocratique »
afin d’affronter les conséquences de la crise sanitaire au regard d’un vaste ensemble
de thématiques. C’est aussi dans cette perspective que se constitue l’appel pour un
« CoronaReset » (dans la foulée de la signature d’une carte blanche soutenue par un très
grand nombre de citoyens) ; néanmoins, la logique qui anime cette dernière initiative est
distincte, en ce sens que la participation des citoyens – au-delà des corps intermédiaires –

335
Coalition Corona, « Pour une société soutenable, juste et résiliente », Note de base, 4 juin 2020,
www.cncd.be. Cf. M. DE MUELENAERE, « Une “Coalition Corona” pour revaloriser l’État », Le Soir en ligne,
336
26 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
« Lettre au monde politique et appel aux forces sociales », 19 juin 2020, www.facebook.com/Faire-Front.

CH 2457-2458
104 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

est considérée comme étant à la base de toute réflexion sur les changements à opérer dans
l’avenir.

La mise en perspective proposée dans ce Courrier hebdomadaire, centré sur les acteurs
issus de la société civile, sur leur manière d’interpréter la situation inédite de confinement,
sur leurs comportements et initiatives pendant la crise ainsi que – dans la mesure du
possible et de ce qui a été porté au-devant de la scène médiatique – sur les relations qui
s’établissent entre eux, contribue à éclairer l’une des questions fréquemment soulevées
durant cette période : la crise marque-t-elle une rupture historique et politique ou
constitue-t-elle une simple mise entre parenthèses de la croissance économique et des
habitudes sociales due à des circonstances exceptionnelles susceptibles d’être surmontées ?
Plutôt qu’une tension entre rupture et continuité, une autre tension est apparue : celle qui
se joue entre passivité démocratique et veille démocratique. En effet, la caractéristique
commune aux multiples acteurs sur lesquels s’est penché ce Courrier hebdomadaire est
leur volonté de transformer une période de crise en opportunité pour repenser certaines
modalités de l’organisation économique et socio-politique, et ce que ce soit au niveau
de la Belgique, du continent européen ou du monde.
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ANNEXES

Pages
1. Liste des signataires de la carte blanche « Gérer l’urgence… puis réinventer 107 à 111
er
l’avenir » du 1 avril 2020
2. Liste des organisations belges ayant rejoint l’action « drap blanc » du 7 avril 2020 111
3. Liste des signataires de la carte blanche « Manifeste pour soutenir les travailleurs 112 à 113
et travailleuses de la culture » du 31 mars 2020
4. Liste des signataires de la carte blanche « Auteurs : le point final ? » du 26 avril 113
2020
5. Liste des signataires de la carte blanche « L’appel des pauvres et des précaires 113
face au coronavirus » du 19 mars 2020
6. Liste des signataires de la carte blanche « Een strategische voorraad solidariteit 113 à 114
en mededogen » du 14 avril 2020
7. Liste des signataires de la carte blanche « Pour une prise en compte du genre 114 à 115
dans le déconfinement et l’après crise Covid-19 » du 14 avril 2020
8. Liste des signataires de la carte blanche « Ceci est (aussi) une crise de genre ! » 116
du 16 avril 2020
9. Liste des signataires de la lettre ouverte « L’urgence est absolue pour les droits 116
des femmes ! » du 24 avril 2020
10. Liste des signataires de la carte blanche « Coronavirus : permettre à tous de 116 à 117
se confiner est la seule manière d’en sortir / Iedereen de kans geven om “in zijn
kot te blijven” is de enige manier om hier samen uit te komen » du 3 avril 2020
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11. Liste des signataires de la carte blanche « L’urgence est aussi de libérer Clarisse 117
et tous les prisonniers des centres fermés » du 22 avril 2020
12. Liste des signataires de la carte blanche « Quand la crise sanitaire fait exploser 117 à 118
la crise du logement » du 27 mars 2020
13. Liste des signataires de la carte blanche « Action sociale et sans-abrisme au temps 118 à 119
du corona… vers un nouveau pacte social ? » du 10 avril 2020
14. Liste des signataires de la carte blanche « Coronavirus : la santé au travail est 119 à 120
le chaînon manquant » du 17 juin 2020
15. Liste des signataires de la carte blanche « N’oublions pas l’urgence 120 à 121
environnementale » du 1er mai 2020
16. Liste des signataires de la carte blanche « Coronavirus : un green deal pour 121
faire face aux urgences pandémique, économique, sociale et écologique » du
30 mars 2020
17. Liste des signataires de la carte blanche « Sortir de la crise du Covid-19 et en 121 à 122
tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises systémiques »
du 25 avril 2020
18. Liste des contributeurs au « Plan “Sophia”. Un plan de transition pour la 122
Belgique pour une relance durable post-Covid-19 » de mai 2020

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106 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

19. Liste des signataires de la carte blanche « Face à la crise historique engendrée 122
par la pandémie de coronavirus, organisons notre sécurité alimentaire » du
6 avril 2020
20. Liste des signataires de la carte blanche « Le Covid-19 montre l’urgence de 123
relocaliser dès maintenant les systèmes alimentaires » du 12 avril 2020
21. Liste des signataires de la carte blanche « Faire de chacun d’entre nous les 124
#FoodHeroes de demain » du 30 avril 2020
22. Liste des signataires de la carte blanche « Répondre à la crise de la Covid-19 : 124
la Belgique et l’annulation de la dette des pays du Sud » du 26 juin 2020
23. Liste des signataires de la carte blanche « La justice pénale au rabais : bienvenue 124
chez Kafka 2.0 » du 6 mai 2020
24. Liste des signataires de la carte blanche « Mesures de confinement en réponse à 125
la pandémie : comment guider la décision de déployer des outils numériques de
recherche de contacts / Het gebruik van contact tracing apps bij een pandemie:
enkele kritische beschouwingen » du 6 avril 2020
25. Liste des signataires de la carte blanche « Nécessité et urgence d’un débat public 125 à 126
sur l’“application Corona” » du 18 avril 2020
26. Liste des signataires de la carte blanche « Tracing : attention aux exploitations 126
non désirables de nos données ! » du 6 mai 2020
27. Liste des signataires de la carte blanche « Nous appelons à la constitution 126 à 127
immédiate d’un Conseil régional de la transition » du 14 mai 2020

Remarque : Les organismes et personnes apparaissent selon l’ordre alphabétique.


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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 107

Annexe 1. Liste des signataires de la carte blanche « Gérer l’urgence…


er
puis réinventer l’avenir » du 1 avril 2020
Dany Adam (artiste) ; Valérie-Anne Adam (directrice de Mic-ados) ; Mateo Alaluf (ULB) ;
Marie-Hélène André (Fédération francophone des écoles de devoirs - FFEDD) ; Anne-
Marie Andrusyszyn (directrice du Centre d’éducation populaire André Genot - CEPAG) ;
Bruno Antoine (président de la CSC wallonne ; secrétaire fédéral de la CSC Luxembourg) ;
France Arets ; Didier Balsaux (directeur artistique des Royales Marionnettes) ; Martine
Bantuelle (administratrice-déléguée de Santé communauté participation - SACOPAR) ;
Eleonore Barrelet (Agroecology in Action) ; Francisco Barrera (secrétaire régional de
la FGTB-Horval Verviers) ; Nathalie Bauduin (Tribal Souk) ; Bruno Bauraind (secrétaire
général du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative - GRESEA) ;
Bernard Bayot (directeur de Financité) ; Sarah Beaulieu (chargée de projets en éducation
permanente) ; Dominique Bela (artiste) ; Jean-Luc Belche (ULiège) ; Nouzha Bensalah
(sociologue) ; Françoise Bernard (secrétaire générale du SETCA Liège-Huy-Waremme) ;
Bruna Bettiol (Alvéole Théâtre) ; Jean Blairon (Réalisation téléformation et animation -
RTA) ; Paul Blanjean (Équipes populaires - EP) ; Olivier Blin (Théâtre de Poche) ;
Françoise Bloch (Zoo Théâtre) ; Anne Binet (directrice du Centre d’éducation permanente
et de promotion sociale des travailleurs - CEPPST) ; Christophe Bodart (1pact) ; Thierry
Bodson (secrétaire général de la FGTB wallonne) ; Eve Bonfanti (artiste) ; Mekdes
Bonfanti ; Olivier Bonfond (Centre d’éducation populaire André Genot - CEPAG) ;
Nicolas Borguet (attaché culturel et enseignant) ; Philippe Botterman (secrétaire
intersectoriel de la CGSP Verviers) ; Thérèse-Marie Bouchat (codirectrice de Paysans-
Artisans) ; Najat Bounafaâ (Haute école Charlemagne - HECh) ; Anne-Sophie Bouvy
(UCLouvain) ; Stéphanie Bouvy (médecin) ; Yannick Bovy (journaliste et réalisateur) ;
Rachel Brahy (ULiège) ; Géraldine Brausch (Haute école Charlemagne - HECh) ;
Emmanuelle Bribosia (ULB) ; Michel Bronlet (directeur d’un centre d’insertion socio-
professionnelle) ; Antoinette Brouyaux (Associations21) ; Philippe Buchet (Fédération
générale du travail de Belgique - FGTB) ; Jean-Yves Buron (Vivre ensemble Liège) ;
Manuela Cadelli (juge) ; Selena Carbonero (FGTB wallonne) ; Alexandre Carlier (directeur
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de Racynes) ; Geoffroy Carly (codirecteur des Centres d’entraînement aux méthodes
d’éducation active - CEMEA) ; Luc Carton (philosophe) ; Jean-Pol Cavillot (codirecteur
de Réalisation téléformation et animation - RTA) ; Sabrina Centurione ; Adélaïde Charlier
(co-organisatrice de Youth for Climate Belgique) ; Jean-Marie Chauvier (journaliste) ;
Danielle Clausse ; Julie Clausse (Interra) ; Pierre Clément (Festival de Liège) ; Christophe
Cocu (directeur général de la Ligue des familles) ; Philippe Coenegrachts ; Lysiane Colinet ;
Jean-Louis Colinet (directeur de théâtre) ; Nicolas Contor (directeur du Centre régional
d’intégration de la province de Luxembourg - CRILUX) ; Jean Cornil (essayiste) ;
Pierre Cornut (UMons) ; Antoinette Corongiu (directrice générale du Collectif contre
les violences familiales et l’exclusion - CVFE) ; Brendan Coyne (secrétaire général d’Agir
tous pour la dignité (ATD) Quart Monde Belgique) ; Perrine Crevecœur (travailleuse
dans une ONG) ; Nico Cue (ancien secrétaire général de la FGTB-Métallurgistes Wallonie
Bruxelles - MWB) ; Charles Culot (artiste) ; Geneviève Damas (écrivaine) ; Jean-Pierre
Dardenne (réalisateur, producteur et scénariste) ; Luc Dardenne (réalisateur, producteur
et scénariste) ; Denis Dargent (codirecteur de Présence et action culturelles - PAC) ; Benoit
Dave (codirecteur de Paysans-Artisans) ; Valérie Davreux ; François Debatty (directeur
du Foyer l’Aubépine) ; Dominique Debelle (travailleur social dans le secteur de l’aide
aux sans-abri) ; Lora Debelle (Théâtre de l’Ancre) ; Esteban Debrulle ; Hélène Deck-

CH 2457-2458
108 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Andjaparidzé ; Alain De Clerck (artiste) ; Jean-Michel Decroly (ULB) ; Alain Deflandre


