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L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN

BELGIQUE

Chloé Thomas

CRISP | « Courrier hebdomadaire du CRISP »

2020/18 n° 2463-2464 | pages 5 à 66


ISSN 0008-9664
ISBN 9782870752432
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Courrier hebdomadaire
n° 2463-2464 • 2020

L’organisation fédérale
de la lutte antiterroriste en Belgique

Chloé Thomas
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Courrier hebdomadaire
Rédacteur en chef : Cédric Istasse
Assistante éditoriale : Fanny Giltaire

Le Courrier hebdomadaire est soutenu par l’Administration générale de l’Enseignement


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publié avec le concours du Fonds de la recherche scientifique–FNRS
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Belgique

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ISSN 0008 9664
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 5
1. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DANS LA LOI 7
1.1. L’inscription du terrorisme dans le Code pénal en 2003 7
1.2. Une nouvelle vague législative dès 2015 9
1.2.1. Janvier 2015 : extension des infractions terroristes 10
1.2.2. Novembre 2015 : extension des méthodes particulières de recherche 12
2. LES INSTRUMENTS POLITIQUES DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 19
2.1. Le Conseil national de sécurité (CNS) 19
2.2. Le Comité stratégique du renseignement et de la sécurité (CSRS) 21
2.3. Le Comité de coordination du renseignement et de la sécurité (CCRS) 21
2.4. La note-cadre de sécurité intégrale (NCSI) 23
2.4.1. L’élaboration d’un cadre général à travers la Conférence interministérielle
de politique de maintien et de gestion de la sécurité (CIM 9) 23
2.4.2. Les défis de la lutte antiterroriste identifiés dans les NCSI 24
3. LE VOLET OPÉRATIONNEL DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 26
3.1. L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) 27
3.1.1. Du GIA à l’OCAM 28
3.1.2. L’évaluation du niveau de la menace 29
3.1.3. Le Plan d’action Radicalisme (Plan R) 30
3.1.4. La gestion des banques de données communes 33
3.2. Les services d’appui de l’OCAM 35
3.3. Le Centre gouvernemental de coordination et de crise (CGCCR) 37
3.4. Les services de renseignement 38
3.4.1. Les services de renseignement civil et militaire 38
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3.4.2. Antiterrorisme et renseignement 39
3.5. Le service de police intégré, structuré à deux niveaux 41
3.5.1. La police fédérale 42
3.5.2. Les corps de police locale 45
3.5.3. Le Plan Canal 46
3.6. La Cellule de traitement des informations financières (CTIF) 47
3.7. Le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB) 49
3.8. La Défense 50
4. LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS TERRORISTES 53
4.1. La répression pénale via le parquet fédéral 53
4.2. Le plan d’action contre la radicalisation dans les prisons 55
4.3. Les mesures de police administrative 56
CONCLUSION 58

ANNEXES 60
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INTRODUCTION

Le 22 mars 2016, la Belgique est frappée par deux attaques à la bombe coordonnées,
à l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem et dans la station Maelbeek du métro de
Bruxelles. Ces explosions renforcent encore le « Belgium bashing », apparu suite aux
attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015 : la Belgique est pointée du doigt dans
la presse internationale, accusée d’avoir fait preuve d’un dangereux laxisme vis-à-vis
de ce que les commentateurs appellent l’islam radical 1.
Si certains reproches semblent excessifs, il n’en faut pas moins tirer des leçons de ces
attaques. Dans son rapport de 2017, la commission d’enquête parlementaire mise sur pied
après les attentats du 22 mars 2016 s’inquiète notamment d’une architecture de sécurité
2
fragmentée, qui favoriserait la confusion autour des responsabilités de chacun des acteurs .
Dans l’État fédéral qu’est la Belgique, la lutte contre le terrorisme dépend en effet de
l’action et de la coordination d’une multitude d’acteurs, des traditionnels professionnels
de la sécurité aux travailleurs sociaux, en passant par les administrations des différents
niveaux de pouvoir. À cela, s’ajoutent une culture du secret et la confidentialité inhérente
aux enjeux de sécurité, avec pour résultat une organisation de la lutte antiterroriste
qui peut sembler floue et peu lisible. Or, à l’heure où les citoyens belges sont appelés
à « apprendre à vivre avec la menace terroriste » 3 et où cette dernière justifie souvent des
mesures politiques qui menacent les droits fondamentaux et libertés individuelles 4, il est
nécessaire de comprendre comment s’organise la lutte contre le terrorisme en Belgique.
Le présent Courrier hebdomadaire s’intéresse à l’organisation et aux acteurs fédéraux de
la lutte contre le terrorisme en Belgique. La compétence appartient en effet avant tout
à l’Autorité fédérale. Cependant, les entités fédérées (Régions et Communautés) sont
également impliquées, particulièrement dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et
dans la prévention du terrorisme 5. Il existe en outre des initiatives au niveau local pour
lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent. L’influence permanente de l’Union
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européenne dans cette matière ne doit pas non plus être négligée. Enfin, des initiatives
internationales, à l’instar des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ou

1
S. BOUSSOIS, « Lutte contre le terrorisme : la Belgique, maillon faible ? », Politique étrangère, n° 4, 2017,
p. 173-185.
2
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte
contre le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de
3
la sécurité”, n° 1752/8, 15 juin 2017.
La Libre Belgique en ligne, 8 janvier 2016, www.lalibre.be.
4
Human Rights Watch, « Sources d’inquiétude. Les réponses antiterroristes de la Belgique aux attaques
de Paris et de Bruxelles », 3 novembre 2016, www.hrw.org ; Amnesty International, Des mesures
disproportionnées. L’ampleur grandissante des politiques sécuritaires dans les pays de l’UE est dangereuse,
5
Londres, 2017, www.amnesty.org.
Cf. par exemple ce rapport sur le Centre d’aide et de prise en charge de toute personne concernée par
les radicalismes et extrémismes violents (CAPREV) de la Communauté française : A. FRANSSEN, C. DAL,
F. RINSCHBERG, « Rapport d’évaluation du Réseau de prise en charge des radicalismes et extrémismes
violents », Centre d’Études sociologiques (Université Saint-Louis - Bruxelles), juillet 2019,
https://extremismes-violents.cfwb.be.

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6
des conventions du Conseil de l’Europe, orientent la politique belge . Néanmoins, sans
ignorer ces différents acteurs, c’est bien la politique fédérale de lutte contre le terrorisme
qui constitue la trame de cette étude.
Le premier chapitre est consacré à la législation antiterroriste belge. Examiner la lutte contre
le terrorisme implique en effet de comprendre préalablement comment le terrorisme est
défini et quels moyens sont prévus dans la loi pour le combattre. Le deuxième chapitre
présente les organes qui déterminent les orientations politiques de la lutte contre le
terrorisme. Il est ici question du volet stratégique de l’antiterrorisme belge. Mais
l’antiterrorisme s’opère aussi au quotidien, au travers des missions des professionnels
de la sécurité chargés de mettre en œuvre la législation et les décisions politiques. Ainsi,
les troisième et quatrième chapitres se penchent sur les volets respectivement opérationnel,
pour l’un, et répressif, pour l’autre, de la lutte contre le terrorisme. Si celle-ci est en réalité
moins linéaire, cette catégorisation quelque peu arbitraire en deux temps permet d’offrir
une meilleure lisibilité des différents acteurs et de leurs missions. Enfin, la conclusion
revient sur la structure antiterroriste belge et sur les orientations générales de celle-ci.
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6
Pour un aperçu des obligations européennes et internationales de la Belgique en matière d’antiterrorisme,
cf. T. RENARD, « Bilateral, European and Global: The 3 External Layers of Belgium’s Counter-Terrorism
Policy », in T. RENARD (dir.), Counterterrorism in Belgium: Key Challenges and Policy Options, Bruxelles,
Egmont Institut, 2016, www.egmontinstitute.be, p. 58-72.

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1. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
DANS LA LOI

Inscrire l’infraction terroriste dans la loi implique de faire un choix sur sa définition 7.
Celle-ci fait rarement consensus, tant le concept de terrorisme est large et politiquement
chargé. L’accusation de terrorisme sert effectivement souvent à criminaliser et à délégitimer
un adversaire politique 8. Ainsi, le caractère terroriste vient ajouter une circonstance
aggravante à des crimes déjà couverts par la loi et autorise le recours à des méthodes
particulières de recherche, plus souples et plus intrusives 9.
Ce premier chapitre examine la définition du terrorisme choisie par la Belgique, ainsi
que les moyens dont le pays s’est doté pour combattre le phénomène terroriste. En
l’occurrence, l’arsenal antiterroriste belge s’est principalement construit en deux grandes
vagues législatives : au début des années 2000, suite aux attentats du 11 septembre 2001
aux États-Unis (1.1), et plus récemment, entre 2015 et 2016, en réponse aux menaces du
groupe terroriste État islamique contre les pays européens (1.2). La législation antiterroriste
belge ne se limite bien sûr pas aux lois adoptées lors ces deux moments clés ; mais il s’agit
ici de se concentrer sur les deux principaux nœuds législatifs de l’antiterrorisme belge 10.

1.1. L’INSCRIPTION DU TERRORISME DANS LE CODE PÉNAL EN 2003


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Contrairement à certains de ses voisins européens, la Belgique ne se dote que très
tardivement d’une législation antiterroriste 11. L’infraction terroriste n’est en effet inscrite
dans le Code pénal belge qu’en 2003. Jusqu’alors, les actes de terrorisme étaient poursuivis
sur la base d’infractions prévues dans le droit commun (par exemple, la prise d’otage,

7
L. HENNEBEL, G. LEWKOWICZ, « Le problème de la définition du terrorisme », in L. HENNEBEL,
8
D. VANDERMEERSCH (dir.), Juger le terrorisme dans l’État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 17-59.
I. SOMMIER, Le terrorisme, Paris, Flammarion, 2000 ; D. DUEZ, « De la définition à la labellisation : le
terrorisme comme construction sociale », in K. BANNELIER, T. CHRISTAKIS, O. CORTEN, B. DELCOURT (dir.),
9
Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre 2001, Paris, Pedone, 2004, p. 105-118.
F. DUBUISSON, « La définition du “terrorisme” : débats, enjeux et fonctions dans le discours juridique »,
10
Confluences Méditerranée, n° 102, 2017, p. 36.
Pour une présentation détaillée de la législation belge autour des infractions terroristes, cf. E. DELHAISE,
Infractions terroristes, Bruxelles, Larcier, 2019.
11
J.-C. PAYE, « Belgique : une “lutte antiterroriste” ordinaire », Pyramides, volume 16, n° 1, 2008, p. 151.
Cf. aussi les bases de données sur les profils nationaux du Comité d’experts sur le terrorisme : Conseil
de l’Europe, « Profils relatifs à la capacité de lutte contre le terrorisme », 2003-2017, www.coe.int.

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12
l’emploi de produits explosifs, la criminalité organisée et l’association de malfaiteurs) .
Ainsi, les attentats à la bombe revendiqués, dans les années 1980, par les Cellules
communistes combattantes (CCC) ont été poursuivis sur la base du droit pénal classique 13.
Les tueries du Brabant, perpétrées au même moment, auraient également pu faire l’objet
d’une incrimination pour terrorisme si cette notion avait alors existé en droit belge.
En 2003, le contexte est particulièrement propice à la production législative. Les attentats
du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont marqué les esprits et consolidé la coopération
internationale 14. Les efforts antiterroristes, déjà discutés avant 2001, ont été accélérés et
15
renforcés suite aux attentats revendiqués par le groupe terroriste Al-Qaeda . L’approche
belge consiste alors à suivre la voie tracée par les discussions au niveau européen. Ainsi,
la loi adoptée en 2003 fait directement suite à la décision-cadre du Conseil de l’Union
européenne du 13 juin 2002 qui impose aux États membres de légiférer sur les infractions
et groupes terroristes 16.
17
Très concrètement, la loi du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes insère
er
un article 137 au Titre I ter du Livre II du Code pénal, qui définit l’infraction terroriste
comme suit :
er
« § 1 . Constitue une infraction terroriste, l’infraction prévue aux §§ 2 et 3 qui, de
par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays ou à une
organisation internationale et est commise intentionnellement dans le but d’intimider
gravement une population ou de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une
organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte, ou
de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation
internationale. »
Les paragraphes 2 et 3 de l’article énumèrent les infractions susceptibles d’être aggravées par
leur caractère terroriste : l’homicide volontaire, la prise d’otage, la capture de moyens de
transport, la libération de substances dangereuses, la perturbation de l’approvisionnement
en eau, etc. 18
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La loi prévoit également un article 138 dans le Code pénal, qui durcit les peines pour
les infractions qui viennent d’être listées si elles constituent des infractions terroristes.
Elle crée également l’article 139, qui définit le groupe terroriste comme « l’association
structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps, et qui agit de façon concertée

12
T. COOSEMANS, « Les dispositifs de sécurité avant et après le 11 septembre 2001 », Courrier hebdomadaire,
13
CRISP, n° 1762-1763, 2002, p. 76-77.
M. MOUCHERON, « Délit politique et terrorisme en Belgique : du noble au vil », Cultures et Conflits, n° 61,
2006, p. 77 ; M. MOUCHERON, « Évolution de la figure du “terroriste” en Belgique », in D. KAMINSKI,
P. GORIS (dir.), Prévention et politiques de sécurité arc-en-ciel, Bruxelles, Réseau interuniversitaire sur
14
la prévention, 2003, p. 77.
P. BERTHELET, « L’impact des événements du 11 septembre sur la création de l’espace de liberté, de sécurité,
15
et de justice », Cultures & Conflits, n° 46, 2002.
16
J.-C. PAYE, « Belgique : une “lutte antiterroriste” ordinaire », op. cit., p. 145.
Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, Journal
officiel des Communautés européennes, L 164, 22 juin 2002. En 2002, c’est la Belgique qui détient la
présidence du Conseil. Si cette directive-cadre était prévue pour adoption sous la présidence espagnole
quelques mois plus tard, les attentats du 11 septembre ont précipité son adoption. Cf. M. MOUCHERON,
17
« Délit politique et terrorisme en Belgique », op. cit., p. 81.
18
Moniteur belge, 29 décembre 2003.
Cette liste est reproduite intégralement dans l’annexe 2 du présent Courrier hebdomadaire.

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en vue de commettre des infractions terroristes visées à l’article 137 ». Toujours en


application de la directive européenne, sont également insérés les articles 140 et 141,
qui incriminent la participation et l’aide, notamment financière, à des activités terroristes.
Enfin, la loi précise que ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables dans le cas
19
de conflits armés et ne peuvent entraver les libertés et droits fondamentaux .
Les attentats revendiqués par Al-Qaeda et ayant frappé Madrid en mars 2004 et Londres
en juillet 2005 encouragent eux aussi des innovations législatives 20. En 2008, face à
l’évolution de la menace terroriste, une nouvelle décision-cadre du Conseil de l’Union
21
européenne définit de nouvelles infractions terroristes . Celles-ci sont intégrées au Code
22
pénal belge par la loi du 18 février 2013 . Désormais, les articles 140bis à 140quinquies
punissent également l’incitation, le recrutement, la formation à des actes terroristes et
la direction d’un groupe terroriste.
En adoptant une telle législation, la Belgique rompt avec sa souplesse originelle pour le
délit politique, mais s’inscrit dans la politique antiterroriste portée par l’Union européenne
et les États-Unis 23. Elle adopte d’ailleurs à la lettre les définitions élaborées par le Conseil
de l’Union européenne. Toutefois, ces définitions restent vagues et sujettes à interprétation
en introduisant un élément moral, à savoir l’intention de l’auteur, difficile à prouver.
Enfin, certains doutent de la nécessité même d’une législation d’exception spécifique
au terrorisme là où le droit commun permettait déjà de poursuivre les actes terroristes,
et craignent une menace sur les libertés et droits fondamentaux 24.

1.2. UNE NOUVELLE VAGUE LÉGISLATIVE DÈS 2015

Un nouveau travail législatif est entrepris dès 2015, en réaction à la montée en puissance
du groupe terroriste État islamique et ses menaces à l’égard des États européens. Si les
premiers départs de ressortissants européens vers l’Irak et la Syrie sont constatés et
inquiètent les services de sécurité à partir de 2012, il est question pour la première fois
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de l’État islamique sur le sol belge en mai 2014, lors de la fusillade survenue au Musée juif
de Belgique, à Bruxelles. L’enquête démontre en effet que Mehdi Nemmouche, condamné
en mars 2019 pour ces faits à la réclusion à perpétuité bien qu’il nie en être l’auteur, avait
combattu aux côtés de l’État islamique avant de revenir en Europe 25. L’incident alerte
les services de sécurité. Cependant, il n’amène aucune mesure antiterroriste d’ampleur
de la part du gouvernement fédéral, alors en affaires courantes, en dehors du renforcement

19
Dans son rapport de 2020, le Comité T propose une analyse de la jurisprudence relative à l’article 141bis
sur le droit international humanitaire : Comité T, « Rapport 2020. Évaluation des mesures visant à lutter
contre le terrorisme à la lumière des droits humains », 2020, http://comitet.be, p. 86-96.
20
S. WERNERT, « L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme », Politique étrangère, n° 2, 2018, p. 133-
21
144.
Décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI
22
relative à la lutte contre le terrorisme, Journal officiel de l’Union européenne, L 330/21, 9 décembre 2008.
23
Loi du 18 février 2013 modifiant le livre II, titre Iter du Code pénal, Moniteur belge, 4 mars 2013.
Sur le délit politique en Belgique, cf. M. MOUCHERON, « Délit politique et terrorisme en Belgique », op. cit.
24
Comité T, « Rapport 2017 », 2017, http://comitet.be ; D. BIGO, L. BONELLI, T. DELTOMBE (dir.), Au nom
25
du 11 septembre… Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme, Paris, La Découverte, 2008.
L’Écho, 12 mars 2019.

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10 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

de la présence policière autour des lieux de culte juifs. En 2015 par contre, le
démantèlement d’une cellule terroriste à Verviers (1.2.1) et, plus tard, les attentats
de Paris (1.2.2) poussent le gouvernement fédéral belge à annoncer une série de mesures
supplémentaires destinées à renforcer la lutte contre le terrorisme.

1.2.1. Janvier 2015 : extension des infractions terroristes

Le mois de janvier 2015 constitue un tournant pour l’antiterrorisme belge. Le 15 janvier,


une cellule terroriste est démantelée suite à une intervention des forces spéciales de la
police fédérale dans un appartement à Verviers. Quelques jours plus tôt, la France a été
secouée par la fusillade au sein de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo et par
la prise d’otage du magasin Hyper Cacher. C’est dans ce contexte que, dès le 16 janvier
2015, le gouvernement fédéral belge, dirigé par le libéral Charles Michel (MR) 26, annonce
27
une première série de douze mesures destinées à renforcer la lutte contre le terrorisme .
Parmi celles-ci, figurent le déploiement de l’armée belge sur le sol national pour des
missions de surveillance (cf. infra), la lutte contre le radicalisme dans les prisons (cf. infra)
et la révision du Plan Radicalisation (cf. infra). Le gouvernement fédéral souhaite
également renforcer la capacité d’analyse de la Sûreté de l’État, et optimiser l’échange
d’informations entre les autorités et les services administratifs et judiciaires. Il annonce
encore l’exécution du gel des avoirs nationaux prévu par un arrêté royal du 28 décembre
2006 pour les individus partis combattre en Syrie aux côtés de l’État islamique 28. La
circulaire ministérielle du 7 septembre 2015 détaillera la procédure d’inscription sur
le registre national, et une première liste de personnes et entités sera établie en ce sens
en mai 2016 29. Aussi, le gouvernement prévoit de revoir la circulaire du 25 septembre
30
2014 sur ces « foreign terrorist fighters » (FTF, combattants terroristes étrangers) . Depuis
2012 en effet, les services de renseignement craignent le retour de ces individus sur le sol
européen dans le but d’y commettre une attaque 31. La confidentielle circulaire du 21 août
2015 du ministre de la Sécurité et de l’Intérieur et du ministre de la Justice remplacera
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26
Depuis octobre 2014 (et jusqu’au départ de la N-VA en décembre 2018), le Premier ministre C. Michel
est à la tête d’une coalition N-VA/MR/CD&V/Open VLD. Les ministres compétents pour la matière qui
nous intéresse sont Jan Jambon (N-VA, ministre de la Sécurité et de l’Intérieur), Koen Geens (CD&V,
ministre de la Justice), Didier Reynders (MR, ministre des Affaires étrangères et européennes) et Steven
27
Vandeput puis Sander Loones (N-VA, ministre de la Défense).
Pour l’intégralité des douze mesures annoncées par le gouvernement fédéral, cf. Conseil des ministres,
« 12 mesures contre le radicalisme et le terrorisme », Communiqué de presse, 16 janvier 2015,
28
www.premier.be.
Arrêté royal du 28 décembre 2006 relatif aux mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines
personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, Moniteur belge, 17 janvier
29
2007.
Arrêté royal du 30 mai 2016 établissant la liste des personnes et entités visées aux articles 3 et 5 de
l’arrêté royal du 28 décembre 2006 relatif aux mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines
er
personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, Moniteur belge, 1 juin
30
2016.
La notion de FTF est problématique, en ce qu’elle obscurcit la distinction entre droit international des
conflits armés et droit antiterroriste ; dans le présent Courrier hebdomadaire, nous l’utilisons donc avec
les précautions nécessaires. Cf. R. MAISON, « Le nom de l’ennemi. Quand les logiques de guerre transforment
le droit commun », Les Temps modernes, n° 689, 2016, p. 20-35 ; Comité T, « Rapport 2020 », op. cit.,
31
p. 86-96.
T. RENARD, « Europe’s “New” Jihad: Homegrown, Leaderless, Virtual », Security Policy Brief, Egmont
Institute, n° 89, juillet 2017, p. 1-2.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 11

32
la circulaire de 2014 et renforcera le suivi administratif des FTF . Elle prévoira ainsi
la création d’une banque de données alimentée par les services de renseignement et
de police et par les autorités locales, ainsi que l’élaboration de fiches individuelles de
renseignements (cf. infra).
Le 16 janvier 2015, le gouvernement fédéral annonce également son intention d’étendre
la liste des infractions donnant lieu à l’utilisation des méthodes particulières de recherche.
Cette volonté se concrétisera notamment par la loi du 25 décembre 2016 dite loi BOM
(cf. infra). D’autres mesures exigent l’adaptation de la législation antiterroriste. Ainsi,
la loi du 20 juillet 2015 visant à renforcer la lutte contre le terrorisme (dite loi Terro I)
concrétise la volonté du gouvernement fédéral d’élargir les possibilités de retrait de la
33
nationalité belge . La déchéance de nationalité était auparavant prévue pour certaines
infractions terroristes uniquement et dans les dix ans après l’obtention de la nationalité
belge. La loi prévoit désormais la possibilité de déchoir de leur nationalité les auteurs
ou complices de toute infraction terroriste condamnés à une peine d’au moins cinq ans
qui ont acquis la nationalité belge. En application d’une résolution du Conseil de sécurité
des Nations unies du 24 septembre 2014 34, la même loi crée une nouvelle infraction
terroriste en introduisant l’article 140sexies dans le Code pénal, qui incrimine le voyage
à visée terroriste, c’est-à-dire le départ de ou l’entrée en Belgique en vue de commettre
une infraction terroriste.
Toujours dans l’idée d’étendre le spectre des infractions terroristes, la loi du 3 août 2016
(dite loi Terro III) modifie l’article 140bis du Code pénal, de façon à réprimer la diffusion
de messages avec l’intention d’inciter « directement ou indirectement » à une infraction
terroriste 35. Elle supprime également la condition selon laquelle cette diffusion « crée le
risque qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises » 36. Cette disposition
sera finalement rétablie par la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 15 mars 2018, suite
37
à un recours en annulation de la Ligue des droits humains (LDH) . Pour sa part, l’ajout
des mots « directement ou indirectement » est finalement supprimé par la loi du 5 mai
2019 portant des dispositions diverses en matière pénale 38. En application de la directive
du 15 mars 2017 du Parlement européen et du Conseil 39, cette même loi modifie également
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les articles 140ter à 140sexies du Code pénal, qui visent respectivement le recrutement,
l’entraînement, la formation et le voyage à des fins terroristes afin de réprimer ces
comportements quand ils « contribue[nt] à commettre » une infraction terroriste.
Entre-temps, un article 140septies est intégré par la loi du 14 décembre 2016 40. Ici, c’est

32
K. GEENS, « Nouvelle circulaire “Foreign Terrorist Fighters” », Communiqué de presse, 27 août 2015,
33
www.koengeens.be.
34
Loi du 20 juillet 2015 visant à renforcer la lutte contre le terrorisme, Moniteur belge, 5 août 2015.
Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution n° 2178, 24 septembre 2014 (cité dans E. DELHAISE,
35
Infractions terroristes, op. cit., p. 46).
Loi du 3 août 2016 portant des dispositions diverses en matière de lutte contre le terrorisme (III),
Moniteur belge, 11 août 2016.
36
37
Article 2, 3°.
38
Cour constitutionnelle, Arrêt n° 31/2018, 15 mars 2018.
Loi du 5 mai 2019 portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant
39
la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code pénal social, Moniteur belge, 24 mai 2019.
Directive 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le
terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI
40
du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne, L 88/6, 31 mars 2017.
La loi du 14 décembre 2016 modifiant le Code pénal en ce qui concerne la répression du terrorisme,
Moniteur belge, 22 décembre 2016.

