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1
Ainsi, les Chemises Noires italiennes étaient considérées comme des forces militaires
au même titre que les partisans : commandement responsable, signe fixe, port d’armes et
organisées par la loi de guerre du 8 juillet 1938, Crt. of App. of Brescia, 20 mars 1948, A.D.,
1949, p. 379. Sur le souci des petits États aux conférences de La Haye de 1899 et 1907
d’élargir les catégories de combattants « légaux », voy. G.I.A.D. D raper , « The Status of
Combatants and the Question of Guerilla Warfare », BYBIL, 1971, pp. 180-181.
2
List case, Ann. Dig., 1948, vol. 15, p. 639 ; comp. toutefois ibid., pp. 645-646.
3
Hamburg, Brit. Mil. Crt., 19 décembre 1949, Von Lewinski (alias Von Manstein), A.D.,
1949, vol. 16, p. 516.
4
TPIY (ch. I), 3 mars 2000, Blaskić, aff. IT-95-14-T, § 147.
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1
Conventions, commentaire, III, p. 446.
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1
Conventions, commentaire, III, pp. 443-444.
2
Nur. U.S. Mil. Trib., 19 février 1948, List et al. (Hostages trial), A.D., 15, p. 640.
3
Magistrate’s Court of County of Renfrew (Ontario), 7 octobre 1943, Krebb, A.D.,
1943-1945, pp. 407-410 ; Crt. of App. of Ontario, 1 mars 1945, A.D., 1943-1945, p. 405.
4
Police Crt. of Alberta, 15 juillet 1944, Schindler et al., A.D., 1943-1945, p. 403 ; Supr.
Crt. of Alberta, 26 mars 1945, Koehler and Stolsky, A.D., 1943-1945, pp. 397-403.
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Bien entendu, cette définition ne lie que les États qui sont par-
ties au 1 er PA ; pour ceux qui ne le sont pas, seules les personnes
faisant partie des catégories citées à l’art. 1 er du Règlement de
La Haye de 1907 et à l’art. 4 de la 3 e CG ont le droit d’être des
combattants, droit sanctionné par la reconnaissance du statut de
prisonnier de guerre en cas de capture.
1
Chron. S almon -E rgec , RBDI, 1987, pp. 392-393.
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2.289 Le fait que les forces armées soient au service d’un gou-
vernement ou d’une autorité non reconnus par la Puissance déten-
trice ne change rien à la règle (CG III, art. 4, A, 3) pourvu que
ce gouvernement ou cette autorité représente bien une Partie au
conflit, c’est‑à‑dire un sujet de droit international préexistant au
conflit 5. Comme cette Partie doit être liée par les CG de 1949,
voire par le 1 er PA, la condition d’être un sujet de droit internatio-
nal à part entière est nécessairement réalisée.
Il devrait en aller ainsi même si l’autorité combattant pour
une Partie au conflit n’est reconnue par personne : son effectivité
devrait lui servir de « lettre de créance » à prétendre représenter
l’État partie aux instruments qui le lient aux autres États. Les auto-
rités passent, l’État demeure.
Pour la chambre préliminaire de la CPI :
« le cadre du conflit armé international n’est pas uniquement limité
à l’utilisation de la force entre deux États mais comprend également
certaines situations dans lesquelles des parties au conflit peuvent être
des forces ou groupes armés organisés » 6.
1
Report of the UN Fact Finding Commission on the Gaza Conflict, 15 septembre 2009,
Doc. ONU A/HRC/12/48, § 1720, p. 534 (version fr., § 1923).
2
Cf. U.S. Distr. Crt., S.D. Flor., 8 décembre 1992, Noriega, ILR, 99, p. 187.
3
Même les nationaux de l’État capteur qui faisaient partie de l’armée ennemie ont droit
au statut de prisonnier de guerre mais sans préjudice de l’application par l’État capteur de
ses lois sur la collaboration avec l’ennemi ; sur ce point, E. D avid , Mercenaires et volontaires
internationaux en droit des gens, op. cit., pp. 394 ss.
4
Pour le cas du soldat israélien Gilad Shalit capturé par un groupe palestinien, Report
of the UN Fact Finding Commission on the Gaza Conflict, 15 septembre 2009, Doc. ONU
A/HRC/12/48, § 1749, p. 541 (version fr., § 1952).