(Le Kraak) ; Alain de Halleux (artiste) ; Patrick Dejace (directeur de la Fédération des
Restos du cœur de Belgique) ; Aurore De Keyzer (Jeunes organisés et combatifs - JOC) ;
Serge Delaive (écrivain) ; Benjamin Delfosse (secrétaire général de Latitude Jeunes) ;
Marie Delhaye (Compagnie Karyatides) ; Sarah de Liamchine (codirectrice de Présence
et action culturelles - PAC) ; Myriam Delmée (présidente du Syndicat des employés,
techniciens et cadres - SETCA) ; Valérie Del Re (directrice de Greenpeace Belgium) ;
Édouard Delruelle (ULiège) ; Thierry Demanet ; Vaïa Demertzis (Politique) ; Catherine
De Michele (Festival de Liège) ; Martine De Michele (metteuse en scène) ; Tony Demonte
(ancien secrétaire général adjoint de la Centrale nationale des employés - CNE) ; Jean
De Munck (UCLouvain) ; Nicolas Dendoncker (UNamur) ; Didier de Neck (artiste) ;
Olivier De Schutter (UCLouvain) ; Benoite Dessicy (directrice du Centre d’action
interculturelle de la province de Namur - CAI Namur) ; Alexis Deswaef (co-président
de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés - BxlRefugees) ; Véronique de Thier
(Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel - FAPEO) ; Luisa Di
Felice (directrice du Service de prévention Hainaut) ; Johan Dils ; Audrey Di Troia (Full
Colorz Agency) ; Grazia Di Vincenzo (Comédie d’un jour) ; Julien Dohet (secrétaire
politique du SETCA Liège-Huy-Waremme) ; Fanny Dubois (secrétaire générale de la
Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones - FMM) ;
Anne Dufresne (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative -
GRESEA) ; Luc Dusoulier (ancien président du Mouvement ouvrier chrétien - MOC) ;
Bernard Duterme (secrétaire général du Centre tricontinental - CETRI) ; Bruno Dutillieux
(Relais social urbain de Tournai) ; Fabrice Eeklaer (secrétaire fédéral de la CSC Charleroi-
Sambre et Meuse) ; Manuel Eggen (Foodfirst Information and Action Network Belgium -
FIAN Belgium) ; Pietro Emili (directeur de la Maison du peuple d’Europe - MPE) ; Els
Enhus (VUB) ; Ariane Estenne (présidente du Mouvement ouvrier chrétien - MOC) ;
Claude Fafchamps (directeur de théâtre) ; Jules Fafchamps ; Pierre Fasbender (directeur
du centre culturel de Habay) ; Jacqueline Fastrès (codirectrice de Réalisation téléformation
et animation - RTA) ; Anne-Sophie Fontaine (directrice de Passages) ; Egide Forthomme
(directeur de la Maison Marie-Louise) ; Sebastian Franco (Alter Summit) ; Yvon François
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(Alvéole Théâtre) ; Laurent François alias L’Ami terrien (artiste) ; Harald Franssen
(artiste) ; Maïté Frérotte (secrétaire générale d’Espace Seniors) ; Christine Frison
(UCLouvain) ; Pierre Galand (président de l’Association pour les Nations unies - APNU) ;
Alexis Garcia (Nourrir Liège) ; François Gemenne (ULiège) ; Jean-Pierre Genbauffe
(secrétaire général de Solidaris Mons-Wallonie picarde) ; Line Gerbovits (Présence et
action culturelles - PAC) ; Michel Gevers (UCLouvain) ; Yamina Ghoul (secrétaire
générale de la Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes -
COJ) ; Stravoula Giannelis (enseignant) ; Pierre Gillis UMons) ; Noémie Globen
(intervenante psychosociale en service de placement familial) ; Corinne Gobin (ULB) ;
Geoffrey Goblet (président de la FGTB Centrale générale Liège) ; Alexandre Gobry
(Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne
Bruxelles 2 - ATTAC Bruxelles 2) ; Nicolas Godin (président du Relais social urbain
de La Louvière) ; Henri Goldman (Politique) ; Jean-Marie Grandfils ; Camille Grange
(artiste) ; Sébastien Gratoir (enseignant) ; Robert Groffils ; Line Guellati (Darouri Express) ;
Anne-Catherine Guio (chercheuse) ; Mohamed Hamadi (auteur) ; Daniel Hanquet
(assistant social de CPAS) ; Nathanaël Harcq (directeur du Conservatoire royal de Liège -
CRLg) ; Sarah Hebborn (artiste) ; Jean-Jacques Heirwegh (ULB) ; Pierre Heldenbergh ;

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 109

Pierre Hemptinne (directeur de la médiation culturelle à PointCulture) ; Maryse Hendrix ;


Gilles Henrard (ULiège) ; Véronique Herman (directrice du Centre de formation Cardijn -
CEFOC) ; Daisy Hermant (secrétaire générale de l’Action chrétienne rurale des femmes-
Femmes en milieu rural - ACRF-Femmes en milieu rural) ; Paul Hermant (Acteurs des
temps présents - ADTP) ; Nico Hirtt (président de l’Appel pour une école démocratique -
APED) ; Cécile Hoornaert (directrice de La Bobine) ; Isabelle Houtart (directrice de la
Halle de Han) ; Shan Hsia ; Michel Huisman (Gang des vieux en colère - GVC) ; Yves
Hunstad (artiste) ; Serge Hustache (président du collège provincial de la Province de
Hainaut) ; Maritza Ivanovic (directrice honoraire d’un CPAS) ; Christian Jacquemin
(président de la FGTB Verviers-Ostbelgien) ; Élise Jacquemin (directrice du Miroir
Vagabond) ; Émilie Jacquy (Centre d’éducation populaire André Genot - CEPAG) ;
Sébastien Kennes (Rencontre des continents - RdC) ; Renaud Keutgen (économiste) ;
Nicole Kohnen (psychologue) ; Léna Kollmeier (artiste) ; Maxime Kouvaras (journaliste
et réalisateur pour ZIN TV) ; Chantal Kreutz (Sainte Walburge) ; Jean-Pascal Labille
(secrétaire général de Solidaris - Mutualité socialiste) ; Joëlle Lacroix (secrétaire générale
de la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel - FAPEO) ; Hadja
Lahbib (journaliste) ; Najar Lahouari (président de la FGTB-MWB Brabant) ; Caroline
Lamarche (écrivaine) ; Bouli Lanners (artiste et réalisateur) ; Jacques Lanotte (directeur
général honoraire des la Direction générale des Affaires culturelles de la province de
Hainaut - CGAC) ; Solayman Laqdim (directeur du Service de prévention Liège-Huy-
Verviers) ; Vincent Laviolette (agent de développement territorial) ; Sarah Leciak
(enseignante) ; Yvette Lecomte ; Luc Lefèbvre (Luttes-solidarités-travail - LST) ; Giovanni
Lentini (écrivain) ; Hugues Le Paige (journaliste et réalisateur) ; Cédric Leterme (Centre
tricontinental - CETRI ; Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative -
GRESEA) ; Victoria Lewuillon (artiste) ; Sabine Libert (secrétaire générale adjointe
de la FGTB wallonne) ; Micheline Liébin (directrice du Centre régional d’action
interculturelle de la région du Centre - CERAIC) ; Jean-Paul Liens (codirecteur des
Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active - CEMEA) ; Lisette Lombé
(artiste) ; Anne-Hélène Lulling (secrétaire générale de l’Interfédération des centres
d’insertion socioprofessionnelle - Interfede) ; Renaud Maes (Revue nouvelle ; USL-B ;
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ULB) ; Christine Mahy (secrétaire générale et politique du Réseau wallon de lutte contre
la pauvreté - RWLP) ; Pascale Maillien (enseignante et artiste) ; Bernard Maingain
(avocat) ; Olivier Malay (UCLouvain) ; Alain Malherbe (UCLouvain) ; Arielle Mandiaux
(directrice d’Infor-Jeunes Mons) ; Youna Marette ; Éric Marlier (chercheur) ; Guy Martin
(directeur général honoraire du secteur Enseignement-formation de la Province de Liège) ;
Esteban Martinez (ULB) ; Marc Masschaelk (UCLouvain) ; Fred Mawet (Changements
pour l’égalité - CGE) ; Isabelle Meerhaege (secrétaire fédérale de la CSC Namur-Dinant) ;
Sarah Melsens (Plateforme d’action Santé et solidarité - PASS) ; Daniel Menschaert ;
Bénédicte Merland (animatrice) ; Ariane Mertens (Direction de la Prévention Namur-
Dinant) ; Sybille Mertens (ULiège) ; Ouiam Messaoudi (secrétaire générale de l’Association
socialiste de la personne handicapée - ASPH) ; Ilyas Mettioui (artiste) ; Michel Meyer
(président de la Centrale générale des services publics - CGSP) ; Jean-Pierre Michiels
(président du Club Achille Chavée) ; Patrick Monjoie (directeur du Centre régional
d’intégration du Brabant wallon - CRIBW) ; Cécile Mormont (directrice de Revers) ;
Raphael Mossoux (avocat) ; Bernard Mulder (médecin) ; David Murgia (Raoul Collectif) ;
Fabrice Murgia (directeur du Théâtre national de la Communauté française) ; Carla Nagels
(ULB) ; Farid Nagui (directeur du Centre régional de Verviers pour l’intégration - CRVI) ;

CH 2457-2458
110 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Jean-Marc Namotte (secrétaire fédéral de la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien) ; Éric Nemes


(président de l’Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action
citoyenne Liège - ATTAC Liège) ; Samuel Nicolaï (directeur du centre culturel de
Remicourt) ; Céline Nieuwenhuys (secrétaire générale de la Fédération des services
sociaux - FdSS) ; Aurélie Nisot (éducatrice populaire) ; Jean-Pierre Nossent (directeur
général honoraire du Service général de l’Inspection de la culture de la Communauté
française) ; Myriam Nutelet (Li Mohon) ; Maxime Nys (secrétaire régional de la CGSP
Administrations locales et régionales) ; Emmeline Orban (secrétaire générale de la
Plateforme francophone du volontariat - PFV) ; Dolores Oscari ; Agathe Osinsky
(UCLouvain) ; Pierre Ozer (ULiège) ; Christine Pauporté (Association pour une taxation
sur les transactions financières et l’action citoyenne Bruxelles 2 - ATTAC Bruxelles 2) ;
Pierre-Arnaud Perrouty (directeur de la Ligue des droits humains - LDH) ; Riccardo
Petrella (UCLouvain) ; Bénédicte Philippon (artiste) ; Pascale Pierard (directrice de centre
culturel) ; Sylvie Pinchart (directrice de Lire et écrire Communauté française) ; Hélène
Pirenne (Théâtre du Sursaut) ; Claude Pirotte (Ateliers Paysans-Artisans) ; Gautier Pirotte
(ULiège) ; Brigitte Ponet (coprésidente du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes -
CADTM) ; Kristien Pottie (comédienne et réalisatrice) ; David Praile (Rassemblement
wallon pour le droit à l’habitat - RWDH) ; Daniel Puissant (Réseau pour la justice
fiscale - RJF) ; Bénédicte Quinet (Centre de formation Cardijn - CEFOC) ; Katia Raimondi
(Infor-Jeunes Entre-Sambre-et-Meuse) ; Ronnie Ramirez (cinéaste) ; Guy Raulin (MOC
Charleroi-Thuin) ; Michel Recloux ; Pierre Reman (UCLouvain) ; Louise Remiche
(Association régionale des centres d’accueil - ARCA) ; Erdem Resne ; Jean-Luc Révelard
(président de la CSC Namur-Dinant) ; Daniel Richard (secrétaire régional de la FGTB
Verviers-Ostbelgien) ; Paul Rixen (Le Monde des possibles) ; Patrick Robert (La Galice) ;
David Romain (Raoul Collectif) ; Carine Rosteleur (secrétaire régionale de la CGSP
Administrations locales et régionales) ; Gino Russo (président de Julie et Mélissa n’oubliez
pas) ; Sarah Ryckmans (UCLouvain) ; Caroline Safarian (directrice de l’Espace Magh) ;
Caroline Salingros (directrice pédagogique du Clos du Chemin vert) ; Maria Santos
y Baladron (enseignante) ; Sergio Sarnelli (enseignant et responsable d’un service
d’accompagnement pour personnes handicapées) ; Benoît Scheuer (sociologue) ; Claude
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Semal (artiste) ; Marie-Pierre Seron ; Maud Servais (enseignante) ; Adrien Sez.Rukira
(artiste) ; Régis Simon (directeur du Centre régional pour l’intégration des personnes
étrangères ou d’origine étrangère de Liège - CRIPEL) ; Myriam Sommer ; Anne Staquet
(UMons) ; Olivier Starquit (essayiste) ; Pierre M. Stassart (ULiège) ; Christine Steinbach
(présidente du Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie - RWADE) ; Anne-Sophie
Sterck (artiste) ; Rita Stilmant (directrice de Lire et écrire Luxembourg) ; Chloé Struvay
(artiste) ; Edgar Szoc (Radio-télévision belge de la Communauté française - RTBF) ;
Audrey Taets (CAL Liège) ; Jean-François Tamellini (secrétaire fédéral de la Fédération
générale du travail de Belgique - FGTB) ; Caroline Tellier (artiste) ; Zoé Tenret (artiste) ;
Alain Thomas (directeur du centre culturel de Bertrix) ; Thierry Tournoy (Centre régional
d’intégration de Charleroi - CRIC) ; Anne Toussaint (enseignante) ; Éric Toussaint
(Comité pour l’abolition des dettes illégitimes - CADTM) ; Marylène Toussaint (directrice
de l’action culturelle au Centre culturel de Namur - CCN) ; Philippon Toussaint
(directeur du Service de prévention Bruxelles) ; Sylvie Toussaint (Institut supérieur de
formation sociale et de communication - ISFSC) ; Maria Cecilia Trionfetti (ULB) ;
Aymeric Trionfo (artiste) ; Julien Truddaïu ; Jean-Marc Urbain (secrétaire fédéral de la
CSC Mons-La Louvière) ; Catherine Vanandruel (Fables rondes) ; Laurie-Anne Vanbléricq