CH 2463-2464
12 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

la préparation d’une infraction terroriste qui est introduite dans le Code pénal. Cette
notion est entendue très largement ; elle comprend par exemple la collecte de
renseignements, la visite de lieux, la détention ou le transport d’objets susceptibles
de présenter un danger. La loi modifie également l’élément moral de l’infraction prévue
à l’article 140 du Code pénal, en élargissant son champ d’application : est désormais
punissable « toute personne qui participe à une activité d’un groupe terroriste (…) en ayant
eu connaissance ou en ayant dû avoir connaissance que cette participation pourrait contribuer
41
à commettre un crime ou un délit du groupe terroriste » .
Pour empêcher les départs visant à combattre aux côtés de l’État islamique, le
gouvernement fédéral indique également le 16 janvier 2015 qu’il souhaite rendre possible
42
le retrait des documents d’identité. La loi du 10 août 2015 prévoit ainsi que l’Organe
de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) peut suggérer au ministre fédéral
de l’Intérieur le refus, le retrait ou l’invalidation d’une carte d’identité pour un délai
maximum de trois mois, renouvelable une fois, « quand il existe des indices fondés
et très sérieux que cette personne souhaite se rendre sur un territoire où des groupes
terroristes (…) sont actifs dans des conditions telles qu’elle peut présenter à son retour
en Belgique une menace sérieuse d’infraction terroriste (…) ou que cette personne
souhaite commettre hors du territoire national des infractions terroristes ». Si la loi prévoit
une consultation avec le parquet fédéral ou le procureur du Roi afin de s’assurer que
cette décision ne compromet pas l’exercice de la procédure pénale, elle ne prévoit toutefois
aucune possibilité de contrôle par un juge indépendant, ni en amont de la décision ni
a posteriori 43.
Enfin, par deux arrêtés royaux du 28 janvier 2015 et du 2 juin 2015, l’architecture de
sécurité est modifiée avec la création, d’une part, du Conseil national de sécurité (CNS)
et, d’autre part, du Comité stratégique du renseignement et de la sécurité (CSRS) et du
Comité de coordination du renseignement et de la sécurité (CCRS) (cf. infra) 44.

1.2.2. Novembre 2015 : extension des méthodes particulières


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de recherche

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris ont des répercussions en Belgique. Très vite,
il apparaît qu’une partie des auteurs de ces attaques sont passés par la commune bruxelloise
de Molenbeek-Saint-Jean 45. La crainte d’un attentat similaire et le relèvement du niveau
de la menace en Région bruxelloise par l’OCAM entraînent la fermeture des écoles et des
magasins, ainsi que d’une partie des transports publics du 21 au 25 novembre (« lockdown

41
42
C’est nous qui soulignons.
Loi du 10 août 2015 modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes
d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant
43
un Registre national des personnes physiques, Moniteur belge, 31 août 2015.
44
Comité T, « Rapport 2017 », op. cit., p. 38.
Arrêté royal du 28 janvier 2015 portant création du Conseil national de sécurité, Moniteur belge, 30 janvier
2015 ; Arrêté royal du 2 juin 2015 portant création du Comité stratégique et du Comité de coordination
45
du renseignement et de la sécurité, Moniteur belge, 5 juin 2015.
Le Monde en ligne, 13 octobre 2016, www.lemonde.fr.

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L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 13

46
de Bruxelles ») . Alors que la Belgique est sous le feu des critiques pour ses
manquements, le gouvernement fédéral annonce, le 19 novembre 2015, un éventail
de dix-huit mesures en préparation 47. Un amendement au budget 2016 de 400 millions
d’euros supplémentaires pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme est ainsi décidé.
Le gouvernement fédéral renforce également la présence militaire en Belgique ainsi qu’au
sein de la coalition internationale contre l’État islamique, mais aussi les contrôles policiers
à la frontière franco-belge. Parmi les mesures annoncées, une attention particulière
est apportée à la propagation des discours de haine : « fermeture des lieux de culte
non reconnus qui diffusent le djihadisme », « exclusion des prédicateurs de haine » et
« fermeture des sites Internet prêchant la haine ». Le gouvernement fédéral explique aussi
qu’il travaille à l’élaboration d’un « Plan Molenbeek » axé tant sur la prévention que sur
la répression, qui deviendra plus tard le Plan Canal (cf. infra). Sont en outre annoncées
la modernisation de la procédure pour l’accès aux emplois sensibles (notamment au regard
des avis de sécurité) et l’extension du réseau de caméras de reconnaissance des plaques
minéralogiques.
Le gouvernement fédéral entend aussi prolonger la durée maximale des gardes à vue de
24 heures à 72 heures. La Constitution sera révisée en ce sens en octobre 2017 mais pour
une prolongation jusqu’à 48 heures au maximum 48. Le gouvernement annonce encore
la fin de l’interdiction des perquisitions de nuit, c’est-à-dire après 21h00 et avant 5h00,
pour les enquêtes sur des infractions terroristes – une possibilité qui existait en réalité
déjà, notamment sur la base du flagrant délit 49. C’est ce que prévoira la loi du 27 avril 2016
relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme (dite loi
Terro II) 50. Cette même loi posera également le cadre juridique pour des banques de
données communes aux ministres fédéraux de l’Intérieur et de la Justice. C’est sur cette
base que seront créées les banques de données autour des prédicateurs de haine, des
« foreign terrorist fighters » (FTF) et des « homegrown terrorist fighters » (HTF, qui, eux,
n’ont pas tenté de partir à l’étranger pour combattre aux côtés d’un groupe terroriste
et se sont donc « radicalisés » en Belgique : cf. infra) – bien que la frontière entre FTF
et HTF soit difficile à tracer 51.
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Deux autres mesures liées aux individus dits radicalisés sont également alors envisagées :
l’incarcération automatique des FTF dès leur retour en Belgique et le port du bracelet
électronique pour les individus fichés par les services d’analyse de la menace. Si les FTF
seront effectivement désormais systématiquement arrêtés et présentés devant un juge

46
Centre gouvernemental de coordination et de crise, « Suites des attentats à Paris. Maintien du niveau 4
47
en Région bruxelloise. Mesures de sécurité spécifiques », 22 novembre 2015, https://centredecrise.be.
Pour l’intégralité des dix-huit mesures annoncées par le gouvernement fédéral, cf. Chambre des
48
représentants, Compte rendu intégral, n° 81, 19 novembre 2015.
49
Révision de l’article 12 de la Constitution, Moniteur belge, 29 novembre 2017.
Comité T, « Rapport 2017 », op. cit., p. 40.
50
Loi du 27 avril 2016 relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme,
51
Moniteur belge, 9 mai 2016.
T. RENARD, « Europe’s “New” Jihad », op. cit., p. 1-3.

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14 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

52
à leur retour en Belgique , l’idée du port du bracelet électronique pour tous les individus
53
fichés sera par contre abandonnée .
En novembre 2015 toujours, le gouvernement fédéral communique son intention
d’avancer sur un équivalent belge au système européen des Données des dossiers passagers
(Passenger Name Record, PNR), dont la mise en œuvre se fait alors attendre 54. Ce projet,
qui a été discuté dès 2011 et qui sera concrétisé en mai 2018, vise à récolter les données
des passagers empruntant un moyen de transport international afin de détecter les
infractions terroristes et autres formes graves de criminalité 55. La loi du 25 décembre 2016
56
relative au traitement des données des passagers transposera les directives européennes
57
pertinentes . Cette loi précise que ces données, conservées pendant cinq ans, sont à utiliser
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité, mais
également dans la lutte contre l’immigration illégale et pour le contrôle aux frontières.
Comme le rappelle le Comité de vigilance en matière de lutte contre le terrorisme
(Comité T) dans son rapport 2020, la Commission pour la protection de la vie privée
(CPVP) a souligné en 2015 le choix de la Belgique d’opter pour un champ d’application
plus large que celui prévu dans les textes européens, tant pour ce qui est des données
58
récoltées que pour leur finalité . Saisie par la Ligue des droits humains pour un recours
en annulation, la Cour constitutionnelle a envoyé en octobre 2019 dix questions
préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la loi transposant
le PNR dans le droit belge, notamment quant au respect du droit à la vie privée et à la
protection des données à caractère personnel 59.
En novembre 2015, le gouvernement fédéral prévoit également l’accès à de nouvelles
technologies par les services de sécurité dans le cadre des méthodes particulières
de recherche. À cette fin, la loi du 25 décembre 2016 dite loi BOM 60 prévoira
un assouplissement des conditions de collecte de données de communications
électroniques et d’infiltration par les services de police. Concernant les données de

52
T. RENARD, R. COOLSAET, « From the Kingdom to the Caliphate and Back: Returnees in Belgium », in
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T. RENARD, R. COOLSAET (dir.), Returnees: Who Are They, Why Are They (Not) Coming Back and How Should
We Deal with Them? Assessing Policies on Returning Foreign Terrorist Fighters in Belgium, Germany and
the Netherlands, Bruxelles, Egmont Institut, 2018, www.egmontinstitute.be, p. 29.
53
54
RTBF Info, 19 mars 2018, www.rtbf.be.
La tentative d’attentat à bord d’un Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 a également relancé les
discussions sur ce dispositif (cf. Le Monde, 29 août 2015).
55
Pour une analyse du PNR et de ses implications sur l’espace de sécurité européen, cf. R. BELLANOVA,
D. DUEZ, « A Different View on the “Making” of European Security: The EU Passenger Name Record System
as a Socio-Technical Assemblage », European Foreign Affairs Review, volume 17, n° 2, 2012, p. 109-124.
56
57
Loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers, Moniteur belge, 21 janvier 2017.
Directive 2004/82/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant l’obligation pour les transporteurs de
communiquer les données relatives aux passagers, Journal officiel de l’Union européenne, L 261/24, 6 août
2004 ; Directive 2016/681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l’utilisation
des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes
et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, Journal officiel
58
de l’Union européenne, L 119/132, 4 mai 2016.
Commission pour la protection de la vie privée, Avis n° 55/2015, 16 décembre 2015 (reproduit dans
Chambre des représentants, Projet de loi relatif au traitement des données des passagers, n° 2069/1, 4 octobre
59
2016, p. 79-88)
60
Cour constitutionnelle, Arrêt n° 135/2019, 17 octobre 2019.
Loi du 25 décembre 2016 portant des modifications diverses au Code d’instruction criminelle et au
Code pénal, en vue d’améliorer les méthodes particulières de recherche et certaines mesures d’enquête
concernant Internet, les communications électroniques et les télécommunications et créant une banque
de données des empreintes vocales, Moniteur belge, 17 janvier 2017.

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L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 15

61
télécommunication en particulier, une première loi du 30 juillet 2013 avait modifié
62
la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques afin de transposer en
droit belge la Directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars
2006 63. Il s’agissait d’imposer aux fournisseurs de service de télécommunications
la conservation des métadonnées de leurs utilisateurs – non pas le contenu des
communications, mais leur origine et destination, leur localisation, etc. Le 11 juin 2015,
suite aux recours en annulation de la Ligue des droits humains – à l’époque encore Ligue
des droits de l’homme –, de la Liga Voor Mensenrechten et de l’Ordre des barreaux
francophones et germanophone, la Cour constitutionnelle a annulé la loi du 30 juillet 2003,
estimant notamment qu’elle allait à l’encontre des principes d’égalité et violait la vie privée
64
des citoyens . La loi du 29 mai 2016 relative à la collecte et à la conservation des données
dans le secteur des communications électroniques 65, qui fait directement suite à cet arrêt
de la Cour constitutionnelle, remplace la loi du 30 juillet 2013 en essayant d’apporter des
garanties quant à l’accès et la conservation des données. Il n’existe toutefois toujours pas
de restriction pour les métadonnées des professions soumises au secret professionnel,
comme les médecins ou les avocats 66.
La fin de l’anonymat des cartes prépayées des opérateurs mobiles, également annoncée
par le gouvernement fédéral en novembre 2015, se concrétisera par l’adoption de l’arrêté
royal du 27 novembre 2016 relatif à l’identification de l’utilisateur final de services de
67
communications électroniques publics mobiles fournis sur la base d’une carte prépayée .
Enfin, la dernière annonce gouvernementale de novembre 2015 envisage l’élaboration
d’une législation sur l’état d’urgence. S’il celle-ci n’existe toujours pas en droit belge
à l’heure actuelle, cette réflexion illustre la trajectoire suivie par la Belgique en matière
d’antiterrorisme ces dernières années. Encouragée au niveau européen – et parfois par
la Belgique elle-même –, la législation antiterroriste belge se veut toujours plus large,
au point d’inquiéter certains acteurs du monde judiciaire et les organisations non
gouvernementales (ONG) de défense des libertés et droits fondamentaux 68. Au nom de
la lutte contre le terrorisme, une surveillance généralisée des citoyens belges s’organise
et les services de sécurité sont dotés de moyens de plus en plus intrusifs.
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61
Loi du 30 juillet 2013 portant modification des articles 2, 126 et 145 de la loi du 13 juin 2005 relative
aux communications électroniques et de l’article 90decies du Code d’instruction criminelle, Moniteur belge,
62
23 août 2013.
63
Loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques, Moniteur belge, 20 juin 2005.
Directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de
données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques
accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE,
Journal officiel de l’Union européenne, L 105/54, 13 avril 2006. Dans son arrêt du 8 avril 2014, la Cour
64
de justice de l’Union européenne a jugé cette directive invalide (affaires C-293/12 et C-594/12).
65
Cour constitutionnelle, Arrêt n° 84/2015, 11 juin 2015.
Moniteur belge, 18 juillet 2016.
66
67
Comité T, « Rapport 2017 », op. cit., p. 42.
Arrêté royal du 27 novembre 2016 relatif à l’identification de l’utilisateur final de services de communications
électroniques publics mobiles fournis sur la base d’une carte prépayée, Moniteur belge, 7 décembre 2016.
68 er
J. DELMULLE, « Audience solennelle de rentrée de la cour d’appel de Bruxelles », 1 septembre 2016,
www.om-mp.be ; C. DE VALKENEER, « Quelques réflexions sur la structure et l’infrastructure de la justice
belge en 2016 », Mercuriale prononcée lors de la séance de rentrée de la cour d’appel de Liège, septembre
2016, www.om-mp.be ; Amnesty International, Des mesures disproportionnées, op. cit. ; Comité T, « Le respect
des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : un chantier en cours », 2019 ;
Comité T, « Rapport 2020 », op. cit. ; Human Rights Watch, « Sources d’inquiétude », op. cit.

CH 2463-2464
16 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

Au total, trente mesures ont donc été annoncées en novembre 2015 par le gouvernement
fédéral. La législation antiterroriste belge ne se limite bien sûr pas aux modifications
législatives qui s’en sont suivies, et elle n’est pas simplement réactive. Toutefois, l’annonce
de ces mesures quelques heures après des événements majeurs nourrit les suspicions de
populisme pénal, qui consiste à proposer des réponses fortes et répressives pour rassurer
la population 69. Plus largement, ces annonces témoignent d’une transformation du
70
droit pénal, qui vise désormais à prévenir les actions terroristes . Bien souvent, la
proportionnalité voire la nécessité de ces mesures antiterroristes sont interrogées – en
témoignent les différents arrêts de la Cour constitutionnelle au cours des derniers mois.
Ces constats appuient l’appel du Comité T à la création d’un organe indépendant
d’évaluation des législations antiterroristes, appel relayé dans le rapport sur la Belgique
de la rapporteuse des Nations unies sur le respect des droits de l’homme dans la lutte contre
le terrorisme 71.
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69
V. SERON, S. ANDRÉ, « 30 Measures against Terrorism: Penal Populism between Expected Efficiency and
70
Potential Collateral Damage », in T. RENARD (dir.), Counterterrorism in Belgium, op. cit., p. 10-22.
Cette tendance est étudiée dans le cas de la France par J. ALIX, O. CAHN, « Mutations de l’antiterrorisme
et émergence d’un droit répressif de la sécurité nationale », Revue de science criminelle et de droit pénal
71
comparé, n° 4, 2017, p. 845-868.
Comité T, « Rapport 2019. Le respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme :
un chantier en cours », 2019, http://comitet.be, p. 69-74 ; Organisation des Nations unies, Assemblée
générale, Conseil des droits de l’homme, « Visite en Belgique. Rapport de la rapporteuse spéciale sur
la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte
antiterroriste », 8 mai 2019, A/HRC/40/52/Add.5, https://undocs.org, p. 18.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 17

Tableau 1. Les trente mesures annoncées en 2015 par le gouvernement fédéral et leur concrétisation
Mesures annoncées par le gouvernement fédéral Michel I Aperçu de leur concrétisation
Loi du 20 juillet 2015 visant à renforcer la lutte contre le terrorisme, Moniteur belge, 5 août 2015 ;
Loi du 3 août 2016 portant des dispositions diverses en matière de lutte contre le terrorisme (III),
Moniteur belge, 11 août 2016 ; Loi du 5 mai 2019 portant des dispositions diverses en matière
1- Extension des infractions terroristes et adaptation de la législation
pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code
pénal social, Moniteur belge, 24 mai 2019 ; Loi du 14 décembre 2016 modifiant le Code pénal
en ce qui concerne la répression du terrorisme, Moniteur belge, 22 décembre 2016
Loi du 27 avril 2016 relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre le
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terrorisme, Moniteur belge, 9 mai 2016 ; Loi du 25 décembre 2016 portant des modifications
2- Extension de la liste des infractions donnant lieu à l’utilisation des méthodes diverses au Code d’instruction criminelle et au Code pénal, en vue d’améliorer les méthodes
particulières de recherche particulières de recherche et certaines mesures d’enquête concernant Internet, les communications
électroniques et les télécommunications et créant une banque de données des empreintes
vocales, Moniteur belge, 17 janvier 2017
3- Élargissement des possibilités de retrait de la nationalité Loi du 20 juillet 2015 visant à renforcer la lutte contre le terrorisme, Moniteur belge, 5 août 2015
Janvier 2015

Loi du 10 août 2015 modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population,
4- Retrait temporaire des documents d’identité aux cartes d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour et modifiant la loi du
8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, Moniteur belge, 31 août 2015
Circulaire ministérielle du 7 septembre 2015 ; Arrêté royal du 30 mai 2016 établissant la liste
des personnes et entités visées aux articles 3 et 5 de l’arrêté royal du 28 décembre 2006 relatif
5- Mise en œuvre du gel des avoirs nationaux
aux mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre
er
de la lutte contre le financement du terrorisme, Moniteur belge, 1 juin 2016
6- Révision de la circulaire « Foreign Fighters » du 25 septembre 2014 Circulaire ministérielle du 21 août 2015
7- Échange d’informations entre les autorités et services administratifs et judiciaires Banque de données commune FTF
8- Révision du Plan R Plan d’action Radicalisme (Plan R)
9- Radicalisme dans les prisons Plan d’action contre la radicalisation dans les prisons
Création par arrêtés royaux du Conseil national de sécurité et des comités stratégiques et de
10- Réforme des structures du renseignement et de la sécurité
coordination du renseignement et de la sécurité (Moniteur belge, 30 janvier 2015 et 5 juin 2015)
11- Mobilisation de l’armée pour des missions de surveillance Opération Vigilant Guardian ; Opération Spring Guardian
Enveloppe « Lutte contre le terrorisme » allouée, notamment, à la Sûreté de l’État (personnel
12- Renforcement de la capacité d’analyse de la Sûreté de l’État
et outils informatiques)

CH 2463-2464
18 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

13- Effort budgétaire de 400 millions d’euros pour la sécurité et la lutte contre
Approbation du budget fédéral 2016 par la Chambre des représentants
le terrorisme en 2016
14- Renforcement des contrôles policiers aux frontières Contrôles renforcés à la frontière franco-belge
15- Déploiement de militaires supplémentaires Renforcement de l’opération Vigilant Guardian
La loi du 29 mai 2016 relative à la collecte et à la conservation des données dans le secteur
des communications électroniques, Moniteur belge, 18 juillet 2016 ; Loi du 25 décembre 2016
16- Méthodes particulières de recherche : nouvelles technologies pour les services portant des modifications diverses au Code d’instruction criminelle et au Code pénal, en vue
de renseignement d’améliorer les méthodes particulières de recherche et certaines mesures d’enquête concernant
Internet, les communications électroniques et les télécommunications et créant une banque
de données des empreintes vocales, Moniteur belge, 17 janvier 2017
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Abandonnée. Prolongation jusqu’à 48 heures prévue par la révision de l’article 12 de la
17- Prolongation de la garde à vue jusqu’à 72 heures
Constitution, Moniteur belge, 29 novembre 2017
Loi du 27 avril 2016 relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre
18- Perquisitions de nuit pour les infractions terroristes
le terrorisme, Moniteur belge, 9 mai 2016
Novembre 2015

19- Emprisonnement des FTF dès leur retour en Belgique Arrestation et présentation systématique des returnees devant un juge
20- Bracelet électronique pour les personnes fichées Abandonnée sous cette forme
Loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers, Moniteur belge,
21- Passenger Name Record belge
21 janvier 2017
22- Exclusion des prédicateurs de haine Circulaire ministérielle du 18 août 2016
23- Démantèlement des lieux de culte non reconnus « qui diffusent le djihadisme » Contrôles de mosquées et salles de prière dans le cadre du Plan Canal
Arrêté royal du 27 novembre 2016 relatif à l’identification de l’utilisateur final de services
24- Fin de l’anonymat pour les cartes prépayées de communications électroniques publics mobiles fournis sur la base d’une carte prépayée,
Moniteur belge, 7 décembre 2016
25- Plan Molenbeek Élargi au Plan Canal
26- Renforcement du screening pour l’accès aux emplois sensibles Augmentation des demandes d’habilitation auprès de l’Autorité nationale de sécurité (ANS)
27- Extension du réseau de caméras de reconnaissance des plaques minéralogiques Installation de caméras ANPR (Automatic Number Plate Recognition)
Création en janvier 2016 de l’Internet Referral Unit au sein de la Direction centrale de la Lutte
28- Fermeture des sites Internet prêchant la haine
contre la criminalité grave et organisée de la police fédérale (DJSOC/i2-IRU)
29- Évaluation d’une adaptation des législations en lien avec l’état d’urgence Pas de modification de la législation à ce jour
30- Participation à la coalition internationale contre l’État islamique Opération Desert Falcon depuis 2014
Remarque : Certaines de ces mesures ont été concrétisées sans modification de la législation. Pour une présentation détaillée des modifications en droit pénal, droit de la procédure pénale, droit
de la fonction de police et droit administratif, cf. E. DELHAISE, « La répression du terrorisme en droit belge et la mise en place de mécanismes d’exception », in P. MBONGO (dir.),
L’état d’urgence. La prérogative et l’État de droit, Paris, Institut universitaire Varenne, 2017, p. 61-83.

