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La guerre de Trente Ans

En 1618, plusieurs grandes puissances dominent l’espace européen.

A l’Ouest, on trouve les royaumes de France, d’Angleterre, du Danemark, de Suède, les Provinces-
Unies. A l’est, la Russie est la seule véritable grande puissance.

Au premier rang de ces puissances figure l’Espagne, enrichie par les richesses de son empire en
Amérique et en Asie et forte d’une armée organisée efficacement autour des Tercios, formations
d’infanterie composées de piquiers, d'arquebusiers et de fantassins armés d'épées, qui sont les
précurseurs de la stratégie inter-armes.

L’Espagne est dirigée par les Habsbourg, qui sont également à la tête du seul empire d’Europe
centrale : le Saint-Empire romain germanique, qui se compose de n ombreux royaumes. L’Empereur
est à la fois Kaiser et roi d’Allemagne. La dynastie est soutenue par l’Eglise catholique.

Dans ce contexte, les Habsbourg rêvent de recréer un empire européen unifié autour du Saint-Empire
romain germanique et dirigé par l’Espagne. Cette idée de monarchie universelle inquiète les autres
puissances, dont la France qui craint de se retrouver encerclée par les Habsbourg d’Espagne et
d’Autriche.

Pourtant, en 1648, le Saint-Empire romain germanique n’est plus que l’ombre de lui-même. L’espace
géopolitique européen a été bouleversé et la France s’affirme comme la nouvelle puissance
dominante.

Que s’est-il passé entre temps ? Un conflit généralisé a ravagé l’Europe et réorganisé les équilibres
politiques : la guerre de Trente Ans.
I Les racines du conflit : une querelle religieuse interne (1617-20)
La guerre de Trente Ans trouve ses racines dans la Paix d’Augsbourg du 25 septembre 1555 entre
l’Empereur catholique Charles Quint et les princes allemands luthériens. Cet accord sanctionne
l’existence de deux confessions, la religion catholique et le luthérianisme, à l’exception du Calvinisme
qui ne sera reconnu qu'en 1648. Il est désormais permis aux princes de choisir leur religion et de
l’imposer à leur peuple, selon le principe du « cujus regio, ejus religio » (à tel souverain, telle
religion).

Si ce compromis permet de ramener une paix durable au sein du Saint-Empire, il est également
source d’affaiblissement et de division avec la constitution de deux grands pôles confessionnels.
Le catalyseur de cette tension religieuse croissante le Royaume de Bohème, à majorité protestant,
auquel la Paix d'Augsbourg ne s'applique pas. Ce Royaume est en effet sujet à la Lettre de majesté de
de l’Empereur Rodolphe II (1609) qui octroient la liberté de culte aux Protestants

Or, en 1617, le prince de Bohème, Ferdinand II d’Autriche, entreprend de catholiciser son royaume. Il
abroge la Lettre de majesté. Les nobles protestants se rebellent et, en mai 1618, défenestrent deux
gouverneurs impériaux lors d’une rencontre au château de Prague (« défenestration de Prague »).
Le 19 août 1619, peu après la mort de l’empereur Mathias Ier de Habsbourg, la Diète (assemblée) de
Bohème élit roi de Bohême l'Electeur palatin Frédéric V, un calviniste proche des Provinces Unies.

La fronde protestante prend les armes. Ferdinand II, devenu empereur germanique en Août 1619,
met en place une coalition réunissant la Couronne d'Espagne, la papauté et la Sainte Ligue catholique
allemande. Il cherche également l’appui de la France mais Louis XIII reste à l’écart et se contente de
dépêcher des médiateurs. La Fronde est finalement écrasée lors de la bataille de la Montagne
Blanche (près de Prague), le 8 novembre 1620.

La guerre de Trente Ans vient de commencer

II L’internationalisation du conflit (1620-35)

Après la Montagne Blanche, Frédéric V, qui a pris la tête de l'Union protestante, garante des intérêts
protestants au sein de l'Empire germanique, perd son statut d’Electeur au profit duc de Bavière. Les
princes protestants s’en indignent et entrent en guerre aux côtés de Frédéric.

Plusieurs puissances européennes vont prendre part au conflit, de manière plus ou moins directe : Le
Danemark (luthérien), la Suède (protestante), les Provinces-Unies (calvinistes), l’Espagne et la France
(catholiques).

Le Danemark et la Suède sont les premiers à apporter leur soutien aux protestants allemands :
Christian IV de Danemark est un luthérien. Bien que vassal de l'empereur germanique, il souhaite
défendre sa foi tout en agrandissant son domaine en Allemagne du Nord. Il s’allie donc avec les
Provinces-Unies calvinistes, elle-même en lutte avec leur ancienne puissance coloniale, l’Espagne,
dont elles se sont affranchies en 1579.

Gustave-Adolphe de Suède s’inquiète quant à lui des ambitions de Ferdinand II concernant la


Baltique.