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(Chambre des compagnies théâtrales pour adultes - CCTA) ; Joseph Vandeberg (président
de Culture et développement - C&D) ; Joëlle Van den Berg (secrétaire générale du Réseau
Information et diffusion en éducation à l’environnement - Réseau IDée) ; Stéphane
Vanden Eede ; Véronique Van der Plancke (avocate) ; Bart Van de Ven (coprésident
du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat - RBDH) ; Jean Vandewattyne
(UMons) ; Luc Vandormael (président du CPAS de Waremme) ; Noémie Van Erps
(secrétaire générale des Femmes prévoyantes socialistes - FPS) ; Karel Vanhaesebrouck
(ULB) ; Werner Van Heetvelde (président de la FGTB Centrale générale) ; Christine
Vanhessen (directrice de la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux
sans-abri - AMA) ; Benoît Van Keirsbilck (directeur de Défense des enfants international
Belgique - DEI Belgique) ; Felipe Van Keirsbilck (secrétaire général de la Centrale nationale
des employés - CNE) ; Leïla Van Keirsbilck (Rethinking Economics) ; Sixtine Van Outryve
d’Ydewalle (UCLouvain) ; Myriam Van Sinoy (enseignante) ; Pierre Verbeeren
(UCLouvain) ; Pierre Verjans (ULiège) ; Laura Vidotto (Centre d’éducation populaire
André Genot - CEPAG) ; Pascale Vielle (UCLouvain) ; Engel Vincent (écrivain) ; Michel
Visart (journaliste) ; Isabelle Wanschoor (secrétaire principale de la CNE Hainaut) ;
Violaine Wathelet (ULiège) ; Martin Willems (Confédération des syndicats chrétiens de
Belgique - CSC) ; Arnaud Zacharie (secrétaire général du Centre national de coopération
au développement - CNCD-11.11.11) ; Annie Zedet ; Yasmina Zian (Académie royale
de Belgique - ARB) ; Pirly Zurstrassen (artiste).

Annexe 2. Liste des organisations belges ayant rejoint l’action « drap blanc »
du 7 avril 2020
Alzheimer Belgique ; Association pour une taxation sur les transactions financières et
l’action citoyenne Bruxelles (ATTAC Bruxelles) ; beweging.net ; Centrale nationale des
employés (CNE) ; Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) ; Conseil
bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS) ; CSC Services publics ; Cultures&Santé ;
Dentisterie sociale ; Désorceler la finance ; Équipes populaires (EP) ; Espace Seniors ;
Fédération des associations sociales et de santé (FASS) ; Fédération des maisons médicales
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et des collectifs de santé francophones (FMM) ; Fédération générale du travail de Belgique
(FGTB) ; Femmes et santé ; Femmes prévoyantes socialistes (FPS) ; FGTB Centrale
générale (CG) ; Fonds social intersectoriel pour institutions sociales et de santé de
Bruxelles-Capitale ; Forum gauche écologique (FGE) ; Gang des vieux en colère (GVC) ;
Groupe d’action qui dénonce le manque de places pour les personnes handicapées
de grande dépendance (GAMP) ; Hart boven Hard (HBH) ; Infirmiers de rue ;
Kenniscentrum Gender en Etniciteit (Ella) ; La Santé en lutte ; Ligue des usagers des
services de santé (LUSS) ; Loop-s ; Maison médicale Saint-Léonard ; Médecine pour le
peuple (MPLP) ; Médecins du monde Belgique ; Médecins sans vacances (MSV) ; Memisa
Belgique ; Modus Vivendi ; Mouvement ouvrier chrétien (MOC) ; Organization for
Youth Education & Sexuality (O’YES) ; Plateforme d’action Santé et solidarité (PASS) ;
Pour la solidarité (PLS) ; Projet Lama ; Réseau belge de lutte contre la pauvreté (RBLP) ;
Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) ; Santé communauté participation
(SACOPAR) ; Solidaris - Mutualité socialiste ; Spreading solidarity, not the virus -
Bruxelles ; Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA) ; Vereniging van
Wijkgezondheidscentra (VWGC) ; Viva Salud.

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112 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Annexe 3. Liste des signataires de la carte blanche « Manifeste pour soutenir


les travailleurs et travailleuses de la culture » du 31 mars 2020
AeM Project ; Association de techniciens professionnels du spectacle (ATPS) ; Association
des métiers du cinéma et de l’audiovisuel (Hors champ) ; Association des réalisateurs
et réalisatrices francophones (ARRF) ; Autrices et auteurs de la bande dessinée et de
l’illustration (ABDIL) ; CollectifH2Oz (Oz) ; Com As You Are ; Compagnie Ah mon
Amour ! ; Compagnie Dérivation ; Compagnie Gare centrale ; Compagnie Paulette
Godart ; Consoloisirs ; Fédération des arts forains, du cirque et de la rue (Aires libres) ;
Fédération des auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR) ; Festival Les
Tailleurs ; HaflmOon ; Jazz Station ; Les Lundis d’Hortense ; Librimages ; Mouvement
des étudiant·e·s et travailleu·ses des arts en lutte (METAL) ; Noùmeno ; Tour de force ;
Claire Allard (photographe) ; Laïla Amezian (artiste) ; Marie Angibaud (production
et diffusion) ; Cyril Aribaud (scénographe) ; Arnaud Arseni (auteur) ; Isabelle Authom
(Théâtre des zygomars) ; Olivier Bastin (architecte) ; Patrick Bebi (École supérieure
d’acteurs du Conservatoire royal de Liège - ESACT) ; Jonathan Blondel (artiste) ; Arnaud
Bourgis (régisseur) ; Bernard Breuse (travailleur des arts de la scène) ; Raphaëlle Bruneau
(artiste) ; Luis Casillas Y Gomez ; Pascal Chardome (artiste) ; Val Ches (artiste) ; Sandrine
Clark (scénographe) ; Domenico Curcio (artiste) ; Vincent Dascotte (enseignant) ; Sarah
de Battice (scénographe) ; Abdel de Bruxelles (artiste) ; Jacques de Pierpont (journaliste) ;
Gaëlle Debaisieux (scripte) ; Sarah Defrise (artiste) ; Simon Delecosse alias Mochélan
(artiste) ; Nancy Delhalle (enseignante) ; Marc Denisty (Fonds de sécurité d’existence
des arts de la scène - Fonds 304) ; Pierre Dherte (président de l’Union des artistes du
spectacle - UAS) ; Alberto Di Lena (artiste) ; Marc Doutrepont (ingénieur du son) ;
Jean-Claude Doyen (management artistique) ; Patty Eggerickx (costumière et formatrice) ;
Cyril Elophe (artiste) ; Jean-Luc Fafchamps (artiste) ; Mario Franssen (directeur
de ManiFiesta) ; Julie Gélon (artiste) ; Timothée Génot (graphiste) ; Arnaud Ghys
(photographe) ; Vincent Gielen (artiste) ; Antonio Gomez Garcia (photographe et
réalisateur) ; Camille Grange (artiste) ; David Greuse alias Freddy Tougaux (artiste) ;
Bernadette Heinrich (artiste) ; Bernard Hennebert ; Morgane Heyse (artiste) ; Sarah Hirtt
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(réalisatrice) ; Inêz (artiste) ; Valérie Joyeux (co-directrice de la Compagnie Les pieds
dans le vent) ; Lou Kacen (assistante à la mise en scène) ; Loïg Kervahut (École supérieure
d’acteurs du Conservatoire royal de Liège - ESACT) ; Florence Laloy (artiste et auteure) ;
Caroline Lamarche (écrivain) ; Mylène Lauzon (directrice de La Bellone) ; Cécile Lecuyer
(artiste) ; Jean-Marc Lederman (artiste) ; Lilela (artiste) ; Anne Löwenthal (Action et
recherche culturelles - ARC) ; Barthélémy Manias-Melaye (artiste et enseignant) ; Béatrice
Massinger (scénographe) ; David Mennessier (médiateur culturel) ; Yann Gaël Monfort
(co-directeur de compagnie) ; Fabrice Murgia (directeur général et artistique du Théâtre
national de la Communauté française) ; Stéphane Olivier (travailleur des arts de la scène) ;
Stéphanie Paermentier (secrétaire nationale de la CNE Non marchand) ; Bastien Paternotte
(salarié du secteur de la santé) ; Amandine Pavet (députée régionale wallonne du Parti
du travail de Belgique - PTB) ; Lara Persain (artiste) ; Magali Pinglaut (metteure en
scène) ; Jean Poucet (photographe) ; Vincent Raoult (artiste) ; Philippe Schoonbrood
(Centrale générale des services publics - CGSP) ; Claude Semal (artiste) ; Nicolas Simon
(réalisateur) ; Philippe Sireuil (directeur du Théâtre des Martyrs) ; Jérémie Siska (artiste) ;
AnneSara Six (artiste) ; Jofroi Smets (régisseur) ; Chloé Struvay (artiste) ; Jean-Michel
Van den Eeyden (directeur du Théâtre de l’Ancre) ; Alice Vande Voorde (artiste) ;
Robrecht Vanderbeeken (secrétaire général de la CGSP Culture) ; Gabriel Vanderpas

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(réalisateur) ; Laurence Vielle (artiste) ; Geneviève Voisin (responsable artistique) ;


Pierre-Jean Vranken (artiste) ; Natalie Wagelmans (média culture) ; Catherine Walkin
(Compagnie Paulette Godart) ; Jean-Christophe Yu (réalisateur).

Annexe 4. Liste des signataires de la carte blanche « Auteurs : le point final ? »


du 26 avril 2020
Bernard Bédu ; Véronique Bergen ; Anne Casterman ; Gilles Dal ; Geneviève Damas ;
Victoire de Changy ; Johan de Moor ; Laurent de Sutter ; Serge Dehaes ; Jean-Yves Delitte ;
Laurent Demoulin ; Adeline Dieudonné ; Sara Doke ; Miroslav Dragan ; Vincent Engel ;
Pascale Fonteneau ; Bernard Frumer ; Thomas Gunzig ; Marc Hardy ; Corinne Hoex ;
Eva Kavian ; Caroline Lamarche ; Stéphane Lambert ; Pascal Leclercq ; Pascal Lemaître ;
Myriam Leroy ; Karel Logist ; Xavier Löwenthal ; Renaud Maes ; Vincent Mathy ; Noëlle
Michel ; Yves Namur ; Colette Nys-Masure ; Jean-Luc Outers ; Benoît Peeters ; Olivier
Saive ; Emmanuelle Sandron ; François Schuiten ; Yves Sente ; Guy Servais ; Nathalie
Skowronek ; Paola Stevenne ; Didier Swysen ; Nicolas Vadot ; Christine Van Acker ;
Luc Van Linthout ; Isabelle Wéry ; Françoise Wuilmart.

Annexe 5. Liste des signataires de la carte blanche « L’appel des pauvres


et des précaires face au coronavirus » du 19 mars 2020
Christophe Cocu (directeur général de la Ligue des familles) ; Nicolas De Kuyssche
(Le Forum - Bruxelles contre les inégalités) ; Laurent Demoulin (directeur de Diogènes) ;
Bertrand Desplanque (L’Équipe) ; Luc Detavernier (administrateur-délégué de la Plate-
forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelle-Capitale - PFCSM) ;
Joris Fakroune (secrétaire général du Conseil de la jeunesse catholique - CJC) ; Stéphane
Heymans (président du Samusocial ; directeur des opérations de Médecins du monde
Belgique) ; Éric Husson (Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles - MASS) ; Murat
Karacaoglu (directeur de Pierre d’Angle) ; Denis Lambert ; Stéphane Leclercq (directeur
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de la Fédération bruxelloise des institutions pour toxicomanes - FEDITO BXL) ; Nicolas
Leonardy (directeur de la Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles - MASS) ;
Céline Nieuwenhuys (secrétaire générale de la Fédération des services sociaux - FdSS) ;
François Poncin (Réseau Hépatite C) ; Yahyâ H. Samii (directeur de la Ligue bruxelloise
francophone pour la santé mentale - LBFSM) ; Pierre Schoemann (directeur de Projet
Lama) ; Laurence Theizen (directrice de la Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles -
MASS) ; Pierre Verbeeren (ancien directeur général de Médecins du monde Belgique).