5
Cf. Protocoles, commentaire, p. 514, § 1662.
6
CPI, 29 janvier 2007, Lubanga, aff. ICC-01/04-01/06, § 275 ; aussi, TSSL, 2 août 2007,
Fofana and Kondewa, aff. SCSL-04-14-J, §§ 194 ss.
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1
Conventions, commentaire, III, 1958, p. 71.
2
Cf. Déclaration de l’AGNU sur les relations amicales et la coopération entre les États,
A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970, 7 e principe.
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1
D’après Le Monde diplomatique : www.monde-diplomatique.fr/cahier/doc/chrono-
afghane
2
Ibid.
3
Conventions, commentaire, III, p. 683.
4
Ibid., p. 521, § 1677.
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2. La « levée en masse »
2.291 Sont des combattants légitimes admis au statut de pri-
sonnier de guerre en cas de capture, les personnes qui prennent
spontanément les armes pour défendre leur territoire contre des
troupes d’invasion, sans avoir eu le temps de se constituer en
forces armées régulières, à condition qu’elles portent ouverte-
ment les armes et respectent les lois et coutumes de la guerre
(Déclaration de Bruxelles de 1874, art. 10 ; Règlement de La Haye,
art. 2 ; CG III, art. 4, A, § 6) 2. Cette situation ne peut toutefois
durer que le temps nécessaire pour tenter de repousser l’ennemi.
Une fois que l’occupation est établie, la population ne peut pour-
suivre légalement son action au titre de la levée en masse 3. Si
elle veut continuer la lutte, ce doit être alors dans les conditions
prévues pour la résistance (ci‑dessous). Pour le TPIY commen-
tant le statut des combattants musulmans bosniaques présents à
Srebrenica :
“while the situation in Srebrenica may be characterised as a levée en
masse at the time of the Serb takeover and immediately thereafter in
April and early May 1992, the concept by definition excludes its appli-
cation to long-term situations” 4.
3. Les résistants
2.292 La question du statut des résistants, c’est‑à‑dire des
milices ou des corps de volontaires qui ne font pas partie de
1
J.F. R ezek , « Blessés, malades et naufragés », in Les dimensions internationales du
droit humanitaire, op. cit., p. 185.
2
Hamburg, Brit. Mil. Crt., 19 décembre 1949, Von Lewinski (alias Von Manstein), A.D.,
1949, p. 515.
3
Conventions, commentaire, III, p. 76.
4
TPIY, 30 juin 2006, Oric, aff. IT-03-68-T, § 136.
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1
Conventions, commentaire, III, p. 64.
2
Ann. CDI, 1974, vol. II, 1 e partie, pp. 294 ss. ; Rapport CDI 2001, Doc. ONU A/56/10,
§ 77, sub, art. 6.
3
App. Turin, 5 janvier 1948, Baffico v. Calleri, A.D., 1948, p. 426 ; voy. aussi Cuneo,
1 st instance, 14 janvier 1950, ILR, 17, p. 351.
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très claires. Ils affirment, d’une part, que les membres d’Al-Qaïda ne
portaient pas d’insigne fixe reconnaissable à distance, qu’ils ne por-
taient pas ouvertement les armes, qu’ils ne faisaient pas partie d’une
hiérarchie militaire, qu’ils ne respectaient pas les lois et coutumes de
la guerre, d’autre part, que « they are not a state party to the Geneva
Conventions » 1. S’il est possible qu’en fait, les membres d’Al-Qaïda
ne remplissaient pas les conditions prévues pour les mouvements de
résistance (voy. ci-dessous), en revanche, il est douteux de suggérer
qu’ils ne luttaient pas pour le compte des Talibans, donc pour les
autorités de facto d’un État partie aux CG.
La loi israélienne 5762-2002 sur l’internement des combattants
irréguliers (« unlawful combatants ») définit le combattant irrégulier
comme une personne qui combat Israël ou qui fait partie de forces
luttant contre Israël mais qui ne remplit pas les conditions requises
par l’art. 4 de la 3 e CG pour obtenir le statut de prisonnier de guerre 2.
En cas de capture, il est assimilé à un civil et reste sous l’empire de
la 4 e CG 3.