CH 2463-2464
2. LES INSTRUMENTS POLITIQUES DE LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME

Lutter contre le terrorisme implique avant tout des choix politiques. Si la législation,
elle-même teintée d’un cachet politique (cf. supra), pose un cadre général, l’antiterrorisme
se joue également au sein d’organes chargés de déterminer la stratégie globale et les
priorités en la matière.
Ainsi, le Conseil national de sécurité (2.1), assisté par le Comité stratégique du
renseignement et de la sécurité (2.2) et le Comité de coordination du renseignement et
de la sécurité (2.3), définit la stratégie antiterroriste de la Belgique et, plus généralement,
la politique de sécurité à suivre par les services de renseignement belges. Dans ce volet
politique, il convient également de mentionner la note-cadre de sécurité intégrale (2.4)
par laquelle l’Autorité fédérale, en concertation avec les entités fédérées, opérationnalise
la politique de sécurité en définissant les orientations et priorités des services de sécurité.
Le terrorisme n’est donc pas le seul enjeu dont traitent ces instruments, mais il occupe
ces dernières années une place de premier plan.

2.1. LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ (CNS)


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Parmi les premières mesures annoncées en novembre 2015 par le gouvernement fédéral
Michel I en réaction à l’actualité antiterroriste (cf. supra), figurait le renforcement de
la structure de sécurité. Le souhait d’« une approche coordonnée de la sécurité » avait
également déjà été exprimé dans l’accord de gouvernement du 10 octobre 2014 72. L’arrêté
royal du 28 janvier 2015 portant création du Conseil national de sécurité (CNS) avait
concrétisé cette volonté.
Créé au sein même du gouvernement fédéral, le CNS est présidé par le Premier ministre et
est composé des ministres de la Justice, de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires
étrangères, ainsi que des vice-Premiers ministres n’ayant pas ces matières dans leurs
compétences. Selon l’ordre du jour, il peut être décidé d’inviter d’autres ministres
du gouvernement fédéral, ainsi que les responsables des services de sécurité et de
renseignement, à savoir la Sûreté de l’État, le Service général du renseignement et de la
sécurité (SGRS), la police fédérale, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace
(OCAM), le comité de direction du Service public fédéral (SPF) Intérieur, le Collège

72
« Accord de gouvernement », 10 octobre 2014, p. 131.

CH 2463-2464
20 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

des procureurs généraux (CPG) et le procureur fédéral. Les Régions et les Communautés
peuvent également être invitées aux réunions du CNS, comme cela a pu être le cas en 2015,
en qualité de membres observateurs uniquement, pour suivre l’évolution de la menace
73
terroriste .
En termes de missions, le CNS « établit la politique générale du renseignement et de la
sécurité, en assure la coordination, et détermine les priorités des services de renseignement
et de la sécurité » 74. Il est également en charge de la coordination de la lutte contre le
financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive, et
il définit la politique en matière de protection des informations sensibles. Très
concrètement donc, c’est le CNS qui, au moyen de directives, détermine les priorités
des deux services de renseignement ainsi que la ligne politique à suivre par les services
de sécurité. Envisagé comme « le point de contact central pour les questions de sécurité
et pour les questions de renseignement » 75, il est prévu que le CNS se réunisse sur
76
convocation du Premier ministre, au moins chaque mois .
S’il n’apparaît qu’en 2015, le CNS n’est pas en soi une innovation. Jusqu’en janvier 2015,
la politique générale de sécurité était définie par le Comité ministériel du renseignement
et de la sécurité (CMRS). Créé en 1996 comme « un organe de pilotage du travail de
renseignement » 77, le CMRS avait des missions relativement similaires en ce qu’il décidait
de la politique de sécurité et coordonnait les services de renseignement, mais sa
composition se limitait aux ministres fédéraux de la Défense, de la Justice, de l’Intérieur,
des Affaires étrangères et des Affaires économiques. Le CMRS a par exemple été à l’origine
de directives sur l’échange d’informations entre les services et sur la définition du potentiel
économique et scientifique du pays 78. S’il a été supprimé et remplacé par le CNS en 2015,
l’idée sous-jacente reste la même : le contrôle des services de renseignement et la définition
de leurs missions doivent être assurés par le politique.
Le CMRS était assisté d’un organe administratif, le Collège du renseignement et de la
sécurité (CRS), composé de hauts fonctionnaires et responsable de la coordination et
de l’exécution de la politique définie par le CMRS 79. Ces deux organes n’ont toutefois
pas répondu aux attentes, à savoir la définition d’une réelle politique générale de sécurité
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et la coordination des services de renseignement 80. C’est notamment la problématique
du retour des FTF – les « returnees » – et le besoin crucial de coordination qu’elle implique

73
En 2020, lors de l’épidémie de Covid-19, les ministres-présidents des Régions et des Communautés ont
par contre été de facto intégrés comme membres à part entière au CNS (cf. F. BOUHON, A. JOUSTEN, X. MINY,
E. SLAUTSKY, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », Courrier
hebdomadaire, CRISP, n° 2446, 2020 ; J. FANIEL, C. SÄGESSER, « La Belgique entre crise politique et crise
74
sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020).
Arrêté royal du 28 janvier 2015 portant création du Conseil national de sécurité, Moniteur belge, 30 janvier
75
2015.
76
Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 7, 14 octobre 2014.
J. VANDERBORGHT, « De trinitas “nationale veiligheidsraad”, “strategisch comité” en “coördinatiecomité
77
voor inlichting en veiligheid” toegelicht », Vigiles, n° 2, 2016, p. 63.
78
Comité permanent R, « Rapport d’activités 2015 », 2016, p. 2.
J. VANDERBORGHT, « De trinitas “nationale veiligheidsraad”, “strategisch comité” en “coördinatiecomité
79
voor inlichting en veiligheid” toegelicht », op. cit., p. 59.
L. VAN OUTRIVE, « Les services de renseignement et de sécurité », Courrier hebdomadaire, CRISP,
n° 1660-1661, 1999 ; P. LEROY, « La communauté du renseignement belge : essai de définition », Revue
80
militaire belge, n° 12, 2016, p. 106.
K. LASOEN, « For Belgian Eyes Only: Intelligence Cooperation in Belgium », International Journal of
Intelligence and Counterintelligence, volume 30, n° 3, 2017, p. 467.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 21

81
qui a encouragé une refonte de ces organes . Ainsi, après le CMRS, ça a été au tour du
CRS d’être supprimé en juin 2015, par l’arrêté royal portant création du CSRS et du
CCRS 82.

2.2. LE COMITÉ STRATÉGIQUE DU RENSEIGNEMENT


ET DE LA SÉCURITÉ (CSRS)

Avec le CCRS, le Comité stratégique du renseignement et de la sécurité (CSRS) est donc


le successeur du CRS. Le CSRS est créé, auprès du Premier ministre, en soutien direct
au CNS. Sa mission consiste ainsi à examiner les propositions liées à la politique du
renseignement et de la sécurité, ainsi que les propositions de décision soumises par le CCRS
au CNS. Il prépare donc les réunions du CNS en amont, mais il contrôle également la mise
en œuvre des décisions qui y sont prises.
Sa composition est basée sur celle du CNS mais à l’échelon des collaborateurs de cabinets :
présidé par un représentant du Premier ministre, ses membres sont les représentants des
ministres présents au CNS 83. Le président du CCRS fait également partie du CSRS. Les
autres membres du CCRS peuvent être invités aux réunions du CSRS selon l’ordre du jour.

2.3. LE COMITÉ DE COORDINATION DU RENSEIGNEMENT


ET DE LA SÉCURITÉ (CCRS)

Si le CSRS offre un soutien politique au CNS, le Comité de coordination du renseignement


et de la sécurité (CCRS) fournit un appui administratif et opérationnel. Ainsi, il est chargé
de formuler des propositions sur la politique générale du renseignement et de la sécurité,
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et de garantir l’exécution coordonnée des décisions du CNS, en développant notamment
des plans d’action pour chacune des priorités identifiées. De plus, il encourage la
collaboration et l’échange d’informations entre les services 84.
Dans sa composition, on distingue les membres permanents et non permanents.
Les membres permanents sont les responsables des principaux services de sécurité :
l’administrateur général de la Sûreté de l’État, le chef du SGRS, le directeur de l’OCAM,
le commissaire général de la police fédérale, le directeur général du Centre gouvernemental
de coordination et de crise (CGCCR : Direction générale Centre de crise du SPF Intérieur),
le président du comité de direction du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au développement, un membre du CPG et, enfin, le procureur fédéral. L’un

81
J. VANDERBORGHT, « De trinitas “nationale veiligheidsraad”, “strategisch comité” en “coördinatiecomité
82
voor inlichting en veiligheid” toegelicht », op. cit., p. 60.
Arrêté royal du 2 juin 2015 portant création du Comité stratégique et du Comité de coordination du
83
renseignement et de la sécurité, Moniteur belge, 5 juin 2015.
84
Ibidem.
Ibidem.

CH 2463-2464
22 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

d’entre eux est désigné par le Conseil des ministres pour présider le CCRS. Catherine
De Bolle, ancienne commissaire générale de la police fédérale et aujourd’hui chargée de
la direction d’Europol, a été la première présidente du CCRS. C’est désormais le procureur
85
fédéral, Frédéric Van Leeuw, qui détient la présidence .
Les membres non permanents sont responsables d’organes dont l’expertise peut être
pertinente pour certains enjeux de sécurité : l’Administration générale des Douanes et
Accises (AGDA) du SPF Finances, le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB), la
Cellule de traitement des informations financières (CTIF) du SPF Finances, les directions
générales Transport aérien (DGTA) et Transport maritime (DGTM) du SPF Mobilité
et Transports, et l’Autorité nationale de sécurité (ANS) du SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au développement. Enfin, depuis 2019,
l’Administration générale de la Trésorerie (AGTrés) du SPF Finances est également un
membre non permanent du CCRS 86.
Afin de remplir sa mission de conseil auprès du CNS, le CCRS a créé plusieurs plateformes
thématiques sur les infrastructures critiques, la cybersécurité ou encore la protection
du potentiel scientifique et économique 87. Dans la matière qui nous intéresse, l’OCAM
est en charge de la plateforme « Lutte contre le radicalisme et le terrorisme », tandis que
la CTIF pilote la plateforme « Lutte contre le financement du terrorisme » (cf. infra).
Ensemble, ces organes politique (CNS), stratégique (CSRS) et exécutif (CCRS) constituent
le nœud décisionnel de la chaîne de sécurité belge. Certains les jugent néanmoins peu
mobilisés. S’ils facilitent très certainement le dialogue entre les parties prenantes, leur
travail semble réactif plutôt qu’organisé vers la définition d’une politique intégrale de
la sécurité. Se pose dès lors la question de savoir quel a été l’intérêt de la refonte opérée en
2015 et si celle-ci n’a pas été purement cosmétique 88. Tout en saluant l’apport non
négligeable de cette triple structure à la politique fédérale de sécurité, la commission
d’enquête parlementaire mise sur pied après les attentats du 22 mars 2016 regrette en
89
outre le flou autour des relations d’autorité entre ces organes et les services de sécurité .
Pour sa part, le Comité permanent de contrôle des services de renseignement (Comité R)
a plusieurs fois appelé à ce que la tripartite assume son rôle de pilote pour les enjeux de
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85
Conseil des ministres, « Marc De Mesmaeker, nouveau commissaire général de la Police fédérale,
et Frédéric Van Leeuw, président du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité »,
Communiqué de presse, 7 juin 2018, www.premier.be.
86
Arrêté royal du 31 janvier 2019 modifiant l’arrêté royal du 2 juin 2015 portant création du Comité
stratégique et du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité, Moniteur belge, 11 février
2019.
87
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
88
n° 1752/8, 15 juin 2017.
J. VANDERBORGHT, « De trinitas “nationale veiligheidsraad”, “strategisch comité” en “coördinatiecomité
89
voor inlichting en veiligheid” toegelicht », op. cit., p. 59.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le
radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 154.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 23

90
sécurité . Néanmoins, malgré les doutes autour de l’influence réelle de ces organes, les
services qui n’y sont pas représentés regrettent que cette situation présente le très net
désavantage de ne pas pouvoir s’y faire entendre. Ainsi, la Défense, pourtant directement
impliquée dans la lutte antiterroriste au travers de l’opération Vigilant Guardian depuis
janvier 2015, n’a pu participer aux réunions du CCRS qu’à partir de 2019.

2.4. LA NOTE-CADRE DE SÉCURITÉ INTÉGRALE (NCSI)

La note-cadre de sécurité intégrale (NCSI) est élaborée dans le but de guider l’action des
acteurs de la sécurité. C’est par exemple sur la base de la NCSI qu’est défini le plan national
de sécurité qui cadre les opérations des corps de police locale et de la police fédérale.
Construite à partir des accords de gouvernement, « la NCSI peut dès lors être considérée
comme un document de politique générale représentatif pour la législature en cours » 91.
Elle est toutefois parfois tacitement reconduite au-delà de sa législature en l’attente d’une
actualisation. Cela a été le cas pour la NCSI de 2004, qui a été maintenue jusqu’à la NCSI
de 2016-2019, dernière note-cadre en date.
Les sections suivantes détaillent le nouveau processus d’élaboration des notes-cadres (2.4.1)
et offrent un aperçu de leur contenu en matière de lutte contre le terrorisme (2.4.2).

2.4.1. L’élaboration d’un cadre général à travers la Conférence


interministérielle de politique de maintien et de gestion
de la sécurité (CIM 9)

Si la sécurité est principalement une matière fédérale, ses enjeux touchent également
aux compétences des entités fédérées. Il importe donc d’avoir une vision cohérente et
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harmonisée entre les différents niveaux de pouvoir. En 2004, la note-cadre est toutefois
avant tout présentée comme un projet du gouvernement fédéral, via ses ministres de
l’Intérieur, Patrick Dewael (Open VLD), et de la Justice, Laurette Onkelinx (PS). Les entités
fédérées sont mentionnées uniquement pour préciser que les priorités de la note-cadre
« doivent être réalisées dans le respect des compétences de chacun » 92.
Depuis 2014 par contre, la NCSI est conçue au niveau fédéral mais elle se construit en
concertation avec les entités fédérées. Encouragé par la sixième réforme de l’État et ses
transferts de compétences, l’accord de coopération du 7 janvier 2014 entre l’Autorité
fédérale, les Communautés et les Régions relatif à la politique criminelle et à la politique

90
Notamment en engageant une réflexion sur l’espionnage politique et économique, suite aux révélations
d’Edward Snowden. Cf. Comité permanent R, « Rapport d’activités 2014 », 2015 ; Comité permanent R,
« Rapport d’activités 2017 », 2018.
91
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le
radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
92
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 115.
« Note-cadre de sécurité intégrale », approuvée par le Conseil des ministres du 30 mars 2004, p. 6.

CH 2463-2464
24 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

93
de sécurité formalise le processus d’élaboration de la NCSI et, plus globalement, de
la politique belge de sécurité. Concrètement, l’initiative d’une nouvelle note-cadre revient
aux ministres fédéraux de l’Intérieur et de la Justice. C’est ensuite via la Conférence
ministérielle de politique de maintien et de gestion de la sécurité (CIM 9), qui réunit
l’Autorité fédérale et les entités fédérées, que se poursuit le processus. La CIM 9 désigne
un groupe d’experts, composés de représentants de chaque composante de l’État fédéral,
afin de préparer et de lui soumettre un projet de note-cadre. Ce projet est alors soumis
pour avis au CPG (cf. infra) et à la CIM 9, dont les membres peuvent proposer des
adaptations selon leurs compétences. La NCSI 2016-2019 précise que le CNS a également
94
été consulté pour avis . La validation finale reste la prérogative des ministres fédéraux
de l’Intérieur et de la Justice et du gouvernement fédéral.
Cette nouvelle procédure de concertation entre le gouvernement fédéral et les entités
fédérées renforce toutefois l’impression d’un résultat qui relève davantage du compromis
que d’une véritable vision stratégique commune : « Une telle note-cadre (…) constitue
surtout un exercice visant à déterminer et à délimiter les domaines d’action de chacun.
Il peut difficilement en découler une politique de sécurité intégrale audacieuse » 95.

2.4.2. Les défis de la lutte antiterroriste identifiés dans les NCSI

En 2004 tout comme en 2016, la menace terroriste est identifiée comme l’un des
phénomènes de sécurité prioritaires. Si les contextes sont différents, les deux notes-cadres
sont élaborées alors que des attentats terroristes d’ampleur – le 11 septembre 2001 aux
États-Unis et le 11 mars 2004 à Madrid, d’une part, les multiples attaques revendiquées
par l’État islamique en Europe dès 2015, d’autre part – font la une de l’actualité et
inquiètent les services de sécurité et de renseignement.
La NCSI 2004 définit des objectifs stratégiques en matière de lutte contre le terrorisme.
Principalement, il s’agit de soutenir les initiatives européennes et de prévoir les moyens
nécessaires pour l’application de la nouvelle législation antiterroriste 96. En outre, la
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coordination des différentes initiatives des SPF Intérieur et SPF Justice est appelée à être
renforcée au profit d’une politique antiterroriste cohérente. Enfin, la lutte contre le
financement du terrorisme constitue un objectif prioritaire. Sur le volet préventif, la
note-cadre insiste notamment sur le renforcement de la collaboration et de l’échange
d’informations entre le parquet fédéral, les services de renseignement et de police,
le Groupe interforces antiterroriste (GIA, cf. infra) et le CGCCR. Le document plaide
d’ailleurs pour une « approche intégrale et structurée du terrorisme » 97. La note-cadre
prévoit également que soit évaluée « de façon scientifique » 98 l’application sur le terrain
de la nouvelle législation en matière de terrorisme – sans donner plus de détails sur la
forme et le calendrier de cette évaluation.

93
Accord de coopération du 7 janvier 2014 entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions relatif
94
à la politique criminelle et à la politique de sécurité, Moniteur belge, 17 juin 2014.
95
« Note-cadre de sécurité intégrale 2016-2019 », approuvée par le Conseil des ministres du 3 juin 2016, p. 6.
P. PONSAERS, E. DEVROE, « Une nouvelle structure pour la police de Bruxelles ? », Vigiles, n° 2, 2016, p. 54.
96
97
« Note-cadre de sécurité intégrale », approuvée par le Conseil des ministres du 30 mars 2004, p. 11.
98
Ibidem, p. 12.
Ibidem.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 25

En 2016, la note-cadre présentée par Jan Jambon (N-VA) et Koen Geens (CD&V)
expose un programme plus détaillé. Il est d’abord à noter que, désormais, la menace
terroriste est associée à la radicalisation et à l’extrémisme violent – « qui précèdent le
99
passage à l’acte terroriste » – ainsi que, plus largement encore, à la polarisation. Tous ces
100
phénomènes feraient donc partie d’un même spectre de menaces . Dans un vocabulaire
managérial, différents objectifs sont identifiés pour limiter l’impact du radicalisme et du
terrorisme, à commencer par le développement d’une image précise de la radicalisation en
Belgique. Plus concrètement, le document appelle à l’identification précoce des individus
et groupes radicaux, à la formation des imams ou encore au développement d’un
discours dissuasif. Le renforcement de la coopération entre les services de sécurité ou avec
les entités fédérées est toujours au cœur du document, qui prône une approche intégrale
et intégrée de la sécurité 101, c’est-à-dire qui inclut les différents acteurs et niveaux de
pouvoir ainsi que « les différents maillons de la chaîne de sécurité : prévention, répression
et suivi à l’égard de la victime, de l’auteur et de la société » 102.
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99
« Note-cadre de sécurité intégrale 2016-2019 », approuvée par le Conseil des ministres du 3 juin 2016, p. 43.
100
101
Pour la définition de chacun de ces phénomènes, cf. ibidem, p. 43-44.
102
En anglais, on parle d’une « comprehensive approach ».
Ibidem, p. 5.

CH 2463-2464
3. LE VOLET OPÉRATIONNEL DE LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME

Après une analyse de la législation et des organes qui définissent la politique antiterroriste,
ce troisième chapitre s’intéresse aux acteurs qui la mettent en œuvre. Ce sont eux qui ont
bénéficié des 400 millions d’euros supplémentaires dédiés à l’antiterrorisme, annoncés
par le gouvernement fédéral en novembre 2015 (cf. supra) 103. En Belgique, le volet
opérationnel de la lutte contre le terrorisme n’est pas la responsabilité d’un organe unique ;
il s’opère au travers de la coordination d’une série de services de sécurité 104. Cette
multitude d’acteurs est parfois perçue comme un facteur exacerbant la confusion autour
des missions de chacun et les difficultés dans la circulation de l’information 105. Pourtant,
des échanges quotidiens ont lieu entre ces acteurs et des rencontres plus formalisées sont
régulièrement organisées.
Ce chapitre se penche sur les services qui organisent et font la lutte contre le terrorisme
au quotidien, à commencer par un service central de l’antiterrorisme belge : l’Organe
de coordination pour l’analyse de la menace (3.1) et ses services d’appui (3.2). Sont ensuite
présentés les autres services opérationnels, c’est-à-dire le Centre gouvernemental de
coordination et de crise (3.3), les services de renseignement (3.4), le service de police
intégré (3.5), la Cellule de traitement des informations financières (3.6), le Centre pour
la cybersécurité Belgique (3.7). Pour terminer, est abordé le rôle sur le territoire national
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de la Défense (3.8).

