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HGGSP 2 : FAIRE LA GUERRE, FAIRE LA PAIX

AXE 2 LE DÉFI DE LA CONSTRUCTION DE LA PAIX

Introduction : “La paix est un rêve suspendu.” Cette citation de Kofi Annan montre à quel point la construction de la
paix est un défi difficile à atteindre. Débuter une guerre est bien plus aisé que de la terminer. A quel moment arrêter ?
Comment se réconcilier avec l’ennemi ? Que perdre pour quel gain ? Autant de questions qui rendent le processus de
construction de paix long et complexe. Si à l’époque moderne, les états privilégient les traités de paix dans le cadre de
guerres conventionnelles, les conflits actuels, plus complexes et souvent intraétatiques, nécessitent souvent l’action
d’une organisation internationale de sécurité collective comme l’ONU.

Problématique : Comment construire une paix durable ?

I. Faire la paix par les traités : la paix de Westphalie (1648).

A. La Guerre de Trente Ans (1618-1648)


Un Empire déchiré par les conflits religieux : le Saint Empire Romain Germanique, vieil héritier de la couronne
d’empereur de Charlemagne, est à l’époque moderne constitué d’un grand nombre de principautés (près de 350) et
d’un Empereur, élu par un collège. A partir du XVe siècle, la maison d’Autriche aux mains des Habsbourg parvient à
accaparer la couronne impériale et rêve de reconstituer un pouvoir politique impérial direct sur les principautés. Mais
l’apparition des religions réformées, et particulièrement du luthéranisme divise profondément le Saint-Empire. En
1555, la Paix de religion d'Augsbourg consacre le partage de l'Empire entre catholiques et réformés (« cujus regio ejus
religio »).

Une guerre religieuse et politique meurtrière : La guerre de Trente Ans débute en 1618 par la défenestration de
Prague de deux seigneurs catholiques, autour d’un conflit pour la couronne de Bohème et le titre d’Empereur entre
deux prétendants, l’un catholique, Ferdinand II, sacré en 1617 et l’autre protestant, Frédéric V, choisi après la
défenestration. L’Empereur Ferdinand II s’empare de la Bohème qu’il châtie fortement. C’est le début d’un conflit qui
enflamme l’ensemble du Saint Empire autour de deux camps :
• Les catholiques sous la direction de l’Empereur
• Les protestants qui se regroupent sous la bannière du Roi de Suède qui intervient pour aider les protestants à
partir de 1631.
Si la Guerre de Trente Ans est avant tout une guerre pour des motifs religieux, la question politique est aussi centrale.
Il s’agit pour les princes protestants de conserver leur autonomie face à un pouvoir impérial qui rêve d’imposer son
pouvoir politique direct.

Une guerre européenne : la guerre de Trente Ans se télescope avec un autre conflit qui oppose les Provinces Unies
révoltées à l’Espagne depuis 1568. Rapidement une alliance européenne protestante se forme autour du Danemark
et surtout de la Suède pour défendre les princes protestants et les Provinces Unies (dont la religion principale est le
calvinisme). Face à eux, l’Espagne, première puissance mondiale au XVIe s, et l’ensemble de la famille des Habsbourg
qui contrôle de nombreux états en Allemagne. De son côté, la France de Louis XIII et de Richelieu, bien que catholique,
soutient discrètement les Provinces Unies et les protestants du Saint Empire. En 1635, Richelieu déclare la guerre
contre l’Espagne et rejoint l’alliance protestante avec la Suède. La guerre est particulièrement violente et ravage des
province entières de l’Allemagne. Le Pape, inquiet de voir une lutte entre les deux grandes nations catholiques, la
France et l’Espagne, pousse aux négociations.

B. Un traité marqué par des négociations longues et complexes.


Faire la guerre et négocier la paix : En 1643, débutent les négociations pour mettre fin aux conflits. Les Protestants se
réunissent dans la ville d’Osnabrück alors que les Catholiques se réunissent à Munster, deux villes de la Westphalie.
Pendant cinq ans, les négociations sont difficiles car elles doivent répondre à plusieurs enjeux :
- Religieux : quels droits pour les protestants ?
- Politiques : quels rapports de force entre les Princes et l’Empereur ?
- Géopolitiques : quelle place pour les grandes puissances et notamment l’Espagne des Habsbourg ?
Richelieu envoie Abel Servien, diplomate chargé de négocier au nom de la France.

Une paix, trois traités : Le premier des conflits réglé est celui qui oppose l’Espagne aux Provinces Unies depuis 80 ans.
La paix de Münster, signée en janvier 1648, reconnaît l’indépendance des Provinces Unies. La Guerre de Trente Ans
est réglée par deux traités signés le 24 octobre 1648 :
- Le traité de Münster entre le Saint-Empire, la France et ses alliés
- Le traité d’Osnabrück entre le Saint-Empire et la Suède.
Ces trois traités sont regroupés sous l’appellation de paix de Westphalie. Ils aboutissent à la reconnaissance des 3
confessions : catholiques, luthériens et calvinistes. Ils donnent la possibilité aux Princes d’avoir leur propre politique
étrangère, de se battre d’avoir une armée, à la seule condition qu’ils n’attaquent jamais l’Empereur.