Annexe 6. Liste des signataires de la carte blanche « Een strategische voorraad


solidariteit en mededogen » du 14 avril 2020
Peter Adriaenssens (KU Leuven) ; Bea Cantillon (présidente de 11.11.11) ; Jan De
Maeseneer (UGent) ; Ri De Ridder (président de Médecins du monde Belgique) ; Luc
De Schepper (recteur de l’UHasselt) ; Marjolijn De Wilde (UAntwerpen) ; Jan Delepeleire
(KU Leuven) ; Yvonne Denier (KU Leuven) ; Ignaas Devisch (UGent) ; Piet Hoebeke
(UGent) ; Ive Marx (UAntwerpen) ; Stijn Oosterlynck (UAntwerpen) ; Caroline Pauwels
(recteure de la VUB) ; Luc Sels (recteur de la KU Leuven) ; Bérénice Storms
(UAntwerpen) ; Chantal Van Audenhoven (KU Leuven) ; Pierre Van Damme

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114 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

(UAntwerpen) ; Rik Van de Walle (recteur de l’UGent) ; Herman Van Goethem


(UAntwerpen) ; Wim Van Lancker (KU Leuven) ; Philippe Van Parijs (UCL) ; Michel
Vandenbroeck (UGent) ; Frank Vandenbroucke (Universiteit van Amsterdam - UvA) ;
Sara Willems (UGent) ; Patrizia Zanoni (UHasselt).

Annexe 7. Liste des signataires de la carte blanche « Pour une prise en compte
du genre dans le déconfinement et l’après crise Covid-19 » du 14 avril 2020
CAL Province de Namur ; Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active
(CEMEA) ; Cercles homosexuels estudiantins francophones fédérés (Les CHEFF) ;
Collectif artistique et féministe de création et d’éducation artistique (OXO) ; Collectif
féministe Kahina ; Garance ; Groupe de recherche en études de genre de l’UCLouvain
(GREG) ; Labolobo ; Solidarité femmes ; Vie féminine ; Stéphanie Anciaux ; Muriel Andrin
(ULB) ; Edithe Antoine ; Hélène Antoine ; Jean-Didier Bergilez (ULB) ; Catherine Bert
(UNamur ; Haute école Léonard de Vinci - HE Vinci) ; Laura Bertora ; Lapo Bettarini
(La Concertation - Action culturelle bruxelloise) ; Chloé Binger ; Malin Björk (députée
européenne du parti suédois Vänsterpartiet) ; Malika Blach ; Laurence Blesin ; Daria
Bocharnikova (Palais des beaux-arts - Bozar) ; Lola Bonfanti (artiste) ; Philippe Borg ;
Mylene Botbol Baum (UCLouvain) ; Véronique Bragard (UCLouvain) ; Emmanuelle
Bribosia (ULB) ; Anne-Laure Buisson (data scientist) ; Françoise Cailleau (psychologue
clinicienne et thérapeute familiale) ; Julie Carlier (réalisatrice) ; Hélène Carmon
(UCLouvain) ; Annalisa Casini (UCLouvain ; co-présidente de Sophia) ; Lucie Castaigne
(UNamur) ; Karen Celis (VUB) ; Jenneke Christiaens (VUB) ; Catherine Claeys Bouuaert ;
Mona Claro (ULiège) ; Carmen Colino (réalisatrice) ; Céline D’Ambrosio ; Sandra
D’Angelo ; Ludivine Damay (ULB) ; Pauline David (directrice artistique du festival En
ville !) ; Geneviève De Bauw (productrice audiovisuelle) ; Maëlle De Brouwer (Selflove
Gang) ; Maryll De Cooman (avocate) ; Gaëlle de Fays (présidente d’Arts Emoi) ; Marcela
de la Peña (Marche mondiale des femmes - MMF) ; Yannicke de Stexhe (UCLouvain) ;
Violaine de Villers (cinéaste) ; Savina de Vinck ; Sarah Debove (artiste) ; Sandrine
Debunne ; Sandrine Deegen (monteuse de films) ; Florence Degavre (UCLouvain) ;
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Diane Delafontaine ; Chloé Deligne (ULB) ; Jacqueline Depermentier (Théâtre national
de la Communauté française) ; Marie Deridder (UCLouvain ; UMons) ; Vinciane Despret
(ULiège) ; Sandrine Detandt (ULB) ; Janine Dewaele ; Estelle Didi (avocate) ; Claudine
Drion (conseillère à la formation) ; Els Dumortier (VUB) ; Barbara Dupont (UCLouvain) ;
Carinne Essers ; Fanny Filosof ; Bénédicte Fontaine (UCLouvain) ; Béatrice Francq ;
Danielle Frank ; Christine Frison (ULB ; UCLouvain ; UAntwerpen) ; Loraine Furter
(graphiste) ; Claire Gavray (ULiège) ; Marc-Antoine Gavray (ULiège) ; Seyma Gelen
(Collectif féministe Kahina) ; Odile Genevois ; Vivien Giet (UNamur) ; Mélanie Ginevro
(enseignante) ; Clarisse Goffin (Cercles homosexuels estudiantins francophones fédérés -
Les CHEFF) ; Gloria González Fuster (VUB) ; Isabelle Gosselin (psychologue et
clinicienne) ; Ariane Guelluy ; Serge Gutwirth (VUB) ; Maud Hagelstein (ULiège) ;
Sandrine Hallemans ; Marion Hallet (UNamur) ; Marie Havaux (Arts Emoi) ; Laurence
Hennuy (UNamur) ; Jean-François Husson (UCLouvain ; ULiège) ; Pierre Huyghebaert
(graphiste) ; Anaëlle Impe ; Isabelle Jans (travailleuse culturelle) ; Francisco Javier Mena ;
Stéphanie Joris ; Virginie Jortay (Centre national des arts du cirque - CNAC) ; Maryam
Kolly (USL-B) ; Lisa Lacroix ; Séverine Lagneaux (UCLouvain) ; Audrey Lasserre
(enseignante) ; Daphné Leclef (manager d’agence en communication) ; Mathieu

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PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 115

Lecouturier (enseignant) ; Fanny Lecrombs (maraîchère et permacultrice) ; Amik Lemaire


(directeur du centre culturel de Jette) ; Emmanuelle Léonard (juriste) ; Angélique
Léonard (ULiège) ; Annik Leroy ; Marie-Astrid Lissoir (collectiVe femmeS) ; Claire
Lobet-Maris (UNamur) ; Sarah Lorant ; Alain Loute (UNamur) ; Elaine Magnette
(avocate) ; Benoît Majerus (enseignant) ; Karim Majoros (directeur de la Fédération
laïque de centres de planning familial - FLCPF) ; Paule-Rita Maltier (psychologue) ;
Brigitte Maréchal (UCLouvain) ; Bérengère Marques-Pereira (ULB) ; Jacques Marquet
(UCLouvain) ; Claire Martinus (UMons) ; Sandrine Mathevon (directrice du Centre
culturel Jacques Franck) ; Zoé Maus (enseignante) ; Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain) ;
Petra Meier (UAntwerpen) ; Emmanuelle Mélan (UCLouvain) ; Patricia Mélotte (ULB) ;
Lauraline Michel (Collectif artistique et féministe de création et d’éducation artistique -
OXO) ; Moïra Mikolajczak (UCLouvain) ; Roberta Miss (enseignante) ; Astrid Modera
(UNamur) ; Julie Morel ; Hélène Motteau (cheffe opératrice et cinéaste) ; Erika Nagy
(infirmière) ; Caroline Nieberding (UCLouvain) ; Françoise Nimal (pasteure protestante) ;
Temese Nottet ; Caroline Nugues (animatrice en cinéma d’animation) ; Julie Papazoglou ;
Isabelle Parmentier (vice-rectrice de l’UNamur) ; Tessa Parzenczewski ; David Paternotte
(ULB) ; Hervé Persain (président du Centre d’action laïque (CAL) de la province de
Liège) ; Charlotte Pezeril (USL-B) ; Valérie Piette (ULB) ; Perrine Pigeon (UCLouvain) ;
Nadine Plateau (enseignante) ; Donatella Portoghese (Constant, Association pour l’art
et les médias) ; Anne-Catherine Pottier (cheffe de projet pour le plan de cohésion
sociale de Gesves) ; Laurence Rassel (directrice de l’École de recherche graphique de
Bruxelles - ERG) ; Natalie Rigaux (UNamur) ; Ester Rizzi (UCLouvain) ; Bénédicte Rochet
(UNamur) ; Dominique Rodriguez (enseignante) ; Anne Roekens (UNamur) ; Laurence
Roelants ; Rosebutch (artiste) ; Isabelle Roskam (UCLouvain) ; Muriel Sacco (ULB) ;
Nora Sacré (philosophe) ; Myriam Saduis (metteure en scène) ; Alena Sander
(UCLouvain) ; Caroline Sappia (UCLouvain) ; Jean-Guy Sartenaer (Grand hôpital de
Charleroi - GHdC) ; Annick Sartenaer (UNamur) ; Christine Schaut (ULB ; USL-B) ;
Eric Schrijver ; Sarah Sepulchre (UCLouvain) ; Olivier Servais (UCLouvain) ; Jeanne-Marie
Sevaux (directrice d’un service d’aide à la jeunesse) ; Marnie Slater (artiste) ; Anne
Smolar (cinéaste) ; Sylvia Smolar ; Femke Snelting (Constant, Association pour l’art et
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les médias) ; Micheline Soenen (historienne) ; Isabelle Stengers (philosophe) ; Laurence
Stevelinck Withofs (Fédération laïque de centres de planning familial - FLCPF) ; Billye
Strazzeri-Ritton ; Giulia Sugranyes (Labolobo) ; Audrey Taets ; François Thoreau
(ULiège) ; Sophie Tortolano (psychologue clinicienne) ; Marie-Madeleine Tournay ;
Nathalie Trussart (enseignante) ; Sandy Tubeuf (enseignante) ; Françoise Tulkens
(ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’homme - CEDH ;
Académie royale de Belgique - ARB) ; Amandine Vaccaielli ; Dominique Van Cappellen-
Waldock (artiste) ; Denise Van Dam (UNamur) ; Huguette Van Dijck ; Tania Van
Hemelryck (UCLouvain) ; Edith Van Malder ; Laurence van Ypersele (UCLouvain) ;
Agnès Vermeiren ; Marie Vermeiren ; Pascale Vielle (UCLouvain) ; Bertanne Visser
(UCLouvain) ; Justine Vleminckx (UCLouvain) ; Anna Vondracek (Palais des beaux-arts -
Bozar) ; Apolline Vranken (L’architecture qui dégenre) ; Charlotte Vyt (UNamur) ;
Alexandre Wajnberg (artiste et journaliste) ; Maureen Walschot (UCLouvain ; Les Sous-
Entendues) ; Stéphanie Wattier (UNamur) ; Amy Weatherburn (VUB) ; Vincent Yzerbyt
(UCLouvain) ; Mirko Zareba (élève) ; Maja Zareba (élève) ; Szymon Zareba ; Irène
Zeilinger (Garance) ; Marie-France Zicot (Centres d’emtraînement aux méthodes
d’éducation active - CEMEA) ; Benedikte Zitouni (USL-B).

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116 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Annexe 8. Liste des signataires de la carte blanche « Ceci est (aussi) une crise
de genre ! » du 16 avril 2020
Mona Claro (ULiège) ; Maxime Debruxelles (ULB) ; Tommy De Ganck (ULB) ; Florence
Degavre (UCLouvain) ; Claire Gavray (ULiège) ; Nathalie Grandjean (UNamur) ;
Catherine Gravet (UMons) ; Claire Martinus (UMons) ; David Paternotte (ULB) ;
Charlotte Pezeril (USL-B) ; Valérie Piette (ULB) ; Sarah Sepulchre (UCLouvain) ;
Véronique Servais (ULiège) ; Tania Van Hemelryck (UCLouvain) ; Jochum Vrielink
(USL-B) ; Stéphanie Wattier (UNamur) ; Damien Zanone (UCLouvain).