103
Pour un aperçu de la distribution de ces 400 millions d’euros, cf. SPF Affaires étrangères, Commerce
extérieur et Coopération au développement, « Mesures du gouvernement belge dans la lutte contre le
104
terrorisme et le radicalisme », Communiqué de presse, 9 février 2016, https://diplomatie.belgium.be.
L. DELVAL, « Société du risque et gestion des crises : les pouvoirs publics belges sont-ils organisés pour
faire face à un risque majeur ? Type de risque : menace terroriste », in M. COOLS et al. (dir.), 1915-2015 :
105
L’histoire du service de renseignement militaire et de sécurité belge, Anvers, Maklu, 2015, p. 424.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 56-60.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 27

3.1. L’ORGANE DE COORDINATION POUR L’ANALYSE DE LA MENACE


(OCAM)

Au quotidien, l’analyse de la menace terroriste est chapeautée par l’Organe de coordination


pour l’analyse de la menace (OCAM). Créé en 2006 pour remplacer le Groupe interforces
106
antiterroriste (GIA) (3.1.1) , l’OCAM est un organe indépendant placé sous la
107
supervision conjointe des ministres fédéraux de l’Intérieur et de la Justice . Longtemps
108
perçu comme un complément superflu, voire comme un concurrent à la Sûreté de l’État ,
l’OCAM a pour principale mission d’évaluer la menace terroriste et extrémiste (3.1.2)
à partir des informations fournies par ses différents services d’appui (cf. infra). Il est
également chargé d’assurer les relations avec ses homologues étrangers et internationaux.
109
De ce fait, il est inséré dans un réseau européen de carrefours d’informations – qui
dépasse toutefois le cadre de ce Courrier hebdomadaire.
À l’origine, l’OCAM se focalisait sur son core business qu’est l’évaluation de la menace 110
111
et ne coordonnait « pas grand-chose voire rien du tout » . Ces dernières années, l’OCAM
a gagné en responsabilités – malgré l’absence d’adaptation de la législation, comme
le regrette la commission d’enquête parlementaire mise sur pied après les attentats de
112
Bruxelles et de Zaventem . L’OCAM a ainsi hérité de la responsabilité de supervision
du Plan R (3.1.3) et de ses banques de données (3.1.4), ce qui le place aujourd’hui au
premier plan de la lutte contre la radicalisation – en particulier depuis la problématique
des FTF et les événements de 2015.
Ensemble, l’OCAM, le CNS et le CGCCR (en charge du suivi des mesures opérationnelles
de sécurité, cf. infra) occupent une place centrale dans la lutte antiterroriste en Belgique
– au point que certains aimeraient les voir fusionner 113. La répartition des compétences
entre ces trois organes mériterait néanmoins d’être clarifiée, selon la commission d’enquête
parlementaire installée après les attentats de Bruxelles et de Zaventem 114. Leurs initiatives,
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106
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace : une analyse ponctuelle », Vigiles,
n° 4, 2007, p. 111 ; L. DELVAL, « Société du risque et gestion des crises », op. cit., p. 426.
107
108
Loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace, Moniteur belge, 20 juillet 2006.
K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium: Brussels is not Delphi », Journal of Strategic Studies,
volume 40, n° 7, 2017, p. 933.
109
Comité permanent P, « Fusion Centres throughout Europe. All-Source Threat Assessments in the Fight
110
against Terrorism », 2010.
Comité permanent R, « Rapport d’activités 2017 », op. cit., p. 21.
111
112
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 113.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 139.
113
La fusion de ces organes ou de certains d’entre eux avec d’autres services de sécurité est parfois envisagée.
Par exemple, la création d’un département Sécurité intérieure (à l’image du Homeland Security Office
des États-Unis), qui fusionnerait notamment OCAM et Sûreté de l’État, a été suggérée en 2014 par
l’informateur Bart De Wever (N-VA) mais a disparu dans l’accord de gouvernement. Cf. J. VANDERBORGHT,
« De trinitas “nationale veiligheidsraad”, “strategisch comité” en “coördinatiecomité voor inlichting
en veiligheid” toegelicht », op. cit., p. 60-61.
114
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre

CH 2463-2464
28 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

notamment les différents groupes de travail mis sur pied par ces organes, gagneraient
également à être harmonisées.

3.1.1. Du GIA à l’OCAM

Avant la création de l’OCAM, c’est le Groupe interforces antiterroriste (GIA) qui était
chargé de l’analyse de la menace terroriste. Créé en 1984, mais sans cadre juridique jusque
1991, le GIA avait été mis sur pied suite à un attentat contre la synagogue de Bruxelles
115
en 1982 .
Chargé de « rassembler, d’analyser et d’évaluer le renseignement qui est nécessaire
à la prise de mesures de police administrative et de police judiciaire à l’égard d’actes de
terrorisme visant la Belgique ou visant les citoyens ou les intérêts belges à l’Étranger » 116,
le GIA a accouché d’un bilan mitigé. Il est vrai qu’il partait moins bien armé que son
successeur. Déjà perçu comme un concurrent par les services de renseignement 117, le GIA
était intégré aux services de gendarmerie et ne disposait pas de l’influence dont jouit
aujourd’hui l’OCAM. Pour cause, son champ d’action était limité, l’analyse plus détaillée
118
des informations étant réservée aux services de renseignement . Il souffrait également
d’un manque d’interdisciplinarité et de problèmes dans la circulation (rétention ?) des
119
informations .
Alors que les collaborateurs du GIA, principalement des membres de la gendarmerie,
s’occupaient uniquement des menaces terroristes, le personnel de l’OCAM analyse depuis
2006 un plus large éventail de menaces. En effet, la loi du 10 juillet 2006 lui donne la
prérogative de l’évaluation des menaces en lien avec le terrorisme et l’extrémisme
« susceptibles de porter atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État, aux intérêts
120
belges et à la sécurité des ressortissants belges à l’étranger » . Depuis 2011, cela comprend
également les menaces qui pèsent sur les infrastructures dites critiques, c’est-à-dire
celles « dont l’interruption du fonctionnement ou la destruction aurait une incidence
significative dans le pays » 121. La loi prévoit encore que le Roi (c’est-à-dire le gouvernement
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fédéral) puisse, sur proposition du CNS, étendre le mandat de l’OCAM à l’espionnage,
à la prolifération, aux organisations sectaires nuisibles, à la criminalité organisée ou encore
à l’ingérence – soit les menaces pour lesquelles la Sûreté de l’État est compétente 122.

le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 145.
115
116
T. COOSEMANS, « Les dispositifs de sécurité avant et après le 11 septembre 2001 », op. cit., p. 32.
Arrêté royal du 17 octobre 1991 sur le Groupe interforces antiterroriste, Moniteur belge, 8 novembre 1991
(abrogé par l’arrêté royal du 23 janvier 2007 relatif au personnel de l’Organe de coordination pour l’analyse
117
de la menace, Moniteur belge, 31 janvier 2007).
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 125 ; K. LASOEN,
« Indications and Warning in Belgium », op. cit., p. 933.
118
119
T. COOSEMANS, « Les dispositifs de sécurité avant et après le 11 septembre 2001 », op. cit., p. 32.
120
Ibidem, p. 31 ; K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium », op. cit., p. 932.
Loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace, Moniteur belge, 20 juillet 2006.
121 er
Loi du 1 juillet 2011 relative à la sécurité et la protection des infrastructures critiques, Moniteur belge,
122
15 juillet 2011.
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 115.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 29

Enfin, là où le GIA était dirigé par la police, le directeur de l’OCAM doit obligatoirement
être un magistrat. Cette exigence est présentée comme une garantie de l’indépendance
de l’OCAM, qui n’est donc pas sous la direction directe d’un ministre fédéral.

3.1.2. L’évaluation du niveau de la menace

Pour le public belge, l’OCAM est principalement connu pour les évaluations du niveau
de la menace qu’il produit. Concrètement, après analyse des informations obtenues via
ses services d’appui (cf. infra), l’OCAM évalue la menace sur une échelle de 1 à 4 niveaux,
définis comme suit dans l’arrêté royal du 28 novembre 2006 123 :
« Le “niveau 1 ou faible” lorsqu’il apparaît que la personne, le groupement ou
l’événement qui fait l’objet de l’analyse n’est pas menacé ;
le “niveau 2 ou moyen” lorsqu’il apparaît que la menace à l’égard de la personne, du
groupement, ou de l’événement qui fait l’objet de l’analyse est peu vraisemblable ;
le “niveau 3 ou grave” lorsqu’il apparaît que la menace à l’égard de la personne, du
groupement ou de l’événement qui fait l’objet de l’analyse est possible et vraisemblable ;
le “niveau 4 ou très grave” lorsqu’il apparaît que la menace à l’égard de la personne,
du groupement ou de l’événement qui fait l’objet de l’analyse est sérieuse et
imminente. »
La loi distingue les évaluations ponctuelles et les évaluations stratégiques 124. Si l’évaluation
ponctuelle porte sur un groupement ou un événement particulier, l’évaluation stratégique
est périodique et vise un phénomène sur le moyen ou long terme 125. La première peut
être demandée par les services d’appui ou produite à l’initiative de l’OCAM, tandis que
la seconde peut être réalisée sur demande d’un membre du gouvernement fédéral. Les
destinataires des évaluations diffèrent peu selon qu’elles sont ponctuelles ou stratégiques.
Les évaluations stratégiques sont envoyées aux services d’appui de l’OCAM, au CNS,
au CGCCR, au parquet fédéral et au membre du CPG chargé de l’extrémisme et du
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terrorisme.
Sur la base des évaluations de l’OCAM, c’est le CGCCR, en consultation avec les services
compétents, qui propose les éventuelles mesures de sécurité à prendre au SPF Intérieur :
renforcement de la présence ou des contrôles policiers, installation de blocs de béton,
interdiction d’événements, etc. Il n’y aucune automaticité entre les niveaux de la menace
et des mesures standardisées, afin de conserver une marge de manœuvre et une certaine
flexibilité dans le choix des mesures à prendre.
Depuis la création de l’OCAM, la menace n’avait que ponctuellement atteint le niveau
126
maximal de 4 avant les événements de 2015 . Ainsi, fin 2007, les menaces d’attentats
d’Al-Qaeda contre les pays impliqués dans l’intervention militaire en Afghanistan ont

123
Arrêté royal du 28 novembre 2006 portant exécution de la loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de
er
124
la menace, Moniteur belge, 1 décembre 2006.
Loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace, Moniteur belge, 20 juillet 2006.
125
126
W. W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 114.
Centre gouvernemental de coordination et de crise, « Évolution du niveau de la menace »,
https://centredecrise.be.

CH 2463-2464
30 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

127
entraîné l’annulation du feu d’artifice du Nouvel An . En 2014, suite à la fusillade au
Musée juif de Belgique à Bruxelles, l’OCAM a relevé le niveau de la menace à 4 pour
les intérêts juifs à Bruxelles. À partir de janvier 2015 et pendant de nombreux mois, la
menace est relevée au niveau 3 pour toute la Belgique. À partir du 21 novembre 2015
et jusqu’au 25, la Région bruxelloise passe au niveau 4 suite aux attentats de Paris et par
crainte d’une attaque similaire dans la capitale belge. Du 22 au 24 mars 2016, c’est le pays
tout entier qui est évalué au niveau 4 suite aux attentats de Bruxelles et de Zaventem.
Depuis janvier 2018, la Belgique est redescendue au niveau 2, soit un niveau moyen de
menace (excepté pour quelques sites dits sensibles, toujours en niveau 3). Les années 2015
et 2016 ont ainsi particulièrement occupé les services de sécurité ; en témoigne le nombre
record d’évaluations ponctuelles produites par l’OCAM (1 488 en 2015 et 1 257 en
2016) 128.

3.1.3. Le Plan d’action Radicalisme (Plan R)

Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, l’OCAM s’est vu attribuer un rôle de


chef d’orchestre en étant mis à la tête du Plan d’action Radicalisme (Plan R). Si le Plan R
doit faire sa place parmi cinq autres plans de lutte contre la radicalisation en Belgique
– à savoir la Note sur la prévention du radicalisme de la Région wallonne, le Plan d’action
relatif à la coordination et à la prévention du radicalisme au travers d’une approche
intégrale de la Région de Bruxelles-Capitale, le Plan radicalisme de la Communauté
française, l’Actieplan ter preventie van radicaliseringsprocessen die kunnen leiden tot
extremisme en terrorisme (Plan d’action de prévention des processus de radicalisation
qui peuvent mener à l’extrémisme et au terrorisme) de la Flandre et la Strategie zur
Vorbeugung von gewaltsamem Radikalismus (Stratégie de prévention du radicalisme
violent) de la Communauté germanophone, qui ne sont pas toujours parfaitement
coordonnés entre eux 129 –, il est le plus ancien, est organisé du niveau fédéral au niveau
local et rassemble les acteurs de la sécurité au sein de plateformes de coordination.
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Le Plan R est adopté par le CMRS pour la première fois en 2005. Cette note stratégique
prend la relève du problématique et confidentiel Plan Mosquées (Plan M) né fin 2002 des
premières inquiétudes autour de l’extrémisme islamiste suite aux attentats du 11 septembre
2001 aux États-Unis 130. À l’époque, c’est le GIA qui avait été désigné responsable pour
la mise en œuvre du plan. L’OCAM, une fois opérationnel, a ensuite pris le relais. Suite
aux événements de janvier 2015 (les attaques en France contre Charlie Hebdo et dans
un magasin Hyper Cacher et, surtout, le démantèlement d’une cellule terroriste à Verviers),
le gouvernement fédéral annonce travailler à l’actualisation du plan stratégique. Le nouveau

127
Pour plus de détails sur les coulisses de cette décision, cf. K. LASOEN, « Indications and Warning in
128
Belgium », op. cit., p. 933-934.
129
SPF Intérieur, « Rapport d’activités 2016 », s.d., https://2016.ibz.be.
K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium », op. cit., p. 949. Cf. « Note-cadre de sécurité intégrale
130
2016-2019 », approuvée par le Conseil des ministres du 3 juin 2016, p. 45.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 340.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 31

Plan R prévoit un renforcement des structures, un intérêt nouveau pour la problématique


des FTF et la clarification des missions des différents organes. Comme en 2005, en misant
sur une coopération entre tous les acteurs et sur une amélioration du flux d’informations
entre eux, le plan d’action a un double objectif : « la détection précoce des acteurs
131
radicalisants, en vue de prendre à temps les mesures nécessaires » . Au cœur du plan
d’action, le processus de radicalisation est défini, sur la base de la loi organique du
30 novembre 1998 des services de renseignement et de sécurité 132, comme « un processus
influençant un individu ou un groupe d’individus de telle sorte que cet individu ou
ce groupe d’individus soit mentalement préparé ou disposé à commettre des actes
terroristes ».
Dès la première version du Plan R en 2005, l’opérationnalisation de ce plan d’action s’est
traduite par la création d’une série d’organes qui réunissent les principaux services de
renseignement et de sécurité. À la tête de cette architecture, se trouve depuis 2006 l’organe
de pilotage stratégique du Plan R : la Task force nationale (TFN). Présidée par l’OCAM,
la TFN est composée de représentants des services de renseignement civil et militaire,
de la police fédérale et des corps de police locale, du SPF Intérieur (dont la Direction
générale Office des étrangers - OE), du SPF Justice (notamment la Direction générale
Établissements pénitentiaires - DG EPI), du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur
et Coopération au développement, de la CTIF et du CGCCR. Depuis 2015, y participent
également le ministère public et la Direction générale Sécurité et Prévention (DGSP)
du SPF Intérieur, ainsi que des représentants des entités fédérées. Subordonnée aux CSRS
et CCRS, la TFN fait le lien entre la politique et le terrain via les groupes de travail et
les task forces locales (TFL). Sur papier, la TFN coordonne leur travail. En 2017 pourtant,
la commission d’enquête parlementaire mise sur pied après les attentats de Bruxelles
et de Zaventem s’est demandée « dans quelle mesure la TFN pilote, accompagne et/ou
coordonne les TFL dans la pratique » 133. Elle a également appelé à clarifier les informations
qui peuvent ou non être partagées au sein de la TFN, notamment par la Sûreté de l’État.
Les groupes de travail (GT) mis sur pied et supervisés par la TFN ont pour objectif de
développer les connaissances sur le processus dit de radicalisation. Leur composition varie
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selon la thématique. Une distinction est établie entre les GT permanents, qui étudient
différents aspects du processus (GT Prisons, GT Radio/TV, GT Communication et GT
Prévention depuis 2015), et les GT thématiques (GT Salafisme, GT Extrême droite,
GT Extrême gauche, GT Asie mineure, GT Caucase du Nord) 134. Depuis 2015, de
nouveaux groupes de travail ont été mis en place : le GT FTF, créé dans le cadre de la
circulaire ministérielle du 21 août 2015, et les GT ad hoc Prédicateurs, Mosquées et Asile et
Migration (dirigés par l’Office des étrangers). Dans son rapport, la commission d’enquête
parlementaire installée après les attentats du 22 mars 2016 a regretté le nombre trop élevé

131
132
SPF Intérieur, « Le Plan R. Le Plan d’action Radicalisme », s.d. [2016], www.besafe.be, p. 7.
Moniteur belge, 18 décembre 1998.
133
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le
radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
134
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 161.
SPF Intérieur, « Le Plan R », op. cit., p. 12-13.

CH 2463-2464
32 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

de groupes de travail, leur manque de coopération et, de façon plus problématique, leur
135
manque d’impact concret sur l’organisation du travail des services de sécurité .
Outre la TFN et les groupes de travail, organisés au niveau fédéral, des instances locales ont
également été créées dans le cadre du Plan R. Les TFL sont des plateformes de
concertation réunissant les différents services de sécurité au niveau local ; prévues dès
la première version du Plan R en 2005, ces plateformes qui se concrétisent principalement
à partir de 2014. Elles sont destinées au suivi et à l’éventuelle prise de mesures contre
les FTF et les individus et groupements « en cours de radicalisation » 136. Une circulaire
ministérielle distingue les TFL stratégiques, organisées à l’échelle des arrondissements
judiciaires, et les TFL opérationnelles, présentes au niveau communal 137. Les TFL sont
composées de membres de l’OCAM, des services de renseignement et des services de
police. Le parquet local fait également partie des TFL ; enfin, d’autres acteurs peuvent être
invités à participer aux réunions si le contexte local le justifie. Les autorités communales
ne prennent pas directement part aux réunions des TFL, mais elles sont averties via le
partage des fiches de renseignements, qui reprennent les informations sur les éventuels
FTF présents sur le territoire de la commune 138. Si ces plateformes sont présentées
comme un outil efficace de coordination et d’échanges entre les services, la circulation
de l’information a parfois posé problème – que ce soit le partage d’informations
confidentielles par les services de sécurité ou, au contraire, le manque d’informations
139
transmises aux autorités locales .
Toujours au niveau local, le Plan R se matérialise encore dans les cellules de sécurité
intégrale locales (CSIL). Alors que les TFL incarnent davantage le volet répressif de la lutte
contre le terrorisme, les CSIL sont présentées comme un outil de prévention. En effet,
d’abord encouragées par la circulaire FTF du 21 août 2015, les CSIL ont pour objectif
l’échange d’informations entre les services sociaux et de prévention, les autorités
communales et les TFL. Fort dépendantes du contexte local, les CSIL, là où elles existent,
ont des compositions variables ; elles réunissent habituellement les autorités communales
et les services sociaux. Un information officer, issu de la police locale, participe aux
réunions et fait ensuite le lien entre les CSIL et les TFL. Depuis peu, une loi du 30 juillet
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2018 encadre le fonctionnement des CSIL (devenues CSIL-R) et rend leur création
140
obligatoire – mais ne prévoit pas de sanction en cas de non-conformité . Ici, c’est la

135
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
136
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 162.
Ibidem, p. 163.
137
Circulaire ministérielle (Intérieur) GPI 78 du 31 janvier 2014 relative au traitement de l’information au
profit d’une approche intégrée du terrorisme et de la radicalisation violente par la police, Moniteur belge,
17 février 2014.
138
Circulaire du 22 mai 2018 du ministre de la Sécurité et de l’Intérieur et du ministre de la Justice relative
139
à l’échange d’informations et au suivi des Terrorist Fighters et des propagandistes de haine.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le
radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
140
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 165.
Loi du 30 juillet 2018 portant création de cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisme,
d’extrémisme et de terrorisme, Moniteur belge, 14 septembre 2018.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 33

question du respect du secret professionnel qui a fait débat. En effet, la loi du 17 mai
2017 a modifié le Code d’instruction criminelle pour obliger les travailleurs sociaux ayant
connaissance « d’une ou de plusieurs informations pouvant constituer des indices sérieux
141
d’une infraction terroriste » à les déclarer . Des craintes d’une mise en danger du secret
professionnel sont alors apparues au sein des CSIL, et ont freiné la participation de certains
acteurs psycho-sociaux. En 2019, la disposition litigieuse a toutefois été annulée par la
Cour constitutionnelle, qui a estimé que les travailleurs sociaux « n’ont ni la compétence,
142
ni les moyens » de détecter une intention de commettre une infraction terroriste .
Des précisions sur le fonctionnement de ces plateformes, notamment la distinction entre
les données confidentielles et les données moins sensibles, ont également été apportées,
visant à rassurer les acteurs 143. Plus généralement, les CSIL ont également été critiquées
pour l’image qu’elles inspirent du phénomène de la radicalisation et de la population
cible, en incluant des acteurs comme les centres publics d’action sociale (CPAS). Dans
son rapport 2020, le Comité T s’inquiète de cette structure, pointant notamment la
focalisation, dans la pratique, sur les jeunes musulmans ou les dangers pour les droits
fondamentaux des individus suivis par les CSIL (par la récolte et le partage de données
privées, les violations du secret professionnel, etc.) 144.

