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HGGSP 2 : FAIRE LA GUERRE, FAIRE LA PAIX

AXE 1 LA DIMENSION POLITIQUE DE LA GUERRE :


DES CONFLITS INTERÉTATIQUES AUX ENJEUX TRANSNATIONAUX

Introduction : « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens » cette citation de Carl Von
Clausewitz témoigne de la vision qui a longtemps prévalu dans les guerres modernes, celle d’un outil pour mener à
bien une politique. Si cette définition a pu un temps permettre de définir les conflits interétatiques, les nouvelles
formes de conflictualité qui ont émergé depuis le XXe siècle remettent profondément en cause la citation de
Clausewitz, amenant à une redéfinition du modèle du conflit contemporain.

Problématique : Comment le modèle de la guerre a-t-il évolué depuis le XVIIIe s ?

I. Les conflits interétatiques du XVIIIe au XXe s.

A. La guerre de Sept Ans, modèle de la guerre interétatique ?


La guerre de Sept-Ans, guerre classique La guerre de Sept-Ans est une guerre dite classique, ce qui signifie qu’elle
voit s’affronter deux ou plusieurs états qui se sont préalablement déclarés la guerre, et qu’elle se termine par la
signature d’un traité de paix. La Guerre Sept-Ans (1756-1763) oppose deux coalitions :

- La France, l’Autriche, la Russie et l’Espagne.


- La Grande-Bretagne, le Portugal et le royaume de Prusse

Dans cet affrontement européen, il s’agit pour chacune des puissances d’obtenir des territoires et des colonies dans
une logique traditionnelle. Les puissances cherchent aussi à limiter l’influence et la puissance d’états ennemis. Le
personnage du Roi de Prusse, Frédéric II de Prusse (1712-1786) est au cœur de ce conflit.

Une guerre politique meurtrière : La guerre de Sept-Ans est marquée par la violence des combats. Ainsi, lors de la
bataille de Zorndorf en 1758, les combats font 33 000 morts en une journée (22 000 pour les Russes). Au total, le
conflit coûte la vie à près de 700 00 soldats et entre 500 000 à 800 000 civils morts. Malgré la violence du conflit, les
négociations et les échanges diplomatiques entre les nations ennemies ne sont jamais rompus, témoignant du
caractère traditionnel du conflit. Ainsi, Pierre III, devenu Tsar de Russie et grand admirateur de Frédéric II, met fin aux
conquêtes russes et se rapproche de la Prusse avant d’être renversé. De la même manière, les conquêtes de colonies
sont souvent considérées comme une monnaie d’échange en vue du traité de paix.

La première guerre d’ampleur mondiale La guerre de Sept-Ans se déroule principalement en Europe surtout en
Allemagne car son enjeu est la région de la Silésie (convoitée par l’Autriche et la Prusse). Il s’agit aussi d’un conflit
mondial puisque la France et le Royaume-Uni se disputent des territoires et mènent des batailles en Amérique du
Nord (plaines d’Abraham, Louisbourg) et en Inde (Madras, Chandernagor) dans lesquelles les populations autochtones
sont impliquées. Le traité de Paris de 1763 qui marque la fin de la guerre de Sept-Ans cause la perte d’une grande
partie de l’empire colonial français : Louisiane, Acadie, Inde… Il affirme la suprématie de la Grande-Bretagne sur les
mers, marquant le début de la thalassocratie britannique qui trouve son apogée au XIXe s. Sur le continent, le grand
vainqueur de cette guerre est le Roi de Prusse Frédéric II qui a développé un nouveau modèle militaire, qui s’appuie
sur l’affirmation des identités nationales et sur la puissance militaire prussienne qui devient le modèle européen.

B. Les guerres napoléoniennes ou la naissance des guerres nationales.


Le tournant de la révolution française De 1792 à 1815, la France et l’Europe sont dans une situation quasi constante
de guerre. Face aux coalitions des monarchies européennes, les Français se lancent dans des guerres de conquêtes au
nom de l’idéal révolutionnaire, pour renverser les « tyrannies ». Composées de citoyens soldats (mobilisés), les
troupes françaises combattent pour leur Patrie, pour la Révolution, exerçant une violence extrême (massacres de civils
en Vendée, en Espagne) contre ceux qui incarnent les armées traditionnelles composées de mercenaires et d’officiers
issus de la Noblesse.

La guerre absolue de Napoléon : L’arrivée au pouvoir de Napoléon témoigne du rôle croissant des militaires et de
l’importance de la guerre et des conquêtes dans l’Empire. Face à l’immensité des lieux de combats, l’armée française
a incorporé des troupes venant des pays occupés, exportant ainsi le modèle et la violence dans toutes les sociétés
européennes. C’est le concept de « guerre absolue » développé par Clausewitz : le conflit n’est plus simplement
politique mais il bouleverse les sociétés. La « bataille décisive » est celle qui permet, en mobilisant un maximum de
troupes et de matériel, de renverser le cours de la guerre : Waterloo en est le principal exemple.