La condition d’appartenance des combattants à une partie bel-
ligérante est réalisée lorsque les combattants capturés ne font pas
partie de forces régulières étrangères, mais agissent, en fait, pour
le compte d’un État tiers. Ainsi, le TPIY a jugé que de telles forces
devaient être considérées comme relevant de cet État : l’appar-
tenance de ces forces à l’État étranger dépendait du degré de
contrôle que celui-ci pouvait exercer sur lesdites forces (supra,
§§ 1.111 s.). Sur cette base, les forces serbo-bosniaques et bosno-
croates luttant en Bosnie-Herzégovine ont été considérées comme
des forces appartenant, respectivement, à la RFY et à la Croatie,
mais la CIJ n’a pas suivi la même voie (supra, § 1.112).
On a dit la même chose des milices indonésiennes luttant au Timor
oriental en 1999, ce qui impliquait, qu’en cas de capture, leurs membres
devaient bénéficier du statut de prisonnier de guerre 4. L’Australie ne
partageait pas cet avis 5.
1
Communiqué de la Maison Blanche, 7 février 2002, www.uspolicy.be/issues/terrorism/
bushguan.020702.htm ; ; voy. aussi Conférence de presse du porte-parole de la Maison
Blanche, R. Boucher, 8 février 2002, www.state.gov/r/pa/prs/dpb/2002/7918.htm
2
Citée in Isr. Supr. Crt., 11 juin 2008, X v/ Israel, § 11, ILM, 2008, p. 773.
3
Isr. Supr. Crt., 11 juin 2008, X v/ Israel, § 12, ILM, 2008, p. 775.
4
B. L evrat , « Le droit international humanitaire au Timor oriental: entre théorie et pra-
tique », op. cit., p. 94.
5
M.J. K elly e.a., « Legal aspects of Australia’s involvement in the International Force for
East Timor », op. cit., p. 121.
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1
Sur l’obligation de respecter les combattants capturés lorsqu’ils remplissent les quatre
conditions, Nur. U.S. Mil. Trib., 10 avril 1948, Ohlendorf et al., A.D., 1948, p. 662 ; Hamburg,
Brit. Mil. Crt., 19 décembre 1949, Von Lewinski (alias Von Manstein), A.D., 1949, pp. 514-516.
2
Rome, Mil. Trib., 20 juillet 1948, Kappler, A.D., 1948, pp. 471 ss. Pour des exemples
récents mais où l’argument était un peu fantaisiste, voy. U.S. Dist. Crt., S.D., N.Y., 6 juillet
1988, Buck, Shakur, ILR, 88, p. 49 ; U.S. Crt. of App., Distr. of Col. Cir., 29 janvier 1991,
Yunis, ILR, 91, pp. 187-188.
3
Rome, 1 st Instance, 9 juin 1950, Lidonici v. Bentivegna, A.D., 1950, p. 352 ; cf. aussi
Cass. it., 9 juillet 1957, Sansolini et al. v. Bentivegna et al., ILR, 24, p. 988.
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1
J.B. B ellinger et W.J. H aynes , « A US government response to the ICRC study Customary
International Humanitarian Law », RICR, 2007, pp. 443-471.
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1
Rapport de la 3 e Commission, Actes CDDH, vol. XV, p. 471.
2
CDDH/III/SR.55-56, Actes CDDH, vol. III, pp. 153 ss., passim.
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1
Actes CDDH, vol. XV, pp. 471-472.
2
Protocoles, commentaire, p. 596, § 1698.
3
Ibid., p. 538, § 1702.
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1
Protocoles, commentaire, p. 533, § 1692.
2
Instrument de ratification du 20 juin 1986 aux Protocoles additionnels, in RBDI,
1987, p. 393.
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Même définie sous cette forme, la notion laisse la porte ouverte à pas
mal d’interprétations possibles !
Considérée extensivement ou restrictivement, la notion de déploie-
ment doit cependant être comprise comme couvrant les moments qui
précèdent une action aussi bien offensive que défensive (par exemple,
la préparation d’une embuscade) 1, voire même un mouvement de
repli, surtout si celui‑ci se fait parmi la population civile 2.