C. Construire la paix dans une Europe en guerre.


Mettre en œuvre la paix : Une fois la paix signée, il faut démobiliser les soldats et empêcher les violences de guerre.
En effet, la guerre de Trente Ans a vu déferler sur le territoire allemand de nombreux mercenaires qui vivent du pillage
et des vols. Il faut donc veiller à la démobilisation des soldats. Mais comme l’application des traités ne prévoit rien sur
ce point, le problème des pillages continue pendant longtemps d’affaiblir un territoire déjà ruiné par les guerres et
dont 5 millions de ses habitants sont morts (entre un tiers et un quart de la population totale du Saint Empire).

La paix de Westphalie, une portée historique majeure : L’une des difficultés de la construction de la paix est
l’application des traités et la lecture qui en est faite par les puissances. Les violences se poursuivent dans le Saint
Empire et les dernières troupes suédoises ne quittent le territoire qu’en 1654. De son côté, la France obtient des droits
sur l’Alsace qui poussent à une annexion progressive. La paix de Westphalie met fin au projet des Habsbourg de
domination universelle et les fonctions politiques directes de l’Empereur s’effacent définitivement au profit des
Princes. La fonction d’Empereur devient une fonction symbolique sans fonction politique. Le Saint Empire disparaît en
1806 dans le cadre des conquêtes napoléoniennes.
La naissance de l’ordre westphalien : « L’ordre westphalien correspond à une situation internationale dans laquelle
les États exercent les fonctions régaliennes, sont souverains, et dont les limites correspondent, au moins
théoriquement, à celles des nations. » (Géoconfluences). Dans cette nouvelle organisation, les états européens
distinguent clairement la guerre, marquée par une déclaration et qui se termine par un traité de paix, dans le but de
régler les litiges. Si la Révolution française et les guerres napoléoniennes bouleversent l’ordre westphalien, celui-ci est
aussitôt remis en place par les puissances européennes qui négocient lors du Congrès de Vienne (1814-1815).

II. Faire la paix par la sécurité collective : l’ONU de Kofi Annan (1997-2006).

A. L’ONU, une institution internationale de la sécurité collective.


La naissance de la sécurité collective : Dès le début du XIXe s, la question de la sécurité collective émerge c’est-à-dire
d’un système qui a pour objectif la mise en place d’une paix durable avec une solidarité active entre les états et un
respect de leur indépendance. Ainsi, à la fin des guerres napoléoniennes, le Congrès de Vienne aboutit à la création
de la Sainte Alliance qui doit garantir l’équilibre européen face aux idées libérales et nationalistes. Des règles
communes sont progressivement posées entre les puissances comme dans le cadre de la course aux conquêtes
coloniales où les puissances coloniales, réunies à Berlin en 1885, tentent de définir les règles du partage de l’Afrique.
La Première Guerre Mondiale, par le choc moral consécutif au bilan humain, aboutit à la prise de conscience de la
nécessité de construire une institution de sécurité collective.

Le rêve de Wilson, la SDN : La Société des Nations est créée sous l’impulsion du Président des États-Unis, Wilson.
Signée dans le cadre des traités de paix de Versailles, la naissance de la SDN est ratifiée par 27 états. Son siège est
situé à Genève et elle se compose d’une assemblée et d’un conseil restreint de 12 membres dont 4 permanents
(France, Royaume Uni, Italie et Japon). Mais la SDN ne regroupe pas l’ensemble des nations : Le sénat américain refuse
d’intégrer la SDN, l’URSS et l’Allemagne ne sont pas intégrées dans un premier temps. La faiblesse de la SDN reste liée
à la difficulté à prendre des sanctions, qui doivent être votées à l’unanimité. Face à la montée des régimes totalitaires,
la SDN échoue à préserver la paix (annexion de l’Éthiopie par l’Italie) et la Seconde Guerre Mondiale signe sa mort.