Clausewitz, théoricien de la guerre Carl Von Clausewitz (1780-1831) il est un officier prussien qui est confronté aux
guerres napoléoniennes. Il rédige un traité « De la guerre », publié en 1832 après sa mort dans lequel il définit les
guerres, leurs causes, leurs fonctionnements. Il définit la guerre interétatique comme un acte de violence, visant à la
destruction de l’adversaire et mobilisant de nombreuses ressources (guerre absolue). Cependant, pour lui, la guerre
reste un outil au service du politique puisqu’à la fin les guerres doivent se terminer par des accords politiques entre
les adversaires. Son ouvrage devient au XXe siècle une référence pour de grands hommes politiques de Mao à De
Gaulle et Churchill

C. La guerre au XXe s, de la guerre totale à la guerre impossible.


La Première Guerre Mondiale, une guerre totale Si ce conflit débute un peu de la même manière que la Guerre de
Sept-Ans (motifs politiques : système d’alliances, volonté de limiter les puissances ennemies), ce conflit se distingue
par la mobilisation de l’ensemble des outils disponibles par les états :

- Mobilisation des ressources : réquisitions et réorientation de l’ensemble de l’économie vers la production


d’armes, endettement massif.
- Mobilisation des populations : service militaire, réquisition de la main d’œuvre des empires coloniaux,
censure, propagande et bourrage de crâne.

Le bilan humain et matériel du conflit (10 millions de soldats, 9 millions de civils, des régions entières dévastées par
les combats, une économie européenne endettée) ainsi que les bouleversements territoriaux et nationaux, renforce
cette idée de guerre totale.
La Deuxième Guerre Mondiale, une guerre d’anéantissement : A la différence de la première guerre mondiale, ce
conflit s’appuie avant tout sur les causes idéologiques : L’Allemagne cherche à accroître son « espace vital » et à
regrouper toutes les populations germanophones, le Japon veut « coloniser » une partie de l’Asie. Les régimes
totalitaires puisent leurs racines dans les traumatismes liés à la Première Guerre Mondiale. Dans ces états, et
particulièrement en Allemagne, la guerre vise à détruire l’ennemi dans son ensemble (ou à être détruit). Face à eux,
les Alliés défendent la liberté. Dans cette guerre d’anéantissement, les populations civiles sont les principales victimes :
bombardements massifs, populations réduites en esclavage, massacres de masse, génocides. La fin de la Deuxième
Guerre Mondiale n’est d’ailleurs pas marquée par un traité, mais par la capitulation sans condition de l’Allemagne et
du Japon.

La guerre froide, une guerre impossible : la guerre froide qui oppose les États-Unis et l’URSS entre 1947 et 1991 n’est
pas une guerre à proprement parler. En effet, les deux superpuissances ne s’opposent jamais directement car la
dissuasion nucléaire rend impossible un conflit entre États-Unis et URSS. On parle d’équilibre de la Terreur résumée
par le philosophe Raymond Aron par la célèbre formule « paix impossible, guerre improbable ». Pourtant, la guerre
froide cause de nombreux conflits périphériques (Corée, Vietnam, Afghanistan) et se définit par une opposition
idéologique qui touche l’ensemble des domaines, du sport aux sciences en passant par la conquête spatiale. Malgré
tout, durant cette période, les guerres restent nombreuses : guerres d’indépendance, affrontements interétatiques…
La guerre froide ne signifie donc pas la fin de la guerre.

II. Les guerres irrégulières, une nouvelle forme de conflictualité.

A. Le développement du terrorisme transnational.


Le développement du terrorisme international (80’s) : Le terrorisme international se développe dans les années 70
et les années 80. Il est alors utilisé par des acteurs politiques qui peinent à se faire entendre dans un contexte bipolaire
de guerre froide. C’est le cas des Palestiniens qui combattent Israël. Alors que les pays arabes qui les soutenaient
précédemment se désengagent progressivement, les Palestiniens cherchent à médiatiser et exporter leur conflit. Avec
l’OLP (organisation de libération de la Palestine) et d’autres organisations terroristes, les Palestiniens procèdent aux
détournements d’avions. Mais le principal attentat reste la prise d’otages d’athlètes israéliens lors des JO de Munich
de 1972(17 morts dont les 5 terroristes). Dans les années 80, les attentats terroristes sont utilisés par des états pour
faire pression sur les grandes puissances : les attentats de Paris perpétrés par l’Iran (rue de Rennes en 1986) ou encore
celui de Lockerbie par la Libye (1988).

Du terrorisme international au transnational : si le terrorisme international des années 80 s’appuie largement sur
l’islamisme, un tournant s’opère dans les années 90 avec le développement d’un terrorisme transnational incarné par
le groupe Al Qaïda. Il s’agit de mener une « guerre » irrégulière contre les États-Unis et les puissances occidentales
dans laquelle les attentats occupent une place centrale. Si Al Qaïda mène des actions terroristes contre les États-Unis
dans les années 90, ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui marquent un tournant. En réponse, les États-Unis
décident de lancer une guerre globale contre le terrorisme qui aboutit à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Malgré
l’exécution de Ben Laden en 2011, le terrorisme transnational islamiste est sorti renforcé de cette période :
- Le développement de Daech en Syrie et en Irak qui a aujourd’hui essaimé en Europe (attentats du 13 novembre
2015) et en Afrique
- Le développement de mouvements islamistes régionaux en Asie et en Afrique qui font allégeance aux deux
grands mouvements terroristes transnationaux Al Qaïda et Daech.