Quant à l’action militaire, elle comprend, bien sûr, des opérations
d’affrontement direct entre les combattants mais aussi, semble‑t‑il,
le recours à des armes à retardement telles que mines et pièges : le
placement de ces armes, même si celles‑ci ne sont pas utilisées tout
de suite, apparaît sinon comme « un engagement militaire », du moins
comme une forme de « déploiement militaire » qui précède l’engage-
ment. À ce titre, on peut soutenir que l’installation de mines et de
pièges oblige leurs auteurs à se distinguer de la population civile 3.
En revanche, le simple transport de ces armes sans mise en place
consécutive à des fins militaires ne requiert peut‑être pas que les
transporteurs se distinguent de la population civile pour bénéficier
de l’art. 44, § 3.
1
Protocoles, commentaire, p. 540, § 1708.
2
Ibid.
3
Ibid., p. 542, § 1713.
4
CDDH/III/SR.55, §§ 13 et 55 ; SR.56, § 38, Actes CDDH, vol. XV, pp. 155, 164 et 177.
5
CDDH/III/SR.55, §§ 30 et 37 ; SR.56, §§ 34 et 73, Actes CDDH, vol. XV, pp. 159, 160,
176, 185.
6
Protocoles, commentaire, p. 542, § 1712.
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lecture et, qui d’ailleurs, ne semblent pas non plus avoir beaucoup
frappé les auteurs de cette disposition ! En réalité, sous une apparence
de simplicité, cette disposition est une merveille de complication...
L’article distingue expressément deux types de conflits (les conflits
armés internationaux classiques et les conflits armés internationaux
« où en raison de la nature des hostilités, un combattant ne peut se
distinguer de la population civile ») (art. 44, § 3) mais, pour chacun de
ces conflits, c’est plus implicitement qu’explicitement qu’il considère
trois types de situations (capture en dehors de toute opération mili-
taire, capture lors d’une opération militaire autre qu’un engagement
armé stricto sensu et le déploiement qui le précède, capture consé-
cutive à un engagement armé ou à un déploiement qui le précède) ;
enfin, pour ce 3 e genre de situation, l’art. 44 distingue de nouveau
explicitement entre la capture du combattant au moment de l’affron-
tement ou du déploiement (capture in flagrante delicto) et la capture
postérieure à cette situation (capture post factum)...
On va tenter de simplifier – sans trahir – ces distinctions juridiques
en partant des quatre situations suivantes : un combattant répondant
à la définition de l’art. 43 mais ne se distinguant pas de la population
civile est capturé :
– – en dehors de toute opération militaire (1) ;
– – pendant une opération militaire autre qu’un engagement mili-
taire ou le déploiement qui le précède (2) ;
– – pendant un engagement militaire ou le déploiement qui le pré-
cède (3) ;
– – postérieurement à un engagement militaire ou au déploiement
qui l’a précédé (4).
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1
Protocoles, commentaire, p. 535 § 1696.
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3° Même si ce genre de perfidie n’est pas prévu comme tel par les
lois pénales de la Puissance détentrice, il reste que les faits de
guerre commis à cette occasion (atteintes aux personnes et aux
biens) perdent leur justification fondée sur l’état de guerre et
redeviennent des infractions pénales de droit commun incrimi-
nées par la législation pénale ordinaire de tout État.
1
Ibid.
2
Art. 1, § 16, M.B., 5 août 1993.
3
D.J.I., 1988, vol. 7, p. 476.
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1
Ainsi, l’art. 101 du code de Francis Lieber (1863) (supra, § 2.3 et infra, § 4.38) stipulait
que « […] le droit commun de la guerre va jusqu’à permettre de punir de la peine capitale
les tentatives clandestines et traîtresses de nuire à l’ennemi […] » (texte in D. S chindler et
J. T oman , Droit des conflits armés, op. cit., p. 16).
2
Cf. pour les francs tireurs, Hamburg, Brit, Mil. Crt., 19 décembre 1949, von Levinski
(alias von Manstein), A.D., 16, p. 516 ; Nur. U.S. Mil. Trib., 19 février 148, List et al. (Hostages
Trial), A.D., 15, p. 640.
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est prévue par l’art. 44, § 5, qui ne distingue pas entre les conflits
armés internationaux classique et les conflits armés visés par l’art. 44,
§ 3, 2 e phrase.
Selon l’art. 44, § 5, le combattant capturé post factum et non in
flagrante delicto conserve « le droit d’être considéré comme combat-
tant et prisonnier de guerre ».