Une organisation de maintien de la paix : Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le choc provoqué par la
Shoah et la bombe atomique, la nécessité de construire une organisation internationale de sécurité collective plus
puissante que la SDN devient une évidence. C’est l’Organisation des Nations Unies dont la Charte est signée à San
Francisco et qui entre en vigueur le 24 octobre 1945. L’ensemble des états membres se réunit dans l’Assemblée
Générale qui élit le Secrétaire Général des Nations Unies pour cinq ans et nomme les membres non permanents du
Conseil de Sécurité. Le principal organisme de décision est le Conseil de Sécurité qui réunit 15 membres dont 5
permanents qui possèdent un droit de veto (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, URSS). Il peut voter des
résolutions et décider de l’envoi de troupes de maintien de la paix, les casques bleus. L’ONU est aussi constituée d’un
Conseil Économique et Social pour développer la coopération économique et sociale, d’un conseil de tutelle, pour
administrer certains territoires et d’une Cour Internationale de Justice pour dire le droit international.
B. L’ONU de Kofi Annan, acteur du multilatéralisme.
Un rôle redéfini par la fin de la Guerre froide : Dès le début de l’ONU, son fonctionnement est entravé par l’opposition
liée à la Guerre Froide. Le droit de veto des membres permanents, notamment des deux superpuissances, empêche
bien souvent la mise en place de résolutions efficaces en faveur de la paix. Avec l’effondrement de l’URSS en 1991,
l’usage du droit de veto diminue fortement, laissant la possibilité à l’ONU d’agir en faveur de la sécurité collective,
comme lors de la Première Guerre du Golfe (1990-1991) durant laquelle les États-Unis mènent une coalition
internationale mandatée par l’ONU contre l’invasion du Koweït par l’Irak. Les opérations de maintien de la paix se
multiplient et se diversifient : gestion d’un état (Haïti), accession à l’indépendance (Kosovo). La question du droit
d’ingérence est posée par Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006 et Prix Nobel de la Paix en 2001.

L’ONU de Kofi Annan : Durant les mandats de Kofi Annan, les actions de l’ONU se multiplient :
- En Afrique : Sierra Leone, République démocratique du Congo, Libéria, Côte d’Ivoire et Éthiopie
- En Amérique : Haïti.
- En Europe : au Kosovo.
- En Asie : Au Timor Oriental. Dans ce pays, ancienne colonie portugaise annexée par l’Indonésie en 1976, l’ONU
organise un référendum en 1999 qui mène à l’indépendance du Timor oriental en 2002. L’ONU démontre dans
cette crise tout le poids que peut avoir la communauté internationale dans la résolution d’un conflit.

Une période marquée par des échecs : Malgré l’investissement de l’ONU et le multilatéralisme (parfois relatif) des
grandes puissances, l’ONU ne peut empêcher un certain nombre de catastrophes humanitaires. Le génocide au
Rwanda en 1994 se déroule en présence des casques bleus, tout comme le massacre de Srebrenica en 1995 de la
population musulmane, sous la protection de l’ONU. L’échec le plus important des mandats de Kofi Annan est celui de
l’Irak dont il ne peut empêcher l’invasion par l’armée américaine en 2003. Si le véto de la France lors du Conseil
Permanent de Sécurité démontre l’unilatéralisme américain, l’ONU s’avère incapable de résoudre un conflit par la voie
diplomatique.

C. Vers une nouvelle gouvernance ?


Réformer l’ONU. Depuis la fin de la Guerre Froide et l’émergence d’un monde multipolaire, de nombreux pays
réclament une réforme d’une institution née dans le contexte de l’après 2e Guerre Mondiale et qui reste organisée
autour des puissances anciennes. L’intégration de puissances régionales émergentes comme l’Inde, le Brésil ou
l’Afrique du Sud comme membres permanents du Conseil de Sécurité ne pourra se faire sans abandonner le droit de
veto, marquant alors une supranationalité de l’ONU qui est très fortement rejetée par les grandes puissances,
notamment la Russie, la Chine ou encore les États-Unis.

L’ONU bloquée par les grandes puissances ? L’ONU a permis à de nombreuses nations d’avoir une tribune pour
s’exprimer, protester. Elle a aussi permis de résoudre des conflits, de réunir des conditions favorables à la mise en
place d’une paix durable, comme au Rwanda. Mais son action reste encore largement entravée par l’unilatéralisme
des grandes puissances, au premier rang desquelles on trouve les États-Unis. Dans les grands conflits comme la Syrie,
la Libye ou le Sahel, l’ONU ne parvient pas à se substituer aux puissances pour mettre en œuvre la paix. Dans le Proche
Orient, le poids des puissances régionales et mondiales est bien supérieur à celui de l’ONU qui reste trop souvent
cantonnée dans le rôle de la réparation des dégâts.

Conclusion :

La Guerre de Trente Ans et la Paix de Westphalie ont donc permis la naissance du système westphalien basé sur
l’équilibre des puissances et sur la distinction claire entre situation de guerre, marquée par une déclaration et situation
de paix, après la signature d’un traité. Si le système westphalien est partiellement rétabli au XIXe s avec le Congrès de
Vienne et la Sainte Alliance, les guerres du XXe s mettent en évidence la nécessité d’établir une organisation
internationale chargée de mettre en place les conditions propices pour une paix durable. Si les premières tentatives
échouent largement, la fin de la Guerre froide offre à l’ONU de Kofi Annan la possibilité de démontrer les bienfaits
d’une sécurité collective rendue possible par une vision multilatéraliste des États-Unis. L’ONU est aujourd’hui
confrontée à de nouveaux enjeux, entre affirmations de nouvelles puissances et émergences de nouvelles formes de
conflictualités, qui nécessitent une réforme de ses institutions.

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