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En 1814, l’Europe est épuisée par deux siècles de guerres, au cours desquelles elle a subi

un nombre important de pertes (On avance en effet le chiffre d’environ 11 millions de mort
durant la Guerre de Trente Ans et de 4 millions de pertes militaires durant les guerres de la
Révolution et de l’Empire). Les campagnes napoléoniennes ont été extrêmement couteuses
à la fois en termes humains et économiques pour l’Europe et comptent des batailles
particulièrement violentes comme celle de Leipzig en octobre 1813, 1 ère vraie défaite pour
Napoléon et qui amènera à son exil sur l’ile de Sainte-Hélène en 1814. Les puissances
européennes se réunissent alors en septembre de la même année, à Vienne, lors d’un
Congrès ayant pour but la restauration de la paix et l’équilibre entre les puissances comme
l’avaient instaurés les traités de Westphalie plus d’un demi siècle auparavant.
Nous allons nous demander si le Congrès de Vienne constitue un instrument efficace pour
maintenir la paix au XIXème siècle en Europe. Nous étudierons d’abord la volonté des
grandes puissances européennes d’en finir avec l’épopée napoléonienne non seulement sur
le plan territorial, mais aussi sur les plans géopolitique et politique afin de garantir une
paix durable sur le continent. Puis nous nous pencherons sur les relations internes et
externes des États qui composent l’Europe au XIXème siècle.

En avril 1814, l’effondrement de l’Empire français rend nécessaire une réorganisation de


l’Europe. Fin septembre, 216 délégations du continent, dont l’Autriche, le Royaume-Uni,
la Prusse et la Russie, états vainqueurs de Napoléon, puis la France, pays vaincu et les
plus petites puissances comme la Suède, l’Espagne et le Portugal, se réunissent à Vienne,
capitale autrichienne, soulignant par sa localisation la victoire du pays sur l’empire
français. Le principal objectif du congrès est de se partager les «dépouilles» de cet
empire, dont les frontières ont déjà été ramenées à celle de 1792 par le traité de Paris de
mai 1814. À Vienne, les discussions portent essentiellement sur les territoires qui, sous
une forme ou une autre, étaient sous domination française: l’espace germanique, la
péninsule italienne et la Pologne. Les caricatures de l’époque brodent autour de l’idée
de partage de l’empire napoléonien: en effet on voit ici une Europe sous la forme d’un
gâ teau que découpent les vainqueurs et un aigle, symbole napoléonien, qui se fait
plumer. Ce sont souvent des caricatures françaises, qui donnent une image critique du
congrès qui a perduré dans l’historiographie du pays. Malgré tout, l’évènement
diplomatique peut être qualifié d’hors normes, notamment par les principes qu’il
contribue à instaurer. En effet, dans la continuité des traités de Westphalie du 17ème siècle,
le maître mot du congrès est l’«équilibre» entre les puissances. Il s’agit dès lors de
satisfaire les appétits de chacun, tout en évitant de créer une nouvelle menace pour la
paix européenne. L'Angleterre renforce sa puissance maritime en mer du Nord, en
Méditerranée et dans l'océan Indien. La Russie, qui conserve la Finlande, se partage la
Pologne avec la Prusse. Cette dernière obtient aussi la Saxe et la Rhénanie. L'Autriche
annexe le Tyrol, une partie de l'Italie du Nord et dirige la nouvelle Confédération
germanique qui regroupe les É tats allemands.
Toutefois, c’est là que nous voyons que dans la négociation de la paix, il y a des conflits.
C’est le cas à Vienne, où deux camps distincts parmi les « grands » se font face : d'un cô té,
la Russie et la Prusse : La Russie, voulant dominer la Pologne, et la Prusse, voulant
intégrer à son royaume la Saxe, ont des visées expansionnistes. De l’autre le Royaume-
Uni et l'Autriche cherchent à restaurer l'équilibre européen, sans puissances
hégémoniques. Cependant, les tensions se résolvent rapidement: la Russie convainc la
Prusse de n’annexer qu’une partie de la Saxe et de s’étendre en Rhénanie et partage le
royaume polonais avec la Prusse. Talleyrand, le représentant français, profitera, d’une
certaine manière, de ces tensions pour ré imposer la France et d’autres plus petites
puissances dans les négociations, ce qui durera jusqu’au retour de Napoléon en mars
1815, où la France est de nouveau mise à l’écart.