Le rapport des travaux de la 3 e Commission de la CDDH en 1976
dispose à ce sujet que le § 5 de l’art. 44 établit « une innovation impor-
tante », à savoir :
« que le combattant capturé alors qu’il ne participe pas à une attaque
ou à une opération militaire préparatoire d’une attaque ne perd pas ses
droits à être considéré comme combattant et prisonnier de guerre, qu’il
ait ou non enfreint antérieurement la règle visée dans la 2 e phrase
du § 3 » 1 (nous soulignons).
1
Actes CDDH, vol. XV, p. 420.
2
CDDH/III/SR.55, § 21, Actes CDDH, vol. III, p. 157.
3
Rapport de la 3 e Commission (1976), Actes CDDH, vol. XV, p. 420.
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5. Le déserteur ?
2.318 Quid lorsque des déserteurs d’une Partie belligérante se
retrouvent au pouvoir de la Partie adverse, qu’ils l’aient rejointe
volontairement ou non ? La Puissance détentrice doit‑elle leur
reconnaître le statut de prisonnier de guerre ?
Le problème s’est présenté sur une grande échelle lors du conflit
du Koweït où beaucoup de combattants irakiens ont déserté les
rangs des forces de S. Hussein pour se rendre aux forces de la
coalition qui les ont considérés comme prisonniers de guerre 2.
1
R. B axter , « Comportement des combattants et conduite des hostilités », op. cit.,
pp. 132-133.
2
Voy. J.-P. L avoyer , La protection des prisonniers de guerre dans la guerre du Golfe,
XVI e table ronde de droit international humanitaire de San Remo, 1991 (ronéo), pp. 5 ss. ;
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Cette solution est sans doute correcte encore que ces déser-
teurs auraient éventuellement pu être aussi assimilés à des civils.
Considérons en effet les deux branches de l’alternative.
C. G irod , Tempête sur le désert – Le CICR et la guerre du Golfe 1990-1991, Bruxelles,
Bruylant, 1995, p. 155.
1
Cf. S. M c B ride , The Right to Refuse to Kill, Genève, International Peace Bureau,
1971, p. 8.
2
Ibid., pp. 10 ss.
3
Cf. H.S. L evie , Prisoners of War in International Armed Conflict, Rhode Island, Naval
War College International Law Studies, vol. 59, 1977, p. 78.
4
Cf. CIJ, 6 avril 1955, Nottebohm, arrêt, Rec. 1955, p. 23.
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b. Le statut de civil
1
Cf. H.S. L evie , Prisoners of War in International Armed Conflict, op. cit., p. 78 ;
Conventions, commentaire, III, p. 57.
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6. Le traître ?
2.325 Quel est le statut d’un combattant capturé lorsqu’on
constate qu’il s’agit d’un national de la Puissance détentrice ? Si
son engagement dans les forces de la Puissance ennemie est volon-
taire, intentionnel et non forcé, peut-il encore bénéficier du statut
de prisonnier de guerre en cas de capture par son État d’origine ?
Une partie de la doctrine semble pencher pour la négative 1, et
s’il est vrai que la pratique tend à confirmer cette position 2, il n’en
demeure pas moins que cette solution paraît difficilement compa-
tible avec la lettre même de l’art. 4 de la 3 e CG et des articles 43‑44
du 1 er PA qui ne réservent nullement le statut des combattants
prisonniers tenus par un devoir d’allégeance envers la Puissance
détentrice. Le traître doit donc bénéficier du statut de prisonnier
de guerre à l’instar de tout autre combattant capturé et répondant
aux prescriptions des art. 4 ou 43 et 44 cités ci‑dessus 3.
2.326 En principe, ce statut n’empêche pas la Puissance détentrice
de poursuivre pénalement le traître sur la base des incriminations
pénales de droit interne réprimant ce type de fait (voy. en Belgique,
C.p., art. 113 ss. et CG III, art. 85) (supra, § 2.323), mais on pourrait
aussi soutenir le contraire : à partir du moment où l’on admet l’idée
qu’un fait de collaboration avec l’ennemi est un acte politique et que,
n’étant pas punissable chez l’ennemi, cet acte ne devrait pas donner
lieu à poursuite pénale par la Puissance détentrice (supra, § 2.143,
3°), il serait logique d’en déduire que le traître ne pourrait pas non
plus être poursuivi pénalement par la Puissance détentrice.