Annexe 9. Liste des signataires de la lettre ouverte « L’urgence est absolue


pour les droits des femmes ! » du 24 avril 2020
Action chrétienne rurale des femmes-Femmes en milieu rural (ACRF-Femmes en milieu
rural) ; Arab Women’s Solidarity Association - Belgium (AWSA-be) ; Centre de prévention
des violences conjugales et familiales (CPVCF) ; Collectif des femmes ; Collectif féministe
Kahina ; Collectif Les Cannelles ; Collectives et ardentes ; Conseil des femmes francophones
de Belgique (CFFB) ; Corps écrits ; Des Mères veilleuses ; Fédération des centres de
planning familial des Femmes prévoyantes socialistes (FCPF-FPS) ; Fédération laïque
de centres de planning familial (FLCPF) ; Fédération des services maternels et infantiles
(FSMI) de Vie féminine ; Femmes CSC ; Femmes de droit, droits des femmes ; Femmes
et santé ; Femmes prévoyantes socialistes (FPS) ; Furia ; Garance ; Groupe pour l’abolition
des mutilations sexuelles Belgique (GAMS Belgique) ; Infor-Femmes Liège ; Isala ; Jump,
Solutions for Equality at Work (JumpEquality) ; La Voix des femmes ; Le Déclic ; Le
Monde selon les femmes ; Mouvement pour l’égalité entre les femmes et les hommes
(MEFH) ; Nederlandstalige Vrouwenraad ; Réseau des femmes immigrées et d’origines
étrangères (REFI-OE) ; Solidarité femmes ; Synergie Wallonie pour l’égalité entre les
femmes et les hommes ; Université des femmes ; Vie féminine ; Violences et mariages
forcés.
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Annexe 10. Liste des signataires de la carte blanche
« Coronavirus : permettre à tous de se confiner est la seule manière d’en sortir /
Iedereen de kans geven om “in zijn kot te blijven” is de enige manier om hier
samen uit te komen » du 3 avril 2020
11.11.11 ; Amitié sans frontières ; Amnesty International Belgique francophone ; Amnesty
International ; Asbl F41 ; Association pour le droit des étrangers (ADDE) ; beweging.net ;
Broederlijk Delen ; Caritas International Belgique ; Caritas International Belgique ; Centre
d’action interculturelle de la province de Namur (CAI Namur) ; Centre d’éducation
populaire André Genot (CEPAG) ; Centre national de coopération au développement
(CNCD-11.11.11) ; Collectif de résistance aux centres pour étrangers (CRACPE) ; Collectif
liégeois de soutien aux sans-papiers ; Comité de soutien à La Voix des sans-papiers
de Liège ; Comité des femmes sans-papiers ; Confédération des syndicats chrétiens de
Belgique (CSC) ; Convivial, Mouvement d’insertion des réfugiés ; Coordination des
sans-papiers de Belgique ; Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ) ;
École des solidarités ; Fairwork Belgium ; Fédération générale du travail de Belgique
(FGTB) ; FGTB wallonne ; Fonds voor Ontwikkelingssamenwerking - Socialistische

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 117

Solidariteit (FOS) ; Gastvrij Netwerk ; Groupe montois de soutien aux sans-papiers


(GMSSP) ; Jesuit Refugee Service Belgium (JRS Belgium) ; Join for Water ; La Bruyère
Commune hospitalière ; La Voix des sans-papiers (VSP) de Liège ; Le Monde des possibles ;
Liège Ville hospitalière ; Liga voor Mensenrechten (LVM) ; Ligue des droits humains
(LDH) ; Maison du peuple d’Europe (MPE) ; Médecins du monde Belgique ; Migrations
libres ; Minderhedenforum ; Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la
xénophobie (MRAX) ; Mouvement ouvrier chrétien (MOC) ; NANSEN ; Netwerk tegen
Armoede ; Orbit ; Ordre des barreaux francophones et germanophone (Avocats.be) ;
Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés - BxlRefugees ; Platform kinderen op
de vlucht ; Point d’appui ; Pour des alternatives démocratiques, écologiques et sociales
(Réseau ADES) ; Samenlevingsopbouw ; Sans Papiers TV ; Service social des solidarités
(SESO) ; Service social juif (SSJ) ; Solidagro ; SOS Migrants ; Union des progressistes
juifs de Belgique (UPJB) ; VIA Don Bosco ; Viva Salud ; Vluchtelingenwerk Vlaanderen ;
Vrede ; We Social Movements (WSM) ; Sibylle Gioe (avocate) ; Pierre Robert (avocat).

Annexe 11. Liste des signataires de la carte blanche « L’urgence est aussi
de libérer Clarisse et tous les prisonniers des centres fermés » du 22 avril 2020
Amitié sans frontières ; Amnesty International Belgique francophone ; Asbl F41 ;
Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne
Bruxelles 2 (ATTAC Bruxelles 2) ; Centre d’action interculturelle de la province de Namur
(CAI Namur) ; Centre interculturel de Mons et du Borinage (CIMB) ; Centre national de
coopération au développement (CNCD-11.11.11) ; Centre régional d’action interculturelle
de la région du Centre (CERAIC) ; Centre régional d’intégration de Charleroi (CRIC) ;
Centre régional d’intégration de la province de Luxembourg (CRILUX) ; Centre régional
d’intégration du Brabant wallon (CRIBW) ; Centre régional de Verviers pour l’intégration
(CRVI) ; Centre régional pour l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère
de Liège (CRIPEL) ; Collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB) ; Collectif
d’Afghans sans-papiers ; Collectif de résistance aux centres pour étrangers (CRACPE) ;
Collectif féministe Kahina ; Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers ; Collectif
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Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLD) ; Comité des
travailleurs-ses sans-papiers de la CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde ; Coordination des sans-
papiers de Belgique ; Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ) ; Gauche
anticapitaliste ; Groupe montois de soutien aux sans-papiers (GMSSP) ; Hand in Hand
tegen Racisme ; Jesuit Refugee Service Belgium (JRS Belgium) ; Le Monde des possibles ;
Ligue des droits humains (LDH) ; Migrations libres ; Mouvement contre le racisme,
l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX) ; Mouvement ouvrier chrétien (MOC) ; Plate-
forme 21/3 ; Point d’appui ; Sans Papiers TV ; Solidair Gent ; SOS Migrants ; Uit de
Marge ; Vluchtelingenwerk Vlaanderen.

Annexe 12. Liste des signataires de la carte blanche


« Quand la crise sanitaire fait exploser la crise du logement » du 27 mars 2020
Acteurs des temps présents (ADTP) ; Agence immobilière sociale d’Anderlecht-Cureghem
(AISAC) ; Agence immobilière sociale de Molenbeek-Saint-Jean (MAIS) ; ArtiCulE ;
Association novatrice pour gérer ensemble le logement et agir durablement (Angela.D) ;
Atelier des droits sociaux ; Bruxelles laïque ; Centre de rénovation urbaine (CRU) ; CGSP

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118 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Administrations locales et régionales Bruxelles ; Collecti.e.f 8 maars Bruxelles ; Collectif de


luttes anticarcérales (CLAC) ; Comité de défense de Saint-Gilles (Codes) ; Comité pour
l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) ; Communa ; De Buurtwinkel ; DoucheFlux ;
Droit à un toit ; École supérieure des arts (ESA) Saint-Luc Bruxelles, section Architecture
intérieure ; Équipes populaires (EP) Bruxelles ; Fabrik ; Federatie van de Bicommunautaire
Maatschappelijke Diensten (FBMD) ; Fédération bruxelloise unie pour le logement
(Fébul) ; Fédération des services sociaux (FdSS) ; Hôtel Flambeau ; Inter-Environnement
Bruxelles (IEB) ; L’Îlot, Sortir du sans-abrisme ; La 404 ; La Bougie ; La Clé ; La Maison
à Bruxelles (LaMAB) ; La Mif’ ; Pour des alternatives démocratiques, écologiques et
sociales (Réseau ADES) ; Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH) ;
Rassemblement wallon pour le droit à l’habitat (RWDH) ; Ricochets ;
337
Samenlevingsopbouw Brussel ; Service Justice de proximité ; Syndicat des immenses ;
Trapèze ; Une Maison en plus ; Union de locataires d’Andercht-Cureghem (ULAC) ;
Union des locataires Marollienne (ULM) ; Vie féminine Bruxelles ; Vlaams
Huurdersplatform (VHP).

Annexe 13. Liste des signataires de la carte blanche « Action sociale


et sans-abrisme au temps du corona… vers un nouveau pacte social ? »
du 10 avril 2020
Muriel Allart (Santé mentale et exclusion sociale Belgique - SMES-B) ; Muriel Allart
(Santé mentale et exclusion sociale Belgique - SMES-B) ; Iannis Angehrn ; Cécile Autin ;
Manon Bayot ; Josette Bogaert (Centre d’accueil postpénitentiaire et d’information
aux toxicomanes incarcérés - CAP-ITI) ; Margaux Boitte ; Assma Bousaadi ; Christine
Bruelemans (Home Victor Du Pré) ; Caroline Cangelosi (Foyer Georges Motte - FGM) ;
Iram Chaudhary (Maison d’accueil Porte ouverte) ; Vincent Clapuyt ; Arnaud Coessens ;
Christopher Collin (Dépannage d’urgence de nuit et échanges - DUNE) ; Florence
Cordi (La Trace) ; Audrey Coûteaux ; Laurent d’Ursel (DoucheFlux) ; Mathieu De Backer ;
Mathieu De Backer ; Philip De Buck ; Guilhem De Crombrugghe (Prospective Jeunesse) ;
Estelle Denisty ; Naomi Devreese ; Romane Devresse ; Patricia Diederich ; Ariane Dierickx ;
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Hélène Dispas (Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones -
FMM) ; Robin Drevet (Modus Vivendi) ; Fanny Dubois ; Coralie Dubreucq ; Benoît
Dubuisson (OSADS-Belgique) ; Elisabeth Dugas ; Laurent Dumoulin (Diogènes) ; Ourania
Efstratiadis ; Julien Fanelli ; Natalia Garcia Graus ; Aude Garelly ; Laurence Genin (Le
Pélican) ; Raphaël Giraud ; Muriel Goessens ; Julie Gourmaud ; Gaëlle Guerrero (Infirmiers
de rue) ; Kris Gysen (Centrum Algemeen Welzijnswerk Brussel - CAW Brussels) ; Souad
Haji ; Hans Henkes ; Geneviève Henry (Home Baudouin) ; Brigitte Houtman (Talita) ;
Éric Husson (Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles - MASS) ; Esther Jakober ;
Marie-Alice Janssens (Maison de la paix) ; Joachim Joris ; Mery Kapetaniou ; Murat
Karacaoglu (Pierre d’Angle) ; Mehdi Kassou (Plateforme citoyenne de soutien aux
réfugiés - BxlRefugees) ; Laurène Laroche ; Megan Laurent ; Camille Lavallée (L’Îlot,
Sortir du sans-abrisme) ; Stéphane Leclercq (Fédération bruxelloise des institutions pour
toxicomanes - FEDITO BXL) ; Caroline Legrand (Foyers d’accueil) ; Nicolas Leonardy ;
Corentin Letocart (@Home 18-24) ; Maité Machado (Médecins du monde Belgique) ;
Laurent Maisse ; Olivier Mariage (Maison médicale Le Gué) ; Kris Meurant (Transit) ;

337
« Immense » est l’acronyme d’« individu dans une merde matérielle énorme mais non sans exigences ».

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 119

Marie-Pascale Minet ; Enzo Mivière (Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles -


MASS) ; Sophie Nyssen ; Jean Peeters (Front commun des SDF) ; François Poncin
(Réseau Hépatite C) ; Gaïd Prigent ; Pierre Ryckmans ; Nicolas Schkoda (RestoJet) ;
Pierre Schoemann (Projet Lama) ; Arican Selahattin ; Amandine Simon ; Valérie Ska
(Espace social Télé-service) ; Élodie Splingart ; Audrey Testud ; Chloé Thôme ; Julie Turco
(Resto du cœur de Saint-Gilles) ; Laurent Van Hoorebeke (Alias) ; Françoise Van
Meerbeeck ; Tom Van Vlierberghe (Centrum Algemeen Welzijnswerk Brussel - CAW
Brussels ; Maison de la paix ; Hobo ; De Schutting) ; Cécile Vandenbosche (travailleuse en
santé mentale) ; Guillaume Vander Stricht ; Adrienne Vanvyve ; Lindsay Vecchio ; Laura
Verstraeten (Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones -
FMM) ; Dominique Vincke ; Apolline Vranken.