3.1.4. La gestion des banques de données communes

Parmi ses différentes missions, l’OCAM a la responsabilité opérationnelle de différentes


banques de données mises en place dans le cadre du Plan R. D’abord, la liste Joint
Information Box reprend depuis 2006 les individus et groupements dits radicalisants
qui ont été identifiés comme nécessitant un suivi prioritaire 145. Ce document et son
contenu participent à l’exercice de cartographie du « phénomène de la radicalisation »,
au cœur du Plan R. En 2018, un arrêté royal a remplacé ce qui était un document
électronique par une banque de données commune Propagandistes de haine, qui contribue
à l’analyse, à l’évaluation et au suivi « d’entités ayant une influence radicalisante » 146.
Plus précisément, les personnes physiques, personnes morales ou associations visées par
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la banque de données sont les entités qui « a) ont pour objectif de porter atteinte aux
principes de la démocratie ou des droits de l’homme, au bon fonctionnement des
institutions démocratiques ou aux autres fondements de l’État de droit ; b) justifient
l’usage de la violence ou de la contrainte comme moyen d’action ; c) propagent ses (sic)
convictions aux autres en vue d’exercer une influence radicalisante ; d) ont un lien
avec la Belgique ».
Créée 2016, la banque de données Foreign Terrorist Fighters reprend, elle, les fiches de
renseignements individuels pour chaque FTF, c’est-à-dire les individus qui se sont rendus

141
Loi du 17 mai 2017 modifiant le Code d’instruction criminelle en vue de promouvoir la lutte contre
142
le terrorisme, Moniteur belge, 3 juillet 2017.
Cour constitutionnelle, Arrêt n° 44/2019, 14 mars 2019.
143
144
K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium », op. cit., p. 938.
145
Comité T, « Rapport 2020 », op. cit., p. 30-38.
SPF Intérieur, « Le Plan R », op. cit., p. 15.
146
Arrêté royal du 23 avril 2018 relatif à la banque de données commune Propagandistes de haine et portant
er
exécution de certaines dispositions de la section 1 bis “De la gestion des informations” du chapitre IV
de la loi sur la fonction de police, Moniteur belge, 30 mai 2018.

CH 2463-2464
34 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

147
ou ont tenté de se rendre dans une « zone de conflit djihadiste » . En 2018, elle devient
la banque de données commune Terrorist Fighters et est étendue aux HTF, c’est-à-dire
les personnes dont il existe des indices sérieux qu’elles ont l’intention de commettre des
actes terroristes ou qu’elles soutiennent des activités terroristes mais qui, à la différence
des FTF, n’ont pas la volonté de se rendre dans un territoire où un groupe terroriste est
actif 148. En 2019, deux nouvelles catégories sont encore ajoutées dans la banque de
données : les « extrémistes potentiellement violents » et les « personnes condamnées pour
terrorisme » 149.
Tout comme pour la banque de données Propagandistes de haine, c’est l’OCAM qui est
à la manœuvre. Si les services de base et les services partenaires – c’est-à-dire la police,
les services de renseignement, la DG EPI, le ministère public, la CTIF et l’Office des
étrangers – ont accès à la banque de données Terrorist Fighters et peuvent l’alimenter,
c’est bien l’OCAM qui est désigné responsable opérationnel. Cela implique notamment
qu’il valide le statut propagandiste de haine ou « terrorist fighter », contrôle la qualité
des informations et coordonne l’alimentation de la banque de données.
La banque de données Terrorist Fighters détermine les cas à suivre par les CSIL et les TFL,
qui l’alimentent en retour, d’où la réticence de certains travailleurs sociaux à partager
leurs informations au sein de ces organes. C’est également sur la base de cette banque de
données commune que les documents d’identité sont retirés aux personnes suspectées
de vouloir se rendre dans un territoire où un groupe terroriste est actif, comme prévu
par la loi du 10 août 2015 (cf. supra) 150. Dans son rapport 2020, le Comité T s’inquiète
de la possibilité pour les autorités administratives de baser leurs décisions sur ce type de
données confidentielles, « difficilement contestables pour ceux qui en font l’objet » 151.
De son côté, le directeur de l’OCAM, Paul Van Tigchelt, se réjouit des rapprochements
entre police judiciaire et police administrative que permet cette banque de données et
qui rendraient la lutte contre le terrorisme plus efficace 152.
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147
Arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters portant
er
exécution de certaines dispositions de la section 1 bis “De la gestion des informations” du chapitre IV
148
de la loi sur la fonction de police, Moniteur belge, 22 septembre 2016.
Arrêté royal du 23 avril 2018 modifiant l’arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données
er
commune Foreign Terrorist Fighters portant exécution de certaines dispositions de la section 1 bis
“De la gestion des informations” du chapitre IV de la loi sur la fonction de police et modifiant la banque
de données commune Foreign Terrorist Fighters vers la banque de données commune Terrorist Fighters,
Moniteur belge, 30 mai 2018.
149
Arrêté royal du 20 décembre 2019 modifiant l’arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données
commune Terrorist Fighters et l’arrêté royal du 23 avril 2018 relatif à la banque de données commune
er
Propagandistes de haine et portant exécution de certaines dispositions de la section 1 bis “De la gestion
150
des informations” du chapitre IV de la loi sur la fonction de police, Moniteur belge, 21 janvier 2020.
Loi du 10 août 2015 modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes
d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant
151
un Registre national des personnes physiques, Moniteur belge, 31 août 2015.
152
Comité T, « Rapport 2020 », op. cit., p. 24.
Le Soir, 12 novembre 2016.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 35

3.2. LES SERVICES D’APPUI DE L’OCAM

L’OCAM vante les mérites d’une approche intégrale de la lutte contre le terrorisme,
basée sur la coopération entre les différents services de sécurité. Concrètement, l’OCAM
travaille avec plusieurs services d’appui ou services de soutien, identifiés comme ayant
un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme et, à ce titre, chargés d’établir une
coopération renforcée avec l’OCAM. À l’origine, en 2006, on en comptait huit :
- les services de renseignement civil ;
- les services de renseignement militaire ;
- la police fédérale ;
- les polices locales ;
- le SPF Mobilité et Transports ;
- la Direction générale Office des étrangers du SPF Intérieur ;
- l’Administration générale des Douanes et Accises (AGDA) du SPF Finances : le
contrôle des marchandises vise notamment à repérer les menaces terroristes directes,
par le contenu des marchandises, et indirectes, par le commerce illégal destiné au
153
financement d’activités terroristes   ;
- le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement :
notamment pour le suivi des obligations internationales de la Belgique en matière de
terrorisme et des informations provenant des postes diplomatiques et consulaires 154.
L’OCAM doit donc travailler avec des services variés et dont la lutte contre le terrorisme
n’est pas la mission première, et ce alors que d’autres acteurs, comme la CTIF, sont
écartés 155. La loi relative à l’analyse de la menace prévoit toutefois que le CNS puisse
proposer au Roi de désigner d’autres services d’appui. Ainsi, depuis 2018, de nouveaux
services sont reconnus comme partenaires privilégiés de l’OCAM 156. Suite aux attentats
de Bruxelles et de Zaventem du 22 mars 2016 et dans la lignée des recommandations
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de la commission d’enquête parlementaire, le législateur a jugé nécessaire de formaliser
et renforcer la coopération ponctuelle entre l’OCAM et certains services, notamment dans
le cadre du Plan R 157. Ainsi, le CGCCR, qui faisait déjà partie des possibles destinataires
des analyses de l’OCAM, est désormais reconnu comme service d’appui. Il s’agit entre
autres de relier l’OCAM et la cellule Unité d’information des passagers (UIP) du CGCCR
(cf. infra). La DG EPI, et en particulier sa cellule de coordination Extrémisme, est
également devenue un service d’appui de l’OCAM. Le service Laïcité et Cultes de la
Direction générale Législation, Libertés et Droits fondamentaux (DGWL) du SPF Justice,
compétent pour la reconnaissance des cultes et jugé pertinent pour le suivi des
propagandistes de haine notamment, est le troisième nouveau partenaire de l’OCAM.

153
154
L. DELVAL, « Société du risque et gestion des crises », op. cit., p. 435.
Ibidem, p. 437 ; Chambre des représentants, Commissions réunies de la Justice et de l’Intérieur, des
Affaires générales et de la Fonction publique, Projet de loi relatif à l’analyse de la menace, Rapport, n° 2032/6,
155
21 février 2006.
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 116.
156
Arrêté royal du 17 août 2018 exécutant l’article 2, premier alinéa, 2°, g) de la loi du 10 juillet 2006 relative
157
à l’analyse de la menace, Moniteur belge, 12 septembre 2018.
Addendum à l’arrêté royal du 17 août 2018, Moniteur belge, 10 janvier 2019.

CH 2463-2464
36 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

Enfin, l’Administration générale de la Trésorerie (AGTrés) du SPF Finances est reconnue


comme service d’appui pour le suivi des sanctions financières.
L’enjeu de ce statut est notamment de soumettre de nouveaux services à l’obligation
prévue dans la loi de communiquer des renseignements à l’OCAM. En effet, ces services
ont l’obligation légale de lui transmettre tout renseignement pertinent pour sa mission
d’évaluation de la menace en matière de terrorisme et d’extrémisme – une obligation
totalement inédite, dont ne bénéficient pas les homologues européens de l’OCAM. Chacun
de ces services doit dès lors désigner un point de contact pour communiquer et échanger
ces informations avec l’OCAM. En outre, le personnel de l’OCAM est en partie composé
d’experts détachés des services d’appui. La notion de renseignement pertinent peut bien
sûr faire l’objet d’interprétations différentes selon les services ou même les agents. Les
travaux parlementaires précisent que les informations transmises à l’OCAM ne peuvent
être brutes et doivent déjà avoir été traitées par les services d’appui 158. Ainsi, les
informations sont vérifiées, contextualisées et analysées par les services avant d’être
envoyées à l’OCAM, sans quoi ce dernier serait inondé de renseignements. Ces dernières
années, le nombre de documents transmis pour analyse à l’OCAM est en très nette
159
augmentation, et ce malgré le premier traitement effectué par les services d’appui .
Les différentes attaques terroristes perpétrées en Europe depuis 2015 n’y sont bien sûr
pas étrangères. Cette obligation légale n’empêche toutefois pas certains manquements,
à l’instar de cette information selon laquelle Khalid El Bakraoui, qui a participé plus tard
aux attentats du 22 mars 2016, avait été aperçu à l’aéroport de Zaventem par un soldat
déployé dans le cadre de l’opération Vigilant Guardian, mais qui n’était pas remontée
au-delà du SGRS et de la police 160.
La loi du 10 juillet 2006 reconnaît tout de même une exception à cette exigence de
communication, à savoir les obligations internationales des services d’appui. Elle prévoit
une procédure d’embargo, selon laquelle une information dont la source doit être protégée
ou dont le parquet fédéral estime que la communication peut compromettre une enquête
ne sera communiquée qu’au directeur de l’OCAM, qui décidera si l’information doit
être intégrée ou non à l’évaluation. Cela permet à l’OCAM de produire des analyses en
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connaissance de cause tout en protégeant les (sources des) informations sensibles. Cette
161
disposition a également permis à la Belgique de rassurer ses partenaires internationaux .
Finalement, là où le GIA ne travaillait qu’à partir d’informations provenant de la police
et des services de renseignement et devait solliciter lui-même ces données 162, l’OCAM
peut donc compter sur des sources diverses afin de ne passer à côté d’aucune information
essentielle 163. L’OCAM n’est toutefois pas autorisé à récolter lui-même des informations et

158
W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace », op. cit., p. 118. Les mêmes
travaux laissent toutefois la possibilité à l’OCAM de demander un renseignement isolé, qu’il semble
difficile de distinguer d’un renseignement brut. Si des informations brutes peuvent être transmises
159
à l’OCAM, l’obligation légale de les communiquer ne s’applique pas.
SPF Intérieur, « Rapport d’activités 2016 », op. cit.
160
161
La Libre Belgique, 19 février 2019.
162
K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium », op. cit., p. 932.
Le Soir, 12 avril 2005 ; W. VAN LAETHEM, « L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace »,
163
op. cit., p. 116.
Contrôle conjoint des Comités permanents P et R relatif à l’Organe de coordination pour l’analyse de
la menace, Rapport n° 2007/01, www.comiteri.be.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 37

164
données, ni à exiger des informations (en particulier de la Sûreté de l’État ou du SGRS) .
Sur ce point, il ne ressemble donc en rien aux services de renseignement. Par le passé, les
Comité R et Comité P ont d’ailleurs reproché à l’OCAM d’outrepasser ses compétences
165
et d’empiéter sur le terrain des services de renseignement .

3.3. LE CENTRE GOUVERNEMENTAL DE COORDINATION


ET DE CRISE (CGCCR)

Le Centre gouvernemental de coordination et de crise (CGCCR : Direction générale Centre


de crise du SPF Intérieur) ou Centre de crise est un acteur incontournable du volet
opérationnel de la lutte contre le terrorisme. Il fait d’ailleurs partie des membres
permanents du CCRS et est parfois invité aux réunions du CSRS et du CNS en tant
que représentant du SPF Intérieur (cf. supra).
Créé en 1988, le CGCCR est responsable de la gestion de crise, définie comme « tout
événement qui, par sa nature ou par ses conséquences, 1° menace les intérêts vitaux de
la nation ou les besoins essentiels de la population, 2° requiert des décisions urgentes,
166
3° et demande la coordination de différents départements et organismes » . Le CGCCR
se veut un endroit neutre, où réunir les acteurs de sécurité, coordonner leurs missions et
exécuter leurs décisions. En cas de crise, il est également responsable de la communication
auprès du public.
Le CGCCR a également un rôle à jouer hors période de crise. Il assure notamment un
travail de veille pour la collecte, l’analyse et la diffusion d’informations urgentes. Il est
également chargé de l’analyse de risques et de la supervision de la sécurité des événements
de grande ampleur (visites de personnalités, manifestations, événements sportifs, procès
sensibles, etc.) qui impliquent la coordination de différents services. Aussi, en application
d’une directive européenne 167, la loi du 1er juillet 2001 relative à la sécurité et à la protection
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des infrastructures critiques désigne le CGCCR comme point de contact national pour
la protection des infrastructures critiques nationales et européennes présentes sur le
territoire belge 168.
Après les attentats du 22 mars 2016, son portefeuille de missions a encore été élargi 169.
Le CGCCR héberge ainsi désormais la récente Unité d’information des passagers (UIP
ou BelPIU), créée dans le cadre de l’opérationnalisation du PNR européen (cf. supra)

164
S. LEFEBVRE, « “The Belgians just Aren’t up to It”: Belgian Intelligence and Contemporary Terrorism »,
165
International Journal of Intelligence and CounterIntelligence, volume 30, n° 1, 2017, p. 9.
RTBF Info, 15 juillet 2015, www.rtbf.be. Cf. aussi K. LASOEN, « Indications and Warning in Belgium »,
166
op. cit., p. 933-934.
Arrêté royal du 18 avril 1988 portant création du Centre gouvernemental de coordination et de crise,
Moniteur belge, 4 mai 1988.
167
Directive 2008/114/CE du Conseil du 8 décembre 2008 concernant le recensement et la désignation
des infrastructures critiques européennes ainsi que l’évaluation de la nécessité d’améliorer leur protection,
Journal officiel de l’Union européenne, L 345/75, 23 décembre 2008.
168
169
Moniteur belge, 15 juillet 2011.
Centre gouvernemental de coordination et de crise, « Rapport d’activités 2018. Un centre de crise
interconnecté », 5 mars 2019, https://centredecrise.be.

CH 2463-2464
38 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

et destinée à lutter contre le terrorisme et la criminalité grave par la collecte et le


170
traitement des données des passagers des transports internationaux .
Mentionnons enfin les arrêtés royaux portant fixation des plans d’urgence nationaux
relatifs à l’approche d’une prise d’otage terroriste ou d’un attentat terroriste et relatif
à l’approche d’un incident criminel ou terroriste impliquant des substances toxiques 171.
Confidentiels, ces plans d’urgence nationaux organisent les procédures à suivre par les
services de sécurité en cas d’attentat ; le CGCCR est le responsable opérationnel.

3.4. LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Les services de renseignement sont des acteurs historiques de la sécurité et de la lutte


contre le terrorisme. En Belgique, ils sont organisés en deux services distincts, à savoir
la Sûreté de l’État (SE) pour le renseignement civil et le Service général du renseignement
et de la sécurité (SGRS) pour le renseignement militaire (3.4.1). Cette distinction entre
service civil et service militaire se calque sur le modèle des autres pays occidentaux
et se justifie notamment par la participation du SGRS à l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord (OTAN) 172. Ensemble, les services de renseignement fournissent les
renseignements utiles à la prise de décision politique et sont des acteurs à part entière
de la sécurité publique, militaire et économique du pays 173. À ce titre, tous deux sont
bien sûr compétents pour la lutte contre le terrorisme (3.4.2).

3.4.1. Les services de renseignement civil et militaire

Les services de renseignement ont bénéficié d’une reconnaissance légale tardive.


Encouragée par le rapport critique de l’enquête parlementaire sur la manière dont la lutte
174
contre le banditisme et le terrorisme est organisée , la loi du 30 novembre 1998 établit
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officiellement la Sûreté de l’État et le SGRS et détaille leurs missions respectives 175. Ainsi,
la Sûreté de l’État est compétente pour « toute activité qui menace ou pourrait menacer
la sûreté intérieure de l’État et la pérennité de l’ordre démocratique et constitutionnel,

170
Loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers, Moniteur belge, 25 janvier
2017 ; Arrêté royal du 21 décembre 2017 relatif à l’exécution de la loi du 25 décembre 2016 relative au
traitement des données des passagers, reprenant diverses dispositions concernant l’Unité d’information
171
des passagers et le délégué à la protection des données, Moniteur belge, 29 décembre 2017.
er
Arrêté royal du 1 mai 2016 portant fixation du plan d’urgence national relatif à l’approche d’une prise
d’otage terroriste ou d’un attentat terroriste, Moniteur belge, 18 mai 2016 ; Arrêté royal du 11 juin 2018
portant fixation du plan d’urgence national relatif à l’approche d’un incident criminel ou d’un attentat
terroriste impliquant des agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRNe), Moniteur
172
belge, 19 juin 2018.
Pour un exposé détaillé de l’évolution des services de renseignement, cf. L. VAN OUTRIVE, « Les services
de renseignement et de sécurité », op. cit.
173
174
P. LEROY, « Quel renseignement en Belgique pour demain ? », Revue militaire belge, n° 2, 2011, p. 85.
Chambre des représentants, Commission d’enquête, Enquête parlementaire sur la manière dont la lutte
contre le banditisme et le terrorisme est organisée. Rapport, n° 59/10, 2 mai 1990.
175
Loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité, Moniteur belge,
18 décembre 1998. Pour une vision plus précise du cadre légal et réglementaire autour des missions des
services de renseignement, cf. L. DELVAL, « Société du risque et gestion des crises », op. cit., p. 429-430.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 39

la sûreté extérieure de l’État et les relations internationales, le potentiel scientifique ou


économique défini par le Conseil national de sécurité, ou tout autre intérêt fondamental
du pays défini par le Roi sur proposition du Conseil national de sécurité ».
La loi précise encore qu’il faut entendre par « activité qui menace ou pourrait menacer » :
« Toute activité, individuelle ou collective, déployée à l’intérieur du pays ou à partir
de l’étranger, qui peut avoir un rapport avec l’espionnage, l’ingérence, le terrorisme,
l’extrémisme, la prolifération, les organisations sectaires nuisibles, les organisations
criminelles ; en ce compris la diffusion de propagande, l’encouragement ou le soutien
direct ou indirect, notamment par la fourniture de moyens financiers, techniques
ou logistiques, la livraison d’informations sur des objectifs potentiels, le développement
des structures et du potentiel d’action et la réalisation des buts poursuivis. »
La Sûreté de l’État travaille avant tout sous l’autorité du ministre fédéral de la Justice,
mais également sous celle du ministre fédéral de l’Intérieur pour les missions qui touchent
au maintien de l’ordre et à la protection des personnes. Sous l’autorité du ministre fédéral
de la Défense, le SGRS s’occupe principalement des intérêts des forces armées. Ses missions
concernent la sécurité nationale et la sécurité des forces armées, ainsi que toute menace
contre l’intégrité du territoire national, la population belge en Belgique ou à l’étranger,
les plans de défense militaire, le potentiel scientifique et économique du pays, et les
missions des forces armées. Les missions des deux services coïncident donc en partie,
d’où l’inévitable besoin de coordination.
Avant même leur reconnaissance légale, le contrôle des services de renseignement est
organisé par la loi du 18 juillet 1991 176. Celle-ci crée le Comité permanent de contrôle
des services de renseignement (Comité R), chargé d’enquêter sur les activités et méthodes
et le traitement des données personnelles par les services de renseignement ; depuis 2006,
ce contrôle s’étend à l’OCAM et à ses services d’appui 177. Le Comité R traite également
les plaintes sur les activités des services de renseignement. C’est notamment le Comité R
qui a appelé à construire une base légale solide pour les deux services de renseignement.
Depuis lors, les rapports et enquêtes du Comité R ont permis de mettre en lumière certains
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dysfonctionnements ou pratiques contestables, notamment suite aux attentats du 22 mars
2016 178.

3.4.2. Antiterrorisme et renseignement

Le terrorisme fait partie des menaces identifiées dans la loi du 30 novembre 1998 pour
lesquelles les services de renseignement sont compétents. Il y est défini dans l’article 8,
qui précise les missions de la Sûreté de l’État, comme « le recours à la violence à l’encontre
de personnes ou d’intérêts matériels, pour des motifs idéologiques ou politiques, dans
le but d’atteindre ses objectifs par la terreur, l’intimidation ou les menaces [en ce compris

176
Loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignement, Moniteur belge,
27 juillet 1991.
177
Loi du 10 juillet 2006 modifiant la loi organique du 18 juillet 1991 du contrôle des services de police
178
et de renseignements et les articles 323bis et 327bis du Code judiciaire, Moniteur belge, 20 juillet 2006.
Comité permanent R, « Rapport d’activités 2016 », 2017.