Si cette conclusion peut sembler choquante dans le cas d’un res-
sortissant de l’État A, envahi illégalement par l’État B, et s’engageant
dans les forces de l’envahisseur B, en revanche, elle le sera beaucoup
1
H.S. L evie , Prisoners of War in International Armed Conflict, op. cit., p. 81 et les
réf. ; contra : R.J. W ilhelm , « Peut-on modifier le statut des prisonniers de guerre ? », RICR,
1953, pp. 681 ss.
2
Voy. Privy Council, 4 décembre 1967, P.P. v. Oie Hee Koi et al., ILR, 42, pp. 441 ss. ;
note R. Baxter, in AJIL, 1969, pp. 290 ss.
3
Pour une analyse plus approfondie, voy. E. D avid , Mercenaires et volontaires interna-
tionaux en droit des gens, op. cit., pp. 405-410.
bruylant
1
Cf. ibid., p. 301.
2
Brit. Zone of Germany, Control Comm. Crt. of App., 28 septembre 1949, A.D., 1949, p. 406.
3
Arnhem, Special Crt., 12 août 1948, Christiaensen, A.D., 1948, p. 414 ; R. B axter ,
« Comportement des combattants et conduite des hostilités », op. cit., p. 142 ; K.J. S olf in
M. B othe , K.J. P artsch , et W.A. S olf , New Rules for Victims of Armed Conflicts, op. cit.,
pp. 214-215.
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1
Voy. les conclusions prudentes de G. C ohen -J onathan et R. K ovar , « L’espionnage en
temps de paix », AFDI, 1960, p. 254 ; plus fermement, F.R.G., Fed. Supr. Crt., 30 janvier 1991,
Espionage Prosecution case, ILR, 94, p. 74.
2
Cass. fr., 28 juillet 1948, Rieger, D., 1949, p. 193 et A.D., 1948, pp. 483-484.
bruylant
1
U.S. Supr. Crt., 31 juillet 1942, A.D., 10, p. 566.
2
Ibid., 570-571.
3
Ibid.
4
Ibid., 576.
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2. Le mercenaire
2.334 Le fait que le combattant capturé soit étranger aux forces
avec lesquelles il combat n’implique pas qu’il soit privé du statut de
prisonnier de guerre dès lors qu’il remplit les conditions requises
pour l’obtenir : l’art. 4 de la 3 e CG et les art. 43‑44 du 1 er PA ne font
aucune discrimination entre les personnes capturées sur la base
de la nationalité et l’art. 17 de la 5 e Convention de La Haye de 1907
exclut expressément pareille discrimination : le tribunal militaire
américain de Nuremberg l’a rappelé dans le Weizsaecker case 3.
1
Pour un ex. par analogie, tiré de la guerre de sécession, voy. M. H arrus H offman , « Le
droit coutumier dans les conflits armés non internationaux », RICR, 1990, p. 356.
2
Protocoles, commentaire, p. 577, § 1779 ; R. B axter , « Comportement des combattants
et conduite des hostilités », op. cit., p. 143.
3
Nur. U.S. Milit. Trib., 14 avril 1949, Weizsaecker et al. (Ministries Trial), A.D.,
1949, p. 355.
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1
CDDH/236/Rev. 1, § 105, Actes CDDH, vol. XV, p. 423.
2
E. K wakwa , The International Law of Armed Conflict: Personal and Material Fields
of Application, op. cit., p. 125.
3
Voy. notamment la résolution 3103 (XXVIII), § 5, adoptée par l’AGNU le 12 décembre
1973 ; la Convention de l’OUA du 30 juin 1979, art. 1, § 2 ; la Convention des N. U. du
4 décembre 1989, art. 3 ; pour des commentaires sur ces dispositions, E. D avid , Éléments de
droit pénal international, op. cit., §§ 15.5.1 ss.
4
E. K wakwa , The International Law of Armed Conflict: Personal and Material Fields
of Application, op. cit., p. 124.
bruylant
1
Pour plus de développements sur ce point, E. D avid , Mercenaires et volontaires inter-
nationaux en droit des gens, op. cit., pp. 391-393.