Annexe 14. Liste des signataires de la carte blanche


« Coronavirus : la santé au travail est le chaînon manquant » du 17 juin 2020
Mateo Alaluf (ULB) ; Nicolas Almau (Centre d’éducation populaire André Genot -
CEPAG) ; Anne-Marie Andrusyszyn (directrice du Centre d’éducation populaire André
Genot - CEPAG) ; Anne-Marie Balthasart (CSC Seniors) ; Jan-Piet Bauwens (Syndicat
des employés, techniciens et cadres - SETCA) ; Kabwe beya Fortunat (CSC Bruxelles-
Hal-Vilvorde) ; Aline Bingen (ULB) ; Kaatje Borms (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Kaatje
Borms (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Carlo Briscolini (secrétaire régional de la FGTB
Centrale générale) ; Jan Buelens (UAntwerpen ; ULB) ; Virginie Caverneels (FGTB
Centrale générale) ; Maxime Coopmans (Centre de défense et d’action pour la santé des
travailleurs - C-DAST) ; Jacques Cornet (président de Changement pour l’égalité - CGE) ;
Tangui Cornu (co-président de la FGTB-Horeca et alimentation - Horval) ; Harry
de Boom (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Koen De Kinder (secrétaire fédéral de la CSC
Bâtiment industrie et énergie - BIE) ; Jo De Mey (secrétaire provincial de l’Algemeen
Belgisch Vakverbond, (ABVV) Metaal) ; Stan De Spiegelaere (Denktank Minerva) ; Francis
de Walque (Atelier santé de Charleroi) ; Patrick Deboosere (VUB) ; Stefaan Decock
(secrétaire général de l’Algemeen Christelijk Vakverbond (ACV) Puls) ; Anne Delespaul
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(Médecine pour le peuple - MPLP) ; Jean-Claude Deroubaix (UMons) ; Serge Deruette
(UMons) ; Anne-Thérèse Destrebecq (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Alain Detemmerman
(co-président de la FGTB-Horeca et alimentation - Horval) ; Oumar Diakhaby (CSC
Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Sacha Dierckx (Denktank Minerva) ; Pierre Drieslma (médecin) ;
Fanny Dubois (secrétaire générale de la Fédération des maisons médicales et des collectifs
de santé francophones - FMM) ; Christine Dupont (Hart boven Hard - HBH) ; Michèle
Duray (secrétaire régionale de la FGTB-Horval CCMBW) ; Jules Ernoux (Confédération
des syndicats chrétiens de Belgique - CSC) ; Jules Fafchamps (Confédération des syndicats
chrétiens de Belgique - CSC) ; Maryvonne Flahaut (CSC Seniors ; Comité Bruxelles de
la CSC) ; Éric Geerkens (ULiège) ; Corinne Gobin (ULB) ; José González (CSC Bruxelles-
Hal-Vilvorde) ; Yves Hellendorff (Centrale nationale des employés - CNE) ; Yves
Hellendorff (Centrale nationale des employés - CNE) ; Anne-Pascal Henry (médecin) ;
Isabelle Heymans (médecin) ; Eva Maria Jimenez Lamas (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ;
Jilali Laaouej (médecin) ; Nicolas Latteur (Centre d’éducation populaire André Genot -
CEPAG) ; Hugues Le Paige (journaliste et réalisateur) ; Jean-Marie Léonard (ancien
secrétaire fédéral du Syndicat des employés, techniciens et cadres - SETCA ; Atelier santé
de Charleroi) ; Arnaud Leveque (secrétaire fédéral de la FGTB Centrale générale) ; Nathalie

CH 2457-2458
120 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Lionnet (secrétaire fédérale du SETCA Non-marchand) ; Paul Lootens (ancien président


de la FGTB Centrale générale) ; Philippe Mairiaux (ULiège) ; Esteban Martinez (ULB) ;
Catherine Mathy (FGTB Centrale générale) ; Fred Mawet (Association pour une taxation
sur les transactions financières et l’action citoyenne Bruxelles - ATTAC Bruxelles) ; Laetitia
Melon (Citéa) ; Sarah Melsens (Plateforme d’action Santé et solidarité - PASS) ; Michel
Mercier (UNamur) ; Kristien Merckx (FGTB Antwerpen) ; Jacques Morel (Santé
communauté participation - SACOPAR) ; Éric Neuprez (secrétaire général de la FGTB
Centrale générale) ; Éric Neuprez (secrétaire général FGTB Centrale générale) ; Katrien
Neyt (secrétaire générale de la FGTB Oost-Vlaanderen) ; Marijke Persoone (Hart boven
Hard - HBH) ; Marianne Pétré (avocate) ; Irène Pêtre (Centrale nationale des employés -
CNE) ; Rudy Pirquet (secrétaire général du SETCA Charleroi) ; Myriam Plancq (CSC
Seniors) ; Ondine Renotte (Espace Temps) ; Hind Riad (Progress Lawyers Network
Brussels) ; Marc Rigaux (UAntwerpen) ; Egmont Ruelens (Weerwerk) ; Hanne Sanders
(FGTB Centrale générale) ; Alicia Schmidt (CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde) ; Cecilia Siddi
(Centre d’éducation populaire André Genot - CEPAG) ; Matthias Somers (Denktank
Minerva) ; Paolo Spataro (Espace Temps) ; Pia Stalpaert (président de la CSC Alimentation
et services) ; Olivier Starquit (directeur des services syndicaux de la FGTB Centrale
générale) ; Joseph Thonon (président communautaire de la CGSP Enseignement) ; Pietro
Tosi (MOC Bruxelles) ; Karel Van Bever (Geneeskunde voor het Volk) ; Werner Van
Heetvelde (président de la FGTB Centrale générale) ; Patrick Vandenberghe (président de
la CSC Bâtiment industrie et énergie - BIE) ; Riet Vandeputte (Centre de formation sociale
et cutlurelle pour travailleurs - CenForSoc) ; Michel Vanhoorne (UGent) ; Christophe
Vanroelen (VUB) ; Erwin Verheye (président de la FGTB Centrale générale West-
Vlaanderen) ; Pascale Vielle (UCLouvain) ; Philippe Vigneron (FGTB Centrale générale) ;
Laurent Vogel (ULB).

Annexe 15. Liste des signataires de la carte blanche


« N’oublions pas l’urgence environnementale » du 1er mai 2020
Théo Arnaud (étudiant à l’UMons) ; Guillaume Bihari (étudiant à l’UMons) ; Marie-
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Hélène Bouchez (Écocentre Oasis) ; Sabine Bouchez (Écocentre Oasis) ; Michaël Boulvin
(UMons) ; Alix Bricteux (Terre-en-vue) ; Patrick Brocorens (chimiste) ; Quentin Brouette
(mathématicien) ; Céline Brunin (UMons) ; Marielle Bruyninckx (UMons) ; Isabelle
Cavenaile (Mons en transition) ; Kérian Clam (UMons) ; Clarisse Claus (UMons) ; Joffrey
Coremans (UMons) ; Erik De Bel (UMons) ; Anne-Émilie Declèves (UMons) ;
Dominique-Paule Decoster (UMons) ; Yves Delforge (ancien député à la Chambre des
représentants et conseiller wallon ; ancien échevin) ; Antoine Derobertmasure (UMons) ;
Roland d’Hoop (Oxfam-Magasins du monde) ; Valentine Dieu-Fichefet (étudiante
à l’UMons) ; Bruno Di Pasquale (Entraide et fraternité) ; Fabian Dortu (Ropi ; Fonds du
Petit Marais) ; Philippe Dubois (recteur de l’UMONS) ; Pierre Dubuisson (ambassadeur
honoraire) ; Laurence Duez (Terre d’empreintes) ; Apolline Dupuis (étudiante
à l’UMons) ; Natacha Duroisin (UMons) ; Jabran Ellaoui (étudiant à l’UMons) ; Dimitri
Evrard (UMons) ; Perrine Ferauge (UMons) ; Morgane Folschweiller (UMons ; Projet
Interreg Sauvons nos pollinisateurs - SAPOLL) ; Pauline Foret (UMons) ; Marc Frère
(UMons) ; Zoé Gallez (Terre-en-vue) ; Pierre Gillis (UMons) ; Isaline Godart (étudiante
à l’UMons) ; Yves Gossuin (UMons) ; Bertrand Grietens (Ropi) ; Anne-Lise Hantson
(UMons) ; Issam Hasnaoui (étudiant à l’UMons) ; Laure Horlait (étudiante à l’UMons) ;

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 121

Jérôme Jouniaux (UMons) ; Chloé Karakatsanis (étudiante à l’UMons) ; Marc Labie (vice-
recteur de l’UMons) ; Florence Laline (UMons) ; Marylise Ledouble (Terre-en-vue) ;
Baptiste Leroy (UMons) ; Louis Loin (étudiant à l’UMons) ; Claire Martinus (UMons) ;
Axel Mayart (étudiant à l’UMons) ; Étienne Mayence (Équipes populaires - EP) ;
Alexandre Mbieleu Taffou (étudiant à l’UMons) ; Philippe Mettens (UMons) ; Françoise
Meuleman (Ropi) ; Denis Michez (UMons) ; Alessio Mocciolella (UMons) ; Alexis Mulas
(UMons) ; Chloé Mulkers (UMons) ; Rino Noviello (Nature et progrès) ; Quentin Pasetti
(UMons) ; François Petit (étudiant à l’UMons) ; Jean-Alexandre Pouleur (UMons) ; Liam
Sabot (UMons) ; Martin Stassens (étudiant à l’UMons) ; Albert Strebelle (UMons) ; Diane
Thomas (vice-rectrice de l’UMons) ; Joëlle Tilmant (UMons) ; Ludovic Toussaint (Groupe
de recherche et d’action des cyclistes quotidiens - GRACQ) ; Mathilde Toussaint
(UMons) ; Julien Vandernoot (UMons) ; Frank Venmans (UMons) ; Salvatore Vona
(UMons) ; Dimitri Waelkens (étudiant à l’UMons) ; Véronique Waroux (ancienne députée
régionale wallonne et ancienne sénatrice de Communauté).

Annexe 16. Liste des signataires de la carte blanche


« Coronavirus : un green deal pour faire face aux urgences pandémique,
économique, sociale et écologique » du 30 mars 2020
Paul Blume ; Cédric Chevalier (ingénieur de gestion et économiste ; coauteur de Déclarons
l’état d’urgence écologique) ; Jean Cornil (ancien sénateur et ancien député fédéral) ; Denis
Dargent (codirecteur de Présence et action culturelles - PAC) ; Filip De Bodt (Climaxi) ;
Thibault de La Motte (juriste et économiste ; coauteur de Déclarons l’état d’urgence
écologique) ; Sarah de Liamchine (codirectrice de Présence et action culturelles - PAC) ;
Olivier De Schutter (UCLouvain) ; Patrick Dupriez (président d’Etopia) ; Josué Dusoulier
(Réseau Transition.be) ; Brigitte Gloire ; Jonathan Guevorts (enseignant) ; Marc Lemaire
(Kaya) ; Théophile Lienhardt (biologiste) ; Samuel Lietaer (ULB) ; Laurent Lievens
(UCLouvain) ; Roland Moreau (président du Club de Rome) ; Olivier Parks (économiste ;
auteur de L’avenir du pétrole. Panne d’essence, panne de sens et de Le gaz de schiste. Risques
et enjeux) ; Jonathan Piron (Etopia) ; Johanna Vandenbussche (Teachers for Climate
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Belgium) ; Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain).

Annexe 17. Liste des signataires de la carte blanche :


« Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer
à de nouvelles crises systémiques » du 25 avril 2020
Philippe Baret ; Tom Bauler ; Lucie Blondé ; Philippe Bourdeau ; Thierry Bréchet ; Vincent
Burnand-Galpin ; Isabelle Cassiers ; Cédric Chevalier ; Fred Chomé ; Bertrand Collignon ;
Yves Coppieters ; Éric Corijn ; Gaëtan Dartevelle ; Luc de Brabandere ; Étienne de Callataÿ ;
Philippe Defeyt ; Jan De Maeseneer ; Sabine Denis ; Ri De Ridder ; Olivier De Schutter ;
William Dhoore ; Pascal Durdu ; Natalie Eggermont ; Isabelle Ferreras ; François
Gemenne ; Thibaut Georgin ; Luc Hens ; Julie Hermesse ; Dirk Holemans ; Brigitte
Hudlot ; Marek Hudon ; Dirk Jacobs ; Paul Jorion ; Olivier Klein ; Ilios Kotsou ; Marc
Labie ; Nicolas Lambert ; Olivier Lefebvre ; Marc Lemaire ; Laurent Lievens ; Cathy
Macharis ; Kevin Maréchal ; Bernard Mazijn ; Roland Moreau ; Sybille Mertens ;
Emmanuel Mossay ; Cordelia Orfinger ; Thomas Orban ; Pierre Ozer ; Gunter Pauli ;
Jean Pauluis ; Alain Peeters ; Jill Peeters ; Andréa Rea ; Magali Ronsmans ; Ignace Schops ;

CH 2457-2458
122 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Christophe Sempels ; Raphaël Stevens ; Géraldine Thiry ; Henry Tulkens ; Vincent


Truyens ; Leo Van Broeck ; Maye Vandenbussche ; Sybille van den Hove ; Philippe
Van Parijs ; Dominique Vanpee ; Jean-Pascal van Ypersele ; Pascal Vermeulen ; Marjolein
Visser ; Grégoire Wallenborn ; Romain Weikmans ; Sébastien Yasse ; Edwin Zaccai.
Ainsi que les 175 entreprises de la transition écologique de la coalition Kaya.