B. La multiplication des guerres asymétriques et irrégulières.


Définir la guerre asymétrique et la guerre irrégulière : le concept de guerre asymétrique est développé aux États-Unis
dans le cadre de la guerre du Vietnam pour désigner les affrontements entre deux ennemis, un faible et un fort, et
l’emploi par le plus faible de moyens non conventionnels pour lutter (guérilla, attentats). Ainsi, pendant l’occupation
de l’Afghanistan par l’URSS dans les années 80, les combattants Afghans sont parvenus à créer un sentiment constant
d’insécurité en harcelant les troupes soviétiques (pièges, attaques du ravitaillement, attentats). La guerre irrégulière
est une guerre qui implique un acteur non-étatique (groupes terroristes, mafia) ou bien des armes non
conventionnelles. Dans ces guerres irrégulières, les lois et le droit international ne permettent plus de protéger les
populations (attentats, massacres) et les combattants (torture pratiquée par les États-Unis dans la base de
Guantanamo).

La multiplication des conflits intraétatiques : si les luttes terroristes sont les plus médiatisées, ce ne sont pas les
guerres les plus nombreuses, à la différence des conflits intraétatiques, ou guerres civiles. Ces guerres opposent l’État
a une minorité, qu’elle soit régionale, religieuse ou ethnique (voire les trois à la fois) qui prend les armes pour obtenir
son autonomie ou son indépendance. Ces conflits sont particulièrement meurtriers car ils touchent fortement les
populations civiles, premières victimes du pouvoir central. Ainsi, la Libye, l’Irak ou le Yémen ont été fortement touchés
par des conflits extrêmement difficiles à résoudre. Si Clausewitz voyait la résolution d’un conflit par la victoire ou le
traité de paix, l’absence de reconnaissance mutuelle de l’ennemi entraîne souvent l’enlisement du conflit
intraétatique, renforcé par l’intervention d’acteurs extérieurs.

C. Des conflits marqués par des enjeux à différentes échelles, l’exemple de la Syrie.
La guerre civile en Syrie : lors des printemps arabes de 2011, des manifestations en faveur de la démocratie et des
libertés se multiplient en Syrie. Face à ce mouvement, le dictateur Bachar al-Assad décide d’envoyer l’armée. C’est le
début d’une longue guerre civile qui oppose les forces gouvernementales aux troupes qui rejoignent les insurgés. Dans
un pays marqué par une grande diversité, les oppositions ethniques ont renforcé les tensions comme entre les Kurdes
et les Alaouites. Au total, cette guerre civile oppose le régime des groupes islamistes, dont Daech et des groupes
indépendantistes (armée kurde).

Les acteurs extérieurs au cœur des tensions : Le conflit en Syrie ne peut se comprendre sans prendre en compte le
jeu des puissances et des acteurs régionaux et mondiaux :

- A l’échelle régionale, l’Arabie Saoudite a très vite soutenu les insurgés syriens pour affaiblir un des principaux
alliés de son ennemi ultime, l’Iran qui de son côté, soutient militairement Bachar Al-Assad et envoie des
groupes paramilitaires venus du Liban, le Hezbollah, pour aider le pouvoir central.
- A l’échelle internationale, Bachar Al-Assad peut s’appuyer sur le soutien de la Russie alors que les insurgés ont
eu un soutien timide de la part des Occidentaux, notamment à destination des Kurdes.
- L’arrivée de Daech a achevé de complexifier la guerre en Syrie, amenant Russes et Américains à bombarder le
même ennemi, tout en soutenant des acteurs eux-mêmes en guerre.

Conclusion :

Face à la multiplication des conflits asymétriques et du terrorisme transnational, la théorie de Clausewitz est largement
remise en cause. En effet, les succès militaires n’engendrent pas forcément des succès politiques : si les Occidentaux
ont réussi à détruire l’État Islamique qui s’était mis en place en 2014 en Syrie et en Irak, cela a profité au dictateur
syrien Bachar Al-Assad alors que les Occidentaux ont été frappés en représailles par des attentats, donnant
l’impression d’avoir perdu le conflit. Plus généralement, c’est le concept même de la guerre et de la paix qui est à
remettre en cause. Sans déclaration mais pas sans conséquences, les conflits actuels marquent durablement les
sociétés. Dans les pays occidentaux, le vocabulaire de la guerre est omniprésent, renforçant le sentiment d’un monde
en guerre. Pour autant, le concept de Clausewitz n’est pas mort car les objectifs politiques restent au cœur des enjeux
militaires comme en témoigne la lutte entre les groupes terroristes pour l’hégémonie de la lutte.

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