2
Pour une analyse critique exhaustive, ibid., pp. 237-247 ; E. K wakwa , The International
Law of Armed Conflict: Personal and Material Fields of Application, op. cit., pp. 126-127.
3
RICR, 1989, p. 511.
bruylant
2.338 Cela n’a apparemment pas découragé les États qui ont
« récidivé » dans la Convention des NU du 4 décembre 1989 contre
le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction des
mercenaires, en reprenant la définition de l’art. 47 et en l’étendant
à tout conflit armé (international et interne) (art. 1, § 1, a).
1
Voy. sur ce point les réserves exprimées à la Conférence diplomatique de Genève
(1974-1977) par le Zaïre, la Corée du Nord, la Syrie, Qatar, Madagascar, le Mozambique, la
Côte d’Ivoire, le Cameroun et la Suède. Doc. CDDH/III/SR.57, §§ 13, 20-21, 26, 33, 34, 44, 47,
49, 53, 55.
2
Sur l’écheveau des motivations réelles d’un mercenaire, voy. E. D avid , Mercenaires et
volontaires internationaux en droit des gens, op. cit., pp. 3, 242-246.
3
G. B est , Humanity in Warfare: the Modern History of the International Law of
Armed Conflicts, Londres, Weldenfeld and Nicholson, 1980, p. 328, n° 83, cité par E. K wakwa ,
The International Law of Armed Conflict: Personal and Material Fields of Application,
op. cit., p. 112.
bruylant
2.339a Le volontaire étranger qui s’engage par idéal n’est pas visé
par la Convention ou par l’art. 47 puisque ces textes ne concernent
que le volontaire qui prend part aux hostilités en vue d’obtenir
« un avantage personnel », notamment, en percevant pour son
engagement « une rémunération matérielle nettement supérieure »
à celle des autres militaires (supra, § 2.337). Cela n’implique pas
la licéité de tout engagement idéaliste. Ainsi, le Conseil de sécurité
demande aux États de traduire en justice les recruteurs et les gens
qui s’engagent dans des mouvements terroristes tels que l’État isla-
mique en Irak et au Levant, le Front el-Nosra ou Al-Qaïda (les
« djihadistes ») 1, même si la motivation de l’engagement est pure-
1
S/RES/2170, 15 août 2014, §§ 7 ss.
bruylant
1
A/RES/72/158, 19 décembre 2017 (128-51-6), § 4.
2
Ibid., § 5.
3
Ibid.
4
Ibid., §§ 4-5.
5
Ibid., § 12.
bruylant
dans les pays où elles sont employées 1. Il est cependant clair que
si ces sociétés menaient les activités interdites aux mercenaires
(ci-dessus), elles tomberaient sous le coup des règles applicables
à ceux-ci.
1
Ibid., § 6.
2
www.erinys-international.com/, consulté le 5 décembre 2004.
bruylant
Les membres des EMSP sont donc présumés être des civils sauf
incorporation dans une force régulière, un groupe armé organisé
ou participation directe aux hostilités. Cette conclusion est cohé-
rente avec la règle conventionnelle selon laquelle, les forces de
l’ordre ne sont pas assimilées aux forces armées, sauf notification
contraire de la partie belligérante aux autres parties belligérantes
(1 er PA, art. 43, § 3, supra, § 2.288) ; la conclusion est aussi dans le
droit fil des recommandations du CICR sur la notion de « partici-
pation directe aux hostilités » (mai 2009) qui qualifient « les sous-
traitants privés et les employés d’une partie à un conflit armé » de
civils (recommandation III).
bruylant
Dire que le statut des membres des EMSP est établi au cas par
cas par le DIH en fonction des circonstances de l’espèce confirme
qu’ils peuvent être utilisés comme combattants, même si ce n’est
pas encouragé.
bruylant
3. Le criminel de guerre ?
2.341 Tout combattant capturé alors qu’il répond aux conditions
énoncées à l’art. 4 de la 3 e CG ou aux art. 43 et 44, §§ 1‑3 et 5‑7,
du l er PA a droit au statut de prisonnier de guerre s’il s’est rendu
coupable de crimes de guerre.