Annexe 18. Liste des contributeurs au « Plan “Sophia”. Un plan de transition


pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 » de mai 2020
Catherine Alexandre ; Quentin Antoine ; Philippe Baret ; Tom Bauler ; Hugues Bersini ;
Maryam Bigdeli ; Lucie Blondé ; Philippe Bourdeau ; Thierry Bréchet ; Vincent Burnand-
Galpin ; Martine Capron ; Isabelle Cassiers ; Gauthier Chapelle ; Cédric Chevalier ; Arnaud
Collignon ; Bertrand Collignon ; Yves Coppieters ; Éric Corijn ; Pierre Courbe ; Gaëtan
Dartevelle ; Xavier de Béthune ; Luc de Brabandere ; Étienne de Callataÿ ; Philippe Defeyt ;
Alban de Kerckhove ; Thibault de la Motte ; Édouard Delruelle ; Jan De Maeseneer ;
Paul de Munck ; Sabine Denis ; Ri De Ridder ; Olivier De Schutter ; Philippe Destatte ;
Alexandre De Streel ; William Dhoore ; Pascal Durdu ; Natalie Eggermont ; Vincent Engel ;
Isabelle Ferreras ; Antoine Geerinckx ; Francois Gemenne ; Thibaut Georgin ; Muriel
Gerkens ; Michel Gevers ; Luc Hens ; Julie Hermesse ; Dirk Holemans ; Sevan Holemans ;
Brigitte Hudlot ; Marek Hudon ; Dirk Jacobs ; Hervé Jeanmart ; Paul Jorion ; Olivier Klein ;
Ilios Kotsou ; Marc Labie ; Laurence Lambert ; Nicolas Lambert ; Olivier Lefebvre ;
Marianne Lemineur ; Laurent Lievens ; Cathy Macharis ; Kevin Maréchal ; Bernard
Mazijn ; Sylvie Meekers ; Sybille Mertens ; Emmanuel Mossay ; Yseult Navez ; Mathieu
Noirhomme ; Thomas Orban ; Pierre Ozer ; Élisabeth Paul ; Gunter Pauli ; Jean Pauluis ;
Alain Peeters ; Jill Peeters ; Andréa Rea ; Annemie Schaus ; Ignace Schops ; Christophe
Sempels ; Olivier Servais ; Raphaël Stevens ; Véronique Tellier ; Véronic Thirionet ;
Géraldine Thiry ; Xavier Thunis ; Vincent Truyens ; Françoise Tulkens ; Henry Tulkens ;
Leo Van Broeck ; Maye Vandenbussche ; Sybille van den Hove ; Philippe Van Parijs ;
Dominique Vanpee ; Dan Van Raemdonck ; David Van Reybrouck ; Jean-Pascal van
Ypersele ; Ariel Verbruggen ; Pascal Vermeulen ; Sara Vicca ; Marjolein Visser ; Grégoire
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Wallenborn ; Romain Weikmans ; Thomas Wyns ; Sébastien Yasse ; Edwin Zaccai.

Annexe 19. Liste de signataires de la carte blanche


« Face à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus,
organisons notre sécurité alimentaire » du 6 avril 2020
Philippe Baret (UCLouvain) ; Gauthier Chapelle (ingénieur agronome et biologiste) ;
Cédric Chevalier (ingénieur de gestion et économiste ; coauteur de Déclarons l’état
d’urgence écologique) ; Nicolas Dendoncker (UNamur) ; Olivier De Schutter (co-président
du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables - IPES-Food) ;
Patrick Dupriez (président d’Etopia) ; Corentin Hecquet (ULiège) ; Julie Hermesse
(UCLouvain) ; Marc Lemaire (Kaya) ; Pierre Ozer (ULiège ; Nourrir Liège) ; Pierre M.
Stassart (ULiège) ; Raphaël Stevens (expert en risques systémiques et résilience) ; Julie
Van Damme (Centre wallon de recherches agronomiques - CRA-W) ; Jean-Pascal van
Ypersele (UCLouvain) ; Marjolein Visser (ULB).

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 123

Annexe 20. Liste des signataires de la carte blanche


« Le Covid-19 montre l’urgence de relocaliser dès maintenant
les systèmes alimentaires » du 12 avril 2020
Éléonore Barrelet (Agroecology in Action) ; Emmanuelle Beguin (Natagora) ; Michel
Berhin (Ceinture alimentaire namuroise - CAN) ; Thérèse-Marie Bouchat (co-directrice
de Paysans-Artisans) ; Juliette Boulet (Greenpeace Belgium) ; Antoinette Brouyaux
(Associations21) ; Hélène Capocci (Entraide et fraternité) ; Benoit Dave (président du
Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court - 5C) ; Hélène Debaisieux
(Quinoa) ; Élisabeth Degryse (vice-présidente des Mutualités chrétiennes - MC) ;
Frédérique Dehaye (coordinatrice des Amis de la Terre Belgique - ATB) ; Myriam Delmée
(présidente du Syndicat des employés, techniciens et cadres - SETCA) ; Olivier De Schutter
(co-président du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables -
IPES-Food) ; Virginie Detienne (directrice de Coopération, recherche et animation du
Brabant wallon de l’Est - CRABE) ; Fanny Dubois (secrétaire générale de la Fédération
des maisons médicales et des collectifs de santé francophones - FMM) ; Philippe Duvivier
(président de la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs - FUGEA) ;
Guy Francq (président du Milcherzeuger Interessengemeinschaft - MIG) ; Zoé Gallez
(Terre-en-vue) ; Christophe Goossens (Eclosio) ; Olivier Haugustaine (secrétaire général
de SOS Faim) ; Jean Hermesse (vice-président des Mutualités chrétiennes - MC) ; Jean-
François Herz (co-directeur de SAW-B) ; Hélène Jane-Aluja (Réseau des consommateurs
responsables - RCR) ; Christian Jonet (Ceinture Aliment-Terre liégeoise - CATL) ; Michel
Kervyn (président d’Oxfam-en-Belgique) ; Renaud Keugten (Réseau Aliment-Terre de
l’arrondissement de Verviers - RATav) ; Florence Kroff (Foodfirst Information and Action
Network Belgium - FIAN Belgium) ; Jean-Pascal Labille (secrétaire général de Solidaris -
Mutualité socialiste) ; Henri Lecloux (co-président du Mouvement d’action paysanne -
MAP) ; Marie-Hélène Lefèvre (Brigades d’actions paysanne - BAP) ; Stéphane Lejoly
(Ceinture alimentaire Charleroi Métropole - CACM) ; Marc Lemaire (Groupe One ;
Kaya) ; Laurence Lewalle (Groupes d’achat solidaires de l’agriculture paysanne - GASAP) ;
Christine Mahy (secrétaire générale et politique du Réseau wallon de lutte contre la
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pauvreté - RWLP) ; Sylvie Meekers (directrice générale d’Inter-Environnement Wallonie -
IEW) ; Quentin Mortier (co-directeur de SAW-B) ; Vincent Oury (directeur de l’Autre
Terre) ; Jeremy Paillet (Début des haricots) ; Isabelle Philippe (directrice de Crédal) ;
Catherine Rousseau (Fédération des services sociaux - FdSS) ; Monica Schuster (World
Wilde Fund for Nature Belgique - WWF-Belgique) ; Olivia Swarczburt (Rencontre
des continents - RdC) ; Julie Van Damme (Centre wallon de recherches agronomiques -
CRA-W) ; Joëlle van den Berg (secrétaire générale du Réseau Information et diffusion
en éducation à l’environnement - Réseau IDée) ; Maïté Vandoorne (co-présidente du
Mouvement d’action paysanne - MAP) ; Felipe Van Keirlsblik (secrétaire général de la
Centrale nationale des employés - CNE) ; Bruno Vankelegom (président de la Fédération
bruxelloise de promotion de la santé - FBPS) ; Marjolein Visser (ULB) ; Arnaud Zacharie
(secrétaire général du Centre national de coopération au développement - CNCD-
11.11.11).

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124 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Annexe 21. Liste des signataires de la carte blanche


« Faire de chacun d’entre nous les #FoodHeroes de demain » du 30 avril 2020
Fabienne Bister (consultante PME) ; Bernard Bodson (ULiège) ; Luc Chefneux (Académie
royale de Belgique - ARB) ; Antoine Clinquart (ULiège) ; Jacques Crahay (Cosucra) ;
Guy De Mol (Moulins de Statte) ; Arnaud Deplae (Union des classes moyennes - UCM) ;
Olivier de Wasseige (Union wallonne des entreprises - UWE) ; Katrien D’hooghe (Belgian
Feed Association - BFA) ; Geneviève Dupont-Ligny (Union des agricultrices wallonnes -
UAW) ; François Héroufosse (Wagralim 338) ; Yvan Larondelle (UCLouvain) ; Guy
Paternoster (Raffinerie tirlemontoise) ; Charles Petit (Comeos Wallonie) ; Anne Reul
(Fédération de l’industrie alimentaire belge (FEVIA) Wallonie) ; Marianne Sindic
(ULiège) ; Marianne Streel (Fédération wallonne de l’agriculture - FWA).

Annexe 22. Liste des signataires de la carte blanche


« Répondre à la crise de la Covid-19 : la Belgique et l’annulation de la dette
des pays du Sud » du 26 juin 2020
11.11.11 ; Broederlijk Delen ; Caritas International Belgique ; Centrale générale des
syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) ; Centre national de coopération au
développement (CNCD-11.11.11) ; Comité pour l’abolition des dettes illégitimes
(CADTM) ; Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) ; Dynamo
International, Street Workers Network ; Entraide et fraternité ; Fédération générale du
travail de Belgique (FGTB) ; Fonds voor Ontwikkelingssamenwerking - Socialistische
Solidariteit (FOS) ; Geomoun ; Handicap International Belgium ; Le Monde selon
les femmes ; Oxfam-en-Belgique ; Oxfam-Solidarité ; Quinoa ; Solidarité socialiste
(SOLSOC) ; Viva Salud ; War-Affected People’s Association International (WAPA
International) ; We Social Movements (WSM).

Annexe 23. Liste des signataires de la carte blanche


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« La justice pénale au rabais : bienvenue chez Kafka 2.0 » du 6 mai 2020
Deborah Albelice ; Maryse Alié ; Martin Aubry ; Mélanie Bosmans ; Denis Bosquet ;
Mariana Boutuil ; Samira Bouyid ; Benjamine Bovy ; Laïs Brackelaire ; Alix Burghelle-
Vernet ; Sylvie Callewaert ; Xavier Carette ; Alexandre Chateau ; Carine Couquelet ; Sophie
Cuykens ; Mathilde Dasnoy ; Dimitri de Béco ; Estelle de Beukelaer ; Florence De Cock ;
Justine Doigni ; Nathalie Gallant ; Caroline Heymans ; Damien Holzapfel ; Édouard
Huysmans ; Laurent Kennes ; Steve Lambert ; Véronique Laurent ; Christophe Marchand ;
Juliette Moreau ; Maxime Nardone ; Joëlle Noël ; Delphine Paci ; Nelle Philippot ; David
Ribant ; André Risopoulos ; Harold Sax ; Jean-Joris Schmidt ; Daniel Spreutels ; Virginie
Taelman ; Catherine Toussaint ; Marc Uyttendaele ; Xavier Van Der Smissen ; Fanny
Vansiliette ; Aurélie Verheylesonne.

338
Pôle de compétitivité wallon pour le secteur agro-alimentaire.

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 125

Annexe 24. Liste des signataires de la carte blanche « Mesures de confinement


en réponse à la pandémie : comment guider la décision de déployer des outils
numériques de recherche de contacts / Het gebruik van contact tracing apps
bij een pandemie: enkele kritische beschouwingen » du 6 avril 2020
Martine Denis (KU Leuven) ; Maxiem Depypere (Wolfpack Branding) ; Anneleen Kiekens
(KU Leuven) ; Lieve Naesens (KU Leuven) ; ToTran Nguyen (KU Leuven) ; Jorge Ricardo
Nova Blanco (KU Leuven) ; Koen Peeters (Instituut voor Tropische Geneeskunde - ITG) ;
Mahmoud Reza Pourkarim (KU Leuven) ; Maya Ronse (Instituut voor Tropische
Geneeskunde - ITG) ; Lode Schuerman (GlaxoSmithKline (GSK) Vaccines) ; Nico
Van Daele (KU Leuven) ; Anne-Mieke Vandamme (KU Leuven) ; Nele Van den Cruyce
(VUB) ; Corinne Vandermeulen (KU Leuven) ; Elke Van Hoof (VUB ; Centre de
résilience) ; Marc Van Ranst (KU Leuven) ; Sara Vercauteren (DPG Media).