Fondé sur le principe de légitimité, incarné par le diplomate réactionnaire autrichien


Metternich, l’Acte final rétablit aussi sur leurs trô nes les principales dynasties d’Europe.
En France, la Restauration se réfère à ce principe de légitimité, pour faire revenir Louis
XVIII, de la famille des Bourbons, sur le trô ne. Un nouvel ordre européen est créé, qui est
en réalité un retour à l’ordre ancien. En effet, nous retrouvons les armoiries de la
royauté sur une édition du congrès avec la couronne et les 3 fleurs de lys. Les idées
libérales révolutionnaires ont cependant marqué les esprits et restent présentes : à
l’issue du traité de Vienne, un certain nombre d’É tats ont des régimes constitutionnels,
c’est le cas du Royaume Uni depuis le XVIIème, de la France de la Restauration, mais
aussi du Royaume des Pays Bas et de Belgique, du Royaume de Suède, de la Norvège, de
Parme et de la Toscane, du pays de Bade ou de la Bavière et d’un certain nombre de
principautés de la Confédération Germanique.

Cet évènement diplomatique aura des répercussions sur les relations internes et
externes des É tats européens durant toute la suite du XIXème siècle. En effet, si l’ordre
de 1815 avait comme objectif de maintenir la paix, il ne satisfait pas certaines
aspirations des peuples européens voire les méprise complètement. L'ordre de Vienne
est ainsi rapidement remis en cause à l’échelle intra étatique, les revendications
d’indépendance et de libertés se faisant de plus en plus fortes au sein des É tats. Dans les
royaumes intégrés à des empires, par exemple en Pologne et en Belgique en 1830, les
peuples revendiquent le droit à disposer d’eux-mêmes, c’est à dire la légitimité de
l’existence d’un état nation pour chaque peuple. L’année 1848 marque également le
début d’une grande vague révolutionnaire en Europe et remet en cause l’ordre issu du
Congrès de Vienne, remise en cause favorisée par une crise économique et sociale
importante sur le continent. Dans les É tats allemands, des révolutions éclatent. Des
gouvernements libéraux sont nommés et envoient des représentants pour former un
parlement allemand à Francfort, dans le but d'unifier l'Allemagne et de lui donner une
Constitution. En Autriche, Metternich est renversé et l'empereur doit accorder
également une Constitution au peuple. Bien que ces mouvements libéraux se référant
aux idéaux de 89 sont réprimés par les grandes puissances, la légitimité de l’ordre du
Congrès est beaucoup moins évidente qu’auparavant. Ironiquement, ces conflits internes
aux É tats permettent, à l’échelle européenne, une solidarité et une paix entre les cinq
grandes puissances faisant parties de la Quintuple Alliance, créée pour réprimer les
révoltes et revendications.
Si le Congrès a engendré des révoltes et des conflits importants, il a cependant instauré
une paix durable entre l’ensemble des É tats et inaugure ce que les diplomates, et à leur
suite les historiens, ont appelé le « concert européen ». Dans la logique des négociations
diplomatiques depuis le traité de Westphalie, un droit international se met en place que
le congrès de Vienne confirme et amplifie. Désormais, les agrandissements ou
changements territoriaux ne peuvent plus être instaurés par la force ou la menace de la
force, mais uniquement par le recours à des traités établis selon une norme juridique
admise par tous ; c’est la mise en place d’une norme diplomatique. L’Acte final du
congrès de Vienne se distingue aussi par son originalité, quand il condamne la traite des
Noirs à l’échelle mondiale, une norme s’appliquant également aux pays non signataires
du traité, et quand il garantit la libre circulation sur les fleuves d’Europe, avec une
commission centrale pour leur gestion. Même si ces mesures sont encore limitées, elles
apparaissent comme l’ébauche d’un véritable droit international, commun à tous. Le
congrès de Vienne est également une étape importante dans le développement de la
multi latéralité dans les relations internationales: il est ainsi prévu que les souverains
pourront se réunir à nouveau en congrès afin de veiller au maintien de la paix en
Europe. Le «Concert européen», forgé à Vienne, reste, sous des formes variées,
l’armature des relations entre puissances jusqu’à la Première Guerre mondiale.

En conclusion, le Congrès de Vienne apparaît comme un précurseur des instances


internationales. Les instances qu’il a contribué à mettre en place ne sont certes pas
aussi démocratiquement désignés et ne tiennent pas autant compte des intérêts des
populations que celles d’aujourd’hui, mais il a ouvert ce qu’on appelle le siècle des
Congrès, avec par exemple celui de Paris en 1856 et celui de Berlin en 1885, constituant
ainsi un instrument de paix efficace, du moins à l’échelle européenne.

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