CH 2463-2464
40 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

179
le processus de radicalisation ] ». Il fait donc partie des menaces que doit traiter la Sûreté
de l’État. En effet, si les deux services sont compétents face à la menace terroriste, il s’agit
d’une compétence résiduaire pour le SGRS 180. Celui-ci se concentre ainsi davantage sur
le terrorisme international, car le cadre légal lui permet difficilement de justifier des
181
missions non militaires .
Aujourd’hui, les deux services – mais en particulier la Sûreté de l’État – apportent bien sûr
une contribution essentielle dans le suivi des FTF et HTF. Par exemple, ils interviennent
via l’alimentation des différentes banques de données communes et participent aux
structures du Plan R, notamment la TFN et les TFL. Le SGRS intervient dans ce cadre
pour le suivi des FTF restés en Irak et en Syrie.
Le travail des services de renseignement est une ressource précieuse pour le ministère
public. S’il convient certes de la distinguer de l’enquête de renseignement, l’enquête
judiciaire menée par le parquet est en effet souvent enrichie par des informations fournies
par les services de renseignement, dans le cadre de l’assistance technique 182. Les contacts
entre le parquet fédéral et les services de sécurité ont d’ailleurs été renforcés dans le cadre
des Joint Information et Decision Centers (cf. infra). Ce rapprochement entre enquête
de renseignement et enquête judiciaire intervient de plus en plus tôt étant donné
l’élargissement des infractions terroristes.
Indépendants, le travail de la Sûreté de l’État et celui du SGRS manquent très clairement
de synergie. Malgré la signature de plusieurs protocoles de coopération, le manque
de communication et de coordination entre les deux organes a été pointé du doigt
à de multiples reprises, particulièrement après les attentats de Paris et de Bruxelles et
Zaventem 183. Est également mis en cause un manque de leadership et de vision au
niveau politique, que la création du CNS vise à combler. Or, en matière de lutte contre
le terrorisme en particulier, les batailles institutionnelles peuvent être lourdes de
conséquences. Il existe donc aujourd’hui une volonté affichée, de la part de leurs dirigeants
respectifs, de renforcer les contacts entre les deux services. Cette volonté s’est matérialisée
par la publication, en octobre 2018 et pour la première fois, d’un Plan stratégique national
du renseignement, qui explicite la répartition des tâches et compétences 184. Aujourd’hui,
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les deux services partagent également une plateforme commune dédiée au contre-
terrorisme et rassemblant des collaborateurs civils et militaires 185.
Inhérente à tout service de renseignement, la question des méthodes de récolte de données
n’épargne pas la Sûreté de l’État et le SGRS ; elle a même été à l’origine de plusieurs

179
Ajout opéré par la loi du 30 mars 2017 modifiant la loi du 30 novembre 1998 organique des services
180
de renseignement et de sécurité et l’article 259bis du Code pénal (Moniteur belge, 28 avril 2017).
181
L. DELVAL, « Société du risque et gestion des crises », op. cit., p. 428.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée
d’examiner les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de
Bruxelles-National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de
la lutte contre le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet
182
“Architecture de la sécurité”, n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 230-231.
Les modalités de l’assistance technique sont précisées dans : Collège des procureurs généraux,
Circulaire n° 9/2012, 21 juin 2012.
183
184
Cf. K. LASOEN, « For Belgian Eyes Only », op. cit., p. 478-479.
185
Sûreté de l’État, « Partenaires nationaux », s.d., www.vsse.be.
Le Soir, 4 mars 2020.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 41

186
scandales par le passé . Elle est notamment encadrée par la loi du 4 février 2010 relative
187
aux méthodes de recueil des données par les services de renseignement et de sécurité ,
qui crée et encadre les conditions de recours aux méthodes spécifiques et exceptionnelles
des services de renseignement (méthodes de recueil des données - MRD) telles que
l’infiltration, l’observation à l’aide ou non de moyens techniques, ou l’écoute et
l’enregistrement de communications. La distinction est basée sur le degré d’intrusion
dans la vie privée, qui est plus élevé que pour les méthodes ordinaires (sources ouvertes
comme Internet ou la presse, informateurs, données PNR, etc.). Si la loi précise que
ces méthodes « ne peuvent être utilisées dans le but de réduire ou d’entraver les droits
et libertés individuels », le manque de transparence des services de renseignement, justifié
au nom de la sécurité nationale, nourrit parfois une certaine méfiance 188. Le contrôle
de l’usage qui est fait de ces méthodes particulières est pris en charge en amont par
la Commission administrative chargée du contrôle des méthodes spécifiques et
exceptionnelles de recueil des données (dite Commission MRD) 189, créée à cette fin
et a posteriori par le Comité R. En 2017, le législateur a élargi les possibilités de recours
à ces méthodes particulières dans le cadre de la lutte contre le terrorisme 190. Désormais,
la Sûreté de l’État est compétente pour le suivi des groupes et individus identifiés comme
radicalisés. La loi prévoit également des procédures d’urgence pour accélérer l’autorisation
des méthodes particulières de recherche.
La question des moyens, humains et financiers, est un refrain connu des services de
sécurité belges 191. Les services de renseignement en particulier ont souvent dénoncé leur
manque de moyens 192. En 2017, la commission d’enquête parlementaire s’est inquiétée
des ressources limitées et des outils obsolètes de la Sûreté de l’État 193. De son côté,
celle-ci rappelle que « la balle se trouve dans le camp des responsables politiques » 194.

3.5. LE SERVICE DE POLICE INTÉGRÉ, STRUCTURÉ À DEUX NIVEAUX


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La police belge a connu un profond réaménagement fin des années 1990, suite aux
bouleversements nés de l’affaire Dutroux, qui à la suite d’autres avait mis en lumière

186
L. VAN OUTRIVE, « Les services de renseignement et de sécurité », op. cit., p. 38.
187
188
Moniteur belge, 10 mars 2010.
Sur la place des services de renseignement en démocratie, cf. L. BONELLI et al., « Les mondes du
renseignement entre légitimation et contestation », Cultures & Conflits, n° 114-115, 2019.
189
190
Ou Commission BIM (pour « bijzondere inlichtingenmethoden »).
Loi du 30 mars 2017 modifiant la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement
et de sécurité et l’article 259bis du Code pénal, Moniteur belge, 28 avril 2017.
191
S. LEFEBVRE, « “The Belgians just Aren’t up to It” », op. cit., p. 15 ; K. LASOEN, « For Belgian Eyes Only »,
192
op. cit., p. 478.
RTBF Info, 28 janvier 2015, www.rtbf.be.
193
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
194
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 222 et 273.
Sûreté de l’État, « Rapport d’activités 2017-2018 », 2018, www.vsse.be, p. 32.

CH 2463-2464
42 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

195
les dysfonctionnements des services de police . Jusqu’alors, la police était composée
de trois services distincts : la gendarmerie (qui relevait de l’armée), la police judiciaire
et la police communale. Discutée depuis plusieurs années, la réforme inscrite dans la loi
du 7 décembre 1998 réorganise la police belge, désormais structurée en un unique service
196
à deux niveaux autonomes : le niveau fédéral et le niveau local .
Le niveau local est constitué par les corps de police locale, désormais en charge, sur leur
propre zone, des missions de police administrative et de police judiciaire liées à la gestion
des phénomènes locaux. Au niveau fédéral, la police est responsable des missions
spécialisées et supra-locales de police administrative et de police judiciaire sur l’ensemble
du territoire belge. Elle opère également parfois en appui aux corps de police locale. La
police fédérale agit sous une double tutelle : celle du ministre fédéral de l’Intérieur, pour
les missions de police administrative, et celle du ministre fédéral de la Justice, pour les
missions de police judiciaire. Du côté des corps de police locale, les missions de police
administrative sont dirigées par le bourgmestre, et les missions de police judiciaire sont
encadrées par le procureur du Roi. Il est à noter que l’action des bourgmestres dépend
de la politique fédérale pour les missions de police, mais des Régions et des Communautés
pour les questions liées à la prévention. Enfin, conformément à la loi du 18 juillet 1991,
le contrôle des services de police est la responsabilité du Comité permanent de contrôle
des services de police (Comité P) 197. Celui-ci veille ainsi à la protection des droits des
citoyens, ainsi qu’à l’efficacité des services de police.
Le plan national de sécurité (PNS), validé par le Conseil des ministres, et les plans zonaux
de sécurité (PZS) guident le travail des services de police, et veillent à la cohérence entre
les priorités judiciaires et administratives de la police ; cependant, ils peinent souvent
à proposer des politiques générales ambitieuses 198. En 2016, le PNS, aligné pour la première
fois sur la NCSI, identifie la lutte contre le terrorisme comme l’un des phénomènes de
199
sécurité prioritaires . Tant la police fédérale (3.5.1) que les corps de police locale (3.5.2)
sont bien sûr des acteurs incontournables de la lutte contre le terrorisme et tentent de
renforcer leur coopération à cette fin, notamment dans le cadre du Plan Canal (3.5.3).
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3.5.1. La police fédérale

Conformément à la directive ministérielle du 20 février 2002, ce sont les autorités


judiciaires qui décident de l’attribution de l’enquête au niveau fédéral ou local de la police,
selon le degré de complexité de cette enquête 200. La complexité de l’enquête est évaluée

195
Pour une vision détaillée de la réforme des polices et son organisation actuelle, cf. notamment L. VAN
196
OUTRIVE, « La réforme des polices », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1580-1581, 1997.
Loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, Moniteur
197
belge, 5 janvier 1999.
Loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignement, Moniteur belge,
26 juillet 1991.
198
199
P. PONSAERS, E. DEVROE, « Une nouvelle structure pour la police de Bruxelles ? », op. cit., p. 54.
Police fédérale, « Plan national de sécurité 2016-2019. “Aller ensemble à l’essentiel” », 7 juin 2016,
www.police.be, p. 38.
200
Directive (Justice) du 20 février 2002, organisant la collaboration, la coordination et la répartition des
tâches entre la police locale et la police fédérale en ce qui concerne les missions de police judiciaire, Moniteur
er
belge, 1 mars 2002.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 43

au regard : « a) de la nature du fait ou des faits à propos desquels il faut enquêter ; b) de


la nature des devoirs d’enquête à effectuer• ; c) de la dispersion géographique des devoirs
d’enquête spécialisés ». Ainsi, les enquêtes autour d’infractions terroristes, qu’elles soient
proactives ou réactives, sont généralement attribuées à la police fédérale sur la base de
la nature complexe des devoirs d’enquête à effectuer.
201
Ce sont alors les directions judiciaires déconcentrées de la police fédérale (PJF ), présentes
dans chaque arrondissement judiciaire, qui sont chargées des enquêtes. Sur l’ensemble
du territoire belge, cinq d’entre elles sont spécialisées en matière de terrorisme, bien qu’elles
soient également compétentes pour d’autres types d’infractions : les PJF d’Anvers, de
Bruxelles, de Charleroi/Mons, de Flandre orientale et de Liège (« PJF Terro »). Ces PJF
disposent d’une expérience et d’un savoir-faire dans la gestion de ces enquêtes qui
nécessitent notamment la coordination des différents services de renseignement et de
sécurité. Sans capacité de recherche propre, le procureur fédéral, lorsqu’il se saisit
d’une affaire liée à une infraction terroriste, fait donc appel à l’une de ces directions
déconcentrées 202. Les autres directions déconcentrées peuvent également être impliquées
dans ces enquêtes, mais en étroite concertation avec les PJF spécialisées. Des réunions
hebdomadaires sont organisées entre le parquet fédéral et ces cinq PJF spécialisées pour
le suivi opérationnel des enquêtes et pour pallier les problèmes de coordination et de
circulation de l’information entre ces dernières 203.
Ces dernières années, c’est principalement la PJF de Bruxelles qui mène les enquêtes liées
aux infractions terroristes, non sans conséquence sur sa charge de travail. Sa division
de recherche « terrorisme » (DR3) a en effet vu le nombre de dossiers relatifs à des affaires
de terrorisme substantiellement augmenter, au point de devoir prioriser certains dossiers
selon leur urgence et probabilité de mener à une condamnation 204. De manière générale,
chacune des PJF spécialisées semble manquer de moyens et de capacité de recherche
– ce qui nuit au traitement approfondi des informations. C’est ainsi que la DR3 est passée
à côté de contacts entre les auteurs des attentats parisiens de novembre 2015 205.
L’élargissement des infractions terroristes a bien sûr joué un rôle dans l’augmentation
de la charge de travail des services de sécurité 206. Sans apporter de « solution structurelle
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au manque de capacité de recherche » 207, la police judiciaire a défini le Plan de mobilisation
(Plan M), élaboré après les attentats de Paris et destiné à déployer efficacement le personnel
policier en cas de multiples attaques terroristes.

201
202
Pour « police judiciaire fédérale ».
203
Loi du 26 mars 2014 portant mesures d’optimalisation des services de police, Moniteur belge, 31 mars 2014.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
204
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 341.
205
Pour un exposé précis des fixations des priorités par la DR3 de la PJF Bruxelles, cf. ibidem, p. 344-452.
RTBF Info, 16 et 17 mai 2016, www.rtbf.be.
206
207
Le Soir, 10 mai 2018.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 340.

CH 2463-2464
44 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

Depuis 2016, la DR3 a conclu un « memorandum of understanding » avec les services


de renseignement et l’OCAM pour la création d’une plateforme d’échange continu
(« intelligence fusion cell ») dans le but d’évaluer les informations de chacun de ces services
208
sur la menace terroriste, en complément des TFL . À partir des recommandations de
209
la commission d’enquête parlementaire , le modèle a été renforcé par la création, pour
la PJF de Bruxelles, d’un joint information center (JIC), ainsi que d’un joint decision center
(JDC) auquel participe également le parquet fédéral afin de prendre des décisions sur
la base des informations échangées en JIC 210. Ces organes se réunissent également
rapidement en cas d’urgence. Après une première extension à l’ensemble des
arrondissements du ressort de la cour d’appel de Bruxelles en 2019, l’objectif est d’étendre
ce projet pilote aux autres ressorts judiciaires (Anvers, Gand, Liège et Mons) 211.
La police judiciaire fédérale dispose également de services centraux, qui assistent le parquet
fédéral dans la coordination des dossiers pris en charge par les PJF. C’est l’Unité centrale
antiterrorisme de la Direction centrale de la Lutte contre la criminalité grave et organisée
(DJSOC/Terro), sise au sein de la Direction générale de la police judiciaire (DGJ), qui
traite de la lutte contre le terrorisme. Concrètement, la DJSOC/Terro « est chargée
de la coordination opérationnelle, du contrôle et de l’appui des directions judiciaires
déconcentrées » 212, bien qu’elle ne dispose pas de pouvoir contraignant sur les PJF. En
pratique, ses moyens limités et sa récente réorganisation ne lui permettent toutefois pas
de remplir efficacement sa mission de coordination et de soutien aux PJF, selon la
commission d’enquête parlementaire 213. Menacée par des volontés de réforme des
services centraux de la police fédérale, la DJSOC/Terro s’est efforcée de prouver sa valeur
ajoutée par le développement d’une expertise sur l’image des menaces terroristes et la
production d’analyses stratégiques, bien que celles-ci ne soient pas toujours reliées aux
besoins réels des PJF. C’est encore la DJSOC/Terro qui coordonne le projet Community
policing and prevention of radicalisation (CoPPRa) en Belgique, une initiative co-financée
par l’Union européenne qui vise notamment la formation des agents de police à la
détection précoce des signes de radicalisation 214.
Signalons encore la création en 2017, au sein de la Direction générale de la police
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administrative (DGA), de la Direction de la Sécurisation (DAB). Destiné à prendre la
relève du déploiement militaire sur le sol national, ce corps réunit du personnel issu

208
209
Ibidem, p. 294.
210
Cf. ibidem, p. 311.
Sûreté de l’État, « Rapport d’activités 2017-2018 », op. cit., p. 30-31.
211
Chambre des représentants, Commission de suivi chargée d’examiner les circonstances qui ont conduit
aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-National et dans la station de métro
Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le radicalisme et la menace
terroriste, Compte rendu analytique, n° 944, 9 juillet 2018, p. 17 ; Chambre des représentants, Réunion
commune de la commission de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Migration et des Matières administratives
et de la commission de la Justice, Compte rendu analytique, n° 69, 10 décembre 2019, p. 3-4.
212
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
213
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 321.
Ibidem, p. 322.
214
Commission européenne, Direction générale de la Migration et des Affaires intérieures, « How Can
the Community Policing Philosophy Act as a Lever to Prevent Radicalisation in the Global Fight against
Terrorism - CoPPRa », https://ec.europa.eu.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 45

215
de la Défense et du SPF Justice, sous le statut d’agents de police . Il est principalement
dédié à la sécurisation de sites sensibles et stratégiques et a été créé afin de libérer du
personnel pour les missions essentielles de police (cf. infra).

3.5.2. Les corps de police locale

Les corps de police locale ont également un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme,
notamment dans le volet prévention via le travail de quartier. En effet, la police locale,
216
organisée au plus proche de la population, a une position d’information privilégiée .
En outre, si le terrorisme touche principalement aux compétences de la police fédérale,
il est souvent lié à d’autres types de criminalité auxquels peuvent être confrontés les corps
de police locale 217.
Aujourd’hui, la police locale intervient dans la lutte contre le terrorisme principalement
au travers de missions de police administrative. Le travail de la police locale est par
exemple utile pour le suivi des FTF. Ainsi, dans le cadre du Plan R, l’information officer
qui fait le lien entre les TFL et les CSIL (cf. supra) est un agent de la police locale.
Dans son rapport, la commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner les
circonstances ayant mené aux attentats du 22 mars 2016 appelle à davantage valoriser
le travail de quartier, qu’elle estime particulièrement utile dans la lutte contre la
radicalisation 218. En effet, l’approche belge a longtemps été focalisée sur le volet judiciaire,
au détriment d’une réelle politique de prévention organisée au niveau local 219. Il est vrai
que l’approche du community policing, basée sur une police au service de la communauté,
orientée vers la sécurité et le bien-être de la population et prônée dans les différents plans
stratégiques, peine à se concrétiser dans la pratique 220. Il est à noter de plus que, face
à l’augmentation de la charge de travail, les corps de police locale prennent parfois en
charge des missions de la police fédérale – laissant moins de personnel disponible pour
les missions de prévention 221. Ainsi, l’enjeu du manque de moyens des forces de police
– tout comme la question du découpage des zones de police locale en Région
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bruxelloise 222 – est exacerbé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

215
P. PONSAERS, E. DEVROE, « Molenbeek (maart 2016) na Parijs (novembre 2015). Het kanaalplan en de
216
sluipende privatisering », Cahiers Politiestudies, n° 39, 2016, p. 231.
Sur le rôle de la police de proximité en Belgique, cf. notamment C. TANGE, « La police de proximité »,
Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1691-1692, 2000.
217
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
218
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 332.
Ibidem, p. 380.
219
P. PONSAERS, E. DEVROE, « How Integrated is Local Prevention of Radicalisation and Terrorism? », in
220
T. RENARD (dir.), Counterterrorism in Belgium, op. cit., p. 27.
P. PONSAERS, E. DEVROE, « Molenbeek (maart 2016) na Parijs (novembre 2015) », op. cit., p. 226-227.
221
P. PONSAERS, E. DEVROE, « How Integrated is Local Prevention of Radicalisation and Terrorism? », op. cit.,
222
p. 31-32.
er
RTBF Info, 1 décembre 2015, www.rtbf.be.

CH 2463-2464
46 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

3.5.3. Le Plan Canal

Lancé en avril 2016, le Plan Canal concrétise certaines des mesures annoncées par le
gouvernement fédéral en novembre 2015 (cf. supra). Ce plan d’action contre la
radicalisation, l’extrémisme violent et le terrorisme a pour objectif de lutter contre
l’économie illégale et le trafic d’armes, de stupéfiants et de faux documents (identifiés
223
comme « phénomènes de soutien ») dans la zone du canal de Bruxelles . Pour ce faire,
il mise sur la coopération entre la police fédérale, les corps de police locale, les parquets
de première instance de Bruxelles et de Hal–Vilvorde, les services de renseignement ainsi
que les administrations régionale et locales.
Imaginé dans un premier temps pour la commune de Molenbeek-Saint-Jean uniquement,
le plan d’action concerne huit communes (Anderlecht, Koekelberg, Laeken (Bruxelles-
Ville), Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek et Vilvorde)
et implique cinq zones de police locale (Bruxelles-Midi, Bruxelles-Ouest, Bruxelles-
Capitale-Ixelles, Bruxelles-Nord, Vilvorde). S’il se veut multidisciplinaire et comporte
des volets préventif, administratif (notamment via les services d’urbanisme) et judiciaire,
le Plan Canal est surtout connu pour son volet policier. Par exemple, le plan d’action
travaille à partir de la banque de données Terrorist Fighters gérée par l’OCAM (cf. supra)
et vise notamment à localiser les returnees. En 2018, il a entre autres pris la forme de
visites domiciliaires et a abouti à un peu plus de 8 000 propositions de suppression des
224
registres de population . Le Plan Canal a ainsi donné naissance à une série de projets
allant du contrôle des armuriers et des bars à chichas à la lutte contre le trafic de
stupéfiants, en passant par le démantèlement d’ateliers de faux documents.
Projet phare du ministre de la Sécurité et de l’Intérieur J. Jambon, le Plan Canal a la
particularité d’être élaboré au niveau fédéral pour organiser des missions locales.
Il s’accompagne du recrutement de policiers supplémentaires, ainsi que de l’injection
de 39 millions d’euros dans les services de police et de renseignement et au profit du
parquet fédéral 225. En ce qui concerne les PJF, les moyens financiers ont été concentrés
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dans les PJF Terro, ce qui a été mal reçu par les autres directions déconcentrées également
en manque de moyens 226. Plus globalement, le Plan Canal semble réduire le problème
du terrorisme à un problème de capacité 227. Il est par exemple intéressant d’observer en
parallèle à ce plan fédéral – mais étiqueté N-VA – le développement du plan de sécurité et

223
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
224
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 102.
er
L’Écho, 1 août 2018.
225
SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement, « Mesures du
226
gouvernement belge dans la lutte contre le terrorisme et le radicalisme », op. cit.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
227
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 343.
P. PONSAERS, E. DEVROE, « How Integrated is Local Prevention of Radicalisation and Terrorism? », op. cit.,
p. 30.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 47

228
de prévention de la Région de Bruxelles-Capitale, sans synergie entre ces deux initiatives .
Cela illustre la difficulté de construire une réelle approche intégrale de sécurité, liant
prévention et répression, dans une Belgique fédérale où ces matières relèvent de différents
niveaux de pouvoir.

3.6. LA CELLULE DE TRAITEMENT DES INFORMATIONS FINANCIÈRES


(CTIF)

La lutte contre le financement du terrorisme est un volet majeur de la lutte antiterroriste.


En Belgique, l’organe chargé d’analyser les transactions financières suspectes, au-delà du
seul enjeu du financement du terrorisme, est la Cellule de traitement des informations
financières (CTIF) du SPF Finances. Créée en 1993, elle est composée d’experts financiers
et d’un membre de la police fédérale ; elle travaille sous le contrôle administratif des
ministres fédéraux des Finances et de la Justice 229.
Si les articles 140 et 141 et l’article 505 du Code pénal traitent respectivement du
financement du terrorisme et du blanchiment de capitaux, les missions de la CTIF sont
définies par la loi du 18 septembre 2017, qui applique la directive européenne 2015/849
et abroge la précédente loi (qui datait du 11 janvier 1993 et avait été modifiée en dernier
lieu le 1er juillet 2016). La loi du 18 septembre 2017 prévoit des dispositifs de « prévention
de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement
du terrorisme, ainsi que du financement de la prolifération des armes de destruction
massive » 230. La CTIF est chargée de l’analyse opérationnelle de cas individuels, et de
l’analyse stratégique des tendances de blanchiment de capitaux et de financement du
terrorisme.
Concrètement, la CTIF est susceptible de recevoir des informations suspectes d’une série
de services nationaux (tels que le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire
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et Environnement, l’AGDA et les CPAS) et étrangers ou européens (comme l’Office
européen de lutte anti-fraude - OLAF). Elle analyse ces déclarations de soupçon et
transmet les informations au ministère public si elle constate des indices sérieux d’une
activité criminelle. En 2017, elle a transmis le nombre record de 164 dossiers (contre
55 en 2019) au parquet fédéral avec des indices sérieux de financement du terrorisme
231
et plus précisément de combattants actifs en Irak et en Syrie .
Outre la création de la CTIF, différents mécanismes ont été mis en place pour lutter contre
le financement du terrorisme, souvent en application d’obligations internationales à l’instar

228
P. PONSAERS, E. DEVROE, « Une nouvelle structure pour la police de Bruxelles ? », op. cit., p. 55.
229
Arrêté royal du 11 juin 1993 relatif à la composition, à l’organisation, au fonctionnement et à l’indépendance
de la Cellule de traitement des informations financières, Moniteur belge, 22 juin 1993 ; Loi du 11 janvier
1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux
230
et du financement du terrorisme, Moniteur belge, 9 février 1993.
Loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du
terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, Moniteur belge, 6 octobre 2017.
231 e
Cellule de traitement des informations financières, « 25 rapport d’activités », 2018, www.iec-iab.be,
e
p. 22 ; Cellule de traitement des informations financières, « 26 rapport d’activités », 2019, www.iec-iab.be,
p. 35.