Ce principe règle une controverse née de l’affaire Yamashita
où la Cour suprême des États‑Unis avait considéré que les garan-
ties de procédure pénale reconnues aux prisonniers de guerre par
l’art. 63 de la CG de 1929 sur les prisonniers de guerre ne concer-
naient que les cas d’infractions commises par un prisonnier de
guerre après sa capture 2. Le juge Rutledge soutenait au contraire
que l’art. 63 s’appliquait à toute poursuite pénale, que l’infraction
ait été commise avant ou après la capture 3. C’est ce dernier prin-
cipe qui a été consacré par la 3 e CG de 1949 en son art. 85. Il a, par
exemple, été appliqué par les États‑Unis dans l’affaire Noriega 4.
1
Texte in ILM, 2011, pp. 92-104.
2
Dans le même sens, Neth., Spec. Crt. of Cass., 12 janvier 1949, Rauter, A.D., 1949,
pp. 534-536.
3
U.S. Supr. Crt., 4 février 1946, In re Yamashita, in H.S. L evie , Documents on Prisoners
of War, International Law Studies, vol. 60, U.S. Naval War College, Newport (R.I.), 1979,
pp. 323-326.
4
E. K wakwa , The International Law of Armed Conflict: Personal and Material Fields
of Application, op. cit., p. 45.
bruylant
1
Conventions, commentaire, III, pp. 448-451 ; textes des réserves in D. S chindler et
J. T oman , Droit des conflits armés, op. cit., pp. 669 ss.
2
R. B axter , « Comportement des combattants et conduite des hostilités », op. cit., p. 138.
3
H.S. L evie , « Prisoner of War in International Armed Conflicts », in U.S. Naval War
College, International Law Studies, vol. 59, pp. 56-57.
bruylant
“MR. BOUCHER : […] You will see that in those clauses, the Geneva
Convention says that if there is any doubt, then a competent tribunal
should be convened to review these things. We don’t think there is any
doubt in this situation.
The White House, in their announcements yesterday, I think, made
quite clear why there is no doubt about Taliban people involved. All of
these people have been screened several times before they were taken,
and after they were taken to Guantanamo, and we don’t think there is
any doubt in these cases.
QUESTION : You mean that your interpretation is that it’s only doubt
in the hands of the captors, the capturing party, and not doubt in the
minds of anyone else? Is that your interpretation of it?
MR. BOUCHER : I think it’s quite clear that if there is any factual or
reasonable basis for doubt, then of course we would be willing to
review this. But at this point, we’re not aware of anything in all these
interviews that raises any doubt about these people” 1.
1
Daily Press Briefing, Richard Boucher, Spokesman, Washington DC 8 février 2002, www.
state.gov/r/pa/prs/dpb/2002/7918.htm
2
Cf. Amnesty International, Memorandum to the US Government on the Rights of
People in US custody in Afghanistan and Guantanamo Bay, avril 2002, Doc. AI AMR
51/053/2002, p. 34.
3
Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 26 ; Déclaration de l’AGNU sur les
principes de droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les
États, A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970, 7 e principe, 2 e et 3 e al.
4
Protocoles, commentaire, p. 560, § 1746.
bruylant
Il faut, dès lors, admettre que même dans une guerre qui comme
la guerre contre le terrorisme n’est guère susceptible de se termi-
ner par un cessez-le-feu 4, il faut reconnaître aux détenus le droit
de contester la qualification dont ils sont l’objet devant un organe
neutre :
“a citizen-detainee seeking to challenge his classification as an enemy
combatant must receive notice of the factual basis for his classifica-
tion, and a fair opportunity to rebut the government’s factual assertions
before a neutral decision-maker” 5.
1
Sur cette disposition, voy. G. G enot , « Quelques garanties nouvelles offertes au com-
battant capturé », RBDI, 1977, pp. 298-313.
2
US Supr. Crt., 28 juin 2004, II, ILM, 2004, pp. 1170-1171.
3
Id., III, C, 1, ibid., p. 1175.
4
Id., II, ibid., p. 1170.
5
Id., III, C, 3, ibid., p. 1176.
bruylant
1
Id., III, D, 1, ibid., p. 1177.
2
US. Supr. Crt., 28 juin 2004, IV, ibid., p. 1211.
3
Chron. Croot., AJIL, 2005, p. 261.
4
US Distr. Crt., DC, 8 novembre 2004, cité, AJIL, 2005, p. 262.
bruylant