Annexe 25. Liste des signataires de la carte blanche « Nécessité et urgence


d’un débat public sur l’“application Corona” » du 18 avril 2020
Auteurs : Lode Lauwaert (KU Leuven) ; Massimiliano Simons (UGent) ; Nathalie Smuha
(KU Leuven).
Cosignataires : Pieter Aertgeerts (KU Leuven) ; Pieter Ballon (VUB) ; Brahim Bénichou
(KU Leuven) ; Toon Benoot (UGent) ; Hugues Bersini (ULB) ; Hendrik Blockeel (KU
Leuven) ; Hilde Bonte (KU Leuven) ; Luc Bonte (KAWET) ; Marc Boone (UGent) ;
Antoon Braeckman (KU Leuven) ; Roland Breeur (KU Leuven) ; Herman Bruyninckx
(KU Leuven) ; Caroline Calomme (KU Leuven) ; Tim Christiaens (KU Leuven) ; Mark
Coeckelbergh (Universität Wien) ; Gustaaf Cornelis (VUB) ; Liza Cortois (UHasselt) ;
Paul Cortois (KU Leuven) ; Jan De Bruyne (KU Leuven ; UGent) ; Jens Declercq (KU
Leuven ; Hogeschool Vives) ; Élise Degrave (UNamur) ; Tinne De Laet (KU Leuven) ;
Hugo De Man (KU Leuven) ; Marlies De Munck (UAntwerpen) ; Gita Deneckere
(UGent) ; Helder De Schutter (KU Leuven) ; Mattias Desmet (UGent) ; Johan
De Tavernier (KU Leuven) ; Carl Devos (UGent) ; Pierre Dewitte (KU Leuven) ; Thierry
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Dutoit (UMons) ; Louis Favril (UGent) ; Griet Galle (KU Leuven) ; Abe Geldhof (UGent) ;
Hans Geybels (KU Leuven) ; Axel Gosseries (UCLouvain) ; Serge Gutwirth (VUB) ; Kim
Hendrickx (KU Leuven) ; Kristien Hens (UAntwerpen) ; Rob Heyman (Kenniscentrum
Data en Maatschappij - KCDM) ; Liesbet Heyvaert (KU Leuven) ; Dominiek Hoens
(Royal Institute for Théâtre, Cinema and Sound - RITCS) ; Adeline Hoffelinck (UGent) ;
Marijn Hoijtink (Vrije Universiteit Amsterdam) ; Florian Jacques (UNamur) ; Marie-
Christine Janssens (KU Leuven) ; Els Kindt (KU Leuven) ; Amélie Lachapelle (UNamur) ;
Rudi Laermans (KU Leuven) ; Sonja Lavaert (VUB) ; Gregory Lewkowicz (ULB) ; Joyce
Leysen (KU Leuven) ; Frank Maet (LUCA School of Arts ; KU Leuven) ; Ico Maly (Tilburg
University) ; Jan Masschelein (KU Leuven) ; Reitske Meganck (UGent) ; Yves Moreau
(KU Leuven) ; Laurens Naudts (KU Leuven) ; Jan Opsomer (KU Leuven) ; Charles Pence
(UCLouvain) ; Olivier Pereira (UCLouvain) ; Didier Pollefeyt (KU Leuven) ; Yves Poullet
(UNamur) ; Veerle Provoost (UGent) ; Stephanie Rossello (KU Leuven) ; Steven Schelkens
(KU Leuven) ; Pierre-Yves Schobbens (UNamur) ; Liesbeth Schoonheim (KU Leuven) ;
Nicolas Standaert (KU Leuven) ; Sigrid Sterckx (UGent) ; Bart Thijs (KU Leuven) ; Mark
Van Aken (KU Leuven) ; Paulus Van Bortel (KU Leuven) ; Rosamunde Van Brakel
(VUB) ; Geert Van Calster (KU Leuven) ; Ad van Campenhout (KU Leuven) ; Henk

CH 2457-2458
126 PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020)

Vandaele (Hogeschool Vives) ; Anne-Mieke Vandamme (KU Leuven) ; Vincent


Vandeghinste (KU Leuven) ; Marc Van den Bossche (VUB) ; Steven Vanden Broecke
(UGent) ; Robin Vanderborght (UAntwerpen) ; Frédéric Vandermoere (UAntwerpen) ;
Gertrudis Van de Vijver (UGent) ; Niels van Dijk (VUB) ; Leni Van Goidsenhoven
(UAntwerpen) ; Ine Van Hoyweghen (KU Leuven) ; Sabine Van Huffel (KU Leuven) ;
Karel Van Nieuwenhuyse (KU Leuven) ; Nancy Vansieleghem (LUCA School of Arts) ;
Jan Vanthienen (KU Leuven) ; Anton Vedder (KU Leuven) ; Paul Verhaeghe (UGent) ;
Rita Verhelst (Hogescholl Gent - HoGent) ; Patrick Verlaak (LUCA School of Arts) ;
Gert Verschraegen (UAntwerpen) ; Hendrik Vos (UGent) ; Danny Wildemeersch (KU
Leuven) ; Kaat Wils (KU Leuven) ; Patrizia Zanoni (UHasselt).

Annexe 26. Liste des signataires de la carte blanche « Tracing :


attention aux exploitations non désirables de nos données ! » du 6 mai 2020
Hugues Bersini * (ULB) ; Luc Chefneux * (ULiège) ; Carine Doutrelepont * (ULB) ; Benoit
Frydman * (ULB) ; Benoit Macq * (UCLouvain) ; Yves Poullet * (UNamur) ; Jean-Jacques
Quisquater * (UCLouvain) ; Nathalie Smuha (KU Leuven) ; Françoise Tulkens *
(magistrate).
* Membres du groupe de travail de l’Académie royale de Belgique (ARB) sur les applications informatiques
anti-Covid19.

Annexe 27. Liste des signataires de la carte blanche


« Nous appelons à la constitution immédiate d’un Conseil régional
de la transition » du 14 mai 2020
21 Solutions ; Aksent ; AlterEducS ; Artists Common ; Associations21 ; Atelier Groot
Eiland ; Baita ; Bel Food ; Brussels Art Melting Pot (BAMP) ; Brusselse Raad voor
het Leefmilieu - Mouvement urbain pour Bruxelles (BRAL) ; Centre bruxellois
d’entrepreneuriat social, coopératif et collaboratif (Coopcity) ; Centre d’écologie urbaine
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(CEU) ; Centre d’études et recherches urbaines (ERU) ; Comité de défense de Saint-Gilles
(Codes) ; Communa ; Community Land Trust Bruxelles (CLTB) ; Com’on Home ;
Convivence ; Cooperative bruxelloise, écologique, économique et sociale (BEES coop) ;
Cuisines de quartier for Brussels (CQFB) ; CyCLO ; De Buiteling ; Déclic en perspectives ;
De Markten ; DoucheFlux ; eat ; Emancipatie via Arbeid Brussel (EVA bxl) ; Fabrik ;
Febecoop ; Federatie van Brusselse Inschakelingsondernemingen (FeBIO) ; Fédération
bruxelloise unie pour le logement (Fébul) ; Femmes épanouies et actives (FEZA) ;
Financité ; Gilbard ; Great ; Groupe One ; Habitat et rénovation (HR) ; Hart boven
Hard (HBH) ; Hefboom ; Home Sweet Coop ; House of Compassion - Béguinage ;
HuNeeds ; Kaaitheater ; Kaya ; La Rue ; LD3 ; Le Champ du Chaudron ; Les Petits riens ;
L’Îlot, Sortir du sans-abrisme ; LivingStones ; Louis-Paul Boonkring ; Maison de quartier
Bonnevie ; Maison de quartier Chambéry ; Masereelfonds ; Media Actie Kuregem Stad
(MAKS) ; Micro Factory ; OpenFab ; Pass-ages ; Periferia ; Pigment ; Plateforme citoyenne
de soutien aux réfugiés (BxlRefugees) ; Pour la solidarité (PLS) ; Pwiic ; Rencontre des
continents (RdC) ; Renovassistance ; Réseau des consommateurs responsables (RCR) ;
Réseau Transition.be ; Rotor ; Samenlevingsopbouw ; Santé communauté participation
(SACOPAR) ; SAW-B ; Singa Belgium ; Smart ; Syndicat des immenses ; Taxistop ;
Tournevie ; Tricoterie ; Une Maison en plus ; Urbike ; Waste Organic Recycling and

CH 2457-2458
PENSER L’APRÈS-CORONA (MARS-MAI 2020) 127

Management Solutions (WORMS) ; Michel Bauwens (chercheur) ; Nicolas Bernard


(UCL) ; Thomas Dawance (chercheur) ; Philippe De Leener (UCL) ; Olivier De Schutter
(UCL) ; Stephan Kampelmann (ULB) ; Emmanuel Mossay (Foundation for Peer to Peer
Alternatives - P2P Foundation) ; Virginie Samyn (Four Wings Fondation - 4Wings) ;
Luc Schuiten (architecte) ; Pierre Verbeeren (président de Solidarimmo, Planning familial
Leman et Bruss’Help).
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CENTRE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION
SOCIO-POLITIQUES

Le CRISP, Centre de recherche et d’information socio-politiques, est un organisme


indépendant. Ses travaux s’attachent à montrer les enjeux de la décision politique, à expliquer
les mécanismes par lesquels elle s’opère, et à analyser le rôle des acteurs qui y prennent
part, que ces acteurs soient politiques, économiques, sociaux, associatifs, etc.
Par ses publications, le CRISP met à la disposition d’un public désireux de comprendre la
société belge des informations de haute qualité, dans un souci d’exactitude, de pertinence et
de pluralisme. Son objectif est de livrer à ce public les clés d’explication du fonctionnement
du système socio-politique belge et de mettre en évidence les structures réelles du pouvoir,
en Belgique et dans le cadre de l’Union européenne.
Le Courrier hebdomadaire paraît au rythme de 40 numéros par an, certaines livraisons
correspondant à deux numéros. Chaque livraison est une monographie consacrée à l’étude
approfondie d’un aspect de la vie politique, économique ou sociale au sens large. La revue
du CRISP constitue depuis 1959 une source d’information incontournable sur des sujets variés :
partis politiques, organisations représentatives d’intérêts sociaux et groupes de pression divers,
évolution et fonctionnement des institutions, négociations communautaires, histoire politique,
groupes d’entreprises et structures du tissu économique, conflits sociaux, enseignement,
immigration, vie associative et culturelle, questions environnementales, européennes, etc.
C’est également dans le Courrier hebdomadaire que sont publiés les résultats des élections
commentés par le CRISP.
Les auteurs publiés sont soit des chercheurs du CRISP, formés en diverses disciplines des
sciences humaines, soit des spécialistes extérieurs provenant des mondes scientifique, associatif
et socio-politique. Dans tous les cas, les textes sont revus avant publication par le rédacteur
en chef et par un groupe d’experts sélectionnés en fonction de la problématique abordée,
afin de garantir la fiabilité de l’information proposée. Cette fiabilité, ainsi que la rigoureuse
objectivité du Courrier hebdomadaire, constituent les atouts principaux d’une revue dont
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la qualité est établie et reconnue depuis plus de 60 ans.

Fondateur : Jules Gérard-Libois


Président : Vincent de Coorebyter
Équipe de recherche :
Benjamin Biard, Pierre Blaise (secrétaire général), Fabienne Collard, Jean Faniel (directeur
général), Cédric Istasse, Vincent Lefebve, Caroline Sägesser, David Van Den Abbeel
(coordinateur du secteur Économie), Marcus Wunderle
Conseil d’administration :
Louise-Marie Bataille, Jacques Brassinne de La Buissière (vice-président honoraire),
Vincent de Coorebyter (président), Hugues Dumont, Éric Geerkens, Nadine Gouzée,
Serge Govaert, Laura Iker, Patrick Lefèvre, Michel Molitor (vice-président), Solveig Pahud,
Pierre Reman, Robert Tollet (vice-président), Els Witte
Derniers numéros du Courrier hebdomadaire parus
2455-2456 L’économie circulaire
Fabienne Collard
2453-2454 Planification d’urgence et gestion de crise sanitaire.
La Belgique face à la pandémie de Covid-19
Catherine Fallon, Aline Thiry et Sébastien Brunet
2452 Pacte social : enjeux anciens, nouveaux défis
Évelyne Léonard
2450-2451 Le financement des pensions des agents publics locaux
Damien Piron et Baptiste Vanderclausen
2448-2449 La campagne TAM TAM
Robin Van Leeckwyck
2447 La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020)
Jean Faniel et Caroline Sägesser
2446 L’État belge face à la pandémie de Covid-19 :
esquisse d’un régime d’exception
Frédéric Bouhon, Andy Jousten, Xavier Miny et Emmanuel Slautsky
2444-2445 La formation des gouvernements régionaux et communautaires
après les élections du 26 mai 2019
Benjamin Biard, Pierre Blaise, Jean Faniel, Serge Govaert
et Cédric Istasse
2442-2443 Le redéploiement économique de la Wallonie face à la diversité
de ses territoires
Jean-Marie Halleux, Bruno Bianchet, Hubert Maldague,
Jean-Marc Lambotte et Pierre-François Wilmotte
2440-2441 L’extrême droite en Europe centrale et orientale (2004-2019)
Benjamin Biard
2438-2439 Les réformes de l’assurance chômage (2011-2019)
Vincent Lefebve
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2436-2437 Le statut pénal des parlementaires
Marie Solbreux et Marc Verdussen
2435 Les évolutions électorales des partis politiques (1944-2019)
III. Les familles politiques
Cédric Istasse

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