CH 2463-2464
48 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

du gel des fonds des personnes qui commettent ou tentent de commettre, facilitent ou
232
participent à des infractions terroristes . Le projet BELFI de la division de recherche
« Financement du terrorisme » de la PJF de Bruxelles (DR5-FINTER) est un autre exemple.
Lancé en 2014 puis intégré au Plan Canal, ce projet vise, d’une part, à lutter contre la fraude
sociale en identifiant les individus partis combattre aux côtés de l’État islamique et qui
continuent à toucher des allocations sociales et, d’autre part, à identifier les organisations
non gouvernementales ou entreprises privées qui les financent ou les soutiennent 233.
S’il a abouti à une série de contrôles, le projet BELFI reste critiqué pour ses opérations
musclées, ses pratiques de fichage et, plus largement, pour la criminalisation de la
234
communauté musulmane qu’il implique .
Sans être officiellement reconnue comme service d’appui de l’OCAM, la CTIF dispose
depuis 2016 d’un canal permanent de communication avec l’organe de coordination et
les services de renseignement – ce qui, auparavant, n’était possible qu’avec ses homologues
235
étrangers . Cet échange porte sur les informations utiles à la lutte contre le terrorisme et,
plus largement, à la lutte contre le radicalisme 236. La commission d’enquête parlementaire
souligne toutefois les améliorations possibles quant à l’échange d’informations entre les
acteurs de sécurité, notamment concernant le financement des mosquées 237. Depuis 2011
pourtant, la CTIF fait partie de différents groupes de travail mis sur pied dans le cadre du
Plan R. De plus, depuis 2014, la CTIF participe aux réunions hebdomadaires organisées
par le parquet fédéral en présence des PJF Terro, des magistrats fédéraux et de l’OCAM
sur les enquêtes judiciaires en cours 238. Il est encore à noter que la CTIF fait partie des
membres non permanents du CCRS (cf. supra). Elle est notamment en charge de la
plateforme sur le financement du terrorisme établie en son sein, qui réunit le parquet
fédéral, la police fédérale, l’OCAM, les services de renseignement, le SPF Économie, PME,
239
Classes moyennes et Énergie et le SPF Finances .
En dépit de son rôle central dans la lutte contre le financement du terrorisme, la CTIF
peine à trouver sa place dans le paysage antiterroriste belge 240. En 2016, la NCSI appelait

232
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Arrêté royal du 28 décembre 2006 relatif aux mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines
personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, Moniteur belge, 17 janvier
2007.
233
F. LEMEUNIER, « Counterterrorism Financing in Belgium: A New Perspective », in T. RENARD (dir.),
234
Counterterrorism in Belgium, op. cit., p. 46.
C. VANHECKE, « Lutte contre le terrorisme : le secteur associatif dans le viseur du fédéral », Alter Échos,
235
n° 465-467, 19 décembre 2017 ; BX1, 15 janvier 2018, https://bx1.be.
Loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses
en matière de justice, Moniteur belge, 19 février 2016 ; « La Cellule de traitement des informations financières
renseigne en permanence l’OCAM, le SGRS et la Sûreté de l’État en matière de terrorisme (art. 227
236
Pot-pourri II) », Polinfo.be, 25 février 2016, https://polinfo.kluwer.be.
e
Cellule de traitement des informations financières, « 25 rapport d’activités », op. cit., p. 23.
237
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
238
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 241.
e
Cellule de traitement des informations financières, « 22 rapport d’activités », 2015, www.iec-iab.be, p. 17.
239
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
240
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 155.
S. LEFEBVRE, « “The Belgians just Aren’t up to It” », op. cit., p. 12.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 49

toujours à l’élaboration d’une politique nationale de lutte contre le financement du


241
terrorisme – ce qui fait partie des missions du CNS. Comme dans beaucoup d’États
européens, ces enjeux ont en effet été longtemps négligés en Belgique 242 – à l’instar de
la cybersécurité.

3.7. LE CENTRE POUR LA CYBERSÉCURITÉ BELGIQUE (CCB)

Créé en 2014, le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB) répond à une attention
nouvelle pour la lutte contre la cybercriminalité 243. Intégré au SPF Chancellerie du Premier
ministre, le CCB est notamment chargé de la supervision de la stratégie belge de
cybersécurité et de la coordination des services et autorités concernés 244. Il assure aussi
des missions de sensibilisation et de gestion de crise avec le CGCCR en cas de
cyberincident. Il peut également élaborer des directives pour les systèmes informatiques
des services publics et formuler des propositions d’adaptation de la législation.
Avant l’apparition du CCB, d’autres acteurs travaillaient sur ces enjeux : par exemple,
le SGRS et la Cyber Emergency Team (CERT.be, équipe fédérale d’intervention d’urgence
en sécurité informatique). Il s’agit désormais de coordonner les activités de ces différents
services via une politique centralisée autour de la cybersécurité 245.
Le CCB est opérationnel depuis août 2015. Son action ne vise pas spécifiquement la lutte
contre le terrorisme. En la matière, il serait toutefois compétent pour la gestion d’une
crise suite à une cyberattaque – à l’instar de l’exercice de Cyber Europe 2018, qui simulait
la prise de contrôle par un « groupe radical » des systèmes critiques d’un aéroport 246.
Invité ponctuel des organes politiques de la lutte antiterroriste, le CCB, tout comme la
CTIF, semble occuper une place secondaire dans la lutte contre le terrorisme 247. Ce constat
témoigne de l’image du terrorisme portée par la politique belge, aujourd’hui davantage
focalisée sur ce que l’on a appelé la menace djihadiste et les groupes armés non étatiques
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et moins sur les cyberattaques, par exemple.

241
« Note-cadre de sécurité intégrale 2016-2019 », approuvée par le Conseil des ministres du 3 juin 2016, p. 49.
242
Pour une vision détaillée de la lutte contre le financement du terrorisme en Belgique, cf. F. LEMEUNIER,
243
« Counterterrorism Financing in Belgium », op. cit., p. 35-50.
« Accord de gouvernement », 10 octobre 2014, p. 148-149. L’arrêté royal ayant créé le CCB a néanmoins
244
été signé par le gouvernement précédant celui de C. Michel. Cf. Le Soir, 26 octobre 2015.
Arrêté royal du 10 octobre 2014 portant création du Centre pour la cybersécurité Belgique, Moniteur belge,
21 novembre 2014.
245
SPF Chancellerie du Premier ministre, « Focus 2015 : tous ensemble vers 100 % de satisfaction », 2016,
246
https://chancellerie.belgium.be, p. 4.
Centre pour la cybersécurité Belgique, « Rapport annuel 2018 », s.d., https://report.ccb.belgium.be ;
European Union Agency for Network and Information Security, « Cyber Europe 2018: After action report.
247
Findings from a cyber crisis exercise in Europe », 2018, www.enisa.europa.eu.
S. LEFEBVRE, « “The Belgians just Aren’t up to It” », op. cit., p. 12-13.

CH 2463-2464
50 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

3.8. LA DÉFENSE

Historiquement, la Défense est impliquée dans la lutte contre le terrorisme via des
opérations à l’étranger et la participation à des coalitions internationales. Face à l’État
islamique en particulier, l’armée belge a participé entre 2014 et 2017 aux frappes aériennes
de la coalition internationale en Irak et plus tard en Syrie par son opération Desert
248
Falcon . Depuis janvier 2015 toutefois, c’est également sur le sol national que les militaires
participent aux efforts antiterroristes. En effet, suite aux événements survenus à Paris
et au démantèlement de la cellule terroriste de Verviers, l’OCAM a relevé la menace au
249
niveau 3, soit une menace possible et vraisemblable . Le gouvernement fédéral a alors
lancé l’opération Homeland pour défendre des sites dits sensibles 250. Rapidement, celle-ci
a été élargie à l’opération Vigilant Guardian (OVG), qui organise le déploiement de l’armée
belge dans plusieurs grandes villes du pays, notamment Anvers, Bruxelles et Charleroi.
Dans ce cadre, les militaires interviennent en appui aux forces de police et agissent sous
leur supervision. À partir de mars 2016, l’armée a également été déployée pour l’opération
Spring Guardian, en support de la police pour la sécurisation des installations nucléaires.
Il avait déjà été fait appel à l’armée dans les années 1980, en renfort de la police face
notamment aux attaques des Cellules combattantes communistes (CCC). Toutefois, un
tel déploiement était inédit en 2015, tant par son ampleur que par sa durée. En effet,
cinq ans plus tard, si leur nombre a très nettement diminué, les militaires font désormais
partie du décor urbain. Depuis janvier 2015, le nombre de militaires déployés a souvent
évolué, suivant le niveau de la menace. Ils étaient 250 en janvier 2015, 1 000 après les
attentats de Paris, et jusqu’à 1 600 juste après les attentats de Bruxelles et de Zaventem 251.
En mai 2020, on compte encore 550 militaires dans les rues, et ce malgré le retour au
niveau 2 de la menace depuis janvier 2018 (à l’exception de quelques sites sensibles,
toujours maintenus au niveau 3) 252.
Cette présence militaire sur le sol belge, bien que plusieurs fois plébiscitée par une majorité
des citoyens belges sondés 253, a souvent été critiquée par la Défense elle-même 254. À de
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nombreuses reprises, l’état-major a ainsi dénoncé la pression sur les forces armées, qui
continuent leurs missions à l’étranger en parallèle à leur déploiement en Belgique. Plus
généralement, le cadre légal de l’opération pose problème 255. Au-delà de l’assistance prévue
dans le cadre de l’aide à la nation – par exemple, en cas de catastrophe naturelle ou pour

248
Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 5, 16 septembre 2014 ; Défense, « Les F-16 sont
249
revenus de Jordanie », 3 janvier 2018, www.mil.be.
Le niveau 3 sera maintenu, presque sans discontinuer, jusqu’en janvier 2018. Pendant ces trois ans,
l’OCAM relèvera la menace au niveau maximum, 4, à deux reprises : du 21 au 26 novembre 2015 suite
250
aux attentats de Paris et du 22 au 24 mars 2016 après les attentats de Bruxelles (cf. infra).
K. LASOEN, « War of Nerves: The Domestic Terror Threat and the Belgian Army », Studies in Conflict and
251
Terrorism, volume 42, n° 11, 2018, p. 954.
P. ROOMS, « OVG : Analyse critique de l’opération qui paralyse la composante Terre », Revue militaire
belge, n° 15, 2017, p. 2-3.
252
Conseil des ministres, « Appui de la Défense à la police intégrée en vue d’assurer des missions de
253
surveillance », Communiqué de presse, 27 mars 2020, www.premier.be.
Le Soir, 30 septembre 2016 ; La Libre Belgique, 16 octobre 2017.
254
255
La Libre Belgique, 8 septembre 2016 ; Le Soir, 12 juillet 2017, 25 octobre 2019 et 6 janvier 2020.
A. DUMOULIN, « Défense citoyenne et citoyens de la Défense : l’armée belge et la nation », Sécurité &
Stratégie, n° 130, 2017, p. 33.

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L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 51

256
la protection d’infrastructures vitales –, la présence militaire dans le cadre de l’opération
Vigilant Guardian fait l’objet d’un protocole d’accord renouvelé tous les mois par le
Conseil des ministres 257. Il énonce des règles d’engagement simples mais peu précises :
le recours à la violence uniquement en cas de légitime défense et la subordination des
militaires aux forces de police. Le mandat des forces armées y est limité uniquement
à la lutte contre le terrorisme. En pratique, ce cadre légal crée des confusions sur ce
que peuvent ou non faire les militaires vis-à-vis des citoyens (contrôle d’identité, fouilles,
etc. 258) ou dans le cadre d’interventions qui dépassent la lutte contre le terrorisme (par
exemple, l’évacuation de squats ou des missions de maintien de l’ordre) 259. En outre,
260
si l’opération est une nouvelle opportunité de collaboration entre l’armée et la police ,
261
leurs méthodes et cultures de travail différentes posent parfois problème sur le terrain .
L’état-major a en outre regretté sa mise à l’écart des organes de décision politique. Ce n’est
en effet que depuis 2019 que la Défense peut participer aux réunions du CCRS (cf. supra).
Enfin, la Défense a tenté de rappeler que le rôle de l’armée belge n’est pas d’intervenir
sur le territoire national, et que c’est en principe par des opérations à l’étranger qu’elle
réalise sa mission de protection du pays et des intérêts belges.
In fine, l’efficacité même de la présence militaire dans le cadre de la lutte antiterroriste
fait débat. Si une patrouille militaire est effectivement intervenue à la gare de Bruxelles-
Central en juin 2017 suite à une tentative d’attentat 262, les militaires n’ont pas pu empêcher
les attaques du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem. Ils ont par contre apporté leur
assistance aux blessés, ce qui a été reconnu comme des « actes de courage et de
dévouement » pour lesquels ils recevront d’ailleurs prochainement une médaille 263.
Du côté de la Défense, on estime également que les forces armées peuvent avoir un rôle
de dissuasion et que leur simple présence décourage de potentiels auteurs d’attaques
terroristes. Les différentes attaques dont les militaires ont fait l’objet, comme à Bruxelles
en août 2017 264, laissent toutefois penser que leur présence offre une cible supplémentaire
de choix aux individus qui nourrissent des velléités terroristes.
En 2017, une Direction de la Sécurisation (ou DAB) a été créée au sein de la police
fédérale, exclusivement destinée à l’extraction de détenus et à la sécurisation de lieux
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sensibles et stratégiques tels que les sites nucléaires, l’aéroport de Bruxelles-National ou
265
les infrastructures nationales, européennes et internationales . Corps de police, le DAB
est principalement composé d’agents issus du corps de sécurité du SPF Justice et de la
Défense. À terme, l’objectif est donc d’augmenter la capacité policière pour d’autres
missions, plus essentielles, et de mettre fin à l’opération Vigilant Guardian. Il s’agit dès

256
257
T. COOSEMANS, « Les dispositifs de sécurité avant et après le 11 septembre 2001 », op. cit., p. 47-51.
Conseil des ministres, « Évaluation de la menace par l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace »,
Communiqué de presse, 13 mars 2015, www.premier.be.
258 er
259
RTBF Info, 1 juin 2016, www.rtbf.be.
260
K. LASOEN, « War of Nerves », op. cit., p. 955.
C. DE BOLLE, « Federale politie. Bruggen slaan tussen veiligheidsactoren », Revue militaire belge, n° 13, 2016,
261
p. 27-28.
262
P. ROOMS, « OVG : Analyse critique de l’opération qui paralyse la composante Terre », op. cit., p. 7.
Le Soir, 21 juin 2017.
263
M.-M. COURTIAL, « Une médaille pour actes de courage pour 51 militaires intervenus le jour des attentats
du 22 mars », À l’avant-garde, 30 avril 2020, https://defencebelgium.com ; Chambre des représentants,
Commission de la Défense nationale, Compte rendu intégral, n° 162, 29 avril 2020, p. 7-8.
264
265
Le Soir, 25 août 2017.
Loi du 12 novembre 2017 relative aux assistants et agents de sécurisation de police et portant modification
de certaines dispositions concernant la police, Moniteur belge, 27 novembre 2017.

CH 2463-2464
52 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

lors d’un premier pas vers le retrait des troupes militaires, bien que, à sa création, cette
nouvelle structure ne parvenait pas à recruter du côté des forces armées – en particulier, la
perte du statut de militaire (et des avantages qui y sont liés) présente un net désavantage
au transfert. Fin 2018 toutefois, les premiers agents de sécurisation ont été affectés aux
centrales nucléaires de Doel et de Tihange.
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CH 2463-2464
4. LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS
TERRORISTES

En matière de lutte antiterroriste, il est difficile de totalement distinguer les acteurs


de la prévention des acteurs de la répression. En effet, les activités des services de
renseignement ou celles des services de police s’inscrivent dans les registres préventif
et répressif du terrorisme. La législation, qui incrimine jusqu’à la préparation d’un acte
terroriste, fait en outre intervenir les acteurs de la répression de plus en plus tôt dans
la chaîne de sécurité.
Sans nier l’artificialité de cette distinction, ce quatrième et dernier chapitre aborde le volet
répressif de la lutte antiterroriste en évoquant le rôle du parquet fédéral (4.1), le plan
d’action contre la radicalisation dans les prisons (4.2) et, enfin, le recours grandissant
aux mesures de police administrative (4.3).

4.1. LA RÉPRESSION PÉNALE VIA LE PARQUET FÉDÉRAL

L’approche judiciaire en matière de terrorisme est principalement dictée par la circulaire


commune du 15 juillet 2005 de la ministre de la Justice et du CPG 266. Confidentielle et
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contraignante, cette circulaire cadre les procédures et la collaboration entre les services
267
de renseignement et de sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme . Ainsi,
l’article 144ter du Code judiciaire prévoit que le parquet fédéral décide qui, du procureur
du Roi, du procureur général ou de lui-même, prend en charge l’exercice de l’action
publique dans les enquêtes liées à des infractions terroristes 268. Si le parquet fédéral ne
dispose ainsi pas d’une compétence exclusive en la matière, en pratique et sur la base de
la circulaire commune du 15 juillet 2005, la recherche et la poursuite des infractions

266
Le Collège des procureurs généraux (CPG) réunit les procureurs généraux près les cours d’appel
(Bruxelles, Anvers, Liège, Gand, Mons). Sous l’autorité du ministre de la Justice, le CPG l’assiste,
notamment via la production de circulaires contraignantes, dans la mise en œuvre et la coordination
de la politique criminelle et dans le bon fonctionnement du ministère public (article 143 du Code
judiciaire). Il est notamment impliqué dans l’élaboration de la NCSI (cf. supra).
267
Circulaire commune COL 9/2005 de la ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux près
les cours d’appel du 15 juillet 2005 relative à l’approche judiciaire en matière de terrorisme. Depuis
2005, cette circulaire a fait l’objet de plusieurs addenda. Dans le cadre du CCRS, une sous-plateforme
a été créée afin d’actualiser cette circulaire. Cf. Parquet fédéral, « Rapport annuel 2017 », 2018,
268
www.om-mp.be, p. 149.
Code judiciaire du 10 octobre 1967, Moniteur belge, 31 octobre 1967.

CH 2463-2464
54 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

terroristes lui reviennent (bien qu’il arrive que les parquets locaux prennent en charge
269
des dossiers de terrorisme) . C’est alors la section Terrorisme au sein du parquet fédéral
qui prend en charge ces dossiers.
Le parquet fédéral ne dispose pas de capacité de recherche propre. Chaque direction
judiciaire déconcentrée de la police fédérale (PJF) doit ainsi réserver une capacité de
270
recherche à affecter aux enquêtes du parquet fédéral ; cette capacité policière est
toutefois jugée insuffisante par la commission d’enquête parlementaire 271. Il n’existe
pas non plus de juge d’instruction fédéral. Le parquet fédéral fait donc appel à des juges
des tribunaux de première instance. Depuis 2006, chaque ressort judiciaire dispose de
juges d’instruction spécialisés, de par leur expérience, dans les dossiers de terrorisme.
Compétents pour instruire d’autres infractions, ils donnent priorité aux affaires dont
272
ils sont saisis via le parquet fédéral. Leur nombre est fixé par arrêté royal . Dans des cas
exceptionnels, par exemple suite à un attentat, la cour d’appel peut désigner des juges
273
d’instruction spécialisés supplémentaires pour répondre rapidement aux besoins .
Le ministère public veille à l’échange d’informations avec les services de sécurité. Comme
déjà mentionné, des réunions opérationnelles sont ainsi régulièrement organisées entre
le parquet fédéral, les services de renseignement et les services de police afin de discuter
des dossiers de terrorisme en cours 274. Des réunions de concertation ont également lieu
chaque mois entre le parquet fédéral, les unités antiterroristes de la police fédérale, l’OCAM
et la CTIF. Depuis les attentats du 22 mars 2016 et dans l’objectif de renforcer la
coopération et l’échange d’informations entre les services de sécurité, les services de
renseignement sont également invités à participer aux réunions. Le parquet fédéral est
enfin représenté, via le procureur fédéral, au sein des organes politiques de la lutte contre
le terrorisme (cf. supra). Actuellement, le procureur fédéral préside le CCRS.
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269
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 352-353.
270
271
Pour plus de détails sur le mécanisme de l’HYCAP judiciaire et ses défis actuels, cf. ibidem, p. 337-339.
Chambre des représentants, Commission d’enquête parlementaire, Enquête parlementaire chargée d’examiner
les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-
National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre
le radicalisme et la menace terroriste. Troisième rapport intermédiaire, sur le volet “Architecture de la sécurité”,
n° 1752/8, 15 juin 2017, p. 338 et 373.
272
Arrêté royal du 22 mai 2006 fixant le quota des juges d’instruction spécialisés pour instruire les infractions
en matière de terrorisme, Moniteur belge, 29 mai 2006 ; Arrêté royal du 26 décembre 2015 modifiant l’arrêté
royal du 22 mai 2006 fixant le quota des juges d’instruction spécialisés pour instruire les infractions
en matière de terrorisme, Moniteur belge, 12 janvier 2016 ; Arrêté royal du 13 mai 2016 modifiant l’arrêté
royal du 22 mai 2006 fixant le quota des juges d’instruction spécialisés pour instruire les infractions
en matière de terrorisme, Moniteur belge, 20 mai 2016.
273
Loi du 25 décembre 2016 modifiant le statut juridique des détenus et la surveillance des prisons et
274
portant des dispositions diverses en matière de justice (1), Moniteur belge, 31 décembre 2016.
Parquet fédéral, « Rapport annuel 2017 », op. cit., p. 159.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 55

4.2. LE PLAN D’ACTION CONTRE LA RADICALISATION


DANS LES PRISONS

Les prisons représentent un enjeu important de la lutte antiterroriste, avant tout parce que
des peines d’emprisonnement sont souvent prononcées dans les dossiers de terrorisme.
Dès lors, la présence de détenus identifiés comme radicalisés fait craindre une propagation
275
d’idées dites radicales et exige une supervision particulière .
Depuis 2006, une plateforme de concertation permanente réunit la Sûreté de l’État, la
DG EPI, l’OCAM, le CGCCR et la DJSOC/Terro afin de faciliter l’échange d’informations
sur la radicalisation dans les prisons de manière générale et sur les individus à suivre.
Face à la menace de l’État islamique, d’autres mesures ont été jugées nécessaires ces
dernières années pour assurer un meilleur suivi de la radicalisation en prison. Ainsi,
en mars 2015, le ministre de la Justice K. Geens a publié un plan d’action contre la
radicalisation dans les prisons qui vise, « d’une part, à éviter que des détenus se
radicalisent pendant leur séjour en prison et, d’autre part, à développer un encadrement
spécialisé des personnes radicalisées pendant leur détention » 276. L’exécution de ce plan
est coordonnée par la récente Cellule Extrémisme (CelEx) créée au sein de la DG EPI du
SPF Justice. Dans ce cadre, CelEx récolte les informations des prisons et des services de
sécurité, sur la base desquelles elle formule des recommandations quant au régime de
détention à appliquer aux détenus identifiés comme radicalisés – et répartis en différentes
catégories (détenus condamnés pour terrorisme, FTF, HTF, propagandistes de haine
et détenus radicalisés) 277.
En 2015 toujours, la Sûreté de l’État a également mis sur pied une section dédiée au
suivi de la radicalisation dans les prisons (la Cellule Gevangenissen/Prisons - CelGP),
avec une attention particulière pour les influences extérieures telles que l’ingérence de
puissances étrangères 278.
Parmi ses dix points d’action, le plan prévoit la création de sections destinées à l’accueil
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des individus identifiés comme radicalisés par la CelEx – l’objectif étant de ne les transférer
dans ces cellules spécifiques que lorsque le processus de radicalisation ne peut être
« maîtrisé » dans les sections ordinaires 279. Une approche individuelle spécialisée est alors
prévue pour accompagner le détenu vers ce qui est appelé la « déradicalisation ».
Concrètement, on distingue les établissements satellites, capables – notamment de par
la formation de leur personnel – d’accueillir des détenus qui requièrent une attention
particulière (à savoir les prisons d’Andenne, de Bruges, de Gand, de Lantin et de Saint-
Gilles) et, depuis avril 2016, les sections D-Rad:ex des prisons d’Hasselt et d’Ittre, où sont

275
Pour une présentation détaillée des outils déployés en Belgique pour lutter contre la radicalisation en
prison, cf. T. RENARD, « Extremist Offender Management in Belgium », in Extremist Offender Management
in Europe: Country Reports, Londres, International Centre for the Study of Radicalisation, 2020,
276
https://icsr.info, p. 3-13.
277
SPF Justice, « Plan d’action contre la radicalisation dans les prisons », 11 mars 2015, p. 3.
T. RENARD, « Extremist Offender Management in Belgium », op. cit., p. 4 et 6.
278
Ibidem, p. 7 ; Sénat, Réponse du ministre de la Justice du 6 avril 2017 à la question écrite n° 1141 du
279
24 novembre 2016 de J.-P. Wahl, www.senate.be.
SPF Justice, « Plan d’action contre la radicalisation dans les prisons », op. cit., p. 13.