A cette époque, la France se contente d’apporter un soutien financier au Danemark, qui est vaincu en
1626 et doit se retirer du conflit après la paix de Lübeck (6 juin 1629). La Suède connait un sort
similaire. Malgré des victoires notables (Breitenfeld, 1631 et Lützen, 1632), le royaume est
sévèrement défait à Nördlingen en 1634 et doit concéder la paix.
La guerre pour alors cesser. La Paix de Prague (3 mai 1635) met en effet fin au conflit entre
l’empereur d’Allemagne et les princes protestants. Pourtant, les hostilités vont se poursuivre car la
France et la Suède n’ont pas été conviées à signer le traité et s’y opposent de toute façon. La France,
plus particulièrement, s’inquiète d’une éventuelle coalition entre l’Espagne et le Saint-Empire qui
aboutirait à un encerclement du royaume. Cet impératif géostratégique amène donc Louis XIII et son
principal ministre Richelieu d’abord à soutenir des états protestants contre l’encombrant voisin
catholique, puis, au final, à intervenir directement dans le conflit.

Le 19 mai 1635, la France déclare la guerre à l’Espagne tandis que la Suède réintègre le conflit
(Victoire de Wittstock, le 4 mai 1636), ce qui permet une prise en tenaille du Saint-Empire. Le conflit
est relancé et ne s’arrêtera que 13 ans plus tard.

La question religieuse est passée au second plan. Il va s’agir désormais pour chaque belligérant
d’améliorer ses positions dans la perspective de futures négociations de paix.

A partir de 1639, la France prend l’ascendant sur l’Espagne tandis que les armées impériales buttent
sur les Suédois. La Bataille de Rocroi, le 19 mai 1643, menée par le jeune duc d’Enghien (futur Grand
Condé) écarte le danger d’une invasion espagnole alors que vient de décéder Louis XIII, et met fin à la
suprématie des Tercios. La domination militaire française est confirmée à Lens le 2 août 1648, où les
espagnols perdent 8000 hommes. Le 17 mai 1648, la bataille de Zusmarshausen, dans le sud de
l’Allemagne, avait ouvert aux troupes franco-suédoises les portes de la Bavière

En 1648, la France est enfin en mesure de dicter ses conditions de paix.

III Le retour à la paix : bilan et conséquences

La guerre de Trente Ans est la première grande guerre européenne, impliquant toutes les puissances
de l’époque. Elle est aussi la plus dévastatrice avant la première guerre mondiale.

1) Le bilan humain est terrible : deux millions de morts parmi les combattants, deux à trois
millions parmi les populations, 20% de la population du Saint-Empire. L’Alsace, la Franche-Comté, la
Lorraine et la Saxe (est de l’Allemagne), ont perdu la moitié de leur population. L'Allemagne du nord
(Poméranie), convoitée par la Suède, a perdu près de 65 % de ses habitants.

L’Italie du nord (Piémont et Valteline), l’Alsace et Franche Comté, le Duché de Lorraine, les Pays-Bas
espagnols (pris entre France et Provinces-Unies) ont particulièrement souffert de leur position
stratégique (voies de communication entre l’Espagne et l’empire allemand).

La plupart des victimes succombent non aux combats ou exactions mais aux épidémies (peste et
typhus) véhiculées par les armées et les colonnes de réfugiés qui sillonnent les routes.
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2) Les traités de Westphalie (Osnabrück, le 6 août 1648 et Münster, le 8 septembre 1648),
mettent un terme à un conflit qui a saigné l’empire allemand et consacré l’avènement de la
prédominance de la France en Europe continentale tandis que la Suède devient la principale
puissance de la Baltique. Les Provinces-Unies obtiennent enfin leur indépendance.

L’Allemagne, dévastée, est également émiettée en plus de 350 principautés indépendantes.


L’empereur n’a plus qu’une autorité symbolique. La division religieuse issue de la paix d’Augsbourg est
consacrée.
La France récupère les Trois-Évêchés de Metz, Toul et Verdun ainsi que la plus grande partie de
l'Alsace (sauf Strasbourg, annexée en 1681), ce qui perturbe l’acheminement de renforts et de
ravitaillement espagnol en provenance du nord de l’Italie vers les Pays-Bas.

Les traités excluent par ailleurs l’Espagne, alors en mauvaise posture. Par ce biais, la France brise
l’alliance entre Habsbourg de d’Autriche et d’Espagne. Il faudra cependant attendre le 7 novembre
1659 pour que le traité des Pyrénées mette fin au conflit entre la France et l'Espagne.

IV Conclusion

Au sortir de la guerre de Trente Ans, la France peut être considérée comme la grande gagnante du
conflit : elle a agrandi son territoire, consolidé sa position au détriment des Habsbourg d’Autriche et
d’Espagne, durablement affaiblis, et affirmé sa suprématie militaire.

Même si la Fronde (1648-53) la prive de son rôle d’arbitre au sein de l’empire, tout est tout est prêt
pour que s’ouvre véritablement le règne de Louis XIV.

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