CH 2463-2464
56 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

280
transférés les détenus considérés comme susceptibles de diffuser des idées radicales .
En mai 2020, la CelEx comptabilisait 165 détenus identifiés comme radicalisés, dont
certains incarcérés pour des faits de droit commun et non pour des infractions
281
terroristes . Ce chiffre est toutefois à nuancer, étant donné la difficulté d’opérationnaliser
le concept de radicalisation et le fait que les données varient selon les services (en 2016,
la Sûreté de l’État identifiait 450 détenus radicalisés contre 237 en 2018 par la CelEx) 282.
Dans ses rapports 2019 et 2020, le Comité T critique un régime d’isolement qui ne porte
pas son nom, la large définition de radicalisme mobilisée par l’administration pénitentiaire
283
et le manque de transparence de celle-ci dans le choix des détenus à suivre . En mai
2019, l’État belge a été condamné par la section civile du tribunal correctionnel de
Bruxelles à indemniser les détenus présents dans les ailes D-Rad:ex, à hauteur de 1 euro
284
symbolique par jour de détention . Si le plan d’action de 2015 les présente comme un
dispositif de régime classique, le tribunal a estimé que, en pratique, ces ailes s’apparentent
à un régime de sécurité particulier individuel mais sans les garanties légales qui doivent
normalement l’encadrer. L’État belge a fait appel de cette décision.

4.3. LES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE

Parallèlement au glissement de la lutte contre le terrorisme vers la lutte contre la


radicalisation, on constate un recours grandissant aux mesures de police administrative,
voire à la répression administrative, aux côtés des moyens de répression pénale. Ainsi,
si les mesures de l’après 11 septembre 2001 visaient à renforcer les moyens de la police
judiciaire, les récentes mesures prises dans le cadre de la lutte antiterroriste semblent
aujourd’hui avant tout relever de la police administrative 285. Cette tendance s’observe
ailleurs en Europe, notamment en France avec les dispositions autour de l’état d’urgence
aujourd’hui intégrées pour partie dans le droit commun 286. En Belgique, dans une
moindre mesure, citons par exemple le gel des avoirs, l’observation par la police de
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personnes suspectées de « radicalisation », l’interdiction d’entrée ou de sortie du territoire,
la fermeture de sites Internet prêchant la haine et, plus largement, les dispositifs au cœur
du Plan Canal (cf. supra) 287.

280
Direction générale des Établissements pénitentiaires, « Rapport annuel 2017 », 2018,
281
https://justice.belgium.be.
282
La Libre Belgique, 2 juillet 2020.
T. RENARD, R. COOLSAET, « From the Kingdom to the Caliphate and Back: Returnees in Belgium », op. cit.,
283
p. 32 ; Le Soir, 15 mars 2018.
284
Pour plus de détails sur les ailes D-Rad:ex, cf. Comité T, « Rapport 2020 », op. cit., p. 29-37.
RTBF Info, 14 mai 2019, www.rtbf.be.
285
C. DE VALKENEER, « Les réponses face au terrorisme : les glissements du judiciaire vers l’administratif »,
Mercuriale prononcée lors de la séance de rentrée de la cour d’appel de Liège, septembre 2017,
www.om-mp.be, p. 9.
286
J. ALIX, O. CAHN, « Mutations de l’antiterrorisme et émergence d’un droit répressif de la sécurité
287
nationale », op. cit.
Sur la répression administrative de la radicalisation en Belgique, cf. par exemple F. XAVIER, « Le
développement d’une politique publique fédérale de prévention et de répression administratives de la
radicalisation », in F. BRION, C. DE VALKENEER, V. FRANCIS (dir.), L’effet radicalisation et le terrorisme,
Bruxelles, Politeia, 2019, p. 171-200.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 57

La lutte contre le terrorisme matérialise ainsi un double mouvement contre-intuitif avec,


d’une part, la mobilisation du droit pénal à titre préventif et, d’autre part, des mesures
répressives de police administrative 288. De plus, dans le cadre de la lutte contre la
radicalisation en particulier, le volet préventif des missions de police administrative est
poussé jusqu’à une approche prédictive, visant à détecter les comportements suspects
sur la base d’indicateurs sociaux, économiques, religieux, etc. 289 Outre l’implication
d’acteurs jusqu’alors éloignés des enjeux de sécurité, notamment les travailleurs sociaux,
ce développement s’accompagne également de l’élargissement des compétences des
autorités administratives 290 et de l’implication croissante des services de renseignement et
de l’OCAM. Cela n’est pas anodin et pose question quant au respect des droits et libertés
individuels et à la marge de manœuvre des autorités administratives 291.
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288
Cette tendance est analysée dans le cas de la France par P. LE MONNIER DE GOUVILLE, « De la répression
à la prévention. Réflexion sur la politique criminelle antiterroriste », Les cahiers de la justice, n° 2, 2017,
p. 209-225.
289
Cf. par exemple les formations CoPPra (cf. supra) ou Behavior Detection Officer (BDO) données aux
290
policiers belges. Cf. Le Soir, 30 avril 2017.
En témoigne le guide de Bruxelles Prévention & Sécurité, « L’approche administrative : un instrument à
la disposition des administrations locales dans la lutte contre la radicalisation. Vademecum à l’attention
291
des communes bruxelloises », 2018, https://bps-bpv.brussels.
C. DE VALKENEER, « Les réponses face au terrorisme », op. cit., p. 18.

CH 2463-2464
CONCLUSION

En novembre 2015, l’État belge a été critiqué pour son laxisme dans la lutte contre le
terrorisme et la radicalisation. En particulier, l’éclatement de la structure antiterroriste
belge et le manque de coordination entre les services de sécurité ont été pointés du doigt.
Les attentats de Paris et de Bruxelles et Zaventem ont en effet confirmé que certains
aspects de la lutte antiterroriste devaient être renforcés en Belgique, notamment la gestion
du flux d’informations entre ces services. A aussi été regrettée une organisation trop
fragmentée, où les missions des multiples acteurs se recouvrent et les responsabilités se
perdent. Le flou autour des rôles de chacun des services de renseignement et de sécurité
est un des constats du rapport de la commission d’enquête parlementaire mise sur pied
après les attentats de Bruxelles et Zaventem.
En pratique toutefois, cette fragmentation de la lutte contre le terrorisme ne semble
pas être perçue comme problématique par les professionnels de la sécurité, conscients
du rôle de chacun. Si cela n’est pas sans créer certaines batailles institutionnelles, la
fragmentation est en outre souhaitable en démocratie. Différentes structures, plus ou
moins formelles, plus ou moins contraignantes, veillent également à assurer la coopération
et l’échange d’informations entre les différents services, d’autant plus depuis les attentats
du 22 mars 2016. La lutte antiterroriste est donc moins mécanique que ne le laisse penser
la structure du présent Courrier hebdomadaire.
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En 2006, le sociologue Jean-Claude Paye qualifiait la lutte antiterroriste belge
d’« ordinaire » 292, en ce qu’elle suivait la route tracée par les États-Unis et l’Union
européenne. Force est de constater que l’on peut aujourd’hui toujours poser le même
constat. Par sa politique antiterroriste, la Belgique s’inscrit en effet dans la tendance suivie
par les pays occidentaux en matière de lutte contre le terrorisme. Ainsi, la priorité est
donnée à la lutte contre la radicalisation comme stratégie de prévention du terrorisme
– au point que l’on en vienne à confondre terrorisme, extrémisme et radicalisme. En
parallèle, le recours aux méthodes particulières de recherche et aux mécanismes de
surveillance est généralisé. Cela se reflète dans la structure même de l’antiterrorisme belge,
organisée autour du Plan R et de la détection précoce du « processus de radicalisation ».
Et si ces mesures semblent réactives, la tendance suivie par la Belgique se dessine en réalité
depuis le début des années 2000.
Bien sûr, le constat d’une réponse essentiellement sécuritaire s’explique en partie par
la focalisation sur le niveau fédéral de la lutte contre le terrorisme. Mais il n’en amène pas

292
J.-C. PAYE, « Belgique : une “lutte antiterroriste” ordinaire », op. cit., p. 145.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 59

moins à s’interroger sur la capacité de cet État fédéral qu’est la Belgique à concevoir
une véritable politique de sécurité intégrale, alliant prévention et répression.
Pour terminer, rappelons encore que la lutte antiterroriste belge ne se limite pas aux acteurs
et aux initiatives présentés dans ce Courrier hebdomadaire. En effet, une présentation
exhaustive devrait au minimum mentionner les actions entreprises au niveau européen
ou international, tant par des structures propres à ces organisations (Conseil de sécurité
des Nations unies, Conseil de l’Union européenne, Europol, etc.) que par les contacts
qu’ont développés les services de sécurité belges comme l’OCAM ou la Sûreté de l’État
avec leurs homologues étrangers. Les initiatives en matière de prévention prises par les
entités fédérées ou au niveau local ont également été écartées de l’analyse. Il s’agissait ici
avant tout de présenter les acteurs fédéraux de la lutte contre le terrorisme en Belgique
et les missions qui les occupent au quotidien.
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CH 2463-2464
ANNEXES

Annexe 1. Liste des acronymes et sigles des principaux acteurs


et concepts

AGDA : Administration générale des Douanes et Accises (SPF Finances)


AGTrés : Administration générale de la Trésorerie (SPF Finances)
ANS : Autorité nationale de sécurité (SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au développement)
CCB : Centre pour la cybersécurité Belgique (SPF Chancellerie du Premier ministre)
CCRS : Comité de coordination du renseignement et de la sécurité
CelEx : Cellule Extrémisme
CelGP : Cellule Gevangenissen/Prisons
CERT.be : Cyber Emergency Team
CGCCR : Centre gouvernemental de coordination et de crise (Direction générale Centre
de crise, SPF Intérieur)
CIM 9 : Conférence interministérielle de politique de maintien et de gestion de la sécurité
CMRS : Comité ministériel du renseignement et de la sécurité
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CNS : Conseil national de sécurité
CPG : Collège des procureurs généraux
Comité P : Comité permanent de contrôle des services de police
Comité R : Comité permanent de contrôle des services de renseignement
Comité T : Comité de vigilance en matière de lutte contre le terrorisme
Commission MRD : Commission administrative chargée du contrôle des méthodes
spécifiques et exceptionnelles de recueil des données
CoPPRa : Community policing and prevention of radicalisation
CRS : Collège du renseignement et de la sécurité
CSIL ou CSIL-R : cellules de sécurité intégrale locales
CSRS : Comité stratégique du renseignement et de la sécurité
CTIF : Cellule de traitement des informations financières (SPF Finances)

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 61

DAB : Direction de la Sécurisation de la police fédérale


DGA : Direction générale de la police administrative
DG EPI : Direction générale Établissements pénitentiaires (SPF Justice)
DGJ : Direction générale de la police judiciaire
DGSP : Direction générale Sécurité et Prévention (SPF Intérieur)
DGTA : Direction générale Transport aérien (SPF Mobilité et Transports)
DGTM : Direction générale Transport maritime (SPF Mobilité et Transports)
DGWL : Direction générale Législation, Libertés et Droits fondamentaux (SPF Justice)
DJSOC : Direction centrale de la Lutte contre la criminalité grave et organisée
DJSOC/Terro : Unité centrale antiterrorisme (DJSOC)
DR3 : Division de recherche « terrorisme » (PJF de Bruxelles)
DR5-FINTER : Division de recherche « Financement du terrorisme » (PJF de Bruxelles)
FTF : foreign terrorist fighters
GIA : Groupe interforces antiterroriste
GT : groupe de travail (TFN)
HTF : homegrown terrorist fighters
MRD : méthodes de recueil des données
NCSI : note-cadre de sécurité intégrale
OCAM : Organe de coordination pour l’analyse de la menace
OE : Office des étrangers (Direction générale Office des étrangers, SPF Intérieur)
PJF : direction judiciaire déconcentrée de la police fédérale
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Plan M : Plan de mobilisation
Plan M : Plan Mosquées
Plan R : Plan d’action Radicalisme
PNR : Passenger Name Record (Données des dossiers passagers)
PNS : plan national de sécurité
PZS : plan zonal de sécurité
SE : Sûreté de l’État
SGRS : Service général du renseignement et de la sécurité
TFL : task force locale
TFN : Task force nationale (organe de pilotage stratégique du Plan R)
UIP (ou BelPIU) : Cellule Unité d’information des passagers (CGCCR)

CH 2463-2464
62 L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE

Annexe 2. Définition de la notion d’« infraction terroriste » donnée


par l’article 137 du Titre Ierter du Livre II du Code pénal belge
er
§ 1 . Constitue une infraction terroriste, l’infraction prévue aux §§ 2 et 3 qui, de par sa
nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation
internationale et est commise intentionnellement dans le but d’intimider gravement
une population ou de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation
internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte, ou de gravement déstabiliser
ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques
ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale.
er
§ 2. Constitue, aux conditions prévues au § 1 , une infraction terroriste :
1° l’homicide volontaire ou les coups et blessures volontaires visés aux articles 393 à 404,
405bis, 405ter dans la mesure où il renvoie aux articles précités, 409, § 1er, alinéa 1er, et
§§ 2 à 5, 410 dans la mesure où il renvoie aux articles précités, 417ter et 417quater ;
2° la prise d’otage visée à l’article 347bis ;
3° l’enlèvement visé aux articles 428 à 430, et 434 à 437 ;
4° la destruction ou la dégradation massives visées aux articles 521, alinéas 1er et 3, 522,
523, 525, 526, 550bis, § 3, 3°, à l’article 15 de la loi du 5 juin 1928 portant révision
du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime, ainsi
qu’à l’article 114, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises
publiques économiques, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ou
de produire des pertes économiques considérables ;
5° la capture d’aéronef visée à l’article 30, § 1er, 2°, de la loi du 27 juin 1937 portant révision
de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne ;
6° le fait de s’emparer par fraude, violence ou menaces envers le capitaine d’un navire,
visé à l’article 33 de la loi du 5 juin 1928 portant révision du Code disciplinaire et pénal
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pour la marine marchande et la pêche maritime ;
7° les infractions visées par l’arrêté royal du 23 septembre 1958 portant règlement
général sur la fabrication, l’emmagasinage, la détention, le débit, le transport et l’emploi
des produits explosifs, modifié par l’arrêté royal du 1er février 2000, et punies par les
articles 5 à 7 de la loi du 28 mai 1956 relative aux substances et mélanges explosibles
ou susceptibles de déflagrer et aux engins qui en sont chargés ;
8° les infractions visées aux articles 510 à 513, 516 à 518, 520, 547 à 549, ainsi qu’à
l’article 14 de la loi du 5 juin 1928 portant révision du Code disciplinaire et pénal pour
la marine marchande et la pêche maritime, ayant pour effet de mettre en danger des vies
humaines ;
9° les infractions visées par la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce
et au port des armes et au commerce des munitions ;
10° les infractions visées à l’article 2, alinéa 1er, 2°, de la loi du 10 juillet 1978 portant
approbation de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication
et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur
destruction, faite à Londres, Moscou et Washington le 10 avril 1972.

CH 2463-2464
L’ORGANISATION FÉDÉRALE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN BELGIQUE 63

er
§ 3. Constitue également, aux conditions prévues au § 1 , une infraction terroriste :
1° la destruction ou la dégradation massives, ou la provocation d’une inondation d’une
infrastructure, d’un système de transport, d’une propriété publique ou privée, ayant pour
effet de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques
considérables, autres que celles visées au § 2 ;
2° la capture d’autres moyens de transport que ceux visés aux 5° et 6° du § 2 ;
3° la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport ou la fourniture d’armes
nucléaires ou chimiques, l’utilisation d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques, ainsi
que la recherche et le développement d’armes chimiques ;
4° la libération de substances dangereuses ayant pour effet de mettre en danger des vies
humaines ;
5° la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou
en toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger
des vies humaines ;
6° la menace de réaliser l’une des infractions énumérées au § 2 ou au présent paragraphe.
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CH 2463-2464
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CENTRE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION
SOCIO-POLITIQUES

Le CRISP, Centre de recherche et d’information socio-politiques, est un organisme


indépendant. Ses travaux s’attachent à montrer les enjeux de la décision politique, à expliquer
les mécanismes par lesquels elle s’opère, et à analyser le rôle des acteurs qui y prennent
part, que ces acteurs soient politiques, économiques, sociaux, associatifs, etc.
Par ses publications, le CRISP met à la disposition d’un public désireux de comprendre la
société belge des informations de haute qualité, dans un souci d’exactitude, de pertinence et
de pluralisme. Son objectif est de livrer à ce public les clés d’explication du fonctionnement
du système socio-politique belge et de mettre en évidence les structures réelles du pouvoir,
en Belgique et dans le cadre de l’Union européenne.
Le Courrier hebdomadaire paraît au rythme de 40 numéros par an, certaines livraisons
correspondant à deux numéros. Chaque livraison est une monographie consacrée à l’étude
approfondie d’un aspect de la vie politique, économique ou sociale au sens large. La revue
du CRISP constitue depuis 1959 une source d’information incontournable sur des sujets variés :
partis politiques, organisations représentatives d’intérêts sociaux et groupes de pression divers,
évolution et fonctionnement des institutions, négociations communautaires, histoire politique,
groupes d’entreprises et structures du tissu économique, conflits sociaux, enseignement,
immigration, vie associative et culturelle, questions environnementales, européennes, etc.
C’est également dans le Courrier hebdomadaire que sont publiés les résultats des élections
commentés par le CRISP.
Les auteurs publiés sont soit des chercheurs du CRISP, formés en diverses disciplines des
sciences humaines, soit des spécialistes extérieurs provenant des mondes scientifique, associatif
et socio-politique. Dans tous les cas, les textes sont revus avant publication par le rédacteur
en chef et par un groupe d’experts sélectionnés en fonction de la problématique abordée,
afin de garantir la fiabilité de l’information proposée. Cette fiabilité, ainsi que la rigoureuse
objectivité du Courrier hebdomadaire, constituent les atouts principaux d’une revue dont
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la qualité est établie et reconnue depuis plus de 60 ans.

Fondateur : Jules Gérard-Libois


Président : Vincent de Coorebyter
Équipe de recherche :
Benjamin Biard, Pierre Blaise (secrétaire général), Fabienne Collard, Jean Faniel (directeur
général), Cédric Istasse, Vincent Lefebve, Caroline Sägesser, David Van Den Abbeel
(coordinateur du secteur Économie), Marcus Wunderle
Conseil d’administration :
Louise-Marie Bataille, Jacques Brassinne de La Buissière (vice-président honoraire),
Vincent de Coorebyter (président), Hugues Dumont, Éric Geerkens, Nadine Gouzée,
Serge Govaert, Laura Iker, Patrick Lefèvre, Michel Molitor (vice-président), Solveig Pahud,
Pierre Reman, Robert Tollet (vice-président), Els Witte
Derniers numéros du Courrier hebdomadaire parus
2461-2462 La présence équilibrée de femmes et d’hommes
dans les collèges communaux et provinciaux de Wallonie
Geoffrey Grandjean
2459-2460 L’organisation et le financement public du culte islamique.
Belgique et perspectives européennes
Caroline Sägesser
2457-2458 Penser l’après-corona.
Les interventions de la société civile durant la période de confinement
causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020)
Benjamin Biard, Serge Govaert et Vincent Lefebve
2455-2456 L’économie circulaire
Fabienne Collard
2453-2454 Planification d’urgence et gestion de crise sanitaire.
La Belgique face à la pandémie de Covid-19
Catherine Fallon, Aline Thiry et Sébastien Brunet
2452 Pacte social : enjeux anciens, nouveaux défis
Évelyne Léonard
2450-2451 Le financement des pensions des agents publics locaux
Damien Piron et Baptiste Vanderclausen
2448-2449 La campagne TAM TAM
Robin Van Leeckwyck
2447 La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020)
Jean Faniel et Caroline Sägesser
2446 L’État belge face à la pandémie de Covid-19 :
esquisse d’un régime d’exception
Frédéric Bouhon, Andy Jousten, Xavier Miny et Emmanuel Slautsky
2444-2445 La formation des gouvernements régionaux et communautaires
après les élections du 26 mai 2019
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Benjamin Biard, Pierre Blaise, Jean Faniel, Serge Govaert
et Cédric Istasse

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